À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Corinne Dinan explore, à travers l’écriture, les traces laissées par le temps, entre mémoire et transmission. Avec sensibilité et justesse, elle dépose ses mots comme autant de passerelles entre ceux qui sont partis et ceux qui viendront.
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Aperçu du livre
Le bar - Corinne Dinan
1
Le bar
Vider une bouteille avec quelqu’un, c’est une manière pudique de se dire l’amitié. Il faudrait que les bistrots aient un parfum d’éternité.
Pierre Carmet
L’accueil
D’ordinaire, il était 8 h 30 quand Pierre descendait les soixante-dix marches tordues qui le menaient de son studio du troisième à la rue en Pente. Dès la sortie, d’un pas fermé et aveugle aux alentours, il se dirigeait tel un revenant suffoqué dans les méandres de ces artères urbaines que ses viscères distinguaient mieux que lui. À chaque angle de ruelle, il frôlait les pierres silencieuses d’où s’échappaient des souvenirs séculaires. Sa démarche nerveuse et, sans le doute, semblait suivre une ligne rectiligne dans ce cœur de ville sinueux. Il savait où il allait, où il désirait se rendre le plus rapidement possible, sans voir. Ses yeux tournés vers l’intérieur ne cherchaient plus les extérieurs et avaient perdu leur volonté de regarder au-dehors. Pierre était devenu un étranger dans ses lieux, des commerces nouveaux se substituaient aujourd’hui aux anciens, tandis que le futurisme avançait sans faiblir sur les façades médiévales. En ce jour, tout avait changé, des néons fluorescents encadraient les vitrines des boutiques qui livraient dans leurs devantures des objets éphémères et inutiles par centaine. À l’arrière, à l’intérieur, les vendeuses alertes aiguillaient le client vers l’étal où l’attendait la chose périssable qui lui était destinée. Puis, se laissant séduire et happer par les voix assurées et suaves de ces belles, la proie consentante s’offrait alors au choix déterminé de ces femmes envoûtantes aux ongles faits et magnifiés par le rouge écarlate.
Pierre n’aimait pas ce qu’était devenue sa cité. Certains lundis, sous l’impulsion des modifications hebdomadaires et des transformations brutales de la ville, il s’égarait et se perdait dans ces venelles qu’il arpentait pourtant depuis toujours. Les gens qu’il avait connus n’étaient plus eux aussi, et il se demandait par quelle diablerie tous les irremplaçables qu’il saluait encore hier, avaient bien pu disparaître. Son parcours s’achevait à 8 h 35, après ces cinq minutes d’exil au moment où, enfin, il parvenait à franchir la lourde porte du bar ; cette porte massive, dont la peinture écaillée et le bois rugueux, signifiait, pour lui, l’entrée dans la zone libre des rescapés.
8 h 30. Avec cinq minutes d’avance, Pierre franchit la porte, il semblait agité et contenait mal les mouvements désordonnés de son corps maigre.
« Le nouveau propriétaire m’invite chez lui. »
— Tu y vas ?
À 10 h.
— Tu veux que je vienne ?
— Ça ira.
Nous montâmes dans la petite Clio 3 portes stationnée rue Poissonnerie, il ne desserra pas les mâchoires du trajet.
Mas de Flores était cette solide bâtisse dont avait hérité le père de Pierre et ses frères. Quatre générations s’y étaient succédé. À la mort des frères, l’indivision avec les cousins avait résisté près de vingt années. L’oubli qui accompagna l’éloignement et les contraintes d’argent précipitèrent finalement la vente. Cette dernière fut aisée, la région bénéficiant d’une forte attractivité, l’affaire vite conclue, le profit fût conséquent et gratifia l’ensemble des parties prenantes.
L’acquéreur, un Rémois venu chercher le soleil, s’était mis à la voile. Il passait ses dimanches à pousser son optimiste sur les clapots de la plage voisine, « les Corsaires », au large de laquelle un étroit banc de sable se lovait entre deux digues robustes. Tandis que nous roulions vers l’adresse, je me livrais à quelques rêveries sur l’héritage filial et j’en tirais la conclusion que l’époque de la transmission serait bientôt révolue, et achèverait le chapitre de la propriété héréditaire pour commencer la rédaction de celui de la location emphytéotique.
Nous arrivâmes dans l’allée centrale de la propriété, l’ondulation maîtrisée de la manœuvre de la Renault nous immobilisa au pied du grand escalier de pierres qui montait vers la porte en chêne massif. Le regard de Pierre stoppa net et fixa cette immense ombre qui se dressait devant nous. Je fis le même constat que lui, la demeure était devenue laide. D’un geste, d’un mouvement, elle avait été vidée, non pas essentiellement de ses meubles et de ses habitants, mais de ce charme irremplaçable, de cette délicatesse unique qui la paraît de mille feux. Son air romantique et souple s’était dissipé sans crier gare. Tout avait disparu comme par sorcellerie, un coup du sort, du mauvais sort.
En sortant du véhicule, nous nous retournâmes vers le jardin planté d’oliviers et de chênes centenaires, des coupes claires avaient été réalisées. Les arbustes étaient taillés, l’ensemble était carré.
Et, le choc qu’il nous fallut encaisser, de toute évidence trop violent, provoqua simultanément en chacun de nous un décrochage cassant d’avec la réalité, une rupture spatio-temporelle, et une apparition éthérée vous ravit tous les deux. Alors, venue de l’au-delà, la démarche élégante de Félix, le père de Pierre, décédé depuis vingt ans, se déploya un instant sur le chemin qui menait au perron, un roux s’élança d’une branche de cyprès, les fleurs impressionnistes des aquarelles de sa tante Rose apparurent un instant comme une traînée dans le ciel de ce matin d’automne. Les feuilles brunes des marronniers s’élancèrent dans un quadrille aérien et distingué. C’était bien une voix sidérale qui se faisait entendre, non des oreilles, mais de l’être.
Les cœurs tremblèrent et une joie pure scintilla comme un diamant.
Puis, tout se vida d’une traite. Tout déserta, laissant le décor à un creux