La Communication, Les Médias Et Les Techno Logies de L'information
La Communication, Les Médias Et Les Techno Logies de L'information
La communication,
6 les médias
et les technologies
de l'information
tion culturelle qui ne vise qu'a « transporter » le spectacle de cabaret dans le salon des
téléspectateurs).
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s'est structurée autour de programmes comme Loft Story, L'île de la tentation, Koh-Lanta,
Fear Factor… L'intellectuel italien Umberto Eco estime que nous sommes passés, avec ces
émissions, d'une télévision « podium », dans laquelle passent les « meilleurs » (artistes,
politiques, sportifs) à une télévision « miroir » où le spectateur est invité à se regarder lui-
même. Le voyeurisme et l'exhibitionnisme y sont flattés jusqu'à l'indécence. Les candidats
sont humiliés et mis en scène dans des situations qui confinent au vulgaire et au pornogra-
phique. Les jeux, souvent à élimination, invitent à la trahison, aux coups tordus, aux asso-
ciations d'intérêt, en bref à l'individualisme forcené contre l'entraide et la solidarité. Là où
les grands artistes populaires de notre histoire ont su élever les « gens de peu » dans une
sublime dignité (Prévert pour la poésie, Vilar pour le théâtre…), la télévision de ces années
2000 les dégrade jusqu'à la nausée.
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augmente leur handicap culturel en les empêchant de s'intéresser aux programmes plus
ambitieux. La télévision contribue à creuser les écarts dans la société. Il y a 2 cm entre
les touches de TF1 et d'Arte sur la télécommande, mais ces 2 cm, si facilement franchis-
sables dans les faits, représentent un univers entre les deux catégories de spectateurs.
Les parts d'audience de TF1 et d'Arte montrent les inégalités de classes. TF1 est un média
de masse ; Arte est un média d'élites.
L'information
L'information télévisuelle reste, aux heures de repas (13 heures et 20 heures), le grand
rendez-vous des Français. Même si les parts d'audience sont régulièrement grignotées par
Internet ou les networks (LCI, I-Télé, Euronews, France 24…), ces grand-messes de l'info
restent des moments forts qui captent des millions de téléspectateurs. Pareille audience
impose des responsabilités éditoriales. Pourtant, le JT (journal télévisé) continue de susci-
ter la critique.
Le quatrième pouvoir
C'est ainsi que, très tôt, a été désignée l'information télévisuelle. Son influence en fait un
contrepouvoir extraordinaire mais aussi un outil de propagande efficace.
La liberté d'expression est au fondement de la démocratie et les médias, du moins dans
notre pays, sont libres. Le pluralisme de l'information reste une réalité : on peut chan-
ger de chaîne si la ligne éditoriale ne convient pas. Par ailleurs, les médias sont devenus
omniprésents. Ils sont partout, ils savent tout, ils voient tout et ils montrent tout. Pareille
omniscience est assez saine pour la démocratie et la liberté. Les médias exercent une sorte
de contrôle démocratique à travers la transparence qu'ils imposent. Ils alertent régulière-
ment l'opinion internationale et font pression sur les décideurs. Quand éclate un conflit,
une catastrophe, ils poussent à l'action. On ne peut pas dire « on ne savait pas », puisque
les médias, eux, y sont…
La loi de proximité
Comme les autres médias, la télévision hiérarchise les événements qui l'intéressent
en décidant de ce qui est, ou non, important. Or, plus que dans la presse écrite, l'im-
portance d'un événement télévisuel est dictée par des enjeux mercantiles. « Il faut
diviser le nombre de morts par la distance en kilomètres entre le lieu de l'événement
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et le siège du journal pour trouver la taille de l'article finalement publié », écrit Miguel
Benasayag. C'est ce qu'on appelle la loi de proximité. La télévision mesure l'impor-
tance des événements en fonction d'impératifs d'audience : c'est pour cette raison que
les événements sportifs font plus souvent la une des JT de 20 heures que la situation
internationale.
L'information spectacle
L'information spectacle, ensuite, suscite de récurrentes critiques. Ce qui compte, ce
n'est plus l'analyse des faits, mais l'émotion qui entoure les drames. Les informations
devraient récapituler les faits et analyser ensuite, c'est-à-dire mettre en perspective des
faits dans une problématique plus globale. L'analyse renvoie au domaine de l'intellect,
de la raison, alors que se contenter des faits, c'est souvent rester dans le domaine de
l'affect, de l'émotion. Le fait divers est surexploité, monté en épingle, utilisé à des fins
de dramatisation pour « doper » l'audience. Les sujets s'enchaînent rapidement (parfois
quinze dans un JT) pour ne pas ennuyer (croit-on) le spectateur (tant on craint qu'il ne
« zappe »). Autre travers de cette « info spectacle » : la « starisation ». Pour exister poli-
tiquement, il faut être une « bête médiatique ». Ce n'est plus la compétence qui fait la
valeur des politiciens mais leur capacité à se « vedettariser ». On transforme l'informa-
tion en spectacle. Pour que l'information politique passe, il faut qu'elle soit attrayante,
divertissante, vendable. Les hommes politiques préfèrent passer dans les émissions de
divertissement que dans les émissions politiques, et la télévision veut bien recevoir les
hommes politiques s'ils ne parlent pas de politique (comme dans l'émission Vivement
Dimanche de Michel Drucker).
GRAND ANGLE
3 heures et 46 minutes. Chaque Français équipé d'au moins un téléviseur a
regardé la télévision en moyenne 3 heures et 46 minutes par jour en janvier
2007. Les chiffres sont en hausse permanente, surtout chez les enfants de 4 à
10 ans…
7 euros. C'est en moyenne ce que coûte une publicité de trente secondes pour
un annonceur par tranche de mille spectateurs.
30 % de part de marché. C'est la place qu'occupe TF1 dans le paysage télévisuel
français. La chaîne détenue par le groupe Bouygues se place du fait de son
chiffre d'affaires comme le vingt-deuxième groupe de communication au
niveau mondial.
Jean-Pierre Pernaut. Le présentateur du journal de 13 heures de TF1
expliquait à l'hebdomadaire Télérama du 9 décembre 1998 : « Le 13 heures
est le journal des Français, qui s'adresse en priorité aux Français et qui
donne de l'information en priorité française. Vous voulez des nouvelles sur
le Venezuela ? Regardez la chaîne vénézuélienne. Sur le Soudan ? Regardez
les chaînes africaines. Le journal de 13 heures de TF1, c'est le journal des
Français.»
4 %. C'est à peu près le taux d'audience que réalise Arte en moyenne chaque
année. La chaîne franco-allemande, créée en 1992, peine à passer les 1 % en
Allemagne…
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S'ENTRAÎNER
Sujets des annales
Sujet 1. Éducateur spécialisé, Centre
Le « zapping » vous paraît-il être devenu un mode de comportement caractéristique de la
vie quotidienne ?
Vous réfléchirez à ce problème à partir de votre expérience et de la connaissance acquise
à travers livres, films, etc., en ne vous limitant pas à la seule utilisation du « zapping »
télévisuel.
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CORRIGÉS
Corrigé sujet 1
En passant de la société industrielle à la société informationnelle, nous sommes entrés dans
l'ère de l'information tous azimuts. Multiplication des supports, développement des médias :
tout concourt à submerger l'individu d'images et de sons. L'attitude caractéristique devient
dès lors le zapping, cette propension aujourd'hui généralisée à passer sans cesse d'une chaîne
à l'autre sans prendre le temps de s'arrêter sur une seule. Ce comportement, jusqu'à pré-
sent propre au spectateur de télévision, semble s'étendre à l'ensemble des activités de la
vie sociale et gangrener nos manières de vivre au-delà du champ médiatique. Que penser
de cette attitude ? Faut-il louer son caractère démocratique et libératoire ou au contraire la
condamner comme une forme d'inconstance ? Que révèle-t-elle, au juste, de notre société ?
Zapper, nous l'avons dit, c'est changer sans cesse sans attendre de développements,
sans approfondir quoi que ce soit. Ce comportement est avant tout symptomatique des
maniaques de la télécommande. D'aucuns ont d'ailleurs vu dans ce geste l'expression de
la liberté du spectateur. Désormais le zapping sanctionne un programme jugé mauvais ou
ennuyeux. La télécommande n'est-elle pas la bête noire des concepteurs de programmes ?
Ces derniers développent leurs émissions en intégrant la possibilité que le spectateur
s'échappe. Pour le retenir, il faut trouver des stratagèmes de plus en plus élaborés.
Car le zapping n'est pas, loin s'en faut, le seul fait des téléspectateurs : il est aussi, et peut-
être surtout, celui de la télévision elle-même. Car à privilégier le slogan (court et choc)
aux dépens de l'analyse, le « coq-à-l'âne » (environ quinze sujets disparates traités dans un
journal télévisé de trente minutes) contre le développement approfondi et organisé, on
peut dire que la télévision a mis en place une forme de zapping intégré. Les programma-
teurs soucieux de l'audimat ont pris le parti du court et du varié.
Il n'est pas étonnant que ce schéma s'étende à l'organisation des images, plus proches du
clip que du plan-séquence. L'image doit être éphémère, s'évanouir aussitôt apparue pour
laisser place à d'autres images. Le cinéma est désormais conçu sur ce rythme syncopé où
le stroboscopique dénué de sens se substitue au long plan statique de l'analyse psycho-
logique du cinéma d'antan. Il faut faire vite, court, émotif, sensationnel pour ne pas lasser
un spectateur dont on postule qu'il s'ennuiera devant un long plan fixe.
Ce règne de l'instant, voire de l'instantané, trouve son apogée dans la mode et ses chan-
gements qui en fondent la seule permanence. Pour être « in », il faut sacrifier à la tyrannie
d'une vogue qui impose son despotisme de l'éphémère. Or la personnalité d'un être se
mesure à sa constance et sa stabilité : tout ce que la mode ne peut supporter puisque la
seule forme de constance qu'elle propose reste la permanence du changement. On zappe
donc ses vêtements, sa musique, ses centres d'intérêt dès que la mode change, c'est-à-dire
tout le temps : on n'a pas de goût mais un style, fût-il fugace et par là impersonnel.
Pour mieux révéler la pandémie du zapping, on pourrait encore évoquer la politique, et
cette parodie de l'alternance qu'elle met en scène à chaque élection. L'électeur devient
zappeur, toujours insatisfait et prompt à changer de camp. Mais quelles motivations au
juste gouvernent ce type de comportement ?
Dans une société du zapping, l'idéologie dominante se caractérise par le « digest » : ce qu'il
faut savoir mais rapidement et surtout sans effort. Le superficiel se substitue dès lors à
l'essentiel et l'approfondissement est ressenti comme une perte de temps… voire d'argent.
Car dans la société de consommation, du jetable, approfondir, s'attarder, réfléchir, déve-
lopper, c'est s'adonner à des activités improductives. Quand le seul critère de bien-être
d'une société se mesure à l'aune d'un indice de croissance, ne pas sacrifier au joug du tout-
consommation devient une attitude anticitoyenne.
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thèmesetsanitaires
rechercher quelque chose comme on pourrait a priori le croire. Il utilise le verbe « zapper »
de manière intransitive : il consomme de l'image, du vêtement, de la musique et en change
en permanence pour la seule fin d'en consommer à nouveau…
Repérable dans divers secteurs de la vie sociale, le zapping semble l'attitude caractéris-
les médias
tique du consommateur moderne soucieux de changer pour consommer. Le manque de
sens, de finalité de notre société peut expliquer cette vacuité du zapping à laquelle toute
PARTIE 1 Grands
une frange de la jeunesse semble aujourd'hui sacrifier. N'est-il pas temps de réintégrer de
PARTIE 6 La communication,
la stabilité dans un monde qui semble avoir perdu toutes ses boussoles pour se diriger ?
Corrigé sujet 2
Cette citation, extraite d'un magazine populaire d'information sur les programmes télé-
visés, tente de comprendre l'étonnant succès d'une émission de divertissement. Dans le
même temps, l'auteur de cet article pointe la difficulté d'un magazine d'information exi-
geant à faire de l'audience. Ce hiatus n'est pas une surprise et les dirigeants de chaîne
savent qu'un programme de détente grand public aura plus de chances de séduire les
spectateurs qu'une émission difficile sur un sujet austère. Le problème se situe à un autre
niveau : la place de plus en plus importante accordée aux divertissements et l'évolution
inquiétante du contenu de ces programmes.
Malgré les injonctions du Conseil supérieur de l'audiovisuel et les missions qui normale-
ment incombent au service public, il faut en convenir : la télévision fait désormais la part
belle aux programmes faciles, aux jeux idiots, aux émissions people et à une kyrielle de rea-
lity shows. Cette place prépondérante accordée aux programmes grand public a rejeté aux
heures les plus tardives les contenus culturels. Les télévisions généralistes ont décidé de
complaire au plus grand nombre pendant que les chaînes thématiques hyperspécialisées
s'adressent à une minorité cultivée de happy few. La télévision, de ce point de vue, paraît
conforter les écarts sociaux qui existent déjà dans la société. Elle ne joue plus aucun rôle
de démocratisation culturelle. Entre la télévision « poubelle » (la fameuse trash TV des
Américains) et la télévision élitaire (Arte par exemple), le fossé se creuse dangereusement.
Il faut d'ailleurs s'inquiéter du contenu toujours plus crapuleux, ignoble et dégradant de
ces émissions. Nous n'en sommes plus aux « variétés » sympathiques qui égayaient gen-
timent les Français : désormais les programmes doivent s'inscrire dans la réalité et parler
des « gens », autrement dit de monsieur Tout-le-monde, sans la moindre décence ni la plus
petite once de pudeur. Nous sommes passés, comme l'a fort justement écrit Umberto Eco,
d'une télévision « podium » qui invite les meilleurs (artistes, intellectuels, politiques…) sur
les plateaux à une télévision « miroir » dans laquelle chacun d'entre nous est amené à se
reconnaître. Aujourd'hui, il suffit de passer à la télévision pour devenir une star (forcément
« jetable »). N'importe quel quidam peut trouver ce « quart d'heure de célébrité » dont
parlait Andy Warhol. La téléréalité invite en effet les « petites gens » à déballer leur inti-
mité devant des cohortes de spectateurs qui leur ressemblent. Cette télévision construit
ici une double perversion, qui incite à l'exhibitionnisme le plus indécent tout en suscitant
un voyeurisme exacerbé.
Au bout du compte, on le voit, l'évolution de la télévision a de quoi inquiéter. Peut-être les
« gens » dont parle l'article ont-ils besoin de rire, de se détendre, de trouver de l'oxygène
dans un monde « asphyxiant ». Cependant ce nécessaire dérivatif ne saurait se trouver
dans une télévision abjecte et indigne.
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