Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

Bienvenue au pays
Bienvenue au pays
Bienvenue au pays
Livre électronique271 pages3 heures

Bienvenue au pays

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Kanza, arraché à sa terre natale alors qu’il était très jeune, retourne sur les traces de son passé pour renouer avec sa famille et exhumer les souvenirs enfouis de son enfance. Mais un coup du sort imprévisible brise son élan : sa liberté lui est brutalement volée, et il se retrouve plongé dans l’univers impitoyable de la détention. Dans cet espace clos, isolé du monde, Kanza doit entreprendre une lutte intérieure acharnée pour ne pas sombrer. Pourtant, c’est au cœur de ce chaos qu’il découvrira une force insoupçonnée, forgée à travers les récits et les destins entrecroisés de ses codétenus. Ces rencontres, loin d’être anodines, deviendront sa bouée de sauvetage. Trouvera-t-il enfin le chemin vers la rédemption pour briser les chaînes invisibles qui entravent son âme et reconstruire une vie nouvelle ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Assaï Samba embrasse l’écriture pour étendre son univers créatif et insuffler une vie à ses inspirations. Avec "Bienvenue au pays", son premier roman, il dévoile avec subtilité les profondeurs de la condition humaine.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie1 déc. 2024
ISBN9791042250355
Bienvenue au pays

Auteurs associés

Lié à Bienvenue au pays

Livres électroniques liés

Fiction littéraire pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur Bienvenue au pays

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Bienvenue au pays - Assaï Samba

    1

    — Pardon monsieur, puis je voir votre carte d’embarquement ? me demanda l’hôtesse.

    Une passagère se tenait à ses côtés. Je lui présentai le petit coupon.

    — Vous vous êtes trompé de place. Vous avez le siège 22 b. C’est là, dans la rangée du milieu. Ici, c’est la place de madame.

    — Désolé.

    Je pris le sac que j’avais placé sous le siège. Je me retrouvai dans la rangée du milieu, à la place qui m’avait été attribuée sur la carte d’embarquement.

    Cela faisait presque dix-sept ans que je n’étais pas retourné au pays. Je sentais monter en moi d’étranges sensations. Des sensations qui m’empêchaient d’exprimer la joie que j’éprouvais au fond de moi. J’étais heureux de retourner sur la terre qui m’avait vu naître. Cependant, j’avais peur de ce que le temps avait à me dire. Peur de son empreinte. Des mots échangés avec mon ami Paul quelques jours avant mon départ me vinrent à l’esprit.

    — Tu sais Kanza, chez nous, on te prend ton passeport dès que t’arrives. On te le rend quand tu pars.

    — Ah bon ! Pourquoi ?

    — Oh ! Je ne sais pas trop. On dit que c’est pour mieux contrôler les entrées et les sorties dans le pays.

    — Ah !

    — C’est pour la sécurité intérieure du pays.

    — Ah !

    — Oui, les entrées sur le territoire sont ainsi mieux surveillées.

    — C’est une bonne chose alors, lui dis-je.

    — Mais pour récupérer son passeport, c’est toute une histoire.

    — Comment ça ?

    J’étais perplexe. Il enchaîna :

    — Il faut donner le madesso ya bana¹.

    — Vraiment ?

    — Je connais une personne qui a dû reporter son retour à trois reprises, dit-il l’air sournois. Son passeport avait été égaré.

    J’étais inquiet.

    — Rassure-toi. Tout cela a changé. Ces pratiques sont maintenant interdites.

    Je poussai un « ah ! » de soulagement.

    « Mesdames, messieurs, le commandant et son équipage ont le plaisir de vous accueillir à bord. Veuillez attacher votre ceinture de sécurité et éteindre vos appareils électroniques. Le personnel de bord va maintenant vous présenter les consignes de sécurité. Nous vous demandons d’y être très attentifs. Ce vol est non-fumeur. Il est strictement interdit de fumer dans les toilettes. Nous vous souhaitons un bon vol. »

    L’annonce m’arracha à mes pensées. Je m’attachai au siège 22 b. La démonstration de sécurité par les membres de l’équipage retint mon attention. Leurs gestes étaient tellement précis et si parfaitement synchronisés qu’on avait l’impression d’assister à un spectacle de danse. L’avion prit son envol. C’était un vendredi, le vendredi 20 décembre. À travers les hublots, je voyais tomber la neige sous forme de pluie glacée. Plus l’avion prenait de l’altitude, plus il neigeait. Je n’étais pas rassuré. Les secousses causées par des turbulences me crispaient. J’essayais de me détendre en faisant des exercices de respiration. Ce qui n’échappa pas à mon voisin de gauche. Il esquissa un sourire.

    — Moi non plus, je n’aime pas quand ça secoue comme ça, dit-il. Heureusement pour nous, cela ne dure pas tout le trajet.

    — Heureusement ! lui répondis-je presque spontanément.

    Malgré cela, je n’étais pas rassuré pour autant. Les secousses s’atténuèrent finalement puis disparurent complètement. Le voyant « attachez votre ceinture » s’éteignit et aussitôt un clic massif se fit entendre. Certains passagers se levèrent pour aller aux toilettes, d’autres pour aller discuter avec leurs amis, d’autres encore pour s’installer sur des sièges libres. Je saisis l’occasion pour prendre place près d’un hublot. À l’extérieur, il n’y avait plus de neige. La vue était d’une beauté exceptionnelle. C’était une mer de nuages qui se trouvait en dessous de moi. Elle s’étalait partout et allait aussi loin que mes yeux pouvaient voir. Le soleil faisait partie du décor. Il avait sa brillance matinale. C’était fantastique ! Un quart d’heure plus tôt, il pleuvait de la glace et le temps était maussade, et là, tout d’un coup, plus rien, seulement des nuages blancs à l’infini. Le ciel était d’un bleu intense que le soleil illuminait de ses rayons. Un tableau magique !

    « Mesdames, messieurs, nous volons à dix mille mètres d’altitude et notre vitesse est de huit cents kilomètres à l’heure. La durée du vol est de neuf heures. Nous ferons escale à N’Djamena. »

    Pourtant l’avion ne semblait pas voler à huit cents kilomètres à l’heure. J’avais plutôt l’impression qu’il faisait du surplace au-dessus d’un tapis de nuages. J’étais dans les cieux où régnait une grande sérénité et cela me détendit. Je vis un steward pousser un chariot. C’était l’heure du petit déjeuner.

    Il était dix heures lorsque le commandant de bord annonça notre entrée dans le continent africain. Je collai aussitôt mon front contre le hublot. La mer de nuages s’était morcelée. J’aperçus effectivement une démarcation entre, d’un côté, une étendue bleue, sans doute la mer Méditerranée, et de l’autre, une terre tout en nuances. De nombreux passagers avaient le nez collé au hublot. Ils étaient tous en admiration devant cette magnifique vue. Ils commentaient notre position. Pour certains, on survolait le Maroc, pour d’autres l’Algérie. La Tunisie n’était pas oubliée. Je pris la brochure de la compagnie aérienne et je sus que nous volions à bord d’un Airbus A320. Je n’étais pas plus renseigné que les autres. Je fis basculer mon siège en arrière et je m’assoupis.

    « Mesdames, messieurs, nous amorçons notre descente vers N’Djamena. Veuillez regagner vos places. Le dossier de votre siège doit être redressé et votre ceinture attachée. Merci. »

    L’avion perdait de l’altitude. Il descendait de plus en plus. Les structures géométriques aperçues quelques minutes plus tôt devinrent des maisons éparpillées et des rues en terre. Quelques-unes étaient goudronnées. Plus loin, on apercevait la brousse.

    — Touchdown ! s’écria mon voisin.

    Aussitôt, un tonnerre d’applaudissements s’éleva de l’avion. Les passagers remerciaient les pilotes d’avoir effectué un bel atterrissage. Nous étions sur le sol africain. Mon cœur palpitait.

    « Les passagers pour N’Djamena sont invités à se présenter à la police des frontières pour les formalités douanières. Les passagers à destination de Brazzaville sont priés de rester à bord. Notre escale durera environ deux heures. Merci, et à bientôt. »

    Je me dis : « Dommage, j’aurais bien voulu faire quelques pas dehors, mais tant pis, j’attendrai Brazzaville. » Je me consolai en regardant par le hublot. Une légère brise soufflait. Elle entraînait dans un mouvement perpétuel les hautes herbes qui bordaient la piste d’envol et, grâce au sas resté ouvert, elle parvenait à s’engouffrer dans l’avion. Je pouvais sentir les essences de la nature toute proche. Je fermai les yeux et les souvenirs se bousculèrent dans ma tête. Je me rappelai l’enfant que j’étais, turbulent et futé. J’en faisais voir de toutes les couleurs à ma mère.

    « Mesdames et messieurs, veuillez redresser votre siège et attacher votre ceinture, merci. »

    L’escale dura plus de temps que prévu. L’après-midi touchait à sa fin au moment de quitter N’Djamena.

    Et que dire de mes camarades de jeu ? J’avais encore leurs visages et leurs noms dans ma tête. Il y avait Caillou. On le surnommait ainsi parce qu’il était rugueux et tout en muscle. Je voyais Crios, le bagarreur. Son sobriquet venait d’un vieux péplum italien. L’acteur Giuliano Gemma y campait le rôle d’un esclave gladiateur nommé Crios. Matenta, l’un des meilleurs milieux de terrain des équipes poussins qui participaient au championnat intercommunal de football. Il y avait aussi Édouard qui rêvait d’égaler Mohammed Ali et George Foreman depuis qu’il avait vu le combat du siècle à la télévision. Il avait un sacré punch. Je voyais Ferdinand, mon meilleur ami, avec qui je passais le plus clair de mon temps. Nous allions dans la même école et nous étions dans la même classe. Une semaine sur deux, nous avions école le matin.

    On se levait à cinq heures. L’école se trouvait à environ cinq kilomètres de la maison. Il n’y avait pas de transport ni de bus scolaire. Nous faisions le trajet à pied. Ensuite, il y avait ces moments forts des grandes vacances scolaires. C’était la grande saison sèche en juillet et août. Le grand fleuve Congo perdait de son panache. Il maigrissait et laissait transparaître son squelette. Il était moins menaçant. On en profitait pour pêcher et se baigner. Certains jours, munis de chambres à air, nous tentions de traverser le fleuve jusqu’à Kinshasa, distant d’environ six kilomètres. Le pari était, bien entendu, impossible. Nous échouions, la plupart du temps, en aval du fleuve, à la limite des rapides du Djoué.

    Après la baignade, nous nous embusquions près des rochers avec nos cannes à pêche pour accrocher une anguille ou un poisson chat. Les journées sans pêche ni baignade étaient consacrées à un job d’été très particulier. Nous étions recrutés comme manutentionnaires par des trafiquants qui faisaient la navette entre les deux rives. Ils convoyaient par pirogues des produits cosmétiques et des produits alimentaires. Une fois les marchandises déchargées sur la rive, il leur fallait les vendre aux particuliers le plus rapidement possible. Notre boulot consistait à remonter sur la corniche le plus de marchandises possible. Puis on disparaissait dans la nature. On se retrouvait à un point de rendez-vous pour être payé.

    La police maritime repérait les trafiquants sur leurs rafiots à moteur. Toutes sirènes hurlantes, ils tentaient de les arrêter en tirant en l’air. S’engageait alors une course digne d’un évènement sportif de haut niveau. Les piroguiers étaient fantastiques. Leurs gestes étaient coordonnés et rapides. Le mouvement des pagaies était impressionnant. On assistait à chaque fois à un spectacle sur les eaux troubles du fleuve Congo. À peine arrivés sur le rivage, ils balançaient les marchandises hors des pirogues.

    Aussitôt, nous nous en saisissions et une course folle s’engageait dans la broussaille. On entendait derrière nous les coups de sommation et les coups de sifflet, mais il n’était pas question de se retourner. Entre la berge et la corniche, la pente était assez raide, mais on ne s’en rendait pas compte.

    Nous n’avions qu’un but, accomplir la mission pour gagner notre argent de poche. Pour un carton sauvé, on pouvait gagner jusqu’à trois cents francs CFA. Les gains étaient évidemment beaucoup plus importants, si on en sauvait plusieurs. Certains jours, on faisait chou blanc. Les trafiquants ne gagnaient pas à tous les coups. Ils étaient parfois interceptés avant d’atteindre le rivage. Les pirogues pouvaient aussi chavirer et ils perdaient toute la marchandise. D’autres fois, les douaniers les attendaient, cachés, dans la broussaille. Ils étaient arrêtés et incarcérés, mais ils étaient rapidement libérés contre une très forte amende. La marchandise était automatiquement saisie. Quant à nous, il ne nous arrivait rien de grave. Il nous était facile de jouer les petits baigneurs.

    Nous rentrions sans argent de poche, mais on trouvait toujours d’autres moyens pour gagner quelques francs. La collecte des bouteilles consignées en était un. On dépouillait nos parents de leurs bouteilles de bière ou de limonade. On allait ensuite les fourguer chez l’épicier du coin. Ça rapportait moins, mais c’était toujours ça de gagné. Le soir venu, je me rendais souvent au marché de nuit pour claquer mon argent. Ensuite, je m’offrais le cinéma.

    C’était un moment magique de voir ces images défiler devant moi. J’étais transporté et toute la salle l’était tout autant. On vivait le film. On était dans le film. Souvent, lorsque le héros était attaqué par traîtrise, toute la salle criait « attention derrière toi ! » Et aussitôt après, on huait le traître « hou ! hou ! salaud ! » Néanmoins, comme le héros s’en sortait toujours, les applaudissements envahissaient la salle. Avec le mot fin sur l’écran, la chute était brutale, mais je jurais de revenir. Il fallait ensuite rentrer à la maison. Ce qui n’était pas une mince affaire. La plupart du temps, il était vingt heures.

    C’était l’heure du couvre-feu pour les mineurs. La police patrouillait dans les quartiers. Les rues étaient désertes. L’heure était grave. Je risquais une nuit au poste si on m’attrapait, et je pouvais y être retenu jusqu’au petit matin. Les mineurs capturés étaient rendus à leurs parents contre une forte amende. Alors, pour éviter ces désagréments, il fallait faire preuve de ruses pour échapper aux policiers.

    J’y arrivais parfaitement, car je connaissais mon quartier dans les moindres détails, mais, une fois à la maison, j’étais quand même puni à cause de l’heure tardive. Ma mère me privait de repas, et à chaque fois au réveil, j’étais malade. Je faisais de la fièvre pour avoir été privé de nourriture.

    Du coup, elle était aux petits soins pour moi. Elle me préparait de la purée de bissap, le seul aliment que je pouvais avaler quand j’étais dans cet état. Le bissap agissait chez moi comme un médicament. À la mi-journée, je me sentais mieux et je pouvais aller jouer avec mes petits copains. Ma mère ne me donnait pas d’argent de poche. Elle ne pouvait pas se le permettre. Mon père nous avait quittés cinq ans auparavant. Il était parti vivre en France. Nous n’avions de ses nouvelles que lorsqu’il nous envoyait des vêtements tellement grands qu’il fallait les faire retoucher chez le tailleur du quartier. Ma mère devait s’occuper seule de ses sept enfants. Elle devait les nourrir, les habiller et les soigner. Il était donc naturel que nous, les aînés, puissions l’aider. On débordait toujours d’imagination pour trouver un moyen. Un couple de cochons d’Inde pouvait avoir une portée de plusieurs petits. Une fois adultes, on les vendait cinq cents francs l’unité. On allait aussi poser des pièges dans la forêt proche. Les vieux du quartier raffolaient des petits gibiers.

    Nous vendions également des mangues ou des avocats devant la maison. J’achetais des paquets de chewing-gum au marché et j’allais les vendre à la pièce devant les bureaux des fonctionnaires au centre-ville. Ainsi j’étais en mesure d’acheter mes fournitures scolaires et d’avoir constamment de l’argent de poche. Mon petit commerce ambulant me permettait de sortir de mon quartier et d’aller rêver devant les grandes maisons avec piscines des hauts fonctionnaires et des expatriés français. Cela me donnait la force et le courage de persévérer à l’école pour devenir quelqu’un d’important. Je me disais toujours que moi aussi je pouvais avoir toutes ces choses. Je m’étais juré de bâtir une maison pour ma mère avec électricité, eau courante et téléphone. Je m’étais juré d’y parvenir.

    « Mesdames et messieurs, dans quelques minutes, nous amorcerons notre descente sur Brazzaville. Veuillez préparer vos passeports et vos certificats de vaccination pour les formalités. Merci. »

    À l’extérieur, il faisait une nuit noire. J’apercevais des points lumineux un peu partout qui grossissaient progressivement. Je pouvais distinguer des lampes électriques bordant quelques avenues. J’eus à peine le temps d’apercevoir des voitures que l’avion se posait déjà sur la piste de l’aéroport de Brazzaville, et comme le voulait maintenant la coutume, on fit une ovation aux pilotes.

    « Le commandant et son équipage espèrent que vous avez fait un bon voyage. Bon séjour à Brazzaville et au plaisir de vous revoir sur nos lignes. »

    Ça y est ! J’y suis. Je me sentais bizarre. La joie et la peur surgirent de nouveau en moi. Dix-sept ans, c’était long. Beaucoup de choses s’étaient certainement passées. Beaucoup de choses avaient sûrement changé.

    J’en appréhendais les conséquences. Une chaleur étouffante me saisit en sortant de l’avion, je me mis à transpirer. Les passagers se dirigeaient en file indienne vers le bâtiment des formalités. Celui-ci se trouvait à une bonne centaine de mètres. Je me demandai s’il était facile de se soustraire aux contrôles. Je scrutais les alentours tout en marchant. Je fus stupéfait par le déploiement des forces militaires. Il y avait quasiment un militaire armé, tous les dix mètres environ. Ils paraissaient antipathiques. Je transpirais doublement. Les passagers se massèrent aux différents guichets de la douane. L’attente était longue. Les agents procédaient à une fouille complète des bagages à main. Mon tour vint après une bonne trentaine de minutes.

    — Votre passeport et votre carnet de santé s’il vous plaît, dit l’agent de police.

    Je m’exécutai en lui présentant mes papiers. Il leva les yeux sur moi, puis il ouvrit le passeport. Il me regarda de nouveau et replongea ses yeux sur la pièce d’identité.

    — Vous résidez à Paris ?

    — Oui.

    — Vos parents vivent à Paris ?

    — Non, seulement mon père.

    — Ah ! quelle est la raison de votre séjour ?

    — Je viens rendre visite à ma famille. Passer Noël avec eux.

    — C’est très bien ! dit-il en souriant. Il ne faut jamais oublier sa famille et son pays.

    — Oh ! Ça jamais ! C’est sacré ! lui répondis-je, soulagé.

    — Bien dit !

    Il me tendit mes papiers.

    — Présentez votre bagage à mon collègue… là-bas !

    — Merci.

    Son collègue était assez âgé. Il avait l’air sympathique.

    — Alors petit ! Qu’est-ce que tu caches là-dedans ?

    — Voilà ! Regardez !

    Il tomba sur mon lecteur MP3.

    — C’est quoi ça ?

    — C’est un lecteur MP3.

    — Quoi ?

    — Un lecteur MP3… Une petite radio.

    — Ah bon ! OK, ça va comme ça.

    — Merci.

    Je fermai mon sac et je suivis la flèche « Bagages ». En repensant aux propos de Paul, je me dis qu’effectivement les choses avaient changé. Je récupérai rapidement mes deux grandes valises sur le tapis mécanique. Je poussai le chariot vers la sortie « Rien à déclarer ». Les agents de police me stoppèrent pour une ultime vérification. La mention « OK » apposée sur chaque valise, je me dirigeai vers le sas qui donnait accès au hall d’accueil. La porte coulissante s’ouvrit. Je me trouvai face à une foule joyeuse, agglutinée derrière les barrières de sécurité. Chacun était là sans doute pour accueillir un être cher. Je ne tardai pas à reconnaître un visage familier, c’était Pierre. Nous nous connaissions depuis une dizaine d’années. On se jeta dans les bras l’un de l’autre.

    — Mais… que fais-tu là ? lui demandai-je.

    — Je suis à Brazza depuis plusieurs jours déjà, dit-il.

    — Comment as-tu su que j’arrivais ?

    — Les nouvelles vont vite à Brazza, mon gars ! Alors j’ai voulu te faire la surprise.

    — Eh bien, c’est une belle surprise. Ça fait plaisir. Merci.

    J’entendis des voix derrière moi : « Kanza ! Kanza ! » Ma mère était là. Je la serrai dans mes bras et tout ce que je trouvais à lui dire c’était : « Mama ! Mama ! Mama ! » Elle n’avait pas beaucoup changé. Toujours aussi énergique et souriante. À part quelques cheveux blancs par-ci par-là dans sa chevelure bien nattée, on aurait juré que les années ne l’avaient pas marquée. C’était comme si je la retrouvais après un mois d’absence. Elle était comme je l’avais laissée dix-sept ans auparavant. Je la regardais dans les moindres détails en touchant son visage, sa chevelure, ses

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1