Entre ciel et enfer
Par Nadia M. Ibrahim
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Après avoir traversé de nombreuses épreuves difficiles entre l’Algérie, l’Irak et l’Australie, Nadia M. Ibrahim a décidé de coucher son vécu sur papier. Elle offre ainsi une source d’inspiration et de soutien à ceux qui pourraient vivre des situations similaires.
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Aperçu du livre
Entre ciel et enfer - Nadia M. Ibrahim
Chapitre I
Lydia relut pour la troisième fois la lettre qu’elle venait de recevoir. Les mots dansaient devant ses yeux sans qu’elle puisse réellement en assimiler le contenu. Elle, qui n’écrivait ses « petits » poèmes que pour elle-même et n’avait jamais prétendu être une véritable poétesse, venait de recevoir une invitation pour participer au Merbed, une rencontre internationale annuelle d’écrivains et de poètes qui avait lieu depuis des décennies à Bagdad en Irak. Avec ses petits poèmes, elle était loin d’imaginer qu’un jour elle serait officiellement invitée au Merbed et à Bagdad. Bagdad ! la ville de Shéhérazade et les Mille et Une Nuits. La cité des merveilles, dansant entre le Tigre et l’Euphrate, rêve et réalité. La ville où toutes les fantaisies sont permises. Lydia regarda encore une fois le papier avec les armoiries officielles du gouvernement irakien. L’événement aurait lieu début décembre, et ce mois de décembre 1995 allait changer le cours entier de la vie de la jeune femme.
Lydia était professeur de biologie à l’université d’Oran en Algérie. À 27 ans, de petite taille d’à peine un mètre cinquante-cinq, une silhouette fine et un visage rond aux cheveux châtain clair coupés courts, des yeux noisette aux reflets verts, toujours cachés derrière les lunettes qu’elle portait depuis l’âge de douze ans, la jeune femme semblait être, à peine âgée de16 ou 17 ans. Sa vie ressemblait à celle de centaines d’Algériennes qui avaient bravé la peur pour continuer à vivre dans un pays déchiré par une guerre civile qui durait depuis quatre longues années et dont la fin ne semblait guère très proche. L’Algérie était la proie d’un conflit opposant un terrorisme inconnu à un peuple qui ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait et pourquoi rien ni personne ne faisait le moindre effort pour lui procurer la sécurité qui représentait le moindre des droits dans ce pays pourtant fort et puissant par son armée et son système juridique. Dans cette Algérie où les voitures piégées fauchaient des vies innocentes à chaque coin de rue, où les attentats contre les intellectuels étaient monnaie courante, Lydia, tout comme de nombreuses autres personnes, refusait de céder aux menaces de mort et de fuir l’Algérie. Elle continuait à lutter à sa manière contre ce courant qui cherchait à draguer le pays des siècles en arrière. Elle avait appris à vivre avec la peur et le courage, car elle ne savait jamais si elle retournerait, à son domicile en vie, à la fin de la journée. Elle avait décidé de mettre en veilleuse la terreur de voir en toute personne marchant en contresens un potentiel terroriste qui, arrivé à son niveau, sortirait, peut-être, une arme pour mettre fin à son existence, à cette petite lumière qui continuait à briller dans un tout petit coin de ce vaste pays où l’obscurantisme gagnait du terrain.
Lydia vivait à Oran, loin de ses parents qui résidaient toujours dans son village natal à quelques kilomètres de Mostaganem, surnommé « le triangle de la mort », où personne n’osait s’aventurer sans risquer de perdre littéralement la tête. La région était déclarée zone libérée. Pendant la journée, la vie semblait plus ou moins normale. Mais la nuit appartenait aux groupuscules qui prenaient possession des lieux, commettant meurtres et décapitations sans que ni les casernes militaires ou même les postes de police, pourtant à proximité, fermés dès le coucher du soleil, n’interviennent. Chaque jour, les habitants enterrent leurs morts en se demandant qui serait la prochaine victime. Dans cet environnement terrifiant, ses parents et sa petite sœur continuaient de vivre, alors que deux de ses frères avaient depuis longtemps quitté le pays à la recherche de nouveaux cieux, libres et en sécurité. Son troisième frère, un officier de police stationné aux alentours d’Alger, ne donnait de ses nouvelles que par téléphone.
Partagée entre la peur et le courage, Lydia contemplait, confuse, l’invitation et se demandant comment le ministère de la culture en Irak avait pu se procurer ses coordonnées. La seule possibilité était le professeur Kadem. Elle se rappela la conversation qu’elle avait eue quelques mois auparavant avec son ancien professeur de physique d’origine irakienne, qui était devenu son collègue plus tard et qui, au cours d’une discussion dans la salle des professeurs, lui avait demandé si elle n’avait jamais pensé à visiter l’Irak. Elle avait répondu qu’elle n’avait jamais envisagé cette possibilité, vu la délicatesse politique du pays après la guerre du Golfe et l’embargo imposé à son gouvernement et son peuple. Le professeur Kadem lui avait fait promettre d’honorer une invitation officielle si l’occasion se présentait. Elle avait souri poliment à son collègue, sachant que des séminaires scientifiques, qui seraient éventuellement la seule raison d’une visite en Irak, étaient quasiment impossibles, mais n’avait jamais pensé que ses gribouillages poétiques allaient être la source d’une telle opportunité. Encore une fois, elle regarda le papier en se demandant ce qu’elle pourrait faire dans un séminaire pareil. Mais qu’importe, cette invitation pourrait peut-être lui offrir l’opportunité de quitter, pour quelques semaines, l’atmosphère pesante d’Oran et de se rendre dans la ville mythique qu’était Bagdad, associée aux djinns et aux anges, bien qu’au fond d’elle-même, une petite voix, lui rappelait que l’Irak subissait également une autre version de terrorisme. Celle du régime de Saddam Hussein. Sa raison et sa conscience lui dictaient de refuser, mais une petite voix au fond de son cœur lui chuchotait que cette invitation représentait une chance inattendue de s’échapper, ne serait-ce que pour quelques jours, de son propre monde. Confuse, Lydia glissa la lettre du consulat irakien dans son cartable au milieu de ses notes du cours de biologie qu’elle venait de terminer et copia la fameuse Scarlett O’hara dans « autant en emporte le vent » en se disant : J’y penserais demain.
En ce début octobre, l’année universitaire était déjà entamée. Lydia avait pris la décision de se rendre à Bagdad pour le Merbed. Mais elle devait s’organiser avant la date de départ prévu le 27 novembre. Elle oscillait sans arrêt entre l’excitation et la peur. D’un côté, elle était enthousiaste à l’idée de visiter un pays qu’elle connaissait si bien à travers les lectures, mais la crainte de l’inconnu lui donnait des frissons qu’elle ne pouvait éviter. Les pays du Golfe avaient toujours été un mystère. Elle avait ses propres opinions sur la condition féminine au Moyen-Orient, qu’elle jugeait parmi les moins valorisées au monde, les femmes étant complètement soumises aux hommes malgré les richesses dont elles étaient couvertes. L’Irak ne faisait pas exception, avec la dictature absolue de Saddam en place. Son anxiété face à la possibilité de rencontrer une forme nouvelle de terrorisme amplifiait ses craintes. Néanmoins, elle choisit de repousser toute réflexion négative et ne penser qu’au côté exotique de cette aventure.
Une simple valise à la main, Lydia arriva à l’aéroport d’Alger. Vêtue d’un tailleur saumon à la jupe juste en dessous des genoux et des escarpins à talons carrés, elle ressemblait à une enfant fragile. Au parking presque vide, seuls les taxis exclusivement réservés à l’aéroport étaient stationnés. Tout véhicule particulier était interdit depuis le début du conflit de peur de voitures piégées. Elle se glissa dans le premier taxi de la file pour se rendre à Hydra, le quartier où se situait l’ambassade d’Irak. Le trajet était à la fois long et ennuyeux. Tout ajoutait au sentiment de malaise que Lydia ressentait à chaque fois qu’elle se déplaçait à la capitale. La densité du trafic sur l’autoroute de l’aéroport, l’inhabituelle chaleur en cette fin d’année, l’odeur d’échappement des voitures engagées dans une bataille de châssis contre châssis et même la voix du chauffeur qui parlait sans arrêt, tout était source se stress. Les nombreux barrages policiers, supposés instaurer une certaine sécurité, contribuaient plutôt à ralentir la circulation. Le chauffeur ne cessait de se plaindre de tout à Alger, le terrorisme, l’armée, la police, le coût de la vie, même de l’air pollué et irrespirable. Lydia fut soulagée de voir le panneau indiquant la sortie pour Hydra. Contrairement au reste de la ville, ce quartier était riche et soigné. Les bâtiments vétustes aux balcons transformés en pièces additionnelles étaient absents ici. Les villas, avec jardins aux clôtures couvertes de fleurs, étaient bien soignées. Même les voitures semblaient neuves à Hydra. Le quartier des ambassades était protégé de tous côtés par des policiers en tenue d’apparat, armés jusqu’aux dents et soutenus par des véhicules blindés qui bloquaient presque toutes les issues, contrôlant tous les véhicules sauf ceux avec une plaque diplomatique bien visible. Le taxi de Lydia fut, lui aussi, arrêté et fouillé. Les documents du chauffeur et de sa passagère furent vérifiés avant qu’ils puissent continuer. Les ambassades étaient à proximité les unes des autres. Les drapeaux des différents pays flottaient au sommet des bâtiments. Plus l’État était économiquement puissant, plus grande était la surface de son ambassade. Devant celles de certains pays européens, des centaines de personnes, principalement des jeunes, se pressaient avec des papiers et des passeports à la main, attendant d’être reçues pour déposer une demande de visa qui leur permettrait de quitter leur enfer quotidien. Le taxi s’arrêta finalement devant une bâtisse qui ressemblait plutôt à une prison, avec des murs très hauts finis par des fils de fer barbelés et des portes blindées surveillées par un garde. Le drapeau irakien flottait au-dessus du bâtiment. Lydia ressentit un serrement au cœur en voyant cette forteresse. Le chauffeur, payé à l’avance, déposa la valise de Lydia et disparut en un clin d’œil, comme s’il ne voulait pas être vu à cet endroit. Incertaine de ce qu’elle devait faire, Lydia s’approcha du policier qui semblait somnoler et lui demanda comment elle pouvait accéder à l’ambassade. Sans un mot, le jeune homme pointa le doigt vers l’interphone que Lydia n’avait pas remarqué. Elle sonna et la porte s’ouvrit automatiquement. À peine entrée, la lourde porte se referma. Une autre porte, en verre cette fois-ci, la séparait de la réception. Enfin, elle se retrouva dans une pièce presque vide faisant office de réception. Mis à part le bureau, une chaise et un vieux canapé, la pièce était dénuée de tout autre meuble. Un employé assis derrière le bureau complètement dénudé de tout papier fixait une télévision diffusant une chaîne Irakienne d’après le logo en haut de l’écran. Incertaine de s’il fallait se présenter ou attendre qu’il lui parle, Lydia attendait patiemment. Probablement surpris par son silence, le monsieur se tourna dans sa direction. Il devait avoir la quarantaine, de teint mat, des yeux bleu azur et une imposante moustache rousse lui mangeait la moitié du visage. Lydia s’adressa à lui en utilisant l’Arabe classique qu’elle avait appris à l’école.
Il répondit poliment avec un sourire à peine retenu, en dialecte algérien avec un accent moyen-oriental.
Se sentant rougir, Lydia lui tendit l’invitation qu’elle avait retirée de son sac avant d’entrer. Il se leva immédiatement.
Elle prit place sur le canapé, qui semblait avoir connu des jours meilleurs en regardant autour d’elle tandis que le jeune homme composait un numéro sur le vieil appareil téléphone noir que Lydia avait uniquement vu chez ses grands-parents. Le mur en face d’elle était presque entièrement occupé par une carte géographique de l’Irak, avec, comme elle le nota, le Koweït annexé. Elle essaya d’estimer la distance depuis les frontières Jordano-Irakiennes jusqu’à Bagdad. La communication terminée, le réceptionniste lui proposa du thé, qu’elle n’eut pas le temps d’accepter ou de refuser, car un autre homme en costume gris et cravate rouge fit son entrée depuis l’intérieur de l’ambassade. Tout aussi grand que le premier, il avait la peau très blanche, mais ses cheveux et sa grosse moustache étaient d’un noir bien trop foncé pour être naturel.
Elle était contente de ne pas être la première. Avec un sourire bienveillant, Abou Hamza la précéda dans la petite cour intérieure dont plusieurs bureaux y donnaient et l’invita à accéder à celui du milieu, qui s’avéra être le bureau du consul. Lydia y pénétra timidement. C’était la première fois qu’elle était reçue à l’intérieur d’une ambassade et autorisée à entrer dans le bureau d’un diplomate d’un rang aussi haut. Son cœur battait la chamade. Contrairement à la modeste réception, la pièce était grandiose avec ses meubles de style arabesque, probablement importés d’Irak. Les tapis luxueux recouvrant le sol étaient tout simplement somptueux et les murs garnis de tableaux représentant la vie rurale irakienne. Comme l’avait dit Abou Hamza, trois hommes d’un certain âge étaient déjà présents. Ce dernier se chargea des présentations, mais Lydia ne put retenir aucun des noms. Le consul, avec des moustaches tout aussi imposantes que les deux premiers Irakiens, lui souhaita chaleureusement la bienvenue. Après avoir serré la main de chacun des présents avec un sourire poli sans dire un mot, elle s’assit sur une chaise restée vacante après que les trois Algériens, apparemment bien plus âgés qu’elle, eurent occupé le majestueux canapé.
L’un des trois poètes venus de Constantine à l’est de l’Algérie se tourna vers elle avec un sourire.
Les Algériens remirent leurs passeports à Abou Hamza. Jamais auparavant, les formalités de visa n’avaient été aussi simples pour la jeune femme. Elle n’était pas habituée à prendre un café avec le consul, alors que le personnel de l’ambassade s’occupe à faire le nécessaire. À la fin, dictature ou pas, elle savourait ce nouveau plaisir qui n’était pas si mal.
Tout au long de la matinée, poètes, écrivains et journalistes en route vers Bagdad affluèrent à l’ambassade d’Irak. La délégation représentant l’Algérie au Merbed cette année comptait 21 hommes et 3 femmes, dont Lydia. Presque tous les autres participants étaient des professionnels, certains d’entre eux, même très connus. Lydia se sentait comme le vilain petit canard avec ses modestes écrits que personne ou presque n’avait encore lus. L’une des jeunes femmes, qui allait être sa compagne de voyage, se distinguait des autres.
Djamila était difficile à décrire. Une femme qui occupait l’espace où elle se trouvait, tant par son physique que par sa personnalité. À première vue, on serait intimidé par cette montagne faite femme, qui ne parlait pratiquement que l’arabe classique qu’elle maîtrisait à la perfection. Alors que Lydia n’avait qu’un Arabe très basique. Elle sentait qu’elle aurait besoin d’un dictionnaire pour pouvoir suivre ce qui se passait entre Djamila et l’inspecteur d’académie venu de Sétif, avec lequel, elle semblait bien familière. Tous deux devaient être assez connus dans le milieu littéraire arabe, mais Lydia ne savait pas du tout qui ils pouvaient être. Pratiquement tout le monde dans la pièce se connaissait, soit personnellement, soit de nom. Tandis qu’elle ne connaissait personne et personne ne la connaissait. Au fils de la matinée, perdue dans des discussions dans un arabe parfait, elle se sentait de plus en plus embarrassée. De plus, tous étaient beaucoup plus âgés et plus grands qu’elle. Avec sa petite taille, ses quarante-cinq kilos et ses lunettes correctives, elle donnait l’impression d’être une enfant perdue au milieu de ce monde. Djamila fut la première à lui adresser la parole. Sa voix était à la fois puissante et apaisante, et son sourire adoucissait ses traits. Lydia ressentit immédiatement de la sympathie envers cette femme impressionnante.
Lydia sentit ses joues rougir. Prétendre participer à une rencontre internationale de poésie sans avoir publié le moindre vers était assez audacieux.
Djamila plaisait beaucoup à Lydia, qui souriait en observant sa réaction face à ce qu’elle allait lui révéler.
Immédiatement, la personne à droite de Djamila, qui se révéla être professeur de littérature à l’université d’Alger, réagit avec un certain étonnement.
Lydia commençait à se sentir mal à l’aise. Heureusement, Abou Hamza vint à la rescousse.
Lydia était soulagée. Elle avait l’impression d’être le vilain petit canard, car la majorité des présents militaient pour l’arabisation du pays, s’opposant ainsi à la langue de Molière, héritage du colonisateur. Seule Djamila vint à sa rescousse.
Soudain, comme si elle se rappelait quelque chose d’important, Djamila se tourna vers Abou Hamza, qui, comme Lydia l’apprendrait plus tard, était originaire du village natal de Saddam Hussein. Tous ceux qui travaillaient à l’ambassade le craignaient, car il avait le pouvoir de mettre fin à leur carrière ou même à leur vie d’un simple rapport.
La discussion continua toute la matinée autour des thèmes de la guerre en Irak et de l’embargo économique. De temps en temps, Djamila se tournait vers Lydia pour l’encourager à participer, sans succès apparent. Soudain, un cri de joie retentit parmi les personnes proches de la porte.
« Ah !!!! Ibn Echatee. »
Un nouvel arrivant fit son entrée dans la pièce sous les embrassades et les accolades. Même Djamila se leva pour enlacer le monsieur qui parlait et saluait tout le monde en même temps avec un fort accent palestinien. Arrivé devant Lydia, il s’arrêta pour la regarder en clignant les yeux avec curiosité.
Un homme amical, qui avait été silencieux jusqu’à présent, se tourna vers Lydia et lui demanda :
Un jeune employé du consulat entra avec les passeports et les visas. Le consul remercia tout le monde et leur expliqua qu’il ne leur restait plus qu’à se rendre à l’ambassade de Jordanie pour obtenir le visa de transit nécessaire pour le voyage d’Amman à Bagdad par la route. C’était à deux pas, et Abou Hamza suggéra qu’ils laissent leurs bagages pour éviter de les transporter pendant les formalités.
L’aller-retour ne prit pas plus d’une heure et le groupe se retrouva de nouveau face à Abou Hamza, qui leur dit.
En fait, Oum Hamza avait préparé un festin. Lydia remarqua les différents plats à base de viande et de poisson, bien au-delà de la bourse de ce que la plupart des Algériens, mais tout était pris en charge par l’ambassade, probablement. Les invités se régalèrent du repas, suivi d’un bon thé à la tradition orientale. Les discussions, de toutes sortes, initiées à l’ambassade, se poursuivirent toute l’après-midi. Finalement, Monsieur Gharbi donna le signal de départ et Djamila se tourna vers Lydia :
Il ajouta avec une tonalité paternelle :
Cela ne déplaisait pas à Lydia, car vu les circonstances que vivait le pays, séjourner à l’hôtel aurait été risqué pour une femme seule. Ainsi, Lydia et Djamila furent logées dans une grande chambre au deuxième étage de la somptueuse villa où vivait Abou Hamza avec sa femme et ses deux garçons, qui n’étaient apparus que pour saluer les invités avant de disparaître. La maîtresse de maison avait une beauté typiquement orientale, avec de grands yeux marron et de longs cheveux noirs. Elle était surprise de voir que ces jeunes femmes voyageaient seules, bien