La malédiction du Graal
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
En 2018, Jean-Marie Kutner se retire d’une vie politique qui lui permit de collaborer avec la Fondation Anne Frank dans le cadre d’une opération conjointe en faveur des adolescents de sa commune. Très attaché à l’écriture, il consacre alors davantage de temps à cette activité et publie en 2022 "Myriam pour toujours", un roman historique salué par la critique, qui lui vaut le Prix Littéraire 2022 de la Société des Écrivains d’Alsace, Lorraine et Territoire de Belfort.
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Aperçu du livre
La malédiction du Graal - Jean-Marie Kutner
Livre I : Anne D’Arimathie
Par le Sang du Christ
Dire le Graal est vain
Vers lui ne s’ouvre aucun sentier
Et nul ne peut trouver la route
Qu’il n’ait lui-même dirigé son chemin.
Parsifal, Richard Wagner
Anne
Je m’appelle Anne d’Arimathie.
Je vais mourir, devant Baeterrae⁵, loin de Jérusalem, cette ville où je suis née et que j’ai tant aimée.
Il y a cinq ans, lorsque Jérusalem fut détruite et que le Temple fut incendié, notre monde s’est effondré. Comme nombre de nos amis, mon père et moi n’avions alors d’autre choix que de partir. Ce fut le début d’un long périple, le début de la diaspora, l’exode de tout un peuple.
J’ai trente-quatre ans à peine et je meurs, mais je vais quitter cette vie sans autre regret que de ne pas être ensevelie dans la terre qui m’a vu naître.
J’ai tenu la promesse faite à mon père.
L’heure est venue pour moi de transmettre le secret qu’un soir, il me confia et que j’avais promis de ne partager qu’à l’heure de ma mort, avec la personne que j’aurai choisie.
J’avais conscience de l’importance du secret dont j’étais détentrice, mais je ne savais pas alors qu’au nom de ce secret et au cours des siècles à venir, des innocents mourront, par le fer et par le feu.
Esther, fille de Rachel, est ma plus fidèle amie. Depuis notre plus tendre enfance, nous ne nous sommes jamais quittées. Elle m’a suivie sur le chemin de l’exode, m’a consolé quand je pleurais, rassuré quand je doutais et me soigne depuis que je suis malade.
Elle est ma sœur de cœur, c’est elle que j’ai choisie. C’est à elle que je vais transmettre mon secret.
Je lui ai demandé de me rejoindre sous ma tente. Elle arrivera dans un instant.
Le temps est venu pour moi de repenser à ce que fut ma courte vie et de demander pardon pour le mal que j’aurais fait.
Le serment
An 60
Je suis née le cinquième jour du mois de Sivan⁶ de l’année 40.
Je suis la fille de Joseph d’Arimathie, fils de Mathan « Nasi » Ha-David et d’Anne Marie, fille d’Éléazar.
Mon père, marchand et armateur, était un homme respecté de tous. Il était membre du Grand Sanhédrin⁷ et il avait la confiance de Ponce Pilate, le Procurateur de Judée.
Ma mère est morte, alors que je n’étais encore qu’une enfant. Je n’ai, malheureusement, plus de souvenir d’elle. Mon père m’en parlait parfois.
Rachel, ma nourrice, est restée fidèlement à mes côtés. Sans la remplacer, elle fut ma deuxième maman.
Nous habitions sur la colline d’Ophel, face au Temple et du haut de notre terrasse, nous surplombions la ville de Jérusalem.
Je me souviens, de ce matin-là, nous étions la veille de Pessa’h⁸ de l’an 60.
Pessa’h est une fête religieuse importante. Le pèlerinage au Temple de Jérusalem et le sacrifice d’un agneau étant des devoirs sacrés pour tout Juif, la ville s’emplissait alors de centaines de milliers de pèlerins venus de Galilée, de Samarie et de Judée.
Comme chaque année, aux premières heures du jour, mon père s’était rendu au Temple pour acheter l’agneau qu’il souhaitait sacrifier. Il voulait être dans les premiers, afin d’avoir l’agneau le plus blanc et le plus pur, afin d’expier nos fautes.
Quant à moi, j’étais restée à la maison afin d’aider Rachel à préparer les repas des jours de fête et cuire le pain sans levain, comme il nous est ordonné, en souvenir de nos ancêtres, qui dans leur hâte de quitter l’Égypte, ne purent laisser leur pain lever.
Tu mangeras des pains sans levain, comme je te l’ai ordonné, au temps fixé du mois des épis ; car c’est au mois des épis que tu es sorti d’Égypte.
Ce soir-là, comme presque tous les soirs, en attendant le retour de mon père, j’étais assise à ma terrasse et Rachel avait allumé les flambeaux.
La nuit était paisible. Je contemplais ma ville, ses rues étroites et les rares passants qui, à cette heure, les empruntaient. D’une terrasse voisine montait la chanson mélodieuse d’une jeune fille. Elle s’accompagnait à la harpe et ses notes cristallines soulignaient la douceur de cette nuit.
J’aimais cette ville au printemps. À cette saison, les lilas embaumaient la maison et les amandiers se couvraient de fleurs blanches. Même le désert, au-delà des collines, reprenait vie et se couvrait d’une multitude de fleurs sauvages.
Ce soir-là, je m’en souviens, comme si c’était hier, mon père rentra plus tard que de coutume. Il me rejoignit sur la terrasse et se tenait derrière moi. Il était silencieux et me caressait les cheveux. Je me rappelle qu’il pleurait.
— Regarde ce beau ciel étoilé, père. Sèche tes larmes. Je sais la raison de ta tristesse. Tu y penses encore ?
— C’était il y a trente ans, mais dans mon cœur, c’était hier et je n’ai rien oublié.
— Parle-moi de lui.
— À quoi bon, ma fille ? Le temps n’effacera rien.
— Je sais, père. Mais je pense que cela te ferait du bien d’en parler et j’aime t’écouter.
C’est ce soir-là que pour la première fois, il accepta de m’en parler. Peut-être était-il, simplement, plus triste ou préoccupé par l’agitation qui gagnait la ville.
— C’était il y a trente ans, tu n’étais pas encore née, nous étions à la veille de Pessa’h, comme aujourd’hui. Un bruit courait dans la ville. Un prédicateur venu de Galilée était entré dans Jérusalem, monté sur un petit âne, rappelant la prophétie de Zacharie⁹.
Des pèlerins venus de Béthanie racontaient qu’il aurait ressuscité un mort et guéri un lépreux.
Tous voulaient le voir. Les malades et les estropiés se pressaient sur son passage pour le toucher et lui demander de les guérir. Ils l’accueillirent au cri de Hossana¹⁰.
Le matin, pendant que ta mère et Rachel préparaient les repas de fête, je me suis rendu au Temple. Alors que je choisissais mon agneau pour le sacrifice de Pessa’h, j’ai croisé le prédicateur nazaréen.
Je le revois, comme si c’était hier. Il n’était pas très grand, ses longs cheveux châtain clair et sa barbe courte, encadraient un visage d’une incroyable douceur. Je me souviens de ses yeux bleus, on ne voyait qu’eux. Il portait une tunique et un manteau de laine écrue. Aux pieds, il avait les sandales poussiéreuses de l’homme qui avait beaucoup marché.
Il était très en colère et renversait les tables et les étals des vendeurs en s’exclamant :
— Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. Ôtez cela d’ici, ne faites pas de la Maison de mon Père une maison de trafic.
Attirés par ce vacarme, les pèlerins, curieux, se rassemblèrent autour de lui.
Très remontés, les prêtres accoururent, criant au blasphème, car en qualifiant le Temple de : Maison de mon Père. Il se désignait : Fils de Dieu. Les uns voulaient le battre et le chasser du Temple, d’autres, armés de grosses pierres, voulaient le lapider.
Sans même y réfléchir, je m’étais interposé pour le protéger.
En début d’après-midi, je fus convoqué au Grand Sanhédrin. Il y fut décidé de saisir le Procurateur et de demander l’arrestation et la condamnation de celui qu’on appelait déjà le Roi des Juifs. Seuls mes amis, Nicomède et Gamaliel l’Ancien, se joignirent à moi pour prendre sa défense.
Le soir, je me suis rendu au Cénacle, où je savais qu’il partageait la Pâque avec ses disciples. J’ai essayé de le prévenir du danger qu’il courait. Mais au moment de lui parler, d’un geste de la main, il m’arrêta.
— Je sais la fin de mon temps parmi les hommes, mon Père me rappelle à ses côtés. Un de mes amis m’a trahi, un autre me reniera ce soir. Qu’il en soit ainsi, car je dois m’accomplir pour les siècles des siècles.
Je n’ai pas compris le sens de ses paroles, mais sa voix était aussi douce que son regard.
Après leur départ, je m’aperçus qu’il avait oublié la coupe qui lui avait servi à partager le vin. Espérant le revoir le lendemain, je l’ai prise, afin de pouvoir la lui rendre.
Ce soir-là, je ne saurais dire pourquoi, mais j’étais inquiet. En rentrant à la maison, ta pauvre mère, me voyant ainsi, tenta de me rassurer.
— Que peut-il lui arriver ? me dit-elle. Seul Rome peut le condamner et tu sais que le Procurateur n’intervient pas dans les questions religieuses.
Je savais qu’elle avait raison, néanmoins, je n’étais pas tranquille et ce soir-là, j’eus bien du mal à m’endormir.
Le lendemain, à mon réveil, le soleil était déjà haut dans le ciel.
Nicomède, essoufflé d’avoir trop couru, arriva à la maison pour me prévenir.
— Pilate l’a condamné à mort. Il sera crucifié aujourd’hui et l’exécution aura lieu au sommet du Golgotha. Avant cela, il a été cruellement flagellé et pour se moquer de lui, ils ont posé une couronne d’épines sur la tête. Te voilà Roi des Juifs, puisque tel est le titre que tu revendiques, lui dirent-ils. En tant que membres du Sanhédrin, notre devoir et d’y assister. Il nous faut partir sans attendre, les légionnaires se sont déjà rassemblés et vont se mettre en mouvement.
La rumeur de la mise à mort du nazaréen avait fait le tour de la ville et tous s’empressaient sur le chemin qui menait au lieu du calvaire.
Nous venions de parvenir au sommet du Golgotha, quand les cris de la foule annoncèrent son arrivée.
Il avançait en titubant, épuisé et courbé sous le poids de la croix. Il était couvert de sang.
Dans la foule, les uns pleuraient, d’autres priaient et tous imploraient Pilate de l’épargner.
Deux légionnaires le saisirent, pendant que trois autres déposèrent la croix au sol.
Ils l’allongèrent sur la croix. À l’aide de cordes, un centurion attacha fermement ses poignets à la traverse de la croix, puis les deux chevilles superposées au pilier.
C’est alors qu’apparut le bourreau. Il avait de solides clous à la ceinture et une lourde masse à la main.
La foule fut soudain silencieuse. Les plus sensibles se retournèrent pour ne pas voir, d’autres se bouchèrent les oreilles pour ne pas entendre.
La masse s’abattit violemment une première fois. Lorsque le clou s’enfonça au centre du poignet gauche, le bruit des os broyés fut couvert par ses cris de douleur.
Près de moi, une femme s’évanouit. Le ciel s’obscurcit.
Le bourreau posa le deuxième clou au centre du poignet droit. Quand la masse s’abattit à nouveau, dans un cri déchirant, il perdit connaissance.
Le bourreau dut se reprendre à trois fois pour planter le dernier clou dans les chevilles.
Je n’ai pas pu retenir mes larmes.
Au signal du centurion, quatre légionnaires soulevèrent la croix et la positionnèrent à la verticale.
Vers onze heures, il reprit connaissance.
Je regardais son visage, il était pâle et pleurait.
— Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
Les heures passèrent. Lentement, la foule se dissipa.
Il devait être environ quatorze heures.
Marie, sa mère et Marie-Madeleine, sa compagne, priaient, agenouillées au pied de la croix.
Il avait de plus en plus de difficulté à respirer. Son souffle était court et pour inspirer, il soulevait sa poitrine de quelques centimètres en s’appuyant sur ses pieds et en tirant sur ses bras. À chaque inspiration, les clous déchiraient un peu plus ses membres, le faisant souffrir et saigner. Sous sa peau diaphane, je voyais ses muscles se tétaniser. Chaque inspiration lui demandait un effort croissant et l’épuisait un peu plus. Je priais pour que cesse son calvaire.
Encore aujourd’hui, cette image me hante.
Je me souviens que dans un râle, il dit :
— Père, pourquoi m’as-tu abandonné ?
À quinze heures, alors que son supplice durait depuis plus de quatre heures, à bout de force, il s’évanouit.
Afin de vérifier s’il était encore en vie, un légionnaire perça son flanc droit d’un coup de lance. Il saigna abondamment.
En m’approchant de la croix, à l’aide de la coupe, je recueillis un peu de son sang.
À cet instant, le vent se leva et le tonnerre gronda. Il faisait nuit en plein jour. Un éclair traversa le ciel. Un grand silence régnait.
— Tout est accompli, dit-il dans un murmure à peine perceptible.
Dans un dernier souffle, il dit :
— Père, entre tes mains je remets mon esprit.
Sa poitrine se souleva une dernière fois.
Le masque de souffrance, sur son visage, s’effaça. Ses yeux se fermèrent, sa tête pencha en avant et tous ses muscles se relâchèrent. Il venait de mourir.
Dans le ciel passa une colombe blanche. Elle tenait dans son bec un rameau d’olivier.
Tous pleuraient ou priaient à voix basse. Il se passa environ une demi-heure sans que personne ne puisse détacher son regard de la croix.
Ébranlé par tant d’émotions, il me fallut un certain temps pour reprendre mes esprits. J’ai alors réalisé que nous étions la veille de shabbat et d’un jour saint. Nous n’avions pas le droit d’abandonner ce corps et nous avions pour devoir de l’enterrer avant le début des fêtes. C’était, pour nous, une mitsva¹¹. Il nous restait peu de temps pour lui offrir un enterrement respectueux de nos lois et de nos valeurs. J’envoyais Nicomède au marché afin d’acheter un linceul ainsi que de l’encens et de la myrrhe pour préparer son corps. Quant à moi, je me suis rendu chez Pilate afin d’obtenir l’autorisation d’emporter le corps et de l’enterrer dignement, dans la tombe que j’avais fait creuser, dans la montagne, et qui nous était destinée. C’est dans cette tombe que repose aujourd’hui ma femme tant aimée et qu’un jour, je l’y rejoindrai, car entre temps, le corps du supplicié avait disparu.
Enluminure du XVe siècle, Joseph d’Arimathie à genoux au pied
de la croix, recueillant le sang du Christ
Avec l’accord de Ponce Pilate, je pus récupérer le corps.
L’un de ses disciples s’approcha de moi. Il était accompagné de Marie et de Marie-Madeleine.
— Dieu a donné en sacrifice son fils, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle. Le sang que tu as recueilli est le sang de la rémission de nos péchés. Garde-le précieusement, car c’est le plus précieux des trésors. Quand le temps messianique sera revenu ; il se liquéfiera et sera le témoignage de son sacrifice et du pacte passé avec les hommes.
— Père, qu’as-tu fait de la coupe ?
— J’ai fait fabriquer pour elle un écrin en bois de cèdre, par l’un de mes charpentiers. J’ai enfermé cet écrin dans un sac en toile, imperméabilisé avec de la résine de calfatage que j’utilise pour mes bateaux. Enfin, ta mère et moi avons enterré ce sac au pied de l’olivier, qu’ensemble, nous avions planté pour célébrer notre union. Personne n’est au courant, pas même Rachel. Depuis le décès de ta pauvre mère, à part moi, tu es aujourd’hui la seule à savoir. Je te confie ce secret, car après moi, tu en seras l’unique gardienne. Ce sang est le devenir espéré des hommes, car le temps venu, c’est par lui que se rouvriront les portes du Paradis Terrestre. Tu garderas ce secret jusqu’à l’heure de ta mort et à ton tour, tu le confieras à la personne de ton choix, celle que tu jugeras digne et capable de le protéger. M’en fais-tu le serment ?
— Oui, père. J’en fais serment sur la Torah et sur la tête de ma