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Le Chant des Ombres à Belle Mare
Le Chant des Ombres à Belle Mare
Le Chant des Ombres à Belle Mare
Livre électronique294 pages3 heures

Le Chant des Ombres à Belle Mare

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À propos de ce livre électronique

Le Chant des Ombres à Belle Mare

Sur l'île luxuriante et énigmatique de Maurice, la terre sous leurs pieds commence à révéler ses secrets.

Devaki et Rajen, deux travailleurs sur l'île, pénètrent sans le savoir dans un monde où la frontière entre les vivants et les morts est inquiétamment ténue. Lorsqu'une force étrange et palpitante éveille la terre, la mémoire oubliée de l'île se réveille—ancienne, douloureuse, et vivante.

Les murmures dans le vent, les rêves de silhouettes ombreuses, et la présence glaciale sous l'arbre banyan poussent les insulaires à une révélation perturbante : le sol sur lequel ils travaillent est plus que de la terre—c'est un corps vivant, blessé par le temps et l'oubli. Alors que des événements étranges se multiplient, les habitants se retrouvent face à une force invisible, les poussant à confronter le passé d'une manière qu'ils n'auraient jamais imaginée.

Avec l'aide de la sage Ma Pattu, une femme qui comprend la profonde connexion spirituelle entre le peuple et la terre, Devaki et Rajen doivent naviguer dans cette nouvelle réalité troublante. Ils devront affronter les histoires oubliées qui les lient à la terre, et comprendre que sur cette île, les morts ne reposent jamais vraiment—et que la terre n'oublie jamais.

Le Chant des Ombres à Belle Mare est un conte riche et atmosphérique sur la mémoire, l'éveil spirituel, et le lien indéfectible entre les hommes et leur terre. Dans un lieu où les ombres respirent, les vivants doivent apprendre à écouter la terre—et peut-être même offrir la leur.

LangueFrançais
ÉditeurKeshav Kumar Phokeerdass
Date de sortie9 mai 2025
ISBN9798231831753
Le Chant des Ombres à Belle Mare
Auteur

Brinda Phokeerdass

Brinda L. Phokeerdass is an educator and storyteller dedicated to rekindling the joy of reading among young minds. With a deep-rooted belief in the transformative power of stories, she aims to inspire children to immerse themselves in the worlds of imagination and discovery. Through her writing, Brinda seeks to create narratives that captivate and engage, encouraging young readers to explore, learn, and grow through the written word.​

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    Aperçu du livre

    Le Chant des Ombres à Belle Mare - Brinda Phokeerdass

    Chapitre 1 – Partie I : Le village de Devaki — La vie avant le départ

    Le ciel pesait lourd sur le village de Tirunelveli , cet après-midi-là. Un vent tiède faisait frissonner les feuilles de tamarin, et la poussière s’élevait en fines volutes sur le sentier de terre rouge. Les enfants jouaient pieds nus sous l’œil distrait des anciens, tandis qu’à l’ombre des manguiers, les femmes pilonnaient le riz dans les mortiers de bois, échangeant des paroles en sourdine. Tout semblait suivre le même rythme lent, ancestral, celui des saisons, des récoltes, des mariages et des morts.

    Parmi ces femmes, Devaki Kumari, vingt-trois ans, s’activait en silence. Son sari de coton blanc, signe de son veuvage, était propre mais usé sur les bords. Son regard, baissé sur la pâte qu’elle étalait sur une feuille de bananier, brillait d’une lumière absente. Les mains faisaient leur travail — former les kolukattai du soir, sucrés et fourrés de noix de coco — mais l’âme, elle, errait ailleurs. Depuis des jours, elle rêvait d’une mer qu’elle n’avait jamais vue. Une mer noire, infinie, qui l’appelait par son prénom dans une langue qu’elle ne reconnaissait pas.

    Devaki était née dans ce village, entre les cris des corbeaux au matin et les chants de temples au crépuscule. Fille d’un prêtre modeste et d’une tisserande, elle avait appris très tôt la discipline des gestes quotidiens, le poids du silence et la retenue du regard. Mariée à seize ans, elle était devenue veuve à dix-neuf, lorsque son mari, Anandarajan, avait succombé à une fièvre soudaine. Depuis, elle était revenue vivre chez ses parents, devenue ombre parmi les vivants.

    Ce jour-là, pourtant, un murmure différent parcourait les ruelles du village. Un étranger était arrivé par la route poussiéreuse, monté sur une charrette tirée par deux bœufs noirs. Il portait une veste européenne froissée, un turban beige, et une petite sacoche de cuir à son flanc. Son nom : Mr. Subramaniam, un Arkati, recruteur pour les colonies britanniques. Il parlait doucement, avec des mots de miel, disant qu’au-delà des mers, à l’île Maurice, il y avait des terres fertiles, du travail bien payé, des maisons pour vivre, et la liberté pour ceux qui oseraient partir.

    Les hommes l’écoutaient avec méfiance. Certains, ruinés par la sécheresse ou par les dettes de caste, se prenaient à rêver. D’autres ricanaient, affirmant que quiconque traversait le Kala Pani, la mer noire, perdait son honneur, sa caste et jusqu’à son âme. Mais Devaki, en retrait, entendit une autre promesse : celle d’un recommencement. Une vie où elle ne serait plus seulement veuve, fille ou servante du destin, mais quelque chose d’autre. Quelque chose qu’elle n’arrivait pas encore à nommer.

    Elle se souvint des paroles de sa grand-mère, chuchotées jadis à l’oreille d’une enfant tremblante :

    « Ne va jamais là où la mer t’appelle en silence. Ce ne sont pas les vagues qui parlent, mais les morts qui n’ont pas été pleurés. »

    Mais cette fois, Devaki n’avait plus peur des morts. Elle avait vécu parmi eux trop longtemps.


    Dans la petite maison au toit de chaume, ce soir-là, elle se tint debout devant son père, les yeux secs.

    Appa, je veux partir.

    Son père, assis près de l’autel familial, leva vers elle un regard lent. Il n’y eut pas de cris. Pas de gifles. Juste un soupir long, comme si tout l’air quittait son corps.

    — Alors... les dieux t’ont déjà appelée.

    Elle hocha la tête. Ce n’étaient pas les dieux, mais elle laissa croire cela. Il déposa une poignée de riz dans sa main droite, symbole ancien de bénédiction silencieuse, puis tourna les yeux vers la flamme tremblante de la lampe à huile.

    Ce soir-là, Devaki dormit peu. Elle rêva d’une femme au visage noyé qui chantait sous une pluie de cendres. Et sur ses lèvres, elle lut son nom.

    Chapitre 1 – Partie II : L’arrivée de l’Arkati – La promesse du voyage

    Le lendemain, une foule inhabituelle se formait près du puits central, là où les femmes se retrouvaient d’ordinaire pour laver les ustensiles et échanger les nouvelles du jour. Mais ce matin-là, ce n’étaient ni les rumeurs de mariage, ni les commérages des belles-mères qui faisaient bruisser les lèvres. C’était la présence de Subramaniam l’Arkati , homme mince, moustachu, vêtu d’un kurta blanc immaculé et de sandales usées par les routes.

    Il avait dressé une petite estrade faite de caisses renversées, à l’ombre d’un neem centenaire. Derrière lui, un panneau grossièrement peint en rouge sur une planche :

    Terres d’or à l’île Maurice – Travail libre et logement offert – Avance garantie.

    Subramaniam parlait avec assurance, d’une voix douce et chantante, ponctuant son discours de gestes larges et de sourires calculés. Il décrivait un endroit fabuleux : des champs verts à perte de vue, un ciel toujours doux, des maisons en pierre, et des salaires versés en roupies anglaises. Il disait que les Anglais manquaient de bras pour cultiver la canne à sucre, et qu’ils recherchaient des hommes et femmes travailleurs, courageux, pour construire une vie nouvelle.

    C’est un contrat, pas un esclavage. Trois ans seulement. Vous serez nourris, logés, et libres de rentrer avec votre fortune.

    Des murmures d’approbation traversèrent l’assemblée. Un homme maigre, à la barbe clairsemée, leva la main :

    — Et si on veut rester là-bas ?

    Rien ne vous en empêche. L’île Maurice est vaste, belle, accueillante. On y parle tamoul, hindi, même bhojpuri. Vous ne serez pas seuls.

    Devaki se tenait en retrait, son regard fixé sur l’homme, sans ciller. Elle observait ses mains, trop propres, ses yeux, trop vifs. Mais elle écoutait. Non pour l’or promis, ni même pour les terres. Elle cherchait quelque chose dans ses mots, une faille, ou une vérité voilée.

    Ma Pattu, quant à elle, était venue aussi. Silencieuse comme une ombre, elle s’était glissée parmi les femmes âgées. Elle portait un sari bleu nuit, ses cheveux gris attachés dans un chignon serré. On la craignait autant qu’on la respectait. Elle regardait Subramaniam sans parler, les yeux plissés.

    Lorsque l’homme acheva son discours, il ouvrit sa sacoche et en sortit une liasse de papiers, des contrats à signer.

    Il n’y a qu’à poser votre empreinte. L’administration coloniale prendra soin du reste.

    Un silence suivit. Puis, lentement, un premier homme s’avança. Il s’appelait Velan, un journalier ruiné par la dernière mousson. Il plaça son pouce sur l’encre noire et l’appliqua sur le papier. D’autres suivirent. Le doute reculait devant la faim.

    Devaki regarda la file s’allonger. Son cœur battait lentement, mais fort. Elle sentit le vent chaud caresser sa nuque. Puis, une voix rauque s’éleva juste derrière elle :

    La mer réclame un tribut. Chaque bateau prend des vivants... et rend des âmes.

    Elle se retourna. Ma Pattu la fixait.

    Va si tu veux. Mais n’oublie pas ton nom.

    Devaki ne répondit pas. Elle s’approcha de l’Arkati. Lorsqu’il lui tendit le papier, leurs regards se croisèrent. Un éclair fugitif d’étonnement passa dans ses yeux.

    Une femme seule ? Tu veux vraiment partir ?

    — Je suis déjà partie, dit-elle simplement.

    Elle posa son pouce sur l’encre.


    Ce soir-là, elle fit ses adieux au temple de Mariamman, où elle avait joué enfant. Elle noua un petit sac de jute contenant un châle, une photo de son défunt mari, quelques bijoux en cuivre, et une boîte de poudre rouge. Avant de refermer le baluchon, elle glissa un petit miroir fêlé — un objet sans valeur, mais le seul dans lequel elle osait encore se regarder.

    Quand elle sortit de chez elle, le ciel s'était couvert. Il faisait lourd, comme si la terre elle-même retenait son souffle. En traversant le village, elle crut entendre un bruit derrière elle — un pas qui imitait le sien, un souffle qui n’était pas le sien. Lorsqu’elle se retourna, il n’y avait personne.

    Mais à l’endroit même où elle avait vu l’Arkati le matin, une feuille de banian gisait au sol. Dessus, tracé dans la poussière, un symbole qu’elle ne comprit pas — une spirale entourée de quatre petits points.

    Chapitre 1 – Partie III : La décision – La rupture avec le passé

    La nuit était tombée rapidement, comme un voile lourd, et le ciel était d’un bleu profond, sans étoiles. Devaki s’assit sur la pierre froide du seuil de sa maison, la tête baissée. Le vent soufflait doucement, mais il n’apportait ni fraîcheur, ni apaisement. Les sons du village se faisaient plus rares à cette heure, seuls les bruits de la nuit — le hululement des hiboux et le cri lointain des chiens — brisaient le silence.

    Elle attendait. Une dernière fois, elle attendait que la voix de l’Inde la guide, mais cette voix se faisait plus lointaine. Ma Pattu, son regard étrange, les murmures qu’elle avait laissés derrière elle, résonnaient dans sa tête.

    Ne perds pas ton nom.

    Devaki avait cru que ces mots étaient simplement un avertissement, une mise en garde contre l’oubli. Mais plus elle y pensait, plus ils lui semblaient être une prophétie. La mer allait la prendre. La mer allait prendre tous ceux qui étaient partis avant elle. Et peut-être, elle aussi.

    Les derniers rayons de la lune glissaient sur la pierre, laissant une ombre qui dansait sur le mur. C’était comme si la terre elle-même hésitait, comme si les ancêtres murmuraient dans l’air lourd. Devaki se leva et se dirigea lentement vers l’intérieur, là où les petites offrandes étaient déposées sur l’autel familial. Elle prit une poignée de riz dans ses mains, la posa sur son front, et chuchota une prière silencieuse.


    Le matin, avant le lever du soleil, elle se rendit au bord du fleuve. Là, le parfum des lotus, déjà en train de se faner, emplissait l’air. Elle s’agenouilla, plongea ses mains dans l’eau fraîche et s’y lava le visage, comme pour effacer une partie d’elle-même. Un dernier regard à l’Inde, une dernière prière pour son mari, Anandarajan, et un dernier adieu à cette terre qu’elle avait aimée, mais qui ne lui permettait plus de respirer.

    Au fond d’elle, une petite voix murmurait que cette mer au loin allait tout engloutir. Mais peut-être qu’elle n’avait pas le choix. Peut-être que la mer était son dernier chemin, son dernier horizon.

    Les autres engagés s’étaient rassemblés près du port, attendant le moment du départ. Devaki aperçut Rajen, ce forgeron au regard sombre, et Ma Pattu, toujours aussi silencieuse, qui observait le ciel, comme si elle attendait que quelque chose y vienne s’écrire.

    Tu pars avec eux, Devaki ? La voix de Ma Pattu s’éleva soudainement, comme une brume qui s’échappe d’un rêve.

    Devaki hocha la tête.

    Je dois partir. Je ne peux pas rester ici.

    Ma Pattu la regarda longuement, puis, avec une lenteur presque surnaturelle, se tourna vers la mer qui scintillait sous les premières lueurs de l’aube.

    La mer est un miroir, Devaki. Elle te montre ce que tu veux voir, mais aussi ce que tu redoutes.

    Ces mots pénétrèrent l’âme de Devaki, comme une brise froide, mais elle ne répondit pas. Elle savait que Ma Pattu, plus que quiconque, voyait au-delà des apparences. Il y avait quelque chose dans cette mer, quelque chose que Devaki ne comprenait pas encore, mais que son instinct, ce même instinct qui l’avait poussée à accepter ce voyage, lui chuchotait de ne pas ignorer.


    Lorsque l’Arkati arriva, il ne souriait plus de la même manière. Ses gestes étaient plus brusques, ses yeux plus fuyants, comme s’il savait que l’heure du départ avait un goût amer, un goût de fin.

    Il comptait les têtes, observait les contrats. La scène semblait irréelle. Ces hommes, ces femmes, chacun emportant avec lui ses rêves, ses craintes, sa volonté de s’échapper. Devaki se rendit à l’idée qu’elle, aussi, faisait partie de ce tout. Elle n’était ni plus ni moins que ces autres, ces âmes qui fuyaient le même vide.

    Rajen la rejoignit avant qu’elle n’embarque. Il avait ce regard calme, presque apaisé, qu’elle lui connaissait. Ils se saluèrent sans un mot. Il n’avait pas besoin de parler, il savait. Ils étaient tous deux là pour une raison, poussés par une force qui les unissait déjà avant même qu’ils ne se croisent.

    Le bateau, le Vayuputra, attendait. C’était un vaisseau massif, noir comme la nuit, avec des voiles de toile brune et des coques qui semblaient avoir été battues par des siècles d’histoires. Des voiles qui capturent le vent du large, mais aussi les murmures des esprits oubliés.

    Devaki monta à bord, une dernière fois regardant la terre ferme. Elle savait qu’en la quittant, elle s’abandonnait à une promesse faite à la mer.


    Plus tard, allongée sur le sol humide de la cale, elle sentait la houle, douce mais persistante, qui secouait le bateau. Le vent portait une odeur de sel et d’avertissement. Les autres engagés dormaient, à peine conscients du voyage. Mais Devaki ne pouvait pas fermer les yeux. Elle sentait, dans l’air, une présence. Une sensation de frissons dans la nuque, un souffle qui effleurait sa peau, comme si les morts l’accompagnaient déjà.

    Le voyage venait à peine de commencer, mais la mer, elle, ne l’attendait pas. Elle était là, prête à tout engloutir.

    Chapitre 1 – Partie IV : La veille du départ – Premiers signes d’inquiétude

    La nuit avant le départ , Devaki ne dormit pas. Le vaisseau, amarré au port de Tuticorin , se balançait légèrement au rythme des vagues. Les bruits des hommes et des femmes qui se préparaient pour le voyage semblaient lointains, comme s’ils appartenaient à un autre monde, un monde qu’elle n’avait pas encore rejoint.

    Dans la lumière vacillante des lampes à huile, les visages des engagés paraissaient figés dans une sorte de transes, comme s’ils attendaient tous le même destin, mais aucun d’entre eux n’osait en parler. Ma Pattu, qui avait pris place à une extrémité du pont, marmonnait des prières, ses yeux scrutant la mer avec une intensité qui mettait mal à l’aise les autres. Elle ne parlait pas, mais ses gestes — rapides et précis — révélaient un malaise qu’elle seule semblait comprendre.

    Devaki, cependant, ne pouvait détacher son regard de la mer. Elle l’observait, fascinée par son immensité, par la façon dont elle se confondait avec l’horizon, effaçant toute frontière entre le ciel et la terre. Il n’y avait que l’infini, un bleu profond qui semblait engloutir tout ce qui s’y aventurait.

    Elle ressentait une étrange pression dans sa poitrine, comme si le ciel lui-même attendait quelque chose d’elle. Un signe, peut-être. Un dernier adieu. Elle s’éloigna discrètement de la foule et se dirigea vers la proue du navire. Là, elle s’agenouilla et tendit ses mains vers la mer, ses paumes ouvertes comme si elle attendait une bénédiction.

    Dans le silence de la nuit, un cri perça l’air. Un cri de femme. Ce cri n’était pas celui des engagées. Ce n’était pas le cri d’un être humain, mais quelque chose de plus ancien, plus profond. Un cri venu des abysses. Devaki se redressa, le cœur battant. Elle chercha des yeux, mais il n’y avait personne.

    Les autres n’avaient pas entendu.

    Elle s’avança de quelques pas, son esprit envahi par une sensation de vertige. Puis, soudainement, le cri retentit à nouveau, plus proche cette fois, comme s’il venait de la mer elle-même. Un appel.

    Les vagues se brisaient avec plus de force contre la coque du vaisseau. Devaki se pencha en avant, les yeux fixés sur les profondeurs. Une silhouette noire passa sous l’eau, si rapide qu’elle sembla n’être qu’une ombre. Une forme humaine, mais distordue, glissant entre les vagues comme un spectre. Elle baissa la tête, ne voulant pas y croire, mais l’image resta gravée dans ses yeux.

    Ma Pattu, qui avait observé la scène de loin, se leva soudainement. Son regard croisa celui de Devaki, et un frisson traversa l’air. Les autres, trop occupés à discuter ou à préparer leurs maigres affaires, ne semblaient pas remarquer ce qui se passait.

    La vieille femme s’approcha de Devaki avec une lenteur presque cérémonieuse, et posa une main tremblante sur son épaule.

    Tu as vu, n’est-ce pas ?

    Devaki ne répondit pas. Elle sentait une chaleur dans son cœur, une chaleur qui montait, incontrôlable. La mer, cette mer qu’elle avait tant rêvée, la regardait maintenant comme un prédateur, une entité qui attendait le bon moment pour la réclamer.

    Ma Pattu se pencha vers elle, murmurant d’une voix basse, presque inaudible :

    La mer a faim. Elle n’oublie jamais les âmes qu’elle a prises.

    Les paroles de Ma Pattu eurent l’effet d’un coup de poing. Devaki frissonna et recula, les mains tremblantes. Elle voulait demander, comprendre, mais la vieille femme était déjà repartie, s’éloignant lentement dans l’ombre, comme une apparition.

    Devaki se tourna vers l’horizon, où la mer et le ciel

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