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Artisans de Legypte Ancienne

Le document décrit une exposition sur les artisans de l'Égypte ancienne organisée par le Musée royal de Mariemont. L'exposition présente divers objets et techniques artisanales de l'Égypte antique prêtés par plusieurs institutions. Le catalogue décrit les différentes sections de l'exposition sur les métiers comme la taille de pierre, la poterie, le tissage.

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Artisans de Legypte Ancienne

Le document décrit une exposition sur les artisans de l'Égypte ancienne organisée par le Musée royal de Mariemont. L'exposition présente divers objets et techniques artisanales de l'Égypte antique prêtés par plusieurs institutions. Le catalogue décrit les différentes sections de l'exposition sur les métiers comme la taille de pierre, la poterie, le tissage.

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ARTISANS DE

L'EGYPTE ANCIENNE

Musée Royal de Mariemont


27 mars - 21 juin 1981
Dépôt légal Dl1981/0451/22

Copyright by Musée royal de Mariemont, Morlanwelz (Belgium)

Imprimé en Belgique
L'exposition
ARTISANS DE L'EGYPTE ANCIENNE
est organisée par
le Musée royal de Mariemont
à Morlanwelz (Belgique)
du 27 mars au 21 juin 1981

Outre ceux qui appartiennent aux collections du Musée royal de Mariemont, les objets qui y figurent ont été
aimablement prêtés par

le Cabinet des Médailles de la Bibliothèque royale Albert le' à Bruxelles


le Centre de Recherches de I'lnstitut de Papyrologie et d'Egyptologie de l'université de Lille III
le Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre à Paris
la Manufacture Nationale de Sèvres
le Musée de I'lnstitut supérieur d'Archéologie et d'Histoire de l'Art de l'université catholique de
Louvain à Louvain-la-Neuve
le Musée de Picardie à Amiens
le Musée des Beaux-Arts à Boulogne-sur-mer
le Musée du Verre à Charleroi
le Musée Vivenel à Compiègne
les Musées d'Archéologie et d'Arts décoratifs de la Ville de Liège (Musées Curtius et du Verre)
les Musées royaux d'Art et d'Histoire à Bruxelles
les Oudheidkundige Musea de la Ville d'Anvers (Museum Vleeshuis)
le Rijksmuseum van Oudheden à Leiden

ainsi que par plusieurs collectionneurs privés.


Ont collaboré au catalogue

Marie-Cécile Bruwier, Licenciée en Histoire de I'art et archéologie et en Philologie et histoire


orientales (M.-C.B.)
Jacqueline Cession-Louppe, Assistante au Musée royal de Mariernont (J.C.-L.)
Daniel De Jonghe, Ingénieur industriel (D.D.J.)
Claire Evrard-Derriks, Assistante au Musée royal de Mariernont (C.E.-D.)
Brigitte Gratien, Chargée de cours à l'université de Lille III (B.G.)
Jean-Marie Kruchten, Docteur en Philologie et histoire orientales (J.-M.K.)
Jacqueline Lafontaine-Dosogne, Chef'de travaux aux Musées royaux d'Art et d'Histoire, Chargée de
cours à l'université catholique de Louvain (J.L.-D.)
Jan Quaegebeur, Chargé de cours à la Katholieke Universiteit te Leuven (J.Q.)
Agnès Ramrnant-Peeters, Docteur en Histoire de I'art et archéologie (A.R.-P.)
Marguerite Rassart-Debergh, de I'lnstitut historique belge de Rome (M.R.-D.)
Catherine Talon-Noppe, Attachée au Musée royal de Mariernont (C.T.-N.)

Les photographies sont de :

Centre de Recherches de I'lnstitut de Papyrologie et dlEgyptologie de l'Université de Lille III (no?55


et 117)
Institut royal du Patrimoine artistique - A C L , Bruxelles (nos15, 24, 29, 95, 96, 100, 105 et 114)
Musée de I'lnstitut d'Archéologie et d'Histoire de l'Art de l'université catholique de Louvain (no56)
Musée du Louvre, Paris (no 89)
Musée royal de Mariernont - Michel Lechien (nos11, 22, 28,43, 46, 53, 61, 66, 74, 76, 85, 91A, 94,
113,116,132 et 135)
Musée Vivenel, Compiègne (no33)
Museum van Oudheden, Leiden (nos35,37,108 et 109)
CI. Dessart, Liège (no 70)

Leur reproduction est interdite sans I'autor~sationdes personnes et organismes precites


Avant-propos

La civilisation de I'Egypte ancienne n'a pas cessé quelles il jouait un rôle important : des métrages
de nous fasciner. Mais on oublie trop souvent que les considérables de tissu étaient nécessaires pour em-
découvertes exceptionnelles, comme celle du tom- mailloter les momies humaines et animales. Ces
beau de Toutankhamon, n'en donnent qu'une vision techniques ne sont elles-mêmes qu'un aspect de la
limitée et incomplète. La gloire et l'opulence des véritable industrie funéraire qui s'est développée
pharaons ne doit pas faire oublier le travail obscur des dans la vallée du Nil à la faveur de conceptions escha-
générations d'artisans qui ont édifié les pyramides et tologiques particulières. Enfin, il n'était pas possible
les temples, sculpté et peint les parois des tombeaux, d'évoquer le travail dans I'Egypte ancienne en ou-
fabriqué les somptueux mobiliers funéraires. Com- bliant le scribe, technicien de l'écriture, mais surtout
ment vivaient ces travailleurs, quels matériaux, quel- représentant d'une bureaucratie omniprésente et
les techniques, quels outils employaient-ils, com- toute puissante, qui réglemente et encadre la moin-
ment étaient-ils organisés ? C'est à ces questions dre activité manuelle.
que l'exposition "Artisans de I'Egypte ancienne" Le thème de I'exposition a été proposé par Mme
stefforce de répondre. Réponse partielle, sans aucun Claire Evrard-Derriks, assistante au Musée, à qui est
doute, eu égard à la multiplicité des métiers et surtout due également la sélection des objets exposés. Leur
à l'ampleur de la période historique envisagée qui, de présentation est le fruit d'un travail d'équipe, de

L
l'époque néolithique à la conquêt arabe - limite
inférieure que nous lui avons arbitr irement assignée
- ne couvre pas moins de six millenaires et demi !
Pvlais échantillonnage varié, car le climat sec de
même que la rédaction du catalogue. Je remercie
chale,ureusement tous ceux qui, 'à des titres divers,
ont collaboré à l'une et à l'autre, et plus particulière-
ment mon collègue Michel Malaise, professeur à
I'Egypte a conservé jusqu'à nous des objets de bois, l'université de Liège, qui a accepté au pied levé de
des étoffes, des papyrus qu'ailleurs le temps a fait brosser un tableau suggestif des conditions de vie
disparaître et qui constituent une documentation sans des artisans dans I'Egypte ancienne, précédé d'un
équivalent pour les autres civilisations de ['Antiquité. aperçu historique. Notre reconnaissance va aussi aux
L'exposition s'ouvre tout naturellement sur I'évo- musées belges et étrangers, ainsi qu'aux collection-
cation du travail de la pierre et du bois : ne sont-ce neurs privés qui ont bien voulu se dessaisir pour
pas là, en effet, les premiers matériaux que l'homme quelques mois d'œuvres d'art et de documents sans
apprit à utiliser dès l'aube des temps préhistoriques ? lesquels nous n'aurions pu illustrer de nombreux as-
En Egypte, sculpteurs et peintres travaillent en étroite pects du thème choisi.
association : c'est pourquoi nous les avons présen-
tés ensemble. Viennent ensuite les arts du feu, dont
le plus ancien, la poterie, est né à l'époque néolithi- Guy Donnay
que; les Egyptiens y,ajouteront bientôt la "faïence et Directeur du Musée royal de Mariemont
le verre, créations originales dont ils auront long- Professeur extraordina~reà I'Un~versitéde Bruxelles
temps le monopole. En revanche, ils ne montrent
guère de goût pour la métallurgie, qui se développe
tardivement et sous l'influence de l'étranger. Le tis-
sage, illustré essentiellement par des étoffes coptes,
introduit aux techniques d'embaumement dans les-
Chronologie

Epoque Préhistorique Hatchepsout


Néolithique (6000-4000 av.J.-C.) Thoutmosis III
Badarien (4200-3800 av.J.4.) Aménophis II
Nagada 1-11 (4000-3100 av.J.-C.) Thoutmosis IV
Aménophis III
Epoque Archaïque (3100/2950-2635 av.J.-C.) Aménophis IV (Akhénaton)
le Dynastie Toutankhamon
Narmer Al
Ile Dynastie Horemheb
Khasékhemoui XIXe Dynastie (1305-1 196 av.J.-C.)
Séthi I
Ancien Empire (2635-2135 av.J.-C.) Ramsès Il
Ille Dynastie (2635-2570 av.J.-C.) Mineptah...
Djéser XXe Dynastie (1196-1080 av.J.-C.)
IVeDynastie (2570-2450 av.J.-C.) Ramsès III
Chéops
Chéphren Troisième Période Intermédiaire (1080-71 5 av.J.-C.)
Mycérinus... XX!" Dynastie (1080-945 av.J.-C.)
Ve Dynastie (2450-2290 av.J.-C.) XXlle Dynastie (945-715 av.J.-C.) : rois libyens
Niouserré Osorkon I
VIe Dynastie (2290-2150 av.J.-C.) Sheshonq l
Pépi l XXllle Dynastie (808-720 av.J.-C.) : rois libyens
Pépi II XXIVe Dynastie (727-715 av.J.-C.) : rois libyens
VIIe etVllle Dynasties (2155-2135 av.J.-C.) XXVe Dynastie, première partie
(750-715 av.J.-C.) : rois nubiens
Première période intermédiaire (2134-2040 av.J.-C.)
Basse Epoque (715-342 av.J.-C.)
Moyen Empire (2040-1715 av.J.-C.) XXVe Dynastie, seconde partie
XIe Dynastie (2040-1991 av.J.-C.) (715-656 av.J.-C.) : rois nubiens
les Mentouhotep... XXVle Dynastie (664-525 av.J.-C.) : rois saites
XIIe Dynastie (1991-1785 av.J.-C.) Psammétique I
les Amenemhat Néchao Il
les Sésostris XXVlle Dynastie (525-404 av.J.-C.) : domination perse
Xllle Dynastie, première partie (1785-1715 av.J.-C.) Cambyse, Darius...
XXVIIIe Dynastie (404-399 av.J.-C.)
Seconde Période Intermédiaire (1715-1550 av.J.-C.) XXIXe Dynastie (380-342 av.J.-C.)
Xllle Dynastie, seconde partie (1715-1650 av.J.-C.) les Nectanébo
XIVe Dynastie (1715-1650) : roitelets du Delta XXXle Dynastie(342-332 av.J.-C.) : domination perse
XVe Dynastie (1650-1544) : Hyksôs Artaxerxès III...
XVIe Dynastie (1650-1550) : vassaux des Hyksôs Période macédonienne (332-305 av.J.-C.)
XVlle Dynasties (1650-1 550) : rois thébains Alexandre le Grand
Ptolémée, fils de Lagos
Nouvel Empire (1550- 1080) Période ptoléma.ique (305-30 av.J.-C.)
XVllle Dynastie (1550-1305 av.J.-C.) Ptolémée l Soter à Ptolémée XV
Ahmosis Cléopâtre VI1
Aménophis I Epoque romaine (30 av.J.4. - 395 ap.J.-C.)
Thoutmosis I Epoque byzantine (copte) (395-641 ap.J.-C.).
Aperçu de l'histoire d'Egypte des origines à I'lslam

L'Egypte pharaonique unifiée sous l'autorité d'un Sur le plan politique, l'acte de fondation de cette
seul roi régnant sur le Delta et la vallée du Nil est en nouvelle Egypte est l'unification des deux royaumes
fait le résultat d'une lente maturation qui s'accomplit réalisée par un roi du Sud, Narmer, en qui il faut sans
durant la Préhistoire. doute reconnaître le Ménès de la tradition littéraire.
Pendant le paléolithique, dont les industries sont Sous les rois de ces deux premières dynasties,
comparables à celles découvertes en Europe, I'Egypte thinite met en place ses structures admi-
I'Egypte prend peu à peu ses caractéristiques géo- nistratives, sociales, économiques et religieuse; les
graphiques actuelles. A la suite de l'assèchement du formes artistiques et l'écriture se fixent; enfin, les
climat, le niveau du fleuve, alors beaucoup plus haut pays étrangers voisins (Syrie, Libye, Nubie) corn-
qu'aujourd'hui, descend progressivement, laissant à mencent à être prospectés.
découvert des terrasses sur lesquelles se fixent les S'ouvre alors la première période de grand éclat,
hommes cherchant la proximité de l'eau et quittant l'Ancien Empire, aussi appelé époque memphite,
les déserts qui se forment. Aux environs de 10.000 du nom de sa capitale Memphis. Dès le début de la IIIe
av. J.-C., les hommes sédentarisés le long du Nil font dynastie, sous le roi Djéser, la pierre fait son entrée
l'expérience de la civilisation néolithique, en appre- dans la construction de façon extraordinaire dans le
nant à cultiver les terres et à domestiquer certains temple funéraire élevé pour ce roi à Saqqara par son
animaux. Déjà à cette époque apparaissent des diffé- architecte Imhotep. Les monuments funéraires
rences culturelles entre le Nord (Delta et Fayoum) et royaux revêtent d'abord l'allure de pyramides à de-
la Haute Egypte. grés pour finalement aboutir aux véritables pyrami-
Vers 4000 s'ouvre I'ère énéolithique, caractérisée des de proportions gigantesques des pharaons de la
par un emploi encore timide du cuivre. Cette période IVe dynastie. Dans tous les domaines, I'art brille d'un
d'un millénaire voit se succéder, dans le Sud, deux vif éclat. Sans guerre spectaculaire, I'Egypte assure
cultures. La première, dite amratienne ou Nagada 1, sa sécurité extérieure par des raids, tournant surtout
continue les traditions néolithiques. La seconde, dite ses efforts vers la Basse Nubie qui, sous laVIedynas-
gerzéenne ou Nagada II, marque un changement tie, constitue une sorte de protectorat égyptien. Tou-
indiscutable, peut-être sous l'influence des contacts tefois, dès la Ve dynastie, à la suite de I'affaiblisse-
désormais noués avec l'orient. Cette culture gagne ment du pouvoir royal, les goiiverneurs des nomes,
la Moyenne Egypte et la région du Caire, préludant à devenus héréditaires, accroissent leur puissance.
l'unification du pays. Villes et villages se regroupent Cette lente désagrégation de l'autorité pharaonique,
en petites principautés, les futurs nomes, gouver- accélérée par le trop long règne de Pépi II, se double
nées chacune par un prince local. Sans doute, ces de la menace que faisaient peser les bédouins, attirés
provinces fusionnèrent-elles déjà pour former un par la richesse de I'Egypte, sur les frontières nord-est
royaume de Basse Egypte et un royaume de Haute du Delta.
Egypte. La fin de cette période prédynastique connaît A la fin de la VIe dynastie, I'Egypte unifiée suc-
un épanouissement artistique - bien illustré par les combe et va connaître pendant un siècle les boule-
palettes à fard décorées de bas-reliefs -, une mise versements de la Première Période Intermédiaire.
en place des thèmes et des lois de I'art égyptien, et la Une révolution sociale renverse l'ordre établi, I'anar-
formation de l'écriture qui allait précipiter I'Egypte chie et son corollaire, la disette, s'installent dans le
dans I'ère historique. pays. Une partie du Delta est occupée par les enva-
hisseurs asiatiques et le pouvoir royal s'émiette. Les Sud, une lignée de souverains vassaux des Hyksôs,
Vlle et V11Ie dynasties memphites n'exercent plus constituant la XVIIe dynastie et succédant à la XIIIe
qu'une autorité nominale. Après leur disparition, les dynastie, préparent la reconquête. Les hostilités
nomarques briguent le pouvoir, particulièrement les éclatent alors et les rois Kamosis, puis Ahmosis
gouverneurs héracléopolitains (lxeet Xe dynasties) et expulsent les envahisseurs et réunissent les deux
thébains (XIe dynastie). Un certain modus vivendi parties du pays sous un seul sceptre.
s'instaure entre les deux maisons rivales, puis la lutte S'ouvre ainsi pour I'Egypte une dernière période
éclate ouvertement; elle tournera à l'avantage des d'éclat, le Nouvel Empire ou Second Empire thé-
princes thébains. En effet, en 2040, Mentouhotep II bain. Voulant prévenir toute nouvelle invasion, les
se retrouve roi d'une Egypte à nouveau unifiée. Cette monarques de la XVIIIedynastievont assurer I'expan-
Première Période Intermédiaire avait entraîné dans sion territoriale de leur pays, transformant la Nubie et
son sillage une décadence de l'art, le discrédit de le nord du Soudan en une colonie administrée par un
l'institution monarchique et l'apparition d'une littéra- vice-roi, et imposant leur protectorat à la région syro-
ture pessimiste qui reflète bien les angoisses du palestinienne. Grâce à ses guerres persévérantes,
temps. qui l'opposèrent à ses voisins du Mitanni et du Sud,
Heureusement, la réunification de I'Egypte inau- Thoutmosis III se retrouva à la tête d'un vaste empire
gure une nouvelle ère d'apogée, le Moyen Empire qui s'étendait de la quatrième cataracte du Nil à l'Eu-
ou Premier Empire thébain. Les Amenemhat et les phrate. A la suite des efforts consentis pendant cette
Sésostris de la XIIe dynastie s'emploient à redorer le période d'ascension, I'Egypte entre dans une ère
blason de la royauté. A l'intérieur, la noblesse féodale d'apogée qui culmine sous Aménophis III. Des qua-
est soumise et des travaux hydrauliques de grande tre coins de cet immense domaine affluent des tributs
envergure sont entrepris pour la mise en valeur du qui permettent une prospérité jamais atteinte; goût du
Fayoum. C'est d'ailleurs à l'entrée de cette région luxe dans les vêtements, les bijoux et les objets
plus centrale que les souverains de la XIIe dynastie usuels, constructions nombreuses et remarquables,
installent leur capitale. Une littérature politique contri- tout témoigne d'une civilisation brillante et raffinée.
bue à ressusciter l'idéologie royale. A l'extérieur, Cette société privilégiée connut cependant un boule-
pour éviter le retour d'invasions, le pouvoir fortifie la versement profond avec Aménophis IV qui, rompant
frontière est du Delta et colonise la Nubie jusqu'à la avec la tradition, mit en place une religion nouvelle,
deuxième cataracte, où sont construites des forteres- rendant un culte au seul disque solaire Aton, et une
ses protégeant du Soudan cette nouvelle frontière esthétique révolutionnaire libérée des contraintes
méridionale. L'ad, entré dans sa phase classique, antérieures. Ce roi "ivre de Dieu" troqua son nom
produit à nouveau d'admirables chefs-d'œuvre. Sous d'Aménophis ("Amon est satisfait") pour celui
les rois de la première partie de la XIIIe dynastie, d'Akhénaton ("Celui qui est utile à Aton"), et aban-
I'Egypte maintient son unité, mais brille déjà d'un donna Thèbes pour construire une nouvelle capitale,
éclat moins vif. Pour des raisons encore obscures, la Akhétaton, l'actuelle Amarna, sur un site vierge de
situation se dégrade; à ces malheurs s'ajoutent bien- toute occupation ancienne. Ce schisme ne survévut
tôt ceux de l'invasion étrangère. que quelques années à son prophète, puisque le roi
L'Egypte traverse alors une nouvelle période noire, Toutankhamon, célèbre par la richesse de sa tombe,
la Deuxième Période Intermédiaire. D'abord revint à l'orthodoxie.
contrainte de partager le pouvoir dans le Delta avec La fin de la XVIIIe dynastie mit un terme à cette
les roitelets de la XIVe dynastie, les souverains thé- splendeur, car, avec l'époque ramesside (XIXeet XXe
bains doivent ensuite assister passivement à I'inva- dynasties) qui lui fait suite, s'amorce déjà le déclin.
sion des Hyksôs, Amorites et Cananéens venus L'empire d'Asie est de plus en plus menacé par la
d'Asie,.qui s'installent dans le nord-est du Delta. Ils puissance des Hittites qui fomentent sans cesse des
finissent par se proclamer rois dlEgypte (XVeet XVle révoltes dans les possession^ égyptiennes. Ramsès
dynasties), bien que leur autorité effective se soit II, en I'an V de son règne, évite de justesse, à Qa-
limitée à la Basse et à la Moyenne Egypte. Dans le dech, une victoire des coalisés asiatiques. En I'an
XXI. les Hittites, inquiets devant les appétits de l'As- par Alexandre le Grand à Darius III et accueillent sur
syrie, concluent un traité de paix et d'alliance avec leur sol le Macédonien comme un libérateur. Désor-
I'Egypte, scellé par le mariage de Ramsès II avec une mais, I'Egypte cesse d'être africaine pour devenir
princesse hittite. Ce pacte assura pour près d'un méditerranéenne, et d'abord grecque.
demi-siècle encore la grandeur de I'Egypte, permet- Après la mort du grand conquérant, Ptolémée, fils
tant à Ramsès II de déployer des activités architectu- de Lagos, ancien compagnon d'Alexandre et gouver-
rales d'une ampleur extraordinaire, mais alourdies neur d'Egypte, finit par se déclarer roi dlEgypte. Qua-
par le goût du colossal. Le dernier grand roi du Nouvel torze Ptolémée allaient règner pendant près de trois
Empire fut Ramsès III qui, sous la XXe dynastie, pré- siècles sur une Egypte docile, mais respectée dans
vint une nouvelle catastrophe en repoussant les peu- ses traditions religieuses et fécondée par l'apport
ples indo-européens venus d'Asie mineure pour ten- grec. C'est de cet heureux mélange qu'allait naître la
ter de pénétrer en Egypte par la Libye et l'Asie. Avec fascinante civilisation alexandrine. L'alliance nouée
les derniers Ramessides, le déclin s'accentue. L'irré- par la trop séduisante Cléopâtre avec Antoine, le
parable est consommé lorsque, sous Ramsès XI, le malheureux rival d'Octave, devait faire passer
grand prêtre de Thèbes, Hérihor, usurpe le titre de I'Egypte sous la domination romaine.
ro1. La bataille d'Actium, perdue en 31 av. J.-C., fut
Une nouvelle fois, I'Egypte va connaître des temps suivie de l'invasion de I'Egypte par les soldats d'Oc-
troublés, IaTroisième Période Intermédisire. Cette tave et de son annexion à l'Empire. romain. La ri-
période de décadence irrémédiable, d'instabilité poli- chesse agricole de la vallée du Nil lui valut le statut de
tique et sociale, voit consacrer la perte des posses- province impériale, c'est-à-dire directement soumise
sions asiatiques. La XXIe dynastie, obligée de se réfu- à l'empereur et gouvernée par un préfet, et non par
gier en Basse Egypte, devra abandonner le pouvoir à un procurateur. Considérée comme un grenier à blé,
différents dynastes locaux (XXIIe à XXIVe dynasties) I'Egypte ne subit jamais en profondeur l'empreinte
d'origine libyenne, eux-mêmes contraints d e laisser romaine. Pendant trois siècles, les empereurs don-
le Sud aux mains du clergé thébain d'Amon. C'est à neront le change en cautionnant sur les bords du Nil
une autre dynastie étrangère, issue elle du Soudan, les anciens cultes indigènes. Cette attitude prolon-
qu'il allait appartenir de restaurer un semblant d'unité gera d'autant l'existence des dieux égyptiens. Avec
nationale. Cette XXVe dynastie périra sous les coups l'avènement des empereurs chrétiens, tout changea
des envahisseurs assyriens. et les vieilles croyances se désagrégèrent rapide-
La Basse Epoque vivra un dernier sursaut avec ment. L'Egypte est alors secouée par les querelles
l'arrivée au pouvoir des princes de Sai's, dans le religieuses issues de l'arianisme, hérésie née à Ale-
Delta. Après avoir délivré I'Egypte du joug étranger, xandrie et qui nie la nature divine du Christ. Théodose
ces rois réorganisent leur pays qui va connaître une subjugue l'arianisme et, en 383, décrète la fermeture
période de Renaissance, tentant désespérement de des temples païens, coup de grâce pour le paga-
renouer avec le passé prestigieux. D'autres ennemis, nisme et les derniers vestiges de la civilisation pha-
les Perses de Cambyse, mettent fin à ce rêve et raonique.
réduisent I'Egypte au rang d'une satrapie dominée A la mort de Théodose en 395, I'Egypte est ratta-
par les souverains perses (XXVlledynastie). Un sou- chée à l'Empire romain d'orient, basculant ainsi dans
lèvement national chassera l'envahisseur et le pays la sphère du monde byzantin, dont elle va partager
connaîtra avec les dynasties XXVlll à XXX ses der- les destinées. Cette Egypte chrétienne sera déchirée
niers pharaons égyptiens. par des querelles religieuses, le nestorianisme
Malheureusement, à partir de 342 av. J.-C., une d'abord, puis la théorie monophysite, qui rejette la
seconde domination perse éteint pour toujours les nature humaine de la personne du Christ. Condam-
velléités d'indépendance et achève de démanteler la née par le concile de Chalcédoine en 451, l'hérésie
civilisation pharaonique. Incapables de secouer eux- ne disparaît pas pour autant; monophysites et ortho-
mêmes le joug éxécré, les Egyptiens apprennent doxes continuent à s'affronter. Sous le règne de Ti-
avec joie la défaite imposée à Issos, en Asie Mineure, bère ll (578-582), les sectes monophysites d'Egypte
se regroupent pour donner le jour à une Eglise natio- Trop éloignée du pouvoir central, I'Egypte byzan-
nale, I'Eglise copte Les chrétiens dlEgypte sont à tine n'offrira pas de résistance aux envahisseurs ara-
l'origine de toute une littérature copte, celle-ci, mise bes En 639, Amr, le lieutenant du calife Omar. s'em-
au point au IIIe siècle, utilise I'alaphabet grec com- pare sans difficulté de Memphis et du Vieux-Caire.
plété par sept signes empruntés au démotique Les Seule, Alexandrie, ville plus grecque qu'égyptienne,
couvents coptes créent aussi un art nouveau inspiré oppose une résistance de quatorze mois Elle tombe
de l'art gréco-romain local, c'est-à-dire égyptianisé, en 640 et sa capture précipite, une nouvelle fois,
mais étranger au style pharaonique L'art du tissage I'Egypte dans un autre monde, celui de I'lslam
est la manifestation privilégiée du génie copte, c'est
aussi un création originale, car I'Egypte pharaonique
ignorait le tissage des motifs, se contentant de broder Michel Malaise
ou de peindre la toile Professeur à I'Unlvers~téde Llège
Le statut social et les conditions de vie des artisans
dans I'Egypte pharaonique

On ne peut atteindre les limites de I'art. Il


n'existe pas d'homme de métier qui ait acquis
sa (pleine) maîtrise.

Ptahhotop (sage égyptien de l'Ancien Empire)

L'histoire présente parfois de bien curieux parado- multanément; mais, l'artiste, dans le souci d'énumé-
xes! Ainsi, si I'Egypte nous a légué, sans doute plus rer les différents corps de métier, les a tous mis au
que toute autre civilisation antique, un nombre im- travail en même temps. Le plnceau du peintre et le
pressionnant de monuments et d'œuvres nous per- ciseau du fabricant de reliefs écrivent plus qu'ils ne
mettant de retracer son histoire et d'apprécier ses dépeignent, tant I'art égyptien est "fonctionnel",
réalisations artistiques, tout comme ses prouesses c'est-à-dire, comme nous le verrons, plus proche du
techniques, nous ne savons que bien peu de choses rite que de l'acte gratuit
des ouvriers, des artisans et des artistes qui ont œu- Le hasard des fouilles nous a parfois livré des
vré à ces créations.Certes, les documents abondent, renseignements plus précis, mais ces données
mais ils nous renseignent avant tout sur I'anecdoti- constituent des informations ponctuelles qu'il est
que et le pittoresque, sans nous fournir de réponses dangereux de vouloir étendre à d'autres époques La
claires aux questions essentielles posées par I'orga- riche documentation relative à la vie des ouvriers de
nisation du tr vail, les mécanismes techniques, le
2
statut social t les conditions de vie de ces travailleurs
qui ont fait la splendeur de I'Egypte.
Deir el-Médineh, qui creusaient les hypogées des
pharaons du Nouvel Empire dans la Vallée des Rois,
n'est pas de nature à nous éclairer beaucoup sur la
Ce bilan tient à différents facteurs, et d'abord à la situation des constructeurs des grandes pyramides
nature de notre information, finalement superficielle qui ont accompli ce tour de force à Guiza, un millé-
et disparate. Les créations architecturales, sculptura- naire plus tôt Enfin, autre écran, le travailleur ne se
les, picturales et artisanales forment l'essentiel de raconte pratiquement jamais, laissant la parole à son
nos sources; elles sont un témoignage éloquent de patron, lequel fait étalage de ses qualités de bon
l'habileté et du goût très sûr de leurs auteurs, mais ne maître, ou à la classe des lettrés qui, imbus de leurs
nous apprennent rien des moyens utilisés et des occupations intellectuelles, se plaisent à dénigrer des
conditions de travail Bien sûr, il est des bas-reliefs et métiers manuels considérés comme avilissants
des peintures qui nous représentent artistes et arti- II est bien difficile, dès lors, de se faire une idée
sans à l'ouvrage, mais ces compositions, comme exacte et précise du statut et des conditions de vie de
toujours dans I'art égyptien, constituent d'immenses cette classe de travailleurs qui forme cependant, à
hiéroglyphes qui évoquent des scènes plutôt que des côté des fonctionnaires, des prêtres, des soldats et
tableaux qui décrivent par le menu. De la sorte, si des agriculteurs, un des grands groupes profession-
certaines images nous montrent sculpteurs, polis- nels de la société égyptienne Les représentants de
seurs, graveurs et peintres se bousculant à la prépa- ces occupations manuelles s'adonnent, en outre, à
ration d'une seule statue, il est évident qu'autant des activités diverses qui font d'eux des ouvriers, des
d'opérations diverses ne pouvaient s'accomplir si- artisans ou des artistes, bien qu'un statut social très
voisin ait caractérisé les uns et les autres, comme ples et de certains palais royaux; les ateliers de po-
l'imposaient les conditions générales du travail et le tiers modelant au tour, puis cuisant vaisselle et gran-
caractère utilitaire de ses produits, fussent-ils sortis des jarres pour contenir vin et bière ou serrer divers
des mains des sculpteurs ou des peintres les plus objets. Enfin, orfèvres, joailliers et lapidaires exécu-
habiles. taient bijoux, vases précieux, plaquages de statues
Citons d'abord les humbles ouvriers, attachés aux ou d'éléments en bois, utilisant des techniques qui
plus durs labeurs, qui extrayaient pierres et métaux les apparentent davantage aux artistes.
qu'agenceront et façonneront des métiers moins pé- Parmi ces derniers se rangent les sculpteurs et les
nibles. L'exploitation des mines et des carrières en peintres. La terminologie égyptienne connaît deux
Egypte était une entreprise d'Etat. Le roi mettait sur types de sculpteurs : le hemouty et le qesty. Selon
pied d'importantes expéditions qui allaient chercher l'hypothèse d'Anthes, le terme hemouty, désignant à
les calcaires fins de Tourah, l'albâtre de Hatnoub, le l'origine celui qui fore les vases de pierre dure, se
grès du Gébel Silsiléh, les granit gris, roses et noirs serait ensuite appliqué à tous ceux qui s'attaquent
d e la région d'Assouan, la pierre bekhen du Ouâdi aux pierres dures au moyen du marteau et du foret,
Hammâmât ou encore la malachite et la turquoise du tandis que le mot qesty, qualifiant d'abord celui qui
Sinaï. Ces expéditions nécessitaient une troupe im- grave I'os, aurait été par la suite utilisé pour nommer
portante, au sein de laquelle les carriers proprement ceux qui travaillent, au ciseau et à l'aide de pierres à
dits ne représentent qu'unefaible partie. II était requis polir, des matériaux peu résistants : I'os, le bois et le
d'y adjoindre un nombre élevé d'ouvriers préposés calcaire. Quant aux artistes-peintres, ils dessinent les
au transport des pierres et du ravitaillement en plein contours des figures qui seront ensuite sculptées,
désert, un état-major administratif, des médecins, peignent statues, reliefs, vases et hiéroglyphes des
des exorcistes contre les scorpions, des cuisiniers, le inscriptions. Leur titre est parfois identique à celui des
tout accompagné d'un détachement militaire et de scribes, car le même mot (sesh) signifie à la tois
matelots quand il fallait traverser la mer Rouge pour "écrire" et ."dessiner-peindre''. On peut aussi les
atteindre le Sinaï ou transporter les blocs sur le Nil. qualifier de "dessinateur des contours" (sesh qe-
Dépassant tous ses prédécesseurs, Ramsès VI dé- dout) ou de "peintrelscribe de la bibliothèque divine
pêcha au Ouâdi Hammâmât un contingent de 9368 du palais"; cette dernière catégorie laisse supposer
hommes. Les mineurs envoyés dans les régions au- une parenté avec les hiérogrammates fondée sur
rifères du désert situé entre le Nil et la mer Rouge ou l'utilisation d'ouvrages qui contenaient les scènes
au pays d'Akita, en Nubie, travaillaient dans des cultuelles canoniques accompagnées d'instructions
conditions plus pénibles encore, dans l'air chaud et pour leur exécution pratique. Ce trait correspond "au
rare d'étroits boyaux forés dans des zones déserti- caractère rituel et traditionaliste du dessin égyptien,
ques, dont le manque d'eau rendait l'accès difficile. produit d'un milieu sacerdotal". II ne faut peut-être
Ainsi, la stèle de Kouban rapporte les efforts dé- pas cependant considérer la position sociale du pein-
ployés par Ramsès II pour doter le chemin du Ouâdi tre comme équivalente à celle du scribe, car les ma-
Akita d'un puits, sans lequel la moitié des chercheurs quilleuses, expertes dans l'art de colorer les visages,
d'or mouraient de soif en chemin. Plus heureux que portent également un titre formé sur la même racine
son père, qui avait fait creuser un puits de 120 cou- (seshet) .
dées sans que l'eau parût, Ramsès II mena son projet De toute manière, il est difficile de ne pas faire
à bonne fin. allusion ici aux scribes, dont le travail est souvent lié à
Le corps des artisans regroupe les métiers du bois, celui des ouvriers, artisans et artistes. Ce sont eux qui
avec leurs charpentiers assemblant navires et chars enregistrent la fourniture des matériaux et des vivres
et leurs ébénistes produisant sièges, tables, coffres, destinés aux travailleurs, qui consignent les ouvriers
arcs et cannes; les industriels du cuir fabriquant san- absents au travail et le motif de cette absence, qui
dales, boucliers et carquois; les équipes de maçons notent les outils distribués pour les diverses tâches
moulant et assemblant les briques crues dont étaient ou qui peuvent encore résoudre certains problèmes
faites toutes les constructions, à l'exception des tem- techniques comme ceux posés par l'érection d'un
obélisque ou d'une rampe de briques. Leur confrérie il doit donner un pourboire à son portier pour pouvoir
est très diversifiée puisque c'est elle qui fournit tous sortir un moment respirer ...
les cadres administratifs d'une société, où seuls des "Le cordonnier, dont le sort est bien misérable, est
scribes peuvent occuper des postes qui nécessitent perpétuellement sous ses cuves à tanner ... Tout ce
la connaissance de l'écriture. Le scribe égyptien est qu'il a à se mettre sous la dent, c'est son cuir ...
très fier de sa situation qui le met à l'abri de l'effort "Vois, il n'y a pas de profession où l'on ne soit pas
manuel et lui assure le privilège de commander aux commandé, si ce n'est celle de fonctionnaire : c'est
autres. Afin d'exhorter leurs élèves à persévérer lui qui commande ...O (traduction S. Sauneron).
dans le laborieux apprentissage de l'écriture, les éco- Cette dépréciation des travaux manuels par les
les de scribes tenaient en grand honneur laSatire des ronds-de-cuir trouvera encore un écho chez le voya-
Métiers, composée au Moyen Empire, mais répétée geur grec Hérodote qui rapporte que, selon les Egyp-
et amplifiée de générations en générations. L'auteur, tiens, les citoyens qui apprennent un métier manuel
un vieux père conduisant son fils à l'école du Palais, sont moins honorables que les autres. Ce jugement
fait miroiter à l'enfant les avantages inhérents à la ironique et sévère doit cependant être nuancé : il est,
situation de fonctionnaire, puis fait défiler sous ses en effet un procédé de la littérature satirique mise ici
yeux les inconvénients multiples des gens de au service de l'orgueil des scribes, confiants dans
métier : leurs écrits qui seuls peuvent défier le temps. Leurs
"J'ai considéré ceux qui étaient battus, aussi je noms ne seront jamais oubliés car, comme l'exprime
souhaite que tu consacres ton cœur aux livres ... Le un enseignement du Nouvel Empire : <<Deslivres, ils
scribe, où qu'il soit dans l'administration, ne souffrira ont fait leurs prêtres (funéraires), de la palette de
jamais de la misère... cette profession dépasse toute scribe, ils ont fait leur fils bien-aimé : les enseigne-
autre, il n'est rien dans le pays qui puisse lui être ments sont leurs pyramides. La plume était leurfils, la
comparé ... tablette leur épouse...>>(traduction P. Kriéger).
"J'ai vu le métallurgiste au travail, à la gueule de sa
fournaise; ses doigts sont comme la peau d'un croco-
dile; il sent plus mauvais que le frai de poisson.
"Le menuisier qui manie l'herminette, il est plus Quelles sont, en réalité, les conditions générales
harassé encore que le paysan; son champ à lui, c'est de travail qui, de façon stable, ont déterminé lavie des
le bois et sa houe, c'est le foret. Au soir, il est exté- métiers manuels de l'ancienne Egypte? Certaines
nué, car il a travaillé au-delà de ses forces; et pour- constantes ont pesé lourdement sur le cadre des
tant, la nuit, il y a encore de la lumière chez lui... activités égyptiennes. En premier lieu, l'économie
"Le potier baigne dans l'argile et vit comme une essentiellement agricole de I'Egypte a concentré la
bête; il est plus crotté de limon que ne l'est un pour- grosse masse des hommes à l'intérieur de grandes
ceau. Ses vêtements sont raides d'argile, et sa cein- propriétés foncières relevant de la couronne, des
ture n'est qu'une loque. L'air brûlant qui sort du four temples ou de hauts dignitaires. C'est dans ces vas-
lui souffle au visage. II gâche l'argile avec ses pieds, tes institutions que vont se développer les industries,
et se brise à cette besogne; toute sa maison est d'autant plus que l'absence de carrières et de mines
barbouillée de terre, et son sol est défoncé ... dans la vallée elle-même rendait impossible I'initia-
"Le maçon qui bâtit les murs? II supporte ladouleur tive privée. Obligés de travailler pour des commandi-
du fouet; toujours au grand air, exposé au vent, il taires royaux, sacerdotaux ou princiers, lesquels
maçonne vêtu d'un simple pagne. Ses bras baignent fourniront les matières premières et une rétribution
dans l'argile, tous ses vêtements sont maculés, et il en nature, ouvriers, artisans et artistes sont en fait des
mange son pain avec des doigts terreux ... "fonctionnaires".
"Le tisserand vit cloîtré dans son atelier; il est plus Ainsi, sous l'Ancien Empire, les travailleurs utilisés
mal à l'aise qu'une femme en couches; les genoux par I'Etat œuvrent soit au service du gouvernement
repliés contre son estomac, il suffoque. Passe-t-il un central (per-aâ), soit pour le palais royal ber-nisout),
jour sans tisser, on le bat de cinquante coups de nerf; ou sont liés à la personne même du pharaon ou au
département de l'équipement funéraire royal (oua- quotidienne et aux travaux des champs
bet). Le travail accompli pour des particuliersest exé- La stagnation technique constitue la seconde ca-
cuté par des artisans appartenant à la maisonnée d'un ractéristique des métiers manuels Les progrès tech-
grand personnage, c'est-à-dire au domaine (per-en- niques en Egypte furent lents et sporadiques, au
djet) que lui a assigné le souverain, ou encore grâce à demeurant, l'outillage restera toujours fort simple Le
une main d'œuvre dépendant de I'Etat que le roi transport d'énormes blocs s'accomplissait grâce à la
libère pour un certain temps. A la différence des traction humaine, à l'aide de traîneaux et de rouleaux,
menuisiers, des cordonniers, des potiers, etc. ., né- tandis que leur mise en place s'effectuait avec des
cessaires à la vie quotidienne, peintres et sculpteurs leviers, des ascenseurs oscillants et des ruses tech-
ne sont jamais attachés à une maison particulière, le niques, comme l'emploi de rampes Ces moyens
plus souvent par privilège royal, ils viennent du per- simples permirent cependant l'assemblage des sept
aâ pour travailler à une tombe ou préparent une partie millions de tonnes de pierre de la pyramide de
du mobilier funéraire au Palais, dans le cadre de Chéops, ce qui représenterait aulourd'hui un charroi
I'ouabet, sous la surveillance du roi. II était peut-être de 700 000 camions de 10 tonnesi De tels travaux ne
encore loisible de louer les services de personnes pouvaient s'accomplir qu'au prix d'une masse hu-
relevant des fondations funéraires des pyramides maine énorme, d'un sens parfait de l'organisation et
pendant leur temps libre. Au Nouvel Empire, les res- de la coordination des efforts, d'une savante hiérar-
ponsables de la vie artisanale dépendront en général chie dans la répartition des tâches et d'un approvi-
de l'administration du trésor et des temples. sionnement efficace des ouvriers en outils, vête-
Une fois le salaire en nature versé, le patron se sent ments et denrées Les artisans ne disposaient pas
quitte de ses obligations et rares sont les employeurs d'instruments beaucoup plus savants, mais cela ne
qui témoignent d'une reconnaissance particulière, les a pas empêchés d'asservir les matériaux les plus
analogue à celle montrée par un certain Amenemhat, résistants Maillets, ciseaux, herminettes, forets, ha-
qui fit commander pour sa tombe thébaine un tableau ches et scies formaient l'essentiel de leur panoplie
où on le voit offrant un riché repas aux artistes qui ont Le menuisier ne possédait même pas un établi pour
décoré son tombeau. Dans certains cas, le roi lui- scier ses planches
même veille au ravitaillement de ses employés. Ainsi, Le travailleur ne dépend pas seulement d'un em-
Ramsès II fit ériger en l'an VIII de son règne une stèle ployeur et d'un matériel rudimentaire, mais, nouvelle
où il se vante de sa sollicitude envers les travailleurs constante, il est aussi tributaire d'un travail collectif.
d'élite qui sculptaient sphinx et statues : "J'ai rempli En effet, un des principes fondamentaux des métiers
pour vous des magasins de toutes sortes de choses, manuels est la fragmentation de la besogne en opéra-
pâtisseries, viande, gâteaux pour vous. alimenter, tions simples et précises confiées à différents corps
sandales, vêtements, parfums variés pour oindre vos
têtes tous les dix jours, pour que vous soyez habillés
toute l'année, que vous ayez de bonnes chaussures
aux pieds chaque jour, pour qu'il n'y ait personne
.
de spécialistes. Cette division permet une améliora-
tion de la productivité et de la qualification des fabri-
cants; cependant, elle fait de l'artisan un simple élé-
ment d'une chaîne. Dans un tel climat, la personnalité
1
1
parmi vous qui passe la nuit dans la crainte de la de l'artiste lui-même se dilue, car qui est le véritable
misère. J'ai préposé des hommes de diverses caté- auteur d'une statue : celui qui dégrossit le bloc, celui
gories pourvous alimenter même dans les années de qui modèle le corps, celui qui polit l'œuvre ou celui
famine, les gens des marais pour vous apporter pois- qui lui donne sa touche finale en la peignant? Cette I
sons et gibiers ... J'ai bâti un atelier de modelage pour répartition des tâches produira néanmoins toujours
faire les poteries où rafraîchira votre eau ..." (traduc- de bons résultats, car tradition et compétence techni-
tion P. Montet). La vie artisanale ne se réfugie pas que sont les deux pôles de l'art égyptien. Le recours à
totalement dans les grands ateliers; elle s'exerce des modèles d'ateliers et à des modules fournis par
aussi au niveau du village ou de la ferme, mais très des grilles de carrés servant de points de repères
modestement, car il s'agit là d'activités simples, des- conduisait sûrement sculpteurs et peintres. L'ap-
tinées à produire les objets nécessaires à l'existence prentissage des règles se transmettait le plus sou-
vent de père en fils. La grandeur des artistes de tuer pour certains litiges leurs propres tribunaux. A
l'ancienne Egypte fut de se laisser guider par ses défaut d'un statut juridique précis, les travailleurs bé-
normes sans jamais permettre qu'elles les étouffas- néficiaient du caractère humanitaire de la morale
sent. égyptienne. Ainsi, il était interdit de faire travailler un
Le concours de multiples professions entraînait homme au-delà du raisonnable ou au-delà de la tâche
aussi une concentration des divers corps de métier qui lui avait été confiée. De même, l'absence pour
dans une même entité : grandes manufactures dlEtat maladie était admise.
ou villages d'ouvriers établis près des chantiers. Trois Les conditions physiques dans lesquelles œu-
cités ouvrières sont parvenues jusqu'à nous. La plus vraient ouvriers et artisans étaient néanmoins précai-
ancienne était incorporée à la résidence que Sésos- res. Au caractère pénible de certains labeurs s'ajou-
tris II avait édifiée, sous la XIIe dynastie, à Kahoun, à taient bastonnades et pitance maigre, tardant parfois
l'entrée du Fayoum. Séparées du quartier royal par à venir, abus de pouvoir des chefs et réquisitions
un rempart, les quelques deux cents demeures des pour les corvées. Devenus inaptes au travail, les
artisans étaient réparties de part et d'autre d'une vieux artisans n'avaient d'autre ressource que de
large rue; de petites ruelles séparaient les îlots de vivre à charge de leurs enfants. Cette existence labo-
maisons adossées l'une à l'autre par le mur du fond. rieuse était heureusement interrompue par des jours
Ces habitations, petites et modestes, comptaient ra- de repos assez nombreux. La semaine décadaire
rement plus de trois pièces. Plus tard, sous le règne offrait trois jours de congé; à ceux-ci venaient s'ajou-
d'Akhenaton, un village fut construit à l'est de la ville ter 'les multiples jours fériés, et tout particulièrement
d'Amarna, à mi-chemin entre la cité et les tombes pour les travailleurs de la nécropole thébaine, la fête
rupestres auxquelles ont dû travailler les ouvriers ici de la Vallée, au cours de laquelle le dieu Amon quittait
logés. De plan carré, le village était enfermé dans une son temple de Karnak pour visiter les sanctuaires de
enceinte percée d'une seule porte. L'agglomération la rive des morts, et la fête d'Aménophis le', patron
était divisée, par cinq rues nord-sud, en six blocs des habitants de Deir el-Médineh.
d'habitations comportant presque toutes quatre piè- Ces gens de métiers étaient des prolétaires que
ces : une antichambre, une salle de réception, puis leur habileté et leurs capacités techniques situaient
une chambre à coucher et une cuisine qui se parta- cependant à un niveau social supérieur à celui des
geaient à elles deux la même largeur que les deux paysans et des domestiques. Se pose à présent la
autres. Quant au village de Deir el-Médineh, il en sera question de savoir si les véritables artistes, peintres
question plus loin. et sculpteurs, bénéficiaient au sein de ces travailleurs
d'une considération particulière ou, en d'autres ter-
mes, s'ils étaient distingués des simples artisans.
La plupart des égyptologues voient en eux des
Le statut juridique des gens de métiers est difficile artisans, mais d'autres chercheurs, comme Junker et
à définir. Les travailleurs manuels ne semblent pas Kaplony, en font les membres d'une classe privilé-
avoir été dêvéritables salariés : ils mettent leurs ta- giée. Le problème est délicat et appelle une réponse
lents au service d'un maître ou d'une institution en nuancée. II faut d'abord noterqu'en égyptien le terme
échange des biens de consommation qui leurs sont hemouty désigne aussi bien un artisan qu'un scul-
nécessaires. Ils sont liés plus ou moins étroitement à pteur; cette langue ne possède donc pas un vocable
leur patron, parfois par un contrat. Si le maître pouvait réservé aux artistes. Ces derniers ne sont, par consé-
leur faire distribuer des coups de bâton, il lui était quent, ressentis que comme des artisans particuliè-
interdit d'attenter à leur vie, car tuer volontairement rement habiles. C'est ce que confirme un répertoire
un homme, fût-il un esclave, était puni de la peine de encyclopédique du Nouvel Empire; ce texte, qui re-
mort. Autre garantie, les travailleurs injustement op- groupe les mots évoquant des réalités appartenant à
primés pouvaient faire parvenir leurs plaintes aux un même domaine, cite, au milieu des métiers ma-
autorités et même au roi. Les ouvriers de Deir el- nuels, des occupations qui sont le propre d'artistes
Médineh jouissaient en outre du privilège de consti- plutôt que d'artisans ou d'ouvriers.
Les artistes eux-mêmes sont peu conscients de leur sens de l'organisation. II était possible d'attein-
leur rôle spécifique, car aucun d'entre eux n'a jugé dre ce haut poste à la suite d'une carrière exemplaire.
bon de signer son œuvre, c'est-à-dire d'affirmer clai- Ainsi, sous la VIe dynastie, un certain Nekhbou, après
rement et avec fierté la paternité de son travail - avoir débuté dans la construction comme simple ou-
situation analogue à celle que I'art occidental connut vrier, gravit peu à peu les différents échelons pour se
jusqu'à la fin du Moyen Age. Certes, il existe dans les voir enfin confier la responsabilité de "chef de tous
tombes des scènes où apparaissent des artistes ac- les travaux royaux". Plusieurs de ces "chefs de tra-
compagnés de leur nom, mais il s'agit là d'une faveur vaux" passèrent à la postérité. Le plus célébre fut
accordée par un maître et non pas d'une signature. sans doute Imhotep, I'architecte du roi Djéser, qui
Unique est le cas d'lrtisen dont la stèle, du Moyen inventa, au début de la IIIedynastie, l'architecture en
Empire, étale ses connaissances avec complaisance, pierre; il sera même divinisé à la Basse Epoque.
vantant son talent pour rendre le mouvement et Senmout, le "chef de travaux" de la reine Hatchep-
l'émotion, mais insistant surtout, de façon significa- sout, constructeur du magnifique temple de Deir el-
tive, sur son expérience technique. Bahari, se vit autoriser à faire graver son portrait der-
rière la porte du spéos. Amenhotep, fils de Hapou,
Le fait que les artistes aient partagé les mêmes œuvra si bien pour Aménophis III que le pharaon lui
conditions de vie que les artisans, qu'ils aient dé- accorda le privilège exceptionnel de disposer,
pendu comme eux d'un patron et d'un travail collectif, comme les rois, d'un temple funéraire particulier sur
n'était pas de nature à exalter une prise de la rive gauche de Thèbes.
conscience. La signification de l'œuvre d'art dans
I'Egypte ancienne n'est pas non plus étrangère à Si le statut social de I'artiste ne semble guère diffé-
cette modestie, Dans la société pharaonique, I'art est rent de celui des artisans, Junker, dans le cadre d'une
avant tout au service de la puissance des dieux et du enquête relative avant tout à l'Ancien Empire, a toute-
roi ou assure la survie du défunt par l'équipement de fois relevé des indices d'une considération spéciale à
sa tombe. II en résulte que cet art veut créer des l'égard des sculpteurs et des peintres On trouve, en
formes d'éternité desquelles est banni tout ce qui est effet, dans les tombes privées, des représentations
transitoire, accidentel ou apparence trompeuse; I'art d'artistes identifiés par leur nom, soit au travail, soit
égyptien est par conséquent un art objectif et dans des contextes où apparaissent le plus souvent
conceptuel refusant toute illusion rétinienne. Dans un des membres de la famille, accompagnant le défunt,
monde de représentations conçues pour leur effica- par exemple à la chasse, ou apportant des offrandes
cité, et non pour l'observateur, la personnalité de funéraires au propriétaire du tombeau Le titre de
I'artiste recule au profit de l'objet. L'artiste n'est pas "donataire" (mehenek), c'est-à-dire récompensé
un créateur individuel, mais un artisan qui exécute, par le maître de la sépulture, exprime aussi le lien
sans doute souvent avec grande habilité, les formes noué entre I'artiste et son employeur On pourrait
imposées qu'il a apprises. II est vrai qu'au cours des ajouter que la verve caustique de la Sat~redes Mé-
siècles I'art égyptien s'est partiellement dégagé de tiers épargne sculpteurs et peintres. Ces faveurs ne
ces contraintes, tenant compte notamment du spec- sont cependant pas les marques d'une estime parti-
tateur; pendant la position de I'artiste n'a guère culière pour les ceuvres d'art elles-mêmes; elles
changé. s'expliquent par d'autres facteurs. L'honneur ac-
cordé aux artistes est d'abord dû au fait que, comme
Etant donné le caractère technique et industriel de nous l'avons vu, nombre de sculpteurs ou de peintres
I'art pharaonique, on ne sera pas étonné de voir la employés momentanément à la confection d'un tom-
considération toute particulière dont jouissaient les beau privé émanaient des ateliers de I'Etat. Ensuite,
"chefs de travaux" En effet, ces maîtres d'œuvre, les artistes, à qui incombait la réalisation des statues
qui règnaient sur l'univers des ouvriers, des artisans et des reliefs médiateurs d'éternité, étaient occupés à
et des artistes, et assumaient des activités multiples un ouvrage situé à mi-chemin entre le rituel et le
relevant de l'ingénieur et de I'architecte, faisaient travail. Leur présence sur les parois de sepultures
l'admiration de tous par leurs exploits techniques et inaccessibles n'est d'ailleurs pas vantardise de caste,
mais un moyen de participer à la survie de leurs A l'extérieur du village, s'élevaient des maisons
riches commanditaires. plus grandes, avec cour intérieure, qui abritaient les
employés chargés d'approvisionner en tout les habi-
tants du village et les artisans occupés aux diverses
industries funéraires, comme la confection des cer-
Ayant ainsi évoqué les problèmes généraux soule- cueils et du mobilier destiné aux défunts. Ouvriers et
vés par le statut des ouvriers, des artisans et des artisans étaient relativement libres; toufefois ils ne
artistes, profitant à présent de la riche documentation pouvaient, semble-t-il, quitter leur travail, et les ou-
archéologique, ainsi que des papyrus et des ostraca vriers n'avaient pas la possibilité de sortir de I'en-
(éclats de calcaire ou tessons de poterie utilisés pour ceinte du village, sans doute dans la crainte de les
prendre des notes) exhumés à Deir el-Médineh par voir révéler les secrets des riches hypogées royaux
B. Bruyère au cours de quarante années de fouilles, La rémunération des travailleurs consistait en distri-
nous allons tenter de faire revivre cette communauté butions de vivres de périodicité variable, les rations
de travailleurs. étant calculées en fonction, non de l'ancienneté, mais
Le village des ouvri,ers et des artistes préposés à la de la spécialité; les adolescents célibataires rece-
confection des hypogées royaux dans la Vall-ée des vaient une part moins importante que les soutiens de
Rois fut construit près de leur lieu de travail, à Deir famille II arrivait parfois que des administrateurs peu
el-Médineh, dans un vallon fermé à ses extrémités scrupuleux détournassent à leur profit une partie du
nord et sud par des poternes. Cette installation est ravitaillement. Néanmoins, le niveau de vie du travail-
probablement le fait d'Aménophis le' et de sa mère, la leur était avant tout lié à la situation du pays. Ainsi,
reine Ahmès Néfertari, en qui les ouvriers voyaient avec la décadence de la fin de l'époque ramesside
leurs vénérés patrons et auxquels ils rendaient un (XXe dynastie), les rations vinrent souvent à man-
culte. Des maisonnettes en briques crues blanchies à quer. de telles irrégularités dans I'approvisionnement
la chaux, dotées d'une porte marquée au nom du entraînaient grèves et émeutes.
propriétaire, étaient édifiées de part et d'autre d'une Les travailleurs du village de Deir el-Médineh
rue centrale, le fond de chaque demeure s'adossant à étaient répartis en deux équipes, l'une composée par
l'enceinte qui enserrait le village. Chaque habitation les habitants du côté gauche de la rue, l'autre par les
comportait d'abord une première pièce, à laquelle on habitants du côté droit. Chaque équipe avait à sa tête
accédait, depuis la rue, en descendant quelques mar- un chef désigné par le roi ou son vizir; ils étaient
ches, puis une salle d'apparat, plus vaste, dont le assistés chacun d'un "lieutenant". Ce chef d'équipe
plafond surélevé était souvent soutenu par une co- surveillait les travaux, exhortant les ouvriers à coups
lonne centrale, et garnie d'un grand divan en briques; de trique, et supervisait les outils et matériaux néces-
venait ensuite le gynécée, enfin une cuisine à ciel saires aux différentes tâches. C'est lui qui traitait des
ouvert, avec son four à pain. différends nés au sein de la communauté, notam-
L'agglomération atteignit son apogée sous Ram- ment en présidant la qenebet, cour de justice compo-
sès II; elle comptait alors soixante-dtx maisons. Avec sée d'ouvriers du village érigés en juges pour sièger
la XXle dynastie, elle fut brutalement abandonnée par dans certains cas peu graves relevant du droit pénal
ses occupants. Le mobilier, réduit au nécessaire, et civil. Suivaient directement dans la hiérarchie deux
comportait lits, nattes, sièges et coffrets en vannerie scribes par équipe, occupés surtout à comptabiliser
tenant lieu de meubles de rangement. Pain, poissons sur le lieu du travail les ouvriers présents et absents
séchés et bière constituaient l'ordinaire des repas, et à noter tout fait digne d'être signalé; ils étaient
pour autant toutefois que l'intendance suivît. Les ou- aussi responsables du maintien de l'ordre. Aux équi-
tils, du moins ceux en bronze, n'étaient pas la pro- pes étaient adjoints un ou deux gardiens chargés de
priété des ouvriers mais de l'administration; chaque distribuer et de conserver le matériel nécessaire a
outil étant inventorié et pesé à l'aide d'un poids sur l'ouvrage, ainsi que deux portiers préposés à la garde
lequel étaient inscrits le nom du travailleur, le type des deux portes de l'enceinte, où ils réceptionnaient
d'instrument et la date à laquelle il était remis. les approvisionnements délivrés au village. Enfin,
des femmes esclaves étaient attachées aux équipes le maître des artisans, à Anubis, patron des embau-
pour moudre leur grain. Tous les dix jours. la semaine meurs, ou à des dieux plus familiers comme le génie
étant décadaire, une équipe gravissait la montagne Bès, nain difforme présidant aux accouchements et
pour déboucher au Col de la Vallée des Rois En ce aux manifestations de joie. Enfin, un culte spécifique
lieu était établi un campement où les travailleurs pas- était rendu à Aménophis le' et à sa mère, la reine
saient la nuit pendant la durée de leurs prestations Ahmès Néfertari, les fondateurs de Deir el-Médineh
Chaque matin, ils descendaient dans la Vallée des Arrivés au terme de leur vie, les habitants du village
Rois pour creuser et décorer les hypogées, mettant étaient enterrés sur les collines voisines dans des
en pratique un savoir transmis de père en fils, parfois hypogées dont certaines peintures comptent parmi
durant les 450 ans d'existence de Deir el-Médineh les plus belles représentations des tombes du Nou-
La vie sur le chantier n'était pas exempte d'inci- vel Empire Ayant œuvré toute leur existence à pré-
dents. Ainsi, un chef d'équipe peu scrupuleux profita parer les tombeaux de leurs rois, ils avaient bien droit
de son poste pour employer ses subordonnés à la à leur tour de disposer de belles sépulturesi
préparation de sa propre tombe, jusqu'à ce qu'il fût
dénoncé Des faits plus graves se produisirent sous
Ramsès IX lorsque des ouvriers, sans doute mal rétri- Michel Malaise
bués et tentés par les riches sépultures royales, n'hé- Professeur à l'Université de Liège
sitèrent pas à piller les tombes et à violer les momies
de leurs souverains Trahis, certains voleurs gardè-
rent le silence sous les coups de bâton et échappè-
rent à la condammation à mort Tel fut le cas d'un
voleur présumé de la tombe de Ramsès III, mais un
fragment du cercueil de ce roi, retrouvé aujourd'hui
dans la sépulture du suspect, permet, 3600 ans plus
tard, de le déclarer coupable. Par ailleurs, les ouvriers
pouvaient être victimes d'accidents de travail, c'est
pourquoi le village comportait deux médecins, fonc-
tionnaires de 1'Etat.
Vivaient en dehors du village, mais en liaison avec
lui, plusieurs catégories de personnes, minutieuse-
ment organisées, chargées du ravitaillement : les
porteurs d'eau, les pêcheurs qui livrent les poissons,
base de la nourriture des travailleurs, et les ramas-
seurs de miel sauvage, lequel servait'à sucrer les
aliments et entrait dans les produits de parfumerie,
tandis que la cire était employée dans la momification.
Notre documentation nous renseigne également
sur les croyances populaires des habitants de Deir
el-Médineh. La déesse la plus honorée était Meretse-
ger, associée à la déesse de la Cime qui domine la
VaHée des Rois. Figurée comme un serpent, elle est
adorée dans des anfractuosités artificielles. Des ex-
voto lui sont érigés en remerciement de guérisons
miraculeuses, obtenues à la suite du pardon du pé-
ché ayant entraîné l'atteinte physique. Leur dévotion
s'adresse aussi à Isis, dans son rôle maternel, à Ptah,
Orientation bibliographique

Civilisationégyptienne village de Deir el-Medineh (Paris, 1975)


R Drenkhahn, Die Handwerker und ihreTatigkeiten im alten Agyp-
ten (Agyptologische Abhandlungen, 31, Wiesbaden, 1976)
F. Daurnas, La civilisation de I'Egypte pharaonique (Paris-
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H Junker, Die gesellschaftliche Stellung der agyptischen Kunstler
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Period (Bibliothèque d'Etude, 50; Le Caire, 1973). des Neuen Reiches, dans Zeitschrift fur agyptische Sprache und
M. Della Monica, La classe ouvrière sous les pharaons Etude du Alterturnskunde, 107, 1980, p 137-157
1. Le travail de la pierre : sculpteurs et peintres

Comme tous les peuples de la préhistoire, les plus Les phases d'exécution de la sculpture
anciens habitants de I'Egypte ont taillé le silex pour Le sculpteur adapte les techniques et choisit ses
fabriquer des outils et des armes. Cette technique outils en fonction de la pierre qu'il utilise. Les pierres
primitive demeure en usage jusqu'à l'aube des temps tendres, comme le calcaire et l'albâtre, faciles à tra-
historiques (no 1) et même au-delà. Grâce au progrès vailler, peuvent être aisément débitées à la scie et ne
accompli durant l'époque néolithique, notamment la nécessitent pas un long travail de polissage. En re-
découverte du polissage, les objets de pierre se mul- vanche, les pierres dures, choisies généralement
tiplient et se diversifient : la fabrication des vases et pour les statues colossales, obligent le sculpteur à
des plats en pierre atteint son apogée dès la période recourir aux outils de percussion les plus solides, à
prédynastique (no 10). adapter des mèches de pierre dure ou de métal aux
forets et à développer davantage le polissage final du
Les matériaux monument.
Peu de pays offrent un choix de matériaux aussi Dans plusieurs tombes, notamment celle de
vaste : basalte, dolérite, obsidienne, 'diorite, por- Rekhmiré (XVIIIe dynastie), des sculpteurs sont re-
phyre, marbre, calcaire, silex, ardoise, schiste, grès, présentés en pleine activité, montés sur des échafau-
quartz, stéatite, cristal de roche, serpentine, gypse ... dages maniant le percuteur, assis pour polir une sta-
Aussi les artisans jouent-ils abondamment des diffé- tue à l'aide d'une pierre, debout pour graver des-
rences de teinte, de grain, de texture. Ce matériau textes Les figurations de cet ordre montrent les outils
durable par excellence, est réservé dès l'Ancien Em- utilisés pour sculpter en ronde bosse Toutefois, les
pire aux temples et aux tombeaux : les maisons des monuments (statues assises, Sphinx etc ) sont tou-
vivants sont en terre crue. Parallèlement, la pierre jours représentés achevés, sans doute polis, de sorte
continue de servir à fabriquer des armes, des outils, que les gestes des sculpteurs manquent un peu de
des objets d'usage courant ou encore des obélis- réalisme
ques, des statues ... Si l'on constate une évolution
Les différentes étapes de la taille d'une sculpture
dans les formes et les décors, en revanche, les tech-
en ronde bosse sont davantage perceptibles sur une
niques mises en œuvre dès le début de l'histoire
série de statues du roi Mycérinus, découverte par
subissent très peu de modifications.
Reisner lors des fouilles à Guiza. Ces six statues sont
chacune dans un état d'achèvement différent, depuis
L'outillage la première esquisse peinte sur le bloc de pierre
Le sculpteur se sert d'un outillage de base simple jusqu'à la statue polie. Elles autorisent donc la re-
qui, pour le travail de la pierre tendre, ne diffère guère constitution du travail. Le bloc de pierre est tout
de celui du menuisier (cf chapitre sur le bois) il d'abord dégrossi au percuteur pour lui donner volu-
utilise des outils de percussion en pierre dure, des mes et contours; le visage, les bras et les pieds sont
maillets de bois (no 5), des scies en métal, des forets ensuite dégagés, mais toujours en masse. Des outils
actionnés au moyen d'archets (no 6), des ciseaux, plus précis, tels le ciseau ou le foret, interviennent
des couteaux (no7), des burins, des herminettes (nos alors pour faire apparaître le volume de la tête coiffée
3 et 4), des pâtes abrasives à base d'émeri ou de du nemès et la barbe en saillie. Corps, visage, pecto-
pierre ponce. raux, jambes et bras sont progressivement modelés
en différentes étapes avant le polissage final. C'est à Comme pour les reliefs, le "scribe des contours"
ce stade que le sculpteur fait preuve d'une énorme trace les premières esquisses en se servant d'un brin
patience et d'une maîtrise indiscutable de son métier. de jonc dont le bout est mâché Pour apposer les
Car il parvient à rendre vie à ses monuments de pierre couleurs à plat, quelques tiges de palmes sont suffi-
par les surfaces naturellement arrondies du corps santes; pour les surfaces plus larges, le peintre se
(les épaules ou les joues, par exemple) et par l'aspect sert de fibres de palmiers Iiées (les Egyptiens n'ont
brillant obtenu par le polissage. A l'inverse des sta- jamais connu le pinceau de poils) Les couleurs sont
tues de pierre dure, les statues de calcaire (no 21) ou placées sur des palettes semblables à celles des
d'albâtre sont généralement rehaussées de peinture. scribes (no 124), mais à plusieurs godets. Des réci-
Au même titre que les statues de Mycérinus, les pients plus grands contiennent également la pein-
modèles de sculpteurs, très nombreux à la Basse ture
Epoque (nos 8-9), apportent des renseignements La palette se compose des teintes fondamentales,
précieux sur les techniques des sculpteurs. On voit blanc, bleu, rouge, vert et jaune . on rencontre ce-
notamment (no 8) qu'à différents stades du travail on pendant parfois des demi-teintes obtenues par mé-
s'est servi d'un quadrillage peint pour centrer les langes, des gris, des roses, des bruns, des violets et
figures et reporter l'esquisse du sujet à représenter. des tons orangés. La peinture égyptienne est une
Le rôle du dessin est plus important encore pour la peinture à la détrempe. Les couleurs à base de subs-
taille du relief. Le tombeau inachevé du roi Horemheb tances minérales additionnées de colle, de gomme
et certaines parois de la tombe du vizir Ramose (Nou- ou d'albumine ont parfois aussi été Iiées à la cire
vel Empire) montrent les différentes étapes de la d'abeille (vase no 11, portrait de momie no 114, et
préparation des parois, du dessin et de la taille du aussi parois de tombes).
relief. II y a deux manières de tailler la pierre, en vrai La couleur blanche est à base de carbonate ou de
relief (no 13) ou dans le creux (no 14). Pour l'une et sulfate de calcium très abondant en Egypte Le rouge
l'autre techniques, la préparation de la surface est est l'oxyde de fer ou I'ocre rouge. Le jaune provient
identique : l'esquisse des figures est tracée en cou- de I'ocre jaune ou du sulfure d'arsenic. Cette couleur
leur noire, au pinceau, parfois corrigée par des traits est souvent vernie pour imiter l'éclat de l'or Le bleu
rouges. Les figures sont alors découpées en suivant est à base d'azurite, très voisin de la malachite, et
les lignes des contours, dans le cas d'un vrai relief, la pour cette raison, confondu avec le vert La prépara-
surface de la pierre est abaissée autour d'elles. Dès tion d'une fritte permet aussi d'obtenir du bleu . elle
que les figures se détachent de la paroi, le sculpteur est composée de silicate (un composé de cuivre, de
peut .attaquer chaque détail, modeler les visages et carbonate de chaux et de natron) Le noir provient de
les corps et finalement polir la surface. C'est ensuite charbon ou de suie.
au peintre d'intervenir (no 13). Le relief dans le creux
consiste à creuser les figures esquissées à l'intérieur Les couleurs ne sont pas simplement utilisées
de leurs contours. Elles sont modelées comme le vrai pour copier le monde réel car il existe aussi une
relief, mais se situent à un niveau inférieur à celui de recherche particulière dans l'harmonie des tons qui
la surface de la pierre. côtoie un ensemble de règles traditionnelles : par
exemple, la couleur des chairs des hommes est terre
Les peintures murales de Sienne, tandis que celle des femmes est plus
La qualité de la roche dans laquelle elles sont creu- claire, mais dans une suite de personnages juxtapo-
sées ne permet pas toujours de décorer les tombes sés, les chairs seront alternativement claires et fon-
de reliefs. A Thèbes notamment, la qualité des parois cées quel que soit le sexe des personnages repré-
est peu favorable à la taille. Les murs sont alors sentés, deux objets placés côte à côte seront chacun
enduits de pisé ou de pisé-mortier qui masque les d'une couleur différente
imperfections de la surface, puis recouverts d'une Remarquons que les couleurs ont également une
fine couche de stuc ou de plâtre sur laquelle on valeur symbolique Ainsi, le vert suggère I'épanouis-
applique enfin le décor peint. sement, la santé Osiris, le dieu ressuscité,
est souvent peint en vert, de même que Khnoum qui Les conventions du dessin, le quadrillage, la dispo-
modèle la terre. Le noir, couleur de la terre et de la sition des scènes en registres, l'utilisation de modè-
nuit. évoque la régénération. Le blanc est le symbole les ont contribué à la création d'un langage précis, à
de la pureté; le bleu, imitant la turquoise, celui de la des règles de compositions strictes qui ont favorisé la
joie. etc. préservation d'une unité de style constante dans tout
l'art égyptien. II ne s'agit cependant pas d'une répéti-
tion d'un langage monotone pendant trois millénai-
Styles et conventions
res. Bien au contraire, l'observation attentive des œu-
Le style est déterminé par le dessin, clef du lan- vres permet de déterminer, au-delà des conventions,
gage plastique égyptien, par qui s'opère la synthèse des caractéristiques propres à chaque période.
de la chose représentée et de ce que l'on en sait.
C'est la raison pour laquelle, en peinture comme en
relief. il conjugue souvent différents angles, face,
trois quarts et profil. Un homme debout, par exemple,
présente un œil de face entouré d'un visage de profil; Bibliographie sommaire
le torse rabattu fait face au spectateur, tandis que le M Baud. Les dessins ébauchés de a nécropole thébaine au temps
contour du buste suit d'un côté, la ligne du sein, de du Nouvel Empire (Mémoires de l'Institut français d'archéologie
l'autre, celle du dos. Le ventre, pris de trois quarts, orientale. 63: Le Caire. 1935).
laisse ensuite place à la ligne de la fesse de profil, qui N. de G. Davies. The Tornb of Rekh-Mi-Re at Thebes (New-York,
1943).
commande une position identique des jambes et des G A. Gaballa. Narrative in Egyptian Art (Mayence. 1976).
pieds. Dans cette optique, il n'y a pas de ligne de E Iversen. Canon and Proportions in Egyptian Art, 2e éd (War-
fuite. donc pas de perspective au sens où nous I'en- minster.1975).
tendons. En fonction de son approche N. Lhote. Les chefs-d'œuvre de la peinture égyptienne (Paris,
"conceptuelle" du monde, le dessinateur recourt en- 1954)
A. Lucas. Ancient Materialsand Industries. 4e éd. (Londres. 1962)
core à d'autres conventions. Les parois à sculpter ou H Shaefer. Principles of Egyptian Art (Oxford, 1974)
à peindre sont divisées en registres comme en autant
de figurations qui scandent un discours narratif sans
arrière-plan de paysage. Chaque séquence est expli-
quée par un texte comme sur une bande dessinée.
De plus, le choix de la taille des personnages n'est
pas arbitraire : le personnage principal (propriétaire
du monument, roi, vizir, divinité ...) domine toujours
les autres affirmant ainsi la prééminence de son rang
ou sa position sociale.

Le dessinateur s'aide aussi d'un quadrillage pour


reporter les dessins sur les murs ou de-quelques
repères fixes (tête, épaule, genou etc ...) qui garantis-
sent le respect des dimensions et la reproduction
fidèle. En outre, il utilise aussi un "canon de propor-
tions" chiffré qui détermine les dimensions respecti-
ves des différentes parties du corps humain. II s'aide
encore de modèles (pieds, bras, hiéroglyphes) sou-
vent inachevés, qui guident le travail du ciseau. Ces
maquettes ont été retrouvées dans des ateliers de
sculpteurs du Nouvel Empire (Toutmès et Bak). Un
grand nombre de documents semblables, en relief ou
en ronde bosse, datent de la Basse Epoque.
1.1 L'homme et la technique

1. Couteau creusement et à la décoration des tombeaux des rois


et des reines qu'ils gagnaient aisément à pied par la
Silex montagne. La renommée de certains d'entre eux est
L 0.1 92 h O 06. ép 0,006 venue jusqu'à nous, telle celle du sculpteur Ken qui a
Epoque néolithique ou predynastique
Musee royal de Mariernont, Inv Ac 7811 passé sa vie dans le village et dont on a retrouvé la
tombe dans le cimetière des artisans (tombe no4).
Cette lame retouchée se classe parmi les couteaux Certainement apprécié et aimé de ses pairs, Ken est
en silex. Les deux faces de la pièce sont taillées. De souvent présent dans les tombes de ces derniers Le
petites retouches en dents de scie affinent le tran- rôle important qu'il a joué dans la communauté I'auto-
chant, le dos et la pointe. A l'autre extrémité, des rise sans doute à se faire représenter dans sa tombe
retouches abruptes dégagent une encoche et ména- aux côtés du premier Ministre du Pharaon Ramsès II,
gent un manche. Le dos et le tranchant sont conve- le vizir Paser (no 128) Ken est ici suivi de sa première
YP9
,,"U
femme Nefertiri et de trois de ses enfants et fait une
Les couteaux en silex sont des outils de formes très offrande au Pharaon Aménophis le' divinisé Les arti-
variées, utilisés durant les périodes néolithique et sans de Deir Ont longtempsvoué un culte

prédynastique, et dont les plus beaux exemplaires, à le', un des premiers pharaons à
produits de la civilisation gerzéenne (Nagada II), fu- dans la Vallée des Ils lui
rent pourvus d'un manche en ivoire sculpté avaient édifié un sanctuaire dans le village même

Inédit (publication en préparation).


Inédit

3. Lame d'herminette
2. Le sculpteur Ken
Cuivre
Calcaire H O 270 1 O 035
O 55 x O 36 le'" dynastie
XIXe dynastie Bruxelles Musees royaux d'art et d'histoire Inv E 5925
Musee royal de Mariernont Inv Ac 78/11
L'herminette à sommet arrondi apparaît en Egypte
Une petite communauté d'artisans est venue s'instal- dès la première dynastie Sa forme évolue rapide-
ler dès le début de la XVIIIe dynastie à Deir el- ment pour devenir, vers la troisième dynastie, celle
Medineh, près de la Vallée des Rois, et a vécu là d'une herminette à tête ronde, reliée à la lame propre-
jusqu'au début de la XXIe dynastie. Les vestiges du ment dite par un étranglement.
village et les tombes des ouvriers creusées tout à Cette pièce a été moulée dans un moule ouvert.
côté ont livré un nombre important de documents qui probablement en pierre dure, avant d'être retravaillée
nous éclairent sur les habitudes et le mode de vie de au marteau Ce martelage s'effectue généralement à
ses habitants Ces ouvriers, "les Serviteurs de la froid pour les objets les plus fins et à chaud pour les
Place de Vérité", travaillaient essentiellement au armes et outils possédant une certaine épaisseur.
Après le moulage, l'artisan travaillait donc sa pièce à servent notamment à enfoncer le ciseau dans la
chaud, avant de la refroidir rapidement, puis de la pierre ou le bois.
réchauffer pour la travailler à nouveau a une tempéra-
ture de 700/800° C. Grâce à ce trempage, on pouvait Inédit
augmenter la résistance du métal tout en affûtant le
tranchant de l'outil.

Inédite

Pieces de comparaison FI Petrie Tools and Weapons pl XVI.


69-74 6. Foret

Bois
H O 29 1 O 045
XVIIIe dynastie
Bruxelles Musees royaux d'art et d'histoire Inv E 5781/3
4. Modèle de manche d'herminette
Le foret de bois est un instrument complexe au bout
Bois
H 010 duquel on fixait une mèche de métal. II était actionné
Moyen Empire au moyen d'une sorte d'archet qui lui donnait un
Bruxelles. Musées royaux d'art et d'histoire. Inv E 2300 mouvement circulaire. Le menuisier l'utilisait fré-
quemment pour forer des trous pour le cannage des
Outil quasi universel, I'herminette, apparue durant la fauteuils. par exemple, ou pour creuser des mortai-
préhistoire, est encore en usage aujourd'hui dans ses.
plusieurs civilisations, non seulement en Egypte,
mais aussi de l'Afrique noire à la Laponie, en passant Inédit
par l'Indonésie, l'Océanie et la Mélanésie. Elle se
présente comme un manche de bois coudé à une
extrémité et auquel est fixée une lame de pierre ou de
métal En Egypte, la lame est toujours liée au manche
par une série de lanières de cuir entrelacées Utilisée
à la manière d'un rabot pour des travaux précis et 7. Couteau
soignés, I'herminette s'oppose ainsi à la hache, outil
de dégrossissage Fer
L 0 133
Epoque romaine
Inédit
Bruxelles Musees royaux d'art et d'histoire Inv E 1818

La forme de ce couteau à lame droite et dont le dos


présente une courbure caractéristique, est inconnue
5. Maillet en Egypte avant l'époque romaine; les couteaux
égyptiens ont généralement une lame courbe et un
Bois
H O29 dos droit. Le fer n'apparaît en Egypte que vers 1000
Nouvel Empire av J -C. et son usage ne se répand que vers 600 av.
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv E 1106 J - C s surtout dans des centres infuencés par la
Grèce. comme Naucratis par exemple
L'utilisation de maillets de ce type est attestée par de
nombreuses représentations sur les parois de certai- Inédit
nes tombes qui montrent des ouvriers au travail. Ils CT-N

25
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1~ l a ye,p xneho~sa?sn(nl sap uilallna suep siu
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'soeu un iueiuasa~dallinoua6e a u u o y ,p anlep alla3
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( L ) anbod3 assea
ZZO H
aJieqe3
1.2 Les vases en pierre

10. Vase augmenter l'adhérence des pigments colorés à I'al-


bâtre.
Schiste ( 7 )
H 0 01 1 diam O 108 Inédit
Epoque prédynastique ou Ancien Empire
Collection privée

Inédit

11. Vase

Albâtre peint a la cire


H 0,27 , 1 ca 0,22 , diam du goulot 0,155
XIXe dynastie
Collection privée

L'art de creuser et de polir les vases de pierre a atteint


son apogée dès les premières dynasties. Bien que
les techniques et les outils utilisés n'aient guère évo-
lué depuis cette période, au Nouvel Empire, les réali-
sations sont incontestablement plus élaborées. L'au-
dace des artisans se remarque non seulement dans
le choix des formes, mais aussi dans les dimensions.
On n'a pas hésité, ici, à élargir le col tout en diminuant
l'épaisseur des parois. La fragilité du vase est mas-
quée par une lèvre ourlée et une base arrondie.
Un décor floral sur deux registres court autour du col,
tandis que les deux côtés de la panse portent des
décors différents qui se complètent. Une guirlande
de fleurs, ovale, entoure des fleurs de lotus épa-
nouies et en boutons et se termine par une fleur qui
pend au bout d'une tige cernant, de l'autre côté de la
panse, une autre fleur de lotus épanouie. Ce décor
offre deux particularités : tout d'abord, sa disposition
sur la panse du vase, ensuite, la technique utilisée
pour appliquer la peinture.Les couleurs (vert, rouge
et noir) ont, en effet, un aspect brillant inhabituel qui
trahit l'utilisation de la cire d'abeille comme liant pour
1.3 La sculpture en pierre dure

12. Buste d'homme heureuse. Une impression d'harmonie et majesté se


dégage de ce fragment de relief représentant le roi
Granit noir coiffé de la couronne et portant la barbe postiche.
H O 145.1 0,196
Certains détails du visage sont rendus avec beau-
Moyen Empire
Boulogne-sur-mer, Musée des Beaux-Arts, Inv Dépôt du Louvre coup de précision : l'oreille, l'œil entouré du trait de
1927 (CM 379) fard, la bouche et le nez. En revanche, la plus grande
fantaisie s'observe pour la main que le roi porte à
Une partie du pilier et le pli du coude gauche donnent l'épaule : les sculpteurs et les peintres égyptiens
à croire que le monument représentait un homme n'ont jamais accordé une.très grande importance au
assis sur un siège cubique, les bras posés sur les fait qu'ils représentaient une main gauche plutôt
cuisses et le dos appuyé à un pilier qui prolongeait le qu'une main droite; la ligne seule compte pour eux, et
siège Le torse est nu, paré d'une amulette que l'on aussi la polychromie qui donne au relief son aspect
retrouve sur les monuments de Sésostris III et de achevé. Les chairs sont foncées et le modelé, arrondi
certains particuliers de la même époque. Le modelé aux pourtours sur une faible épaisseur seulement,
du corps, tout en finesse, permet de comprendre permet néanmoins de rendre la courbe de la joue, les
comment le sculpteur parvenait, en polissant la ailes du nez et les sinuosités du lobe de l'oreille. Un
pierre, à rendre l'arrondi d'une épaule, la courbe de la relief similaire est conservé aux Musées royaux d'art
taille et le galbe des pectoraux. Les bijoux sont gravés et d'histoire (Inv. E 8207). Ils proviennent vraisembla-
en faible relief; les détails du vêtement, comme la blement du même endroit.
ceinture sont suggérés par quelques traits à la pointe
Inédit
Inédit
Pièces de comparaison cf P Gilbert, Un portrait en relief d'Arné-
nophis II aux Musees royaux d'art et d'histoire, dans Chronique
d'Egypte 45, 1970 p 236-239

13. Bas-relief représentant Aménophis II


Grès
H. 0.25 : 1. 0.39
Vers 1450-1425 av.J.-C
14. Pied de sarcophage
Collection privée
Granit
H O39
Aménophis II fut un souverain énergique qui, dès la Fin de la XVIIIe - XIXe dynastie
seconde année de son règne, dut faire face à une Compiegne Musee Vivenel Inv V 496
révolte en Asie L'histoire raconte qu'il montra une
grande cruauté à l'égard des princes qu'il avait vain- La technique du relief en creux permet de créer des
cus En imposant son autorité à l'extérieur des fron- jeux d'ombres et de lumières qui accentuent le mo-
tières de son Empire, Aménophis II garantit la paix en delé des figures sur les parois de pierre La finesse et
Egypte et assura à ses sujets une vie prospère et la précision des lignes subissent inévitablement les
caprices de l'éclairage, de sorte que certains traits
s'estompent. C'est le cas pour cette figurine de la
déesse Isis agenouillée sur le signe de I'or, qui orne
ce pied de sarcophage. Isis porte une robe fourreau à
bretelles et est parée d'un collier. Sa chevelure est
enveloppée de la khayt (un drap noué sur la nuque);
sa tête est surmontée du siège qui est son emblème.
La présence de la déesse sur un sarcophage n'est
pas surprenante : Isis, en effet, accompagne le dé-
funt et le protège depuis son décès jusqu'à son sé-
jour dans la tombe. Le signe de I'or doit être compris
comme le symbole de la survie que souhaite le scribe
et majordome Ptahmès, pour qui le sarcophage a été
sculpté

Inédit

15. Statue-cube de Qeref

Schiste
H 0 1 9 , 1 0,08
XXVle dynastie
Bruxelles. Musées royaux d'art et d'histoire. Inv E 7526

Ce type de statue est attesté depuis le Moyen Em-


pire. Les jambes, les pieds, les bras sont soigneuse-
ment modelés et se dégagent de la masse avec un
réalisme propre à la XXVe et la XXVIe dynasties. Le
propriétaire de cette statue est le général Qeref, fils
d'osorkon, qui a rempli ses fonctions sous le règne
de Psammétique le'. Le cartouche du roi est gravé sur témoigne d'une disposition des motifs décoratifs pro-
les deux bras. Qeref est vêtu d'un long pagne et porte pre à la XXVle dynastie.
une barbe postiche en forme de cône tronqué II est Bibl H De Meulenaere Chronique d'Egypte 62 1956 p 249-
coiffé d'une perruque striée et son visage finement 256 fig 24 Egyptian Sculpture of the Late Period 700 B C to A D
sculpté se situe dans la ligne des statues idéalisées 100 The Brooklyn Museum 1960 no31
du règne de Psammétique. L'image du dieu Osiris-
Ptah-Sokaris gravée sur la face antérieure du bloc
16. Scarabée du cœur exécutée à la fin des dynasties indigènes ou au début
de l'époque ptolémaique.
Jadéite verte
L. 0.048: 1. 0.037 Inédite
Epoque sa'ïte i?)
Musée royal de Mariemont. Inv. B. 241

Représenté avec un souci naturaliste évident, le bou-


sier est sculpté dans ses moindres détails : pattes, 18. Table d'offrande
élytres ... II s'agit d'un talisman funéraire qu'on plaçait
Pierre
sur la momie dans la région du cœur. L'inscription H. 0,075; 1. 0,47; p. 0,275; h. de latranche : 0,035
gravée au revers reproduit le chapitre XXX B du Livre Epoque ptolémaïque
des Morts. Voir le commentaire du no 55. Collection privée

Bibl Antiquites du Musée de Mariemont (Bruxelles 1952) Cette table d'offrande rectangulaire, d'une facture
n O E 126 p 49-50 pl 16 soignée, est un objet funéraire à en juger d'après les
textes et la représentation qu'elle porte. Dans la
scène centrale, un personnage (un prêtre ?) tient un
petit brûle-parfum et, dans la main levée, un vase-hes
17. Statuette d'homme pour faire une libation. Le filet d'eau qui s'échappe du
vase passe au-dessus de toutes sortes d'offrandes
Basalte vert (pain, gâteaux, encens etc ...) et se termine en four-
H 019 che sur les deux mains d'un oiseau-ba dressé sur un
Vers 350-300 av J -C
Amiens. Musée de Picardie, Inv 3057/308/66
socle. Cet oiseau à tête humaine représente la "ma-
nifestation visuelle" du défunt. Derrière lui, on distin-
Le visage de cette statuette est mutilé, mais, si les gue le signe qui figure son "ombre". Des inscriptions
restaurations lui ôtent un peu de personnalité, le des- sont gravées des deux côtés de la rigole et sur la
tranche, tout autour de la table. Elles nous font
sin des joues et les cavités creusées autour des yeux
connaître, entre autres, le nom du défunt, un certain
lui donnent une expression fatiguée. La pierre est
Jahirdis (sans titre), fils de Pasherihet et de Hereret.
creusée de la même façon autour des oreilles très
nettement écartées. La coiffure s'arrondit harmo-
Inédite
nieusement sur les épaules. Sous les clavicules sail-
lantes, rendues avec un réalisme propre à la fin de la
J.Q.
Basse Epoque, sont gravées les figures de quatre
divinités : de gauche à droite, Hérishef, dieu à tête de
bélier, le dieu-crocodile Sobek portant la "double
couronne", Osiris-lty et une déesse qu'il convient 19. Stèle votive
sans doute d'identifier à Hathor. Le texte gravé sur le
Grès
large pilier dorsal donne,le nom du personnage, un
H. 0.30: 1.0.30
certain Harkhêbis, qui semble avoir exercé des fonc- le' siècle av. J.-C. - le'siècle ap. J.-C. (?)
tions sacerdotales dans le Fayoum et dans la région Collection privée
d'~érak1éopolis Magna en Moyenne Egypte. Les
deux colonnes de gauche mentionnent, en effet, So- Cette stèle, qui ne porte aucune inscription, est scul-
bek et Osiris-lty, dieux locaux du Fayoum, celles de ptée en épais relief. On y voit, à la partie supérieure,
droite, Hérishef et Osiris, dieux d'Hérakléopolis. sous le disque solaire ailé, un taureau devant lequel
D'après ces mentions et le choix des quatre divinités se trouve une table d'offrande d'une forme inhabi-
représentées sur la poitrine, il est vraisemblable que tuelle. La scène principale est constituée par un per-
la statuette provient du Fayoum, où elle a pu être sonnage - peut-être Grec, à en juger par son vête-
ment et la forme de sa tête barbue, ceinte d'un ban- dru étoffe le bas du visage énergique, couronné par
deau - en adoration devant quatre dieux à tête de une chevelure courte, traitée en petites mèches. Le
faucon. Ces éléments ne peuvent se rapporter qu'au cou est massif, les épaules sont larges et arrondies,
culte du dieu Montou. Le taureau est Boukhis, I'ani- chevilles et pieds sont épais. Biceps, muscles des
mal sacré du dieu, dont il est aussi l'incarnation. Les cuisses et des jambes transparaissent sous le man-
quatre divinités figurent Montou, qui avait quatre lieux teau qui moule étroitement le corps. Les plis obliques
de culte importants dans la région de Thèbes.Son accentuent le mouvement de marche Survivance de
image à tête de faucon est bien connue, mais la l'époque pharaonique, un pilier dorsal consolide la
représentation des quatre Montou est rare. statue

Bibl M Werbrouck. Chronique d'Egypte. 24. 1949, p 285-287 Bibl Stad Antwerpen Oudheidkundige Musea Vleeshuis Cata-
logus Vlll Egypte (Deurne-Anvers s d ). no 5. p 25 pl IV 5
J.Q.

20. Statue d'homme

Basalte noir
H O95
Fin du le' siècle av J -C -2" siecle ap J -C
Anvers, Oudheidkundige Musea, Vleeshuis, Inv 79 1 282

Aux époques hellénistique et romaine, la statuaire


égyptienne ne rompt pas avec les canons de l'art
pharaonique . au contraire, l'attitude, le matériau, le
pilier dorsal témoignent d'une grande fidélité à la
tradrtion indigène. Mais le rendu du visage et le cos-
tume évoluent Deux courants, l'un égyptien ou
égyptisant, l'autre gréco-romain, se font concur-
rence Les œuvres diffèrent de région à région et l'on
peut, sans grand risque d'erreur, parler d'ateliers,
dont les sièges les plus importants sont Alexandrie,
Tell Atrib, Kom Abou Billou, Ashmounein Les Ptolé-
mées et, après eux, les empereurs romains, aiment à
se faire représenter non seulement dans l'attitude,
mais aussi avec les coiffures et les habits des pha-
raons, leurs prédécesseurs. Cependant, peu à peu,
la tunique et le manteau grecs ou la toge romaine
remplacent le "pagne" égyptien. Au Ile siècle ap.
J -C , les statues de Benhassa et, plus tard, celles
dites de "Sheich Abade" abandonnent nombre de
caractéristiques égyptiennes.
L'homme se tient debout, dans une position large-
ment attestée dans la statuaire égyptienne
classique . jambe gauche avancée, bras droit le long
du corps, saignée du coude vers l'avant, point fermé
par-dessus les plis du vêtement. Un collier de barbe
1.4 La sculpture en calcaire peint

21. Statue d'homme assis Ce fragment a été exécuté suivant la technique du


relief dans le creux Malgré son état fragmentaire et
Calcaire peint l'anonymat du personnage qui y figure, il peut passer
H O 26. 1 0,18
Premiere periode intermédiaire
pour un petit-chef d'œuvre de l'art classique Certai-
Bruxelles Musées royaux d'art et d'histoire, Inv E 4357 nes conventions de dessin y sont illustrées de façon
évidente les motifs évitent de se chevaucher et
L'homme est assis sur un fauteuil à haut dossier dont chaque objet est représenté sous son aspect le plus
le sculpteur s'est plu à représenter les détails, caractéristique L'expression du visage répond éga-
comme les pieds en forme de pattes de taureau lement a une convention, qui veut que les personna-
Entre les pieds, sur trois côtés, sont représentés des ges aient un air sérieux, voire mécontent II s'agit ici
objets - coffret, palette de scribe, vases - qui sont d'un haut fonctionnaire qui porte, entre autres, les
censés se trouver sous le siège Le personnage est titres de "prince, trésorier du roi de Basse Egypte,
vêtu d'un pagne court blanc. II porte les cheveux conseiller unique et confident du roi" Le thème et la
courts, dégageant les oreilles, et une petite barbe technique suggèrent que le relief se trouvait à l'air
postiche La tête est traitée de façon rudimentaire et libre peut-être décorait-il un petit mur bas qui
se dégage maladroitement des épaules. Les deux contournait la tombe du trésorier à la manière des
bras sont posés sur les genoux, les poings serrés "banquettes" de certaines tombes de Saqqarah. Le
verticalement sur un linge cette attitude n'est pas style nous invite a le dater soit de la VIe dynastie, soit
courante La polychromie accentue le réalisme Les de la XIIe Le trésorier est vêtu du pagne court tradi-
yeux noirs et blancs ont un regard fixe La couleur tionnel et paré d'un large collier II porte une perruque
foncée de lapeau est conventionnelle Les taches sur mi-longue qui dégage l'oreille Ce trait ne se rencon-
les vases cherchent sans doute à évoquer la pierre tre pas avant la VIe dynastie, mais aucun élément ne
Le siège lui-même est peint comme si l'on avaitvoulu permet de préciser davantage la date du fragment
imiter la peau d'un animal.
Inédit
Bibl B van de Walle L Limme H De Meulenaere Musees
royaux d'art et d'histoire La collection egyptienne Les etapes
marquantes de son developpement (Bruxelles 1980) p 63 n032

23. Père et fils

Calcaire
H. 0.17; 1. 0,105: p. 0,085
Moyen Empire
Collection privée
22. Fragment de bas-relief
La tendresse d'un homme pour son fils bien-aimé est
Calcaire
H O48 l O70 suggérée ici par le geste plein de pudeur des mains
VIe ou XIIe dynastie qui se croisent. Ce geste d'affection contraste avec
Collection privée les conventions de la sculpture : la simplicité de la
représentation frontale, d'une part, l'attitude raide, L'intendant du trésor Kherty et son épouse Ouabet
solidaire du pilier dorsal, d'autre part. Seul le père ont fait sculpter cette table et l'ont fait déposer dans
esquisse du pied gauche un pas vers l'avant. Le leur tombe pour y recevoir les offrandes (cf. le no 18).
jeune garçon est nu et porte la mèche bouclée sur le Un pain et deux vases sont symboliquement repré-
côté du crâne rasé. La structure très marquée des sentés en relief au centre de la cuvette rectangulaire
visages et le pagne du père, croisé sur la poitrine, classique. Tout autour court une invocation aux dieux
sont caractéristiques du début du Moyen Empire. Anubis et Osiris pour qu'ils assurent aux défunts les
aliments nécessaires à leur subsistance. Le canal
Inédit d'écoulement sert à l'évacuation de l'eau des Iiba-
tions.

24. Table d'offrande


Bibl M Malaise, Antiquités égyptiennes et verres du Proche-
Calcaire Orient ancien des Musées Curtius et du verre à Liège (Liège,
L 0.375; 1 0,26, ép 0,09 1971) no 6. p 47
Moyen Empire
Liège, Musée Curtius, Inv 1/632
dans ce document, c'est l'apparence du maître qui
porte la longue robe empesée du vizir alors qu'il est
coiffé d'un uraeus, attribut essentiellement royal. No-
tons toutefois que l'uraeus est taillé en faible profon-
deur. C'est le cas aussi des rayons solaires dirigés
vers le personnage, qui sont un autre privilège royal.
II est évident que ces éléments, uraeus et rayons
solaires, ont été ajoutés sur une stèle appartenant à
un vizir qui serait devenu pharaon; peut-être s'agit-il
du roi Ai', qui fut le successeur de Toutankhamon,
après avoir été d'abord fonctionnaire d'Akhénaton.

Bibl. : M. Werbrouck, Une stèle égyptienne du temps d'Akhéna-


25. Relief du roi Aï (?) ton. dans Bulletin des Musées royaux d'art et d'histoire, 4esérie,
nos4-6. juillet-août 1947, p. 80-82, fig.
Calcaire
H 0 2 1 . 1 O245
XVIIIe dynastie (époque amarnienne)
Bruxelles, Musée royaux d'art et d'histoire, Inv E 7651

Le monument est taillé en creux dans un calcaire de


teinte rose. La profondeur du creux est caractéristi-
que des reliefs de I'époque amarnienne, de même
que le disque solaire aux rayons terminés par de 26. Oushebti de Nebnefer
petites mains et le crâne déformé du personnage
Calcaire
principal. La scène nous introduit dans la vie privée H O26
de cette époque : un homme, en robe de vizir, est Nouvel Empire
assis sur une chaise à haut dossier placée dans une Amiens. Musée de Picardie, Inv 3057/326/84
sorte de pavillon. II tend les mains vers l'avant. Sous
un auvent, un autre personnage, qui doit être un Le chapitre VI du Livre des Morts qui est gravé sur la
serviteur, lui présente des objets. On pourrait y re- statuette définit le rôle que l'on attend d'elle : "si un
connaître les récipients qui servaient à se laver les tel est requis pour faire une corvée ... 'Présent' diras-
mains : de la main droite, le serviteur incline un long tu". Cette figurine magique, vêtue d'un linceul, porte
vase tandis que, de la main gauche, il maintient une une houe dans chaque main et un sac sur le dos; elle
cuvette pour recueillir l'eau. II porte peut-être une doit remplacer le défunt pour exécuter les tâches
serviette dans la même main, à moins que ce ne soit pénibles qui lui seraient imposées dans l'Au-delà.
le fond du vase. Les stèles privées sont assez rares à Les statuettes de ce type sont apparues dans les
l'époque amarnienne où le thème du culte du disque tombes dès le Moyen Empire. Elles étaient déposées
solaire Aton par la famille royale remplace la vénéra- dans de petits sarcophages et, plus tard, multipliées
tion des dieux par les particuliers. Ce qui est singulier
Abydos, appartient à l'artisan et scribe royal Nebne- tion et un expressionnisme un peu naif, qui sont
fer. Elle est rehaussée en plusieurs endroits de pein- propres à I'art copte : toute l'importance est donnée
ture rouge et bleue. au visage, et plus particulièrement aux yeux démesu-
rés alors que le corps est sculpté sans fini ni souci de
Inédit réalisme

Bibl K Parlasca. Der Ubergang von der spatromischen zur


fruhkoptischen Kunst im Lichte der Gragreliefs von Oxyrhynchos,
dans Enchoria, 8 1978, pl 40

27. Stèle funéraire Pieces de comparaison Bulletin des Musees royaux d art et d'his-
toire 6e serie 43-44 1971-1972, p 122 no 1 M Rassart-
Calcaire Debergh Antiquites romaines et chretiennes d3Egypte(Bruxelles,
H O 83 1 0,36 1976) n 0 3 p 16-17
Epoque copte M R -D
Musee royal de Mariernont, Inv Ac 7211

Dans une niche trapézoïdale au sommet arrondi est


figuré, debout, un personnage masculin qui lève le
bras droit en un geste de prière et serre dans la main
gauche, ramenée à la taille, une couronne mortuaire.
Une bulla est suspendue à son cou. Sa tunique est
rendue à grands traits : le tissu tombe lourdement,
strié de gorges qui doivent en rendre le plissé; le
corps se distingue à peine : on devine seulement le
genou gauche plié qui imprime un léger mouvement
à ce lourd et roide vêtement. Le visage du défunt a été
rendu avec plus de précision. L'ensemble est
massif : le cou robuste, les traits lourds, la face arron-
die, les yeux grands et globuleux, les oreilles légère-
ment décollées (mais il peut s'agir ici d'une conven-
tion de sculpteur, afin de bien mettre en évidence le
dessin de l'oreille, autrement invisible).
La chevelure, aux mèches épaisses, tombe sur le
front. Sous la représentation figurée, une inscription
mentionne le nom du défunt et son âge, deux ans. On
remarquera que l'aspect donné à la sculpture ne rend
pas exactement cet âge : l'expression est celle d'un
jeune adolescent plutôt que celle d'un tout petit en-
fant.
Ce relief provient de Benhassa, dont les ateliers se
montrent particulièrement sensibles aux réminiscen-
ces de I'art romain. Leurs plus anciennes productions
en demeurent proches : les visages sculptés suppor-
tent la comparaison avec les portraits funéraires
peints (cf. le no 114); le rendu desvêtements évoque,
en plus schématique, certaines œuvres de la sta-
tuaire officielle. L'exemplaire présenté ici relève
d'une phase postérieure, où se révèlent une stylisa-
1.5 La peinture murale

28. Fragment de peinture murale murs étaient enduits de pisé ou de pisé-mortier qui
permettait de masquer les imperfections des surfa-
Stuc peint ces à décorer, puis d'une fine couche de stuc ou de
H. 0,29; 1.0,33
XVllle dynastie
plâtre sur laquelle était peint le décor. Ce fragment est
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv E 7962 un petit exemple des innombrables chefs-d'œuvre
peints de la région thébaine.
Un cortège de funérailles, dont on ne voit qu'une
Le choix de la peinture ou du relief pour la décoration partie, se dirige vers le désert pour conduire un dé-
d'une tombe dépendait uniquement de la qualité du funt dans sa tombe. II reste sur le fragment deux des
support. II se fait qu'à Thèbes, capitale du Nouvel porteurs du naos qui sont suivis d'un groupe de six
Empire, les parois des tombes se prêtaient mal à la hommes dans une attitude de deuil caractéristique.
taille et aux décorations en relief. C'est pourquoi les Les six personnages sont vêtus d'un pagne blanc,
au- dessus duquel est passée une robe de fin lin
transparente nouée autour du cou. Les lignes de
contour, tracées rapidement et sans retouche,
contrastent avec le fond bleuté, typique du Nouvel
Empire. Les hommes portent une chevelure courte
arrondie, peinte en noir, tandis que les prêtres funé-
raires qui transportent le défunt ont le crâne rasé et le
torse nu.

Bibl M Werbrouck, Un groupe de deuillants à la XVIII" dynastie,


dans Chronique d'Egypte 45, 1959, p 203-207
2. Letravail du bois

Evoquer le travail du bois dans la société égyp- poutres grossières;


tienne est une entreprise difficile en raison des lacu- - le palmier-doum (Hyphoene thebaica), ou mg m8,
nes de la documentation Celle-ci est cependant plus plus dur et plus compact, employé dans la charpente-
riche qu'on ne pourrait le penser à première vue. Une rie et la grosse menuiserie;
quantité notable d'objets en bois a été conservée - le sycomore (Ficus sycomorus), ou nh.t, dont on
grâce au climat sec de I'Egypte Ils nous renseignent fait des cercueils, des statues ... et qui est aussi utilisé
sur les essences utilisées et sur le mode d'assem- dans la fabrication de bateaux;
blage des ais. Des outils et des modèles réduits - le tamaris (T. nilotica et T. articulata), ou fsr, bois le
d'outils sont également parvenus jusqu'à nous, de moins coûteux, dont on fait des coffrets, des sièges,
même que des modèles d'ateliers et d~versesrepré- des manches d'outils ...;
sentations d'artisans au travail. Le bois joue un rôle - le jujubier (Zizyphus spina Christi), ou nb.s, dur et
déterminant dans l'économie égyptienne dès les résistant, qui fournit un bon bois de menuiserie, quoi-
temps préhistoriques. II procure notamment le char- que sa taille ne permette pas d'obtenir des planches
bon de bois indispensable à la métallurgie II fournit de longueur notable;
les éléments structurels de l'architecture domesti- - le persea (Mimusops Schimperq, ou zwb, le saule
que II permet, enfin, le développement de la scul- (Salix safsaf), ou K t , le peuplier et l'amandier.
pture en bois. Celle-ci, à la suite de la démocratisation
des coutumes funéraires au Moyen Empire, est sou- Les essences sont donc moins rares en Egypte à
vent utilisée comme substitut de la sculpture en l'époque pharaonique que de nos jours, mais elles ne
pierre plus coûteuse. Dans les pages qui suivent, on fournissent pas toujours des planches de bonne qua-
trouvera, après un catalogue sommaire des essen- lité ou assez larges. Cela obligea très tôt à importer de
ces attestées, une liste des outils employés et des meilleures espèces et à en organiser le commerce.
techniques mises au point par le charpentier, le me- La plupart des essences importées provenaient de
nuisier et le sculpteur, ainsi que quelques aspects de Syrie et des régions avoisinnantes. L'ébène venait du
la vie de ces artisans du bois Soudan. Les bois importés sont mentionnés dans les
textes égyptiens. Malheureusement, il n'y a que
Les essences et leurs utilisations quelques noms qui aient été identifiés jusqu'à pré-
Les essences utilisées par les Egyptiens ont pu sent. Néanmoins, grâce aux objets conservés, on sait
être identifiées par l'observation microscopique des que, dès l'époque prédynastique, I'Egypte importe
objets retrouvés (1) Elles comportent des essences - l'ébène (Dalbergia melanoxylon), ou hbny (3),
locales et des essences importées. Celles-ci nous bois favori, mais aussi le plus coûteux, qui est em-
sont également connues par des représentations ployé pour la fabrication de cercueils, de statues, de
d'arbres figurant sur les parois des tombes et des meubles de luxe, ainsi que du mobilier destiné à
temples. Les plus employées semblent avoir été l'exportation ;
- l'acacia (Acac~anilotica), appelé bnb (2) en égyp- - le cèdre (Cedrus Liban;), bois facile à travailler et
tien, bois imperméable, qui sert notamment dans la résistant aux termites, recherché pour la construction
construction navale; navale et pour le mobilier;
- le palmier-dattier (Phoen~xdactylifera), ou bnr.t, - le genévrier (Juniperus Phoenica), ou wcn, et le
de texture fibreuse, qui se prête à la fabrication de cyprès (Cupressus sempervirens), appréciés dans
l'ameublement funéraire (sarcophages,coffres...). calotte percée d'une cavité dans laquelle le manche
Au Nouvel Empire, les artisans égyptiens em- de l'outil vient s'emboîter (cette pièce hémisphérique
permet à l'ouvrier de diriger et de maintenir la mè-
ploient également
che);
w - le frêne (Fraxinus excelsior) pour la réalisation - le ciseau ou mno, fait d'une lame ou d'une pointe
d'arcs et de chars;
w - le buis (Buxus sempervirens) dans la production de métal insérée dans un manche de bois;
- le marteau (no5) en forme de maillet ou de massue
du mobilier;
- le chêne (Quercus Cerris), l'orme (Ulmus cam- allongée;
pestrjs), le sapin (Abies cilicica), ou -8. - I'herminette (nos 3 et 4) ou &nt, composée d'un
A l'époque ptolémaïque sont introduits manche de bois auquel est fixée, perpendiculaire-
- le hêtre (Fagus sylvatica) et le limonier (Tilia euro- ment à son axe, une lame plate;
- la scie, du type "scie à tirer", appelée &sw ou tf,
paea) ;
: on a également des traces d'utilisation de charmes consistant en une lame à bord dentelé emmanchée
(Carpinus betulus), d'érables (Acer campestre), de dans une courte poignée de bois;
pruniers (Prunus domesticus), d'ifs (Taxus baccata), - la coudée, l'équerre, le niveau et le fil à plomb.
de caroubiers (Ceratonia siliqua), de l'arbre mrw, es- II ne semble pas que les Egyptiens aient utilisé la lime
sence qui n'est pas encore identifiée. ou le rabot. Pour lisser, ils recourent à I'herminette ou
à une pierre. L'usage du tour à bois à été suggéré;
mais est improbable (5) : il ne paraît pas, en tout cas,
Les outils et le travail du bois avoir été en usage en Egypte avant une époque très
La technique du bois se développe très vite, dès tardive (6).
les premières dynasties, à l'apparition de l'outillage Après avoir été convenablement séché, le bois est
de cuivre. Jusqu'au Moyen Empire, les outils en équarri à la hache et débité en planches à la scie. La
bronze sont employés et ce n'est qu'à l'époque grec- manière dont les Egyptiens scient le bois mérite
que que l'on utilisera les outils de fer. Les outils du d'être relevée. En effet, s'ils maintiennent les petites
menuisier, du charpentier et de l'ébéniste égyptiens pièces de bois verticalement, à la main, ils attachent
nous sont connus sous forme de représentations les madriers à un pieu debout, fixé au sol, et scient
figurées sur les parois des tombes et sur des sarco- dans le sens de la hauteur. L'herminette leur sert à
phages du Moyen Empire. II s'agit peut-être de met- polir et le maillet à enfoncer le ciseau dans le bois à
tre à la portée du défunt des outils permettant la sculpter ou à perforer. Les pièces de bois, dont les
réparation de son mobilier dans l'autre monde. En bords sont taillés avec soin pour s'ajuster exacte-
outre, un heureux hasard nous a conservé des exem- ment, sont assemblées de diverses manières (7). La
plaires de presque tous les outils en usage, ainsi que fixation se fait au moyen d'un lien de cuir, d'étoffe,
des coffres contenant des séries plus ou moins com- d'une bande de cuivre, de chevilles de bois ou
plètes de ces différents instruments. On trouve éga- d'ivoire. Ce dernier mode d'assemblage est l'un des
lement, dans les dépôts de fondation des temples, plus appréciés du charpentier, du menuisier et de
des modèles réduits d'outils destinés peut-être à l'ébéniste égyptiens, bien qu'ils sachent également
sanctifier l'œuvre des instruments ayant servi à la clouer. Ces artisans liaisonnent aussi leurs bois à
construction de l'édifice. I'aide de tenons et mortaises, par clefs à clavettes,
Ces outils sont : par queues d'aronde. Ils utilisent de la colle extraite
-la hache, appelée mnlb(4), en égyptien, consti- des os, des peaux, des cartilages et des tendons
tuée d'une lame de métal martelé ou coulé, arrondie d'animaux.
en demi-cercle et fichée dans un manche de bois; Les Egyptiens savent donner à une branche la
- le foret (no6) composé de trois éléments indépen- courbure qu'ils désirent. Pour ce faire, ils lachauffent,
dants : une mèche ou htyt, pointe de métal encastrée l'écorcent, l'attachent à un pieu fixé dans le sol et la
dans un manche de bois; un archet, ou wnt, morceau plient à I'aide d'une barre auxiliaire qui sert de levier.
de bois incurvé en arc et muni d'une cordelette; une Cependant, ils mettent aussi à profit le profil naturel
du bois. Les branches fourchues servent, par exem- voir S A B Mercer, The Tell-el-Amarna Tablets, I (Toronto,
ple, à tailler les attaches angulaires renforçant le ca- 1939), p 17,49, 183
(4) Voir les noms égyptiens des outils pour travailler le bois dans
dre des sièges. Les pièces noueuses ne sont pas Jequier, O c (v bibl ), p 271-278
rejettées non plus. Les parties défectueuses sont (5) G A Wainwright, Turnery etc from Washim and Gerzah, dans
coupées et remplacées par des bouchons de bois Annales du Service des Antiquités de I'Egypte, 25, 1925, p
colorés. Dès la le dynastie, les artisans plaquent des 116
(6) La première représentation du tour a bois connue lusqu'à
lames de bois précieux sur des essences moins no-
présent date de l'époque de la Deuxieme Domination Perse
bles. A partir de la même époque, ils font de la mar- G Lefebvre, Le Tombeau de Petosiris (Le Caire, 1924), pl X
queterie, autre procédé économique; le plus sou- (7) Les Egyptiens emploient un seul mot rnnb pour désigner le
vent, ils combinent l'ébène et I'ivoire (no37), mais au travail de l'orfèvre, celui du menuisier et celui du charpentier
Nouvel Empire, ils utilisent aussi des incrustationsde Lallemand, o. c (v bibl ), p 84
(8) P Montet, La vie quotidienne en Egypte au temps des Ramses
pierres de couleur, de "faience" ou de verre opaque. (Paris, 1977), p. 157 Bien que les Egyptiens distinguenttermi-
Ils stuquent et peignent le bois ou le recouvrent d'une nologiquement le charpentier du sculpteur, il ne semble pas
feuille d'or et d'argent. qu'il y ait une étroite spécialisation des artisans du bois Ceci
est confirmé notamment par une tablette qui énumere les
A travers toute I'histoire égyptienne, les illustra- objets produits par le sculpteur. portes, statues, lits, boites,
tions ne manquent pas pour évoquer les ateliers d'ar- coffres, . , A H Gardiner, Ancient Egyptian Onornastica, I
tisans du bois. Ces représentations nous les mon- (Oxford, 1947), p 65-67
trent par petits groupes, effectuant les différentes
étapes du travail du bois. On peut se demander si Bibliographiesommaire
tous les métiers sont mélangés dans un seul local et
C Aldred, Fine woodwork, dans History of Technology, I (Oxford,
si. dans les ateliers disposés les uns à côté des 1954), chap XXV.
autres, les artisans se passent le même objet jusqu'à H S Baker, Furniture in the Ancient World Origin and Evolution,
son achèvement ? Ou bien si un même artisan pos- 3100-475 B C (Londres, 1966), p 292-310.
sède plusieurs techniques, comme le suggère l'un W Boerhave-Beekrnan, Hout in alle tijden, I (Anvers, 1949), p
399-578
d'eux sur sa stèle où il se vante d'exceller dans tous G Jéquier, Les frises d'objets de sarcophages du Moyen Empire
les matériaux depuis l'argent et l'or jusqu'à l'ivoire et (Memoires publiés par les membres de l'Institut français d'archéo-
l'ébène (8). De toute manière, la production est ano- logie orientale du Caire, Le Caire, 1921), chap. V
nyme et l'atelier travaille pour la gloire d'Amon, du G Killen, Ancient Egyptian Furniture, 1 4000-1300 B C (Warmins-
vizir ou du prophète. ter, 1980), p 1-22.
H Lallemand, Les assemblages dans la technique égyptienne et le
sens originel du mot menkh, dans Bulletin de I'lnstrtut français
d'archéologie orientale, 21, 1922, p. 77-98
A Lucas et J R Harris, Ancient Egyptian Materials and Industries
(Londres, 1962), p. 429-448.
J Vercoutter, art Bois, dans Dictionnaire archéologique des tech-
niques, I (Paris, 1963), p 162-166
(1) Pour faire l'expertise du bois, il faut toulours recourir a I'obser-
vation microscopique, ce qui n'a pas encore éte entrepris sur
une grande échelle par les musees
(2) Voir les noms egyptiens du bois dans A Errnan et H Grapow,
Worterbuch der agyptischen Sprache (Leipzig, 1925-1931) et
dans A Wenzel, Die Formen der altagyptischen Liege- und
Sitzmobel und ihre Entwicklung bis zum Ende des Alten Rei-
ches (Heidelberg, 1939)
(3) Le mot grec ebenos dérive du mot egyptien Echangé contre
des produits égyptiens, I'ebene est importe de Pount et du
Soudan et réexporté sous forme de produits finis Les meubles
d'ébène sont des articles d'ex~ortationtrès a ~ ~ r é c i a e toutes
s
les époques de l'histoire égyptienne eu; importance est
d'ailleurs clairement exorrmée dans des tablettes cunéiformes
trouvées à Tell el-~ma'rnaet énumérant le mobiler envoyé à
des rois étrangers par les pharaons Aménophis III et son fils
2.1 La sculpture du bois

29. Modèle de brasserie la bière. Cette boisson, en Egypte, est faite avec de
l'eau, des pains et un liquide parfumé à base de
Bois stuqué et peint dattes. Pour l'obtenir, on prépare d'abord la pâte, que
0,42 x 0,22
l'on verse dans des moules brûlants dans lesquels
Transition Moyen Empire
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 7522 elle ne reste pas longtemps, car elle doit demeurer
crue à l'intérieur. Ces pains peu cuits sont ensuite
Les modèles de bois représentant des scènes de la émiettés dans une cuvette et mélangés au liquide à
vie quotidienne se multiplient dans les tombes de la base de dattes. Après cela, on brasse et on filtre.,Le
Première Période Intermédiaire et au Moyen Empire. liquide fermenté est alors transvasé dans des jarres
Celui-ci montre quatre hommes et trois femmes, en terre cuite, bouchées au moyen d'une coupelle et
sommairement taillés, affairés autour de divers réci- d'un bouchon conique en argile.
pients. Tous ces ouvriers sont occupés àfabriquer de I I est difficile de déterminer avec exactitude la nature
précise des tâches représentées sur le modèle. Un L'homme porte une calotte et un pagne court et tient
des hommes apporte de l'eau; un autre du bois; deux dans la main droite une canne qui, fait exceptionnel, a
femmes semblent occupées à écraser du grain dans été conservée. L'attribut qu'il portait dans l'autre main
une auge; tous les autres personnages sont penchés est perdu. II s'agissait probablement d'une pièce
vers des récipients disposés devant eux. Le matériel d'étoffe. La statuette était autrefois recouverte de
nécessaire à la fabrication de la bière est complété stuc. Des traces de peinture noire sur l'œil droit per-
par un four, un vase avec tamis et deux jarres à mettent de supposer que le visage et peut-être d'au-
bouchon conique. tres parties du corps étaient rehaussés de détails
peints, qui devaient compenser I'impression de lour-
Bibl. : Drinken in het verleden. Tentoonstelling ingericht door het deur créée par la raideur des membres et surtout la
Stadsbestuurvan Leuven, 9 juni-5 augustus 1973, p. 51, no 1.
disproportion des mains.
Cette statuette reproduit l'attitude du célèbre "Cheik
el-Beled", contemporain du roi Chéops, et conservé
au Musée du Caire. Les attributs sont ceux d'un
dignitaire, probablement de rang inférieur, étant don-
née la taille réduite de l'œuvre. A l'Ancien Empire,
30. Modèle de bateau seuls les hauts fonctionnaires appartenant à I'entou-
rage du roi pouvaient se permettre d'avoir des sta-
Bois sculpté et peint
H. 0,27; L. 0,92; 1.0,12 tues. Au Moyen Empire, cette faculté s'étendit à toute
Moyen Empire une classe de nouveaux riches, qui ornaient la cha-
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 7519 pelle de leur tombe de statues souvent assez gran-
des. Les gens plus modestes s'en faisaient faire éga-
Penchés en arrière, les genoux légèrement fléchis, lement, quoique de plus petites dimensions, comme
les bras tendus, les matelots propulsent I'embarca- c'est le cas ici.
tion sur le fleuve. Le pilote est assis à la proue et
commande la manœuvre exécutée par l'homme qui, Bibl. : J. Vandier, Manuel d'archéologie égyptienne, III. Les gran-
assis à l'arrière, tient le gouvernail. La cadence est des époques, La statuaire (Paris, 1958), p. 229.
donnée aux rameurs par le marin debout qui leur fait
face. Les rehauts de couleur accentuent I'impression
de vie. Les marins sont vêtus d'un pagne blanc et
coiffés d'une chevelure noire coupée court. Si les
figurines sont grossièrement ébauchées, en revan-
che, leurs yeux sont parfois peints avec beaucoup de
soin. Ces embarcations étaient souvent déposées Bois peint
dans les tombes, durant la Première Période Intermé- H. 1,82; 1.0,435
XIXe dynastie
diaire et le Moyen Empire, pour donner au défunt la Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 6878
possibilité de naviguer dans l'autre monde.
Cette planche sculptée et peinte est faite de plusieurs
Inédit éléments qui ont été assemblés par des chevilles,
soigneusement masquées avant d'y apposer la cou-
che de peinture; les pieds arrachés laissent parfaite-
ment voir la technique de fabrication. Elle était direc-
31. Statuette de dignitaire tement posée sur le corps momifié. Le riche égyptien
qui s'y est fait représenter en costume de vivant est le
Bois
H. 0,255; socle : 0,235 x 0,010 "scribe de la Place de Vérité", Kha'i. II a les bras
Moyen Empire étendus et les deux mains posées à plat sur les
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 787 cuisses. II est vêtu d'une belle robe blanche en lin fin
entièrement plissée, à manches courtes. Un grand
châle, dont le pan frangé à l'extrémité retombe sur le
devant, est noué autour des hanches. Khaï est paré
de nombreux bijoux. Son visage est encadré par une
coiffure à pans, typiquement ramesside, décorée
d'un bandeau de perles ou de fleurs pourvu en son
centre d'une fleur de lotus épanouie. Le scribe porte
une petite barbe postiche. Son visage fin et ses yeux
sont peints en noir, mais il ne s'agit pas d'un véritable
portrait : ce genre de «couvercle-planche,, était très
certainement réalisé en série à l'époque.

Bibl. : M. Werbrouck, La collection Léopold II, dans Bulletin des


Musées royaux d'art et d'histoire, mai-juin 1935, p. 66.

33. Statuette de femme agenouillée

Bois et stuc peint


H. 0,43
Basse Epoque ou époque ptolémaïque
Compiègne, Musée Vivenel, Inv. V 724

Gracieusement agenouillée dans I'attitude propre


aux déesses Isis et Nephthys quand elles assistent à
la préparation de la momie ou encore dans l'attitude
de certaines pleureuses, cette femme devait porter
sur la tête une couronne aujourd'hui disparue. La
statuette a été réalisée en plusieurs parties. Le socle
est pourvu d'une cavité rectangulaire dans laquelle la
figurine est fixée par l'intermédiaire d'un tenon. La ces de stuc et de peinture apparaissent à plusieurs
pointe des pieds a été taillée dans le même bloc que endroits du socle.
le socle et la jonction avec le reste du corps est
parfaite. Enfin les bras ont été exécutés en deux Inédite
parties assemblées par tenons et mortaises. Des tra-
34. Figurinefunéraire

Bois stuqué et peint


H totale : 0,715; socle . h. 0,094; 1 0,158; p. 0,40;reliquaire :
h. 0,08; 1.0,11
Epoque tardive
Amiens, Musée de Picardie, Inv 3057/164/24

Cette statuette momiforme, fixée sur un socle plein,


représente le dieu funéraire Ptah-Sokar-Osiris. La
tête, coiffée de la perruque longue tripartite, est sur-
montée d'une couronne composée de cornes de
bélier, du disque solaire et de deux plumes d'autru-
che. Les bras sont invisibles. Le devant est orné d'un
large collier et d'une colonne verticale d'hiérogly-
phes. Le titre du personnage fait supposer une ori-
gine panopolitaine. La décoration sur le socle se
compose de signes-ankh flanqués de deux sceptres-
ouas sur des corbeilles-neb. Un petit reliquaire de-
vant la figurine est surmonté d'un faucon couché. La
boîte est pleine et décorée de piliers-djed surmontés
d'un soleil.

Inédite

Pièces de comparaison M.J. Raven, Papyrus-sheaths and Ptah-


Sokar-Osiris statues, dans Oudheidkundige Mededelingen uit het
Ri~ksmuseumvan Oudheden te Leiden, 59-60, 1978-79, p 251-
296.

J.Q.
2.2 Le mobilier

35. Tabouret à pieds ronds

Bois
H. 0.45; 1 0,445
XVllle dynastie
Leiden, Rijksmuseum van Oudheden, Inv. H.550

Un cadre formé de quatre lattes incurvées et assem-


blées en onglets constitue le siège du tabouret. Une
peau, dont il ne subsiste que quelques fragments, y
était fixée. Le cadre est porté par quatre pieds cylin-
driques. Au tiers inférieur de leur hauteur, ces pieds
présentent un étranglement, puis un élargissement
qui se poursuit jusqu'à la base. Le tabouret est
consolidé par quatre barres horizontales. Les diffé-
rents éléments sont probablement assemblés par
tenons et mortaises. Une inscription figurant sur les
quatre pieds fournit le nom du propriétaire,
Perpa(re'), fils d'lmi, connu à laXVIIIe dynastie.
L'origine du tabouret à pieds ronds reste à préciser,
bien que l'on ait quelques indications à ce sujet. En
effet, ce siège est représenté notamment sur un
sceau-cylindre accadien (vers 2400-2300). Sur les
sceaux babyloniens (vers 1900- 1700), il apparaît si
fréquemment qu'on est tenté de penser qu'il est un
des sièges les plus généralement utilisés en Asie
antérieure à cette époque. En Egypte, on n'a pas de
trace de ce type de tabouret avant la XVIIe dynastie; il
est probable qu'il y a été adopté au cours de la Deu-
xième Période Intermédiaire. D'après les représenta-
tions figurées, il semble avoir été peu employé avant
la période amarnienne. Jusqu'alors, il est essentielle-
ment utilisé par des hommes; mais, à partir de ce
moment, il est mis à la mode par le reine Nefertiti et
les femmes l'emploient volontiers. sche Museum van Oudheden te Leyden, II (Leiden, 1896), pl.
LXXIV: P.A.A. Boeser, Catalogus van het Rijksmuseum van Oud-
heden te Leiden (Leiden, 1907), p. 174.
Bibl : C. Leemans, Description raisonnée des rnonurnens égyp-
tiens du Musée d'Antiquités des Pays-Bas à Leide (Leiden, 1840),
p. 97: C. Leemans, Aegyptische monumenten van het Nerderland- M.-C.B.
36. Chevet la tête, comblées d'une pâte noire. La tête elle-même
est décorée de trois triangles d'ivoire, tandis que la
Bois pupille de l'œil du canard, petite et circulaire, tranche
H O 17; base 0,21 x 0,08
Nouvel Empire (7)
par sa couleur noire au centre d'un cercle d'ivoire.
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'h~stoire.Inv E 2406 L'adresse de I'artisan se remarque surtout dans
l'exécution du couvercle de forme ovale, qui pivote
Ce chevet ou appui-tête est composé de trois parties autour d'un rivet (moderne) et était maintenu fermé à
assemblées à l'aide de tenons et de mortaises : un l'autre extrémité par deux autres rivets (d'ivoire) liés
socle rectangulaire, un pied en forme de vase posé au moyen d'une petite corde. Le décor marqueté, où
sur une sellette et une pièce incurvée pour recevoir la alternent des bâtonnets d'ivoire et de bois, semble
tête. imiter une feuille.Le bord du couvercle est couvert de
L'usage du chevet comme oreiller est attesté en triangles comme le bord du récipient, qui comprend
Egypte dès les premières dynasties. On en trouve en outre une rangée de rectangles de bois et d'ivoire.
une grande variété de formes. Utilisé par les vivants, il Par souci de réalisme, les pattes de l'animal ont été
est placé à la tête du lit et muni d'un coussin qui doit le représentées en léger relief sous la boîte.
rendre plus confortable. Mais il fait aussi couramment
Bibl. . C Leernans, Description raisonnée des monumens égyp-
partie du mobilier funéraire. Les Egyptiens le dépo- tiens du musée des antiquités des Pays-Bas à Leide (Leiden,
sent près de la tête du défunt ou sous elle, car il est 1840). H 565; P A.A. Boeser, Catalogus van het Rijksmuseumvan
essentiel pour sa renaissance comme le laisse en- Oudheden te Leiden (Leiden, 1907), E XXVI, no 1.
tendre le chapitre CLXVl du Livre des Morts : le dé-
funt, considéré comme endormi, est assuré que sa
tête sera élevée vers l'horizon; Ptah renversera son
ennemi et, grâce au chevet, sa tête ne ne lui sera plus
jamais enlevée.

Inédit
38. Boîte à fard

Bois
H. 0,075; avec le stylet : 0,165
Nouvel Empire
37. Canard Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 6367

Bois et ivoire
L. 0,21
Si les Egyptiens se fardaient les yeux, ce n'était pas
Nouvel Empire uniquement par coquetterie. Le kohol que l'on a
Leiden, Rijksmuseurn van Oudheden, Inv. AH 149 trouvé dans le fond de certains récipients analogues à
celui-ci, servait avant tout à protéger les yeux des
Les objets les plus somptueux étaient rehaussés effets nocifs du soleil et des infections. C'est à cette
d'incrustations de bois d'essences diverses, d'ivoire, fin qu'il était appliqué sur le contour des yeux et sur
de verre ou de pierres précieuses et semi- les cils, tandis que le tracé des sourcils et les coins
précieuses ou, plus rarement, recouverts de feuilles des yeux étaient accentués et prolongés au moyen
d'or. Ce récipient en forme de canard qui, sans doute, d'un produit vert, peut-être à base de malachite pul-
a servi de boîte à fard, est réalisé en trois parties, vérisée. L'étui à kohol était, à l'origine, un petit vase
chacune décorée d'une espèce de marqueterie de sphérique en pierre, mais, sous le règne de Toutmo-
bois plus foncé et d'ivoire. La jonction entre le cou du sis III, il est remplacé petit à petit par un étui cylindri-
canard et la boîte est masquée par l'adjonction d'une que en pierre ou en bois. Dans les représentations
pièce d'ivoire que I'artisan s'est plu à creuser de des tombes de cette époque, on voit apparaître des
lignes circulaires de dimensions décroissantes vers servantes de type syrien offrant à leur maîtresse l'étui
avec le stylet. Nous avons ici une version élaborée du
classique étui à kohol cylindrique; il a contenu des
fards de plusieurs couleurs.

Bibl. : Chronique d'Egypte, 10, juillet 1930, p. 192

39. Cuiller en forme d'oryx

Bois
H. 0,08; 1. 0,195
XVllle dynastie
Anvers, Oudheidkundige Musea. Vleeshuis, Inv. 79.1.277

Prisonnier des liens noués autour de ses pattes,


l'oryx est couché pour le sacrifice rituel. Le volume
arrondi du corps s'étire vers la tête dans un gracieux
mouvement du cou accentué par la ligne ondulée qui
représente les cornes de l'animal. Elle vient délicate-
ment toucher l'épine dorsale de I'oryx. Certaines par-
ties du corps sont rehaussées de couleur rouge et
noire. La partie arrondie du corps de l'animal est Les Egyptiens portaient couramment des perruques
creusée au revers en forme de cuilleron, qui donne à faites de crins de cheval, qui demandaient des soins
l'objet sa véritable fonction. Les cuillers de ce type constants. C'est à cette fin qu'ils utilisaient des pei-
servaient tantôt d'objets de culte, tantôt d'objets de gnes de bois aux dents espacées. Selon que ces
toilette. dents sont taillées d'un côté de la partie centrale ou
des deux côtés, on parle de peigne simple ou double.
Bibl. : C. De Wit, Stad Antwerpen. Oudheidkundige Musea. Vlees-
huis. Catalogus, VIII. Egypte (Deurne-Antwerpen, s.d.), p. 46, no
Le peigne exposé est du type simple. Deux rainures
219. ornent la partie centrale que surmonte une figurine
d'antilope ajourée. La maîtrise avec laquelle l'artiste a
su représenter le mouvement de l'animal qui se re-
lève est admirable. Remarquons toutefois qu'il était
tributaire d'une très ancienne tradition qui se mani-
40. Peigne feste déjà dans l'iconographie des tombes memphi-
tes de l'Ancien Empire.
Bois
L. 0,055
Nouvel Empire Inédit
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 1840
41. Pied de meuble

Bois
H 0,36; socle : 0,12 x 0,08
Epoque tardive (?)
Amiens, Musée de Picardie, Inv. 27 M 23

Cet avant-corps de lion, sommairement taillé, porte


encore quelques traces de peinture. A droite de I'ob-
jet, une mortaise rectangulaire, destinée à recevoir le
tenon d'une barre horizontale, indique que nous
avons affaire au pied antérieur gauche d'un meuble.
En Egypte, on donne la forme d'un corps de lion à
différents meubles, notamment à des lits et acertains
sièges. Dès l'Ancien Empire apparaissent des lits
dont la forme affecte celle de deux lions et qui sont
ornés de la tête et de la queue de ces animaux. Les
pieds antérieurs du meuble sont les membres anté-
rieurs des félins et diffèrent des membres postérieurs
placés à l'arrière. Cette forme de double lion sera
utilisée pendant des siècles pour les lits funéraires
sur lesquels reposent les morts et les dieux. Ces
lions symbolisent le's forces de résurrection, car ils
sont identifiés aux deux montagnes entre lesquelles
le soleil renaît chaque matin. En outre, dans les
textes, il y a une confusion volontaire entre la créa-
tion, le lever du soleil et certaines activités du pha-
raon, telles que l'accession au trône et le fait même
de s'asseoir sur le trône. Les lions se confondent
donc aussi avec le siège royal, qui est d'abord porté
par deux animaux, puis simplement par quatre pattes
de lion. Deux têtes de lion ornent alors le cadre du
siège.
L'usage du siège s'inscrit dans la liste des privilèges
royaux, qui, au cours de l'histoire égyptienne, ont été
progressivement octroyés aux nobles, puis au peu-
ple. Ces derniers emploient des sièges divers, parmi
lesquels des chaises et des tabourets dont les pieds
ont la forme des quatre pattes d'un lion. Une variante
de ce type de tabouret, ayant la forme de deux lions
accolés, est connue à la Basse Epoque grâce à quel-
ques exemplaires bien conservés. II se peut que
l'avant-corps de lion présenté ici ait fait partie d'un
tabouret semblable.

Inédit
3. Les arts du feu

3.1 La terre cuite

La fabrication des récipients en terre cuite semble encore en usage dans le Haut Nil soudanais); La
avoir débuté en Egypte aux environs de 5000 av.J.-C. seconde consiste à souder ensemble des plaques
(néolithique du Fayoum A), mais, bien que les formes d'argile préparée. Le colombin semble inconnu. Le
évoluent, de même que le style des décors, la poterie tour qui ne remplacera jamais totalement le mode-
égyptienne n'a connu que peu de progrès techniques lage, apparaît au début de l'Ancien Empire : il s'agit
remarquables au cours de sa longue histoire. De alors d'un plateau auquel est fixé un pivot vertical qui
plus, son originalité apparaît surtout à l'époque tourne librement dans un pied cylindrique fixé dans le
préhistoriquelprédynastique; pour expliquer ce fait, il sol; le potier doit donc mettre le tour en mouvement
faut rappeler la concurrence importante que repré- d'une main et guider la pâte de l'autre. Pour remédier
sentèrent la pierre, puis la faïence et le métal pour à l'irrégularité du mouvement du tour, les potiers
toutes les utilisations décoratives ou culturelles. améliorèrent son pivot, probablement entre 2000 et
Trouvant dans ces divers matériaux la possibilité de 1800 av. J.-C. A cette époque, l'homme prend place
réaliser des œuvres plus durables- et souvent plus sur un tabouret, ce qui caractérise jusqu'à nos jours le
belles -, les Egyptiens semblent avoir réservé la tournage dans l'Orient méditerranéen, les autres arti-
céramique aux usages plus quotidiens. sans travaillant assis sur le sol. Au Nouvel Empire
Dès le départ, les potiers ont eu deux sortes de apparaît enfin I'aide du potier, qui tourne le plateau
terre à leur disposition : la première, provenant du pour lui et lui rend ainsi l'usage de ses deux mains.
delta et des plaines alluviales du Nil, est une argile Allant de pair avec une plus grande variété des
contenant beaucoup de matières organiques et un formes, la variété des procédés de décoration carac-
pourcentage non négligeable de sable et de fer. Elle térise aussi la période préhistoriquelprédynastique.
est d'un ton gris-brun qui tourne au brun-rouge sous Avant cuisson, les pièces modelées sont parfois en-
l'effet de la cuisson en atmosphère oxydante. La duites d'un engobe de barbotine avant d'être polies à
seconde, présente seulement en Haute-Egypte (ré- l'aide d'un galet; ces deux opérations rendent la sur-
gions de Ballas et de Qena) et utilisée préférentielle- face un peu moins perméable (no 42). Le polissage
ment au Nouvel Empire, contient moins d'éléments est toujours en usage au Nouvel Empire pour les
organiques et ferreux, mais plus de calcaire. Grise à coupes et les bols de consommation courante. Le
l'origine, elle passe au rose ou rouge clair (cuisson décor appliqué de couleur rouge ou blanche est posé
oxydante à température peu élevée), ou au beige, (parfois dans des incisions préalables) avant cuisson
chamois et enfin gris verdâtre (cuisson réductrice à à I'époque préhistoriquelprédynastique (nos 43 et
température plus élevée) (1). 44). 11 réapparaît au Nouvel Empire, dans une gamme
Mélangée à de I'eau, malaxée, l'argile peut ensuite plus complète de couleurs (bleu, rouge, vert, noir),
être façonnée. A I'époque préhistorique/ posées après cuisson et donc fragiles (no48).
prédynastique, deux méthodes sont employées : la La dernière étape de la fabrication de la poterie est
première consiste à creuser et amincir à la main une la cuisson, après un temps de séchage destiné à
petite motte d'argile (cette méthode, exigeant une permettre l'évaporation de I'eau dans la pâte. A I'épo-
terre très bien préparée et une grande habileté, est que de Nagada 1, cette opération se passe peut-être
sans l'aide d'un four, les poteries étant simplement Bibliographiesommaire
empilées sur un lit de combustible (paille, b,ois fin, D. Arnold, Wandbild und Scherbenbefund. Zur Topfertechnik der
roseaux) et, une fois la combustion bien entamée, alten Aegypter vom Beginn der pharaonischen Zeit bis zu den
recouvertes de la même façon. Les bords noircis du Hyksos, in Mitteilungen des deutschen archaologischen Instituts.
Abteilung Kairo, 32, 476, p. 1-34.
gobelet (no42), posé col vers le bas sur les cendres, F. Jesi, La ceramica egizia dalle origini al termini dell'èta tinita
sont dûs à cette cuisson en atmosphère réductrice; le (Tunn, 1958).
restant du vase, cuit pratiquement à I'air libre, passe
au rouge. Une méthode similaire est utilisée, parmi
d'autres, pour la fabrication des pains : les moules
contenant la pâte sont empilés au-dessus d'un foyer
(no45).
La cuisson à I'air libre dut être universellement
utilisée à l'aube de l'histoire de la céramique; elle ne
dure que quelques heures et, si les poteries n'écla-
tent pas au contact du feu, c'est qu'elles contiennent
généralement une forte proportion de sable. Actuel-
lement, cette technique caractérise les artisanats les
plus primitifs et notamment ceux du Niger et du Sou-
dan, où la fabrication de la poterie modelée est une
tâche féminine, ce qui était peut-être aussi le cas de la
première céramique égyptienne. Dès l'Ancien Em-
pire apparaît le four circulaire à tirage vertical dont le
type a probablement été mis au point à l'époque
précédente. II ne subira pas de changement notable
au cours de I'histoire égyptienne et on le rencontre
encore aujourd'hui dans le Vieux-Caire. Le combusti-
ble et les poteries étaient enfournés par le bas; le
sommet du four n'était probablement couvert qu'en
fin de cuisson, afin d'éiiter un trop brusque refroidis-
sement. De manière générale, la température de
cuisson, assez mal contrôlée, n'excédait pas les
600' C, ce qui est nettement insuffisant pour obtenir
un début de vitrification dans la masse.

(1) Quand la cuisson s'opère dans un four ventilé de telle sorte


que les gaz subissent une combustion complète, le carbone
contenu dans le combustible s'élimine totalement et l'excès
d'oxygène provoque l'oxydation des métaux présents dans la
pâte. En revanche, quand la combustion devient fumeuse et
incomplète, le résidu de carbone réduit les oxydes à leurs
formes métalliques respectives. Ces transformations chimi-
ques s'accompagnent de changements de couleur.
42. Gobelet

Terre cuite
H. 0.19; diarn. base 0,054; diarn. orifice 0,11/
Nagada l
Musée royal de Mariernont, Inv. B. 412

Les potiers de l'époque de Nagada, dont le site épo-


nyme se trouve en Haute Egypte, avaient mis au point
un procédé complexe pour fabriquer des récipients
en céramique rouge à col noir (black-toppedpottery).
Modelés et enduits d'ocre rouge, ces vases étaient
soigneusement lissés à l'aide d'un galet; ils étaient
ensuite cuits à l'air libre, en atmosphère oxydante. En
fin de cuisson, encore brûlants, ils étaient retournés
et enfoncés dans une couche de matière combusti-
ble. Sa carbonisation ne noircissait que le bord enfoui
et l'intérieur des vases; elle n'affectait pas la zone
découverte qui restait rouge.
Les coupes et gobelets ainsi façonnés sont des ob- elle est rehaussée d'un décor brun-rouge obtenu
jets d'usage quotidien; ils figurent aussi parmi les avec une peinture à base d'oxyde de fer appliquée
offrandes funéraires les plus fréquentes. avant la cuisson Le décor utilise des lignes ondulées,
Bibl. : Antiquités du Musée de Mariemont (Bruxelles, 1952), no
des motifs végétaux, des figures humaines et anima-
E. 146, p. 57 et pl. 18. les et des bateaux.
L'embarcation représentée sur chaque partie de ce
double vase a une longue coque équipée de deux
cabines, elle est mue par de nombreuses rames et sa
proue est ornée d'une haute branche. La navigation,
qui joue un grand rôle dans I'Egypte pharaonique,
43. Double vase s'est développée de bonne heure. Créées pour les
besoins de la pêche et de la chasse, les barques
Terre cuite à décor peint
transportent les marchandises et conduisent les dé-
H 0,085, 1 0,125
Nagada Il funts à la nécropole. Peintes sur des vases funérai-
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv E 3380 res, elles pourraient être liées aux rites de I'enterre-
ment voire à certaines conceptions relatives à l'Au-
Vers le milieu de l'époque nagadienne, une nouvelle delà.
poterie apparaît. Elle est modelée avec une argile fine
contenant du calcaire, ce qui lui donne sa couleur Inédit
claire variant, suivant la cuisson, du rose au beige, et
44. Vase à deux anses perforées 46. Modèle de maison

Terre cuite à décor peint Terre cuite


H. 0,17 Base 0,32 x 0,27
Nagada Il Moyen Empire
Collection privée Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv E 2283

Le vase, de forme ovoïde, en terre cuite beige à décor De nombreux objets de ce type ont été retrouvés
brun-rouge, est muni de deux petites anses perfo- dans les nécropoles du Moyen Empire, mais on n'a
rées. Le décor, caractéristique de la seconde époque jusqu'à présent aucune trace de leur production au-
nagadienne, se compose de lignes ondulées parallè- delà de cette période. Ce sont, en fait, des plateaux à
les. II envahit toute la surface du vase dont il épouse offrandes d'un type particulier, utilisés par la popula-
harmonieusement la forme. Le motif est reproduit tion modeste au moment où celle-ci accède aux rites
dans différentes positions sur trois registres délimités funéraires de survie, auparavant réservés au roi et
par une ligne horizontale; du col à la base, les lignes aux grands dignitaires. Les modèles les plus anciens
ondulées sont successivement placées en oblique, à imitent les chapelles des plus favorisés. Plus tard, ils
la verticale et en bandes horizontales et verticales se transforment jusqu'à devenir des modèles de mai-
alternées. son qui nous permettent d'imaginer l'aspect des
constructions civiles du Moyen Empire qui n'ont pas
Inédit survécu (A. Niwinski, Plateaux d'offrandes et "mai-
sons d'âmes". Genèse, évolution et fonction dans le
culte des morts au temps de la XIIe dynastie [Etudes
et travaux, 8; Varsovie, 19751, p. 73-1 12).
Ici, le plateau à offrandes est rendu comme une cour
45. Moule à pain entourée d'un mur d'enceinte. La maison est consti-
tuée d'un rez-de-chaussée divisé en deux salles sé-
Terre cuite rouge parées par un mur et par un couloir et, à I'étage, d'une
H. 0,32;diam. 0,075 pièce couverte et protégée d'un parapet. Un pilier,
Moyen Empire
dont il ne reste qu'un fragment, soutenait le plafond.
Lille, Centre de Recherches de I'lnstitut de Papyrologie et d'Egyp-
tologie de l'université de Lille III, Inv. L 168 Un escalier extérieur permet d'accéder à l'étage où
I'on aperçoit trois serviteurs au travail. Une salle très
Ce moule à pain, dénommé également "bodega", étroite du rez-de-chaussée abrite une statuette fémi-
est façonné dans une argile grossière. II était utilisé nine assise sur un siège. Devant celle-ci sont dépo-
pour la cuisson des longs pains coniques que I'on voit sées des offrandes, une table, cinq réceptacles et
parfois représentés sur les tables d'offrandes. trois canivaux destinés à l'écoulement des offrandes
Comme l'ont démontré des fouilles où ces ustensiles liquides.
ont été découverts en place dans des cuisines, les
moules étaient chauffés sur des foyers ouverts. Lors- Inédit
que la température nécessaire était atteinte, on y
versait la pâte à pain. La chaleur emmagasinée dans
les parois suffisait à cuire cette dernière. Le plus
souvent, le moule était brisé lorsque I'on démoulait le
pain. 47. Cruche

Terre cuite noire


Bibl. : La Nubie au temps de Pharaons. Musée Municipal de
H. 0,115;diam. 0,lO
Boulogne-sur-Mer, 18 juillet - 15 octobre 1975, no 147
Deuxième Période Intermédiaire
Lille, Centre de Recherches de I'lnstitut de Papyrologie etd3Egyp-
B.G. tologie de l'université de Lille III, Inv. L. 1036
Autant que la qualité esthétique, le style et la prove-
nance font l'intérêt de ce vase. Durant la Deuxième
Période Intermédiaire, les Hyksôs occupaient la
Basse Egypte; ils sont entrés en contact avec les
populations résidant en Nubie dans les forts qui pro-
tégeaient autrefois la deuxième cataracte et qui
avaient été abandonnés par les garnisons égyptien-
nes, forts d'où provient cette céramique. C'est un
exemple des objets ainsi transmis. Ces vases, nom-
més aussi vases deTell el Yahoudiyeh, du nom d'une
ville du Delta où ils ont été découverts en grand
nombre, sont reconnaissables à leur pâte fine noire,
leur forme de petite cruche et leur décor incisé et
imprimé, dont les creux peuvent être remplis de pâte
blanche.

Inédite
B.G.

48. Jarre à vin

Terre cuite peinte


H. 0,285; diarn. du goulot . 0,008
XVllle dynastie
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'h~stoire,Inv E 231 1
vase est entièrement peinte en rouge. Sous la lèvre
La céramique du début du Nouvel Empire offre, grâce saillante, figure une tête de ladéesse Hathor en relief.
à l'amélioration du tour du potier, des formes élabo- Les deux pans de la perruque ont été peints en bleu.
rées comme celle de cette cruche à vin, type d'objet Sur l'épaule du vase se trouvent deux boutons sail-
très répandu à cette époque de grande prospérité. La lants qui, d'après des exemples mieux conservés du
décoration subit également des changements à partir même type de vase, pourraient fort bien représenter
du règne d'Aménophis II. Des couleurs denses et des seins. La présence d'Hathor qui, en tant que
claires sont utilisées pour décorer les vases, après déesse de la musique et de la danse, était étroitement
cuisson, de motifs géométriques ou floraux et, dans liée à l'idée de la joie de vivre n'a rien d'étonnant sur
les plus beaux cas, de représentationsd'animaux. Ici, une jarre à vin.
le décor se compose de simples lignes ondulées et
de bandes de couleurs bleue et rouge appliquées sur Inédite
le col et sur l'épaule, tandis que la moitié inférieure du
49. Canthare moyen de deux moules de stuc qui permettaient une
production en série, les parties étaient ensuite as-
Terre cuite peinte en noir semblées, puis recouvertes d'une mince couche de
H. 0,17; 1.0,20
Epoque hellénistique (3=siècle av.J.-C.?)
stuc et peintes. La plupart sont creuses. Certaines
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire. E 4202 étaient toutefois exécutées au moyen d'un seul
moule : elles sont alors pleines et très grossières.
Les Grecs, surtout à partir de la conquête d'Alexan- Harpocrate (cf. le no88) est représenté ici couronné,
dre le Grand, ont introduit en Egypte de nouvelles portant le doigt à la bouche et monté sur un cheval.
formes artistiques. Pensons non seulement aux bel-
Bibl. : W.D. Van Wijngaarden, De Grieks-Egyptischeterracotta's in
les statuettes en terre cuite polychromée, dites de
het Rijksrnuseum van Oudheden, Oudheidkundige Mededelingen
Tanagra, mais aussi à la céramique utilitaire. Les per- van het Rijksrnuseurn van Oudheden, 29, supplément (Leiden,
formances des potiers d'Alexandrie méritent une 1958).
mention particulière. On crée des types nouveaux et
des décors originaux, comme les hydries noires ver-
nissées ou les motifs peints en rouge sur le fond brun
clair des vases de Hadra. La pièce exposée est une
coupe à pied (canthare) peinte en noir à surface très
lisse. La forme est très réussie. La partie inférieure du 51. Assiette
calice, sur un pied à double degré, est godronnée,
Argile rouge
tandis que la partie supérieure, pourvue sur chaque
Diarn. supérieur : 0,245; diam. inférieur : 0, 135
face d'un motif décoratif, est munie de deux anses à 5
' siècle ap.J.-C.
pouciers, élégantes et pratiques. La pièce, dont une Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, inv. E 7975
des anses est partiellement refaite, provient des fouil-
les de Petrie à Shurifah. Cette assiette affecte une forme fréquente dans le
monde romain : lèvre au rebord aplati, panse bien
Bibl F Mayence et V Verhoogen, Corpus Vasorum Antiquorum galbée, pied petit. A l'intérieur, des anneaux concen-
Belgique, Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire (Cinquante-
naire), fasc III, pl 138 (3). no 19
triques forment une sorte de couronne autour d'un
grand chrisme imprimé au centre. Ce chrisme, souli-
J.Q.
gné de grènetis, est flanqué de l'Alpha et de I'Omega,
accrochés au bras horizontal de la croix, qui rappel-
lent que le Christ est origine et fin de toute chose. Ce
motif, le type 289 B de Hayes, est utilisé, selon ce
50. Statuette d'Harpocrate à cheval dernier, au cours des années 460-520. Le chrisme,
symbole chrétien par excellence, est fréquent.
Terre cuite
H. 0,14 La première céramique copte, antérieure au 5" siècle,
300 av.J.-C. - 400 ap.J.-C. ne se limite pas aux ampoules à eulogie, dites "am-
Leiden, Rijksrnuseum van Oudheden, Inv. AED 200 poules de saint Ménas", que tout ie monde connaît.
Elle comporte aussi une abondante production de
Les statuettes en terre cuite, comme cet Harpocrate lampes, amphores, vases, plats à usage domestique
de facture naïve et peu raffinée, relèvent d'un art ou cultuel, qui n'avait guère retenu l'attention jusqu'à
populaire caractéristique de l'époque hellenistique. ces dernières années. La typologie de cette cérami-
Elles proviennent non seulement d'Alexandrie, mais que "chrétienne" ne se différencie guère, en géné-
aussi du Fayoum, de Naucratis, de Bubastis et encore ral, de celle de ses prédécesseurs - et contempo-
d'autres villes du Delta et de Haute Egypte. On les rains - "païens". On retiendra cependant comme
situe généralement entre 300 av.J.-C. et 400 ap.J.- caractéristiques les pièces qui, comme celle-ci, déri-
C.. Leur couleur rouge foncé, presque brune, est vant des sigillées claires d'époque romaine, sont dé-
typique de la production égyptienne. Réalisées au corées a stampo (au moyen d'un cachet imprimé
dans la pâte avant cuisson), ici, d'éléments cardiacés, simple trait ondulé; un bandeau rouge et noir clôt la
là, de croix, d'images ou de têtes de saints décoration L'enduit qui couvre le bas de la panse et
le pied s'écaille fortement par endroits
Inedite (publication en preparation) Un vase semblable à celui-cl, trouvé par P Vernus à
Douch, est daté par le fouilleur entre la fin du 3" et le
début du 5" siècle II propose la même date pour
Pieces de comparaison M Rodziewicz, La ceramique romaine notre vase, mais faut remarquer que la forme per-
tardive d'Alexandrie (Varsovie, 1976), III ri0 16, M Egloff, Kellia III
La poterie copte quatre siecles d'artisanat et d'echanges en dure jusqu'au 7" siècle. Elle s'apparente au type K2
ass se-~gypte (Geneve, 1977), pl 1 5 , l et 4 de l'ermitage 8 d'Esna Les Staatliche Museen de
Berlin possèdent un pièce de forme assez sembla-
ble, datée du 5" siècle; toutefois, scènes et motifs
floraux sont plus élaborés qu'ici. En est proche, par
contre, tant par la forme que par la décoration, un pot
52. Vase muni de quatre anses conservé au Musée du Louvre
et daté des 6"-7" siècles. Le motif du poisson est
Argile rouge fréquent dans la céramique copte, ainsi sur des plats
H 0,595 et asstettes d'Antinoé et aux Kellia.
4"-5' siècles ap J -C
Musée royal de Mariemont, Inv Ac 6611 1
Bibl . Rome, ses origines et son Empire Musée de Mariemont, 7
mai - 31 octobre 1966, no239, p 88 et pl XXVIII (G Donnay)
A côté de la céramique gravée ou estampée existent
aussi, dans la première céramique copte, des objets Pièces de comparaison H Jaquet Gordon, Les ermitages chré-
peints. Leurs décors sont tirés de répertoires géomé- tiensdu desertd'Esna, III Ceramique et objets (Le Caire, 1972), pl
CCVI, 2; A Badawwy, Coptic Art and Archaeology The Art of the
triques, végétaux (pampres de vigne surtout) et ani- Christian Egyptians from the Late Antique to the Middle Ages
maliers. Poissons et oiseaux occupent une place de (Cambridge Mass - Londres, 1978), p 308-309, n04 111, J Bulte,
choix. Plus tard, formes et décors survivront, mais on La céramique copte, dans Archeologia, 138, lanvier 1980, p 20-
remarquera une plus grande finesse d'exécution, 25, spec p 23, Antinoe 1965-1966 Missione archeologica in
Egitto dell' Universita di Roma (Rome, 1974), pl 48-54, M Egloff,
ainsi que l'apparition de la figure humaine. Le vase
Kellia III La poterie copte quatre siecles d'artisanat et d'echanges
exposé est haut; la panse biconique repose sur un en Basse-Egypte (Geneve, 1977), pl 3 1 , 2 , 4 et 6,32,1-3,79
pied petit, mais épais; le col large (une fois et demi le
diamètre du pied) est muni de trois petites anses. La
décoration se répartit sur la moitié supérieure du vase
que recouvre, dans sa totalité, un engobe blanc. Un
liseré noir, orné de demi-godrons, marque la sépara-
tion entre le col et l'épaule sur laquelle courent une
inscription en copte ("le potier Sabinus et le potier
Shenouté" : le premier nom est latin, le second est
copte), des motifs floraux et des animaux. La panse
porte, sur la moitié supérieure, un décor plus riche :
entre des bandes rouges et noires, une file de pois-
sons -un gros et des petits -se dirigent vers ce qui
pourrait être un filet (une oblique et des verticales);
on voit ensuite un objet rond (médaillon dont l'inté-
rieur rappelle un tamis ou un filet, peut-être une épui-
sette), et un poisson dessiné verticalement; cette
attitude est-elle due au manque de place, à la fantai-
sie de l'artiste ou faut-il voir là un poisson accroché à
un hameçon ? La zone médiane n'est ornée que d'un
3.2 La faïence

Utilisée des le début de la période historique, attei- problème : comment était-il possible d'obtenir un
gnant déjà une qualité remarquable durant l'Ancien "émail" uniforme, couvrant totalement la pièce, ne
Empire, la "faïence égyptienne" est fondamentale- laissant apparaître aucune trace des supports de
ment différente de la céramique, car la matière dont cuisson ? Des expériences de laboratoire effectuées
elle est constituée ne comporte que 2 à 6% d'argile récemment ont permis d'éclaircir le processus d'ap-
plastique, alors que la véritable faïence en comporte parition de la couche vitreuse en surface, même si sa
20 à 30%. Le principal composant des faïences égyp- composition exacte reste encore difficile à préciser.
tiennes est le sable de quartz (de 80 à 90%). Présent La pièce façonnée doit être, avant cuisson, enrobée
à l'état naturel en Egypte, ce sable contient une assez d'une pâte qui joue un rôle primordial dans la forma-
forte proportion de sels alcalins solubles, nitre ou tion de la couche vitreuse et dont l'application doit
natron. On lui ajoute ensuite, peut-être sous la forme être identique sur toute la surface de I'objet. Cette
de scories de cuivre, de la chaux (1 à 3%) et des pâte, qui sert de minéralisateur, se compose de ter-
oxydes de cuivre (environ 0,8%). L'argile très plasti- res alcalines et de cuivre. Au contact de cet enduit, la
que qui est mélangée à l'ensemble est destinée à surface de l'objet réagit à une température d'environ
augmenter sa cohésion. 900°C ( l ) , devient vitreuse, très dure, difficilement
rayable et prend un ton bleu turquoise grâce à la
Plusieurs procédés de façonnage sont utilisés. Le
présence des oxydes de cuivre. Après la cuisson,
modelage direct est réservé aux statuettes d'ani-
I'engobe de terre alcaline est fracturé. II faut remar-
maux, aux reproductions de fruits, parfois aux ou
quer que, dans le cas d'une pâte de base contenant
shebtis; dans ce cas, on ajoute au mélange de base
déjà une forte proportion de sels alcalins solubles, la
de la résine ou de la gomme qui augmentent encore
présence de ceux-ci, concentrés en surface après le
sa cohésion. Le moulage est utilisé pour de petits
séchage de la pièce, peut éventuellement suffire
objets comme les scarabées (no55) ou des statuettes
pour faire apparaître une couche vitreuse, sans qu'il
et des amulettes. Le tournage de certains vases ou
soit nécessaire d'enrober la pièce dans une autre
coupes (no 56) sur tour de potier est une opération
composition alcaline.
difficile pour un résultat peu encourageant : le mé-
lange n'ayant aucune plasticité se laisse difficilement
L'origine, accidentelle ou volontaire, de cette tech-
travailler et l'artisan doit souvent donner à ses réci-
nique tout à fait originale à I'Egypte ancienne (et qui
pients des parois très épaisses. Enfin, lorsqu'il s'agit
n'est plus utilisée actuellement que dans la région de
de réaliser de petites baguettes creuses pour les
Qom, en Iran) est encore inconnue. Parmi les cou-
colliers (no 53), on utilise une tige végétale creuse
leurs, le bleu turquoise, sans doute destiné au départ
(paille, roseau) combustible et on l'entoure de pâte.
à imiter la pierre (la recherche des turquoises dans le
La matière végétale disparaît totalement à la cuisson
Sinaï date du début de l'Ancien Empire au plus tard),
et ne laisse subsister que la baguette creuse.
est la plus recherchée. Sa pureté et son intensité
Longtemps, les archéologues ont pensé que varient au cours de l'histoire. Des tons différents
l'"émail" caractéristique de la faïence égyptienne peuvent être obtenus, notamment en ajoutant une
était posé sur la pièce après le décor peint en noir et couche au noyau de base : une couche blanche ap-
avant la cuisson. L'examen attentif de différents spé- pliquée par endroits éclaircit le ton; une couche jaune
cimens, notamment des statuettes, posait alors un uniforme provoque l'apparition d'un ton vert en sur-
face; le noir est obtenu par l'adjonction d'oxydes de
fer au mélange.

(1) A 870°C, le quartz se transforme en tridymite en presence


de certains rninéralisateurs, à 920°C, il setransforme en cristo-
balite Dans les échantillons anciens analysés, aucunetrace de
tridyrnite n'a été retrouvée, par contre, il y avait parfois des
traces assez importantes de cristobalite, ce qui permet de
situer la température de cuisson a environ 900°C

Bibliographiesommaire
A Lucas, Glazed ware in Egypt, India and Mesopotarnia, dans
Journal of Egyptian Archaeology, 22,2, 1936, p 141-164
Ch Kiefer and A Allibert, Pharaonic Blue Ceramics The Process
of Self-Glazing, dans Archaeology, 24, 2, 1971, p 107-1 17
53. Collier ousekh composition est relativement simple : de petites tiges
de couleurs noire et turquoise, de dimensions à peu
Faience près égales, sont enfilées de façon à obtenir cinq
049xo.11 rangs alternativement noirs et bleus. Les deux pièces
Moyen Empire d'épaule sont surtout remarquables : il s'agit de deux
Bruxelles. Musées royaux d'art et d'histoire, lnv E3385 larges têtes de faucon, dont l'œil et le bec son indi-
qués au moyen de traits gravés En examinant ces
C'est avec raison que les colliers passent pour être têtes d'oiseau de plus près, on constate, d'une part,
les plus beaux ornements égyptiens. Ils sont compo- la présence de trous d'enfilage percés dans le bas
sés de plusieurs rangs de perles et de tiges de des têtes et, d'autre part, l'absence d'un trou au
fa'ience ou de minuscules fleurs, fruits, figurines sommet qui aurait permis le passage d'un cordonnet
d'animaux et d'autres amulettes de toutes les cou- II semble donc que le collier n'ait jamais été porté.
leurs. Celui-ci a été reconstitué à partir d'éléments Quelle en est la raison ? Par la présence même des
retrouvés dans la tombe de Kheti à Beni Hassan. Sa faucons, qui symbolisent Horus, le dieu-roi, ce type
de bijou avait un caractère sacré : il jouait un rôle dans
les rites funéraires grâce auxquels le défunt bénéfi-
ciait dans l'Au-delà d'un sort analogue à celui du
pharaon. L'intensité de la couleur bleue et la qualité
de l'émail des perles (celui des pièces d'épaule est
craquelé) permettent de dater le collier des environs
de la XIIe dynastie. C'est de cette époque que datent
les plus anciens exemplaires connus de colliers ou-
sekh, bien qu'ils soient déjà représentés dans les
tombes memphites de l'Ancien Empire.

Bibl E De Keyser, Colliers ousekh, dans Bulletin des Musees


royaux d'art et d'histoire, juillet-decembre 1947. p 85-89. fig 53

54. Pectoral

Faience
H 0.09
Nouvel Empire
Compiègne, Musée Vivenel. Inv V 662

Bakimen, littéralement "la servante d'Amonw,possé- Pièces de comparaison E Feucht. Pektorale nichtkoniglicher Per-
dait ce joli pectoral en forme de naos. II est percé de sonen (Wiesbaden 1971)
façon astucieuse de quatre trous pour y passer un
cordon à nouer autour du cou : les trous sont invisi-
bles lorsque le bijou est porté. Un chien noir, couleur
du bitume qui servait à l'embaumement - et donc 55. Scarabée de cœur
couleur de renaissance -, est couché sur un mas-
taba. C'est le chien qui veille sur les tombeaux, I'ani- Faience bleue et verte
H O 06. 1 0.036, ep 0.021
mal sacré du dieu Anubis, qui guide les défunts dans XVIIIe dynastie
l'autre monde. Le chien est accompagné de l'œil Lille Centre de Recherches de l'Institut de Papyrologie et d'Egyp-
magique, talisman puissant. Le caractère prophylacti- tologie de I'Universite de Lille III. Inv L 2473
que du pectoral est renforcé par la présence au re-
vers de deux piliers djed, qui symbolisent la durée et D'après le rituel funéraire du Nouvel Empire, le cœur,
protègent les vivants et les morts. qui doit, selon son poids décider de la culpabilité du
défunt lors de son jugement devant Osiris, est extrait
Inédit du corps et remplacé par un cœur en pierre ou un
scarabée sur lequel est inscrite une formule extraite
du Llvre des Morts l'adjurant de "ne pas se lever
comme témoin" contre son possesseur. Sur le dos
de ce bel exemplaire de la XVIIIe dynastie, en pâte
émaillée bleu-vert, figurent, incrustés en pâte de cou-
leur vert clair, deux ibis qui se font face devant une
cassolette à encens Le plat porte une inscription de
cinq lignes en hiéroglyphes, reproduisant le chapitre
XXX du L~vredes Morts et donnant le nom du scribe
Horemeb

Bibl La Nubie au temps des Pharaons Musée municipal de


Boulogne-sur-mer, 18 juillet - 15 octobre 1975, no 255

B.G.

Bibl 150" anniversaire du déchiffrement des hiéroglyphes égyp-


tiens par Jean-François Champollion Louvain. 2-17 decembre
1972 p 19 lx

56. Coupe

Faience 57. Petit vase


Diam O 19
XVIIIe dynastie Faience
Louvain-la-Neuve, Musée de l'Institut supérieur d'Archéologie et H O 085
d'Histoire de l'Art de I'U C L , lnv Eg 26 Fin du Nouvel Empire
Bruxelles. Musées royaux d'art et d'histoire, Inv E6818
Par sa coloration bleue et verte, la faience égyptienne
voulait imiter des pierres précieuses, lapis-lazuli, tur- Appréciées de la Préhistoire au Moyen Empire, les
quoise ou feldspath. Mais les objets de faience de ton glaçures vertes sont éclipsées au Nouvel Empire au
rouge ou jaune étaient également fort recherchés La profit des bleus intenses et des turquoises; elles
raideur du motif reproduit sur cette coupe n'enlève connaîtront un regain de faveur à la Basse Epoque Le
rien à la fraîcheur du dessin un peu décentré, qui traditionnalisme égyptien se manifeste tant dans la
rappelle la végétation des bords du Nil. Les fleurs de forme que dans le décor de ce petit vase, dont le fond
lotus stylisées, peintes en noir, s'étalent et prennent arrondi nécessitait l'utilisation d'un support. Ces va-
possession de toute la surface de la coupe Le bord a ses sans base étaient déposés dans la terre, sur des
été soigneusement achevé par un trait de couleur nattes ou, plus souvent, sur de petits supports en
noire terre cuite. Le motif du lotus, peint en noir sur le vase,

-1
foisonne dans l'art égyptien : il symbolise la renais- matin du monde. La présence du lion sous ses pieds
sance divine et celle de tout être divinisé, y compris rappelle que, associé au Levant, il était devenu le
les morts. gardien de la frontière orientale de I'Egypte; il était
d'ailleurs souvent représenté sous la forme de cet
Inédit animal.

Bibl Antiquités du Musée de Mariernont (Bruxelles, 1952), no


E 8 0 p 40etpl 12

58. Bouteillede Nouvel An

Faience
H 0 165
Epoque saite
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv E2393 60. Amulette

Faience
La tradition des vœux de Nouvel An remonte,
H. 0.04; 1. 0,05
semble-t-il à la fin du Nouvel Empire. Les vœux Epoque ptolémaique
étaient alors gravés sur des cylindres ou des sceaux. Amiens, Musée de Picardie, s.n
Vers la Basse Epoque, ces objets sont remplacés par
des vases tels que cette "bouteille de Nouvel An" De couleur vert pâle, cette double amulette de
lentiforme, en fa'ience vert pâle, décorée sur une faience était portée comme un pectoral (cf le no 54).
partie de la surface de motifs floraux ou animaliers C'est une plaque ajourée, qui représente des dées-
finement gravés. Le col se termine en forme de fleur ses et des dieux, debout côte à côte dans une dispo-
de papyrus et sert de point d'appui à deux petits sition qui varie sur chaque face on reconnaît, entre
s

babouins assis . ce sont les animaux sacrés du dieu autres, grâce à leur couronne, Hathor, Isis, Nephthys,
Thot, le calculateur du temps et des années. Les Selkis et Sechmet Celui qui la portait se plaçait sous
vœux sont gravés sur le côté plat du vase. la protection de ces divinités.

Inédite inédite

59. Statuette de Nefertoum

Faience
H 011
BasseEpoque
Musée royal de Mariemont, Inv 6 448

Dieu de Memphis, fils de Ptah et de Sechmet, Nefer-


toum est ici anthropomorphe. II porte le pagne royal et
la barbe postiche. Sa couronne est composée d'une
fleur de lotus épanouie à laquelle sont accolées deux
menats et que surmonte une double plume C'est
sans doute en tant que personnification du lotus que
Nefertoum porte cette fleur en couronne . il s'identifie
au lotus primordial qui adonné naissance au Soleil au
3.3 Le verre

Les origines prononcé pour les couleurs bleue (composée de cui-


Le verre est une substance artificielle obtenue par vre ou fer ou cobalt) et verte (composée de cuivre),
la fusion de silice, de carbonate de soude ou de mais ils apprécient aussi les rouges opaques (oxyde
potassium et de quelques autres matières en quanti- de cuivre), les jaunes (composés d'antimoine, de
tés moins importantes. Sa découverte est sans doute plomb ou de fer) etc ... S'ils ont une nette prédilection
accidentelle : en effet, la frontière entre le verre et pour le verre opaque de couleur, le verre transparent
d'autres substances vitreuses déjà connues, telles ne leur est cependant pas inconnu : la bijouterie et les
que la glaçure et la "faïence", est très ténue. Dès le incrustations sur le mobilier du Nouvel Empire et de
IIIe millénaire av. J.-C., des perles et des amulettes l'époque ptolémaïque le prouvent.
attestent l'existence du verre en Mésopotamie et Les formes des objets, pour la plupart, dérivent de
peut-être aussi dans la région du Caucase. Cepen- celles de la céramique ou de prototypes de pierre;
dant, jusqu'au milieu du IIemillénaire, l'évolution des certaines s'inspirent plus directement de la nature :
techniques est mal connue. En Egypte, par exemple, ainsi naissent des fioles en forme de poissons, de
il faut attendre les années 1500 av. J.-C. pour voir colonnettes de papyrus ou de fruits, dont les couleurs
apparaître les premiers récipients en verre moulé. sont d'un réalisme étonnant.
La production du verre, qui a été très florissante
Le verre sur corps de sable durant le Nouvel Empire, s'interrompt en Egypte
Les dimensions restreintes des verres égyptiens - comme en Mésopotamie d'ailleurs- à cause des
anciens s'expliquent par la technique de fabrication événements politiques qui bouleversent le monde
sur corps de sable. Fondu dans un creuset, le verre proche-oriental aux alentours du le' millénaire
est appliqué, pour obtenir la forme désirée, sur un av. J.-C. L'éclipse de cette industrie se fait davantage
noyau de terre et de paille mélangées. L'objet, de sentir en Egypte. Un renouveau s'amorce à partir du
teinte uniforme, est ensuite recouvert de nombreux 4" siècle av. J.-C., consécutif aux conquêtes
filets de plusieurs couleurs sous forme de bâtonnets d'Alexandre le Grand : la création d'une manufacture
de verre (no 65) ramollis par la chaleur, enroulés et à Alexandrie donne un souffle nouveau à l'industrie
pressés contre la surface encore molle. Le verrier du verre égyptien. Les techniques et les traditions
passe rapidement une pointe ou un peigne sur la verrières du Nouvel Empire ne sont pas modifiées,
surface pour créer un décor de plumes ou de che- mais désormais, sous l'influence directe de la Grèce,
vrons. Ce décor une fois terminé, il ajoute éventuelle- les formes vont se diversifier : alabastres, œno-
ment les anses et le pied et polit soigneusement le choès, amphorisques, aryballes etc ...
vase. Le noyau est alors détruit et délicatement ôté.
Les plus beaux exemples de verrerie égyptienne Découpage et moulage du verre
sur corps de sable datent de la XVIIIedynastie (à partir Durant les périodes pharaonique et ptolémaïque,
du règne de Thoutmosis III), mais cette technique a les Egyptiens ont coulé et mis en forme, dans des
été utilisée jusqu'à I'époque romaine. Les récipients moules ouverts (no64) ou fermés, de nombreux mo-
sont des fioles à onguent et à parfum opaques ou tifs d'incrustation créés pour la bijouterie ou pour
translucides, qui imitent les pierres précieuses et orner le mobilier (nos62 et 63). Les verriers ont ausr'
semi-précieuses. Les Egyptiens manifestent un goût coulé des statuettes suivant la technique de la "cir
perdue", empruntée aux artisans du bronze (voir
section 4.1).

Le "millefiori"
La technique du "millefiori", connue depuis le 15e
siècle av. J.-C. déjà, redevient à la mode à I'époque
ptoléma'ique et atteint alors son apogée. Le verre
"millefiori" est réalisé au moyen de nombreuses ba-
guettes de couleur soudées et étirées, puis décou-
pées en rondelles pour être assemblées comme un
puzzle et soudées en plaques ou dans des moules.
On réserve généralement le terme "millefiori" au
décor floral (no 71), tandis que I'on parle de verre
"mosa'iqué'' pour les décors figurés (no 70) ou géo-
métriques. Alexandrie joue un rôle important tant
dans la fabrication du "millefiori" que pour sa diffu-
sion. La Palestine, la Syrie et Rome produisent un
verre similaire.

Le verre soufflé
L'industrie du verre est bouleversée, au début de
notre ère, par l'invention du soufflage. Cette techni-
que révolutionnaire, rendue possible grâce à la créa-
tion de la canne du verrier, va désormais donner une
nouvelle orientation à la fabrication du verre. Les
objets peuvent être de dimensions plus importantes
et avoir des parois plus minces. Par ailleurs, le verre
de couleur disparaît peu à peu au profit du verre
transparent. Les formes des objets sont aussi plus
variées, surtout si I'on combine les techniques du
soufflage et du moulage, et plus élaborées : vases en
forme de grappes de raisin, de têtes humaines, de
boîtes, de coupes etc ...
La production égyptienne ne s'interrompt pas a
l'époque romaine, mais elle est plus ou moins mise
en veilleuse à cause de la concurrence des ateliers
syriens, dont les verres sont largement diffusés dans
tout le bassin méditerranéen. Des ateliers se créeront
aussi progressivement dans les provinces occidenta-
les de l'Empire.

Bibliographiesommaire
D.B. Harden, K.S. Painter, R.H. Pinder-Wilson, H. Tait, Masterpie-
f Glass (Londres, 1968).
[te, Die Glassgefasse irn alten Agypten (Berlin, 1968).
61. Flacon à parfum 63. Profil humain à incruster

Verre moulé Verre moulé


H. 0,085; 1.0,068 H. 0,025
Fin du Nouvel Empire Epoque ptolémaïque
Charleroi, Musée du Verre. Inv. RC 12 Charleroi, Musé du Verre, Inv. MV 1

Aplati comme une gourde de pèlerin, ce petit flacon Ce visage, représenté du front jusqu'à la base du cou
de verre opaque bleu foncé était destiné à contenir du et dont le regard se dirige vers la gauche, est fait de
parfum. La panse s'orne d'un motif de "plumes" verre opaque de couleur turquoise; le sourcil, le
jaunes et blanches, encadré de filets horizontaux contour de l'œil et l'iris sont en verre noir; le globe de
également jaunes et blancs. Une rangée de pastilles I'œil est blanc. Ces détails ont été incorporés selon la
rondes bleues, jaunes et blanches souligne l'épaule, méthode du "millefiori". Le visage paraît être mascu-
tandis que des chevrons de mêmes couleurs recou- lin et la mollesse des traits suggère une date tardive. II
vrent le col. La lèvre est bordée d'un filet hachuré représente sans doute un roi ou un membre de la
jaune et ocre. famille royale : le lobe de l'oreille est percé comme il
est d'usage chez les personnages de sang royal. Les
Bibl. : Depuis 3000 ans... Le verre, Musée du verre de Sars- incrustations de ce genre servaient à décorer soit des
Poteries, 12 juillet - 4 octobre 1970, p. 6, no3.
bijoux, soit des meubles.

Bibl. : R. Chambon, Le verre. Art, histoire et technique (Charleroi,


1964), p. 1, no 1; Depuis 3000 ans... Le verre. Musée du verre de
Sars-Poteries, 12 juillet - 4 octobre 1970, p. 9, no 15.

62. Figurinesde Qebehsenouf et Hapi


64. Moule de figurine à incruster
Verre moulé
H. 0,065 Calcaire
Basse Epoque H. 0,086; 1. 0,032; ép. 0,015
Liège, Musée du Verre, Inv. B 1584 Epoque ptoléma'ique (?)
Louvain-la-Neuve, Musée de l'Institut supérieur d'Archéologie et
d'Histoire de l'Art de IIU.C.L., Inv. Eg 10
Ces figurines sont faites de morceaux de verre de
couleurs différentes qui ont été coulés dans des La plupart des amulettes, profils, statuettes de verre
moules ouverts et assemblés ensuite. Elles repré- ou de faïence à incruster étaient mis en forme au
sentent deux des quatre fils d'Horus (cf. le no 111). Le moyen d'un moule. Modelés dans la terre et cuits
corps blanc et lilas, la coiffure noire, la tête grise, tel ensuite ou taillés dans la pierre, ces moules étaient
se présente Qebehsenouf à tête de faucon. Hapi est utilisés soit ouverts, soit fermés, et permettaient de
plus coloré encore : son corps est noir et rayé de multiplier les objets à l'infini. Celui-ci représente un
jaune dans la partie supérieure; une coiffure bleue génie à tête humaine, Amset, l'un des quatre fils
couvre sa tête grise de cynocéphale. d'Horus (cf. le no 111). 11 porte la barbe postiche et
son corps est entouré d'un linceul.
Bibl. : M. Malaise, Antiquités égyptiennes et verres du Proche-
Orient ancien des Musées Curtius et du Verre à Liège (Liège,
1971), p. 163, fig. 75. Inédit
65. Bâtons de verre
Verre
Epoque ptolémaique (?)
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, s.n.

Les verriers réalisaient les décors des vases et des


autres objets en verre moulé avec du verre de cou-
leur, qu'ils préparaient sous forme de bâtonnets de
différentes épaisseurs. Ces bâtonnets étaient refon-
dus au moment d'être appliqués sur la surface à
décorer.

Inédits

66 Flacon à parfum
grenat, appliquées sur la surface ramollie (cf. le no
Verre moulé 65).
H. 0,12; diam. du col .0,016
Epoque ptolémaique
Bruxelles, Bibliothèque royale Albert le', Cabinet des Médailles, Inédit
Inv. Coll. de Hirsch, 27

Bien que le bord du flacon soit large et plat et, par


conséquent, extrêmement fragile, l'objet nous est
parvenu intact. Le verre opaque blanc, décoré de 67. Flacon à parfum
lignes et de motifs produisant l'effet de plumes, a
gardé toute sa fraîcheur. Les deux petites anses sont Verre moulé
H. 0,069; diam. 0,053
typiques et s'inspirent de celles des grandes jarres Epoque ptolémaïque
de terre cuite. Pour réaliser l'étui, l'artiste a utilisé une Bruxelles, Bibliothèque royale Albert le', Cabinet des Médailles,
tige de fer, qu'il a enrobée de sable humide de façon à s.n.
former un cylindre. En chauffant le verre, il a progres-
sivement recouvert ce noyau, qui a été ôté avec Ce petit récipient à panse globulaire, en verre translu-
précaution une fois le travail achevé. Le décor a été cide de couleur bleu nuit, a été façonné sur corps de
obtenu au moyen de minces tiges de verre de couleur sable. Le décor de "plumes" et de lignes circulaires
71. Fragmentsde verre "millefiori" Ce plat rond légèrement verdâtre, se rattache à la
tradition du verre transparent, qui se généralise aux
Verre moulé 2" et 3" siècles de notre ère. Le bord est très élégam-
A : 0,03 x 0,05; ép. 0,005 à 0,06; B : 0,023 x 0,027; ép. 0,004; ment galbé et décoré d'une saillie. Le fond se creuse
C : 0,02 x 0,032; ép. variable.
Epoque romaine (lersiècleav. J.-C. - lersiècleap. J.-C.) au niveau de la base circulaire du plat. Réalisé dans
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 2544, 2547 et un moule, il présente quelques impuretés et des
2552 irisations (altération du verre en présence de l'argile).
De nombreux vases de ce type ont été mis au jour sur
Le "millefiori" (mille fleurs) doit son nom au fait que le site de Karanis.
cette technique permet de créer de véritables parter-
res de taches colorées qui se détachent sur un fond Bibl. : Antiquités du Musée de Mariemont (Bruxelles, 1952) no
sombre. Tantôt les fleurs sont réalistes (cœur, péta- R.91, p. 159 et pl. 58; Rome, ses origines et son empire, Marie-
mont, 7 mai - 31 octobre 1965, no208, p. 78.
les sont dessinés et l'on peut aisément reconnaître
l'espèce), tantôt elles sont traitées de manière im-
pressionniste. Pour les obtenir, le verrier faisait fon-
dre dans la paroi du vase des baguettes de verre
monochrome ou multicolore. 73. Miroir copte
Les fragments regroupés ici illustrent les divers as-
Calcaire et verre
pects de cette technique. Le fragment rectangulaire H. totale : 0,156; 1. 0,105; miroir : 0,052 x 0,058; ép. 0,013
E 2552 est particulièrement simple : il mêle au fond Epoque copte
rouge grenat des bandes noires. La demi-coupe Charleroi, Musée du Verre, Inv. MV 121
E 2544 constitue une meilleure illustration : dans le
fond vert ont été fondues des baguettes jaune vif, ce Cette pièce est assez particulière. La forme et la
qui donne un ensemble moucheté, dans lequel furent matière sont celles d'une stèle, mais la présence d'un
incrustées, çà et Ïa, des plaques de bleu, rouge, et verre traité, encastré en son centre en fait un miroir
blanc qui dessinent des taches lumineuses et irrégu- d'un type rare. Des exemplaire proches auraient été
lières. Le dernier fragment E 2547, un petit carré, découverts par Gayet à Antinoé : on ne sait toutefois
forme un véritable semis de fleurs, aux teintes écla- pas s'il s'agit effectivement de miroirs, donc d'objets
tantes où voisinent les jaune, rouge , blanc et vert. de toilette, ou s'il convient de leur accorder un sens
Les deux marguerites blanches sont représentées prophylactique. Le petit monument rappelle une stèle
avec beaucoup de réalisme; les autres fleurs aux à fronton triangulaire. Quatre cabochons de verre
formes irrégulières se fondent avec délicatesse dans noir, reliés entre eux par des rainures, colorées en
le fond vert. bleu à l'origine, marquent les angles du corps rectan-
gulaire; un cinquième, plus grand, occupe le fronton :
Inédits trois petits cercles et un losange gravés et rehaussés
Pièces de comparaison : Goden en Farao's, Rotterdam, 1 maart - de bleu, l'entourent; deux ovales allongés, à l'image
29 april1979, no 133,lO; J. Leclant, Les Pharaons, III. L'Egypte du de pétales, le relient aux perles supérieures. Les
crépuscule (Paris, 1980), no 184, P. 195-196. cavités dans lesquelles ont été insérés les cabo-
chons ont été préalablement peintes en rouge; l'en-
semble était sans doute destiné à imiter des pierres
précieuses. Le centre de la partie rectangulaire a été
évidé afin de recevoir une plaque de verre de teinte
72. Plat verdâtre, grossièrement traité pour acquérir un pou-
voir réfléchissant.
Verre moulé
Diam. 0,286 Bibl. : R. Chambon, Le verre. Art, histoire et technique (Charleroi,
2e siècle ap. J.-C. 1964), p. 9
Musée royal de Mariemont, Inv. B. 273 M.R.-D.
4. Le travail du métal

4.1 Le cuivre et le bronze

Dès l'abord, la métallurgie égyptienne présente rés, comme la chalcopyrite, aujourd'hui plus exploi-
une particularité remarquable par rapport à bien d'au- tée, mais dont le traitement est beaucoup plus com-
tres métallurgies antiques : les propriétés du cuivre plexe. Le minerai était concassé et broyé après ex-
furent découvertes et exploitées en Egypte avant traction, puis grillé, avant d'être fondu une première
celles de l'or, alors que l'on constate généralement fois dans un petit fourneau chauffé au charbon de
l'inverse dans l'histoire des techniques. L'emploi du bois, opération qui donne un métal grossier conte-
cuivre pour la fabrication de petits objets (anneaux, nant du cuivre et du fer; ce métal est alors refondu
pinces, épingles ...) se généralise en Egypte dès la avec un fondant siliceux (fait de quartz sous forme de
période prédynastique récente (vers 3400 av. J.-C.). cailloux ou d'une masse de sable quartzique), dont la
Les sources d'approvisionnement en minerai sous fonction est d'absorber les oxydes de fer tout en
I l'Ancien Empire étaient probablement triples. On protégeant le cuivre de l'oxydation. C'est peut-être
. considérait autrefois les mines du Sinaï, exploitées au cours d'une telle opération qu'eut lieu, par hasard
certainement depuis la IIIe dynastie, comme le gise- et pour la première fois, la série de transformations
ment principal de malachite. On sait aujourd'hui que chimiques nécessaires à l'apparition du fondant vi-
ces mines, vers lesquelles étaient envoyées de véri- treux de la "faïence" (voir section 3.2). Le résultat de
tables expéditions militaires destinées à protéger les cette fusion est un métal contenant de 65 à 75% de
mineurs des attaques des populations nomades, cuivre. L'opération suivante consiste à faire fondre à
étaient tout autant exploitées pour la turquoise. Les nouveau le métal dans un fourneau alimenté par de
Egyptiens s'approvisionnaient vraisemblablement I'air insufflé artificiellement, nécessaire à l'obtention
dans des régions moins lointaines, comme le désert de températures plus élevées grâce auxquelles le
oriental qui borde la mer Rouge, particulièrement à métal s'affine encore. Cette opération donne un mé-
hauteur de Coptos et d'Assouan. Enfin, des fouilles tal contenant de 95 à 99% de cuivre et peut être
effectuées dans la colonie égyptienne de Bouhen en suivie d'un raffinage supplémentaire, opéré de la
Nubie ont mis au jour un vaste complexe de raffinage même façon. Les bas-reliefs du mastaba de Ti (Ve
du minerai, ce qui permet de songer à des importa- dynastie) et les peintures de la tombe de Rekh-mi-Ré
tions du nord du Soudan. Au Nouvel Empire, sous la (XVIIIe dynastie) nous ont laissé une vision assez
pression d'une demande toujours plus élevée, précise de ces dernières opérations : on y voit les

:q I'Egypte importa du cuivre sous forme de lingots arri-


vant de la côte syrienne, probablement en prove-
nance de Chypre.
ouvriers souffler de I'air dans les petits fourneaux à
l'aide de longs chalumeaux (Ti) ou de soufflets ac-
tionnés avec les pieds (Rekh-mi-Ré). La température
." \ Les minerais utilisés en Egypte (malachite, qui en- exacte atteinte par ces fourneaux n'est pas connue
.tre aussi dans la composition des fards, azurite et, avec certitude; le cuivre fond à 1083°C mais, d'après
certaines expériences modernes, la malachite pour-
. dans une bien moindre mesure, chrysocolle) sont
des minerais oxydés, dont l'emploi précède, dans rait fondre déjà à 700-800°C.
stoire de la métallurgie, celui des minerais sulfu- Le cuivre ainsi obtenu était travaillé de manière,
différente selon sa destination. Les Egyptiens sem- cédé de la "cire perdue". Deux possibilités s'of-
blent avoir privilégié longtemps le martelage de feuil- fraient aux artisans. Premièrement, ils pouvaient mo-
les de métal, effectué avec un maillet de pierre, que deler l'objet en cire d'abeille. Ce modèle était alorç
ce soit pour les instruments plats et fins (ciseaux, enduit d'une couche d'argile et enrobé de terre. Des
scies ...) ou pour la vaisselle, abondante dès la trous d'écoulement étaient ménagés dans cette en-
le dynastie. Seuls, les outils et les armes d'une cer- veloppe et le tout était cuit; la cire fondait et le métal
taine épaisseur étaient moulés avant le martelage à pouvait alors être coulé à sa place. Après refroidisse-
chaud (voir le no3). ment, le moule était brisé : la statuette ainsi obtenue
est une fonte pleine. II restait enfin à limer les aspéri-
Malgré tout, nos connaissances sur le travail du
tés et à ciseler les détails de l'objet. La seconde
cuivre en Egypte restent extrêmement lacunaires. A
méthode possible, employée pour des pièces plus
Hiérakonpolis, en Haute Egypte, ont été découverts
volumineuses et pour éviter une trop importante dé-
de grands fragments provenant de deux sculptures pense de métal, était de modeler un noyau de sable
en cuivre, représentant Pépi le' (vers 2280 av. J.-C.) quartzique et d'argile, de l'entourer d'une couche de
et peut-être son fils. La statue de Pépi le', qui mesure cire ayant l'épaisseur souhaitée de la couche de mé-
1,78 m de haut, a été réalisée en martelant des feuil- tal et de procéder ensuite comme pour lafonte pleine.
les de cuivre sur une âme de bois, mais la tête, dont le
modelé est vigoureux et expressif, a probablement
été réalisée grâce au procédé de la "cire perdue" (cf.
infra), ce qui suppose une maîtrise remarquable, dont
nous ne percevons qu'un écho affaibli.
Le bronze est un alliage de cuivre et d'étain (de 5 à
15%),qui peut contenir également d'autres métaux,
comme le zinc ou le plomb, en faibles proportions.
Son emploi n'est réellement attesté en Egypte qu'à
partir de la XVIIIedynastie et l'on pense que les Egyp-
tiens ont été chercher les principes de cette métallur-
gie sur la côte syrienne, avec laquelle ils entrete-
naient alors des rapports assez étroits. Tout naturel-
lement, c'est de cette même région que proviennent
les indispensables importations d'étain. Les avanta-
ges du bronze sur le cuivre sont nombreux : la pré-
sence de l'étain (comme celle du plomb) abaisse
considérablement la température de fusion (de
1083°C à 960°C) et donne une plus grande résis-
tance au martelage. De plus, le bronze se prête fort
bien au moulage, contrairement au cuivre qui ab-
sorbe les gaz, devient poreux et se contracte. Cepen-
dant, le bronze ne remplacera jamais totalement le
cuivre, qui se révèle supérieur pour la fabrication des
pointes de flèche ou de lance. Les qualités du bronze
permettent toutefois le développement du moulage
en moule bivalve. Ainsi, une peinture de la tombe de
Rekh-mi-Ré nous montre la fabrication des portes en
bronze du temple d'Amon à Karnak dans un grand
moule fermé. C'est à la Basse Epoque que le bronze
trouvera ses plus belles utilisations, essentiellement
pour la fabrication de statuettes réalisées par le pro-
74. Miroir à manche en forme de statuette

Bronze
H. 0,207
Nouvel Empire
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 2255

Les miroirs de bronze, connus depuis longtemps


déjà en Egypte, prennent au Nouvel Empire la forme
d'une jeune fille nue parée de bijoux et portant une
ceinture de danse. Objet de toilette, témoin du raffi-
nement de ses propriétaires, le miroir a aussi une
signification symbolique. II est souvent représenté
sur les parois des tombeaux soit sous le siège de la
défunte, soit dans sa main. L'attitude de la jeune fille
qui tient un oiseau niché dans le creux de sa main fait
songer à une scène familière que les Egyptiens ont
souvent représentée durant le Nouvel Empire. La
statuette a été coulée à la cire perdue, tandis que le
disque a été battu et poli pour le rendre brillant. Les
deux parties ont ensuite été assemblées, soudées et
rivetées.

Bibl. : J. Capart, Documents pour servir à l'étude de I'artégyptien, I


(Paris, 1927), pl. 82, c.

75. Statuette du prêtre Smendès

Bronze
H. 0,145
XXle OU XXlle dynastie carrière au sein du clergé d'Amon, le dieu principal de
Musée royal de Mariemont, Inv. B. 242 Thèbes, et qu'il accèda plus tard au titre de grand
prêtre. Deux grands prêtres d'Amon-Ré sont connus
Le personnage agenouillé porte le pagne royal plissé. respectivement à la XXIe et à la XXIIe dynastie : la
II est coiffé d'une courte perruque à imbrications, qui statuette pourrait avoir été exécutée pour l'un d'entre
cache les oreilles. L'inscription gravée sur la poitrine eux, sans qu'il soit possible de préciser lequel. Elle se
donne le nom du "prophète d'Amon-Ré", Smendès. signale par l'élégance de l'attitude et la finesse de la
II est tentant de supposer que celui-ci poursuivit sa ciselure. Les bras, disparus, avaient été façonnés
séparement, sans doute en fonte pleine. Des tenons Son exécution soignée, quoique conventionnelle,fait
assuraient leur assemblage avec le corps coulé en de cet objet un bon exemple des statuettes de divini-
creux sur un noyau. tés en bronze qui ont été produites en série à la Basse
Epoque. Cependant, l'objet a reçu une finition soi-
Bibl. : Antiquités du Musée de Mariemont (Bruxelles, 1952), no gnée : la longue barbe postiche, le large collier ou-
E. 52, p. 32-33 et pl. 9; Exposition Raoul Warocqué, Mariemont, 12 sekh et le contrepoids posé sur le dos sont incrustés
mars - 26 avril 1967, no 151; CI. Evrard-Derriks, Mariemont : Les
sculpteurs de I'Egypte ancienne, dans Hainaut-Tourisme,no 186,
d'or. Outre ces attributs caractéristiques, Ptah est
1978, p. 31, fig. 9; Le Musée royal de Mariemont, dans L'CEiI, no enveloppé de son linceul et sa tête porte une calotte
278, septembre 1978, p. 22 et couverture. serrante. II tient devant lui le septre ouas. La statuette
est complétée par un socle rectangulaire qui se ter-
mine à l'avant par un escalier. Cet élément accentue
la gloire du dieu qui était non seulement patron de
76. Statuette de Mout Memphis, de son puissant clergé et de sa nécropole,
mais en tant que démiurge, également protecteur des
Bronze artisans. La statuette a été coulée en fonte pleine et
H. 0,31 se prolonge par un long tenon qui vient s'ajuster dans
Règne de Néchao 11 (610-595 av.J.-C.) le socle réalisé séparément en fonte creuse. Tout au
Collection privée
long de celui-ci sont gravés les signes ankh et ouas.
Admirable de face comme de profil, cette statuette
coulée en fonte pleine, frappe par sa majesté. On Bibl. . Antiquités du Musée de Mariernont (Bruxelles, 1952), no
reconnaît ici l'épouse du dieu Amon-Ré, Mout dont le E 75, p.39 et pl 11.
nom signifie "mère".
Elle est représentée comme une femme vêtue d'une
longue robe fourreau agrémentée d'un large collier.
Elle est coiffée du pschent sur lequel se dresse une
aigrette d'argent. La chevelure longue est couverte
d'une dépouille de vautour, qui rappelle que Mout
était une déesse-vautour de la région thébaine. Elle 78. Statuette d'Osiris
porte aussi souvent cette dépouille autour du corps,
sur ses vêtements. Mout est avant tout une déesse Bronze
protectrice, mais elle a aussi un aspect de déesse H 0,21
vengeresse qui la rapproche incontestablement de Basse Epoque
Musée royal de Mariemont, Inv B 486
l'aspect léonin de sechmet. L'inscription qui couvre
le socle contient le cartouche du roi Néchao II. Ce
Enveloppé dans un linceul, les bras croisés sur la
cartouche confirme une datation que la morphologie
poitrine, les mains serrant le sceptre et le fouet, Osi-
du corps de la déesse laissait déjà soupçonner, à
savoir la XXVIe dynastie. ris, dieu de l'Au-delà, porte la couronne atef et la '
barbe postiche. Ressuscité par Isis après avoir été
Inédite
tué par Seth, il symbolise lavie nouvelle qui attend les
humains après la mort (cf. le no79 et l'introduction à la
section 6 ) . La statuette a été réalisée en fonte pleine : '

seul le socle est creux. Les détails des attributs sont


77. Statuette de Ptah repris au burin. I

Bronze et or Bibl. : Antiquités du Musée de Mariemont (Bruxelles, 1952), no ,


E. 57. o. 34-35 et DI. 10. I
H. (sans le tenon) 0,14
Basse Epoque
Musée royal de Mariemont, Inv. B. 498
79. lsis allaitant Horus dieu porte en outre la boucle de l'enfance sur le côté
droit et un uraeus sur le front. Les yeux étaient autre-
Bronze et or fois incrustés d'or et de cuivre. II semble que cet
H. 0,26 ex-voto ait perdu son manche et les incrustations qui
BasseEpoque
Musée royal de Mariernont, Inv. B. 280
ornaient les pétales de la fleur de lotus entr'ouverte
sur laquelle est accroupi Horus. II n'empêche que
De nombreuses statuettes de bronze étaient rehaus- l'objet a gardé toute sa valeur symbolique. II évoque
sées d'or, comme celle-ci qui représente lsis allaitant le dieu né de la fleur de lotus qui émergea de l'océan
son fils Horus assis sur ses genoux. lsis est une des primordial. La statuette est réalisée en fonte pleine,
divinités les plus populaires du panthéon égyptien tandis que le lotus l'est en fonte creuse.
parce qu'elle symbolise la fidélité conjugale et
Bibl. : Antiquités du Musée de Mariernont (Bruxelles, 1952), no
l'amour maternel. Selon la légende, elle était la sœur E. 62, p. 35-36 et pl. 10.
et l'épouse du dieu Osiris. Celui-ci tomba dans un A.R.-P.
traquenard que son frère Seth, le dieu malfaisant, lui
avait tendu. Seth tua Osiris, mais la déesse lsis par-
vint a retrouver son corps. Seth, fou de rage, déchi-
queta le corps d'Osiris en quatorze morceaux qu'il
dispersa à travers I'Egypte. Malgré son chagrin, lsis
partit à la quête du corps de son époux et enterra
chacun des morceaux à l'endroit où elle le trouva. 8 1. Faucon Horus
Puis, avec l'aide de sa sœur Nephthys et du dieu
Bronze
Thot, elle parvint à rendre le souffle au dieu Osiris et à
H. 0.103; socle : 1. 0,14 x 0,053
le ressusciter. Basse Epoque
La statuette est réalisée en fonte pleine; le socle est Anvers, Oudheidkundige Musea, Vleeshuis, Inv. 79.1.106
cependant creux et pourvu d'un gros tenon pour la
fixation. La coiffure, les bijoux et les uraeus sont Le faucon est traité à la fois de façon stylisée (indica-
détaillés au burin, de même que le texte hiéroglyphi- tion des yeux et des plumes) et réaliste (pattes). II
que qui court autour du socle. Les yeux sont incrus- repose sur une base rectangulaire qui était probable-
tés d'or.
ment le couvercle d'un petit sarcophage de faucon
Bibl. : Antiquités du Musée de Mariernont (Bruxelles, 1952), no
momifié. II représente le dieu Horus qui est, à l'ori-
E. 67, p. 37 et pl. 10. gine, une divinité céleste. L'image du disque solaire
ailé que l'on trouve si fréquemment en Egypte à
toutes les époques indique, par l'association au dieii
Ré, que le faucon est devenu une divinité solaire
Horus était, en outre, associé depuis le début de
80. Statuette d'Harpocrate l'époque historique à la royauté : chaque roi était un
Horus et le faucon devint à tout jamais un symbole de
Bronze la fonction royale. Le plus souvent, le faucon est 1
H. 0,255 coiffé de la double couronne du roi; plus rarement, il
!
BasseEpoque porte les doubles plumes d'autruche. La statuette a ;
Musée royal de Mariernont, Inv. B. 133
été réalisée en fonte pleine; les détails du plumage
Cette statuette représente un dieu nu portant l'index
de la main droite à la bouche. II s'agit d'Horus enfant
sont gravés au burin.
i
(cf. le no 79), que les Grecs nommaient
"Harpocrate". La tête est couverte du némès au-
dessus duquel se dresse la couronne hemhem. Le
Bibl. : C. De Wit, Stad Antwerpen. Oudheidkundige Musea.Vlees-
huis. Catalogus, VIII. Egypte (Deurne-Anvers, s.d.), p. 55, no307.
I
82. Statuette de chat Delta oriental. Ces trouvailles sont datées du milieu
du 5" siècle av. J.-C. et sont considérées comme des
Bronze objets de culte offerts aux temples du Delta pendant
H. 0,125 la période de la Première Domination Perse. On ne
BasseEpoque
Musée royal de Mariemont, Inv. B. 491 peut cependant, en tirer beaucoup d'éléments pour
déterminer la date de la coupe de bronze, compte
Le chat est l'animal sacré de la déesse Bastet dont le tenu de la différence de matière et de décoration.
sanctuaire principal se trouvait dans le Delta. Durant
Inédite
l'occupation libyenne, Bubastis est devenue la capi-
tale de I'Egypte et l'importance nouvelle de la cité a Pièces de comparaison : A.F. Shore, A silver libation bowl frorn
considérablement développé le culte de la déesse. Egypt, dans The British Museum Quarterly, 29, 1-2, 1964-1965, p.
De nombreuses statuettes de chat en bronze, parfois 24.
incrustées d'or et d'argent ont été déposées, dans
son sanctuaire pour attirer ses bienfaits. Bastet était
considérée à la fois comme déesse de la fécondité et
comme protectrice de la maison. La statuette a été
coulée en fonte creuse; le noyau a été ôté.

Bibl. : Antiquités du Musée de Mariemont (Bruxelles, 1952), no


E. 110.p 46etpl 14

84. Situle de Nesnakhetiou

Bronze
H O 255 (avec anse)
Vers 300-250 av J -C
Musee royal de Marremont, Inv Ac 221 B

83. Coupe avec couvercle Ce vase rituel de forme originale servait à faire des
libations d'eau vivifiante qui régénéraient le mort et
Bronze contribuaient ainsi à sa déification. Deux textes y sont
Diarn coupe . 0,108; h 0,08, diam couvercle 0,106 gravés : l'un est un extrait du rituel de la fête de la
Epoque tardive (7) Vallée et l'autre une formule d'offrande traditionnelle
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv E 8201
pour le défunt Nesnakhetiou. Le prêtre funéraire Dje-
houtirekhes fait une libation à Osiris, Isis et Nephthys,
D'après l'épaisseur de la paroi, il semble que cette
tandis que le défunt Nesnakhetiou est représenté
coupe en bronze lisse, à fond arrondi, ait été coulée.
suivi de deux hommes au crâne rasé, vêtus d'un
Elle est munie d'un couvercle, probablement réalisé
pagne de lin soigneusement plissé. Deux techniques
par martelage d'une tôle. Ce couvercle a pu servir de
ont été utilisées pour réaliser cet objet. La forme du
passoire, car il est percé de petits trous disposés en
récipient a été obtenue par martelage, mais la lèvre,
forme de fleur de lotus.
les anneaux de suspension et l'anse ont été coulés;
On connaît de nombreux exemples de coupes sem-
la lèvre est soudée au vase. Le décor est entièrement
blables, mais celui-ci présente la particularité de pos-
gravé au burin.
&der un couvercle. Malheureusement, la prove-
lnance de ces objets est rarement connue avec exac- Bibl CI Evrard-Derriks et J Quaegebeur, La situle décorée de
titude. Des coupes en argent, de forme et de dimen- Nesnakhetiou au Musée royal de Mariemont, dans Chronique
sions à peu près semblables ont été découvertes, d'Egypte 54. 1979, p 26-56
~pizbrrni d'autres pièces d'argenterie, à Tell el-
. &askhuta,
r-
Tukh el-Qaramus et Tell Timaï dans le
85. Contrepoids de ménat

Bronze
H. 0.16
Epoque ptoléma'ique
Anvers, Oudheidkundige Musea, Vleeshuis, Inv. 79.1.1 15

Le collier-ménat était à la fois une parure, un instru-


ment de musique (bruissement des perles du collier),
un talisman et un objet de culte. Ce contrepoids de
ménat présente, au-dessus d'un large collier, la tête
de la déesse Hathor aux oreilles de vache, surmontée
d'un emblème hathorique (le sistre naoforme). Tout
en haut, on voit les anneaux qui servaient à attacher
les rangs de perles. Les deux faces de la partie infé-
rieure portent des représentations semblables : la
déesse Isis-Hathor, coiffée d'un disque solaire de
forme inhabituelle et, en bas sur la plaque ovale, la
vache, figuration animale de Hathor, couchée ou mar-
chant dans un marais de papyrus. Le contrepoids est
fait d'une plaque de bronze coulée dans un moule; le
décor est gravé au burin.

Bibl C De Wit, Stad Antwerpen Oudheidkundige Musea Vlees-


huis Catalogus, VIII Egypte (Deurne-Anvers, s d ), p 55, no 324,
H De Meulenaere, Het leven na de dood in het Oude Egypte,
Provinciaal Gallo-Romeins Museum Tongeren, 1969, no 85

J.Q.
4.2 L'or et I'argent

L'or existe en quantité en Egypte sous forme mé- I'argent, à la fois sous forme de lingots et de coupes,
tallique. Son utilisation, attestée peu après celle du tasses et bols. Fait remarquable, ces précieux objets
cuivre dans les tombes prédynastiques, devient plus d'orfèvrerie orientale- car il s'agit d'importations de
considérable dès la première dynastie. On l'extrayait la côte syrienne - avaient été méthodiquement
principalement du désert oriental (or de Coptos), de pliés, apportant ainsi la preuve qu'ils étaient là en tant
la vallée du Nil à hauteur d'Assouan (or de Wawat). La que matière précieuse et non comme objets utilitaires
Nubie payait en anneaux d'or son tribut à I'Egypte. Si réalisés dans une matière noble.
l'on en croit les descriptions tardives laissées par Les techniques du travail de I'or et de I'argent sont
l'auteur grec Agatharcidès (2" siècle av. J.-C.) et à peu près identiques : le martelage y occupe une
conservées dans Diodore (III, l), les conditions d'ex- place importante. Comme pour le cuivre, il se prati-
traction étaient particulièrement pénibles : les hom- quait à l'aide d'une pierre dure (basalte ou granite)
mes travaillaient dans d'étroits boyaux et attaquaient servant de marteau, le métal étant placé sur une autre
la roche au feu avant de l'extraire à I'aide de pics. pierre plate servant d'enclume. Les feuilles ainsi ob-
Broyé et lavé, I'or pouvait être transporté et être tenues pouvaient être collées sur un support de bois
conservé en poudre ou bien être fondu en lingots, à I'aide d'une fine couche de plâtre, ou sur un support
bâtonnets ou anneaux avant de rejoindre les réserves de métal, à I'aide de gomme ou de résine. Tordues et
royales, car son exploitation était menée à bien au enroulées, ces feuilles forment, à l'époque hellénisti-
seul bénéfice du Pharaon. Métal précieux entre tous, que, de gracieux et légers bijoux. Depuis le Moyen
I'or était considéré comme la chair des dieux et joua Empire, les orfèvres égyptiens sont passés maîtres
un rôle symbolique non négligeable. Sous la XVllle dans l'art des incrustations de métal ou de pierres
dynastie, le Pharaon pouvait récompenser d'un col- semi-précieuses, comme celui du grénetis (petites
lier d'or le dévouement des plus grands serviteurs du perles obtenues en fondant au chalumeau des fils de
royaume. métal et réunies par soudure) et de la ciselure au
L'or égyptien n'est pas entièrement pur, sa valeur burin.
est de 17 à 23,5 carats (de 72 à 99,8% d'or). Les
impuretés qu'il confient sont essentiellement de I'ar-
gent jusqu'à 24% et, dans une faible mesure, du
cuivre ou du fer.
Bibliographie
L'argent est plus rare en Egypte que I'or. Au moyen
Empire, il n'est utilisé que sous la forme de perles ou F. Bisson de la Roque, G. Conteneau, F. Chapouthier, Le trésor de
d'objets de petites dimensions. Bien que sa pureté Tôd (Documents de l'Institut français d'Archéologie orientale, XI;
Le Caire, 1953).
soit souvent discutable (I'argent égyptien est souvent R.J. Forbes, Studies in Ancient Technology, vol. Vlll et IX (Leiden,
de l'électron), sa rareté fit qu'on l'apprécia à l'égal de 1971 et 1972).
l'or. Un dépôt de fondation dans un sanctuaire de A. Lucas, Ancient Egyptian Materials and Industries (Londres,
Montou à Tôd en Haute Egypte, datant du Nouvel 1962).
J.D. Muhly, Copper and Tin. The distribution of rnineral resources
Empire (vers 1800 av. J.-C.), contenait quatre cais- and the nature of the rnetals trade in the Bronze Age (Harnden,
ses de cuivre coulées chacune en une seule pièce et Connecticut, 1973).
contenant des lapis-lazulli, divers lingots d'or et de F. Petrie, Tools and Weapons (Londres, 1917).
86. Sphinx 88. Plaquettesde fondation
Argent massif A : argent; B : or sur argent
L. 0,055 A : 0,083 x 0,044; B : 0,074 x 0,036
XVI le dynastie 874-850 av. J.-C.
Musée royal de Mariemont, Inv. B. 136 Collection privée

Symbole de la souveraineté, le sphinx unit le visage Ces deux plaquettes sont gravées au nom d'osorkon
du pharaon au corps du lion, roi des animaux. S'il II, cinquième roi de la XXIIe dynastie. La construction
incarne la force irrésistible et impitoyable à l'égard d'un édifice s'accompagne inévitablement en Egypte
des ennemis, il est aussi un être protecteur et c'est à d'une série de cérémonies et d'actes rituels. Des
ce titre qu'on le représente à l'entrée de certains dépôts sont généralement effectués sous les fonda-
temples. Cet exemplaire en argent est couché sur un tions, la plupart du temps dans les angles, mais aussi
cartouche, où on peut encore deviner le nom du sous le seuil ou au centre du sanctuaire. Les plaquet-
pharaon Sekenenre, qui vécut pendant la période tes de fondation au nom du souverain constructeui
très troublée de la fin de la XVIIe dynastie. ou de celui qui patronne la construction ont eu des
formes variées suivant les époques (plaques ou
Bibl. : Antiquités du Musée de Mariemont (Bruxelles, 1952), blocs de pierre ou blocs de fa'ience). On trouve dans
no E. 55, p. 34 et pl. 9.
ces dépôts des restes d'animaux sacrifiés, des of-
frandes de nourriture réelles ou des simulacres en
fa'ience et des modèles réduits d'outils.

Inédites

87. Bague

Argent et or
L. 0,023; 1.0,015; diam. 0,015
Nouvel Empire 89. Masque d'or
Collection privée
Or
Cette petite bague en argent, recouverte d'or par 0,265.0,205
Premier millénaire av J -C
endroits, porte une partie du protocole du roi Ahmès, Paris, Musée du Louvre, Département des antiquités égyptiennes,
premier roi de laXVIIIe dynastie. Monté très jeune sur Inv 2731
le trône, il serait décédé vers l'âge de trente-cinq ans.
Si son règne n'a pas été très long, c'est Ahmès, sans Ce masque mortuaire est une feuille d'or mince obte- ;
doute, qui rétablit l'ordre dans le pays après la pé- nue par martelage. Elle a été mise en forme sur le
riode troublée qui suivit le Moyen Empire et qui fut visage du défunt. Les yeux et les sourcils sont décou-
marquée par le passage des Hyksos. Ahmès inau- pés dans le métal pour être incrustés de pierres pré- ,
gure une nouvelle ère de prospérité, qui se caracté- cieuses ou semi-précieuses aujourd'hui disparues.
rise par le raffermissement du pouvoir central, des ;
conquêtes à l'extérieur et, dans les domaines artisti-
Le trou sous le menton pour y fixer une barbe posti- ;
che indique que ce masque était destiné à un 1

ques et religieux, par la construction de nombreux homme. i


temples et de magnifiques tombeaux pour les rois
comme pour les particuliers. Bibl L'Egypte des Pharaons Fondation Anne et Albert Prouvost ,
Septentrion Marcq-en-Barœul, octobre 1977 -janvier 1978, n060
Inédite
90. Trois boucles d'oreille

0.r
Aet B : h. 0,021; 1.0,016; C : h. 0,03; 1.0,02
Epoque ptolémaïque
Collection privée

A l'époque ptolémaïque, l'influence grecque s'ex-


erce de manière déterminante sur l'orfèvrerie de
I'Egypte. Ces trois boucles d'oreille appartiennent au
type que les Allemands appellent Kahnohrring et les
Italiens a navicella, ce qu'on peut rendre en français
par "en balancelle" : ce nom caractérise bien la
forme que prend la feuille d'or enroulée sur elle-
même, large au centre, s'effilant aux extrémités. La
première (A) est ornée d'une petite grappe de globu-
les d'or; plus nombreux, les grains qui pendent de la
deuxième boucle (B) ne laissent pas d'évoquer une
grappe de raisin. Semblable décoration est relative-
ment fréquente : si l'on en trouve de beaux exemples
dans la Grèce des 2" et le' siècles av. J.-C., I'art 91. Quatre boucles d'oreille
punique y a également recouru. La troisième boucle
(C) est légèrement différente. L'anneau, plus épais, Or
rappelle un croissant de lune et les nombreuses peti- A : 0,025 x 0,03; B : 0,03 x 0,035; C : 0,025 x 0,03; D : 0,013 x
tes sphères d'or soudées dessinent une pyramide 0,035
inversée; le sommet est constitué par une perle et les Epoque ptolémaïque
Bruxelles, Musées royaux d'artet d'histoire, Inv. 1018
arêtes sont soulignées par des sphères d'un diamè-
tre plus grand.
A côté des boucles d'oreille avec grappes ou pyrami-
Inédites des (nogo), d'autres s'ornent de figurines ou de têtes
animales et humaines. Le type de la boucle torsadée
terminée par une tête se répandit dans tout le monde
Pièces de comparaison . Kunst der Antike Schatze aus norddeut- grec après le 5" siècle av. J.-C.
schern Privatbesitz (Mayence, 1977), no 428, G Quattrocchi Pi- A l'époque hellénistique, les centres de production
sano, I gioelli fenici di Tharros ne1 Museo Nationale di Cagliari les plus importants sont Antioche et Alexandrie, sans
(Rome, 1974), noS9et 10, p 69-70, fig 2, pl III qu'il soit encore possible, dans l'état de nos connais-
sances, d'attribuer sans hésitation les bijoux à l'un ou
l'autre de ces sites. Mais la Grande Grèce, s'illustra
M R.-D elle aussi dans I'art de la bijouterie, notamment à
Tarente oLt travaillèrent, au 4" sièçleav. J.-Ç., les plus
habiles orfèvres de la péninsule.
Ç7eE;td'ailleurs aux bijoux de Tarente que a'appa-
rente la boucle d'oreille A, faite de deux parties en-
castrikes, une t i g sur
~ laquelle s'enroule un fil d'or et
une '?&?". Sur le cou, un filet d'or dessine plusieurs
rangs de gdrms; sur le sommet de la tête, de fines
stries évoqu~nt1s pellageentre tes deux oreilles dres-
sees. Hab'itueiImrti, un mule de félin ou de cervidé
termine la hgude d"oreil1e; ici, minement supplé-
mentaire, une piLerrerouge hnc4, retenue autour des
oreilles par une très 18g&re mrdelette dbr, cache le
museau de l'animal, Le travail w t extrêmement déli-
cat et, lorsqu'on regarde tri% attentivement la pi&e,
on s'apergoit que des petites rosettes en or cerclent
le mufle dont le c&té gauche est légèrement aMmé,
Le Musde de Tarente est particulièrement riche en
objets de ce type, mais on en trouve aussi en Sicile;
tous ces bijaux sont datés du 4" siède av. J.-C. que séparent des anneaux d'or. Enfin, elle sknroule
La boucle B, elle aussi terminée parune tête animale, en spirale et se ratb~heainsi à elle-même. Un éié-
est Ibg&rementdifférente : le corps est fait de quatre ment curviligne temin6 par deux rosaces et deux
perles (perle verte, en verre, grain doré, perle blan- feuilles d'or granulé trouve place au ceur de la bou-
che striée de brun et, de nouveau, grain dore) sépa- cle D.
r&espar des disquesgranuléa. Le procédé de granu- Ces boudes sont extri3msment fréquentes; il suffft
lation consiste à rMuire en boules minuscules des pour s'en convaincre, de regarder les portraits de
fils d'or. Ces boules d'une grande finesse et souvent momie : les défunts y sont figur6s par& de leum
d'un calibrage régulier, étaient reliées par une çou- bifoux les plus précieux et nombre de jeunes femmes
dure quasi invisible et qui n'aitl2rait pas Ibr. Cette portent des boucles dbreille semblables à celles-ci.
technique - dans laquelle les Etrusques s'illustrè-
rent tout particulièrement-trouve son origine au Ille InMites
millénaire, en M6sopotamie. Elle existait en Egypte,
Piàces de c~rnparaisorc: A : F. Coarell~L'areficerieimll'arte
;ut moins 4 partir de la XII" dynastie, mais fut peu
siea (Milan, 1%6), nOS 30 et 31; C. Garducci, Antique Itallan
employée durant l'époque pharaonique; ~ " s t aux and Silvef (M~tan,lm),pl. 34; C-D fpcyltraits de momies)
&poqueshell4nistique et romaine, qu'elleconnaîtra la Zaiosce~,Portriits aus dem Wüstensand. Die Mumisnbilnisse
faveur du public Qyptien. der Oam: Fayoum (Vienne-Munah, 1961),pl. T,10, 11,19,25,
33,rFI,&, 45.46; K, Pairfasca, Ritrm di Mummie Repertoiro d
Les bouckas C et D sont dkn tout autre type : la tige deli'Egiffo greco-romano, serie B (Palerme, 19771, no* 251,
tr&smincie s'épaissit et s'incunre de manière à dwsi- 378: 304,308,309,323 et 395.
nar un S : ~ u i elle
s se r@trécitet se couvre de trois
perls, da& argentée8 (C) ou drsr&s ID)~ tau , mi-
92. Bracelet

Or
Diarn 0,095; poids . 50 g
Epoque ptolémaique ou romaine
Musee royal de Mariemont, Inv B 376

L'époque hellénistico-romaine connaît plusieurs ty-


pes de bracelets, comme le prouvent non seulement
les objets eux-mêmes, mais aussi leurs nombreuses
représentations sur les portraits de momies ou les
linceuls. Le premier hellénisme préfère les bracelets
torsadés, tandis que le second tout comme après lui,
la bijouterie romaine font grand usage des rubans
plats en or ou des pierres serties, reliées par une tige
ou soudées entre elles.
Ce bracelet est formé d'une tige d'or qui, aux extré-
mités, se plie et dessine deux spires unies en leur
point de rencontre par des boucles d'or. Deux têtes
de serpent, finement ciselées ferment le bracelet et
se dressent l'une vers le haut, l'autre vers le bas.
L'artiste a su les rendre avec beaucoup de réalisme et
d'élégance. Le serpent, utilisé comme bracelet, s'en-
roulant gracieusement autour du poignet féminin, est
fréquent dans tout le bassin méditerranéen. L'artiste
a, ici, fait preuve d'originalité, puisque les spires ter-
minées par la tête plate et triangulaire font masse,
face à la fragilité de la tige qui les sépare.

Bibl Antiquités du Musée de Mariemont (Bruxelles, 1952), no


E 155 p 59etpl 16
4.3 La frappe des monnaies

Si les monnaies apparaissent à l'époque ptolémai- estampillés par le trésor du temple. Avant les
que seulement, il existait cependant bien avant cette conquêtes d'Alexandre le Grand, les pharaons indi-
époque un système d'échange ou de troc sur les gènes des XXVIIIe et XXXe dynasties, qui ont essayé
marchés commerciaux. La notion de la valeur était tant bien que mal de se libérer du joug des Perses,
parfaitement établie dès l'Ancien Empire et définie ont frappé une monnaie locale uniquement destinée
suivant un étalon métallique : le cuivre, I'or ou I'ar- à payer leurs mercenaires libyens ou grecs. Les
gent. A l'Ancien Empire, on se réfère à I'or : le shât conquêtes d'Alexandre ont entraîné une extention
pesait 7,5 g d'or et le deben (12 shâts) valait 90 g. A la très importante de l'aire d'utilisation du monnayage.
XIXe dynastie apparaît une nouvelle unité, le gite qui Très largement répandue en Egypte, la monnaie typi-
vaut le dixième du deben d'argent. L'humble paysan que de l'époque hellénistique est le tétradrachme
procédait vraisemblablement à des échanges plus frappé à l'effigie des souverains.
élémentaires sans l'intervention du métal. La frappe de la monnaie se faisait suivant trois
II est possible que l'évolution monétaire se soit étapes successives fort simples. Tout d'abord, il fal-
amorcée dès le 8" siècle av. J.-C. -soit avant I'appa- lait surveiller le titre de l'alliage pour réaliser les flans,
rition de la monnaie dans le bassin méditerranéen - pastilles de métal précieux pesées et calibrées. Le '
et que les Egyptiens aient utilisé des lingots d'argent flan était ensuite préalablement chauffé et posé sur la
'
pile, ou est encastrée la matrice inférieure, tandis que
le trousseau qui porte la matrice supérieure est placé ,
au-dessus. les matrices ou coins sont gravés au burin '
ou au poinçon. Une fois les éléments en place, il suffit I
de donner un coup de marteau pour frapper la mon- .
naie.
I
93. Monnaies Medals, Danish National Museum), Egypt :The Ptolemies (Copen-
hague, 1977), pl. 1, no 12; 11 sq.; V, no" 132-133 et 134-136;
Or et argent E : Gotter-Pharaonen, Essen etc , 1978-1979, no86.
A 16,82 g; B 17,82 g; C 27,81 g; D .35,50 g; E .27,73 g
in du 4e - 2e siècle av. J.-C J.Q.
A-D : Bruxelles, Bibliothèque royale Albert le', Cabinet des Medail-
(es, Inv 11 52 384 (A); Ac 1899 Coll Duchastel (B et C); s n (D);
E . Musée royal de Mariemont, Inv B 433

La frappe des monnaies a été introduite en Egypte à la


fin de l'époque pharaonique sous l'influence des
monnayages grecs. Les monnaies à l'effigie des sou-
verains sont un produit typique de l'art ptolémaïque.
La première pièce (A), un tétradrachme de poids
attique, porte, au droit, la tête d'Alexandre le Grand,
coiffé d'un scalp d'éléphant, et, au revers, Zeus assis
sur un trône sans dossier et tenant, d'une main, un
aigle et, de l'autre, un sceptre. La deuxième pièce
(B), un pentadrachme de poids rhodien, pourrait pré-
senter le portrait du premier souverain lagide, Ptolé-
mée le', dit Soter ("sauveur"), qui régna de 323 à
2831282; le revers est décoré d'un motif banal, un
aigle debout sur un foudre. La troisième monnaie (C),
un octadrachme de poids rhodien, s'orne de deux
portraits doubles : d'un côté, les profils de Ptolémée
II (R. 285-246) et de sa sœiir et épouse Arsinoé II
(R. 278-270), de l'autre, le couple des parents
royaux, Ptolémée le'et Bérénice. Sur les deux der-
nières pièces (D et E), un décadrachme d'argent et
un octadrachme d'or, on reconnaît, au droit, la reine
Arsinoé II divinisée et, au revers, la double corne
d'abondance. Arsinoé II Philadelphe ("qui aime son
frère"), décédée en 270, fut élevée au rang des dieux
et reçut un culte tant suivant le rite grec que suivant le
rite égyptien. L'octadrachme d'or, qui date du 2" siè-
cle, témoigne de la persistance de ce culte pos-
thume. On y remarque, sous l'oreille, le bout d'une
petite corne de bélier, signe de l'apothéose de la
reine, considérée comme fille du dieu Amon à l'instar
d'Alexandre.
Le sens de la lettre K, qui caractérise les frappes les
plus récentes de la série, n'est pas encore définitive-
ment établi.
Bibl (E) Antiquites du Musée de Mar~ernont(Bruxelles, 1952),
no G 122, p. 106 et pl 39; L'art grec de Mariemont. Bordeaux,
Musée d'Aquitaine, 1977, no 80, Grandeur de la Grece Marie-
mont, 4 mai - 31 octobre 1968, no55
Pièces de comparaison . A-D : A Kromann et O Mgrkholrn, Syl-
loge Nummorum Graecorum (The Royal Collection of Coins and
5. Le tissage et le travail des étoffes

5.1 Epoques pharaoniqueet romaine

Pour connaître le tissage et le travail des étoffes en et a été cultivé à I'époque romaine dans l'oasis de
Egypte, nous disposons de documents variés. Les Khargeh. Des textes de cette époque mentionnent
tissus conservés nous renseignent sur les fibres em- des tissus de coton;
ployées et sur la manière dont elles sont tissées. Les - la laine ou d c r t : les Egyptiens utilisent la laine
exemplaires d'instruments, les modèles réduits filée de leurs moutons comme textile. Les plus an-
d'ateliers de tisserands, ainsi que d'autres représen- ciens exemples conservés datent de la période pré-
tations d'artisans au travail nous éclairent sur les di- dynastique. Cependant, dès cette période, le lin sup-
verses techniques en usage à I'époque pharaonique. plante la laine pour des raisons soit climatiques, soit
De plus, ladocumentation papyrologique nous fournit - si I'on en croit Hérodote (2) - religieuses. Les
des précisions sur les activités des tisserands des Egyptiens n'emploient d'ailleurs pas cette matière
deux sexes à I'époque lagide. Dès le néolithique, les dans les temples ni dans les tombes; elle ne figure
Egyptiens tissent des étoffes. Ils poursuivent et dé- pas dans les listes d'offrandes. Les Grecs, habitués à
veloppent cette activité à travers toute leur histoire, la laine, en ont développé l'usage en Egypte;
car ils ont un grand besoin de tissus. En effet, I'indus- - la soie : rien ne permet d'affirmer qu'elle ait été
trie textile égyptienne a de nombreux débouchés : utilisée avant I'époque romaine
voiles de bateaux, vêtements, literie, linceuls et ban- II semble qu'on ait employé dans l'industrie textile,
delettes de momies. En outre, les étoffes égyptien- mais pour des usages restreints, le poil de chèvre et
nes sont réputées; elles jouent un rôle important des fibres végétales telles que le papyrus et les fibres
dans l'économie et constituent pour les pharaons un de palmier.
moyen d'échange très apprécié avec l'étranger.
La préparationdu matériau
Les matières textiles Dès l'Ancien Empire, la récolte du lin est presque,
L'emploi de fibres d'origine végétale ou animale aussi souvent représentée, dans les tombes, que
est attesté en Egypte dès le néolithique. Bien que celle des céréales. Les informations fournies par
toutes les fibres n'aient pas encore été identifiées, le représentations frgurées sont confirmées par w
lin (Linum usitatissimum),appelé mhj(1)en égyptien, texte de Pline l'Ancien (3),ce qui prouve que
apparaît comme la plus utilisée, même aux époques techniques se perpétuent jusqu'à la conquête r
hellénistique et romaine. Les autres fibres dont I'em- maine. La production de la fibre de lin nous est
ploi est attesté sont bien connue. Le lin, arraché (hwj mh) et non CO
- le chanvre (Hibiscus cannabinus) : dès la préhis- la faucille comme les céréales, est moissonné à di
toire, il est utilisé sporadiquement en Egypte, mais on rentes périodes de sa croissance suivant I'usag
connaît peu de choses sur sa culture avant I'époque I'on veut en faire : les pousses vertes Perm
hellénistique. II est surtout employé pour fabriquer d'obtenir un fil très fin; les tiges jaunes donnent
des tissus grossiers, des sacs, des voiles de bateaux; fibres plus solides; les fibres des tiges mûres serv
- le coton : il pousse à l'état sauvage en Thébaïde à la fabrication de cordes et de nattes.
Après la moisson viennent les opérations de botte- de l'histoire égyptienne. La fibre, entassée dans un
lage et d'égrenage. Ensuite, pour isoler les fibres, on récipient posé à même le sol, vient se tendre sur la
procède au rouissage, en les faisant tremper dans main gauche levée et redescend se tordre et s'enrou-
I'eau ou bouillir dans de I'eau additionnée de natron et ler autour du fuseau propulsé de la main droite. Un
d'huile. Les fibres rincées sont séchées, puis autre procédé consiste à suspendre la fibre en prépa-
broyées avec des maillets de bois (écangage). Le ration sur un support. Ce qui caractérise le filage
teillage (SSn) et le sérançage (S_hm) sont réalisés à égyptien, c'est la grande distance qui sépare lafilasse
l'aide de cardes. On obtient ainsi de longs filaments brute, posée sur le sol, du fuseau; pour accroître
(4) encore cette distance, il arrive que des fileuses se
juchent sur un bloc. Le fil (mnw, nw.t, nd) obtenu
1 A l'Ancien Empire, le lin lavé est tordu pour être
après ces manipulations, présente le plus souvent
séché, puis étendu et plié. II est ensuite emmagasiné
dans des coffres ou blanchi dans les champs, grâce à une torsion en S (c'est-à-dire à gauche), probable-
l'action de la lumière solaire qui détruit les matières ment parce que le lin se tord naturellement dans cette
colorées et les graisses. Le blanchiment est souvent direction, lorsqu'il sèche.
réalisé avant le lavage. Au Moyen Empire, le lin Les Egyptiens préfèrent pour leurs vêtements la
mouillé et frotté avec un détergent (natron ou po- blancheur naturelle du lin. Cependant, dès I'époque
tasse) est battu sur un bloc. Puis, il est rincé, séché prédynastique, ils savent teindre leurs fils de cou-
par torsion et blanchi au soleil. Au Nouvel Empire, il leurs variées au moyen de teintures végétales ou
est d'abord trempé dans de I'eau froide et ensuite animales. La laine est teinte avant le filage, tandis que
bouilli avec de la potasse dans une cuve; il est ensuite le lin est d'abord filé, puis teint avant le tissage. On a
rincé, tordu, blanchi et soigneusement pressé. peu de renseignements sur les teintures utilisées
La préparation de la laine doit s'effectuer dans des pour les textiles à I'époque pharaonique. II semble
conditions comparables à celles du lin. La toison, que le bleu soit tiré de plantes telles que I'lsatis
tondue ou arrachée, est lavée à I'eau chaude avec de tinctoria ou l'Indigo argentea, qui poussent notam-
l'alcali ou des racines de saponaire pour éliminer le ment au Soudan. Le jaune est tiré du safran. Le noir
suint; puis, on la rince, on la sèche, on la bat afin de la est peut-être obtenu en teignant successivement le
débarrasser des corps étrangers qu'elle contient La tissu en rouge, puis en bleu. Quant au rouge, il serait
laine est alors cardée, puis peiqnée, avant d'être filée un mélange de henné et de fleur de Carthamus tinc-
toria. A I'époque romaine, on utilise la pourpre tirée
d'une algue, deux rouges différents extraits de plan-
tes (Alkanna t~nctoriaet Rubia tinctoria), le rouge
La fabrication des étoffes
écarlate provenant du corps d'insectes (le kermès et
A partir du Moyen Empire, on trouve des représen- la cochenille), le bleu tiré des feuilles de I'lsatis tincto-
tations du filage(hSf) et du tissage (Qt nb) du lin sur ria. Pour les teintures, on sait qu'à I'époque tardive,
les parois des tombes. Le filage peut se faire avec ou on utilise un mordant (alun ou sels minéraux), maison
sans instrument. En effet, pour constituer un fil, les ignore si les teinturiers des époques précédentes en
Egyptiens amincissent, tordent et roulent la filasse employaient
entre les doigts, entre les paumes ou entre la paume Après avoir préparé la chaîne (ourdissage), soit sur
et la cuisse Ils disposent également de fuseaux (SSf). des chevilles fixées au mur, soit sur des piquets
l
Les quenouilles ne sont pas utilisées avant I'époque fichés dans le sol, on peut la monter sur le métier. Le
romaine. Le fuseau est une tige de bois, munie d'une métier à tisser utilisé jusqu'à la fin du Moyen Empire,
1 rondelle appelée-fusaiole, destinée à assurer par sa et sporadiquement par la suite, est horizontal (basse
j rotation la torsion du fil. On a conservé quelques Iisse). II est constitué de deux ensouples fixées au sol
exemplaires de fuseaux égyptiens en bois. Les fu- par deux piquets et de deux autres bâtons qui déter-
sa'iools, trouvées sans fuseau, sont de bois, de minent le pas. Une tige courbée tient lieu de navette
Pierre, de bronze ou de terre cuite. et sert à serrer la trame. Au Nouvel Empire, apparaît le
La t ~ r h n i q u edu filage reste la même tout au long métier vertical (haute Iisse), fait d'un cadre de bois
fixé au sol. Un peigne tasse le fil de trame. Les tisse- tes", ce qui souligne peut-être l'importance du tis-
rands commencent leur travail par le bas, en avançant sage à la maison. Parfois, elles sont appeléesuser-
vers le haut, les fils de chaîne étant fixés aux deux vantes de ladéesse Neith" (11). Les textes du Moyen
traverses (5). La découverte de poids en pierre ou en Empire mentionnent des hommes engagés dans
argile durcie laisse supposer qu'il devait exister un l'activité du tissage. Cela signifie-t-il que le tissage
métier vertical à poids. Au le' siècle ap. J.-C., un industriel commence peu à peu ? Pour manier le
nouveau métier horizontal est utilisé en Egypte; il est métier horizontal, il suffit de deux personnes accrou-
placé sur des pieds suffisamment hauts pour permet- pies; mais on en voit parfois trois ou quatre s'activant
tre au tisserand de travailler assis. Ce métier sera à la préparation d'un tissu de grandes dimensions. Le
perfectionné par l'introduction de plusieurs systèmes métier vertical, lui, peut être manié par une ou deux
d'ouverture des fils de chaîne pour laisser passer les personnes.
fils de trame. Le métier vertical reste cependant en Les renseignements les plus nombreux sur la vie
usage durant toute cette période. des tisserands datent des époques hellénistique et
Les étoffes égyptiennes sont très variées, comme romaine. A ce moment, la production du lin est entiè-
en témoignent les nombreux termes qui les dési- rement contrôlée. La surface à cultiver en lin dans
gnent (6). Certaines sont spécialement tissées pour chaque province est fixée annuellement et la distribu-
les dieux, pour les prêtres ou pour le roi; d'autres sont tion des semences est assurée par le gouvernement.
destinées à être portées par les vivants ou réservées A l'époque ptoléma'ique, les tisserands tendent à
aux morts. La technique du tissage atteint rapidement s'organiser de manière corporative. La production
une perfection telle que, sur une étoffe datée de la le peut être familiale, mais il existe également des ma-
dynastie, on a pu compter soixante-quatre fils de nufactures d'Etat et des ateliers dans les temples, où
chaîne et quarante-huit fils de trame au centimètre; est fabriquée la fine toile de lin, le byssus, utilisée
d'autres étoffes, de la XVIIIe dynastie, comportent pour la parure des statues de culte et les vêtements
jusqu'à cent trente-huit fils de chaîne et quarante fils des prêtres. Cette étoffe de luxe constitue un des
de trame ou cent vingt-huit fils de chaîne et principaux produits d'exportation du commerce la-
cinquante-six fils de trame au centimètre. La qualité gide. La production des temples échappe à l'emprise
des étoffes est donc fonction de la finesse du fil directe de I'Etat, tandis que les autres ateliers de
employé plutôt que de la variété des dessins et des tissage sont soigneusement surveillés, de même que
couleurs. Les tisserands égyptiens utilisent cepen- la qualité de la fabrication. Un règlement fixe le nom-
. dant des procédés techniques variés, notamment le bre de fils nécessaires pour chaque qualité. Les tis-
tissu (7) et le canevas. Dès le Moyen Empire, des serands doivent, chaque année, produire une quan-
textiles bouclés sont fabriqués et, au Nouvel Empire, tité de tissu fixée par le gouvernement. Après inspec-
apparaissent la broderie et la tapisserie (8). Cette tion, ils sont payés suivant des tarifs qui peuvent
dernière manière de travailler le textile paraît liée à varier en fonction de la qualité et de la quantité four-
l'utilisation du métier vertical. Le métier horizontal du nies. Si les tisserands sont les propriétaires de leurs
1"'siècle ap. J.-C. permet d'obtenir des dessins plus ateliers et de leurs outils, le gouvernement se réserve
compliqués avec des coloris diversifiés. Ce ne sont le droit de sceller et de rassembler les métiers dans la
pas les seules techniques connues; on sait, par métropole de la province lorsqu'il n'y a pas assez de
exemple, que les Egyptiens pratiquaient aussi le cra- travail pour les occuper tous.
pautage, le fil tiré, le flotté chaîne, le flotté trame (9)... Dans tous les domaines de la production et du
Les tissus sont également plissés. Ils peuvent aussi traitement des matières textiles, I'Etat intervient par le
être décorés de peintures (nos94 et 95) ou par appli- biais de l'impôt. Les Ptolémées développent aussi
cation de bractées, de motifs perlés ou de cuir. l'industrie lainière. La production de la laine reste
cependant inférieure à celle du lin et on importe des
Les conditions de travail laines malgré les droits de douane qui frappent ces
Les textes anciens (10) parlent de tisserandes; tissus à l'importation.
souvent, également, elles sont nommées "servan-
(1) Les noms egyptiens se rapportant aux textiles sont dans A
Errnan et H Grapow, Worterbuch der agyptischen Sprache
(Leipzig, 1925-1931)
(2) Herodote, Histoires, 11, 81
(3) Pline, Histoire naturelle, 19, 16-18
(4) Les dechets, formant une sorte d'etoupe sont employes
pour faire des cordes, des rneches de lampes
(5) Dunand O c (v bibl ), p 51
(6) Un vocabulaire abondant designe, en egyptien, les varietés
de lin II y a des mots qui distinguent la qualité, d'autres, la
texture (lin fin, tres fin, de premiere qualite, resistant ). d'au-
tres encore, l'usage (lin destiné a la literie, specialement tisse
pour les dieux ) II y a aussi des termes qui nomment les
etoffes colorée~,ouqui precisent le nombre de fils par unite
de longueur Voir Forbes, O c (v bibl ), p 42-43 et 74-76
(7) Pour les termes techniques, voir N Viallet, Tapisserie Princi-
pes d'analyse scientifique (Paris, 1971)
(8) Les procedes cités ont-ils ete inventes au Proche-Orient
plutôt qu'en Egypte 7 Voir à ce sulet, M Th Barrelet, Un
inventaire de Kar-Tukulti-Ninurta textiles decores assyriens
et autres dans Revue d'assyriologie, 71, 1977, p 51-71
(9) Les egyptologues ont émis des avis contradictoires a propos
d'un procede qui produit des decors geometriques Ceux-ci
sont probablement obtenus par insertion, dans la chaîne fon-
damentale, de fils speciaux de chaîne ne servant qu'a former
.
le dessin Voir Barrelet, O c p 65
(10) Forbes, O c , p 224
(11) Le tissage est placé sous le patronage d'une des déesses les
plus anciennes d'Egypte, Neith de Sais

Bibliographie sommaire
G M Crowfoot, Textiles, basketry and mats, dans History of Tech-
nology, l (Oxford, 1954), p 413-457
F Dunand, L'artisanat du textile dans I'Egypte lagide, dans Ktèma,
4 1979, p 47-69
R J Forbes, Studies in Ancient Technology, IV (Leiden, 1956)
A Lucas, Ancient Egyptian Materials and Industries, 4e éd rev par
J R Harris (Londres 1962). , 128-154
,. D
E. wipszycka, L'indktrie textile dans I'Egypte romaine (Varsovie,
1965).
94. Scène d'offrande des fleurs en bouquet magnifique, est assise sur un
fauteuil a haut dossier. Elle porte une longue robe
LIn plissée et est parée de bijoux. Sa chevelure noire,
Environ 0,34 x 0,54 très longue, est surmontée d'une fleur de lotus épa-
XIXe ou XXe dynastie
Collection particulière nouie et d'un cône de parfum. Le texte témoigne
d'une certaine fantaisie du scribe, notamment dans
Les scènes d'offrande peintes sur lin sont très rares; l'orientation des signes.
elles abondent, en revanche, sur les parois des tom- Ce fragment de lin provient sans doute de Deir el-
bes et sur les stèles. Malgré ses nombreuses lacu- Médineh : le titre de "Serviteur de la Place de Vérité"
nes, la scène n'a rien perdu de safraîcheur. Ournefer, était, en effet, réservé aux ouvriers qui vivaient dans
"Serviteur de la Place de Vérité", paré de bijoux et ce village et qui travaillaient à la construction des
vêtu d'un pagne plissé bouffant, fait une libation d'eau tombeaux des pharaons dans la Vallée des Rois.
fraîche. Les offrandes sont disposées sur un guéri-
Inédit
don, sous lequel on voit encore une salade et un vase
sur son support. Henoutoudjabou, la défunte à la-
quelle ces offrandes sont destinées, de même que
95. Fragment de linceul

Lin et peinture
0,70 x 0,90
Epoque romaine
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 5699

Le fragment est en toile de lin écru à forte réduction


chaîne. II devait appartenir à une représentation
d'Osiris en entier, formule traditionnelle de ce type de
linceuls peints. Le tissu présentant la chaîne horizon-
tale, il faut supposer qu'il y avait une couture au milieu
du corps.
Osiris momiforme, vu de face, porte le sceptre et le
fouet (hega et nekhekh) dans les deux mains. II est
coiffé de la couronne atef striée de lignes rouges et
bleues, flanquée de deux grandes plumes, de cornes
et d'uraeus. Au centre de la couronne se trouve le
disque solaire. Le visage ovale est envahi par deux
yeux noirs allongés et un très long et large nez qui
surmonte la bouche. Sur les joues descendent deux
bandes noires. Le corps d'Osiris est emmailloté dans Cependant, ce type de linceul étant relativement rare,
une enveloppe de résille à fond rouge et décor noir et la classification chronologique n'est guère aisée.
bleu. Le dieu porte un collier ousekh fait de lignes Tout au plus pourrait-on le rapprocher d'un linceul
larges décorées de pastilles bleues, ainsi que d'un conservé à Berlin ou de celui récemment découvert à
pectoral naoforme. De part et d'autre du visage sont Saqqara dans un puits près du tombeau de Boccho-
agenouillées deux pleureuses qui serrent une étoffe ris.
dans la main. Des piliers djed et des colonnettes de
papyrus encadrent la scène. Bibi. : 1 . Errera, Collection d'anciennes étoffes égyptiennes (Bru-
xelles, 1916). no 17; H. De Meulenaere, Het leven nadedood in het
Les couleurs ont été appliquées sur une couche pré- Oude Egypte. Provinciaal Gallo-Romeins Museum Tongeren,
paratoire beige et les contours de toutes les figures 1969, no 32; KI. Parlasca, Mumienportrats undverwandte Denkma-
sont peints en noir, à l'exception du visage d'Osiris ler (Wiesbaden, 1966), p. 165.
qui est brun. La figure d'Osiris n'est pas complète,
Pièces de comparaison : Staatliche Museen preussischer Kultur-
mais le décor ne devait pas être chargé davantage, si
besitz. Aegyptisches Museum (Berlin, 1967), no 1023; E. Bres-
l'on en juge par la trace laissée par la couleur de fond ciani. A propos de la toile funéraire peinte trouvée récemment à
qui limite l'espace à décorer. II n'y a pas d'élément Saqqara, dans Bulletin de la Société française d'Egyptologie, no76.
iconographique qui permette de proposer une data- juin 1976.
tion convaincante. Ce qui reste de la représentation
est encore fort proche de la tradition pharaonique.
5.2 Epoque copte

Historique même n'a rien conservé des périodes antique et


Le mot "copte" est la déformation arabe du grec byzantine.
Aiguptios, "égyptien". Mais le terme d'"art copte", Datation
dans son acception la plus commune, recouvre les
Les tissus coptes ont malheureusement été déga-
productions artistiques des Egyptiens chrétiens de-
gés dans des conditions non scientifiques, les cir-
puis la christianisation, à une époque bien antérieure
constances des trouvailles n'ayant pas ou guère été
à l'occupation par les Arabes (640), jusqu'au moment
enregistrées; les lieux de fouilles, officielles ou clan-
de l'adoption généralisée de la langue arabe vers le
destines, ont été pillés par les bédouins et les fellahs;
12" siècle.
les marchands ont souvent découpé les parties or-
Les tissus sont un des aspects les plus connus de nées pour les vendre séparément. De sorte que la
cet art. Car c'est I'Egypte, et de très loin, qui a chronologie de ces tissus a été et reste un problème
conservé le plus grand nombre de textiles pour I'épo- difficile. Avant les fouilles de la fin du 19" siècle, une
que. La cause doit être trouvée, d'une part, dans les première tendance a été de les dater de l'époque
vertus exceptionnellement conservatrices du sol pharaonique; ensuite, l'étude des coutumes funérai-
égyptien, mais aussi dans une modification des rites res a eu pour conséquence de les placer plus bas.
funéraires qui eut lieu vers le milieu du 3" siècle : on Les publications, dans les années '20, des grandes
renonce alors à la momification, ou on pratique une collections de Berlin ou de Londres les placent entre
momification sommaire, et l'habitude s'instaure d'en- le 3" et le 7" siècle, antérieurement à la domination
sevelir les morts avec leurs vêtements. Souvent arabe. Depuis lors, on a estimé que les traditions
aussi, un coussin est glissé sous leur tête et ils sont artistiques n'ont pas été brutalement interrompues et
recouverts d'un drap funéraire ou d'une tenture. que la fabrication de textiles figurés s'est poursuivie
Lorsque, dans le dernier quart du 19" et au début du avec ses caractères coptes jusque sous les Fatimi-
20" siècle, on exhuma des nécropoles aux abords des (969-1 171). On sait d'ailleurs par les textes que
des villes ou des grands monastères, des quantités les Coptes avaient une sorte d'apanage du tissage.
considérables de tissus furent mises au jour et affluè-
rent dans les musées d'Europe. C'est ainsi que les
Musées royaux d'art et d'histoire ont acquis une part
importante de leur collection dès 1887.
Typologie
La typologie de ces tissus est plus variée que ne le
I
laisse supposer l'état fragmentaire dans lequel la plu-
Le site le plus riche à cet égard est Akhmim, en part nous sont parvenus. Les tybes relèvent de deux
Haute Egypte. Akhmim, l'ancienne Panopolis, ville grandes catégories : les étoffes d'ameublement (ten-
ptolémaïque puis romaine, était déjà réputée dans le tures, draps, coussins) et'les vêtements (y compris
monde antique pour le tissage du lin, comme le rap- bonnets et chaussettes). Ces deux catégories sont
porte Strabon. Antinoé, la capitale romaine d'Hadrien représentées dans l'usage funéraire. En effet, s'il est
-aujourd'hui Sheich Abade, en Moyenne Egypte- possible que certains draps et coussins aient été
a également fourni de nombreux tissus, parmi les- confectionnés spécialement pour les envelisse-
quels des soieries locales ou d'importation. II faut ments, ce n'est pas le cas des vêtements, encore
aussi citer, notamment, Saqqara près du Caire et qu'on ait sans doute réservé aux morts leurs plus
Karanis dans le Fayoum. La ville d'Alexandrie elle- beaux atours.
II était fait grand usage des tentures non seulement dront par la suite. La croix apparaît en Egypte sous la
dans les demeures privées mais aussi dans les édifi- forme particulière de la croix ansée, dérivée de I'ankh
ces publics et les églises. Les grands tissus décorés pharaonique, signe d'éternité. Plus tard se rencon-
de personnages orants ou de croix étaient sans doute trent des représentations du Christ, de saints et de
d'usage religieux. Quant aux vêtements, ils sont at- personnages bibliques ainsi que des compositions
testés par de nombreux monuments figurés. Dans comme l'Histoire de Joseph ou le Baptême du Christ,
les mosaïques de Piazza Armerinaen Sicile (début du sans que le répertoire ornemental soit pour autant
4" siècle), les personnages sont vêtus de tuniques et abandonné.
de manteaux ornés de clavi, de carrés, de médaillons
ou d'équerres.Les mosaïques funéraires d'Afrique Style
du Nord, les peintures des monastères coptes, en L'évolution stylistique - qui n'est pas continue,
particulier celles de Baouît, y apportent leur témoi- car la référence aux formes antiques connaît des
gnage régional. résurgences dans I'art byzantin - ira globalement
dans le sens d'une stylisation de plus en plus accen-
tuée.L'abandon du canon antique et des formes natu-
iconographie
ralistes, favorisé par la coupure du lien avec Byzance
Le répertoire iconographique des tissus coptes et l'influence du contexte arabe, aboutira à la repré-
ressortit, dans un premier temps, à I'art hellénistico- sentation des motifs sous une forme proche des
romain tel qu'il était pratiqué dans l'Empire tout entier. idéogrammes. Les pièces sélectionnées pour I'expo-
Les sujets sont fréquemment inspirés de la mytholo- sition sont en majorité anciennes, mais l'ornement de
gie : le voile du Louvre (4" siècle) représentant un tunique no93 est représentatif de cette évolution. Les
cycle dionysiaque en est un superbe exemple (il coloris, qui sont d'abord tantôt limités à l'opposition
s'agit d'une toile de lin imprimée en réserve, une de la pourpre et de l'écru, tantôt d'une vive polychro-
technique décrite par Pline l'Ancien comme typique- mie, auront tendance à se limiter et à s'assombrir.
ment égyptienne mais dont quelques exemples seu-
lement sont conservés). Si Dionysos lui-même n'est
plus guère représenté dans les siècles suivants, des
motifs comme les ménades, satyres, danseuses et
musiciens, certains animaux et les rinceaux de vigne Technique
continuent d'être utilisés pour leur aspect décoratif et Les douze pièces coptes présentées à l'exposition
ornemental. II en va de même des personnifications sont exécutées suivant trois techniques de base (1).
comme Hestia ou les Saisons. Les thèmes idylliques, La plupart sont en tapisserie (sur métier), deux sont
animaliers et de chasse, qui s'étaient largement dé- des samits de soie (nos 105 et 106), une est réalisée
veloppés à la fin de l'Antiquité, constituent aussi une en "sprang" (No 107). Les pièces en tapisserie se
part importante du répertoire où puisaient les artisans répartissent en deux groupes, le premier étant le plus
coptes. ancien.
Le thème si répandu du cavalier en est issu. Mais Les pièces du premier groupe (nos 96, 97, 100,
ce cavalier, lorsque - tel l'empereur Constantin ou 101, 102) montrent toutes le procédé du croisage de
Horus - il terrasse un ennemi, acquiert une dimen- la chaîne : ce procédé très particulier se rencontre
sion morale de combat contre le mal. L'art copte seulement dans certaines des tapisseries coptes. El-
développera tout un panthéon de saints cavaliers. les sont tissées en partie en toile et en partie en
Sur de nombreux coussins, les cavaliers combattant tapisserie. Le fond du tissu, en toile de lin d'une assez
sont plus neutres : sans doute signifiaient-ils, dans grande finesse, est le plus souvent fragmentaire.
un contexte funéraire, l'ultime lutte contre le mal. Pour ce tissu de fond, la réduction chaîne de toutes
Les thèmes proprement chrétiens sont rares dans les pièces se situe vers les vingt fils de chaîne par
les premiers siècles. L'orant ou le nimbe ne sont pas centimètre, sauf pour le no 96, pour lequel elle est
à l'origine spécifiquement chrétiens, ils le devien- encore plus grande. La réduction trame, beaucoup
moins grande, se situe vers les dix coups par centi-
mètre. Toutes les pièces ont une chaîne de lin. La
trame des parties en tapisserie est du lin écru et de la
laine teinte. Outre la particularité des croisages de la
chaîne, ces tissus montrent d'autres procédés parti-
culiers : fils volants, ressauts et flottés de trame. Le
no 99 ne peut être classé dans un groupe. C'est un
tissu en bouclette de laine (poils pourpre) et de lin
écru (poils courts et longs). Néanmoins, la réduction
chaîne et trame est de la même grandeur que celle
des tissus du premier groupe; dans ce groupe, le
procédé des bouclettes formées par une trame de lin
écru a aussi été utilisé pour le no 100.
Les pièces du deuxième groupe (nos 98, 103 et
104) ont une chaîne de laine d'une réduction beau-
coup moins élevée que celle du premier groupe, se
situant vers les dix fils par centimètre. Pour les nos98
et 104, les trames sont en laine; pour le no 103, on a
employé aussi du lin écru. Les procédés particuliers
utilisés dans les parties en tapisserie sont des arron-
diments et des chaînettes en arrondiment. Seule, la
pièce no 104 montre en plus des fils volants et des
ressauts.

D.D.J.

(1) Pour les termes techniques, voir N Viallet, Tapisserie Princi-


pes d'analyse scientifique (Paris, 1971), Vocabulaire techni-
que des tissus (C I E.T A ; Lyon, 1959)

Bibliographiesommaire
J. Beckwith, Tissus coptes, dans Les Cahiers Ciba, VII, no83, août
1959, p. 2-27.
P. du Bourguet. Catalogue des étoffes coptes, 1. Musée national du
Louvre (Paris, 1964).
D. Renner, Die koptischen Stoffe im Martin von Wagner-Museum
der Universitat Wurzburg (Wiesbaden, 1974).

Dans les notices no 96 à 107, les indications concernant la techni


que sont fondées sur les recherches de D De Jonghe
96. Tunique d'homme

Lin et laine
1,33 x 1,88
5"-6" siecies ap J -C
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv Tx 2482

Les exemples de tuniques complètes sont rares.


Celle-ci est d'un type qui semble avoir été pratiqué du
4" au 7" siècle, avec des clavi étroits, des bandes de
poignets pareilles à celles des clavi et des carrés
ornant les épaules et le bas du vêtement. La tunique
est faite de trois pièces : une devant et une derrière
s'arrêtant sous les clavi (les lisières sont prises dans
la couture horizontale et limitent le bas); une troi-
sième pièce, toujours de même largeur mais beau-
coup plus longue, forme la partie recouvrant la poi-
trine et le dos ainsi que les manches. Une fente est
ménagée pour le passage de la tête. Ce montage
simple est également traditionnel.
Le tissu de fond est une toile de lin écru, tandis que Cet ornement de tunique d'adulte, presque complet,
les parties en tapisserie, en laine pourpre et lin écru, comporte, de face et de dos, un grand pectoral, de
présentent une grande richesse de procédés techni- larges bandes verticales descendant très bas et un
ques : croisage de la chaîne, perfilage, broche vo- des deux carrés d'épaule, en tapisserie de laine
lante et ressauts. Les motifs ornementaux sont un pourpre-brun et lin écru sur une toile de lin écru Les
simple rinceau végétal et, à l'intérieur des carrés, un détails sont tracés à la broche volante et en ressauts
animal courant inscrit dans un médaillon. La fente pratiquée pour la tête est bordée d'une chaî-
nette de laine rouge.
Bibl . I Errera, Collection d'anciennes étoffes egyptiennes (Bru- La richesse décorative en est remarquable. Les pec-
xelles 1916) no 113
toraux sont ornés de quatre figures dansantes et de
musiciens sous des arcades perlées, tandis que, sur
les ba.ndes, alternent des animaux courant et des
fleurons. Tous ces motifs remontent à une tradition
hellénistique, qu'on sent encore vivante, mais sont
97. Ornement de tunique traités de manière stylisée quoique pleine de vigueur.

Laine et lin Bibl I Errera, Collection d'anciennes étoffes egyptiennes (Bru-


Face 0,95 x 0,46, dos 0,90 x 0,455 xelles 1916), no202, L'artchrétien du Nil, Bruxelles, 1974, no 17
5e-6esiecles ap J -C
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv Tx 261
98. Ornement de tunique 100. Coussin

Laine Lin et laine


0.48 x 0,305 0.49 x 0,48
7"-8' siècles ap. J.-C. 5e-6esiècles ap J -C
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. ACO. 76.2.2 Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv Tx 274

Ce morceau, qui formait la partie décorative du de- Ce bel exemple de coussin -les coussins sont bien
vant ou du dos d'une tunique d'adulte, est en tapisse- représentés dans de nombreuses collections, et
rie de laine brun sombre et naturelle, présentant un beaucoup ont un décor similaire - provient
perfilage simple groupé et des chaînettes en arrondi- d'Akmim Sur un tissu de fond en toile de lin écru
ment sur un fond en toile de laine naturelle. II est bouclé, se détache un carré en tapisserie de laine,
constitué d'une large bande à rinceaux très stylisés, d'une belle et vive polychromie, et de lin écru. Les
peuplés d'animaux figurés comme des idéogram- procédés techniques sont variés : croisage de la
mes, qui fait retour dans la partie supérieure; sur la chaîne, perfilage simple groupé, détails tracés à la
poitrine, un rectangle contient quatre figures sché- broche volante et en ressauts.
matiques levant le bras d'un geste mécanique. La Le médaillon central est occupé par un cavalier com-
confrontation de cette pièce avec le no 97 permet de battant; les médaillons d'angle contiennent des per-
juger de l'évolution stylistique de motifs très sembla- sonnages agenouillés, dont deux combattent et deux
bles à l'origine. offrent des présents, en alternance avec des corbeil-
les de fruits Le sens de l'iconographie n'est pas très
Bibl. : Museumleven, 5, 1978, p. 75-76. clair, comme II arrive souvent. On y retrouve un écho
de l'art impérial, ou bien le cavalier symboliserait la
lutte (chrétienne) contre le mal. En dépit d'une utilisa-
tion funéraire, l'aspect de ce coussin est empreint de
gaîté.

Bibl . I Errera, Collection d'anciennes étoffes égyptiennes (Bru-


xelles, 1916), no 192, L'art chrétien du Nil, Bruxelles, 1974, no24
99. Morceau de tenture

Lin et laine
0,61 x 0,58
4"-5" siècles ap. J.-C.
Bruxelles, Musées royaux d'artet d'histoire, Inv. Tx. 150

101. Morceau de tenture


Cette pièce offre un remarquable exemple de la tech-
nique du bouclé-à la trame de laine pourpre-bleu et Lin et laine
lin écru sur un fond de toile de lin écru -et d'un type 0,87 x 0 5 3
de décor géométrique à méandres, qui se retrouve 5" siècle
aussi dans la mosaïque de l'époque. Les motifs géo- Bruxelles. Musées royaux d'art et d'histoire, Inv Tx. 295
métriques monochromes sont fréquents sur les
grands draps ou tentures tissés en bouclé, dont la La pièce, qui provient des fouilles d'Akhmim,
beauté et la rigueur du dessin gardent un aspect conservé ses bordures supérieure et inférieure. Elle
monumental. est en toile de lin écru orné de parties en tapisserie de
laine polychrome et lin écru, présentant divers procé-
Bibl 1 Errera, Collection d'anciennes étoffes égyptiennes (Bru- dés : croisage de la chaîne, perfilage simple groupé
xelles, 1916), no 81; L'artdu Nil, Bruxelles, 1974, no 19 et flottés de trame.
Le décor végétal, un semis d'arbres, de corbeille et
de fleurons étoilés, s'organise dans des losanges
constitués de fleurettes stylisées qui s'enlèvent sur le
fond clair avec beaucoup de fraîcheur.

Bibl I Errera, Collection d'anciennes étoffes égyptiennes (Bru-


xelles. 19161, no 35. L'art chrétien du Nil, Bruxelles, 1974. no 28

102. Bande de tapisserie

Lin et laine
0.43 x 0,09
5"siècle ap. J.-C.
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. Tx. 247

Cette bande à personnages superposés d'assez


grande dimension, qui provient des fouilles dlAkh-
mim, ornait soit une tunique, soit même une tenture.
Le fond est en toile de lin écru et la tapisserie est de
laine pourpre-brun et lin écru; elle présente un perfi-
lage simple groupé espacé et des détails tracés à la
broche volante et en ressauts.
Le décor, d'origine dionysiaque, est d'aspect très
classique. Les trois personnages : un joueur de flûte
de Pan, un guerrier et une danseuse ou ménade, se La tapisserie, provenant des fouilles dlAkhmim, a une
tiennent, de manière certes stéréotypée, mais dans chaîne de laine naturelle et des trames de laine poly-
un style encore hellénistique, dans des encadre- chrome et de lin écru; elle présente le procédé du
ments de niches dont les écoinçons sont occupés par perfilage simple groupé espacé et des arrondiments
des oiseaux. doubles.
Bibl I Errera, Collection d'anciennes étoffes égyptiennes (Bru-
Malgré la stylisation accentuée des motifs figurés
xelles, 1916), no 157 sous les arcades (danseuse, tête de femme, bouquet
et arbre), la qualité décorative, alliée à la vivacité des
couleurs, reste remarquable. Les files de motifs en
forme de cœur se rencontrent aussi sur des tissus
103. Morceau de tapisserie byzantins et islamiques contemporains.

Laine et lin Bibl. : 1. Errera, Collection d'anciennes étoffes égyptiennes (Bru-


0,13 x 0,24 xelles, 1916), no303.
siècle ap J.-C
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. Tx 340
104. Bande de tapisserie

Laine
0,30 x 0.10
7"-8" siecles ap J -C
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv AC0 76 2 7

En laine bleu sombre, écru et rouge, cette tapisserie


présente des arrondiments et des détails traités à la
broche volante et en ressauts Tout un monde dérivé
de la mythologie s'y agite, en registres superposés à
un ou deux personnages : centaures jouant de laflûte
de Pan et à queue de sirène, danseuse nue et dan-
seur vêtu d'un pagne, femme sur un cheval à queue
de dragon Cette confusion iconographique et le ca-
ractère désarticulé des figures indiquent une date
assez basse, malgré la persistance des motifs anti- Bibl I Errera, Collection d'anciennes etoffes egyptiennes (Bru-
aues. xelles. 19161, no 189

Inédite

106. Clavus
105. Médaillon Soie sur lin
O 475x0,11
Soie 7'-8' siecles ap J -C
Diam. 0.12 Bruxelles, Musees royaux d'art et d'histoire, Inv Tx 13
6e-7esiècles ap. J.-C.
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. Tx. 3 Le clavus, incomplet dans le haut, est en samit de
soie deux lats, vert-brun et crème, cousu sur une toile
La pièce est un samit de soie deux lats, pourpre-brun de lin écru. II provient d'Akhmim. Son décor est unc
et crème, et provient dlAkhmim, qui a fourni un cer- interprétation géométrisée d'éléments végétaux
tain nombre de soieries apparentées. Le thème re- dont le caractère non figuratif est rare dans la produc
présenté (deux personnages couronnés, debout tion copte, mais qui le rattache à un groupe de soie
côte à côte et élevant des branches de feuillage), se
retrouve sur plusieurs médaillons de soie provenant
d'Egypte, dont certains ont pu appartenir à la même
pièce'. Le modèle paraît bien être byzantin, de même
que la bordure ornée de croix de Malte et de motifs
floraux stylisés.
ries de même provenance

Bibl I Errera Collection d'anciennes etoffes egyptiennes (Br@'


xelles 1916) n0247 1
107. Bonnet

Lin
0,24x 0,31
5"siècle ap. J.-C.
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. Tx. 2473

La technique utilisée pour ce bonnet ajouré, qui pro-


vient du tombeau d'Aurélius Colluthus à Antinoé, est
le sprang, à chaîne de lin écru et rouge Cette techni-
que est bien attestée en Egypte ancienne et copte .
les Musées royaux en possèdent deux autres en lin et
un en laine. Les fils se rejoignent au sommet de la tête
pour former une pointe qui retombe un peu a la ma-
nière d'un bonnet phrygien Des bonnets de ce genre
se voient sur quelques portraits de momies

Bibl. : 1. Errera, Collection d'anciennes étoffes égyptiennes (Bru-


xelles, 1916),no142.
L'embaumement et l'industrie funéraire

La conception égyptienne de l'être humain dans le sable du désert. Mais, lorsqu'ils ont été dépo-
Les plus anciens habitants de I'Egypte croyaient sés dans des tombes plus vastes et plus élaborées,
déjà à une survie après la mort et, pour cette raison, où ils étaient en contact avec l'air, ils se décompo-
ont accordé à leurs défunts un intérêt qui dépasse de saient rapidement.
loin celui qu'on observe chez les autres peuples. Les La momification est attestée depuis la IIe dynastie.
morts, déposés dans des "maisons d'éternité", sont Tout d'abord réservée aux pharaons, cette pratique a
choyés et entretenus comme des vivants. Ils sont vite gagné l'entourage immédiat du souverain, puis
entourés d'un mobilier funéraire et reçoivent des pro- tous les mortels. Elle se perpétuera jusqu'au 5" siècle
visions alimentaires. de notre ère. Les rites de l'embaumement sont à la
La complexité des rites funéraires est liée à la fois matériels, pour soustraire le corps à la putréfac-
conception égyptienne, selon laquelle I'être humain tion, et magiques, car il faut faire appel aux puissan-
n'est pas seulement composé d'un corps matériel ces supérieures. L'intervention des déesses Isis et
(djet), mais de principes spirituels, dont la significa- Nephthys et du dieu Anubis favorise la résurrection
tion réelle est difficile à cerner. L'akh, principe immor- du mort et lui permet de devenir l'"Osiris un tel",
tel, représenté par un ibis à aigrettes, devient l'esprit : c'est-à-dire celui qui vit éternellement comme le dieu
c'est une force divine, que seuls les pharaons possé- Osiris, le souverain de l'empire des morts, I"'0cci-
daient à l'origine, mais dont le privilège s'est rapide- dent" (no 78).
ment étendu aux simples mortels. Le ba, oiseau à tête La momification demandait aux embaumeurs un
humaine, est l'âme. Ce principe se caractérise par long travail de patience et beaucoup d'art : Hérodote
son indépendance à l'égard du support matériel affirme qu'elle durait soixante-dix jours. Le rituel
qu'est le corps. II est la "faculté de se mouvoir" et commence au moment où le mort est emmené à
peut reprendre son individualité après la mort. Enfin, l'embarcadère pour traverser le Nil dans un concert
le ka, auquel les textes font le plus souvent allusion, de lamentations et de signes extérieurs de deuil : les
est encore plus difficile à définir : c'est la "force femmes se couvrent la tête de boue et de poussière
vitale", l'"énergie". Les statues ou les figurations et les hommes ne se rasent plus. Parvenu sur la rive
peintes ou gravées peuvent être, àdéfaut du corps, le occidentale du fleuve, le cadavre est déposé sous la
support dont il a besoin. La personnalité humaine tente de purification, où il est soumis à une aspersion
comprend encore une ombre (shouyt) et un nom : le d'eau lustrale, puis transporté vers l'atelier d'embau-
nom de l'individu est, effet, un gage d'immortalité. mement. Chaque étape du rituel est accompagnée
de paroles et de récitations liturgiques, qui sont des
La momification et le rituel funéraire souhaits et des exhortations prononcées par les prê-
La mort est un passage périlleux au cours duquel tres.
I'être humain perd son unité. Or, celle-ci est indis- La première opération consiste à extraire le cer-
pensable à l'immortalité. Le désir de garder éternelle- veau par les narines à l'aide d'un crochet. Ensuite, par
ment le corps, support permanent des forces spiri- une incision pratiquée dans le flanc, on retire les
tuelles, a engendré la recherche de méthodes de viscères, qui sont traités séparément et déposés
conservation. Les corps, progressivement déshydra- dans des urnes (vases canopes no 111). Une fois vidé
tés par la chaleur, se conservent remarquablement de toutes les matières putrescibles, le corps est
abondamment rincé et parfumé, puis il est plongé courager les pillards attirés par le mobilier funéraire,
dans un bain de natron sec pour en déshydrater les Egyptiens vont bientôt imaginer de creuser les
complètement les tissus. Vient alors le moment où tombes dans le roc et de les surmonter d'une super-
I'embaumeur doit faire preuve de tout son art pour structure parallélipipédique, que I'on appelle mas-
rendre au squelette, recouvert d'une mince couche taba. Les nombreuses chambres qui composent ces
de chair, une apparence de vie. La tâche n'est certes tombes aboutissent à une salle principale, où se
pas aisée; mais, si I'on observe les momies de sou- trouve la stèle fausse-porte qui établit la communica-
verains qui nous sont parvenues, il faut bien admettre tion avec l'autre monde et permet au mort d'entrer et
que les embaumeurs ont rendu à ces rois un peu de de sortir à sa guise. La table d'offrande (nos18 et 24)
leur personnalité. Les cavités vidées du corps sont et de libation se trouve devant celle-ci.
bourrées de tissu et les membres sont emmaillotés. La décoration des tombeaux par des bas-reliefs ou
Les doigts, les mains et les pieds sont entourés de des peintures apparaît à l'Ancien Empire et va se
bandelettes de lin très fines et pourvus de doigtiers. perpétuer pendant toute la période pharaonique. On
Le corps est enroulé dans des bandes de tissu plus y voit le défunt assis à sa table d'offrande, recevant
larges (no 108). Parmi ces dizaines de mètres de lin, les tributs, surveillant les travaux agricoles ou les
I'embaumeur prend soin d'insérer des amulettes pro- ateliers. Les scènes le représentent aussi à la chasse
phylactiques, comme le scarabée de coeur (nos16 et dans les marais, assis à un festin ou prenant part aux
55), le scarabée ailé (no 108), le pilier djed, l'œil cérémonies funéraires et rituelles, comme le voyage
oudjat, qui renforcent la protection du défunt. à Abydos, la ville sainte d'Osiris. Le sens profond des
Enfin prête, la momie repose sur un lit et le prêtre représentations n'est pas toujours certain. Sans
procède à la cérémonie de l'ouverture de la bouche, doute, la force magique de l'image joue-t-elle pour
qui concrétise la résurrection du mort. Ce rituel se recréer la vie pour l'éternité et assurer au défunt les
déroule soit sous la tente de purification, soit à I'en- choses élémentaires à sa subsistance.
trée de la tombe; le prêtre, vêtu d'une peau de pan- A côté des mastabas de Guiza surgissent les pyra-
thère, touche la bouche du défunt avec une hermi- mides, symboles de Ré, le dieu-Soleil, et, jusqu'au
nette (outil de sculpteur, no 4). Accompagnant son Moyen Empire, sépultures royales par excellence.
geste de paroles, il réintroduit l'énergie vitale, rend à Les particuliers, usurpant le privilège, se sont cons-
l'homme les fonctions essentielles à la vie : boire, truit de petites pyramides de briques. Ces édifices ne
manger, respirer. L'officiant dit alors : "Tu revis, tu sont pas décorés comme les mastabas. A partir du roi
revis pour toujours, tu es de nouveau jeune, tu es de Ounas seulement, ces monuments solaires sont ta-
nouveau jeune à jamais". Le mort est un nouvel pissés de textes, incantations, hymnes et prières, qui
Osiris, il est ressuscité, son corps peut être déposé doivent assurer au défunt une seconde vie heureuse.
dans le sarcophage de bois ou de pierre. Le contenu de ces textes gravés sera plus tard repris
dans le Livre des Morts (nos 130 à 132). A Guiza, en
Moyenne Egypte, mais surtout en Haute Egypte, les
Les "maisons d'éternité"
tombes sont des hypogées creusés dans le flanc de
Ce nom donné par les Egyptiens à leurs tombeaux la falaise. Les syringes royaux, cachés au plus pro-
montre bien qu'ils considèrent ceux-ci comme les fond de la montagne, pénètrent parfois à plus de cent
habitations éternelles de leur corps et de leur âme. mètres de profondeur dans le rocher. Leurs décors
Les plus anciennes tombes sont des fosses rondes peints reproduisent les livres sacrés qui décrivent le
ou ovales, dans lesquelles on dépose les corps enve- cheminement du Soleil entrant dans la terre à I'Occi-
loppés dans des nattes ou des peaux. Un tumulus de dent et en ressortant le matin à l'orient. Les différents
pierre marque l'emplacement de la sépulture. A tableaux montrent l'admission du roi parmi les dieux.
l'époque thinite, les tombes sont déjà des maisons Les peintures et les reliefs des tombes privées adop-
souterraines, qui comportent une ou plusieurs cham- tent le même répertoire que celui des mastabas.
bres à murs de briques et plafonds de bois. Pour
mieux protéger les momies de la profanation et dé-
L'équipement funéraire roi ..." conservée au début des formules d'offrande.
Le roi Djéser (vers 2600 av. J.-C.) s'était déjà fait L'appauvrissement du pouvoir central favorisa la vul-
sculpter des statues, supports de son ka, qu'il avait garisation des privilèges royaux et chacun put accé-
fait placer dans le serdab ou chambre aveugle, qui der aux destinées solaires. La transcription de cette
faisait partie de son complexe funéraire. L'habitude ancienne formule a cependant été conservée et les
de déposer des effigies du défunt, en pierre ou en Egyptiens y ont introduit plus tard les noms d'Osiris et
bois, se généralise par la suite de la même manière d'Anubis. Ce bout de phrase suivi de l'énumération
que les décors peints ou sculptés sur les parois des des offrandes énonce sans grand frais des privilèges
tombes. A côté du sarcophage de pierre ou de bois, posthumes et assure au mort tout ce qui lui est né-
dans lequel le cadavre est déposé avec quelques cessaire. La formule a une valeur efficiente et pallie
bijoux, on place un chevet (no 36), des insignes de donc l'insuffisance ou l'absence d'offrandes maté-
dignité (sceptre etc...), les canopes qui contiennent rielles. L'"appel aux vivants" est gravé sur les murs
les viscères, des jarres à provisions, de la nourriture dans le même esprit. II sollicite la charité du passant
et des modèles réduits qui ont servi aux rites funérai- afin que celui-ci prononce le nom du défunt pour qu'il
res. Dès le Moyen Empire apparaissent des objets de vive, fasse une libation d'eau fraîche et dépose de la
bois, groupés, qui reproduisent les faits et gestes de nourriture. En échange, le défunt promet d'intercéder
la vie quotidienne (scènes de brasserie, boulangerie auprès des dieux pour le généreux donateur.
etc ... : cf. le no29) ou des bateaux avec leur gréément Les textes d'incantation de l'Ancien Empire (textet
et leur équipage en pleine action (no30). Les sarco- de pyramides) et du Moyen Empire (textes des sarco-
phages sont, à cette époque, tapissés de textes, phages) ne sont pas tombés dans l'oubli. Ils réappa-
incantations, prières, dont le rôle, identique à celui raissent en quelque sorte, au Nouvel Empire, dans le
des textes des pyramides, est de protéger le défunt Livre des Morts, vaste compilation de ces recueils
dans sa nouvelle vie. antérieurs. Ecrits généralement sur papyrus, ce Livre
Les oushebtis ou statuettes-substituts, accumulés est déposé sur la momie ou dans les statuettes de
près du défunt, jouent aussi un rôle protecteur. Ce Ptah-Sokar-Osiris (no34). Les textes transcrits et les
sont des statuettes momiformes qui portent, peints vignettes, qui les accompagnent pour augmenter leur
sur les épaules, un sac et des outils agricoles. Elles pouvoir, doivent protéger le défunt dans son chemi-
sont prêtes à effectuer à la place du mort les corvées nement vers l'autre monde, le faire triompher de tous
que le souverain de l'"Occident" ne manquera pas les dangers et de toutes les épreuves et assurer sor
de requérir à l'exemple des souverains terrestres. Au identification avec Osiris.
Nouvel Empire, des pièces de mobilier réel sont en-
tassées en nombre plus important près des sarco- Le jugement des morts
phages et font du tombeau une habitation aussi
Un des chapitres les plus importants du Livre de,
confortable que celles d'ici-bas. L'exemple le plus
Morts est sans doute celui consacré au jugement des
célèbre est le trésor de Toutankhamon.
morts. Tout être est justiciable et doit se soumettre à
L'importance donnée aux cérémonies d'offrande la pesée de I'âme. II doit rendre compte du fait qu'il
est mise en évidence dans les représentations figu- s'est conformé à l'idéal de justice qui se confond avec
rées. Les multiples solutions apportées au problème la divinité elle-même. C'est l'ordre moral du monde,
de l'alimentation des défunts paraissent étranges auquel préside le dieu-Soleil. Le mort doit, devant le
chez un peuple qui croit en l'immortalité de I'âme. tribunal divin, prononcer une double plaidoirie : il doi
Malgré le destin assuré par les religions osirienne et se justifier de tous les péchés dont il pourrait être
solaire, on remarque la très nette persistance d'an- accusé (confession négative) et s'adresser aux
ciens rites. Les offrandes étaient à l'origine un privi- quarante-deux assesseurs pour se disculper devant
lège royal et c'était le souverain qui pourvoyait à eux de quarante-deux péchés. II reçoit alors
l'alimentation des défunts de son entourage. C'est ce l'épithète "Juste de voix", que le tribunal de Ré avait
qui explique la mention de "Faveur que donne le attribuée à Osiris. .
La scène de la pesée de l'âme se passe dans la
grande salle des jugements où siège Osiris, assisté
des déesses Isis et Nephthys et entouré des
quarante-deux assesseu?~.Au centre de la pièce se
dresse la balance. Le cœur du défunt est posé sur un
des plateaux et, sur l'autre, se trouve la plume de
Maât, la déesse Vérité-Justice. Anubis surveille le
peson, tandis que Thot prend note des résultats de la
pesée. Près de la balance est accroupi un monstre
hybride qui tient de l'hippopotame : la "Grande Dé-
vorante" attend que le damné lui soit livré. Le cœur
est à ce point dissocié du corps du défunt que celui-ci
lui adresse une supplique afin qu'il lui soit favorable :
"Mon cœur, dit-il, ne témoigne pas contre moi, ne
t'oppose pas à moi en présence des juges ..." (chapi-
tre XXX du Livre des Morts gravé sur le scarabée de
cœur; cf. les nos 16 et 55). Lorsque, au terme de ses
déclarations, le défunt est enfin "justifié" ou "Juste
de voix", il s'avance vers le dieu Osiris, le souverain
des morts.

La nouvelle vie
Le Livre des Morts témoigne, par les divers élé-
ments qui le composent et font sa richesse, du com-
promis établi entre les religions solaire et osirienne.
Malgré l'imagination féconde qui caractérise certains
passages, les Egyptiens ont éprouvé une réelle diffi-
culté à imaginer une vie dans l'Au-delà différente de
celle d'ici-bas. Le mort, dans le paradis osirien,
cultive son champ, laboure, sème, moissonne,
mange et boit. Mais, pour une partie de ses activités, il
se fait remplacer par les oushebtis, comme on l'a vu.
L'idée qui prédomine cependant dans ce recueil d'in-
cantations est le désir de I'Egyptien de revoir le jour,
la lumière du soleil. Le ba confère au défunt la faculté
de se mouvoir pendant l'évolution diurne de I'astre.
Dès que le dieu-Soleil pénètre lui-même sous la
terre, le mort rentre à nouveau dans le monde souter-
rain. Le défunt souhaite aussi prendre part à la navi-
gation céleste. Transporté dans la barque du Soleil
durant le jour, la nuit, il traverse en sens inverse,
puisqu'il est associé à l'évolution de l'astre, les espa-
ces ténébreux du firmament. Cette association avec
le Soleil lui procure le bonheur suprême.
108. Momie de Hor
L. 1,57
XXVIe dynastie
Leiden, Rijksrnuseurn van Oudheden, Inv. AMM 3

L'examen radiographique a permis de déterminer


que cette momie est celle d'un jeune homme dont le
corps a été embaumé suivant la méthode en usage à
la XXVIe dynastie. Les inscriptions figurant sur les
cercueils nous apprennent que le défunt s'appelait
Hor et était prêtre d'Amon. La momie est enveloppée
d'un linceul orné d'un réseau de perles de "fa'ience",
qui recouvre le corps des épaules aux chevilles. Sur
ce filet sont attachés un collier ousekh (cf. le no 53),
un scarabée ailé et des amulettes représentant les
quatre fils d'Horus (cf. le no 111). Le réseau de perles
a pour but, semble-t-il, d'assurer la protection magi-
que de la momie, de même que les quatre génies, qui ,
sont identifiés aux viscères du défunt. Le collier ou-
sekh doit permettre à celui-ci de se libérer de ses
bandelettes, du moins d'après la version saite du
Livre des Morts, dans lequel un chapitre spécial lui
est consacré. Quant au scarabée ailé, il est destiné à
assurer une issue heureuse au jugement d'Osiris et,
en tant que symbole de renaissance, à favoriser la
résurrection du défunt.

Bibl. : voir le no 109.

109. Cercueil intérieur de la momie de Hor

Bois stuqué et peint


Long. 1,77; larg. 0,47;. h. 0,27
XXVle dynastie
Leiden, Rijksrnuseum van Oudheden, Inv. AMM 3
La momie de Hor (no 108) a été déposée dans plu-
sieurs cercueils emboîtés les uns dans les autres. Le
premier, et donc le plus petit, présenté ici, est en bois
et épouse la forme du corps. II a été soigneusement
recouvert de stuc pour masquer tous les joints et
ensuite rehaussé des couleurs typiques de la palette
égyptienne : noir, rouge, bleu, vert et jaune. Sur le
couvercle, le défunt est représenté sous son aspect
momiforme. Le visage est encadré d'une lourde coif-
fure, striée de lignes qui partent du sommet du crâne
et ceinte d'un bandeau de fleurs. Les épaules et la
poitrine sont couvertes d'un collier ousekh peint, qui
surmonte quatre registres de représentations pro-
phylactiques. Les deux premières scènes, en ré-
serve à droite et à gauche, montrent le défunt en
adoration devant Osiris et Ré-Horakhti; elles sont
surmontées d'un oiseau à tête de bélier (ba), qui
étend ses ailes et tient le signe Sn dans ses serres. La
scène suivante est placée sous la protection d'un
oiseau à tête de faucon tenant aussi le signe d'éter-
nité. L'oiseau domine la momie couchée sur le lit
funéraire à pieds en forme de têtes de lion (cf. le
no 35), sous lequel sont posés quatre vases (cf. le
no 111). De part et d'autre se trouvent des génies,
ainsi que les déesses isis et Nephthys, coiffées de la
khayt et agenouillées sur le signe de l'or. Comme les
pleureuses, les déesses portent la main au visage.
Plus bas, encadrant un emblème surmonté des plu-
mes d'autruche et du disque solaire, apparaissent
une série de génies protecteurs et des signes pro-
phylactiques, tels l'œil oudjat et le signe de vie. La
décoration de la cuve du sarcophage est indépen-
dante de celle du couvercle. Pratiquement toute la
surface est occupée par le pilier djed, symbole de
stabilité, et par des génies. Un autre emblème, pro-
che de la couronne de Nefertoum (cf. le no59), pour-
rait symboliser la régénérescence.

Bibi. : C. Leernans, Description raisonnée des rnonurnens égyp-


tiens du Musée des Antiquites des Pays-Bas a Leide (Leiden, que appelées "canopes". Ces urnes étaient dépo-
1840), no M 41, P A.A Boeser, Catalogus van het Rijksrnuseum sées dans la tombe à côté du corps. A partir du
van Oudheden te Leiden (Leiden, 1907), no E 11.40; P H K Gray,
Nouvel Empire, elles furent placées sous la protec-
Radiological aspects of the rnumrnies of ancient Egyptians in the
Rijksrnuseum van Oudheden, dans Oudheikundige Mededelingen tion des quatre fils d'Horus, Amset, Hapi, Qebehse-
van het Rijksmuseum van Oudheden, 47,1966, p 13-14, no 11, et nouf et Douamoutef, et l'on donna aux couvercles la
pl XXVII, 1 forme des têtes de ces divinités. Ces canopes-ci, qui
étaient destinés à contenir les viscères d'un certain
Harmachis, invoquent quatre divinités supplémentai-
res : le canope à tête d'homme est sous la protection
d'Arnset et d'Isis, le canope à tête de cynocéphale
110. Fragment de pied de sarcophage sous celle de Hapi et de Nephthys, celui à tête de
faucon sous celle de Qebehsenouf et de Selkis, et
Bois stuqué et peint celui à tête de chacal sous celle de Douamoutef et de
H. 0,19; 1.0,29
XXVe-XXVledynastie
Neith. Cette série complète de quatre cartopes peut
Liège, Musée Curtius, Inv. 1 634 être datée de l'époque saite.

Bibl. : C. De Wit, Stad Antwerpen. Oudheidkundige Musea. Vlees-


Un taureau, identifié par le texte qu'il surmonte huis. Catalogus, VIII. Egypte (Deurne-Anvers, s.d.), p. 53, no304.
comme étant IU'Apisvivant", court vers la droite. Sur
son dos, il emporte une momie portant la barbe posti-
che et recouverte d'un drap rouge losangé de noir. La
tête du taureau et une inscription sont partiellement
masquées par une bande de bitume. Au-dessus du
taureau, une colonne verticale d'hiéroglyphes donne 112. Boîte à canope (?)
les titres sacerdotaux du propriétaire. La pièce est,
selon toute probabilité, découpée dans la planche Bois stuqué et peint
H. 0,67; 1. au sommet : 0,214; à la base : 0,229
formant le pied d'un sarcophage. Le symbolisme de Epoque tardive
l'Apis galopant doit être en rapport avec l'idée de Musée royal de Mariernont, Inv. Ac. 64/78
résurrection.
Ce réceptacle surmonté d'un faucon proviendrait de
Bibl. : M. Malaise, Antiquités égyptiennes et verres du Proche-
Orient ancien des Musées Curtius et du Verre à Liège (Liège,
Memphis. Le faucon accroupi porte, sur la partie su-
1971), p. 112, 114etfig.46. périeure de la tête, une encoche dans laquelle s'em-
boîtent deux plumes de bois entre lesquelles s'inscrit
J.Q. le disque solaire. Le coffret a la forme d'un naos. Ses
quatre faces trapézoïdales, fixées à deux planchettes
qui servent de base, sont surmontéesd'une corniche
légèrement concave, où alternent des lignes vertica-
111. Vases canopes les. La base est une frise continue, mal ajustée au
passage d'un panneau à l'autre. Les quatre parois
Grès présentent des motifs semblables : dans la partie
H. 0,30
XXVIe dynastie inférieure, trois registres horizontaux dans lesquels
Anvers, Oudheidkundige Musea, Vleeshuis, Inv. 79.1.153 à 156 on voit quatre hiéroglyphes tit alternant avec trois
djed et, dans la partie supérieure, une frise de khéké-
Pour les Egyptiens, la vie dans l'Au-delà était condi- fou. Entre la frise et les registres d'hiéroglyphes, une
tionnée, entre autres, par la préservation du corps et vignette montre une scène rituelle : sur la première
de tous les organes qu'il contenait. Ainsi, les viscè- face figure un homme debout, torse nu et vêtu d'un
res, très putrescibles, étaient traités séparément et pagne long, levant les bras en signe d'adoration vers
déposés dans quatre urnes de pierre ou de cérami- Hapi, à droite, et Amset, à gauche; la seconde pré-
sente, de part et d'autre d'un pilier djed, deux tables passer du masque au buste. Les visages de plâtre ou
et deux Anubis à tête de chacal et à corps humain, de carton sont stuqués et peints de teintes naturelles
vêtus d'un pagne long; la troisième ressemble à la ou recouverts d'une fine couche d'or; parfois aussi,
première : la seule différence est que la scène se comme ici, les chairs sont évoquées par le ton blanc
déroule, cette fois, devant Douamoutef, à gauche, et crayeux du stuc. Les yeux sont tantôt incrustés, tantôt
Qebehsenouf, à droite; la dernière montre un roi, peints. Lorsqu'il s'agit de portraits masculins, l'éven-
coiffé de la couronne de Haute Egypte et tourné vers tuelle barbe est tantôt en relief (stuc travaillé), tantôt
une porte centrale. notée par des incisions rehaussées de peinture. Les
A quel usage ce coffret était-il destiné ? On trouve le coiffures féminines et masculines, ainsi que la taille et
faucon Sokar, dieu funéraire, au sommet de petites la représentation de la barbe suivent en général les
boîtes de bois ayant servi à abriter indifféremment modes en honneur à Rome.
des oushebtis, des canopes ou des momies de fau- Le visage féminin exposé ici se présente comme un
cons. Les autres éléments iconographiques limitent ovale encadré par la masse noire de la chevelure;
toutefois le champs des hypothèses : la présence celle-ci, séparée par une raie médiane, forme quatre
vagues de bandeaux et se termine par une tresse, qui
des quatre divinités qui protègent les viscères (cf. le
s'enroule à l'arrière de la tête en un chignon rond.
no 11 l ) , les signes djed et tit, symboles du maître du
Des lignes profondes évoquent les mèches de che-
royaume des morts, Osiris, et de son épouse Isis,
veux et indiquent leur mouvement. Les yeux, incrus-
suggèrent que le naos a dû abriter un vase canope ou
tés et cernés d'un épais trait noir qui en accentue la
des entrailles. Les différents motifs qui le décorent, vie, acquièrent un feu tout particulier dans le blanc
ainsi que la frise de khékérou, ne figurent pas sur les cassé du visage. Les cils, très longs, sont marqués
boîtes à canopes avant la XXVlee dynastie. Notre par des traits noirs obliques. Les sourcils sont faits de
coffret est donc postérieur, sans qu'on puisse en larges traits, également noirs; bien arqués, ils épou-
déterminer la date avec plus de précision. sent la forme des yeux. Le nez, long et étroit, sur-
monte une bouche entrouverte aux lèvres bien
Inédite ourlées, dont les coins se relèvent, esquissant un
Pièces de comparaison : K. Dobrowolska, Genèse et évolution des
sourire. Le menton rond, un peu lourd, est creusé
boîtes à vases canopes, dans Etudes et Travaux, 4, 1970, p. 85. d'une fossette. Seul, l'avant du cou est conservé, ce
qui laisse supposer que la tête était engoncée dans le
cartonnage de la momie.

Inédit

113. Masque de momie Pièces de comparaison : G. Grimm, Die romischen Mummien-


masken aus Agypten (Wiesbaden, 1974), p. 82-84, pl. 87.
Plâtre
H. 0.25
Vers 100 ap. J.-C.
Collection particulière

Portraits et masques de momies constituent sans


doute les deux grandes nouveautés des périodes 114. Portrait de momie
hellénistique et romaine en matière d'ornementation
Bois peint à l'encaustique
funéraire. La conception même du masque de momie H. 0,342; 1.0,28
ne fait que perpétuer la tradition millénaire de 3"-4" siècles ap. J.-C.
I'Egypte, mais goûts et techniques ont changé : le Musée royal de Mariemont, Inv. Ac. 78/10
cartonnage, toile agglomérée et stuquée, est remar-
quablement léger et durable, mais il a le défaut d'être A partir du l e r siècle ap. J.-C., les momies égyptien-
peu malléable; le plâtre, moins résistant, offre l'avan- nes subissent de profondes modifications : les car-
tage de se travailler plus facilement et permet de tonnages peints, typiques des périodes pharaonique
et ptoiémaique, font place à des portraits réalistes Inédit (publrcation en préparation).
peints sur bois, soit à l'encaustique, soit à la dé-
trempe. L'influence romaine y est très nette dans le
désir d'individualiser les personnages, dans la tenue
vestimentaire et le port des bijoux, qui sont un reflet
de la mode qui régne à Rome. La jeune femme porte
une tunique pourpre à clavi verts. Le décolleté est de momies
soigneusement gansé et met en évidence un somp-
Lin
tueux collier agrémenté d'un médaillon circulaire. La A : l, h, : ,. h,
coiffure est originale et cernée d'un diadème doré. Ze-3@sièclesap. J.-C.
De magnifiques boucles pendent aux oreilles. Collection particulière
Ces portraits de momies ont connu un grand succès
jusqu'à la fin du 4" siècle. Ils semblent disparaître à la A l'époque romaine, les momies étaient souvent
suite de l'abandon progressif de la momification au identifiées par une planchette de bois portant une
profit de l'inhumation des défunts dans leurs vete- inscription en écriture démotique (cf. le no 133) etlou
ments quotidiens. Les progrès du christianisme aux en grec et attachée par une ficelle autour du cou du
3e et 4e siècles ne sont sans doute pas étrangers à défunt. Des inscriptions comparables à celles des
cette disparition. étiquettes de momies se retrouvent parfois sur les
bandelettes qui les enveloppent. Le premier
fragment (A), malheureusement endommagé, pré-
sente une texture serrée et l'écriture démotique est
très lisible. II porte un passage d'une formule reli-
gieuse : "... le dieu grand, seigneur d'Abydos;
puisses-tu (le défunt) marcher, puisses-tu aller à I'in-
térieur de la grande salle ..." L'autre spécimen (B),
découpé probablement à la hauteur de la poitrine ou
du ventre dans les bandelettes d'une momie, a une
structure beaucoup plus lâche. Le texte est complet,
mais difficile à déchiffrer : il contient une formule
religieuse plus courante et le nom de la défunte, ainsi
que le nom de son père, Kolanthos, qui est typique
pour la région d'Akhmim-Panopolis.

Inédites

Pieces de comparaison M Thieme et P W Pestrnan, Inscribed


mummy Iinen of the Roman period, dansTextes grecs, demotiques
et bilingues (Papyrologica Lugduno-Batava, 19, Leiden, 1978),
p 225-231

J.Q.

116. Momie de faucon Egyptiens de soigner les animaux sacrés et familiers


et d'entretenir leurs nécropoles.
H. 0,42
Le faucon est emmailloté avec beaucoup de soin et
Basse Epoque
Collection particulière d'art dans un linceul; les bandelettes croisées et su-
perposées donnent à l'animal l'aspect d'une sta-
Les animaux étaient adorés dans I'Egypte ancienne tuette. Les embaumeurs accentuaient le réalisme en
en tant que réceptacles des puissancesdivines. Cha- peignant certaines parties du corps sur le lin (tête et
que ville vénérait son dieu, incarné dans une espèce yeux).
animale protégée. A la Basse Epoque, cette zoolâtrie
Inédite
s'amplifia considérablement par réaction contre les
occupants étrangers, qui ne la comprenaient pas et la Pieces de comparaison D Loret et CI Gaillard, La faune lnornifiée
rejetaient. D'innombrables animaux ont été momifiés dans l'ancienne Egypte (Lyon, 1905)
à cette période et ensevelis dans des cimetières ré-
servés à chaque espèce. C'était un devoir pour les
117. Couvercle d'un sarcophage de faucon

Bois peint et doré


H. 0,594; 1.0,237
Basse Epoque .
Lille, Centre de Recherches de l'Institut de Papyrologie et d'Egyp-
tologie de l'université de Lille Ill, Inv. L 1311

Le couvercle d'un sarcophage de faucon est ici


l'image de l'animal momifié, orné d'un grand collier à
rangs multiples et d'un pectoral. L'inscription, mala-
droite, est encadrée de représentations de dieux et
de génies funéraires.

Bibl La Nubie au temps des Pharaons Musée municipal de


Boulogne-sur-mer, 18 juillet - 15 octobre 1975, no326

B.G.

118. Momie de poisson

L. 0,31
Basse Epoque
Collection particulière

119. Momie d'ibis


Aucune espèce animale n'échappait au respect des
Egyptiens. Certains poissons jouaient un rôle impor- H. 0,365
tant non seulement dans l'alimentation, mais aussi BasseEpoque
dans la religion. Ils ne figurent pourtant jamais sur les Compiègne, Musée Vivenel, Inv. V3680
tables d'offrande. La consommation de certaines es-
pèces était interdite dans la ville où ces espèces L'ibis, oiseau sacré du dieu Thot, possédait des né-
étaient vénérées. De ce poisson momifié, il ne doit cropoles à plusieurs endroits, notamment à Hermo-
plus rester grand-chose, mais il a été bien reconstitué polis, à Abydos et au nord de la pyramide de Saqqa-
par un rembourrage de lin. Les quelques traits de rah. L'oiseau emmailloté, le bec rabattu et les patte:
peinture ajoutés sur l'enveloppe de lin suffisent à pliées, était parfois enfermé dans une urne de terre
donner à la momie un aspect réel. crue ou cuite, comme c'est le cas ici.

Inédite Inédite
porte des touches de peinture noire. Au cou,
reconnaît encore une amulette peinte en noir.

Inédit

J.Q.

120. Cercueil de chat

Bois, traces de dorure et de peinture noire


H. 0,235; 1. 0,13
BasseEpoque
Amiens, Musée de Picardie, Inv. 3057/286/43

Cette statuette de chat est, en réalité, une boîte qui


s'ouvre au milieu et contient une petite momie, un
fœtus de chat entouré de bandelettes. Le chat était
l'animal sacré de la déesse-chatte Bastet, qui possé-
dait à Bubastis un temple célèbre (cf. le no82). Latête
de ce cercueil zoomorphe était dorée et tout le corps
7. La bureaucratie :le scribe et l'écriture

Quand les techniques agricoles enregistrent des faut attendre l'aube de la IVe dynastie (2600 avant
progrès suffisants pour permettre à une communauté J.-C.) pour voir apparaître un texte d'une certaine
primitive de disposer de surplus alimentaires, celle-ci longueur, rédigé dans un style continu (inscription de
subit une profonde mutation. A mesure que croissent la tombe de Metjen).
les ressources, augmente le nombre de membres du
Développés empiriquement, au fur et à mesure
groupe qui peuvent être distraits des travaux des
des besoins, à partir d'une multiplicité d'idéogram-
champs pour être affectés à d'autres tâches plus
mes, les premiers systèmes d'écritures présentaient
spécialisées. On assiste alors à une diversificationde tous une grande complexité. Jusqu'à la simplification
la structure sociale. Parmi les nouvelles catégories
considérable que constitua l'adoption des systèmes
professionnelles, telles que les artisans, les soldats alphabétiques, mis au point dans les cités commer-
et les prêtres, les scribes occupent dès l'origine une
çantes de Phénicie aux alentours du 12" siècle avant
place de choix. Ce sont eux, en effet, les spécialistes
notre ère, la connaissance de I'écriture resta donc,
des procédés complexes nécessaires pour noter et
dans l'Orient ancien, l'apanage d'un petit nombre de
comptabiliser les produits agricoles ou artisanaux et
spécialistes. En Egypte, où l'alphabet grec ne fut
pour enregistrer les opérations d'échange ou de ré- adapté pour noter la langue vernaculaire qu'à la fin de
partition auxquelles ces derniers peuvent donner lieu l'époque romaine (écriture copte)(l), le prestige des
au sein du groupe. scribes se maintint de ce fait intact jusqu'à la dispari-
L'apparition de I'écriture et du scribe, de même tion de la civilisation pharaonique sous la poussée du
que celle des premières cités, destinées à abriter les christianisme triomphant.
nouveaux rouages d'une société en développement, Rien toutefois de plus justifié que ce prestige des
est donc directement liée aux bouleversements éco- scribes égyptiens. N'était-ce pas à eux tous, depuis
nomiques et sociaux post-néolithiques. Ce passage le vizir (tjaty), chef des services royaux, jusqu'aux
d'un type d'organisation essentiellement rural à une agents domaniaux responsables de la gestion des
première forme de vie urbaine s'est effectué d'abord terres de Pharaon ou des temples, que lavallée du Nil
dans les vallées du Nil, de l'Euphrate et de I'lndus dut sa bonne administration et sa haute culture pen-
(civilisations de Mohenjo-Daro et Harappa) au cours dant près de 3000 ans? On comprend dès lors que,
de la seconde moitié du IVemillénaireavant notre ère. de tous les métiers, celui de scribe ait offert le plus
Née du besoin de garder le souvenir de tout ce que d'attrait pour un Egyptien. Dans la société pharaoni-
l'homme produisait, échangeait ou consommait, que, qui ne connut pas ladivision en classes fermées
I'écriture avait donc au départ une fonction purement avant la Basse Epoque, la carrière administrative re-
utilitaire et comptable. Ce n'est que par la suite, et présentait d'ailleurs la seule possibilité de promotion
très progressivement, qu'on prit conscience des au- sociale pour un jeune homme modeste. Eût-il ten-
tres possibilités qu'elle offrait comme moyen de com- dance à l'oublier pour lui préférer la carrière aventu-
munication ou de transmission du savoir théorique. reuse des armes ou les plaisirs immédiats d'une vie
Ainsi s'explique que les plus anciennes inscriptions de dissipation en compagnie d'autres garnements de
retrouvées en Egypte consistent surtout en des "éti- son âge, toute une littérature recopiée ad nauseam
quettes" de jarre, indiquant la nature du produit dans les écoles de scribes depuis le Moyen Empire
conservé, sa provenance et sa date de fabrication. II était là pour lui rappeler que l'étude assidue consti-
tuait le plus sûr moyen de parvenir. la riche documentation (papyri, ostraca, stèles) dé-
couverte au village de Deir el-Médineh, sur la rive
Outre la célèbre Satire des métiers, œuvre de Khéti
ouest de Thèbes, en fournit un bon exemple, même
fils de Douaef, de laXIIedynastie, nous possédons un si cette documentation ne concerne qu'une cornmu-
grand nombre de ces textes qui vantent les avanta- nauté très particulière, celle des ouvriers de la nécro-
ges de la vie de scribe en leur opposant les inconvé- pole royale, et une époque nettement circonscrite
nients des autres professions. L'examen des thèmes dans le temps (les XIXe et XXe dynasties).La commu-
qu'ils développent est particulièrement significatif de nauté des ouvriers de la nécropole comptait deux
la manière dont certains anciens Egyptiens conce- types de scribes. Les uns, appelés "scribes de la
vaient l'enseignement et sa finalité aux Moyen et Tombe", avaient une fonction administrative. Les se-
Nouvel Empires : comme à notre époque d'indivi- conds, les "dessinateurs" (en égyptien, très littérale-
dualisme exacerbé, c'était la réussite sociale dans ce ment, les "scribes des contours"), appartenaient plu-
qu'elle avait de plus ostentatoire qui, chez beaucoup, tôt au personnel technique, puisqu'ils étaient chargés
semblait primer toutes autres considérations. A en de la décoration des hypogées royaux, dont ils tra-
croire ces exercices scolaires, le principal avantage çaient les inscriptions hiéroglyphiques et esquis-
de la vie de scribe, avant même le confort matériel et saient les reliefs.
la sécurité ~ h v s i a u e était
. en effet la res~ectabilité.
Une respectabilité dont le signe le plus ta;igible était Répartis entre une "équipe de droite" et une
de beaux vêtements immaculés. Car, seul à n'être "équipe de gauche", comme les ouvriers, les "scri-
pas astreint à des travaux manuels jugés dégradants, bes de la Tombe" étaient au minimum au nombre de
le scribe ne se salissait jamais. Les "cols blancs" deux. Ils étaient nommés par le vizir et prenaient rang
étaient donc déjà nés! directement après les deux chefs d'équipe. Alors que
ces derniers assumaient la direction pratique des
Bien que l'hérédité des fonctions n'ait été de règle travaux sur le terrain, les "scribes de la Tombe"
qu'à certaines époques de récession sociale, il sern- s'occupaient de tout ce qui relevait de l'administration
ble que c'était surtout par tradition familiale que l'on du village. Leur tâche principale consistait à tenir à
devenait scribe. Au Nouvel Empire, les parents pla- jour le document de base de toute institution égyp-
çaient ceux de leurs enfants qu'ils destinaient à ce tienne, la hérouyt, c'est-à-dire le "journal" où étaient
métier dans la "maison d'enseignement". Les petits notés les principaux événements intéressant leur
Egyptiens y apprenaient à lire et à écrire en compa- communauté. A cet effet, ils dressaient quotidienne-
gnie de condisciples. Le manuel scolaire utilisé par ment la liste des ouvriers absents en indiquant les
les maîtres dans ces établissements a pu être re- motifs de leur absence, faisaient le relevé des outils
constitué grâce aux multiples copies qui en ont été et matériaux distribués sur le chantier, recopiaient les
retrouvées. II s'agit d'un recueil de formules épisto- lettres échangées avec le vizir, dont ils relevaient
laires remontant à la XIIe dynastie, appelé Kémyt, immédiatement. C'était eux aussi qui, chaque mois,
c'est-à-dire, littéralement, "la Somme". Les métho-
procédaient à la distribution de céréales entre les
des pédagogiques employées dans ces écoles man-
ouvriers, après avoir réceptionné les revenus en na-
quaient à ce point de douceur que le terme sébayt, ture affectés à l'entretien des équipes. Et lorsque le
"enseignement", pouvait aussi signifier "la tribunal local (la qenebet) se réunissait, ils faisaient en
punition". Axées principalement sur l'apprentissage outre office de greffiers.
de la lecture, de l'écriture et du calcul élémentaire, les
études n'en négligeaient pas pour autant le corps. Un Comme celle des autres membres de leur équipe,
conte de l'époque ramesside atteste que les exerci- la rémunération des "scribes de la Tombe" consistait
ces physiques (appelés "travaux virils") faisaient en des rations mensuelles de blé et d'orge, ainsi
aussi partie du programme éducatif de la "maison qu'en des produits plus coûteux (viande, vin, gâ-
d'enseignement". teaux, vêtements, sandales, etc...), distribués à I'oc-
casion des grandes fêtes annuelles. Mais sachant lire
Quant à l'activité professionnelle des scribes et aux et écrire, il leur était possible d'arrondir ce revenu en
conditions matérielles dans lesquelles elle s'exerçait, servant d'écrivain public et de notaire aux gens du
village. Enfin, la décoration au nom du défunt du la tige de la plante. Selon le naturaliste Pline l'Ancien
mobilier funéraire (cercueil, vases canopes etc ...) (le' siècle de notre ère), ces fibres étaient disposées
des ouvriers illettrés constituait une autre source de en deux couches, l'une longitudinaleet l'autre trans-
profit non négligeable, même si elle était plus occa- versale, puis battues jusqu'à amalgame complet, et
sionnelle. enfin poncées. Collées ensemble bout à bout, plu-
Faute d'une documentation aussi homogène que sieurs feuilles formaient un rouleau.
celle découverte sur le site de Deir el-Médineh, il est Pour écrire, le scribe s'asseyait en tailleur sur une
encore impossible de se faire une représentation natte et il disposait le rouleau sur son pagne tendu,
cohérente de ce qu'étaient les conditions de vie des dans l'attitude immortalisée par le célèbre "scribe
scribes ailleurs dans le pays ou à d'autres époques. accroupi" du Musée du Louvre. L'écriture utilisée
Des recoupements avec des sources diverses per- pour les usages administratifs et privés était, non
mettent cependant de penser qu'elles ne devaient I'écriture hiéroglyphique réservée aux inscriptions
guère être très différentes de celles dont nous ve- monumentales gravées ou peintes, mais le hiérati-
nons de tracer les grandes lignes. Les peintures de que, forme cursive de la première. A partir du 7"
tombes, les reliefs, les stèles, les petits objets exhu- siècle avant notre ère, apparaît pour les usages profa-
més un peu partout en Egypte nous renseignent en nes I'écriture démotique, ultime évolution des précé-
effet davantage sur les aspects pratiques du travail dentes. Contrairement au hiéroglyphique, qui selon
des scribes que sur leur emploi du temps ou leur les nécessités esthétiques pouvait courir indifférem-
situation économique et administrative au sein d'une ment dans un sens ou dans I'autre, le hiératique et le
communauté. Mais ces documents permettent de démotique s'écrivaient exclusivement de droite à
voir des scribes dans l'exercice de leur profession, il gauche. L'encre rouge était en général réservée aux
nous font connaître leur costume et leurs outils, nous titres ou aux incipit de chapitres, habitude qui sera
informent sur les divinités auxquelles ils adressaient reprise ensuite par les Grecs et les Romains (de là, le
leurs prières. français "rubrique", du latin rubrica, "terre rouge").
Le matériel du scribe était relativement rudimen- Indispensable dans la société des hommes, le
taire et a peu varié pendant toute la durée de la scribe ne l'était pas moins dans celle des dieux. Thot
civilisation pharaonique. II se composait essentielle- d'Hermopolis y accomplissait cette fonction, servant
ment d'une palette de bois présentant deux cupules de greffier et de secrétaire au collège divin présidé
rondes sur sa face supérieure, ainsi que d'un pot à par Ré. Aussi était-il considéré ici-bas comme le pa-
eau et d'un étui à calames (roseaux taillés). Les cupu- tron des scribes égyptiens, qui lui adressaient hym-
les creusées dans la palette étaient destinées à rece- nes et prières pour obtenir la réussite profession-
voir les encres noire et rouge séchées, que l'on de- nelle. Son image, tantôt sous forme d'ibis, tantôt sous
vait délayer au moyen de l'eau du pot. Une lanière de forme de babouin, posée sur la natte devant le scribe,
cuir rattachait les trois éléments ensemble. Quand le était censée inspirer celui-ci dans son travail. Lointain
scribe n'écrivait pas, le tout se portait fièrement sur ancêtre honoré également par les lettrés jusqu'aux
l'épaule, le pot à eau et les calames faisant contre- temps gréco-romains, époque à laquelle il fut même
poids à la palette qui pendait sur le devant du buste. divinisé, Imhotep, le sage ministre du roi Djéser de la
IIIe dynastie, résumait bien toutes les qualités d'intel-
Comme support de I'écriture, on utilisait surtout le
ligence et de sérieux de cette corporation qui, plus
papyrus. Mais on recourait aussi à l'occasion aux
que toute autre, fit la grandeur et la réputation de
tablettes de bois stuqué et aux rouleaux de cuir, plus
I'Egypte. Puisse la statuette de bronze (no 122) qui le
résistants. Le papyrus étant relativement coûteux, il
représente assis, un rouleau de papyrus déplié sur
arrivait qu'on récupère des feuilles anciennes en les
les genoux, nous faire penser un instant à tout ce que
lavant (palimpsestes). Souvent aussi, pour noter de
notre propre civilisation doit à ses disciples.
courts textes ou pour faire des brouillons, on se ser-
vait d'ostraca, c'est-à-dire de tessons de poterie ou
d'éclats de calcaire arrachés à la falaise. Les feuilles (1) L'alphabet copte se compose des lettres de l'alphabet grec et
de papyrus étaient fabriquées au moyen des fibres de de sept lettres reprises à I'écriture démotique.
7.1 Le scribe

121. Buste de scribe 122. Statuette d'Imhotep

Bronze
Granit (?) H. 0,11
H. 0,351; 1.0,275 Epoque tardive
Ancien Empire Musée royal de Mariemont, Inv. B. 490
Collection particulière

On reconnaît sans peine, dans ce personnage assis


La position fléchie du coude fait penser que le buste en train de lire, le sage divinisé Imhotep (en grec,
appartenait à. une statue assise ou à une statue Irnouthès), qui sera identifié avec Asclépios à I'épo-
d'homme accroupi dans la position caractéristique du que ptoléma'ique. L'architecte du complexe funéraire
scribe. La cassure au-dessus de la taille ne permet du roi Djéser (Ille dynastie) à Saqqara a connu,
pas d'en dire davantage. L'allure générale et certains comme "saint" guérisseur, une très grande popula-
détails, comme la coiffure, orientent vers la statuaire rité, que l'on peut suivre jusqu'à l'époque romaine. II
de l'Ancien Empire. La chevelure, partagée par une est coiffé, comme le dieu Ptah, d'une calotte qui trahit
raie médiane et tombant sur les épaules, est suggé- son origine memphite. II porte un large collier et est
rée par un jeu de traits gravés à la pointe. Elle s'appa- vêtu d'une longue jupe dont le devant est rayé. Sur le
rente à celle des scribes du Musée du Caire (Inv. 36, papyrus déroulé sur ses genoux, on distingue quel-
56, 57 et 78), dont les deux mèches de cheveux ques signes, contenant vraisemblablement le nom
s'écartent sur les côtés du visage, ou encore à la d'Imhotep. La pièce a été coulée et ciselée.
statue de Ra-nefer (Inv. 19, IVedynastie). L'anatomie
est celle d'un homme jeune, bien en chair, et se Bibl. : Antiquités du Musée de Mariemont (Bruxelles, 1952),
compare aisément aux œuvres de la même période. no E.81, p. 40 et pl. 11. Sur le type : D. Wildung, Imhotep und
Amenhotep. Gottwerdung im alten ~ g y p t e n(Münchner agyptolo-
Les épaules larges, le cou épais et court, masquant gische Studien, 36; Berlin, 1977).
les clavicules, accentuent l'aspect trapu du buste. On
notera la position particulière de la tête, portée tégè- J.Q.
rement en avant, mais surtout relevée comme si
l'homme fixait un point plus haut que son visage. Une
impression de sérénité s'en dégage, renforcée par le
léger sourire qui court sur les lèvres. Le modelé du 123. Modèle de palettede scribe
corps (pectoraux et mamelons) et du visage (joues
Schiste
arrondies, bouche étroite, paupières ourlées, oreilles H. 0,376; 1. 0,08; ép. 0,007à0,008
percées) tend à idéaliser ce personnage resté ano- Nouvel Empire
nyme. Lille, Centre de Recherches de l'Institut de Papyrologie et d'Egyp-
tologre de l'université de Lille III, Inv. L 2478

Cette palette votive, qui faisait partie du mobilierfuné-


Inédit raire entourant le mort, est une représentation d'une
partie de l'attirail du scribe; elle est l'image de la
palette de bois dans un des compartiments de la-
quelle on rangeait les calames, figurés ici par des gnes Sn et le cartouche sont bleu pâle. La disposition
lignes verticales. Au sommet sont façonnées deux des signeszn, qui s'appuient l'un sur l'autre au centre
cupules entourées de la figuration de nœuds shenou du cartouche, est remarquable, de même que la pe-
- forme primitive du cartouche -, cupules desti- tite rainure turquoise pratiquéesur la barre du cartou-
nées à recevoir les pastilles d'encre rouge et d'encre che. Un godet tout à fait semblable est conservé au
noire. Musée du Louvre (Inv. N 3032).

Bibl. : La Nubie au temps des Pharaons. Musée municipal de lnédit


Boulogne-sur-mer, 18 juillet - 15 octobre 1975, no259.

126. Bâtons à écrire


124. Broyeur de couleurs
Roseau
Granit L. 0,275

I
H. 0,025; base : 0 , 1 1 5 ~
0,07 Basseépoque
Date incertaine . Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 2076
Collection particulière
Outil principal du scribe, le roseau à écrire accompa- ,
Ce petit récipient en pierre est un ustensile de scribe. gnait toujours la palette et les godets (nos123 et 125).
II servait à broyer, au moyen d'un pilon, la couleur II n'était pas taillé. mais les scribes en mâchonnaient 1
noire ou rouge que l'on mélangeait avec de I'eau pour l'extrémi'té, ce en faisait un véritable pinceau
écrire ou dessiner. La forme allongée de la cavité a
été associée à celle du cartouche royal, qui a été
reproduit autour de la petite coupe. De même, sur les
palettes de scribe, on a parfois gravé autour des
pastilles de couleurs l'anneau (shen), symbole de 127. Calame
l'"éternel retour".
Roseau
Inédit L. O, 102
Epoque romaine
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 1100
J.Q.

Le scribe utilisait aussi des roseaux de diamètre plus


125. Godet à eau
large, dont l'extrémité taillée en biseau servait de 1
plume. Le calame apparaît seulement à l'époque pto- a

Faience
lemaïque. I
0,066 x 0,034; ép. 0,19
Nouvel Empire
Collection particulière

Le scribe utilisait pour écrire un bâton de roseau qu'il


trempait dans I'eau avant de se servir de l'encre
rouge et noire que contenait la palette (no 123). A
cette fin, il possédait de petits récipients, souvent en
faïence, comme celui-ci. L'objet n'est pas grand et le
mélange de trois couleurs est presque un tour de
force : le fond du récipient et les cavités sont tur-
quoise, la surface supérieure est bleu foncé, les si-
7.2 L'écriture et ses supports

128. Stèle hiéroglyphique que très cursif est peint en rouge (la couleur du dieu
malfaisant Seth : cf. le no 79) sur le devant de la
Grès (?) figurine. Les objets de ce genre, trouvés en grand
H. 0,095; 1.0,06 nombre à Saqqara et à Lisht, servaient à des rites
XIXe dynastie
Anvers, Oudheidkundige Musea, Vleeshuis, Inv. 79.1.440 d'envoûtement destinés à s'assurer l'autorité, la
force ou la puissance sur un ennemi. Le nom de
Cette petite stèle cintrée, gravée sur les deux faces, l'ennemi était inscrit sur la figurine, qui subissait le
appartient à l'un des plus hauts dignitaires du Nouvel sort qu'on voulait lui infliger.
Empire. Gouverneur de la ville de Thèbes et vizir du
Bibl. : B. van de Walle, Figurines d'envoûtement portant des textes
Sud sous les règnes de Séthi le' et de Ramsès II,
de proscription, dans Bulletin des Musées royaux d'art et d'his-
Paser est le "premier ministre" du pharaon. Ses res- toire, no 4, juillet-août 1940, fig. 3; G. Posener, Princes et pays
ponsabilités sont très grandes, car il est non seule- d'Asie et de Nubie (Bruxelles, 1940), pl. III; B. van de Walle, H.
ment chef de l'exécutif et ministre de la Justice, mais Lirnrne, H. De Meulenaere, Musées royaux d'art et d'histoire. La
ses compétences s'étendent encore à la police, au collection égyptienne. Les étapes marquantes de son développe-
ment (Bruxelles, 1980), p. 33.
fisc etc ... II s'était fait creuser dans la Vallée des Rois
une tombe somptueuse et sculpter un grand nombre
de statues de grande qualité. II porte ici le costume
caractéristique de sa fonction, un long pagne empesé
maintenu par deux bretelles nouées autour du cou.
Sur une face, il est figuré debout, le crâne rasé, offrant
de l'encens à Ré-Horakhti; sur l'autre, il apparaît en 130. Fragment d'un "Livre des Morts"
attitude d'adoration à côté d'un texte hiéroglyphique en hiéroglyphes cursifs
qui énumère ses titres.
Papyrus
Bibl. : C. De Wit, Stad Antwerpen. Oudheidkundige Musea. Vlees- H. 0,29; 1.0,55
huis. Catalogus, VIII. Egypte (Deurrie-Anvers, s.d.), p. 26 et pl. VI. Epoque tardive
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 8390a

Des rouleaux de papyrus, couverts de dessins et


d'incantations pour conjurer les forces mauvaises et
faciliter au défunt le chemin de la résurrection, étaient
129. Figurine d'envoûtement déposés dans les tombes depuis le Nouvel Empire.
Argile sèche
Ce fragment de Livre des Morts appartient à la dame
H. 0,115; 1. 0,04 Heroun (?), née de la Dame Nes-Hor-Pa-Khered, et
Moyen Empire est écrit en hiéroglyphes très cursifs. II reproduit la
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 7494 scène de la "pesée du cœur" (voir la section 6). La
défunte, à droite, est introduite dans la salle des juge-
L'image d'un captif agenouillé, les coudes liés dans le ments par la déesse Maât. Son cœur est déposé sur
dos, est grossièrement modelée dans l'argile crue; un plateau de la balance, le symbole de Maât sur
seule, la tête en saillie est vraiment reconnaissable, I'autre. Les dieux Horus et Anubis procèdent à la
tant les formes sont simplifiées. Un texte en hiérati- pesée, tandis que Thot fait part du résultat à Osiris
assis, qui rendra le jugement. Au centre de la scène, Le style des illustrations, exécutées comme des des-
la monstrueuse "Dévorante" est assise sur un cof- sins au trait à l'encre noire, est caractéristique de
fret. l'époque ptoléma'ique. En raison du titre de la dé-
funte, il est probable que ce papyrus provient de
Inédit Thèbes.
Inédit (publication en préparation). Voir B. van de Walle, H. Limrne,
H. De Meulenaere, Musées royaux d'art et d'histoire. La collection
égyptienne. Les étapes marquantes de son développement (Bru-
xelles, 1980), p. 31, n. 74.
131. Fragment d'un "Livre des Morts"
en écriture hiératique
Papyrus
H. 0,36; 1.0,405
3e ou siècle av. J.-C. 132. Fragments de "Livre des Morts" sur tissu
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 8388e
Lin
A : 0,30 x 0,07; B : 0,35 x 0,11
Ce fragment de Livre des Morts appartenait à une Epoque ptolémaïque
"joueuse de sistre d'Amon-Ré" nommée Tasherit- Anvers, Oudheidkundige Musea, Vleeshuis, Inv. 4941, 112 et 212
montou. II contient, entre autres, une série de chapi-
tres écrits en hiératique, dont le but est de rendre à la La collection égyptienne du Vleeshuis à Anvers
défunte ses facultés vitales. Chaque chapitre est il- contient un certain nombre de bandes de tissu avec
lustré par une vignette qui est directement ou indirec- des textes et des représentations empruntées au
tement en rapport avec le texte. Par exemple, Tashe- Livre des Morts. Ce genre de Livre des Morts a beau-
ritmontou en adoration devant le scarabée illustre un coup moins attiré l'attention que les exemplaires sur
texte que l'on retrouve par ailleurs sur les scarabées papyrus. Le premier fragment (A) présente plusieurs
de cœur (cf. les nos 16 et 55) et qui doit "empêcher chapitres, écrits en colonnes dans une écriture hiéra-
que le cœur de la défunte ne s'oppose à elle dans le tique
-
serrée et illustrés, au-dessus du texte, par une
royaume des morts". Les formules initiales de cha- série de dessins au trait, qui figurent des divinités et
que chapitre ou une partie de celles-ci sont écrites à des animaux dans l'Au-delà (Atoum comme serpent
l'encre rouge, tandis que le reste du texte est en noir. ailé etc...). La disposition du texte et des vignettes est
différente sur le deuxième spécimen (B). A droite, on Les papyrus grecs trouvés en Egypte sont une
voit le défunt dans la barque du dieu solaire Ré. source très importante pour l'étude de la littérature
Derrière la divinité se trouve l'oiseau bennou (le phé- grecque. Ils ont fourni, pour des œuvres déjà
nix). connues (par exemple, les poèmes d'Homère), des
copies plus anciennes (à partir du 3" siècle av. J.-C.)
Bibl. : C. De Wit, Stad Antwerpen. Oudheidkundige Musea. Vlees- que celles qu'on en possédait auparavant, permet-
huis. Catalogus, VIII. Egypte ( Deurne-Anvers, s.d.), p. 51, no272.
Voir aussi M.P. Vanlathem, Hiërogliefische opschriften in tant ainsi de mieux établir le texte primitif. Mais ils ont
Antwerpse verzarnelingen, dans Handelingen van het XXXle révélé aussi des œuvres précédemment inconnues,
Vlaarns Filologencongres (Bruxelles, 1977), p. 209. comme certaines comédies de Ménandre (4" siècle
av. J.-C.). Ce papyrus contient une partie d'une œu-
J.Q. vre de Stésichore (7"-6" siècles av. J.-C.). Cette
trouvaille récente, provenant d'un masque de momie
de Magdola (cf. le no 133), permet de comparer le
style de ce poète lyrique à celui de son émule plus
jeune, Pindare (début du 5" siècle av. J.-C.)
133. Papyrus en écriture démotique
Bibl. : B. Boyaval et C. Meiller, P. Lille 73 (et P. Lille 76aet c) recto :
H, 0,33; 1. m a . 0,39 Stésichore, dans Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 26,
223 av. J.-C. 1977, p. 3; P.J. Parson, The Lille "Stesichorus", ibid., p. 7-36.
Lille, Centre de Recherches de I'lnstitut de Papyrologie et d'Egyp-
tologie de l'université de Lille III, Inv. P. Lille 29

De vieux papyrus étaient souvent réutilisés pour fa-


briquer du cartonnage de momie (comparable au pa-
pier mâché). Différentes méthodes permettent de les
en extraire à nouveau. De cette façon, on a pu récu-
pérer un très grand nombre de textes littéraires et
documentaires, écrits en démotique ou en grec. Le
présent texte, écrit en démotique, provient d'un car- 135. Fragment de papyrus copte
tonnage de momie trouvé dans des fouilles à Medinet
Ghorân (Magdola) dans le Fayoum. II contient le rè- H. 0,12; 1.0,05
glement d'une association religieuse consacrée au 5e-6esiècles ap. J.-C.
Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, Inv. E 7412 PK 1
dieu-crocodile Sebek. Les membres d'un tel "syno-
de" buvaient une quantité limitée de vin lors des
La langue copte ne fut jamais la langue officielle de
réunions et s'engageaient à s'entr'aider.
I'Egypte. Sous les dominations romaine et byzantine,
Bibl. : F. de Cenival, Les associations religieuses en Egypte
le grec demeurera la langue du gouvernement et de
d'après les documents démotiques (Le Caire, 1972), p. 3-38. l'administration. Le copte est la langue du peuple,
réservée à la littérature religieuse (chrétienne), géné-
J.Q. ralement œuvre des moines, ainsi qu'aux affaires
courantes. II n'est pas uniforme, mais se subdivise en
nombreux dialectes rivaux. Le vocabulaire dérive de
l'égyptien classique, dont il est le dernier avatar, mais
il emprunte des mots au grec, notamment ceux qui
134. Papyrus littéraire grec expriment des concepts abstraits. L'écriture adopte
également l'alphabet grec, auquel elle ajoute sept
H. 0,231; 1. 0,10à0,113 signes démotiques. Le document exposé doit dater
Début du 2e siècle av. J.-C.
Lille, Centre de Recherches de I'lnstitut de Papyrologie et d'Egyp- des 5"-6" siècles en raison de la maladresse de I'écri-
tologie de l'université de Lille III, Inv. P. Lille 73 et 76a, c ture. II s'agit d'une liste d'objets de menuiserie (scie,
hache, rabot, ciseau, boîte à outils...) qui ont été
donnés à une personne non identifiée.
Inédit (la traduction et la datation proposées sont dues au Prof. R.
Kasser de l'université de Genève).

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