À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Scientifique de formation et littéraire par passion, Laurent Dupuit trouve dans l’écriture à la fois un espace de plaisir personnel et un outil pour structurer sa pensée face à la complexité du monde. Avec "Cohab", il cherche à éveiller le doute et à réintroduire la nuance dans des débats trop souvent dominés par l’excès des certitudes.
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Aperçu du livre
Cohab - Laurent Dupuit
Du même auteur
Par Le Lys Bleu Éditions :
(Cohab)itation. Def : État de deux ou plusieurs personnes, intellectuellement, socialement, politiquement et sentimentalement parfois éloignées, vivant dans un même lieu et devant donc gérer au mieux leurs problèmes intellectuels, politiques, sociaux ou sentimentaux.
Prologue
Une fois ses parents enterrés, Charles de Beaumont, unique héritier d’une famille illustre, dut se confronter aux affres de la succession. Son père, quoique vicomte, n’était pas riche, loin de là, ne disposant comme bien propre que d’un manoir du dix-septième siècle, pas vraiment un château, plutôt une gentilhommière, et comme économies que de menus placements financiers destinés à l’entretien de la demeure. La toiture était en travaux depuis des années, les murs en tufeau s’effritaient et l’antique chaudière menaçait de rendre l’âme. S’il n’avait tenu qu’à lui, Charles aurait mis la propriété en vente, il aurait pu en tirer cinq millions de francs, mais ses parents lui avaient fait promettre le contraire. Les Beaumont possédaient le domaine de Vilsaures depuis que leur aïeul Henri, compagnon de François de L’Hospital lors de la guerre de Trente Ans, avait été anobli par le jeune Louis XIV après la bataille de Rocroi. Nul n’avait pu les en déloger. Ni les intrigues, ni les révolutions, ni les belligérances, ni le fisc. Impossible alors pour Charles de rompre une chaîne ayant résisté à quatre siècles de combats et de vicissitudes ! Une fois la sépulture terminée, les cousins et les amis partis, il réunit donc son épouse Servane et ses trois enfants, Philippe, Camille et Charlotte et leur annonça ce que chacun savait déjà, à savoir qu’ils allaient emménager au « château » aussitôt que possible.
Ils n’eurent pas grand chemin à parcourir : Charles, aussitôt son mariage, s’était installé dans une dépendance du domaine, une ancienne orangerie, que Servane, femme de goût et ancienne élève en architecture, avait transformé en un petit nid douillet qu’elle eut énormément de mal à quitter. À l’inverse, les enfants furent ravis. Ils avaient été affectés par le décès accidentel de leurs grands-parents et trouvaient rassurant d’habiter une maison où ils sentaient leur présence dans le moindre recoin. Les deux constructions n’étaient séparées que d’une centaine de mètres, la plus récente en contrebas de la plus noble ; entre les deux, de charmants bosquets de rhododendrons préservaient tant bien que mal l’intimité des deux couples. Du balcon de sa chambre, en se penchant un peu, feue madame la vicomtesse avait pu surveiller sa descendance et Monsieur le Vicomte n’avait pas eu à s’époumoner dans son cor de chasse afin d’inviter la troupe au déjeuner dominical. Pour l’essentiel, la cohabitation s’était plutôt bien passée. La forêt de chênes, de tilleuls, de hêtres et de trembles offrait quelques endroits discrets ou se tenir à l’écart. Et à bien y réfléchir, peu de gens en France, même parmi les plus fortunés, peuvent se vanter d’avoir leur plus proche voisin à cent mètres de leur salon. Même Servane l’avouait : elle n’avait jamais eu à se plaindre de la proximité de ses beaux-parents. Il devint dès lors évident pour Charles, surtout après avoir fait le point sur ses finances, de louer son ancien logement. Le prêt qu’il avait souscrit pour les travaux expirait vingt ans plus tard, alors son fils Philippe pourrait habiter l’orangerie avec son épouse et Vilsaures redeviendrait Beaumont.
En attendant, il lui fallait trouver le locataire « idéal ».
1
Octobre 1998
Charles et Servane de Beaumont attendaient dans le grand salon, debout devant une des quatre fenêtres, scrutant impatiemment l’allée où allaient se présenter leurs visiteurs. Six heures plus tôt, ils s’étaient disputés, comme la veille et comme l’avant-veille, elle expliquant à son mari les difficultés auxquelles elle était confrontée afin de tenir sa maison, lui comme à son habitude, répondant que les choses allaient s’arranger. L’argent leur manquait, c’était une évidence. La librairie de Charles, spécialisée dans les livres anciens, était tout juste rentable quand les factures domestiques et les dettes s’accumulaient. Le château était moins confortable que prévu, les enfants souhaitaient être inscrits dans un club de sport et Servane, habituée dans son enfance à un train de vie cossu, ne pouvait depuis l’enterrement de ses beaux-parents se permettre la moindre coquetterie. Il ne se passait pas une semaine sans mauvaises nouvelles. Ce matin-là, la machine à laver était tombée en panne, ce qui avait poussé à bout Madame. Les larmes aux yeux, elle avait exigé de Charles qu’il se reprenne enfin. Ce fut donc parce qu’il en avait été contraint, parce qu’en plus l’hiver approchait et que la citerne de fuel était vide, aussi parce qu’il détestait toute sorte de conflits, surtout avec Servane, que Charles avait dévoilé son secret.
— J’ai peut-être trouvé quelqu’un.
— Mais pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ? Qui est-ce ? Tu l’as rencontré ? Quand vient-il visiter les lieux ? l’avait alors interrogé Servane, obligeant Charles, quand elle avait su qu’il n’avait pas souhaité donner suite à cette possibilité, à prendre son téléphone et à proposer un rendez-vous pour l’après-midi même. Toute la matinée, elle l’avait accusé de tous les maux, critiquant son inconscience et le peu d’attention qu’il portait aux obligations matérielles, si bien qu’une fois la famille passée à table, il n’avait pu faire autrement que de lâcher ce qui depuis deux semaines le tourmentait :
— C’est un étranger, un Arabe…
— C’est quoi un Arabe ? Un joueur de foot ? avait demandé Charlotte, la plus jeune des enfants.
La plupart du temps, le repas familial se déroulait en silence, mais Charles avait dû cette fois-ci s’expliquer. Il déjeunait plusieurs fois par semaine dans un restaurant libanais situé à deux pas de sa boutique. Au fil des années, Hassan, le propriétaire, était devenu une relation avec qui il avait plaisir à débattre de choses et d’autres. C’est ainsi qu’il avait appris que Selma, l’épouse d’Hassan, avait un cousin germain qui venait d’être recruté en tant que chirurgien par l’hôpital d’Angers. Il était marié et père de deux petites filles. Surtout, il cherchait à louer une habitation en dehors de la ville…
— Ça gagne bien, un chirurgien, non ? s’était consolé Servane.
— Je l’ai eu il y a quelques jours au téléphone, le prix du loyer ne lui fait pas peur…
— 12 000 francs ?
— Oui, avait répondu Charles, n’osant avouer qu’il n’avait demandé que 11 000.
— Mais alors ?
— Je ne suis pas certain que ce soit une très bonne idée… avait-il avancé sans pour autant souhaiter s’expliquer. Nul de la tablée n’avait osé le contredire. Il était donc resté ainsi, en silence, se confrontant à un tourbillon de pensées confuses.
— Mais nous n’avons pas d’autres choix, avait-il conclu au bout de cinq longues minutes.
Les Beaumont n’étaient pas vraiment dans le besoin, puisque propriétaires de deux maisons de caractère, d’un joli parc paysager de vingt hectares et d’un local professionnel idéalement situé dans le centre-ville d’Angers. Pour reprendre une expression chère à Charles, ils manquaient seulement de « liquidités ». Son père, Dominique-Alain, comte de Beaumont, ingénieur de formation, avait dilapidé la fortune familiale en visitant six mois par an des contrées exotiques et en consacrant l’autre partie de son temps à rédiger l’histoire de ses aïeux, ce qui l’avait éloigné de toute activité sociale ou rémunératrice. Charles avait donc été éduqué hors des réalités du nouveau monde, d’où son cursus littéraire et l’étude du culte de l’hédonisme chez Henri de Montherlant pour sujet de thèse du troisième cycle. Il avait été reçu avec la mention très bien, ce qui ne l’avait conduit nulle part.
Comme son père, Charles était un piètre écrivain. Après avoir rédigé un roman de 2000 pages (jamais édité), il avait ouvert une petite librairie où traînaient de vieux lettrés et des universitaires sans le sou. Cela lui suffisait. C’était même son principal plaisir : discuter littérature avec plus érudit que lui. Quand, à la belle saison, les touristes s’agglutinaient dans sa boutique et achetaient sans débattre du prix tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une enluminure, il faisait le dos rond et attendait l’automne.
Les Beaumont n’étaient pas non plus xénophobes. Catholiques fervents, ils aimaient leur prochain et étaient naturellement disposés à se mettre à son service. C’était d’autant plus facile qu’ils ne côtoyaient que des gens qui leur ressemblaient. Des blancs, des érudits, des croyants et des aristocrates… Charles, ayant lu Richard Wright, Aimé Cisaire et Nelson Mandela, avait une vision théorique du racisme, qu’il condamnait sous toutes ses formes quand Servane, Bretonne tenace, avait fait preuve de son ouverture d’esprit en acceptant de s’installer dans les Pays de la Loire.
Pourtant, l’idée de cohabiter avec un inconnu, autrement dit, sans prendre de gants, de dépendre financièrement d’un étranger, qui plus est d’un « arabe », avec gâché la fin de leur repas.
***
Charles posa sa main sur l’épaule de Servane en signe d’encouragement. Devant ses yeux, le parc, son parc, resplendissait. Les arbres étaient chargés d’or et de feu ; dans quelques semaines, les brumes matinales allaient les envelopper d’un voile mystérieux et un doux silence allait prendre place. Avec Philippe, il allait partir cueillir des champignons, ses champignons, quand les filles récolteraient les graines de marrons pour s’en faire des colliers. Le comte de Beaumont aimait l’hiver et ses rudesses, qui justifiaient son retrait du monde. Il détestait l’été, la lumière, le bruit et la foule…
La voiture, une Mercedes dernier modèle, remonta l’allée à faible vitesse, le plus lentement possible, comme dans un film au ralenti. Charles imagina ses passagers prenant le temps d’examiner les lieux, ses lieux, qui allaient être aussi les leurs ; il eut un haut de cœur.
Un homme en sortit. Il était grand, très grand, peut-être un mètre quatre-vingt-dix, plus âgé aussi que ce que Charles croyait, pas loin de la cinquantaine, élégamment vêtu, le visage hâlé, les cheveux crépus. Très (trop) typé…
Servane se fit violence et, en parfaite maîtresse de maison, alla à sa rencontre.
Par la fenêtre, surplombant la scène, Charles admira les bonnes manières de son épouse. Il se demanda comment aurait agi sa mère, et surtout ce qu’aurait pensé son père si tous deux avaient été soumis à de telles humiliations. Dominique-Alain avait toujours respecté les populations, religions et coutumes étrangères, mais il était fermement convaincu que ces gens et ces coutumes n’avaient d’intérêt et de sens que rencontrés dans leur pays d’origine. De la même façon que les antiquités égyptiennes n’avaient rien à faire au Musée du Louvre, dans un palais bâti par des rois français et catholiques, les immigrés devaient retourner vivre sur leur terre natale, y renforcer leurs propres cultures et établir des relations saines et amicales avec les autres peuples. Il n’était pas « raciste », dans la mesure où il ne pensait pas que le monde occidental était supérieur à d’autres, tout au contraire, mais traditionaliste et antimondialiste. Il aurait par exemple trouvé aussi absurde de se faire opérer à Angers par un chirurgien