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Les yeux bleus de la coquille Saint-Jacques
Les yeux bleus de la coquille Saint-Jacques
Les yeux bleus de la coquille Saint-Jacques
Livre électronique280 pages3 heures

Les yeux bleus de la coquille Saint-Jacques

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À propos de ce livre électronique

« La légende raconte que si tu accomplis ton pèlerinage avec le Cœur, alors celui-ci t’apportera ce dont tu as besoin ! »

Après une année de voyages autour du monde, Arthur, un jeune Marseillais, entreprend une marche initiatique de plus d’un mois sur le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Lors de son arrivée à Saint-Jean-Pied-de-Port, sa rencontre avec Daniel, un pèlerin, va bouleverser son aventure, le plongeant dans les tourments de son passé. La solidarité présente sur le Chemin et le soutien d’autres pèlerins, aux récits émouvants, l’aideront à se réconcilier avec la vie.

Tout au long du roman, Arthur nous guidera à la découverte de l’Histoire et des paysages du Camino Francés, dans le nord de l’Espagne. Mais accomplira-t-il son pèlerinage avec le Cœur ?

À PROPOS DE L'AUTEUR



Voyageur français né à Marseille en 1987, Arnaud Lalanne décide en 2016 de quitter son appartement pour adopter un mode de vie de nomade et découvrir le monde.

D’un tempérament curieux et bienveillant, Arnaud Lalanne partage dans ses écrits sa quête de sens en toute humilité, dans le but d’aider ses lecteurs à s’interroger et à trouver leurs propres réponses. Selon lui, les meilleurs livres sont ceux qui invitent à une pause pour réfléchir et accorder du temps à son soi intérieur.

Depuis son premier jour sur les routes du monde, ce passionné de développement personnel tient un carnet de voyage où il note ses pensées, expériences et rencontres. Dans ce roman, inspiré de son pèlerinage sur le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, Arnaud Lalanne met en scène des personnages singuliers qu’il a rencontrés aux quatre coins du globe.

Vous pouvez le contacter sur son compte Instagram @ArnaudLalanne





LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie17 oct. 2024
ISBN9782386253546
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    Aperçu du livre

    Les yeux bleus de la coquille Saint-Jacques - Arnaud Lalanne

    ÉTAPE 1

    De Saint-Jean-Pied-de-Port à Roncevaux

    Les premiers pas

    À 7 heures, les autres pèlerins avaient déjà déserté l’auberge. La tête lourde, je me levai avec peine pour me diriger vers une fenêtre du dortoir. Dans la rue principale du vieux centre de Saint-Jean-Pied-de-Port, plus d’une centaine de pèlerins attendaient l’autorisation pour sortir du village.

    Je pris une douche. Sous la chaleur bienfaisante de l’eau, je relâchai la pression et fermai les yeux. Le visage ensanglanté de Daniel était toujours présent. Je m’assis par terre et restai recroquevillé sur moi-même pendant dix minutes. Mes larmes se confondaient avec l’eau chaude.

    Je me séchai, m’habillai et retournai au dortoir pour ranger mon sac. Sans motivation, j’envisageai de reporter mon départ d’une journée, mais je savais que cela serait pire de ne rien faire.

    Je remplis ma gourde, puis j’achetai à l’aubergiste deux sandwichs jambon beurre. Je devais prendre des forces avant l’ascension à mille quatre cents mètres d’altitude. J’en glissai un dans mon sac, et l’autre à la main, je quittai l’auberge.

    Les pèlerins étaient interrogés à tour de rôle par les gendarmes dans un vacarme assourdissant. Je m’installai au soleil, entre un groupe d’Américains et un autre de Français, pour manger mon sandwich.

    Concentré sur mes pensées, le brouhaha de la foule n’était plus qu’un fond sonore.

    La femme de Daniel et ses enfants avaient sans doute appris la nouvelle. Je culpabilisais. Si seulement j’étais redescendu plus tôt au lieu de lire, j’aurais pu être là pour lui venir en aide ou voir ce qu’il s’était passé.

    La veille, même si j’avais effectué les bons gestes de secourisme, les pompiers avaient constaté le décès de Daniel à leur arrivée. Selon eux, je n’aurais rien pu faire. Daniel serait mort sur le coup lorsque son crâne avait percuté la pierre.

    Les pompiers avaient prêté une attention particulière à son abdomen. Dans la précipitation, je n’avais pas remarqué l’origine du sang sur son tee-shirt. Sur le côté gauche de son bas-ventre, Daniel avait une plaie de trois centimètres de long. À l’évidence, il avait été poignardé.

    Dans un premier temps, l’horreur d’un meurtre m’avait paralysé, puis la crainte d’être suspecté avait pris le dessus.

    Les pompiers m’avaient commandé d’attendre l’arrivée des forces de l’ordre. Deux voitures de gendarmes étaient au rendez-vous. Trois d’entre eux parlaient aux pompiers, tandis que deux autres m’avaient interrogé sur les minutes précédant la découverte du corps de Daniel.

    Au bout de vingt minutes, ils m’avaient conduit à la gendarmerie pour enregistrer ma déposition. Ma seule crainte était d’être mis en garde à vue et de reporter mon pèlerinage. Je leur avais retracé en détail toute ma journée, depuis mon départ de Paris jusqu’à mon arrivée dans la gendarmerie. Par excès de zèle, je leur avais montré une capture d’écran de mon billet de train sur mon téléphone portable, ainsi que les reçus de la crédentiale et de ma réservation à l’auberge.

    À la fin de ma déposition, ils avaient relevé mes empreintes et noté mes coordonnées avant de me laisser dans une salle d’attente.

    Posté derrière un bureau, un gendarme multipliait les clics sur la souris de son ordinateur. Sans doute était-il en train de jouer à l’un de ces jeux vidéo annihilants. Je l’avais soupçonné de feindre la nonchalance pour mieux m’observer. Cette situation m’avait rappelé un épisode d’une série télévisée américaine où les policiers analysaient la gestuelle d’un coupable grâce à des caméras. Impossible de me gratter le nez, de me ronger les ongles ou même de bouger les jambes sans laisser transparaître mon stress.

    Un gendarme était venu me parler au bout d’une demi-heure d’attente.

    – Je vais vous raccompagner à votre auberge.

    – Puis-je démarrer mon pèlerinage demain ?

    – Bien sûr ! Nous avons vos coordonnées. S’il y a quoi que ce soit, nous vous contacterons.

    Comment avait-il pu comprendre que j’étais innocent et que je n’avais pas l’intention de fuir ? Peut-être que j’avais eu raison de ne pas me gratter le nez.

    – Pour votre information, des barrages seront mis en place aux sorties du village dès ce soir. Donc, demain, il faudra être patient pour quitter Saint-Jean-Pied-de-Port. Je serai à la sortie du vieux centre, je vous laisserai passer. Si je n’y suis pas, signalez qui vous êtes et demandez aux gendarmes de m’appeler. Je suis le major Vives.

    – Très bien, merci.

    Le groupe de Français à côté de moi se plaignait d’attendre depuis deux heures. Ils craignaient de se retrouver sans hébergement à Roncevaux, village où se rendait la majorité des pèlerins après Saint-Jean-Pied-de-Port. Ils espéraient arriver en début d’après-midi, parce qu’à 16 heures, plusieurs cars remplis de pèlerins espagnols prenaient d’assaut les dernières places disponibles. J’avais du mal à comprendre cette nervosité, la marche était censée être relaxante et apaisante.

    À peine avais-je fini mon sandwich qu’ils avaient décidé de rester une nuit supplémentaire à Saint-Jean-Pied-de-Port.

    Aux alentours de midi et demi, la foule avait considérablement diminué. Quand vint mon tour, j’aperçus le major Vives.

    – Vous voilà ! Vous allez bien ? me demanda-t-il.

    – Oui. Et vous ? Avez-vous avancé dans vos recherches ?

    – Je ne peux pas vous en parler.

    – Je comprends.

    – Vous pouvez passer. Nous vous appellerons si nous avons des questions.

    – Oui, bien sûr. Bon courage !

    – Bonne journée, et… Buen Camino !

    Je franchis le barrage. Mon pèlerinage commençait.

    Le long du Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, des barrières de sécurité nous accompagnaient jusqu’à la sortie du village. Des gendarmes étaient positionnés à plusieurs intersections pour contrôler les véhicules. Autour de moi, les pèlerins échangeaient le peu d’informations qu’ils avaient sur la situation.

    Les barrières disparaissaient et la route goudronnée s’élevait en pente, exigeant un effort accru. Les pèlerins se taisaient, concentrés sur leur souffle, et laissaient place au bruit aigu de leurs bâtons métalliques sur l’asphalte. En fond sonore, les chants des oiseaux se distinguaient du tintement des cloches d’un troupeau de moutons. Malgré mon sac de dix kilos, dont deux litres d’eau, je dépassai plusieurs pèlerins auxquels je souhaitai un « Buen Camino ». Ils semblaient soulagés de s’appuyer sur leurs bâtons pour minimiser leur effort. Toutefois, j’avais envie de trouver le mien dans la Nature.

    Au fil de la montée, le Chemin dessinait de larges ondulations dans les montagnes. Les courbes douces du relief se teintaient de multiples nuances de vert des pâturages, où des chevaux broutaient l’herbe.

    Mes pensées oscillaient entre le pèlerinage et la mort de Daniel. Un instant, j’admirais le paysage, puis j’imaginais Daniel me souffler un Buen Camino, avant de voir son visage ensanglanté.

    J’avais franchi la frontière franco-espagnole et arpenté plus de la moitié de l’étape ; l’ombre d’un arbre était l’endroit idéal pour manger mon second sandwich jambon beurre. Les montagnes verdoyantes des Pyrénées se dressaient devant moi. Dire que ce pèlerinage était pour Daniel l’occasion de se déconnecter du quotidien. Pourquoi la vie est-elle mal faite ?

    Je finis mon en-cas et repris le Chemin pour parcourir les douze kilomètres qui me séparaient de Roncevaux. Un mauvais mélange entre tristesse et colère me donnait juste envie de vomir mon sandwich. Une vieille aigreur refaisait surface, me rongeant l’estomac. Pour soulager cette boule au ventre, je devais me changer les idées et parler avec les autres pèlerins.

    Je multipliais les conversations, mais l’ascension du col de Lepoeder n’était pas le meilleur endroit pour échanger, car nous étions tous à bout de souffle. Pour la majorité d’entre nous, il s’agissait de notre première étape, à l’exception de deux Suisses qui avaient déjà marché trente-deux jours depuis Le Puy-en-Velay.

    Après avoir tenté sans succès d’engager des discussions, je finis par renoncer à la compagnie des autres pèlerins pour me distraire. La traversée d’une forêt était l’occasion de chercher un bâton. Mon regard scrutait chaque parcelle ; il n’y avait que des amas de feuilles en décomposition et de petites branches. Quand, sur une barrière en fil barbelé, j’aperçus une branche. Elle était un peu tordue à l’extrémité la plus fine, mais sa taille semblait bonne. Je la saisis avec ma main droite et tendis le bras pour jauger sa hauteur. Le test était probant. C’était décidé, j’irai jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle avec ce bâton.

    Je suivais les flèches jaunes qui signalaient le Camino Francés jusqu’à la ville sainte, un balisage initié en 1984 par le prêtre d’O Cebreiro, Elías Valiña Sampedro. Ces flèches, peintes au pinceau sur les arbres, les maisons ou les chaussées, m’orientaient, quand une jeune femme m’adressa la parole en espagnol.

    – J’adore ton bâton ! s’exclama-t-elle.

    – Moi aussi ! Je viens juste de le trouver dans la forêt.

    Avec ses deux bâtons de randonnée, elle n’était pas le moins du monde essoufflée.

    – Comment t’appelles-tu ?

    – Arthur. Et toi ?

    – Iris !

    Iris se déplaçait avec enthousiasme. Son visage rayonnait d’un large sourire qui reflétait sa joie de marcher.

    – D’où viens-tu avec cet accent ? lui demandai-je.

    – Je suis de Mexico. Et toi ?

    – Je suis Français. Je viens de Marseille, dans le sud-est de la France. Tu connais ?

    – Non, mais je suis surprise qu’un Français parle une autre langue…

    Ce cliché réaliste m’amusa. En effet, le système éducatif français était mauvais dans l’enseignement des langues étrangères. Pour ma part, ma maîtrise de l’espagnol et de l’anglais n’était pas le fruit de l’éducation nationale, mais de mon histoire personnelle. Mon père travaillait dans le commerce international ; nous avions vécu six ans à Séville et quatre ans à Glasgow, avant que Marseille ne devienne notre port d’attache.

    – Jusqu’où vas-tu pour ton pèlerinage ? s’enquit Iris.

    – J’envisage de rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle. Et toi ?

    – J’ai prévu de rentrer dans deux mois, donc j’irai jusqu’à Finisterre. Après, j’irai visiter Barcelone ou Madrid.

    Les cinq derniers kilomètres qui nous séparaient de Roncevaux étaient l’occasion pour Iris et moi de faire davantage connaissance. Iris était la première pèlerine que je rencontrais qui accomplissait ce pèlerinage dans un but religieux.

    Bien que nous soyons arrivés à 20 h 10, de nombreux lits étaient toujours disponibles. Comme quoi le groupe de Français n’avait aucune raison de râler.

    Dans le village, un mémorial était érigé en hommage à Roland, neveu de Charlemagne, tombé durant la bataille de Roncevaux. Charlemagne avait entrepris, en 778, une campagne en Espagne pour défendre les chrétiens de Pampelune contre les forces musulmanes. Mais au retour, son arrière-garde, commandée par Roland, tomba dans une embuscade à Roncevaux, se soldant par un massacre. Selon la fameuse Chanson de Roland, écrite en France à la fin du XIe siècle, le désastre de cette bataille serait attribué aux Sarrasins. Pourtant, les historiens s’accorderaient à dire que l’attaque avait été orchestrée par les Vascons, ancêtres des Basques, pour se venger du pillage de Pampelune.

    Un monastère y faisait office d’auberge pour les pèlerins. À l’accueil, une bénévole néerlandaise d’une cinquantaine d’années nous réclama notre passeport et notre crédentiale. Ce dernier comptait désormais deux tampons, celui de Saint-Jean-Pied-de-Port et celui du monastère. Habituellement, le dîner était divisé en deux services, à 19 heures et 20 heures. Toutefois, en raison du barrage à Saint-Jean-Pied-de-Port, il y en aurait deux supplémentaires à 21 heures et 22 heures.

    La bénévole nous indiqua les escaliers qui menaient à un immense dortoir, une véritable fourmilière où de nombreux pèlerins s’affairaient dans tous les sens. Certains sortaient de la douche, d’autres rentraient de leur dîner, pendant qu’une

    poignée tentait de dormir. Les couchages étaient organisés par paires de lits superposés dans de petits compartiments ouverts sur l’ensemble de la pièce. À vue d’œil, le dortoir comptait une centaine de matelas : la garantie d’être bercé par des ronflements.

    Je posai mon duvet sur le matelas supérieur d’un lit superposé ; Iris s’installa en dessous. Je pris mes vêtements de rechange dans mon sac et me dirigeai vers la salle de bains. Cinq hommes attendaient devant trois cabines dont l’eau des douches inondait le sol.

    Une fois rafraîchi, je me rendis au lavoir pour nettoyer mes affaires et les étendre. Je démarrerais la journée suivante avec mes habits de rechange, puis je les laverais le soir même. Ce schéma se répéterait ainsi, me permettant de composer avec deux ensembles de vêtements pendant plus d’un mois.

    Pendant que mes affaires séchaient, je dînai dans le restaurant où huit tables rondes de dix couverts se remplissaient en vue du service de 21 heures. À ma table se côtoyaient des personnes de diverses nationalités : un Américain, une Canadienne, un Costaricain, un Espagnol, une Italienne, un Australien, une Allemande, une Sud-Coréenne, une Mexicaine et un Français.

    Le serveur nous apporta une salade de lentilles dans un grand plat, puis il déposa une marmite de spaghettis à la bolognaise, et pour finir, il nous laissa le choix entre plusieurs yaourts aux fruits. Un vin, à partager à volonté, agrémenta ce repas. L’occasion de goûter au vin de grenache, rond et fruité, le plus cultivé dans la région de Navarre.

    À la fin du repas, Iris profita de la fraîcheur du soir pour se promener dans le village, tandis que je rentrai à l’auberge pour me reposer. Dans le dortoir sombre, mon téléphone me servit de lampe torche pour circuler entre les sacs laissés au milieu du passage.

    Les premiers ronflements m’empêchaient de m’endormir. Lorsque je ne prêtais plus attention aux bruits, la housse de protection anti-punaises du matelas me collait à la peau. Le dortoir était immense, mais je m’y sentais à l’étroit.

    Je me remémorai la mort de Daniel et ressassai les mêmes questions. Pourquoi Daniel a-t-il été assassiné ? Par qui ? Un proche de Daniel ? Peu probable, car il était arrivé seul à Saint-Jean-Pied-de-Port. Un villageois, alors ? À moins que ce ne soit un pèlerin ? Pour quelle raison ? L’assassin se trouvait peut-être dans ce dortoir. Cette auberge comptait cent quatre-vingt-trois lits, dont autant de suspects. Mon cœur battait si fort qu’il résonnait dans mes oreilles et m’empêchait de dormir.

    Chaque ronfleur se transformait en meurtrier potentiel. Une telle injustice m’était insupportable. Si l’assassin était parmi nous, je le démasquerais. Mes pensées tournaient en boucle, m’exhortant à être vigilant et à me méfier des autres pèlerins. Une idée fixe devenue obsessionnelle et paranoïaque.

    Ma tête bourdonnait sous le poids de ces réflexions chaotiques. Je me retournais sans cesse en quête d’une position confortable. Sans ces ronfleurs, j’aurais déjà trouvé le sommeil. Je marmonnai des insultes, les rendant coupables de mon agitation. Mes oreilles se mirent à siffler.

    Pour me ressaisir, je me levai et rinçai mon visage avec de l’eau fraîche. Dans la salle de bains, la vision brouillée, je ne distinguais pas mon reflet dans le miroir. Je me frottai les yeux et découvris mes cernes marqués.

    « J’angoisse parce que ça me rappelle Juliette, me chuchotai-je. Je dois garder mon calme. C’est à cette seule condition que j’arriverai à avancer… J’ai connu pire… »

    Devant mon reflet, j’avais pitié de moi. Cette année de voyages n’avait pas effacé cette douleur. Je m’aspergeai de nouveau d’eau froide dans l’espoir de diluer mes pensées. J’avais été incapable de sauver Daniel, mais je me promis de lui rendre justice.

    ÉTAPE 2

    De Roncevaux à Zubiri

    L’excès d’enthousiasme

    En guise de réveil, les bénévoles du monastère entonnèrent une chanson catholique espagnole dans le dortoir.

    L’épuisement de la courte nuit pesait sur chacun de mes muscles. Je restai quelques minutes supplémentaires dans mon duvet, dans l’espoir d’emmagasiner l’énergie nécessaire pour affronter la journée.

    D’un œil désabusé, j’observai les pèlerins s’activer avec frénésie. Chacun rivalisait d’efficacité pour se préparer et partir le plus tôt possible.

    Au terme de cette cohue de trente minutes, ce fut à mon tour d’accomplir ma toilette matinale. Lorsque je regagnai le dortoir, tous les pèlerins avaient déserté les lieux, à l’exception d’Iris qui discutait avec une jeune

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