Fiches Admi PDF Resume Droit Administratif
Fiches Admi PDF Resume Droit Administratif
Pierre Delvolvé : « l’acte administratif est un acte juridique qui est adopté unilatéralement par une
autorité administrative, qui porte sur l’ordonnance juridique et qui affecte les droits et obligations
des tiers sans leur consentement ».
L’acte administratif unilatéral (AAU) est un acte par lequel l’administration modifie
l’ordonnancement juridique, c’est-à-dire fixe de nouvelles règles juridiques créant des droits et
obligations ou modifie des normes existantes. C’est un acte qui manifeste une volonté dans le but
de modifier le droit, mais ce n’est pas forcément une volonté positive. Contrairement à un contrat
qui repose sur l’accord des deux parties, il ne requiert pas le consentement des administrés. C’est
pourquoi on dit qu’il est unilatéral. L’AAU peut être établi par une personne publique mais aussi par
une personne privée chargée de la gestion d’un service public administratif ou plus rarement d’un
service public à caractère industriel et commercial. Néanmoins, tout acte pris par une personne
publique n’est pas un AAU (ex : actes législatifs). Ainsi, l’acte administratif unilatéral revêt deux
caractère : il est administratif, et unilatéral.
L’AAU est l’instrument par excellence de l’action administrative. Il doit obligatoirement être rattaché
à la gestion publique : si l’acte provient d’une autorité administrative, mais n’est pas rattaché à la
fonction administrative, alors ce n’est pas un AAU. Ainsi, certaines autorités administratives ne font
pas toujours des actes administratifs : actes juridictionnels, actes de gouvernement et actes
législatifs. Exceptionnellement, les personnes privées peuvent émettre des actes administratifs
(arrêt Monpeurt). Ce sont des actes juridiques de droit public, non-législatives, non-
juridictionnelles, destiné à régir le comportement de personne qui tantôt étrangères, tantôt
associées à son édition, ne sont pas juridiquement les auteurs. Les AAU sont soumis au droit
international. Il bénéficie du « privilège du préalable » qui oblige les administrés à se conformer à
l’acte même s’ils l’estiment contestable. Une véritable présomption de légalité s’attache aux AAU.
Ainsi, même s’ils font l’objet d’un recours devant le juge, ils continuent en principe de produire
leurs effets. Par ailleurs, il n’est nul besoin, pour l’administration, de recourir au juge avant de
mettre en œuvre son acte, comme cela serait exigée d’un particulier. Le juge administratif affirme
même qu’il est vain pour l’administration de lui demander la permission d’agir, alors qu’elle n’en a
pas besoin.
— les AAU réglementaires – décrets, arrêtés, délibérations des assemblées des collectivités
locales – ont une portée générale et impersonnelle. Ils ne s’adressent pas à des personnes
nommément désignées. Différentes autorités peuvent les prendre. Les décrets sont l’œuvre du
président de la République ou du Premier ministre. Les arrêtés ont pour auteur les ministres, les
préfets, les maires, les présidents de conseil général ou régional ;
— les AAU non réglementaires concernent une ou des personnes nommément désignées (ex :
permis de construire, refus de titre de séjour, arrêté de nomination…). On parle alors d’actes
individuels. Ils peuvent être l’œuvre de toute autorité administrative, à condition toutefois qu’ils
présentent bien un caractère décisoire (exemple contraire : le courrier d’une autorité administrative
rappelant à un administré les conditions pour bénéficier d’une prestation n’est pas un AAU).
Toutefois, certaines décisions administratives peuvent échapper à cette dichotomie. Ainsi, les
circulaires, qui en principe ne sont pas réglementaires – elles n’ajoutent pas d’éléments à la loi
mais l’explicitent –, ont parfois une portée réglementaire. Elles sont alors le plus souvent illégales,
car rédigées par les ministres qui disposent pas en principe du pouvoir réglementaire, sauf par
délégation.
Page 1
L’AAU doit être exécuté sauf si elle présente une illégalité manifeste. En principe il n’y a pas
d’exécution forcée. Exception : si la loi l’autorise, s’il y a une situation d’urgence, en l’absence
d’une autre voie. Des conditions sont cependant nécessaires : une mise en demeure préalable,
elle doit être soumise au strict nécessaire et il y a possibilité que ça entraine une sanction par
l’administration.
L’abrogation et le retrait sont deux procédures entraînant la disparition des actes administratifs
unilatéraux (AAU) concernés, en dehors du cas où l’acte est affecté d’un terme (date) à l’échéance
duquel il disparaît ou de celui où l’acte fait l’objet d’une annulation devant le juge.
Le débat sur l’abrogation et le retrait des AAU est essentiel car il pose une question majeure au
droit administratif : faut-il privilégier la légalité ou la sécurité juridique ? Autrement dit, peut-on avoir
recours au retrait – c’est-à-dire à l’annulation d’un acte administratif en faisant disparaître tous ses
effets, y compris passés – ou l’abrogation – annulation d’un acte administratif pour l’avenir
seulement – sans difficulté ? Faut-il au contraire les réserver à des hypothèses exceptionnelles ?
Dans les deux cas, on distingue l’abrogation ou le retrait d’actes réguliers ou irréguliers et d’actes
créateurs de droits ou non.
L’abrogation consiste en une sortie de vigueur de l’acte mettant fin à son existence à l’avenir, mais
sans remettre en cause les effets indirects produits antérieurement lors de son application. Elle
met donc fin simplement à l’application de l’acte.
L’abrogation se présente sous deux formes : elle peut être expresse et se manifeste dans ce cas
par un acte contraire ou tacite (ex : un permis de construire est caduc si la construction n’est pas
entreprise dans un délai de deux ans).
Les autorités administratives ne sont pas totalement libres d’abroger leurs actes. Pour les actes
non créateurs de droits, l’administration est libre de les abroger à tout moment, sans aucune
condition de légalité et pour simple opportunité. En effet, cette décision ne porte pas atteinte aux
administrés. En revanche, pour les actes créateurs de droits, seule leur illégalité peut justifier une
abrogation.
Par ailleurs, l’administration peut être tenue d’abroger un acte. Ainsi, lorsqu’un changement de
circonstances de droit ou de fait vient affecter un acte administratif réglementaire, l’administration
peut être tenue de l’abroger (arrêt du Conseil d’État-CE, Sect., 10 janvier 1930, Despujol). Une
véritable obligation existe d’abroger un acte réglementaire devenu illégal à la suite notamment de
l’intervention d’un acte de droit de l’Union européenne (règle posée par CE, Ass., 3 février 1989,
Compagnie Alitalia).
Le retrait d’un AAU est l’opération par laquelle il est mis fin aux effets d’un acte à partir du moment
où il est intervenu. Il est rétroactif comme l’annulation contentieuse d’un acte par le juge. L’acte est
donc censé n’avoir jamais existé.
Page 2
Le régime du retrait varie selon les actes. S’agissant des actes non créateurs de droits, le retrait
est possible que l’acte soit régulier ou non. Ainsi, pour les actes frauduleux, la règle est claire. Un
acte obtenu par fraude, dans l’intention délibérée de tromper l’administration, n’est pas créateur de
droit. C’est pourquoi il peut être retiré à tout moment, tout comme un acte inexistant (CE, 29
novembre 2002, Assistance publique–Hôpitaux de Marseille). La question est plus sensible pour
les actes créateurs de droits. Dans ce domaine, la jurisprudence était fixée depuis très longtemps.
En effet, traditionnellement, le retrait ne pouvait intervenir qu’à deux conditions : que l’acte soit
illégal et que le retrait intervienne durant le délai du recours contentieux. Ces deux conditions
avaient été posées par l’arrêt Dame Cachet du Conseil d’État du 3 novembre 1922.
Après une longue évolution, les règles de retrait ont connu un tournant jurisprudentiel. L’arrêt du
Conseil d’État Ternon , en date du 26 octobre 2001, est venu rompre avec la jurisprudence Dame
Cachet en procédant au découplage du retrait et du délai de recours contentieux. Cet arrêt
essentiel affirme : « l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de
droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de décision ».
Le délai de retrait se différencie désormais de celui du recours, aussi bien par sa durée (quatre
mois au lieu de deux) que par son point de départ (la date d’adoption de la décision au lieu de la
formalité de publicité dont celle-ci doit faire l’objet). L’idée de cette jurisprudence est de préserver
la légalité, dès lors que l’administration ne dispose que de quatre mois pour retirer l’acte irrégulier,
à l’expiration desquels il devient définitif.
Il convient toutefois de préciser que l’arrêt Ternon réserve l’hypothèse de dispositions législatives
ou réglementaires contraires, qui prévoiraient une autre règle. C’est ainsi qu’une loi du 13 juillet
2006 a prévu que les autorisations d’urbanisme échapperaient à la jurisprudence Ternon.
Page 3
Section, 11 décembre 1970, Crédit foncier de France c/ Mlle Gaupillat et Mme Ader
Une autorité administrative peut, alors qu’elle ne dispose pas en la matière du pouvoir
réglementaire, encadrer l’action de l’administration, dans le but d’en assurer la cohérence, en
déterminant, par la voie de lignes directrices, sans édicter de condition nouvelle, des critères
permettant de mettre en œuvre un texte qu’elle est chargée d’appliquer, sous réserve de motifs
d’intérêt général conduisant à y déroger et de l’appréciation particulière de chaque situation. A
l’occasion d’un recours formé contre une décision individuelle qui fait application de telles lignes
directrices, leurs orientations et l’application qui en est faite peuvent être contestées.
Page 4
CONTRATS ADMINISTRATIFS —
Les contrats administratifs sont une catégorie de contrats conclus par l’administration, qui peut
également signer des contrats de droit privé. Les contrats – administratifs ou privé – constituent,
avec les actes administratifs unilatéraux, le second moyen d’action de l’administration dans ses
relations avec les administrés.
Un contrat est dit administratif dans plusieurs cas. Tout d’abord, si la loi le qualifie comme tel (ex :
les marchés de travaux publics par la loi du 28 pluviôse an VIII) ou si un texte déclare le juge
administratif compétent pour régler les conflits sur le contrat de l’administration dont il traite. On
principe, bénéficient de la qualification légale : les contrats d’occupation du domaine public, les
contrats de concession, les contrat de marché public/ de partenariat, et les contrat de vente
d’immeuble. A défaut, la jurisprudence s’occupe de qualifier les contrats.
La principale méthode de qualification des contrats résulte de la jurisprudence du Conseil d’Etat
qui a élaboré deux critères cumulatifs d’identification. Le premier critère exige qu’une personne
publique soit partie au contrat. De là, trois situations peuvent se présenter :
— les contrats ou une seule des parties est une personne publique
La présence d’une personne publique au contrat est une condition nécessaire pour qu’un tel
acte soit qualifié d’administratif. Cette hypothèse soulève deux problèmes. D’abord, il peut arriver
que la personne publique délègue à un mandataire le soin de signer le contrat à sa place (C.E.,
sect.,2/06/1961, Leduc). Dans cette hypothèse, le contrat est matériellement signé par une autre
personne, mais juridiquement c’est la personne publique qui est considérée comme partie au
contrat. C’est exactement la même chose que lorsqu’une personne donne mandat à une autre
pour aller voter à sa place en cas d’empêchement. Cette hypothèse de l’action « au nom de » doit,
cependant, être bien distinguée de l’action « pour le compte de » dans le cas de contrats conclus
entre deux personnes privés.
Ensuite, des problèmes se sont posés à propos des contrats conclus par une personne publique
qui devient, par suite d’un changement de statut résultant, par exemple, d’une privatisation, une
personne privée. En la matière, le Tribunal des conflits a considéré que les contrats postérieurs à
ce changement de statut étaient des contrats de droit privé, tandis que les anciens contrats
demeuraient des contrats administratifs (TC, 16/10/2006, Caisse centrale de réassurance).
1/ Ces contrats sont normalement de droit privé, mais la jurisprudence admet que, lorsque
l’une des personnes privées a agit « pour le compte » d’une personne publique, le contrat est
administratif. Il faut bien sûr en plus que l’un des critères alternatifs soit rempli. Cette solution
s’explique par le fait que la personne publique est indirectement présente par le biais de la
personne privée, cette dernière ne faisant que servir d’intermédiaire. L’action de la personne privée
se fait donc au profit de la personne publique. De fait, le critère organique est indirectement rempli.
Consacrée à propos d’un contrat portant sur des travaux autoroutiers (TC, 8/07/1963, Société
Page 5
Entreprise Peyrot), cette jurisprudence fut, par la suite, appliquée à de multiples hypothèses. Ce
qui caractérise la jurisprudence Société Entreprise Peyrot est le fait que, lorsque le contrat porte
sur la construction des routes et des autoroutes, le contrat est toujours considéré comme conclu «
pour le compte » d’une personne publique, car ce domaine appartient, par nature, à l’Etat. En
revanche, dans les autres hypothèses, il y a lieu de rechercher concrètement en quoi l’une des
deux personnes privées a agit « pour le compte » d’une personne publique.
2/ Dans son arrêt Commune de Boulogne Billancourt (CE, 21/03/2007), le Conseil d’Etat
développe la théorie des personnes privées transparentes. Ainsi, lorsqu’une personne privée est
créée à l’initiative d’une personne publique et que cette dernière en contrôle l’organisation et le
fonctionnement, tout en lui procurant l’essentiel de ces ressources, la personne privée doit être
regardée comme transparente. En d’autres termes, tout indique que la personne privée fonctionne
comme n’importe quel service interne de la personne publique. C’est donc cette dernière qui est
réputée avoir signé le contrat : c’est elle le véritable cocontractant. Une personne publique est
donc indirectement partie au contrat. Dans l’affaire Commune de Boulogne Billancourt,
l’association n’a aucune autonomie par rapport à la commune : cette dernière exerce un contrôle
strict sur ses modalités d’organisation et de fonctionnement, et elle lui procure l’essentiel de ses
ressources. Cette décision doit être rapprochée de celle rendue en section le 6 avril 2007 dans
l’affaire Commune d’Aix-en-Provence. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat juge que les personnes
publiques doivent être regardées comme gérant le service public si elles créent à cette fin un
organisme dont l’objet statutaire exclusif est de gérer ce service et si elles exercent sur cet
organisme un contrôle comparable à celui qu’elles exercent sur leur propre service.
A ce critère organique, le juge rajoute la réalisation de l’un des trois critères alternatifs : critère
matériel. Ainsi, des critères dégagés par la jurisprudence doivent être présents :
* un des signataires du contrat est une personne publique ;
* le contrat vise l’exécution d’un service public ;
* le contrat contient des clauses exorbitantes du droit commun – c’est-à-dire des clauses
qu’on ne trouverait pas dans un contrat privé, et qui confèrent à la personne publique des
prérogatives ou des avantages exorbitants, ou imposent à son cocontractant des
obligations ou des sujétions exorbitantes.
Les contrats administratifs sont négociés et signés au nom de la personne publique par un
représentant habilité : le ministre pour l’Etat, ou l’exécutif local pour les collectivités territoriales
après autorisation de l’assemblée délibérante. Le respect de ces règles de compétence est
important, car un vice provoquera automatiquement la nullité du contrat. Il en ira, d’ailleurs, de
même si le consentement n’est pas libre ou éclairé, comme en cas de dol ou d’erreur.
Afin de garantir une certaine moralité dans la commande publique, différentes règles ont été
élaborées : ainsi, les délibérations auxquelles ont pris part des membres du conseil municipal
intéressés à l’affaire sont illégales, tandis que les agents et élus qui abuseraient de leurs fonctions
en vue de procurer un avantage personnel lors de la conclusion du contrat peuvent être poursuivis
pour prise illégale d’intérêts (art. L 432-12 Code pénal).
Du point de vue des grands principes qui encadrent la conclusion des contrats administratifs, il y a
le principe de la liberté contractuelle. Il permet aux autorités administratives de décider de recourir
au contrat, d’en déterminer le mode et le contenu, ou encore de choisir les partenaires. Le Conseil
constitutionnel a fait de ce principe un principe à valeur constitutionnelle, tandis que le Conseil
d’Etat indique que les dérogations à la liberté contractuelle doivent être interprétées strictement, ce
qui est de nature à accroitre le champ d’application du principe. Mais, dorénavant, cette liberté
contractuelle est, s’agissant du choix du cocontractant, fortement encadrée du fait de l’influence du
droit communautaire. Ainsi, différentes directives ont imposé des obligations de transparence et de
mise en concurrence. Ces différentes obligations se déclinent en trois principes de valeur
constitutionnelle, censés assurer la bonne gestion des deniers publics : le respect de la
concurrence entre les candidat, la moralisation de l’action publique (l’on distingue ainsi la liberté
d'accès à la commande publique qui interdit d'écarter des concurrents sur la base de
considérations étrangères au code des marchés publics, l'égalité de traitement des candidats qui
suppose que l'Administration traite tous les candidats sans discrimination) et le principe de
transparence des procédures qui doit permettre une information suffisante de tous les candidats.
Concrètement, une fois ces trois exigences satisfaites, l’Administration retrouve sa liberté pour
choisir son cocontractant.
Si les contrats de droit privé sont régis par le célèbre article 1134 du Code civil selon lequel
« les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », le régime
applicable aux contrats administratifs présente de remarquables spécificités du fait de la mission
d’intérêt général poursuivie par l’Administration.
Toute personne publique qui conclue un contrat administratif dispose de ces pouvoirs : cela
signifie d’une part qu’il en va ainsi même s’ils ne sont pas mentionnés dans le contrat, et d’autre
part que la personne publique ne peut y renoncer. Quatre types de pouvoirs doivent être relevés :
le droit de direction et de contrôle, le droit de sanction, le droit de modification unilatérale et le droit
de résiliation. Précisons, avant de commencer, que la Cour européenne des droits de l’Homme
reconnait la validité des deux dernières prérogatives, dès lors qu’il y a motif d’intérêt général et
compensation.
Page 7
distingués. Ainsi, en cas de défaillance mineure, l’autorité administrative aura recours à des
sanctions pécuniaires, comme des pénalités de retard, des amendes ou encore des dommages et
intérêts. Même non prévues par le contrat, ces sanctions sont applicables. Autre niveau de gravité,
si l’exécution du contrat est menacée par le comportement fautif du cocontractant, l’Administration
pourra avoir recours à des sanctions coercitives, ce qui signifie que soit elle se substituera à son
partenaire défaillant, soit le remplacera par un tiers aux frais et risques du cocontractant.
Concrètement, ces sanctions se traduiront par la mise sous séquestre d’une concession ou encore
la mise en régie d’un marché de travaux publics. Le plus haut niveau de gravité est atteint
lorsqu’est décidée, après mise en demeure, la résiliation-sanction du contrat aux torts du
partenaire, ce dernier étant fautif. Il en va, ainsi, en cas d’interruption du service ou du chantier, ou
en cas de fonctionnement défectueux du service.
3 — L’Administration dispose, par ailleurs, d’un pouvoir de modification unilatérale fondé sur
les exigences du service public. Un tel pouvoir apparait comme exorbitant par rapport au régime
des contrats de droit privé. Mais, il se justifie par la nécessaire adéquation permanente entre
l’action administrative et la satisfaction de l’intérêt général. En effet, ce pouvoir de mutabilité des
contrats administratifs implique que l’Administration puisse, à tout moment, apporter les
modifications nécessaires au contrat afin que son exécution soit adaptée à l’évolution des
nécessités de l’intérêt général.
Pour autant, ce pouvoir n’est pas sans limites. En effet, il s’agit ici de tenir compte de l’accord
de volontés résultant du contrat et ainsi de poser des limites aux prérogatives de l’Administration.
D’abord, ces modifications doivent être justifiées par l’intérêt général ou l’intérêt public. Par
ailleurs, si ces modifications entrainent un bouleversement du contrat, le cocontractant est en droit
de demander au juge la résiliation du contrat ; plus généralement, ces modifications ne doivent pas
être si innovatoires que l’on pourrait penser qu’un nouveau contrat aurait du être conclu. De plus,
certaines clauses du contrat ne peuvent être modifiées que par accord des volontés des parties : il
en va, ainsi, des clauses définissant l’objet du contrat, et des clauses financières. Enfin, si l’usage
du pouvoir de modification unilatérale alourdit les charges du partenaire de l’Administration, celui-ci
a droit à la compensation intégrale du préjudice ainsi causé. En effet, l’Administration doit rétablir
l’équilibre financier du contrat.
1 — Comme en droit civil, la force majeure se définie par son extériorité vis-à-vis des parties
au contrat, son imprévisibilité dans sa survenance et son irrésistibilité dans ses effets, les
Page 8
phénomènes naturels violents et d’une durée exceptionnelle en étant les exemples les plus
typiques. En pareille hypothèse, l’exécution du contrat devient impossible, et le cocontractant
d’une part ne peut voir sa responsabilité engagée, et d’autre part a droit tant à la résiliation du
contrat, qu’à une indemnisation.
Une fois ces conditions réunies, l’état d’imprévision emporte des conséquences. Il faut
d’abord préciser que l’état d’imprévision ne libère pas le cocontractant de l’Administration de ses
obligations. Ainsi, celui-ci est tenu de poursuivre l’exécution du contrat, malgré les circonstances.
Dans le cas contraire, le partenaire de l’Administration ne pourra pas obtenir une indemnisation au
titre de l’imprévision. Concrètement, les parties sont tenues de tenter d’adapter le contrat aux
nouvelles circonstances, par exemple, par une réduction de certaines charges du cocontractant ou
une augmentation des tarifs. Si la négociation échoue, le partenaire est en droit d’obtenir, du juge
administratif, la condamnation de l’Administration au versement d’une indemnité. Cette dernière
n’est pas intégrale. En effet, le juge estime que l’Administration n’étant pour rien dans l’aggravation
des charges du cocontractant, ce dernier doit supporter la part du déficit se rattachant à l’aléa
normal de tout contrat : dans les faits, l’indemnité versée couvre, en général, 90 à 95 % des
charges nouvelles.
Page 9
Page 10
16 octobre 2006, Caisse centrale de réassurance c./ Mutuelle des architectes de France
Sauf disposition législative contraire, la nature administrative ou de droit privé d’un contrat
s’apprécie à la date de sa formation. Ainsi, les contrats administratifs conclus par un établissement
public demeurent des contrats de droit administratif même si la personne publique est
ultérieurement transformée en personne morale de droit privé.
Page 11
LE SERVICE PUBLIC —
L'administration a en charge plusieurs fonctions ou missions. Les plus importantes d'entre elles
sont le service public et la police administrative. Ce sont des fonctions sociales, c’est-à-dire des
tâches ou des missions que l'administration accomplit au bénéfice de la collectivité et dont les plus
importantes sont le service public et la police administrative. On ne peut pas opposer purement et
simplement ces deux fonctions sociales majeures de l'administration car elles sont étroitement
liées.
Selon Charles Eigenmann, l'administration remplit deux fonctions sociales majeures :
— une fonction de prestation : elle consiste à fournir aux administrés des prestations, c'est-à-dire
des biens et des services - distribution d'eau, d'électricité, de gaz, enseignement, enlèvement et
traitement des ordures ménagères… Bref à rendre service. L’expression « fonction de prestation »
caractérise l'activité de service public ;
— une fonction normative : elle consiste à édicter des règles, des normes. Ces règles déterminent
ce que doit être le comportement des administrés : limitation de vitesse, interdiction de projeter un
film ou d'organiser une manifestation… L’expression « fonction normative » caractérise
l'activité de police administrative.
La distinction de Charles Eigenmann a le mérite de la clarté. Mais elle pêche par son manichéisme
conceptuel. Les deux fonctions sont, en fait, étroitement liées. La fonction de prestation est remplie
dans le cadre d'une réglementation. Exemple : les universités. Les usagers y bénéficient de
prestations - enseignement, évidemment - tout en étant tenus au respect de certaines règles - pas
toujours écrites d’ailleurs. Inversement, la fonction normative n'exclut pas la fourniture de
prestations. La police administrative apparaît aussi comme un service public. On ne peut retenir
qu’une version revue et corrigée de la distinction : certaines activités administratives sont
principalement des activités de prestation, d'autres principalement des activités normatives.
Le service public constitue une donnée fondamentale du droit administratif pour trois
raisons :
— le service public permet de définir un grand nombre de notions essentielles du droit
administratif : contrat administratif, agent public, domaine public, expropriation pour cause
d’utilité publique…
— le service public sert souvent de critère à l'application du droit administratif et à la
compétence du juge administratif
— dès lors qu’une activité est reconnue comme un service public, elle est soumise à des
règles spécifiques (notamment, aux lois du service public).
Pourtant, en dépit de son rôle central, le service public pose problème. Didier Truchet remarque :
« personne n'a jamais réussi à donner du service public une définition incontestable : le législateur
ne s'en est pas soucié, le juge ne l'a pas voulu, la doctrine ne l'a pas pu. »
D’après l'auteur, la signification du concept varie selon les circonstances de son emploi : il est
devenu un label qui recouvre des réalités juridiques variées. Au contraire, le statut, le régime du
service public semble échapper à toute contingence. En clair, on ne saurait pas ce qu’est un
service public, mais on saurait quelles sont les règles qui lui sont applicables. Situation
traumatisante pour l’intellect. Qui plus est, Pierre Nicolaÿ, prévient : « Ce n’est pas
la modestie mais la sagesse qui commande de s’abstenir de définir le service public ».
Un service public est donc une activité exercée par une personne publique ou par une personne
privée (avec l’habilitation et sous le contrôle d'une personne publique) en vue, principalement,
de répondre à un besoin d'intérêt général. Lorsqu’une activité est reconnue comme étant un
service public, elle est ipso facto soumise au régime du service public. D’un strict point de vue
logique, le service public donne parfois lieu à deux sortes de définitions :
— une définition purement organique ou formelle : le service public, c'est toute activité
exercée par une personne publique, un organisme public. Objection : selon la jurisprudence,
toutes les activités exercées par des personnes publiques ne sont pas des services publics ; et
certaines personnes privées ont en charge des services publics.
Page 12
— une définition purement fonctionnelle ou matérielle : le service public, c'est toute activité
d’intérêt général. Objection : la jurisprudence ne considère pas toutes les activités d’intérêt
général comme étant des services publics.
L'expression « critères analytiques du service public » désigne les indices (ou le faisceau
d’indices) qui permettent de conclure qu'une activité donnée est un service public. Il s'agit des
deux critères retenus par le juge : critère matériel et critère organique. Pour qu'une activité soit
considérée comme un service public, elle doit satisfaire aux deux critères suivants :
* caractère d'intérêt général (critère matériel): la satisfaction d'un besoin d'intérêt
général doit constituer la raison d'être de cette activité,
* lien direct ou indirect avec une personne publique (critère organique).
Quant à la détention de prérogatives de puissance publique, elle n’est plus considérée
comme nécessaire à la qualification générique de service public. En fait, la détention de
prérogatives de puissance publique est une conséquence possible de l’existence d’un service
public. Il s’agit aussi d’un indice permettant parfois de conclure à la qualification d’acte
administratif.
Quelle doit être ma démarche lorsque l’on me demande si une activité X constitue
ou non un service public ?
Étape n° 1. Je me demande si la loi a qualifié de service public cette activité X ou si elle a
exclu que ladite activité soit un service public. Dans l’affirmative, ma tâche est terminée, je ne
passerai pas à l’étape n° 2 : je dirai, comme le ferait le juge, que l’activité X en question est un
service public (qualification accordée par la loi) ou n’est pas un service public (qualification exclue
par la loi). Dans la négative, donc en cas l’absence aussi bien d’octroi que d’exclusion de la
qualification de service public de la part du législateur, je passerai à l’étape n° 2 qui suit.
Étape n° 2. Je me demande si l’activité X en cause remplit les critères jurisprudentiels requis
pour la qualification de service public. Selon que la réponse à cette dernière question sera positive
ou négative, je conclurai que j’ai affaire ou non à un service public.
La définition de l'intérêt général n’est pas aisée - comme du reste celle d’autres concepts
majeurs du droit administratif. Jacques-Henri Stahl remarque : « L’intérêt général est une notion
d’une certaine plasticité, volontairement imprécise, qui permet au juge d'adapter les contours de sa
jurisprudence aux aspirations ou aux nécessités de son temps ». On relève tout de même deux
certitudes :
— l’intérêt général - ou public - ne s'oppose pas nécessairement à l'intérêt particulier ou privé. Par
exemple, l'activité des théâtres municipaux sert, peut-être un intérêt public. Cependant, elle sert
aussi et surtout l'intérêt particulier des amateurs de théâtre ;
— l‘intérêt général n'est pas une simple somme d'intérêts particuliers. Par exemple, dans certains
cas, il y aurait quelque paradoxe à vouloir additionner l'intérêt particulier des chauffards et celui
des victimes d'accidents de la route, l'intérêt particulier des bouilleurs de cru (fabricants d’alcool) et
celui des victimes de l’alcoolisme.
Cependant, on sait que l'intérêt général gouverne toutes les activités publiques. L'administration ne
doit agir que dans un but d'intérêt général. Par suite, toutes les activités administratives servent,
en principe, l’intérêt général. Et pourtant, toutes les activités administratives ne sont pas des
services publics. De surcroît, il existe des entreprises privées qui sont d'intérêt général, sans être
des services publics. Donc, ce qui singularise le service public, c'est le fait que la satisfaction d'un
besoin d'intérêt général constitue le but de sa création, sa raison d'être.
Pour la qualification de service, le caractère d’intérêt général de l’activité est une condition
nécessaire mais pas suffisante. Il faut y ajouter le lien avec une personne publique.
Une activité d'intérêt général ne peut être considérée comme un service public que s'il existe un
certain type de lien entre cette activité et une personne publique. Par la formule lien avec une
personne publique, on entend l'une des deux situations suivantes : ou bien l'activité d'intérêt
général est gérée directement par une personne publique (lien direct avec une personne
publique) ; ou bien l'activité d'intérêt général est gérée par une personne privée avec l’habilitation
et sous le contrôle d'une personne publique (lien indirect avec une personne publique).
Page 13
La création du service public, au niveau national se fait par la Constitution, et au niveau local par la
loi. Il n’y a pas de limite en matière administrative, contrairement en matière industrielle et
commerciale.
La gestion peut être directe (par la personne publique) et déléguée (par un établissement public ou
une délégation). Les règles communes à tous les services publics sont les lois Rolland, et il y a
des règles spéciales pour les SPA et pour les SPIC.
Un service public a,
nécessairement, soit un
caractère administratif (SPA :
un service public à caractère
administratif est un service
public que son objet, l’origine
de ses ressources ou les
modalités de son
fonctionnement distinguent
d’une entreprise privée.), soit
un caractère
industriel et commercial
(SPIC : est un service public
que son objet, l’origine de
ses ressources ou les
modalités de son fonctionnement apparentent à une entreprise privée). Cependant, on a soutenu
naguère que, confronté au cas des colonies de vacances, le Tribunal des conflits avait consacré
une troisième catégorie de services publics : celle des services publics visant un « but d'intérêt
social » et soumis à un régime de droit privé. Mais cette interprétation peu réaliste a été
abandonnée.
Certains établissements publics assurent plusieurs activités de service public dont les unes
ont un caractère administratif, et les autres un caractère industriel et commercial. On les qualifie
d’établissements publics mixtes ou à double visage.
La distinction présente surtout un intérêt contentieux. L'activité du service public à caractère
administratif relève globalement du droit administratif, celle du service public à caractère industriel
et commercial du droit privé.
Les rapports du service public à caractère administratif avec son personnel, ses usagers et
les tiers sont globalement soumis au droit administratif. Ceux du service public à caractère
industriel et commercial avec ses usagers ou avec les tiers au droit privé.
Le contentieux des services publics à caractère administratif ressortit globalement à la
compétence des juridictions administratives, celui des services publics à caractère industriel et
commercial relève de la compétence des juridictions judiciaires.
Malgré ces différences de régime, un service public à caractère administratif peut être géré par
une personne publique ou par une personne privée. De même, la gestion d'un service public à
caractère industriel et commercial peut être le fait d'une personne publique ou d'une personne
privée.
* Un service public est présumé administratif, et cette présomption ne cède que s’il résulte soit
d’une disposition législative, soit des critères jurisprudentiels exposés ci-après que ce service
public a un caractère industriel et commercial.
* La distinction service public à caractère administratif – service public à caractère industriel
et commercial ne soulève pas de difficulté dans le cas d’une qualification législative : le juge prend
acte de la volonté parlementaire, applique la loi et retient ipso facto la qualification donnée par le
législateur.
Page 14
* Faute de qualification législative et alors même qu’il serait en présence d’une qualification «
administrative » donnée par voie réglementaire (laquelle ne le lie pas), le juge retient trois critères :
critère de l’objet, critère de l’origine des ressources, critère des modalités de fonctionnement.
Par son objet, l'origine de ses ressources ou les modalités de son fonctionnement, un service
public à caractère administratif se distingue d’une entreprise privée. Par son objet, l'origine de ses
ressources ou les modalités de son fonctionnement, un service public à caractère industriel et
commercial ressemble à une entreprise privée.
Quelle doit être ma démarche lorsque l’on me demande si un service public X est un
service public à caractère administratif (SPA) ou un service public à caractère industriel
et commercial (SPIC) ?
Étape n° 1. Je me demande si la loi a qualifié de SPA ou de SPIC ce service public X. Dans
l’affirmative, ma tâche est terminée, je ne passerai pas à l’étape n° 2 : je dirai, comme le ferait le
juge, que le service public X en question est, selon la qualification législative découverte, un SPA
ou un SPIC. Dans la négative, donc en cas l’absence de qualification législative, je passerai à
l’étape n° 2 qui suit.
Étape n° 2. Je me demande si le service public X en cause remplit les critères jurisprudentiels
requis pour la qualification de SPA ou de SPIC. Selon que la réponse à cette dernière question
sera positive ou négative, je conclurai que j’ai affaire un SPA ou à un SPIC.
Louis Rolland observe : « En France, tous les services publics sont soumis à un minimum de
règles générales de conduite, de "lois" auxquelles échappent les entreprises privées. C'est de
cette façon qu’apparaît un minimum, pour les services publics, de régime spécial. Ces règles de
conduite, ces lois applicables toujours et nécessairement au service public sont peu nombreuses,
il y en a trois : la loi de continuité, la loi de changement et la loi d'égalité. »
La postérité doctrinale a baptisé ces règles « lois de Rolland ». Ces « lois » - qui ne sont
pas des lois au sens parlementaire du mot, mais des principes - font partie des exigences du
principe de la légalité :
— le principe de continuité du service public, c’est le principe (ou la règle) selon lequel le
fonctionnement du service public doit être assuré de manière régulière ou constante. Toutefois,
fonctionner continuellement n'est pas fonctionner continûment. Le principe de continuité
s’accommode des interruptions fondées sur les textes, l’intérêt général ou la nature des
choses.
— le principe d’adaptation ou de mutabilité du service public, c’est le principe (ou la règle) en vertu
duquel la personne en charge d’un service public peut et, parfois, doit modifier ses règles
d’organisation ou de fonctionnement en vue de le rendre plus efficace ou plus attractif.
— le principe d’égalité devant le service public, c’est le principe (ou la règle) selon lequel la
personne en charge d’un service public doit traiter d’une manière identique les usagers de ce
service public. Normalement, un traitement identique des usagers s’impose. Un traitement
différencié n’est légal que s’il a l’un des trois fondements suivants :
* la loi. Un traitement différencié est justifié s’il est la conséquence nécessaire d’une loi, s’il
est prévu par une disposition législative ;
* des différences de situation. L’objectif visé ici est d’éviter ce que l’on appelle les «
discriminations indirectes ». La notion de discrimination indirecte « désigne les situations
où le respect de l’égalité formelle, appliqué à des situations trop hétérogènes, non
seulement ne suffit pas à prévenir la discrimination, mais d’une certaine façon la
caractérise ». Elle trouve son origine dans la jurisprudence de la CJCE, qui observait dans
l’un de ses premiers arrêts : « [L]a discrimination consiste non seulement à traiter de
manière différente des situations semblables, mais aussi à traiter de manière identique des
situations différentes ».
Pour justifier un traitement différencié, les différences de situation existant entre les
usagers doivent être appréciables, objectives et en rapport avec l'objet du service public.
L’égalité de traitement n'a de valeur que si les usagers se trouvent dans des situations
comparables au regard de l'objet du service public. Parfois, un traitement identique
équivaut à un traitement inique. À situations différentes, traitements différents à condition
que les différences de situation revêtent les caractères ci-dessus énumérés
Page 15
* une nécessité d'intérêt général liée au service public. Ce fondement apparaît comme
subsidiaire. Avant d’y recourir, le juge s’assure d’abord de l’inexistence des autres
fondements. Il vérifie également que la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport avec l’objet du service public et ne soit pas manifestement disproportionnée.
Les corollaires du
principe —
Page 16
Par son article 10 qui énonce que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes
religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi », la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen consacre la liberté d’opinion. Elle insère toutefois
une exception, ou plutôt un tempérament à cette liberté : la sauvegarde de l’ordre public. Cet ordre
public permet ainsi de limiter les droits et libertés fondamentales qu’on pourrait penser absolus.
La notion d’ordre public a été définie par la loi du 5 avril 1884, dont les termes ont été repris dans
le Code Général des Collectivités Territoriales à l’article L. 2212-2 : « La police municipale a pour
objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ». Maurice Hauriou a
précisé cette définition positiviste en 1927 dans son Précis de droit administratif : « L’ordre public,
au sens de la police, est l’ordre matériel et extérieur. […] La police […] n’essaie point d’atteindre
les causes profondes du mal social, elle se contente de rétablir l’ordre matériel. […] En d’autres
termes, elle ne poursuit pas l’ordre moral dans les idées » . Cette définition assez ancienne paraît
aujourd’hui légèrement dépassée. En effet, il y a eu une évolution concernant la notion d’ordre
public : nous sommes passés d’un ordre public extérieur, vers un ordre public moral. Cette
évolution s’est faite, notamment avec le développement des composantes classiques de
l’ordre public : tranquillité, salubrité et sécurité publiques :
Mais, cette évolution s’est également produite avec la « moralisation » des composantes de l’ordre
public :
Page 19
Une autre grande évolution : la préservation de l’ordre public par la police administrative au
détriment des droits fondamentaux et des libertés publiques.
liberté de la presse comme cela est le cas dans l’arrêt d’Assemblée du 2 novembre 1973
Société Librairie François Maspero…
26 août 2016, Ligue des droits de l'homme et autres - association de défense des droits de
l'homme collectif contre l'islamophobie en France : une polémique à la française pour une
solution parfaitement justifiée en droit
Selon le Conseil d’État, le burkini ne représente pas, par lui-même, une atteinte à l’ordre public
justifiant une mesure de police administrative de prohibition.
Page 21
POLICE —
Le mot police vient du grec « polis », qui signifie « Cité ». Pourtant, loin du sens originel, le terme
de police revêt de nos jours une pluralité de significations. Il désigne tout à la fois l’idée de
réglementation dans une acception globale (sens matériel), et l’ensemble des forces de police
(sens organique) qui ont pour mission d’assurer le maintien de l’ordre. Plus globalement, la police
administrative est une modalité d’action de l’administration qui a pour objet d’établir ou de rétablir
l’ordre public. C’est sous cet aspect que sera développée la notion de police administrative.
La police administrative est l’action de l’administration, qui consiste à assurer le maintien de l’ordre
public. Elle se distingue de la police judiciaire par son caractère préventif, et se subdivise elle-
même entre police administrative générale et polices administratives spéciales
La police administrative a pour objet de préserver l’ordre public. Elle doit prévenir les risques de
troubles par des mesures appropriées. Elle a donc un caractère préventif qui la distingue de la
police judiciaire dont la finalité est répressive. Ainsi, l’interdiction d’une manifestation sur la voie
publique vise à prévenir les troubles à la tranquillité publique et les menaces pesant sur la sécurité
des biens et des personnes pouvant en résulter. De la même façon une autorisation ne sera
accordée ou refusée qu’au regard des risques potentiels que l’activité en cause pourrait faire courir
à l’ordre public.
Cette distinction présente un intérêt certain puisque la nature de l’activité de police décidera de la
compétence de la juridiction administrative (opération de police administrative) ou de la juridiction
judiciaire (opération de police judiciaire). Il appartient alors au juge de démasquer le caractère
judiciaire ou administratif de l’action de police. Cette distinction, apparemment claire, tend à se
relativiser aujourd’hui par l’articulation, voire l’emboîtement des compétences administratives et
judiciaires dévolues aux organes de police. Le cas de la police municipale est révélateur de ce
phénomène.
Le caractère répressif de la police judiciaire se manifeste au travers de la volonté de réprimer une
infraction. Les actions de police judiciaire sont dès lors celles qui consistent à rechercher l’auteur
de l’infraction ou à mettre fin à un trouble à l’ordre public. Lorsqu’un agent de police règle la
circulation à un carrefour, il exerce une activité de police administrative. En revanche, si un
automobiliste ne respecte pas une règle de priorité, l’agent de police siffle l’infraction ; il exerce
alors une action de police judiciaire.
Toutefois, dans certaines hypothèses, la distinction entre les deux polices est délicate. Dans le
cadre des contrôles d’identité opérés sur la voie publique, l’opération sera judiciaire lorsque ces
contrôles visent à obtenir l’arrestation de l’auteur d’une infraction. A l’inverse, les contrôles qui ont
pour objet le maintien de l’ordre public relèvent de la police administrative. De plus, certains actes
de police contiennent à la fois une mesure de prévention et une sanction. Le retrait du permis de
conduire à un automobiliste particulièrement dangereux a bien évidement un caractère préventif,
mais n’en constitue pas moins une sanction. De la même façon une mesure privative de liberté,
telle que l’internement, peut s’analyser comme une mesure préventive visant à soustraire un
individu au danger auquel il expose la société, mais également comme une peine.
La police administrative générale est fondée sur la nécessité de maintenir l’ordre public tel que
nous l’examinerons plus loin. En revanche, les polices dites spéciales ont un objet particulier régi
par des textes spécifiques. Il peut s’agir d’une législation visant une catégorie particulière
d’administrés, comme la police des étrangers, ou une activité particulière, comme la police des
installations classées, ou bien encore des bâtiments ou des lieux particuliers, tels que la police des
gares ou des édifices menaçant ruine, ou la police du domaine public.
Alors que la police générale vise la protection de l’ordre public dans toutes ses composantes, les
polices spéciales peuvent tendre à la protection d’un élément particulier de l’ordre public. La police
des débits de boissons a par exemple, pour finalité de préserver plus spécifiquement les troubles
qui pourraient surgir d’un excès de boisson sur la santé publique.
En outre, les autorités de police générale ne sont pas les mêmes que les autorités de police
spéciales. Ainsi alors qu’au niveau national seul le Premier ministre dispose d’un pouvoir de police
Page 22
Les conditions d’exercice des pouvoirs de police sont régis par un régime juridique particulier, car
ils portent atteinte aux libertés.
Les titulaires du pouvoir de police sont déterminés par les textes. Le pouvoir de police générale
appartient actuellement en France au premier ministre, aux préfets, aux présidents de conseil
départementaux et aux maires.
* L’arrêt « Labonne » du Conseil d’État du 8 août 1919 reconnaissait au Président de la
République la qualité d’autorité de police générale. Mais dès la quatrième République, le chef de
l’État a perdu ses pouvoirs de police au profit du chef du gouvernement (CE, 30 mai 1952, Dame
Kirkwood). Cette solution sera confirmée sous la Vème République. Ainsi, le premier ministre en
sa qualité de titulaire du pouvoir règlementaire général exerce le pouvoir de police général au
niveau nationale. Par ailleurs, les ministres ne sont pas des autorités de police générale, mais
certains peuvent disposer d’un pouvoir de police spéciale, comme le ministre de l’intérieur qui
dispose de la police des étrangers ou le ministre de la culture qui dispose de la police des
cinémas.
* En vertu de la loi du 2 mars 1982 le président du conseil départemental exerce le pouvoir de
police afférent à la gestion du domaine public routier départemental, notamment en ce qui
concerne la circulation.
* Dans le département, le préfet est titulaire de compétences en matière de police spéciale. Mais il
dispose également d’un pouvoir de police générale. Le fondement des pouvoirs de police
générale du préfet serait issu des dispositions de la loi du 22 décembre 1789 et de celle du 8
janvier 1790. En outre, le célèbre arrêt Labonne (précité), précise que « les autorités
départementales », comme les « autorités municipales » détiennent des compétences de police
générale à côté de celles que possède le chef de l’État. Par ailleurs, les dispositions de la loi de
1884 sur la commune prévoient que les « pouvoirs de police du maire ne font pas obstacle à
ceux du préfet ». Enfin, la loi du 2 mars 1982 qui organise la décentralisation, dispose d’une part,
que le préfet conserve ses pouvoirs de substitution, et d’autre part, qu’il exerce au nom de l’État
« la charge...de l’ordre public ». Ainsi, le préfet peut prendre, sur le territoire du département,
toutes les mesures nécessaires au maintien de l’ordre public.
* En ce qui concerne le maire, c’est l’article L.2212-6 du Code général des collectivités territoriales
qui lui confère le pouvoir de prendre des mesures nécessaires au maintien de l’ordre public sur
le territoire de sa commune. Les pouvoirs que le maire exerce au titre de ses pouvoirs de police
sont des pouvoirs propres. Son pouvoir de police est bien évidemment limité au territoire de la
commune.
La diversité des pouvoirs de police conduit à des « télescopages », entre les diverses mesures
destinées à maintenir l’ordre public. Aussi, la jurisprudence a aménagé un certain nombre de
règles déterminant la combinaison et le concours des différentes polices :
— la superposition de trois niveaux différents de police administrative générale (Premier ministre,
préfet, maire), impose une hiérarchie dans l’usage des pouvoirs de chacune des autorités de
police. Les autorités de police municipale doivent respecter les dispositions réglementaires
édictées par les autorités étatiques. Ainsi, un maire ne peut modifier les dispositions du Code de la
route en modifiant les règles de circulation, qui sont applicables sur l’ensemble du territoire. En
revanche, le maire pourra dans l’usage de ses pouvoirs de police générale aggraver les mesures
édictées au niveau national. Il pourra par exemple aggraver dans sa commune les limitations de
vitesse, en réduisant la vitesse maximale à 30 km/h en raison de la proximité d’une école.
L’autorité de police locale n’est donc pas dépossédé de ses compétences. Celle-ci peut dans les
limites de son ressort territorial, compléter, mais seulement en les aggravant et si les circonstances
Page 23
locales le justifient, les mesures de police prises par l’autorité supérieure. Par ailleurs, les pouvoirs
de police du préfet se substituent à ceux du maire en cas de défaillance de ce dernier. Le
problème de la combinaison des pouvoirs de police se pose également lorsque deux polices
spéciales se superposent. Mais le plus souvent c'est la réglementation en vigueur qui organise la
répartition des compétences entre les différentes autorités titulaires du pouvoir de police.
— le problème du concours des pouvoirs de police se pose lorsque les pouvoirs des autorités de
police générale rencontrent les pouvoirs d’une autorité de police spéciale. Ce cas de figure se
présentera notamment lorsqu’un maire interviendra dans un domaine où une autorité nationale
dispose de pouvoirs de police spéciale. Les pouvoirs de police spéciale d’un ministre peuvent
rencontrer les pouvoirs de police générale d’un maire. L’existence d’une police spéciale n’empêche
pas l’intervention de l’autorité de police générale chaque fois que les circonstances locales le
justifient. Cependant, l’autorité de police générale ne peut qu’aggraver la mesure de police
spéciale. Un maire peut, par exemple, interdire la projection d’un film dont l’exploitation a été
autorisée par le ministre de la culture en charge de la police spéciale des cinémas et compétent
pour délivrer les visas d’exploitation (CE, 18 décembre 1959, « Sté Les films Lutétia »).
Les mesures de police ont pour effet de limiter les libertés individuelles. Dès lors elles font l’objet
d’un contrôle de leur but des motifs qui les sou tendent et des moyens employés :
— Les mesures de police doivent satisfaire l’ordre public qui constitue le fondement même de la
mesure
— La première obligation qui incombe aux autorités de police administrative est de prendre les
mesures nécessaires au maintien ou au rétablissement de l’ordre public. Lorsque l’autorité de
police est confrontée à une situation risquant d’entraîner des troubles pouvant porter atteinte à
l’ordre public, elle se trouve dans l’obligation d’agir.
En second lieu, les mesures de police sont soumises à une forte exigence de motivation. L’article
1er de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs, dispose que « les
personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées des motifs des décisions
administratives défavorables qui les concernent et à cet effet, doivent être motivées les décisions
qui constituent une mesure de police ». En outre cette motivation doit énoncer les considérations
de droit et de fait qui fondent la mesure. Sur ce point, le juge administratif ne se contente pas
d’une motivation sommaire et expéditive, mais exige de l’administration, la communication des
motifs applicables à l’espèce. L’exigence de motivation est renforcée en considération du caractère
attentatoire aux libertés publiques que peuvent revêtir les mesures de police. Celles-ci ne doivent
avoir pour seule finalité que le maintien de l’ordre.
— Le contrôle que le juge exerce sur les mesures de police est particulièrement large. Ces
mesures doivent avant tout être nécessaires. Ainsi, le juge contrôle l'adéquation de la mesure
envisagée, les moyens employés et la gravité de la menace qui pèse sur l’ordre public. Il applique
un principe de proportionnalité entre la mesure de police et la situation à laquelle elle est sensée
remédier. Le juge contrôle l’adéquation des moyens et du but recherché, de telle sorte que la
liberté reste la règle et la restriction l’exception. Dans son célèbre arrêt « Benjamin » du 19 mai
1933, le Conseil d’État affirme qu’en l’espèce, « s’il incombe au maire, de prendre les mesures
qu’exige le maintien de l’ordre, il doit concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect de la
liberté de réunion ».
Dès lors que la mesure de police doit être nécessaire au maintien de l’ordre, celle-ci ne peut revêtir
un caractère général et absolu. Le Conseil d’État a fixé cette règle dans une jurisprudence déjà
ancienne. Dans son arrêt « Daudignac » du 22 juin 1951, le Conseil d’État annule l’interdiction faite
par un maire de façon générale et absolue aux photographes filmeurs d’exercer sur le territoire de
la commune, comme étant attentatoire à la liberté du commerce et de l’industrie. Le juge
administratif estime que l’objectif poursuivi par l’autorité administrative aurait pu être atteint par une
mesure plus souple, notamment en réglementant les conditions d’exercice d’une telle activité
(heures et lieux).
Page 24
Lors des périodes exceptionnelles, les pouvoirs de police reçoivent un élargissement particulier.
Dans les périodes de crise la préservation de l’ordre public l’emporte sur les libertés individuelles.
C’est le cas dans les principaux régimes d’exceptions que nous présentons succinctement :
— L’état de siège peut être déclaré en cas de périls imminent résultant d’une guerre étrangère ou
d’une insurrection armée. Il est décrété en conseil des ministres mais au delà de douze jours c’est
le Parlement qui est compétent. Il a pour effet d’entrainer la substitution des autorités militaires aux
autorités civiles. De plus, l’état de siège assouplie la législation applicable à certaines mesures de
police comme les perquisitions, les mesures d’éloignement des repris de justice, l’interdiction de
certaines réunions.
— La loi du 3 avril 1955 a créé un régime d’état d’urgence qui conduit à une restriction des libertés
différente de l’état de siège. L’état d’urgence est déclaré par décret en conseil des ministres mais
sa prolongation au delà de douze jours relève du Parlement. L’état d’urgence conduit à élargir les
pouvoirs de police administrative en matière de circulation et séjour des personnes, réquisition,
régime des lieux ouverts au public. L’état d’urgence peut également prévoir des pouvoirs de police
aggravés en matière de perquisition et de contrôle de la presse.
Page 25
RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE —
La responsabilité administrative est l'obligation pour l'administration de réparer les préjudices qui
sont causés par son activité ou celle de ses agents. La responsabilité administrative est la sanction
de l'obligation de l'administration, ou d'une personne privée chargée d'une mission de service
public, de réparer le dommage qu'elle cause à autrui.
Comme l’a écrit le professeur Chapus, « on est en faute quand on ne s’est pas conduit comme on
l’aurait dû : quand l’action ou l’abstention sont de nature à justifier un reproche ». La faute exprime
l’idée de d’erreur, de manquement, mais ces affirmations ne suffisent pas à cerner les contours
juridiques de la faute.
déjà été ébauchée par Laferrière : « si l’acte dommageable est impersonnel, s’il révèle un
administrateur … plus ou moins sujet à erreur, et non l’homme avec ses faiblesses, ses passions,
ses imprudences, l’acte reste administratif et ne peut être déféré aux tribunaux ». On pourrait
ajouter à cette définition très actuelle l’hypothèse de fautes professionnelles caractérisées, qui
dénotent une incompétence et un manque de sérieux avéré de la part de l’agent.
Cette approche permet de distinguer deux types de fautes de service. Dans certains cas, la faute
de service est anonyme, c’est-à-dire qu’il est impossible ou très difficile de déterminer la personne
physique qui est l’auteur des agissements qui la constituent : une succession d’erreurs commises
par plusieurs agents d’un établissement de santé public sont constitutifs d’une faute de nature à
engager la responsabilité de cet établissement. Dans cette hypothèse, les juges se bornent à
relever l’existence d’un dysfonctionnement qui permet d’engager la responsabilité de
l’administration. Même s’il s’agit d’une fiction ils considèrent que c’est l’administration elle-même
qui est l’auteur de la faute, négligeant par là même l’agissement individuel qui est nécessairement
à son origine.
Dans d’autres cas, l’auteur de l’agissement à l’origine de la faute de service est identifié, mais la
faute n’est pas considérée comme détachable du service et seule l’administration peut être
poursuivie.
La notion de faute personnelle présente un certain nombre de spécificités et elle peut revêtir
différents aspects. La notion de faute personnelle présente un caractère original, qui ne permet
pas de la confondre avec d’autres notions. Ainsi, la faute personnelle ne se confond pas avec la
faute pénale. De la même façon, des faits constitutifs d’une voie de fait ne sont pas
nécessairement constitutifs d’une faute personnelle.
Selon la présentation proposée par le professeur Chapus, il convient de distinguer trois types de
fautes personnelles qui se caractérisent toutes par le fait qu’elles sont détachables de l’exercice
des fonctions de l’agent :
— fautes personnelles commises à l’occasion des fonctions de l’agent : dans certains cas, la faute
personnelle a été commise à l’occasion des fonctions de l’agent, mais les agissements de celui-ci
présentent une telle gravité qu’ils ne sauraient être qualifiés de faute de service ;
— fautes personnelles commises en dehors de l’exercice des fonctions de l’agent mais présentant
un lien avec elles : ces fautes sont considérées, selon l’expression consacrée par la jurisprudence,
comme « non dépourvues de tout lien avec le service ». Le plus souvent, il s’agit de fautes
commises dans le prolongement de l’accomplissement du service. Relèvent également de cette
catégorie les fautes commises en dehors du service grâce aux moyens du service ;
— fautes personnelles dépourvues de tout lien avec le service : généralement, il est assez facile
d’identifier ce type de faute. En effet, elle présente un caractère exclusivement « privé » : elle n’a
pas été commise à l’occasion du service et elle n’a pas été rendue possible par la détention
régulière de moyens du service.
Bien que le champ de la faute lourde soit aujourd’hui en très nette régression, il n’en demeure pas
moins que dans certaines hypothèses, le juge continue d’exiger une faute d’une gravité particulière
pour engager la responsabilité de la puissance publique. Par exemple, si l’État est tenu de réparer
le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, la victime ne pourra
engager la responsabilité de l’administration qu’en cas de faute lourde. La faute lourde est
également requise lorsque sont en cause les services de police. Par exemple, la faute lourde est
requise pour engager la responsabilité du service de la fourrière du fait du délai à identifier le
propriétaire d’un véhicule entreposé. Pourtant, dans certaines hypothèses, le juge n’exige plus une
Page 27
faute lourde pour engager la responsabilité de la puissance publique lorsque le dommage résulte
d’une activité de police (voir infra). Enfin, la faute lourde est requise lorsqu’est mise en cause une
activité de contrôle. C’est par exemple le cas pour les contrôles que le préfet exerce sur les actes
des collectivités territoriales. La responsabilité de l’État peut être mise en cause en raison d’une
illégalité résultant d’une délibération, à condition que celle-ci soit d’une gravité particulière.
La faute lourde est reliée à la difficulté inhérente à certaines activités administratives, et à la
nécessité de protéger l’administration en refusant que toute faute puisse engager sa
responsabilité. Lorsque la réalisation d’une activité présente une difficulté particulière, le juge
administratif soustrait l’administration, en cas d’agissements fautifs, à l’obligation de réparer le
dommage, en exigeant que la faute relevée à son encontre soit d’une gravité particulière. La faute
lourde est en vérité un instrument qui permet de limiter la responsabilité de l’administration. Celle-
ci a bien commis une faute mais qui ne présente pas un degré de gravité suffisant pour conférer à
la victime un droit à réparation.
Quelles que soient les justifications de la faute lourde, force est de constater que « l’histoire de la
faute lourde est celle de son recul » (Chapus). Les raisons de ce déclin tiennent d’une part à ce
que le domaine de la faute lourde est devenu difficile à tracer (il n’y a pas véritablement de critères
permettant de distinguer la faute lourde de la faute simple); d’autre part, les activités qui jusqu’à
présent étaient considérées comme difficiles apparaissent de plus en plus semblables aux autres
activités de l’administration. En outre, la dualité de faute pouvait apparaître comme
particulièrement inéquitable.
Ainsi chaque fois que l’activité de l’administration ne présente aucune difficulté particulière, le
régime applicable sera celui de la faute simple. Les hypothèses dans lesquelles le juge applique le
régime de la faute simple s’inscrivent en contrepoint des hypothèses dans lesquelles il applique le
régime de la faute lourde. Toutefois, certaines hypothèses de faute simple méritent d’être relevés.
Il s’agit d’une part des activités médicales et d’autre part des services de lutte contre l’incendie.
Dans un cas comme dans l’autre le juge administratif a abandonné le régime de la faute lourde au
profit de la faute simple.
Depuis le début du XX ème siècle le juge administratif exigeait une faute lourde pour engager la
responsabilité de l’administration lorsque le dommage résultait d’un acte médical (diagnostic, choix
d’une thérapie, opération de chirurgie….). Cette jurisprudence était peu favorable à la victime qui
devait démontrer une faute caractérisée du médecin. Parallèlement les médecins du secteur libéral
n’obéissaient pas à cette règle. Fort logiquement, le Conseil d’État a abandonné la faute lourde en
matière de responsabilité hospitalière. Désormais, la responsabilité d’un centre hospitalier pourra
être engagée pour toute faute médicale, indépendamment de son degré de gravité (Conseil d’État,
10 avril 1992, « Époux V »). Cette extension de la faute simple se révèle aussi dans des domaines
traditionnellement connus pour leurs difficultés d’action, et donc ayant justifié le recours à la faute
lourde comme condition de mise en cause de leur responsabilité.
L’administration peut voir sa responsabilité engagée en dehors de toute faute. On parlera alors de
responsabilité sans faute. La responsabilité sans faute est une des plus grandes originalités du
droit administratif français. Pourtant, si la responsabilité de l’administration est détachée de tout
comportement fautif, l’obligation faite à l’administration de réparer le dommage causé à la victime
reposera, soit sur le risque, soit sur une rupture de l’égalité devant les charges publiques.
Les premières manifestations de la responsabilité pour risque sont anciennes. A la fin du XIXème
siècle le Conseil d’État avait notamment permis l’indemnisation des collaborateurs de l’État pour
les dommages survenus dans l’exercice de leurs fonctions (CE, 21 juin 1895, « Cames »).
Aujourd’hui, la mise en œuvre de la responsabilité pour risque peut être rangée dans deux séries
d’hypothèses ; la responsabilité du fait des choses dangereuses ou des activités dangereuses, ou
encore parce que le dommage découle d’une opération particulière que sont les travaux publics.
Dans un cas comme dans l’autre la victime ne pourra prétendre à une indemnisation que si elle
peut justifier d’un préjudice anormal et spécial, c’est-à-dire d’un trouble particulièrement grave.
Page 28
effet, il semblerait que la garde se soit substituée au « risque spécial » rompant ainsi avec
la jurisprudence « Thouzellier » mentionnée plus haut, comme fondement de la
responsabilité sans faute pour les dommages causés par les mineurs délinquants.
Dans un autre arrêt du 3 juin 2009, « Garde des sceaux c/ Gan », le Conseil d’Etat a
également reconnu la responsabilité de l’Etat en cas de dommage causé par un mineur
placé mais hébergé par ses parents au moment des faits. Cela signifie donc que dans le
cas du mineur placé la cohabitation avec les parents n’exclut pas la responsabilité de
l’institution de placement. Dans le même sens, le Conseil d’Etat a reconnu la responsabilité
d’un département pour les faits commis par un mineur en fugue.
La responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques trouve son fondement
dans le principe d’égalité devant la loi. Dès lors, si la loi ou le règlement crée une situation
inégalitaire la victime peut en demander l’annulation. Le principe de l’égalité devant la loi justifie en
outre, que l’administration agisse de manière à mettre un terme à toute situation illégale. A défaut,
elle sera reconnue responsable.
Ces dernières années apparait la responsabilité sans fait. L’administration est tenue d’indemniser
les dommages qu’elle n’a pas directement causer. Ce sont les dommages sociaux.
Page 30
Page 32