À l'ombre des patriarches
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À propos de ce livre électronique
Parallèlement, Maïssa, flic palestinienne, enquête sur un enlèvement. Les deux affaires vont se croiser, s’imbriquer et obliger les policiers à travailler ensemble dans un climat de suspicion généralisée, où rien n’est simple et où il ne faut surtout jamais se fier aux apparences.
Avec ce passionnant thriller, réédité dans une version revue et actualisée, l’auteur nous embarque en Cisjordanie, où il a vécu. Émaillant son récit d’anecdotes authentiques, sans jamais prendre parti et sans manichéisme, il aborde très justement le quotidien sur place et le conflit israélo-palestinien.À PROPOS DE L'AUTEUR
Pierre Pouchairet s’est passionné pour son métier de flic. Passé par les services de Police judiciaire de Versailles, Nice, Lyon et Grenoble, il a aussi baroudé pour son travail dans des pays comme l’Afghanistan, la Turquie, le Liban… Ayant fait valoir ses droits à la retraite en 2012, il s’est lancé avec succès dans l’écriture. Ses titres ont en effet été salués par la critique et récompensés, entre autres, par le Prix du Quai des Orfèvres 2017 (Mortels Trafics adapté en film sous le titre Overdose par Olivier Marchal) et le Prix Polar Michel Lebrun 2017 (La Prophétie de Langley). En 2018, il a été finaliste du Prix Landerneau avec Tuez les tous… mais pas ici.
En savoir plus sur Pierre Pouchairet
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Aperçu du livre
À l'ombre des patriarches - Pierre Pouchairet
PROLOGUE
Kaboul, Afghanistan, mars 2012
Il pleuvait sur Kaboul. Pour cette ville, éternellement balayée par une poussière fine malmenée par un vent sec, la pluie ressemblait à une aubaine, un don presque divin. Le fait de respirer un air lavé à grande eau était un plaisir rare dont nul ne se plaignait. Le jour se levait, il était tout juste 5 heures.
Un groupe apparut à la porte de la mosquée Khan Abdul Rahman. Dans ce pays, peuplé de fervents religieux, la prière du matin attirait bon nombre de fidèles et marquait le point de départ des premières agitations urbaines. Quatre hommes focalisèrent sur eux l’attention de quelques regards curieux. Ils n’étaient pas d’ici. Les Afghans ne se posaient plus de questions lorsqu’un comportement, une attitude ou des gens leur paraissaient étranges. Depuis le renversement de Mohammad Zaher en 1973, le pays ne vivait plus qu’à l’heure des drames et des guerres. La population exsangue ne croyait plus en rien. Vivre une journée paraissait déjà à chacun un petit miracle. Dans ce contexte, inutile de se mettre en péril en s’occupant des autres.
La barbe longue, bien coupée, ils étaient vêtus de propre, signe qu’ils avaient pris soin d’eux avant de sortir dans la rue. Leur apparence n’était pas seulement due aux ablutions matinales en vue de la prière, mais surtout au désir qu’ils avaient d’accomplir dignement leur mission avant de se présenter au rendez-vous qui les attendait.
Les visages étaient graves, tendus, la prestance des corps révélait une volonté sans faille. Des hommes dans la force de l’âge, dont la peau burinée reflétait de longues expositions au soleil. Leurs vêtements étaient un mélange entre la tenue traditionnelle afghane, constituée d’un pantalon ample et d’une longue chemise, et des apports plus occidentaux, comme les vestes en duvet et leurs chaussures, une copie pakistanaise des Timberland montantes. Ils n’échangèrent aucun mot et demeurèrent quelques instants immobiles, les yeux perdus vers le ciel, comme s’ils s’enivraient de l’air matinal. Ce n’est qu’après cette courte pause qu’ils avancèrent d’un pas rapide jusqu’à une Toyota Corolla blanche garée à proximité du ministère de l’Éducation, sur Asmayi Road, le long de Zarnegar Park.
Ahmad, le plus jeune d’entre eux, prit le volant. Leur chef, Freidoune, s’assit près de lui et inséra un CD dans le lecteur. Les deux autres montèrent à l’arrière. Le silence fut rompu par une voix forte, celle de mollah Damullah, leur mentor… Le religieux taliban récitait des versets du Coran. Le rythme lancinant, presque musical, s’insinua dans les têtes, comme si cette écoute les hypnotisait. D’un revers de manche, Ahmad se frotta le visage. Ce n’était pas uniquement les restes de pluie qui mouillaient ses yeux et leur donnaient un éclat étrange, presque angoissant.
Il démarra, passa devant l’Hôtel Serena, tourna à gauche et longea le lycée français. Derrière ce bâtiment se trouvait le palais présidentiel. Il pensa à ce pourri de Ghani et à son prédécesseur Karzaï. Tous deux iraient un jour en enfer.
Un dispositif policier interdisait la route du ministère des Affaires étrangères, la présence des uniformes ne les inquiéta pas outre mesure. Il continua et longea le commissariat central de Kaboul puis bifurqua sur la droite et suivit le mur d’enceinte de l’ambassade d’Iran jusqu’à l’avenue Shar-e-Nao, encore peu animée. Il tourna sur la gauche et ils cherchèrent une rue perpendiculaire à même de leur offrir un peu de tranquillité.
— Là ! lança Freidoune.
Le brusque coup de volant surprit les voyageurs autant que les amortisseurs. La carcasse tangua, souleva une gerbe de boue et se retrouva dans une ruelle en terre. Ils n’eurent pas à poursuivre longtemps pour localiser un endroit qui semblait convenir. Ahmad immobilisa la Corolla. Silence. Ils descendirent tous les quatre pour se retrouver à l’arrière de la voiture, sous la pluie. Freidoune ouvrit le coffre. Il était rempli de ce qui aurait pu paraître un mélange hétéroclite : des bouteilles de gaz, des sacs d’engrais, de la ferraille et, au-dessus, quatre gilets explosifs prêts à l’usage. Chaque vêtement, tel qu’il était confectionné, aurait les mêmes effets qu’une dizaine de grenades défensives : des billes de métal, des vis, des boulons, fondus dans le mélange de cordite et de substances chimiques, produiraient une onde mortelle et destructrice sur un rayon de plusieurs dizaines de mètres. Une simple pression sur un bouton suffirait. Une action qui leur vaudrait d’accéder au paradis des shahid¹.
Sous les gilets se trouvaient trois Kalachnikovs, une arme qu’ils connaissaient parfaitement pour l’avoir pratiquée lors de longues heures d’entraînement en zone tribale à la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan, un espace de non-droit où se réfugiaient les talibans afghans et les membres d’Al-Qaida. Une fois équipés, ils s’étreignirent longuement et remontèrent dans le véhicule.
Le mollah continuait sa litanie religieuse… Le son de sa voix chaude reprit rapidement sa place dans le cerveau et le cœur des passagers. Ahmad s’accrocha au rythme de la prière. Elle le guiderait jusqu’au bout de son chemin terrestre. Il retrouva facilement l’avenue de Shar-e-Nao. Encore quelques centaines de mètres et il bifurqua sur sa gauche en direction du centre commercial de l’Hôtel Safi Landmark. La rue était déserte. Il s’arrêta un court instant. Les portes s’ouvrirent. Il ressentit des caresses rapides sur ses épaules, un dernier geste fraternel de la part de ses deux compagnons assis sur le siège arrière. Freidoune le regarda.
— Tu vas nous précéder, mon frère. Nous ne serons pas longs à te rejoindre. Dieu est avec nous, nous n’avons rien à craindre.
Les portières claquèrent. Ahmad était maintenant seul. Le moteur de la Corolla ronronnait doucement, il pensa au souffle d’un animal. Dans un éclair, il se vit à cheval et se rappela le calme de sa monture lorsqu’elle attendait d’être sollicitée pour foncer dans la mêlée d’un bouzkachi. Il en revint rapidement au moment présent. Il avait eu peur d’avoir peur, de ne pas être à la hauteur de sa tâche, pourtant sa détermination était bien là, intacte. Le cœur dans sa poitrine cognait un peu plus fort, ses mains tremblaient légèrement, rien de grave. Il ne faillirait pas. Il eut une pensée pour les siens. Les visages de son épouse et de ses enfants, tués lors d’un raid de la coalition, lui apparurent brièvement. Ses articulations blanchirent, tant il tenait fermement le volant. Il se mit à entonner « Allah Akbar » plusieurs fois, comme s’il s’échauffait, et finalement écrasa l’accélérateur. Le moteur de la Japonaise rugit.
Son objectif se trouvait de l’autre côté du pâté de maisons. Un virage, les pneus crissèrent, puis un second, plus serré. Il aperçut ses camarades sur le trottoir et crut croiser le regard de Freidoune. Ils devaient être fiers de lui. La voiture fit une embardée, il faillit en perdre le contrôle, elle se rétablit. Encore trente mètres… Devant lui le portail d’une bâtisse de deux étages : l’hôtel Al-India, une résidence d’expatriés, en majorité des Indiens employés dans un hôpital de la ville. De chaque côté de la porte : des gardes. Il eut le temps de voir leurs visages surpris. Le choc de la voiture sur la grille de l’entrée. Il crut passer à travers le pare-brise. Il rebondit sur le siège. Derrière la grille : une herse. Les quatre pneus éclatèrent. Il en aurait fallu plus pour arrêter la Corolla. Elle termina sa course dans le hall, devant les yeux effarés des gardes et de quelques témoins. Une courte accalmie. Le silence. Des cris !
Freidoune et les deux autres talibans, abrités par l’auvent d’une boutique, suivirent Ahmad des yeux jusqu’à ce que la voiture disparaisse dans la cour de l’hôtel. Freidoune sortit de sa poche un petit boîtier en plastique de la taille d’un paquet de cigarettes. Au milieu, un unique bouton. Une pression déchaîna un déluge de feu et de mort. Il y vit l’expression d’une punition divine. Il sourit.
Un bruit assourdissant, la voiture disparut dans une gerbe de flammes et de fumée. Le souffle de la déflagration et les débris projetés détruisirent les vitres des immeubles sur plusieurs centaines de mètres. Des monceaux de verre brisé recouvrirent la rue. Des immeubles subitement nus, comme s’ils étaient en cours de construction. Lorsque la fumée et la poussière furent écrasées par la pluie, il ne restait plus rien de l’hôtel. Disparu. Les deux étages avaient laissé la place à une excavation, un amas de débris et un enchevêtrement de ferraille.
L’explosion ramena les trois hommes dans l’action et effaça troubles et questionnements. Le premier, Freidoune, s’avança en direction de l’entrée d’un hôtel voisin. Ils avaient ordre de l’investir et de tuer tous les Occidentaux qu’ils y trouveraient. L’attaque d’Al-India n’était qu’une diversion mais elle convenait très bien aux commanditaires, les services secrets pakistanais. Porter un coup au voisin indien était toujours un plaisir.
Ils virent des gardes armés sortir en courant et foncer en direction des lieux. Trop abasourdis par ce qui venait de se passer, ces derniers ne se rendirent pas compte qu’ils laissaient l’accès libre aux tueurs. Freidoune connaissait l’endroit pour y avoir effectué des repérages. Leur objectif avait des allures de village de vacances. Il était constitué d’un alignement de chambres donnant sur un jardin central.
— Couvre-nous ! lança le chef taliban à l’un de ses hommes.
Le combattant s’abrita derrière un muret, posa un genou au sol et épaula sa Kalachnikov, prêt à en découdre avec gardes et policiers.
De leur côté, Freidoune et son compagnon restant commencèrent à s’attaquer à la première chambre. La serrure vola en éclats et ils tombèrent sur un homme terrorisé recroquevillé dans un coin. Un Afghan. Ils passèrent à la suivante.
Dans la cour, des clients affolés tentaient de fuir. Les deux talibans les mirent en joue. Un policier était dans le lot. Il fut abattu. Un Occidental passait le pas de sa porte. Freidoune ne réfléchit pas, la Kalachnikov calée contre sa hanche il envoya une rafale et regarda l’homme s’écrouler. Son compagnon fit de même, il tira sur un autre étranger en fuite. Deux Afghans tombèrent aussi, il le regretta, mais c’était Dieu qui guidait son arme. Il continua de rafaler l’Occidental dont le corps sans vie gisait déjà au sol. Derrière eux, des tirs éclatèrent. Leur frère venait d’engager le combat.
Il restait une dizaine de chambres à visiter et ils poursuivirent la fouille méthodique des lieux. C’est en soulevant le lit de la cinquième chambre que Freidoune découvrit un autre Occidental. L’homme le regarda, il prit appui sur ses avant-bras et cria deux fois, comme s’il l’insultait. Le taliban laissa retomber le lit et envoya une longue rafale de balles à travers le matelas.
À la fin de ce tour de propriétaire macabre, ils avaient exécuté au moins six étrangers et quelques Afghans, en majorité des policiers et des militaires. Une nouvelle explosion à l’entrée de l’hôtel signifia la fin de leur compagnon. Ils allaient devoir passer de l’attaque à la défense. Freidoune fit signe à son complice de trouver une position lui permettant d’avoir vue sur l’entrée et de le couvrir. Il disparut dans la résidence.
Le militant résista vaillamment pendant plusieurs minutes et ce n’est qu’à l’arrivée de forces d’intervention bien entraînées qu’il eut pleinement conscience que sa fin était proche. Déjà blessé, il sentait son énergie s’échapper. Après avoir essuyé un tir particulièrement nourri, il décida de ne plus répondre et trouva un abri lui permettant de se cacher et de se protéger. La détonation d’une grenade lui arracha les tympans, il était toujours vivant lorsque deux policiers entrèrent dans la pièce partiellement détruite. Ce fut presque un soulagement pour lui d’actionner la mise à feu de son gilet. L’explosion fit voler en éclats la chambre et projeta vitres, briques, mobiliers et débris humains aux alentours.
Un afflux de forces de sécurité permit enfin à quelques Afghans, clients de l’hôtel et employés réfugiés dans des combles, de quitter leur cachette et de fuir dans une course éperdue vers la rue.
Lorsque le calme revint et qu’il n’y eut plus de résistance apparente, les forces spéciales afghanes se lancèrent dans une visite de chaque chambre et de chaque recoin. C’est dans l’une des dernières pièces qu’ils découvrirent un gilet explosif et une Kalachnikov cachés sous un lit. Ils en conclurent qu’un des tueurs avait annulé son billet pour le paradis. Les vierges devraient patienter.
1 Celui qui est considéré comme un martyr par l’Islam.
PARTIE 1
Chapitre 1
Jérusalem, janvier 2024
Le froid, la pluie, voire la neige étaient annoncés. En l’état actuel, il paraissait pourtant bien difficile de donner crédit à des prévisions si pessimistes. La température était particulièrement clémente et même mieux que ça… Il faisait chaud, très chaud. Rien d’insupportable cependant. L’air sec absorbait la transpiration avant même qu’elle ne ruisselle sur les corps brûlants et la population, habituée aux chaleurs estivales, considérait qu’une trentaine de degrés au thermomètre était la norme.
Dans leur bureau de la direction de la police criminelle, Dany et Guy profitaient d’une période d’accalmie. Elles étaient rares en ce moment. Depuis les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2023 et la riposte de l’État hébreu, la guerre faisait rage à Gaza. Les relations entre Juifs et Arabes étaient au plus bas avec la crainte d’un embrasement total de la région. L’assassinat ciblé d’Ismaël Haniyeh, le leader du Hamas, lors d’une visite officielle de ce dernier en Iran faisait naître de nouvelles inquiétudes. Dans ce contexte, les accords d’Oslo n’étaient plus qu’un lointain souvenir. Dans ce contexte, nul ne savait de quoi demain serait fait.
Après avoir mis de l’ordre dans les dossiers en cours, les deux flics s’étaient plongés dans des lectures moins professionnelles. Dany parcourait les annonces immobilières et Guy lisait Le traité d’athéologie de Michel Onfray. Son collègue l’avait regardé sortir son bouquin avec méfiance. Il redoutait par avance l’étalage de connaissances dont il allait être abreuvé. Dany ne put s’empêcher de le titiller :
— La semaine dernière, c’était Spinoza. Dis donc, t’es en plein dans la philo…
Guy releva la tête et sourit.
— Avant la guerre, j’ai assisté à une conférence d’Onfray à l’Institut français. Aujourd’hui, au vu des événements, j’ai envie de le lire.
Trop complice pour ne pas comprendre où Dany voulait en venir, Guy le laissa macérer, avant de poursuivre :
— Ne t’inquiète pas, je te ferai le résumé dès que j’aurai terminé. Je veille sur ta culture personnelle.
Dany haussa les épaules et leva les yeux au ciel.
— Je brûle d’impatience.
Les deux hommes faisaient équipe depuis plusieurs années. Leur point commun : être d’origine française. Âgé de trente-six ans, Dany n’était en Israël que depuis huit ans. Natif de Nice, issu d’une famille juive pied-noir, ses parents avaient fait leur alya quand il avait vingt-cinq ans, alors qu’il débutait dans la police française. Il n’avait pas souhaité les suivre à l’époque et avait mal pris leur décision. Au décès de son père, terrassé dix ans plus tôt par une crise cardiaque, il n’avait plus eu le choix et s’était rapproché de sa mère. Il avait dû laisser un boulot qui lui plaisait, se mettre en disponibilité et repartir à zéro. Sa chance avait été d’avoir toujours parlé un peu hébreu grâce à ses grands-parents. Il avait continué de pratiquer cette langue, ce qu’aujourd’hui il ne regrettait pas. Inspecteur dans une unité d’investigation de la direction centrale de la police israélienne, il se partageait entre Jérusalem, où il travaillait et vivait dans un petit deux-pièces, et Tel-Aviv, où résidait sa mère. Il détestait l’orthodoxie religieuse de Jérusalem, un endroit où chaque communauté se sentait obligée de marquer sa différence par un affichage public et outrancier de sa religion, et adorait l’exubérance de Tel-Aviv, ses plages et sa vie nocturne.
Guy, pied-noir également, avait presque dix ans de plus que Dany. Arrivé en Israël avec ses parents alors qu’il était encore ado, il avait terminé ses études dans le pays. À l’inverse de Dany, sportif et beau gosse, Guy était grassouillet, hâbleur, avec des allures à la Patrick Timsit. Doté du charme et de la roublardise des Méditerranéens, il avait gravi les échelons policiers laborieusement. Lecteur infatigable de livres indigestes, il ne manquait jamais une occasion de partager sa science. Son côté pittoresque ne l’empêchait cependant pas d’être un redoutable limier, motivé et expérimenté, qui savait s’accrocher sur les affaires jusqu’à leur aboutissement. Les deux flics, surnommés « les Français » par leurs collègues, faisaient équipe depuis un bon moment déjà et étaient devenus inséparables.
Ils adoraient s’envoyer des piques. Le présent avait pourtant changé les choses, le temps n’était plus à la rigolade comme il avait pu l’être par le passé. À l’instar de la plupart des jeunes, le fils de Guy avait été rappelé sous les drapeaux pour combattre à Gaza. Il y était depuis plusieurs mois. Guy tentait de faire bonne figure, mais le cœur n’y était pas.
La sonnerie stridente du téléphone de Dany les sortit de leur léthargie. Le flic jeta un regard sur l’écran : le directeur. Pas bon ! Ils étaient de permanence et venaient pour sûr d’écoper d’une affaire. Guy leva un sourcil. Son collègue n’attendit pas la seconde sonnerie pour décrocher.
— Oui, monsieur.
Dany attrapa un stylo et une feuille de papier. Guy referma son livre en l’entendant répéter « Ras El-Amud » : le quartier arabe de Jérusalem était synonyme d’emmerdements. Et en ce moment, ils n’en manquaient pas. Quand il raccrocha, Dany releva la tête en direction de son binôme :
— Un cadavre, une gonzesse non identifiée, certainement une juive israélienne ou une étrangère.
— Tu veux dire « type caucasien », pour faire sonner à l’américaine ? Une blanche, quoi !
Dany haussa les épaules.
— Ouais. Allez, bouge ton cul. On a du boulot.
— On sait comment elle est morte ?
— Non, on ne sait pas. Les collègues du quartier nous attendent. La découverte du corps fait suite à un appel anonyme. Le légiste est prévenu. En tout cas, ce n’est pas une mort naturelle.
*
Ils déboulèrent sur le parking du commissariat avec leurs sacs contenant le matériel habituel et nécessaire aux premières constatations : papier, stylos, craies, dictaphone, appareil photo, sachets en plastique, d’autres en papiers, gants, ficelle, masque de chirurgien, protection de chaussures, charlotte… Et tout le matériel qui pourrait être utile en fonction des circonstances : lampe torche, couteau, pinces, clé à molette, pied de biche…
Dany prit le volant de leur voiture de service et ils empruntèrent l’avenue Ha-Shalom en longeant le couloir de tram. Il bifurqua ensuite vers la gauche de manière à gagner Suleyman street. Ils longèrent la vieille ville et passèrent devant la porte de Damas.
Du lever du jour jusqu’à la tombée de la nuit, ce quartier faisait l’objet d’une effervescence incroyable. Très tôt, il voyait arriver les dévots des trois religions se rendant sur leurs lieux de culte respectifs. Toute la journée, ils ne cesseraient de passer et de repasser. Arrivaient ensuite les commerçants du bazar ou des étals installés des deux côtés de la porte de Damas, puis leurs clients, une foule de ménagères, en majorité arabes, et enfin les touristes du monde entier. C’est ainsi que des Juifs orthodoxes, des Musulmanes entièrement voilées de noir et des gamines vêtues du strict minimum imposé par la décence, voire parfois un peu moins, se côtoyaient dans une promiscuité aussi étrange qu’unique au monde.
La foule et les voitures agglutinées derrière des bus arrêtés finirent par bloquer le véhicule de police.
— Mets la musique, je m’occupe de la lumière ! lança Guy. Il fouilla dans la boîte à gants et fit apparaître un gyrophare magnétique qu’il déposa sur le toit.
Le bruit de sirène attira les regards sans pour autant provoquer de réaction immédiate. Ce n’est que l’arrivée de policiers à pied, alertés par le remue-ménage, qui décida les bus à se garer correctement. Dany la joua viril. Il enclencha la première et embraya brusquement. Guy se retrouva collé au siège. La voiture dépassa les autres véhicules et se fraya un chemin dans la foule. La détermination fonctionna, route libre. La boîte à musique perdit instantanément de son utilité.
— Tu veux que je l’enlève ? demanda Guy.
— Non, laisse.
La voiture contourna la vieille ville, plongea sur Jericho road et prit la direction du jardin des Oliviers. Ce n’est qu’après avoir dépassé la majestueuse basilique de l’Agonie, brillante de toutes ses dorures, et les dizaines de cars de touristes stationnés dans son prolongement, que la circulation commença à réellement se fluidifier. Il ne leur fallut ensuite pas longtemps pour arriver sur les lieux de la scène de crime. Un cordon de sécurité était dressé. Une foule de curieux, uniquement de jeunes Arabes, s’amassait. Dans un calme tendu, ils regardaient les professionnels de la mort s’agiter.
Un policier en uniforme fit signe à Dany de venir se garer à côté d’autres voitures de police. Ils le saluèrent et récupérèrent leurs affaires.
Ils se trouvaient dans un quartier où les Juifs ne s’aventuraient pas, sauf les flics. En face d’eux, sur la colline opposée, se dressaient les remparts de la ville sainte. Sur l’esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’islam, le Dôme du Rocher resplendissait de tout son or sous le soleil. Plus bas : le mur des Lamentations. Et plus à l’ouest : le Saint-Sépulcre. La cité – de moins d’un kilomètre carré – focalisait les trois grandes religions monothéistes, excitait les convoitises et semblait se nourrir du sang de ses habitants, prompts à le verser pour défendre croyances et racines.
Une ville que deux États revendiquaient pour capitale, Israël d’un côté et l’Autorité palestinienne de l’autre. En période de paix, des millions de personnes la visitaient annuellement dans un chassé-croisé incessant de bus remplis de touristes. Mais ici, pour les Arabes de Jérusalem, la vie n’avait souvent d’autre horizon qu’un futur désabusé. Considérés par la communauté juive comme des voisins encombrants et de perpétuels suspects, ils bénéficiaient d’un statut bâtard à mi-chemin entre celui du Palestinien de Cisjordanie, relégué derrière le mur de séparation entre les deux États, et celui de l’Arabe israélien.
Inutile de parler du Gazaoui, prisonnier de sa bande de terre, qui n’avait plus d’autres choix que de fuir les combats au gré de l’avancée des chars israéliens lancés à la poursuite des militants du Hamas et à la recherche des otages enlevés par ces derniers.
Les Arabes de Jérusalem-Est pouvaient, certes, circuler dans tout le pays, mais quel pays ? La Palestine ? La Cisjordanie ? Israël ? Et voyager en passant par l’aéroport de Tel-Aviv, à condition de bénéficier des visas nécessaires… Pour le reste… L’espoir était dans l’expatriation pour les uns, et pour les autres ce serait le commerce, s’ils avaient de la chance, sinon les petits boulots ou le chômage, à moins qu’ils ne se laissent aller à la révolte.
Un substitut du parquet s’était déplacé. Sous le regard attentif d’un responsable policier, il parlait avec plusieurs personnes. Un peu plus loin, au-delà d’une large étendue de terre et de sable, au milieu de hautes herbes et de ronces, attendait un autre groupe d’intervenants. Les deux flics en conclurent que le corps devait se trouver là-bas. Ils aperçurent la haute silhouette du docteur Feldman. Le médecin légiste venait d’arriver et prenait cette direction.
En voyant les policiers, le magistrat s’interrompit et s’écarta de ses interlocuteurs pour les saluer. Les deux flics connaissaient bien Abel Hekselman, il était affecté au cabinet du procureur de Jérusalem depuis peu. Substitut en charge des affaires criminelles, ils le fréquentaient régulièrement et entretenaient avec lui de bonnes relations. Il ne s’agissait pas d’un « tordu ». Il se satisfaisait de la vérité, même lorsqu’elle n’était pas bonne à dire, ce qui n’était pas le cas de tout le monde dans ce pays.
— Messieurs, bonjour. J’ai voulu que votre service enquête sur ce cas. Le corps d’une personne non arabe, découvert dans ce quartier, cela va forcément faire les choux gras de la presse nationale et internationale.
Comme pour faire écho à ses inquiétudes, ils virent débouler, dans un nuage de poussière, plusieurs véhicules remplis de Juifs orthodoxes. Avec leurs papillotes, leurs vêtements noirs et leur large chapeau en feutre, leur apparition donna aux lieux une coloration de western spaghetti qui aurait pu être drôle si elle n’avait pas été annonciatrice de grabuge. Ils étaient presque une vingtaine, sortis d’une demi-douzaine de voitures. Trois d’entre eux s’avancèrent, au pas de charge, à la rencontre des forces de l’ordre. Les réactions ne se firent pas attendre : une pierre s’envola et tomba à quelques mètres des visiteurs.
Le responsable de la police locale, un superintendant en uniforme, soupira en les voyant. Il approchait de la retraite. Un brin rondouillard, une calvitie naissante, il avait la tête de quelqu’un qui n’aime pas les problèmes et préfère les anticiper plutôt que les subir. Arrivé quelques mois auparavant, il avait accepté de prendre la tête de cette circonscription difficile en échange d’un avancement permettant d’arrondir sa future pension. Depuis, les merdes s’accumulaient, il se demandait s’il avait eu raison d’accepter. Chaque événement ne manquait pas d’être médiatisé et à chaque fois il avait l’impression d’être assis sur un siège éjectable.
— On n’avait pas besoin de ça !
Dany jeta un œil vers le groupe avec lequel le policier et le magistrat étaient en discussion : des hommes la soixantaine passée, la barbe mal taillée, des vêtements de mauvaise qualité, les pieds nus dans des chaussures usées et sales. Il en conclut qu’il ne pouvait s’agir que d’habitants du quartier. Le superintendant avait dû fouiller dans ses archives et identifier des gens susceptibles de l’écouter. Il comptait faire appel à ces sexagénaires pour calmer la situation, mais ils rechignaient à s’en mêler.
Depuis la dernière intifada, les Arabes de Jérusalem-Est refusaient d’élire des représentants et de participer à ce qu’ils estimaient être une comédie montée par les Juifs. Durant les affrontements, ces élus avaient été accusés d’être des collabos de l’État hébreu et leur position leur avait attiré plus de problèmes que d’avantages.
Le superintendant jeta sa cigarette dans le sable et l’écrasa du pied. Il chercha un regard, les « chibanis » semblaient davantage intéressés par leurs chaussures que par lui.
Il décida de leur parler en arabe, dans un ton indiquant clairement que le moment n’était plus aux tergiversations mais à l’action.
— Messieurs, si vous voulez protéger vos enfants, il est temps de prendre vos responsabilités. Tâchez de les calmer ! Un affrontement n’apportera rien de bon pour personne.
Il n’eut pour toute réponse que quelques sourires crispés sur des visages éteints. Sans rien promettre, le groupe lui tourna le dos et s’en alla en direction des jeunes manifestants. Un moment de solitude. Le policier en vint à douter de la qualité de son arabe, ou des facultés auditives de ses interlocuteurs. Il les regarda s’éloigner en espérant qu’ils sauraient s’en remettre à la sagesse et trouver les mots pour calmer les jeunes excités. Machinalement, il consulta