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Les jeunes pousses d’été
Les jeunes pousses d’été
Les jeunes pousses d’été
Livre électronique180 pages2 heures

Les jeunes pousses d’été

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À propos de ce livre électronique

"Les jeunes pousses d’été" retrace les chroniques d’enfance d’un garçon des années 1960, entre Paris et la campagne poitevine. Jean-Michel Millault décrit avec précision le quotidien modeste, mais animé d’une famille cheminote : les colonies de vacances, les dimanches au parc, les souvenirs d’école et la vie rurale durant les Trente Glorieuses. À travers des scènes vivantes et pleines d’humour, il illustre la transformation progressive du monde rural et les liens sociaux forts de cette époque.

 À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Michel Millault est profondément attaché à la terre et à la mémoire du monde rural. Après La bataille de Moncontour et Racines et Conquêtes, parus en 2010 et 2024, il signe avec "Les jeunes pousses d’été" une œuvre patrimoniale authentique qui recompose l’univers d’une génération aujourd’hui disparue.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie4 sept. 2025
ISBN9791042283278
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    Aperçu du livre

    Les jeunes pousses d’été - Jean-Michel Millault

    Note de l’auteur

    Dans ce livre émouvant de fraîcheur, Jean-Michel nous entraîne dans son enfance au cœur du Poitou des années 60-70. À travers des souvenirs vivants, il évoque les rituels d’une vie rurale empreinte de situations souvent cocasses, voire parfois tragiques, partagées en famille. Puis le récit nous transporte en banlieue pour un nouvel apprentissage de la vie, ravivant les défis de l’adolescence où chaque jour était une aventure. Le contraste entre le passé et le présent et saisissant de bouleversements entre ruralité et urbanité. Ce récit d’une époque pas si lointaine que cela a le bonheur de raviver des souvenirs avant qu’ils ne s’effacent de nos mémoires et que les repaires paysagés en soient définitivement gommés. Ceci a vraiment eu lieu.

    Témoignage

    C’est un rai de lumière jamais éteint dans les souvenirs de l’enfant des années 1960 que j’étais : devenu un petit citadin intrépide comme beaucoup, à la suite de l’exode rural des parents. Les colonies de vacances avaient la vogue et les séjours à la campagne dans les fermes des grands-parents, dans les cantons de Lencloître et de Bonneuil-Matours, étaient un défilement d’évènements à la fois cocasses, et parfois au bord de la tragédie. De Paris au département de la Vienne, il n’y avait qu’à sauter dans un train jusqu’à Châtellerault. C’est aussi à partir de cet apprentissage avant l’heure, qui n’avait rien de décisif, que devaient se forger les ambitions de demain au contact de la nature et des animaux de la ferme. Un récit descriptif d’une enfance qui va du cœur de Paris à la cité cheminote du Mesnil-le-Roi en banlieue parisienne, en passant par les villages du Poitou. Récit d’un néorural qui se veut léger et distrayant à partir du sens de l’observation d’un petit drôle, tertous¹ que nous étions à l’époque. Cette mémoire, livrée au grand jour, aide à comprendre et confirme que ce monde-là a bien existé.

    Prologue

    C’est une manière de vivre révolue que je vais vous évoquer en toute modestie. Un témoignage de la mutation de la société rurale de mon enfance qui, soixante ans plus tard, est toujours présent dans mes souvenirs. Une époque où urbains et ruraux étaient intimement liés, chacun ayant encore des attaches dans le monde paysan, qu’elles soient familiales, amicales ou professionnelles. En ville, le quartier et la cité étaient comme la continuation du village. Le fossé entre les générations existait bien déjà, mais une multitude de passerelles reliaient les deux mondes et maintenaient des échanges et des contacts permanents entre les différentes générations. Il n’y avait aucune raison d’inventer l’anglicanisme « agribashing », pour dénigrer une profession qui remplissait nos assiettes.

    Les liens indéfectibles, pour beaucoup, en étaient les réunions de familles où l’on retrouvait oncles et tantes, cousins et cousines en de grandes tablées, dans un cadre que l’on s’imaginait toujours enchanteur et reposant pour tous ceux qui y vivaient à longueur d’année. Il est vrai qu’aujourd’hui le cercle familial est moins étoffé. Les écoles communales ont vu leurs effectifs d’écoliers s’effondrer décennie après décennie, les condamnant classe après classe à la fermeture. Les kermesses, les fêtes religieuses, les foires, les comices agricoles permettaient de ne pas se perdre de vue. C’était une époque où marcher dans la boue ne gênait personne. Sans le posséder, on bénéficiait naturellement de cet espace commun qu’est l’environnement naturel, ne jamais le bouleverser, juste profiter du bonheur d’être au champ. C’est en relisant les notes de mon journal oublié, commencé en primaire et jamais terminé, abandonné au fond d’une valise, enseveli sous une collection de photos de famille et de cartes postales que je remis un peu d’ordre dans mes souvenirs d’enfance qui vont suivre. Ce récit ne se veut en rien nostalgique ; c’est le témoignage d’une façon de vivre dans nos campagnes et nos cités des années 1960-1970, période des Trente Glorieuses. Une marche en avant de la modernité mise à profit par les populations des villes et des campagnes, ce qui n’interdit pas de regarder dans le rétroviseur pour se souvenir d’un passé pas si lointain que ça, le mien sans prétention en l’occurrence, rien que pour le plaisir d’écrire et d’en partager le récit.

    1

    Pour notre famille devait se profiler un changement de résidence locative pendant les vacances de Pâques au cours de l’année 1960. De la rue Jacques Baudry, dans le XVe arrondissement de la capitale, on déménagea dans la proche banlieue à Malakoff, rue Marc Seguin. Notre nouveau décor quotidien, à partir de la fenêtre de l’appartement situé au premier étage d’un immeuble en briques, était celui-ci : un horizon qui s’arrêtait au talus du chemin de fer, face à notre immeuble. Notre père nous avait indiqué que c’était la ligne de la grande ceinture qui y passait. Il faut vous dire que la SNCF et mon père allaient être inséparables pour des décennies. En haut du remblai de ballast, sur les rails une draisine jaune et rouge faisait la navette. Des trains express programmés en direction de la Bretagne passaient à des horaires réguliers, et de temps à autre une locomotive à vapeur haut-le-pied crachait son panache de fumée. Les cheminots, eux, crachaient des noyaux de pêche en effectuant le trajet de la gare Montparnasse au dépôt de Montrouge et inversement. Par quel miracle un de ces noyaux avait pu s’accrocher à mi-pente, germer et donner au bout de quelques années ce bouquet printanier en face de notre nouvel appartement ? L’arbuste fruitier paraissait bien solitaire, encerclé par la verdure d’une herbe vagabonde, c’est ce qui faisait son charme. Maman n’oubliait jamais de nous faire remarquer, c’était immuable : « le petit pêcher est en fleur, voilà le printemps ! » Quelle que soit la date. Je me suis demandé pendant longtemps si ce n’était pas mon père – lors d’une de ses nombreuses navettes qu’il agrémentait maintenant de trois coups de sifflet en passant devant l’immeuble, manière toute cheminote de souhaiter le bonjour à notre mère et à sa progéniture était à l’origine de cette germination fortuite qu’un hasard bienheureux fit pousser vis-à-vis de notre nouvel appartement.

    Le temps printanier jouait parfois de ses tours qui nous amenaient de la neige ou une bonne gelée, alors que les fleurs d’un blanc rosé du fruitier, toutes récemment épanouies, enjolivaient d’une touche colorée la pente enherbée. Quand cela se produisait, notre mère en était désolée. Si l’hirondelle ne fait pas le printemps, la floraison d’un pêcher non plus. Cela ne changeait pas grand-chose pour nous, car des pêches on n’en vit jamais la couleur. Il y avait un autre bouquet printanier qui mobilisait toute la famille. Pour cette expédition de chercheur-cueilleur nous prenions un omnibus à la gare de Vanves, direction la gare de Chaville pour cueillir dans les sous-bois la plante vedette du 1er mai, le brin de muguet. À cette époque, le muguet des bois de Chaville s’épanouissait en des milliers de clochettes blanches, formant un vrai tapis moutonnant à l’abri des futaies bourgeonnantes. Ce rendez-vous printanier renommé était couru par les Parisiens et les banlieusards. Être dans les derniers jours d’avril sur les lieux permettait aux cueilleuses et cueilleurs endimanchés de ramener une petite botte des précieux brins à l’odeur de muscade. Les parterres ombragés couverts des blanches clochettes étaient pris d’assaut par une foule bigarrée, pas toujours disciplinée. Avec mon frère, on recherchait les brins à treize clochettes comme porte-bonheur. Il ne nous serait pas venu à l’idée d’en faire commerce. C’était pour offrir aux membres de la famille et aux amis le 1er mai.

    Aux beaux jours, au pied de ce talus qui nous paraissait vertigineux et que l’on appelait pompeusement la « montagne » se mettait en place une activité toute maraîchère. Au bout de la rue, après le pont du chemin de fer, au pied du remblai, il y avait une bande de terre occupée par les jardins des cheminots et son cabanon : à la fois remise à outils et espace de détente. Aujourd’hui, cette espace libre existe toujours sous la forme d’une pelouse anodine, à cette époque, dans un damier de parterres jardinés, mon père y entretenait son carré potager. Le terrain était agrémenté d’un jeu de boules fréquenté par la petite communauté des jardiniers cheminots, les deux étaient indissociables. Mon père était abonné à la revue Le Jardin du Cheminot. Le dimanche matin, c’était donc jardinage jusqu’aux environs de onze heures, puis mon père partait faire son tiercé au bar PMU de l’avenue Pierre Brossolette avec ses copains. L’après-midi, mon frère et moi nous accompagnions notre père qui y disputait sa partie de pétanque, distraction un brin sportive empreinte de décontraction et d’une franche camaraderie entre gens de même condition. Maman restait à la maison pour s’occuper de notre petite sœur, Fabienne, qui avait quatre ans. Après quelques dimanches passés à observer les adultes, une occasion se présenta. Un de leur équipier étant absent, il fallait trouver un remplaçant au pied levé, ce fut moi. L’équipe complétée de ma modeste personne me réserva le jet de la première boule. Je me rangeais donc d’emblée dans la catégorie des pointeurs. De toute façon, je n’aurais pas eu la force de lancer la boule pour le tir. De temps en temps, ma boule venait se coller au cochonnet : dans le langage des boulistes, je faisais un « biberon » et là, j’avais droit aux félicitations de mon père. Puis avec de l’entraînement, je commençais à progresser en efficacité et régularité, alors je me trouvais désormais incorporé dans une équipe à chaque rencontre. J’appliquais à la lettre les conseils que mon père me donnait. Il s’appliquait à repérer les défauts de l’aire de jeu et me désignait du bout de la chaussure là où la boule devait tomber et rouler par la suite jusqu’au but. Ce genre d’apprentissage me fut bénéfique par la suite. Je pus me permettre de participer aux concours de boules organisés quelques années plus tard dans notre cité du Mesnil-le-Roi, je n’y fus pas ridicule.

    Mon père et son meilleur ami, surnommé Mimile, firent équipe. À un concours en doublette sur la place de la cité du Mesnil, ils remportèrent le premier prix, une statuette en bronze : la copie conforme du joueur de pétanque. On ne sait s’il s’apprête à pointer ou bien à tirer. Elle trône toujours dans une vitrine chez ma mère depuis 1971. Le dénommé Mimile était le chef de la fanfare de la Garenne-Bezons, dont mon père fit partie avec son cornet à pistons. Après quelques parties de pétanque, les boulistes se retrouvaient au cabanon pour boire un canon. Ils palabraient sur les parties gagnées ou perdues tout en trinquant. La pause avait lieu à l’heure de l’arrivée des courses hippiques, le transistor grésillait le résultat du tiercé. Une fois les numéros gagnants égrenés, la déception se lisait sur leurs visages. La communauté des cheminots trinquait à toute occasion à cette époque. Chaque point étant âprement disputé, mais ce n’était que partie remise jusqu’au dimanche après-midi suivant. La politique y avait aussi sa part. Les propos des uns et des autres louvoyaient entre sérieux et plaisanteries. Comme il y avait toujours les articles du dernier Canard Enchaîné ou de l’Humanité Dimanche à commenter, j’avais l’impression que des désaccords existaient. Les conversations s’animaient, mais cela s’arrangeait toujours par quelques bons mots d’actualités et une belote pour finir en soirée. Le général de Gaulle en prenait pour son grade, transformé en un monarque absolu, caricaturé dans les pages du canard.

    Il y avait une sortie que l’on faisait en famille certains dimanches, c’était pour se rendre au parc municipal (qui sera baptisé bien plus tard à la mémoire d’un résistant : Léon Salagnac) où, en plein air dans un grand kiosque blanc en béton avec sa scène surélevée, était donné chaque dimanche après-midi un spectacle gratuit de clowns. Il y a le clown Blanc tout de blanc vêtu avec de gros boutons noirs, une calotte blanche sur la tête et un visage pâle avec de grands yeux cerclés de noir et un trait en dessous, des points-virgules. L’Auguste dans son pantalon flottant, sa veste à carreaux trop large, des péniches aux pieds, un nez rouge et une bouche aux lèvres épaissies d’un trait ample d’un rouge vif, la tignasse couverte d’un couvre-chef mou, mi-chapeau, mi-béret, une vraie crêpe. Il est le souffre-douleur du clown Blanc, à grand renfort de claques et de coup de pied aux c… De nombreux parents tenaient les plus grands par la main et les plus petits étaient à cheval sur les épaules des pères. Nous on se débrouillait pour se faufiler à travers les spectateurs, maman restait en arrière avec la poussette. Cette foule joyeuse et endimanchée se pressait le long de la rambarde pour saisir au vol les blagues qui accompagnaient leurs mimiques et cabrioles. Nous étions captivés par leurs pantalonnades. Rarement au premier

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