Le Sang des Génies: Félicien Perrier - 3
Par Coline Gatel
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À propos de ce livre électronique
Lorsqu'il se décide enfin à forcer leur porte, ce qu'il découvre dépasse de loin ce qu'il avait imaginé !
Pour sauver Félicien, rongé par la tuberculose, il n'a d'autre choix que de l'envoyer en Bavière, dans un sanatorium réputé.
Mais, ce qui se passe "Là-Haut", comme les gens du cru appellent l'établissement, est particulier. Des corps sont retrouvés, exsangues. Le fils du directeur disparait.
Quelle est cette communauté, en quête de perfection, qui vit dans une grande ferme, en pleine nature ? Et, qui est cette femme, Mina, qui pose son dévolu sur Félicien, au point de le troubler ?
Avis de chroniqueuses littéraires :
"Un roman captivant, où science, idéologies et luttes intimes se mêlent dans une intrigue haletante." (Sonia de Soniaboulimique de livres)
"En un mot : captivant ! En trois : coup de coeur !" (Corinne de Co et ses livres)
"Pépite en vue ! Coline Gatel nous offre ici un polar mêlant histoire, siciences et suspense de manière palpitante." (Nadège de Nadège la tête dans les nuages)
"Polar historique captivant qui clôt magistralement une trilogie. Entre progrès scientifiques et médicaux, une intrigue complexe qui annonce les grands conflits du 20è siècle. Un coup de coeur !" (Alexandra de alex_ch_guerreiro)
"Coline Gatel revient avec un thriller historique sombre et brillant, où la médecine rencontre des personnages inoubliables... ete c'est tout simplement addictif !" Camille de camille.ogrimoire)
Même si le bateau-morgue sur le Rhône est bien loin, et malgré son état de santé alarmant, Félicien reprend du service, vite épaulé par Irina qui le rejoint. Ensemble à nouveau, parviendront-ils à dénouer les fils de cette étrange histoire ?
mmm
Coline Gatel
Coline Gatel est originaire de Saint-Etienne, mais elle voue une passion pour la Haute-Loire, pays de ses ancêtres. Elle vit maintenant dans le Morvan, où elle se consacre à l'écriture. Après des études en histoire, Coline s'essaie très jeune au journalisme, avant de se tourner vers les métiers du livre, dont l'édition. Elle est lauréate du concours "A la recherche des talents de demain" pour son roman "Les Suppliciées du Rhône", première aventure de Félicien Perrier, sur les débuts de la criminologie à Lyon, devenu depuis un best-seller, repris chez "Livre de Poche". Coline a sorti aussi "Le Labyrinthe des Femmes", repris aussi par "Livre de Poche", ainsi qu'une série "Cosy Mystery" - Mary Simple enquête - chez City Éditions. Avec ce troisième opus, elle renoue avec les codes du polar historique et nous propose une nouvelle histoire, avec toujours la condition des femmes au 19è siècle en toile de fond.
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Avis sur Le Sang des Génies
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Aperçu du livre
Le Sang des Génies - Coline Gatel
De la même autrice :
Les Étrangers du Temps (saga fantastique historique)
— Destins Obscurs
— Celui qui est
— Passé Composé
— Ainsi sois-tu
Félicien Perrier (policiers historiques)
— Les Suppliciées du Rhône (Livre de Poche)
— Le Labyrinthe des Femmes (Livre de Poche)
— Le Sang des Génies
Mary Simple (série de Cosy Polar)
— Tempête dans un encrier (City Éditions)
— Crocodile Dandy (City Éditions)
— Noël à Glenmoray (City Éditions)
— Le Puits des Vérités (à paraître en août 2025)
« Le père frémit, il presse son cheval,
Il tient dans ses bras l’enfant qui gémit ;
Il arrive à sa maison avec peine, avec angoisse :
L’enfant dans ses bras était mort. »
ErlKönig – Le Roi des Aulnes
Gœthe (1782)
Traduction de Jacques Porchat (1861)
Sommaire
À propos de l’auteur
Epigraphe
Prologue
Décembre 1897, Les Suppliciées du Rhône
Été 1898, Le Labyrinthe des Femmes
Première partie
Chapitre 1
1
2
3
Chapitre 3
Chapitre 4
1
2
3
4
5
6
Chapitre 5
1
2
3
4
5
6
7
Chapitre 6
1
2
3
4
5
6
7
8
Chapitre 7
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Deuxième partie
Chapitre 8
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
Chapitre 9
Chapitre 10
1
2
Chapitre 11
1
2
Chapitre 12
1
2
Prologue
Genèse de l’histoire
Décembre 1897, Les Suppliciées du Rhône
Dans Les Suppliciées du Rhône, premier volet d’une série se déroulant à Lyon à la fin de l’année 1897, les corps exsangues de jeunes filles sont retrouvés dans la ville. Le professeur Lacassagne, déterminé à identifier le coupable, décide d’envoyer une équipe de scientifiques sur le terrain pour mettre en pratique les dernières avancées acquises jusqu’alors.
Pour mener à bien cette mission, il choisit l’un de ses étudiants les plus brillants, Félicien Perrier. Entouré d’Irina Bergovski, une journaliste pseudo-polonaise, et de Bernard Lecuyer, un carabin cent pour cent janséniste, Perrier se lance dans une enquête complexe.
Cette affaire difficile fera éclater le groupe et poussera le jeune médecin au-delà de ses limites.
Été 1898, Le Labyrinthe des Femmes
Six longs mois se sont écoulés depuis que le Professeur Lacassagne a chargé Félicien Perrier, un de ses étudiants en Faculté de médecine à Lyon, de former une équipe de scientifiques dédiée à la résolution d’affaires criminelles.
Réuni à nouveau, le groupe se rend sur les lieux d’une macabre découverte : des corps décomposés ont été retrouvés dans les entrailles de la Croix-Rousse.
Pourquoi ont-ils été abandonnés là, comme sur un autel sacrificiel ? Est-ce l’œuvre d’un fou ou d’une secte ?
Le vieux bateau-morgue reprend du service.
Au meilleur de sa forme, grâce à son ami Freud qui se livre sur lui à des séances d’hypnose, Perrier assemble, une à une, les pièces de cet étrange puzzle.
Pendant ce temps, Irina Bergovski, toujours journaliste au Progrès de Lyon, mène l’enquête à l’asile d’aliénés du Vinatier, où elle se fait enfermer volontairement.
Malheureusement, des épreuves frappent le trio qui ne sort pas indemne de cette nouvelle aventure.
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Note de l’autrice : même s’il semble plus cohérent de lire
les différents tomes dans l’ordre,
chaque histoire est indépendante.
The Vampire de Philipp Burne-Jones (1897)
Je tiens à exprimer ma plus profonde gratitude aux chroniqueuses qui ont bien voulu m’aider à promouvoir ce livre, que j’ai décidé de publier en autoédition, à la suite de ses deux « petits frères » déjà disponibles chez Livre de Poche.
« Un roman captivant, où science, idéologies et luttes intimes se mêlent dans une intrigue haletante. »
Sonia de « Sonia boulimique de livres »
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« En un mot : captivant !En trois : coup de cœur ! »
Corinne de « Co et ses livres »
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« Polar historique captivant qui clôt magistralement une trilogie. Entre progrès scientifiques et médicaux, une intrigue complexe qui annonce les grands conflits du 20è siècle. Un coup de cœur ! » Alexandra de « alex_ch_guerreiro »
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« Pépite en vue !
Coline Gatel nous offre ici un polar mêlant histoire, sciences et suspense de manière palpitante. » Nadège de « nadege_la_tete_dans_les_nuages »
***
« Un polar historique palpitant, qui nous immerge dans une époque passionnante où germent les progrès et les affres du 20è siècle. »
Aurélie de « juste_une_page_de_plus »
***
« Une série magistrale conclue par un dernier tome époustouflant ! » Laetitia de « La caverne aux livres de Laety »
***
« Coline Gatel revient avec un thriller historique sombre et brillant, où la médecine rencontre des personnages inoubliables… et c’est tout simplement addictif. » Camille de « camille.ogrimoire »
Première partie
Chapitre 1
Lundi 26 décembre 1898
1
Sankt Blasien, Allemagne
Noël le rendait toujours nostalgique, et la tuberculose qui le rongeait n’arrangeait rien. Les mains dans les poches de son long manteau, il avançait, le regard sombre. La neige craquait sous ses pas.
Il était attiré par tout ce qui était lugubre : les arbres tordus de douleur, leurs branches osseuses, les stries de leur écorce dans lesquelles il retrouvait des visages.
Il aimait aussi tout ce qui était menaçant : les formes monstrueuses cachées derrière les troncs, les animaux affamés, dents en avant, babines dégoulinantes, prêts à mordre et à hurler dans la nuit.
Il trouvait la nature inquiétante lorsqu’elle perdait son foisonnement de verdure.
Chaque soir, il venait là, engrangeant dans sa mémoire de quoi satisfaire sa boulimie d’images. Jamais rassasié, le lendemain, il recrachait sur sa toile toutes les émotions qu’il avait ressenties, toutes les peurs qu’il avait accumulées.
Car il peignait.
Des tableaux à la hauteur de la douleur qui l’habitait.
Sombres. Torturées. Un cri.
Ce soir était particulier. Une pleine lune l’accompagnait, illuminant sa promenade de sa lueur d’un blanc métallique. Les ombres s’allongeaient, faisant surgir des êtres maléfiques de derrière les bosquets.
Un oiseau de nuit, surpris, le frôla de son aile grise. Il setassa sur lui-même et fit un bond de côté. Trop vite. Trop tard. Hop ! Une émotion étrange le saisit. Un trouble identique à celui qu’il avait ressenti lorsqu’il était monté dans la Grande Roue de Vienne¹ et qu’il avait surplombé la ville du haut de ses soixante-cinq mètres.
Un malaise le parcourut.
Il gigota vainement, l’esprit perturbé par ce vertige dont il ne maîtrisait pas la provenance.
Puis, il comprit. Ce qu’il regardait n’était plus le ciel pommelé au-dessus des arbres, mais bien le sol, enneigé par plaques, assombri par les restes d’une nature pourrissante.
— Tout doux…
Un frisson désagréable parcourut son corps, du bas de son dos jusqu’à sa nuque. Il frôlait la terre tout en se balançant.
Ses cheveux balayaient la mousse gelée.
Il implora :
— Lâchez-moi !
Mais un rire cruel répondit à sa supplique. Il n’y aurait aucune pitié, aucune compassion de la part de son agresseur ! Déterminé à s’échapper, il tenta de se tordre sur lui-même, mais en vain. Un long bruit grinçant, inquiétant, se fit entendre. Il réalisa alors qu’il était attaché par les pieds à une grosse branche et qu’on le hissait maintenant, comme un sac, afin de le remonter plus haut.
Il était tombé dans le piège d’un de ces redoutables voleurs de grand chemin qui hantaient les forêts et détroussaient leurs victimes.
— Ne me faites pas de mal !
Ses pensées se tournèrent vers sa mère, qu’il ne reverrait plus. La maladie qui n’aurait pas le temps de le détruire. Les œuvres qu’il ne peindrait pas.
L’esprit pouvait être si étrange dans de telles circonstances qu’il osa même se représenter sa mort. Il s’imagina agonisant seul, dans cette forêt hostile, à la merci des prédateurs.
L’attaqueraient-ils alors qu’il était encore vivant ?
Des dents enserraient son crâne et le faisaient craquer. Des loups se déchiraient sa dépouille. Des oiseaux plongeaient sur lui, arrachant des lambeaux de chair en vol.
Il pourrirait, accroché à sa branche, à la merci des charognards, jusqu’à ce qu’on le découvre au printemps.
Par hasard.
Un chasseur trouverait ses restes décharnés, méconnaissables, comme ces pendus, jadis, qui finissaient de faisander au gibet, avant que la corde ne se délite et ne les rende à la terre.
Un nouveau frisson, plus douloureux que le précédent, parcourut son être. La tête lui tournait, ses tempes explosaient sous l’afflux sanguin.
Vaincu, il relâcha ses muscles. Puis, il eut ces mots terribles :
— Tuez-moi, mais ne me laissez pas vivant.
Ce que l’autre fit.
Un corps se plaqua contre lui, tête-bêche, avec une force et une proximité telles qu’il pouvait entendre le cœur de son agresseur battre.
Il sentit à peine la lame effilée du couteau qui lui tranchait la gorge et ne vit pas son sang qui se déversait dans une bassine placée en dessous. Il ne vit pas non plus la brume légère qui s’élevait du récipient.
Pourtant, son esprit tourmenté aurait aimé découvrir ce spectacle. Quelque chose de très beau. Comme si son âme s’envolait vers le ciel, dans un ultime adieu.
Peut-être aurait-il peint la scène, pour la sublimer.
En noir et rouge.
Sang.
Il était paisible maintenant, le visage lisse et blanc. Il ne souffrait plus.
Au bout d’une chaîne en or fixée à la boutonnière de son gilet, sa splendide montre à gousset oscillait encore, bercée par son corps gracile qui ne parvenait pas à s’immobiliser, ballotté par le vent.
Son meurtrier s’en saisit et l’arracha en cassant la bélière qui la retenait au tissu. Il l’empocha, recula d’un pas, et sourit en voyant le théâtre de son forfait.
Puis, il s’éloigna, poussant une charrette à bras dans laquelle il avait soigneusement placé la bassine pleine de son précieux breuvage.
2
Lyon,
Assise bien droite sur la banquette qui accueillait Freud quelques mois auparavant, Irina Bergovski, journaliste au Progrès de Lyon, regardait le brouillard engloutir la ville. Une espèce de coton compact, d’un blanc mat presque gris sale, qui semblait vouloir étouffer les gens. Quelques minutes de plus, et il avalerait les vitres de la fenêtre, elle en était certaine. Tout comme il grignotait les édifices, les toits des maisons, et même une partie des passants.
Un brouillard anthropophage qui bientôt ne laisserait rien derrière lui.
Depuis l’assèchement des marais des Dombes, il avait perdu sa teinte jaunâtre caractéristique. Toutefois, il restait toujours présent. Tel un irréductible envahisseur qui troublait les esprits. Égarait les Lyonnais au sein de leur propre ville.
D’une main mécanique, la jeune femme, tout en se morfondant sur le temps, caressait les cheveux de Félicien. Ils avaient poussé et ondulaient maintenant sur ses épaules. Et elle les caressait comme on cajole un chat. Sans y prêter vraiment attention. Mais avec suffisamment d’empathie pour que le sujet en ressente une certaine satisfaction.
Oh ! Bien entendu, celui vers qui allait son intérêt ne ronronnait pas ! Mais il restait là alangui. La tête sur ses genoux. Allongé sur le sofa, les jambes repliées, les pieds nus calés contre l’accoudoir.
L’Odalisque à l’esclave d’Ingres².
N’était-ce pas la première comparaison qui lui était venue à l’esprit le jour de leur rencontre, chez Bernard Lecuyer ? … Il y avait… mon Dieu… plus d’un an déjà.
À l’époque, Félicien Perrier, sous la direction du professeur Lacassagne, avait constitué une équipe de scientifiques. Leur mission : démontrer au monde que la criminologie était désormais essentielle pour démasquer les meurtriers. Elle s’était jointe au groupe par pur hasard, et y était restée.
Elle soupira.
Ne représentaient-ils pas, à l’instant, tous les deux, l’image parfaite du bonheur : une matinée de décembre, un couple douillettement installé dans un salon confortable, la chaleur d’un bon feu dans la cheminée.
La cloche de la porte avait retenti, mais aucun d’eux n’avait bougé. Au loin, on distinguait une voix discrète, pour ne pas déranger.
— Je suis désolée, mon cher Maître. Ils ne souhaitent toujours pas recevoir du monde.
— Mais je ne suis pas du monde, disait le visiteur, celui qui avait sonné.
— Je le sais bien, mon cher Maître. Faut me comprendre. J’ai des consignes.
Rose, la gouvernante, avait des consignes. Et l’une d’entre elles était de ne laisser entrer personne dans cette pièce, oscillant entre le tombeau et le cachot.
— J’essaie de leur changer les idées, mais ils n’entendent rien à rien. Ils restent là à se morfondre à longueur de temps.
À boire et à dormir. À se languir sans rien attendre de rien. Si c’n’est pas pitié…
Elle en aurait eu la larme à l’œil. Car elle les aimait, ses deux tourtereaux. Même si elle savait pertinemment qu’ils ne seraient jamais des tourtereaux. Toutefois, un lien tellement fort les unissait que les imaginer ensemble pour la vie devenait facile. Comme ces inséparables dont l’autre mourait si le premier venait à décéder.
La douleur avait cimenté une relation bien plus intense qu’un rapport physique.
— Insistez, Rose ! Je souhaite leur présenter mes vœux.
Alors qu’en novembre, après la disparition de Bernard Lecuyer³, Irina et Félicien reprenaient goût à l’existence, l’annonce du suicide organisé de Madeleine et l’origine de l’enfant donné pour être le sien avaient terrassé la jeune journaliste. Une profonde dépression l’avait à nouveau saisie, et elle y avait entraîné dans sa chute le médecin, encore dans une stabilité précaire.
Ensemble, ils avaient sombré, anéantissant en quelques jours le travail accompli par Freud sur Félicien à son retour de Londres.
Désabusés. Foudroyés. Vaincus par une société terrible et dévastatrice qui les dévorait.
— C’est moi qui aurais dû me jeter devant toi, disait Félicien Perrier, en s’énervant de rage contre sa propre couardise. Bernard était heureux. Il devait épouser Élise, une brave fille faite pour lui. Ils voulaient construire une famille. Alors que moi, je ne sais que tout démolir…
Pour la première fois depuis sa naissance, il ressentait des remords. Cette sensation le dévorait, comme un feu sans oxygène, prêt à exploser au moindre souffle.
— Je n’aurais pas dû abandonner Madeleine, disait Irina. Si j’avais pris de ses nouvelles, elle serait encore parmi nous.
Et chacun d’entre eux y allait de son repentir, sans bien s’occuper des jérémiades de l’autre, finalement. Enfermés qu’ils étaient dans leur propre douleur.
Noël était passé et ils n’avaient toujours pas contacté qui que ce soit. Aucune information ne fusait de la maison de Montchat.
La tête sur les genoux de sa compagne de dérive, le jeune homme fut soudain secoué par une toux qui ébranla tout son corps. De plus en plus habituée à ce genre de manifestation, Irina glissa une main fraîche sur son front.
— Tu es fiévreux.
Il le savait. Tout comme il avait ressenti, depuis plusieurs semaines, une grande lassitude différente de l’abattement qui les habitait tous les deux. C’était quelque chose de plus sournois. Plus fourbe. Un malaise. Il avait beaucoup maigri et il laissait Rose, qui l’avait remarqué, lui reprocher son existence décadente. Mais sa déchéance n’avait rien à voir avec l’affaire. Et de ça aussi, il en avait bien conscience.
Le son dans sa gorge devint rauque et le brisa en deux. On aurait dit un écho provenant des profondeurs de ses entrailles, qui résonnait douloureusement dans son larynx. Un chant de coq enroué. Il se redressa alors que des glaires montaient dans sa bouche. Il les glaviota dans un mouchoir et, en les regardant, il sourit.
— Tu craches du sang !
Irina s’était relevée et sautait sur lui, alors qu’au même instant, le Professeur Lacassagne en personne surgissait, au grand dam de Rose, dans le salon.
— Ils ne veulent pas ! hurlait-elle en suivant l’opportun qui venait de forcer le barrage qu’elle faisait de son corps.
— Je n’y suis pour rien, se lamenta-t-elle à l’adresse des occupants des lieux.
Ils contemplèrent leur visiteur, surpris. Il y avait bien quatremois qu’ils ne l’avaient pas revu ! Il était toujours le même, avec sa bonhomie coutumière et son paternalisme discret. Seul son manteau avait changé : la redingote légère avait été remplacée par une houppelande d’hiver, son haut-de-forme vissé sur sa tête.
Quoique, à bien y regarder, leur doyen avait maintenant au front des plis soucieux que l’été dernier ne lui connaissait pas encore. Le décès de Bernard Lecuyer, en août, l’avait, lui aussi, profondément marqué. C’était comme s’il avait perdu un de ses fils. Quelqu’un qu’il avait vu s’affirmer, mûrir, et qui disparaissait brutalement.
Du trio que ce célèbre anthropologue lyonnais avait formé, l’année précédente, afin de prouver à la police que la science avait dorénavant son mot à dire dans la résolution des crimes, il ne restait que…
Un instant, le nouveau venu suspendit sa réflexion pour détailler les deux personnes qui lui faisaient face. Et ce qu’il découvrit le laissa pantois.
Irina, émaciée et livide, en paraissait d’autant plus grande. Son visage, souvent dur, donnait maintenant l’impression d’être sculpté au couteau. Elle portait un pantalon sans forme qu’elle retenait avec une ceinture nouée, la boucle ne suffisait plus tant les trous manquaient. Et une chemise froissée qui n’avait pas vu le blanchisseur depuis pas mal de temps ! Quant à ses cheveux… Pouvait-on encore appeler cheveux cette masse disgracieuse qui se répandait sur ses épaules, comme une pelote jaunâtre qu’un chat malveillant aurait emmêlée avec un plaisir pervers ?
Pour ce qu’il en était de Félicien, le tableau offert n’était guère plus vaillant !
Ramassé sur lui-même, rabougri, crayeux, il contemplait, avec une joie non feinte, son mouchoir aussi blanc que son teint, auréolé d’une tache d’un beau rouge carmin. Sous sa robe de chambre en soie noire brodée d’or, il ne portait rien.Il se refusait le luxe d’enfiler un vêtement, tant l’action était devenue épuisante. Il suait, et le piquant de sa transpiration aigre parvenait aux narines du visiteur, qui osa se demander depuis combien de jours le médecin ne s’était pas lavé.
— Seigneur !
C’était la seconde fois, en quelques minutes à peine, que Lacassagne implorait le ciel, ce qui, pour un libre penseur, laissait deviner l’étendue de la déchéance de ses amis.
Il ravala sa salive et prit une profonde respiration.
— Nous ne voulons voir personne… même pas vous ! lâcha Félicien en cessant son ricanement grotesque. Surtout pas vous…
Le professeur, pour qui ses deux hôtes travaillaient, haussa les épaules et, sans même quitter son haut-de-forme, approcha du jeune homme, nullement gêné par l’accueil peu amène qui lui était réservé.
— Cachexie pulmonaire ?
Perrier mit un moment à répondre.
— Oui, finit-il par admettre en relevant le menton par défi. — Depuis combien de temps ?
— J’ai ressenti les premiers symptômes après mon retour de Londres, au début de l’été. Principalement des sueurs nocturnes, puis une perte d’appétit. J’ai attribué ces inconforts à mon sevrage rapide. Au manque de drogue. Et lorsque la fatigue s’est installée, je l’ai mise sur le compte du surmenage causé par l’enquête que nous menions.
— Et pour le sang ?
L’interrogatoire prenait l’apparence d’une consultation médicale. Félicien n’en était pas dupe. Toutefois, soulagé, il se laissait aller à offrir des réponses à celui que, quelques minutes auparavant, il ne désirait pas recevoir.
— Deux ou trois jours.
— Vous connaissez, tout comme moi, la contagiosité de la phtisie. Vivre en vase clos, sans jamais aérer la pièce. Quellehérésie ! En ayant Irina à vos côtés, vous vous doutiez bien que vous risquiez de l’infecter ?
Le ton agressif de celui qui avait toujours été son mentor surprit le jeune homme qui se renfrogna. Il s’attendait à tout, sauf à s’entendre sermonner de la sorte ! Cependant, la phrase qu’il répliqua l’étonna lui-même.
— Je le sais.
Un silence se fit.
La journaliste n’avait pas bougé. Le vieux professeur se tourna vers elle et d’une voix déterminée annonça, comme on déclare la guerre :
— Je confirme : phtisie ! Ou plus simplement tuberculose, comme nous l’appelons aujourd’hui. Sans compter qu’avec ses bêtises, Félicien risque de mourir. Et vous, Irina ? Avezvous pensé à votre propre santé ? Mais où avez-vous donc l’esprit tous les deux ? À vous abandonner de la sorte ? C’est infamant de votre part ! J’en suis outré !
Lacassagne bégayait, tant il était en colère. Et dans ses gants de chevreau, qu’il n’avait pas encore ôtés, il serrait les poings de rage. Comment ? Comment ses deux précieux collègues en étaient-ils arrivés à cette extrémité-là ? Ce qu’il découvrait dépassait l’entendement !
— Votre trousse médicale ! Où est-elle ? Donnez-moi un stéthoscope !
Il fulminait tout en laissant son regard chercher, dans le désordre de la pièce, ce qui pouvait ressembler à une sacoche de médecin.
— Elle est dans mon bureau. Je vais l’attraper.
Félicien s’éclipsa sans un mot. Le visiteur en profita pour se radoucir. Il posa, un instant, sa main sur l’épaule d’Irina et secoua la tête.
Ce qu’il apercevait le désappointait.
— Vous rendez-vous compte, ma chère, de l’état dans lequel vous vous êtes abandonnée ? Voyez-vous ce chaos ? Sentezvous cette odeur atroce ? Je suis certain que vous interdisez à Rose de faire le ménage dans ce salon, depuis des semaines ! Est-ce un bon comportement chrétien pour des gens intelligents ? N’est-ce point gâcher ?
Il était là, les bras ballants, courroucé, cependant toujours paternaliste. À le regarder, la jeune femme en eut les larmes aux yeux. C’était comme si une lampe venait de s’allumer, l’aidant à distinguer ce que jusqu’alors elle ne remarquait pas. Et ce qu’elle découvrait l’accablait ! Plus rien de quiet, comme elle se le laissait croire. Mais des vêtements sales délaissés. Des détritus d’aliments oubliés. Des verres cassés. Des bouteilles vides qui jonchaient le sol. Pas seulement d’alcool ! Mais aussi de ces flacons si caractéristiques de chez Bayer, dont Félicien avait usé sans retenue.
— Il a replongé. Et vous, avec ! gronda son interlocuteur avec tristesse.
Il grimaça. Comme meurtri au plus profond de sa chair.
— Prenez-vous conscience de la situation ? insista-t-il pour la seconde fois. Tout le travail de Freud anéanti. Pour qui ? Pour quoi ? Certainement pas pour Bernard, dont vous n’honorez pas la mémoire en agissant ainsi. Et maintenant la tuberculose !
Sur ce fait, Perrier revenait. Il avait enfilé un pantalon sous son peignoir. Par décence. Il tendit le stéthoscope demandé au professeur, puis, de lui-même, rabattit les manches de son vêtement autour de sa taille pour dégager son dos.
— Toussez !
Il toussa.
— Plus fort, que diable !
Il toussa plus fort. Puis toussa encore. Et encore. Encore. Sans plus pouvoir se retenir. Plié en deux. À court d’air. Asphyxié. La main devant sa bouche, afin de garder à l’intérieur ce qui désirait en sortir. Sans aucune émotion apparente, le visiteur poursuivit son auscultation.
— Dites 33.
Perrier, à bout de souffle, grommela.
— Je n’entends pas.
— 33, aboya le jeune homme de manière péremptoire, tout en remontant sa robe de chambre sur ses épaules amaigries.
Lacassagne hocha la tête. Furieux.
Sans pitié pour le malade.
— Bruit de pot fêlé dans le premier espace intercostal. Râles crépitants. Submatité à gauche, plus prononcée. Respiration caverneuse. S’il vous reste encore des poumons, vous aurez de la chance ! maugréa-t-il en se redressant. Faites voir vos doigts !
Il saisit la main tendue.
— Ongles hippocratiques. Ciel ! Les mots me manquent. Vous connaissiez tous les symptômes et vous avez laissé faire. À vous ?
Il parlait à Irina. Elle sursauta.
— Moi ?
— Oui. Vous !
Elle regarda autour d’elle, perdue, comme si elle cherchait une autre personne dans la pièce.
Puis, à contrecœur, elle souleva le pan de sa chemise.
Dessous, elle ne portait rien et cette pensée la troubla. Toutefois, le professeur n’en était plus à des considérations pudiques. Il dégagea, en râlant, son dos et écouta comme il l’avait fait auparavant avec Perrier.
— Rhaa… je ne peux me prononcer. Je dois pousser plus loin. Les rayons de Röntgen⁴ sauront nous éclairer. Mangezvous bien au moins ?
Elle haussa les épaules.
— Je vous sens fiévreuse. Ce ne sont, probablement, que les effets de la drogue… ou de l’alcool… ou du manque de nourriture… ou de l’absence de sorties… ou des quatre conjointement ! Vous faites de la bradycardie aussi. Rien d’étonnant à ça.
Décontenancé, il s’éloigna d’elle et resta un instant les bras ballants, sans bouger.
— Oh ! Comme vous m’énervez tous les deux ! Ah ! Comme je vous hais, là, tout de suite ! Retirez-vous pour vous laver et vous vêtir avec décence ! Nous partons !
L’ordre ne supportait pas de contestations.
Comme deux enfants blâmés, qui reconnaissaient leurs fautes, les deux jeunes gens quittèrent la pièce sans un mot, alors que Lacassagne dégageait un fauteuil de son contenu inutile afin d’y prendre place.
— Inconcevable, maugréa-t-il encore une fois.
Sans nouvelles du couple depuis longtemps, il s’attendait à tout en forçant leur porte. Il se découvrait, cependant, bien peu imaginatif au vu de la dure réalité ! En de nombreuses occasions, Rose l’avait refoulé. Il pensait dépression. Il s’en voulait de ne pas avoir insisté alors.
Fort heureusement, aujourd’hui, il avait tenu bon en osant affronter la gouvernante. Et comme il avait eu raison !
Quelques semaines de plus, et c’était à la morgue qu’il aurait à nouveau croisé Félicien !
Du bout de sa chaussure, il repoussa une de ces fioles au bouchon de verre. Les pharmaciens les vendaient en quantité. Leurs contenus étaient recommandés pour calmer la toux, la douleur et l’anxiété, surtout chez les enfants.
Même si ce médicament était prescrit pour soulager les conséquences de la tuberculose, Félicien connaissait très bien les dégâts que cette nouvelle substance chimique, qui était en train d’envahir le monde, pouvait provoquer !
Il avait refusé d’en prendre, au moment de son sevrage, à son retour d’Angleterre.
Héroïne.
Quel joli nom pour une terrible drogue, créée pour soutenir les soldats sur le champ de bataille, et dont on n’évaluait pas encore l’étendue des méfaits !
— Où allons-nous ? demanda Irina en revenant au bout d’un bon quart d’heure.
Lacassagne se fit la remarque qu’elle ne contredisait pas son ordre, mais s’inquiétait seulement de leur destination. En quelques minutes, elle avait recouvré une sorte d’apparence humaine. Elle avait coiffé ses cheveux en une espèce de chignon vaporeux, qui laissait supposer que le démêlage n’était pas parfait.
— Félicien ?
— Je lui ai fait couler un bain. Il y trempe comme une cocotte. Son décrassage va prendre plus de temps que le mien.
Pour toute réponse, le professeur grimaça de dégoût. Ce qu’il découvrait le dépassait.
De rage, car c’était bien une sorte de rage froide qui l’envahissait, il ouvrit grand la fenêtre pour aérer le salon.
— Tellement de miasmes prospèrent en ces lieux, grondat-il en inspirant à pleins poumons l’air frais et humide de dehors, qu’il me semble les distinguer, grouillant à l’œil nu ! Honteux ! Misérables ! Vous n’êtes que des misérables !
Lacassagne n’avait jamais ressenti une telle contrariété. Sauf peut-être quand son épouse s’en était allée, cinq ans auparavant, le laissant seul avec trois enfants en bas âge. Mais là encore, les causes n’étaient pas les mêmes. C’était le mauvais sort qui s’abattait sur sa famille qui l’avait révolté. Que pouvait-il y avoir de plus choquant que le décès d’une femme, sa femme en l’occurrence, d’à