Belgiques: Pas des anges
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À propos de ce livre électronique
Belgiques est une collection de recueils de nouvelles. Chaque recueil, écrit par un seul auteur, est un portrait en mosaïque de la Belgique. Des paysages, des ambiances, du folklore, des traditions, de la gastronomie, de la politique, des langues… Tantôt humoristiques, tantôt doux-amers, chacun de ces tableaux impressionnistes est le reflet d’une Belgique : celle de l’auteur.
Découvrez la vision de la Belgique, des Belgiques, au travers du regard d'une auteure belge qui vous emmène dans ce pays qu'elle aime.
EXTRAIT
Alors, elle s’avance en longues enjambées, elle traverse la clairière aux fougères et aux myrtilles, elle semble ouvrir un chemin dans une jungle européenne, verdures de hauts bouquets, larges palmes ajourées comme la dentelle de Bruxelles, il y a en elle une avidité dont elle mesure la cause, dans un autre pays que le sien, moins porté sur la poésie du décalage, on dirait que c’est une obsession, quelque chose qui taraude et qui doit s’assouvir au plus vite, pas scandaleuse vraiment, cette obsession, (retrouver l’endroit en forêt où elle a connu des bonheurs inhabituels), pas scandaleuse, non, même si elle est quasi incontrôlable, oui, il lui faut aujourd’hui l’assouvir tout de suite, là, rendant sa marche sauvage, sinon, elle, la jeune femme, se sentira envahie par une fatigue immense comme un désespoir d’amour, sentira son corps, muscles et nerfs, sang et viscères, se vider de toute énergie, elle ressentira la honte de se retrouver sans force et même, disons-le, dépourvue de violence, elle le regretterait, parce que, souvent, la violence se situe du côté de la vie, c’est moche, mais c’est comme ça !
À PROPOS DE L'AUTEUR
Françoise Lalande a vécu dans de nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine. Elle vit actuellement à Bruxelles (Belgique) et Tiznit (Maroc). Auteure d’une vingtaine de titres parmi lesquels : Nous veillerons ensemble sur le sommeil des hommes, Sentiments inavoués, La Séduction des hommes tristes, Alma Mahler. À côté de textes consacrés à Rimbaud, elle interroge l’après-Auschwitz, le monde mauvais qu’il a engendré.
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Aperçu du livre
Belgiques - Françoise Lalande
Perec au Petit Royaume
Oui, Perec a dit oui.
Quand le Petit Royaume lui envoie une invitation, lui, l’auteur de La Vie mode d’emploi, il accepte toujours. C’est qu’il y a des amis, ceux de son histoire juive et ceux de sa vie d’écriture, un peu une Internationale des décalés, entretenir un rapport classique, respectueux des règles, ce n’est pas son genre, non ! Perec est un écrivain ludique, qui sait mieux que quiconque, peut-être même mieux qu’un enfant, que le jeu, c’est sérieux, drôlement sérieux, que dans le jeu, il y a des règles qu’il faut respecter, sinon le jeu bascule, alors le sol bascule aussi. Or, ceux qui sont nés Belges manifestent de façon naturelle leur plaisir à secouer la langue française, ils éprouvent une douce jouissance à marcher dans les marges, ils ont aussi l’irrésistible pulsion de croire que la planète est leur domaine.
Mais chez certains poètes belges, tout cela n’est pas encore assez. Il leur faut, en plus, inscrire dans leur chair l’histoire toujours recommencée de la douleur et du bonheur de vivre. Perec est de cette famille, un cousin, un Français originaire de Pologne, à l’instar des Belges venus du même horizon, Lublin, Tallinn, avec des textes plein la tête et rien dans les valises.
Perec se rendra donc au Petit Royaume, pour participer à une lecture publique de poèmes, de textes en prose, d’extraits de théâtre. La performance qui s’intitule La nuit découvre le ciel aura lieu le 16 mai 1980. Elle se tiendra au fond d’une mine désaffectée, dans la Wallonie ravagée économiquement depuis la fermeture des charbonnages. Le lieu et le projet lui plaisent, cela le changera des librairies et même des réunions entre copains d’Oulipo.
Mais avant le voyage, la foudre a frappé dans l’appartement parisien, le médecin a osé dire la vérité à Perec : la grignoteuse de vie a repris vigueur à son sujet.
Malgré cette catastrophe intime, Perec ne renonce pas au voyage en Belgique, il lira ses textes au fond d’une mine, peut-être va-t-il y retrouver des amis belges et français, italiens, tunisiens, il espère que Denis Roche a été invité, il a besoin de son soutien, Denis Roche lui donne toujours la sensation d’être un homme solide alors que lui, en cet instant, n’est plus que faiblesse.
En cours de route, quelques premiers verres de vin, pour supporter la chiennerie annoncée, car dès cet instant, Perec ne doute plus de sa mort jeune.
Lorsqu’il arrive au lieu du rendez-vous, il observe la joie, l’excitation des invités et sur-le-champ, il se sent étranger à cette foule de joyeux drilles, il regrette d’être venu, il accepte les verres de vin offerts aux participants, il se sent mal, il commence à détester ce qu’il est en train de vivre. Il observe les autres, il sent qu’un désir de méchanceté se développe en lui. Ce n’est pas ce qu’il espérait, ce n’est pas ce qu’il voulait. Mais parfois, le gentil Perec cessait d’être gentil, ce qui surprenait tout le monde, et dans ces moments-là, il était méchant comme personne.
La descente des poètes dans la cage d’ascenseur qui emportait jadis les ouvriers vers le fond de la mine, le grincement métallique des poulies, la lumière pauvre qui confère aux visages un air de revenants, les bruits nouveaux, inconnus, qui emplissent les boyaux des galeries, la salle enfin, où la folle performance poétique va se dérouler, lui mettent le cœur dans la gorge. Il déteste tout et tout le monde, il va le leur dire, il se le promet, en attendant son tour d’avancer au-devant des hommes et des femmes qui se réjouissent de sa présence, gratifiés de partager ces heures poétiques avec un écrivain qu’ils admirent, amusés de se retrouver dans le ventre de la terre, lui, Perec, il boit, verre après verre, pour chasser la peur de la mort et la détestation des autres.
Il a remarqué que cette performance sera enregistrée, et il s’en fout ! Pourquoi donc Denis Roche n’est-il pas présent ? Il pose la question aux organisateurs. Peu satisfait par leur réponse trop désinvolte à son goût, il commence à parler fort, il répète Je suis déçu que Denis Roche ne soit pas là, pas invité ? il devient mauvais, il ajoute que Denis Roche vaut mieux que la plupart des poètes ici présents et, chose étrange, les gens ne semblent pas s’en formaliser, ils rient, eux-mêmes sont imbibés, alors ils rient, Perec les taquine, ils rient.
Entre du n’importe quoi et des textes respectables, la soirée avance. On a l’impression que personne n’écoute, que tout le monde parle, chacun a du génie, même Perec dont ce n’est pourtant pas le genre, mais oui ! cette nuit-là, au fond de la mine de charbon, en Wallonie, il a lancé son génie dans la trogne des autres, il les méprise et il leur dit, oui, le gentil Perec dit, cette nuit-là, qu’il leur est supérieur, que beaucoup d’entre eux ne sont que des cloches, il a eu du mal à leur dire, non parce qu’il aurait éprouvé au dernier moment la gêne de les blesser, mais parce que l’alcool et la désespérance tétanisaient sa langue, quand il est venu au micro, il a produit un son étrange, comme s’il éternuait et pouffait de rire en même temps, et la salle a éclaté de rire, elle a rigolé plus encore parce qu’il s’acharnait à reproduire ce bruit dans le micro, comme s’il voulait commencer une lecture et n’y arrivait pas, il semblait un pantin dont la langue se paralysait. Il était irrésistible ! À chacun de ses éternuements mélangés à une explosion de rires, les autres poètes se tenaient les côtes.
Jusqu’au moment où Perec a maîtrisé son impuissance verbale, il a émis, enfin, un sanglot violent, là, plus question de rire, de prendre les sanglots pour des éternuements, plus question non plus de ne pas comprendre le mépris qui se déversait sur eux, les insultes à leurs textes, Perec se