Dans un Québec tranquille: à l'abri de le révolution
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À propos de ce livre électronique
À partir de 1959, des souvenirs d’enfance forment la trame principale du récit. Souvenirs racontés à travers le quotidien de la vie familiale en relation avec le voisinage et l’arrivée graduelle des « nouveautés » de la Révolution tranquille.
Toutes ces modernités, dont on se méfiait tout en les souhaitant ardemment, allaient bouleverser les traditions et reléguer les « anciens » à un rôle de simples observateurs. L’électricité, le téléphone et la télévision changeraient à jamais la vie dans les campagnes. Finalement, l’entretien des routes, dont le déneigement tout au long de l’année, mit un point final à la tranquillité hivernale.
L’industrialisation de l’agriculture remit en question l’organisation des petites fermes ancestrales et imposa un nouveau mode d’occupation des terres. Cent ans après l’éparpillement des Wolastoqiyik, le territoire connut un nouvel exode et de nouvelles exclusions. Tout cela en lien avec la marche de la mondialisation, le développement économique et l’inéluctable « avancement » de l’humanité.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Micheline PELLETIER est une auteure québécoise. Dans ses recherches pour retracer l’origine de Saint-Paul-de-la-Croix, paroisse d’adoption de la famille de sa mère, elle a découvert qu’elle était née à quelques kilomètres d’une ancienne réserve autochtone : la réserve des « Sauvages » de Viger. Tout en cherchant à témoigner de son expérience personnelle dans le cadre de la vie d’un rang d’une petite municipalité, elle a également voulu interroger ses origines. C’est avec une teinte d’humour qu’elle jette un regard critique sur la marche de « l’évolution ».
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Aperçu du livre
Dans un Québec tranquille - Micheline Pelletier
Dédicace
Pour Frida, Tom, Mathilde, Emmanuel, Sophie, Alexandre et Lydia.
À la douce mémoire de mes parents, Thérèse et Joseph-Aimé ainsi que de mes grands-parents, Yvonne et Joseph. En souvenir de leur « génie créateur », de leur courage, de leur bravoure ainsi que de leur amour infini de la vie.
Remerciements
À Alexandre pour son regard d’anthropologue et son support technique.
À Emmanuel pour les trouvailles généalogiques et historiques.
À Helga, Pierre et Bruno pour les commentaires très appréciés suite à une première lecture.
À Johanne pour la révision et les suggestions grammaticales.
À Marco pour le généreux partage de documents et photos de famille. J’ai ainsi pu mettre un visage sur les Son’oncs et les S’tantes que je ne connaissais que de nom.
À Léandre Bergeron pour son Dictionnaire de la langue québécoise dans lequel j’ai retrouvé la plupart des mots et expressions familières qui agrémentaient les conversations dans mon enfance.
À Émélie pour la relecture et le don de son exemplaire du dictionnaire de Léandre Bergeron.
À Michaël pour les informations techniques.
Citations
Les nouveau-nés ne peuvent pas tomber ailleurs que dans l’histoire de leurs parents.
Boris Cyrulnik, Les vilains petits canards
La « roue » de l’histoire, je ne l’ai jamais vue, ce n’est qu’une expression qui suppose sans vérification, que cette curieuse roue tourne de manière irréversible, inéluctable, inexorable vers un avenir meilleur - ce qui, dès lors que nous jetons ne serait-ce qu’un regard furtif sur l’histoire, se révèle absurde.
Günter Anders, Le rêve des machines
AVERTISSEMENT
Tous les dialogues étant fictifs, les principaux « acteurs » qui personnifient mes parents et grands-parents maternels le sont également.
Par respect pour la confidentialité, j’ai évité de mentionner le nom des personnes toujours vivantes qui ont côtoyé les personnages réels et fictifs de mon récit.
Les souvenirs évoqués dans ce livre ainsi que leur perception n'engagent que l'auteure. Autant de membres dans une famille, autant de récits imaginaires et, surtout, autant d'histoires à raconter, à oublier ou à réinventer!
Prologue
Ce récit est inspiré des lieux de mon enfance ainsi que des personnages qui les habitaient. Avec la loupe du temps et le murmure lointain des histoires de mes parents et grands-parents, ces souvenirs, qui me portent encore aujourd’hui, apparaissent certains jours plutôt embrumés alors qu’en d’autres temps ils peuvent se montrer d’une clarté éblouissante. C’est dans ces précieux moments qu’il fallait les saisir afin de les immortaliser avant qu’ils ne s’évaporent définitivement. Et par respect pour la tradition, je me devais d’y ajouter un brin de fantaisie. Comme de raison!
Ces souvenances entretiennent une relation très particulière avec la notion de réalité qui, en somme, ne dure probablement que le temps d’un instant. Ils s’éparpillent par la suite dans la mémoire collective tout en suivant le chemin de tout un chacun. Ainsi à partir d’une maisonnée, d’un rang, d’un village ou d’un coin de pays, ils arrivent à prendre leur place dans ce qu’on appelle couramment « la marche de l’humanité ».
Une fois les anciens disparus, une fois leurs habitats rendus à la nature, démolis, en décrépitude ou encore passés au feu, les lieux qui ont habité notre enfance n’existent plus qu’en remontant dans l’infini escalier du temps. Les paysages encadrant autrefois ces milieux de vie ont depuis évolué en toute liberté, masquant petit à petit les empreintes façonnées par le va-et-vient des activités d’antan. Ainsi le temps (encore le temps!), arrive à barrer définitivement la route qui pourrait nous y conduire.
Alliant la fiction à l’autobiographie, j’ai voulu redonner vie, le temps d’une lecture, à la petite société d’un rang de campagne du Québec des années 1950 et 60. L’arrivée de la modernité qui s’installa graduellement, mais irrémédiablement, allait nous transporter, bien souvent malgré nous, dans un tout nouveau monde.
Ce travail d’écriture m’a permis de soulever un pan de notre histoire et de « découvrir » (mais bien peu!) ce peuple, qui allait devenir « invisible » à nos yeux et qui avait, depuis la nuit des temps, veillé sur « nos » terres et les avait gardées dans un état de grande pureté. L’arrivée de mes ancêtres jusqu’au contrefort du plateau appalachien a encore un peu plus privé ces premiers occupants de mouvement et, par conséquent, d’accès à des ressources essentielles pour leur survie.
Désormais tenus à l’écart du réseau hydrographique des fleuves Saint-Jean et Saint-Laurent ainsi que de l’arrière-pays, les Wolastoqiyik se retrouvèrent éparpillés dans tous les recoins de leur territoire ancestral. Cet insatiable besoin « d’avancement » de l’humanité marquerait une ultime étape dans le grand dérangement de leurs us et coutumes amorcé depuis l’arrivée des « découvreurs », ceux-là mêmes qui avaient l’habitude de rebaptiser autant les plantes et les lieux que les gens qu’ils ne connaissaient pas. Encore fallait-il qu’ils leur reconnaissent le droit à une destinée!
Ces conquérants se comportaient comme si ce « nouveau monde » avait commencé à exister au moment où ils allaient y mettre les pieds. À l’arrivée des Européens sur le continent, la population des Amériques est pourtant estimée à plus ou moins 70 millions d’habitants dont deux millions dans ce qui deviendra le Canada, incluant le Québec. 90 à 95 % des autochtones auraient été décimés principalement par les guerres de conquêtes, l’esclavage et les maladies apportées de l’Europe (Viezzer, Moema et Marcel Grondin, « Le génocide des Amériques », écosociété, 2022, pages 21-25.).
Chapitre 1 -Dans un Québec tranquille
Il était une fois, dans un coin du Québec, qu’on disait reculé, un petit village entouré d’autres petits villages, pas trop loin d’une petite ville où vivaient de vaillants terriens. Ils étaient venus en d’autres temps de lointaines contrées : de Paris, de la Normandie, du pays basque ou encore de l’Île de Ré. Soit avec leur famille, accompagnant nos premiers « développeurs » en quête de bonnes affaires ou encore à titre de soldats du régiment de Carignan qui plus tard épouseraient une fille du Roy. Ils y avaient bâti leur vie dans le respect de leurs propres traditions et en fonction des richesses disponibles.
De génération en génération, on se transmettait fidèlement les recettes et les protocoles à suivre pour un mal à guérir, pour souligner un événement, heureux ou malheureux, ou encore simplement pour bien retenir l’abc de la culture maraîchère.
Ainsi, ma grand-mère rappelait souvent :
— Les choux ont pas peur du frette et encore moins d’la transplantation. Pour les mettre de not’bord, vaux mieux les renchausser trois vendredis d’suite.
— !!!
— À fin d’l’été, faut penser à leux tordre l’cou pour les empêcher d’éclater, surtout après une bonne averse.
— !!!
— Oubliez-pas non plus d’les arroser de temps en temps avec l’eau d’la lessive pour garder les vers à distance!
Bien campé dans le présent, attentif à suivre le calendrier des mille et une choses à ne pas oublier, tout un chacun était bien affairé du matin au soir; il n’y avait pas beaucoup de temps pour courir la galipote. Ce qui n’empêchait pas de garder le passé en mémoire et encore moins de se projeter dans le futur afin de faire des prédictions sur ce que l’avenir réservait. Dans ses rêves les plus fous, mon grand-père arrivait à visualiser très nettement des avancées technologiques :
— J’vous l’dis, un jour on va inventer des scies qui coupent les âbres toutes seules!
— !!!???
Leurs ancêtres avaient ramené des vieux pays une langue qu’ils conservaient jalousement tout en la transmettant avec amour à la génération suivante. Ils n’hésitaient pas à l’enrichir selon les nouveaux besoins rencontrés à un moment ou l’autre de leur évolution ou encore simplement au gré de leur fantaisie. Plus tard, on s’en moquerait en essayant de leur faire accroire qu’ils parlaient mal. Pour sûr, ces détracteurs ne connaissaient rien à la poésie et encore moins aux trésors qu’une langue accumule et charrie avec les années.
On se mariait de bonne heure pour s’installer avec le reste de la maisonnée sur la ferme familiale ou sur une nouvelle terre, bien à soi. Ces jeunes époux ne manquaient pas de ramener de chez les parents des boutures de pommiers, de cerisiers, de lilas, de rhubarbe et quantité de graines de fleurs et de légumes; sans oublier les incontournables patates de semences et quelques tubercules de dahlias.
Les premiers immigrants s’étaient d’abord installés aux abords du grand fleuve Saint-Laurent, puis des descendants, faute d’espace pour prendre racine, avaient remonté, petit à petit, les grandes côtes jusqu’au plateau, bravant l’isolement et la froidure des hivers. Ils n’avaient jamais connu la guerre, leur nouveau territoire ayant été conquis quasiment sans coup férir. Un aventurier, au nom d’un roi qui n’y avait jamais mis les pieds, s’était emparé de ces terres au nom du principe de terra nullius, convaincu que ce territoire était sans maître et n’appartenait à personne. Et ce, bien qu’il ait lui-même et son équipage échangé quelques « politesses » avec ses habitants.
— On pourrait peut-être en embarquer quelques-uns ?
— Bonne idée! Et pourquoi pas les deux fils du chef (Marcel Trudel, Mythes et réalités dans l’histoire du Québec, Bibliothèque québécoise, page 22.) !
— Je pensais justement repasser dans l’coin l’été prochain. Du coup, on pourrait les ramener!
Les premiers occupants de notre coin de pays, les Wolastoqiyik, furent rebaptisés du nom de Malécites ou encore d’Amélacites. N’ayant pas d’habitations permanentes, au sens colonial du terme, on conclut allègrement que ces terres étaient désertes. Pourtant les premiers explorateurs rapportent la présence de villages entourés de palissades aux abords du fleuve Saint-Jean, entre autres, à partir duquel ces habitants voyageaient autant vers le Maine que vers le Québec en empruntant des routes à la fois terrestres et maritimes et qui aboutissaient, notamment, à Rivière-du-Loup, L’Isle-Verte ou Trois-Pistoles. On a aussi cité l’emplacement de nombreux rassemblements saisonniers qui permettaient de socialiser et d’échanger des productions locales avec les peuples voisins.
L’arrivée d’un trafic européen de plus en plus important sur les cours d’eau qui parsemaient leur territoire, l’intensification de la traite des fourrures ainsi que les querelles de territoires entre les conquérants portèrent un dur coup à leur mode de vie.
Plus tard encore, ces terres, autant dans les Maritimes qu’au Québec, furent transmises d’un roi à un autre qui, sans jamais y mettre les pieds non plus, chargea des lieutenant-gouverneurs d’administrer ses nouvelles possessions. On divisa alors ces « nouvelles » terres en cantons ou townships. Naquirent ainsi en 1861, avant même la naissance officielle du Canada et à même le territoire des Wolastoqiyik, les cantons de Viger et de Denonville. Dans ce dernier canton, depuis 1859, on concédait déjà des lots qui seraient bientôt ouverts à la colonisation.
En 1870, un nouveau village vit le jour en tenant compte du cours de la rivière Mariakèche, laquelle prend sa source au cœur des Monts Notre-Dame dans le Témiscouata. Elle se déverse ensuite dans la rivière des Trois-Pistoles qui, à son tour, s’écoule jusqu’au littoral sud-est du Saint-Laurent. La majeure partie du canton de Denonville, jointe à quelques lots du canton de Viger, fut ainsi érigée en paroisse civile, suite à une proclamation au nom de la reine Victoria; la royauté n’étant décidément jamais très loin. Et tant qu’à faire affaire avec les vieux pays, on donna à cette nouvelle entité le nom de Saint-Paul-de-la-Croix en l’honneur d’un saint homme, comme son nom l’indique, né en Italie en 1694 et qui aurait gardé toute sa vie un amour brûlant pour Jésus crucifié!
C’est Edmond Langevin à titre de Vicaire général, au nom de son frère, l’Illustrissime et Révérendissime Jean Langevin, Évêque de Saint-Germain de Rimouski, qui eut l’honneur d’émettre le décret érigeant canoniquement cette toute nouvelle paroisse ( Saint-Paul-de-la-Croix 1873-1998, Édition La plume d’oie, 1997, pages 100-102.).
Dans la proclamation de 1870, on prit soin de préciser que les limites de cette étendue de territoire de forme irrégulière était bornée « … au Nord-Ouest, partie par la ligne qui sépare la Seigneurie de L’Isle-Verte du township de Denonville, et partie à la ligne séparant la réserve « des sauvages » du Township de Viger (Histoire de Saint-Paul-de-la-Croix 1873-1973, Presses de l’Imprimerie Rivière-du Loup Enr, 1973, page 23.),… ».
Pourtant cette réserve « des Sauvages de Viger », n’existait déjà plus. En 1827, devant les protestations des dits Malécites qui voyaient leur pays rogné d’année en année, le Conseil exécutif du Bas-Canada avait confirmé la concession d’un territoire alors situé dans le comté de Témiscouata suite au dépôt du rapport des membres d’un comité : « Le Comité est heureux de voir qu’une partie d’une tribu des peuples indiens est disposée à abandonner sa vie errante dans le but de s’établir en un point et cultiver la terre, et ils recommandent humblement, sur une base expérimentale, qu’un emplacement de deux milles acres soit alloué aux Amélacites… il serait indiqué de placer cette tribu sur une terre en face de l’Isle-Verte, à six milles du fleuve St-Laurent (Jean-Charles Fortin, Antonio Lechasseur et als., Histoire du Bas Saint Laurent, Institut québécois de recherche sur la culture, 1993, page 230.) ».
On leur octroyait donc, à même leur propre pays, une des premières concessions foncières faites aux Premières Nations du Québec. Cependant, ils n’avaient plus accès directement au fleuve qui avait l’habitude de les nourrir et, de plus, il leur était difficile de vivre dans un encellulement qui n’avait rien à voir avec leur mode de vie millénaire. Certains s’y sont bel et bien mis à l’agriculture pendant que d’autres tentaient de poursuivre leurs déplacements saisonniers à travers leur territoire ancestral. Comme tous les autres colons de leur temps, la vie de défricheur n’était pas facile, surtout lorsque le mauvais temps sévissait et que les feux causés par les abattis faisaient des ravages comme ce fut particulièrement le cas en 1862.
Mais voilà que seulement quelques années après la création de cette réserve, d’aucuns commencèrent déjà à se questionner sur le bon usage de ces terres jugées excellentes pour l’agriculture. On réclama de plus en plus fort leur rétrocession et, peu à peu, suite à l’installation de nouveaux colons aux alentours et au pourtour, cette réserve se retrouva complètement enclavée dans le canton de Viger. Des rapports contradictoires alimentèrent alors les discussions, certains faisant état d’une occupation très marginale de la réserve, prouvant ainsi le gaspillage de belles terres, pendant que d’autres, au contraire, constataient les talents de défricheurs et de constructeurs des propriétaires.
En 1857, l’agent du département des affaires indiennes, S. Cheslay, se rend sur la réserve et rencontre le chef Louis Thomas Saint-Aubin, alors âgé de 91 ans. Il rapporte qu’ils « … ont cinq maisons en pièces équarries, très bien bâties, et plusieurs autres cabanes en écorce. Ils cultivent le blé, l’orge, le seigle, l’avoine et les patates. Leurs champs… sont bien enclos, et peuvent, sous le rapport de la culture, lutter avec avantage avec ceux des canadiens, leurs voisins. … Leur population se compose de 171 personnes (Ghislain Michaud, Les gardiens des portages- L’histoire des Malécites du Québec, Les éditions GID, 2003, page 230.),… ».
En 1859, on procéda à un nouvel arpentage qui en changea considérablement la configuration et les limites, et ce malgré les droits antérieurement concédés aux Malécites. L’arpenteur F. W. Blaiklock explique qu’il a volontairement exclu de la réserve des lots occupés illégalement par des colons pour éviter un « éventuel » bain de sang (Ibid., page234.).
Pour enfoncer le clou de la réserve qui raboudinait sans cesse, le recenseur de 1861, Samuel Rinfret, rapporte les propos suivants concernant les « Indiens de Viger » : « … Ce territoire est d’une grande fertilité et cependant une faible proportion est en culture. Les Amélacites comme les autres Indiens n’aiment pas l’Agriculture et ne s’y livrent que bien peu. Le contact de la civilisation et d’un peuple d’agriculteur n’a