Foi et Résistance en Allemagne
Foi et Résistance en Allemagne
C'est avec une vive inquiétude et un étonnement croissant que depuis longtemps Nous
suivons des yeux les douloureuses épreuves de l'Église et les vexations de plus en plus
graves dont souffrent ceux et celles qui lui restent fidèles par le coeur et la conduite, au
milieu du pays et du peuple auxquels saint Boniface a porté autrefois le lumineux
message, la bonne nouvelle du Christ et du Royaume de Dieu.
Cette inquiétude n'a pas été diminuée par ce que les représentants du vénérable
Épiscopat, venus Nous visiter à Notre chevet de malade, Nous ont fait connaître,
conformément à la vérité et comme c'était leur devoir. À des nouvelles bien consolantes
et édifiantes sur la lutte pour la foi que mènent leurs fidèles, ils n'ont pu s'empêcher,
malgré tout l'amour qu'ils portent à leur peuple et à leur patrie, malgré toute leur
application à juger avec mesure, d'en mêler une infinité d'autres, bien dures et bien
mauvaises. Après avoir entendu leur exposé, Nous pûmes, dans un élan de vive
reconnaissance envers Dieu, Nous écrier avec l'Apôtre de l'Amour : " Je n'ai pas de plus
grande joie que d'apprendre que mes enfants marchent dans la vérité " (III Jean, IV).
Mais la franchise qui convient à Notre charge apostolique, si pleine de responsabilités, et
la décision de mettre sous vos yeux et sous les yeux de tout l'univers chrétien la réalité
dans toute sa gravité Nous obligent d'ajouter : " Il n'est pas de plus grand chagrin, ni de
douleur plus amère à Notre coeur de Pasteur, que d'apprendre que beaucoup
abandonnent le chemin de la vérité." (Cf. II Pierre, II, 2).
Lorsqu'en été 1933, Vénérables Frères, Nous acceptâmes la négociation d'un Concordat,
que le gouvernement du Reich, reprenant un projet vieux de plusieurs années, Nous
proposait, et quand, à votre universel contentement, Nous la terminâmes par un accord
solennel, Nous étions guidé par le souci, que Notre devoir Nous impose, d'assurer en
Allemagne la liberté de la mission bienfaisante de l'Église et le salut des âmes qui lui
sont confiées, mais encore par le désir sincère de rendre au peuple allemand un service
essentiel pour son développement pacifique et sa prospérité.
Nous ne Nous sommes pas lassé, Vénérables Frères, de représenter aux dirigeants
responsables des destinées de votre pays les conséquences qui devaient nécessairement
résulter de la tolérance, et même de la faveur dont profitent de tels courants d'idées.
Nous avons tout fait pour défendre la sainteté de la parole solennellement donnée et
l'inviolabilité des engagements librement consentis contre des théories et des pratiques
qui - au cas où elles seraient officiellement approuvées - tueraient nécessairement toute
confiance, et ôteraient d'avance toute valeur à tout engagement d'honneur. Quand une
fois le temps sera venu de mettre au grand jour sous les yeux du monde ces efforts qui
furent les Nôtres, tous les hommes d'intention droite sauront où chercher les défenseurs
de la paix et où ses perturbateurs. Tous ceux dont l'esprit n'a pas encore perdu tout sens
de la vérité, tous ceux qui conservent au fond du coeur un reste de justice, conviendront
que durant ces années, difficiles et lourdes d'événements, qui ont suivi la conclusion du
Concordat, chacune de Nos paroles a été prononcée, chacun de Nos actes a été accompli
sous la loi de la fidélité aux traités. Mais ils devront constater aussi, non sans étonnement
et réprobation profonde, comment de la part de l'autre partie contractante une
interprétation qui faussait le contrat ou le détournait de son but, ou le vidait de son
contenu et aboutissait finalement à sa violation plus ou moins officielle, devint la loi
inavouée selon laquelle on agissait. La modération témoignée par Nous, en dépit de tout,
n'était pas inspirée par des considérations d'utilité terrestre, moins encore par une
faiblesse inopportune, mais simplement par la volonté de ne pas risquer d'arracher, avec
l'ivraie, quelque plante précieuse ; par l'intention de ne porter publiquement aucun
jugement avant que les esprits n'en fussent venus à comprendre l'inéluctable nécessité de
ce jugement ; par la résolution de ne nier définitivement la loyauté d'autrui que lorsque
l'irréfutable langage de l'évidence aurait arraché le camouflage sous lequel
systématiquement on dissimulait l'assaut lancé contre l'Église. Aujourd'hui encore, où la
lutte ouverte contre l'école confessionnelle, protégée pourtant par le Concordat, où la
suppression du libre suffrage à ceux des catholiques qui ont le droit de veiller à
l'éducation de la jeunesse, manifestent sur un terrain essentiel de la vie de l'Église la
gravité impressionnante de la situation et l'angoisse sans exemple des consciences
chrétiennes, le souci du salut des âmes Nous pousse à ne pas négliger les possibilités
encore existantes, si minimes soient-elles, d'un retour à la loyauté et à un arrangement
acceptable suivant le désir du vénérable épiscopat, Nous continuerons, sans Nous lasser,
à être auprès des dirigeants de votre peuple le défenseur du droit violé et, obéissant
simplement à Notre conscience et à Notre mission pastorale - sans Nous soucier du
succès ou de l'insuccès immédiat,- à Nous opposer à un parti pris qui cherche, par
l'emploi, ouvert ou dissimulé, de la force, à étrangler le droit garanti par les traités.
Mais le but de la présente lettre, Vénérables Frères, est autre. De même que vous êtes
venus Nous faire, à Notre chevet de malade, une visite affectueuse, de même, à Notre
tour, Nous Nous tournons aujourd'hui vers vous et, par vous, vers les Catholiques
d'Allemagne qui, comme tous les fils souffrants et opprimés, sont plus particulièrement
présents au coeur du Père Commun. En cette heure où votre foi est éprouvée, comme
l'or, au feu de la tribulation et de la persécution, tant ouverte que cachée, à l'heure où
votre liberté religieuse est victime d'un investissement organisé sous mille formes, à
l'heure ou pèse lourdement sur vous le manque d'un enseignement fidèle à la vérité et de
normales possibilités de défense, vous avez doublement droit à une parole de vérité et de
spirituel réconfort de la part de celui dont le premier prédécesseur s'entendit adresser par
le Sauveur cette parole si pleine : " J'ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille point, et
toi, à ton tour, confirme tes frères." (Luc, XXII, 32.)
Prenez garde, Vénérables Frères, qu'avant toute autre chose la foi en Dieu, premier et
irremplaçable fondement de toute religion, soit conservée en Allemagne, pure et sans
falsification. Ne croit pas en Dieu celui qui se contente de faire usage du mot Dieu dans
ses discours, mais celui-là seulement qui à ce mot sacré unit le vrai et digne concept de
la Divinité.
Quiconque identifie, dans une confusion panthéistique, Dieu et l'univers, abaissant Dieu
aux dimensions du monde ou élevant le monde à celles de Dieu, n'est pas de ceux qui
croient en Dieu.
Quiconque, suivant une prétendue conception des anciens Germains d'avant le Christ,
met le sombre et impersonnel Destin à la place du Dieu personnel, nie par le fait la
Sagesse et la Providence de Dieu, qui " fortement et suavement agit d'une extrémité du
monde à l'autre " (Sagesse, VIII, 1) et conduit toutes choses à une bonne fin : celui-là ne
peut pas prétendre à être mis au nombre de ceux qui croient en Dieu.
Prenez garde, Vénérables Frères, à l'abus croissant, dans la parole comme dans les écrits,
qui consiste à employer le nom de Dieu trois fois saint comme une étiquette vide de sens
que l'on place sur n'importe quelle création, plus ou moins arbitraire, de la spéculation et
du désir humain. Agissez sur vos fidèles, afin qu'ils soient attentifs à opposer à une telle
aberration le refus qu'elle mérite. Notre Dieu est le Dieu personnel, surnaturel, tout-
puissant, infiniment parfait, unique dans la Trinité des Personnes, et tripersonnel dans
l'unité de l'Essence divine, le Créateur de tout ce qui existe, le Seigneur et Roi et l'ultime
consommateur de l'histoire du monde, qui n'admet ni ne peut admettre à côté de lui
aucun autre dieu.
Seuls des esprits superficiels peuvent tomber dans l'erreur qui consiste à parler d'un Dieu
national, d'une religion nationale ; seuls ils peuvent entreprendre la vaine tentative
d'emprisonner Dieu, le Créateur de l'univers, le Roi et le Législateur de tous les peuples,
devant la grandeur duquel les Nations sont " comme une goutte d'eau suspendue à un
seau " (Is., XL, 15) dans les frontières d'un seul peuple, dans l'étroitesse de la
communauté de sang d'une seule race.
Les évêques de l'Église du Christ, établis " pour ce qui se rapporte a Dieu " (Hebr., V, I),
doivent veiller à ce que de pernicieuses erreurs de cette sorte, que des pratiques encore
plus pernicieuses ont coutume de suivre, ne prennent pas pied parmi les fidèles. Il
appartient à la sainteté de leur charge de tout faire, autant qu'il dépend d'eux, pour que
les commandements de Dieu soient considérés et observés, comme étant le fondement
obligatoire de toute vie privée et publique moralement ordonnée ; pour que les droits de
la Majesté divine, le Nom et la parole de Dieu ne soient pas profanés (Tite, II, 5) ; pour
mettre fin aux blasphèmes qui par la parole, la plume et l'image sont multipliés
aujourd'hui comme le sable de la mer ; pour que, à côté de l'obstination et des
provocations de ceux qui nient Dieu, qui méprisent Dieu, qui haïssent Dieu, ne se
relâche jamais la prière réparatrice des fidèles, qui tel un encens, d'heure en heure, monte
vers le Très-Haut et arrête sa main vengeresse.
Nous vous remercions, Vénérables Frères, Nous remercions vos prêtres et tous vos
fidèles, qui, dans la défense des droits de la Divine Majesté contre un nouveau
paganisme agressif, et favorisé, hélas, de bien des manières par des hommes influents,
ont rempli et continuent à remplir leur devoir de chrétiens. Ce remerciement va, plus
chaleureux encore et mêlé d'une admiration reconnaissante, à ceux qui, dans
l'accomplissement de ce devoir, ont été jugés dignes de s'attirer pour l'amour de Dieu le
sacrifice et la souffrance.
Qui veut voir bannies de l'Église et de l'école l'histoire biblique et la sagesse des
doctrines de l'Ancien Testament blasphème le Nom de Dieu, blasphème le plan de salut
du Tout-Puissant, érige une pensée humaine étroite et limitée en juge des desseins divins
sur l'histoire du monde. Il renie la foi au Christ véritable, tel qu'il est apparu dans la
chair, au Christ qui a reçu son humaine nature d'un peuple qui devait le crucifier. Il
demeure sans rien y comprendre devant le drame universel du Fils de Dieu, qui opposait
au sacrilège de ses bourreaux la divine action sacerdotale de sa mort rédemptrice,
donnant ainsi, dans la nouvelle alliance, son accomplissement, son terme et son
couronnement à l'ancienne.
La foi au Christ ne saurait se maintenir pure et sans alliage si elle n'est protégée et
soutenue par la foi dans l'Église, " colonne et fondement de la Vérité " (I Tim., III, 15).
C'est le Christ lui-même, Dieu éternellement béni, qui a dressé cette colonne de la foi.
L'ordre qu'Il a donné d'écouter l'Église (Matth., XVIII, 17), d'accueillir dans les paroles
et les commandements de l'Église ses propres paroles et ses propres
commandements (Luc, X, 16), vaut pour les hommes de tous les temps et de tous les
pays. L'Église fondée par le Rédempteur est une, la même pour tous les peuples et pour
toutes les Nations. Sous sa coupole, qui, comme le firmament, recouvre la terre entière,
il y a une patrie pour tous les peuples et toutes, les langues, il y a place pour le
développement de toutes les qualités particulières, de tous les avantages, de toutes les
tâches et vocations concédées par le Dieu créateur et Sauveur tant aux individus qu'aux
communautés ethniques. Le coeur maternel de l'Église est assez grand et assez large
pour voir dans l'épanouissement voulu de Dieu de ces caractères et de ces dons propres à
chacun, la richesse de la variété, plus que le péril des divergences. Elle se réjouit des
supériorités spirituelles des individus et des peuples. Elle voit, avec une joie et une fierté
toutes maternelles, dans les succès remportés par eux, des fruits d'éducation et de progrès
qu'Elle bénit et encourage, partout où Elle peut le faire en conscience. Mais Elle sait
aussi qu'à cette liberté des limites sont tracées par la majesté du commandement divin
qui a voulu et fondé cette Église essentiellement une et indivisible. Qui touche à cette
unité et à cette indivisibilité enlève à l'Épouse du Christ un des diadèmes dont Dieu Lui-
même l'a couronnée. Il assujettit sa structure divine, qui repose sur des fondements
éternels, aux critiques et aux retouches d'architectes que le Père des Cieux n'a pas
autorisés à bâtir.
La divine mission de l'Église qui, agissant parmi les hommes, est obligée d'agir par les
hommes, peut être douloureusement obscurcie par ce qu'il s'y mêle d'humain, de trop
humain, et qui sans cesse et sans cesse renaissant, se développe comme l'ivraie au milieu
du froment du royaume de Dieu. Quiconque connaît la parole du Sauveur sur le scandale
et les scandaleux sait quel jugement l'Église, et avec elle chacun de ses fils, doit porter
sur ce qui fut et sur ce qui est un péché. Mais celui qui, en regard de ces condamnables
désaccords entre la foi et la vie, entre les paroles et les actes, entre la conduite extérieure
et les sentiments intérieurs chez des individus - si nombreux fussent-ils,- oublie ou passe
volontairement sous silence la somme énorme de vertus authentiques, d'esprit de
sacrifice, d'amour fraternel, d'héroïques élans vers la sainteté, celui-là fait preuve d'un
aveuglement et d'une injustice déplorables. Si ensuite il devient pleinement évident que
la mesure sévère dont il use vis-à-vis de l'Église abhorrée, il oublie de l'appliquer aux
communautés d'un autre genre qui lui sont proches par le sentiment ou par l'intérêt, alors
son appel à un sens de la pureté prétendument blessé et offensé l'apparente à ceux qu'une
paille dans l'oeil de leur frère, selon le mot incisif du Sauveur, empêche de voir la poutre
qui est dans le leur. Cependant, bien que ne soit pas très pure l'intention de ceux qui se
font une vocation, maintes fois même un vil métier, de scruter ce qu'il y a d'humain dans
l'Église, et bien que les pouvoirs sacerdotaux communiqués par Dieu ne dépendent pas
de la valeur humaine du prêtre ni de son élévation morale, il n'en demeure pas moins vrai
qu'à aucune époque de l'histoire aucun individu, dans aucune communauté, ne peut se
libérer du devoir d'examiner loyalement sa conscience, de se purifier impitoyablement,
de se renouveler énergiquement en lui-même, dans son esprit et dans ses actes. Dans
Notre Encyclique sur le Sacerdoce, Nous avons attiré l'attention avec une insistance
pressante sur le devoir sacré, pour tous ceux qui appartiennent à l'Église, et surtout pour
tous ceux qui font partie de l'état sacerdotal et religieux, et de l'apostolat laïque, de
mettre leur foi et la conduite de leur vie dans cette harmonie qu'exige la loi de Dieu et
que réclame l'Église avec une énergie inlassable. Et aujourd'hui encore Nous répétons
avec une gravité profonde : il ne suffit pas de faire partie de l'Église du Christ. Il faut
encore être un membre vivant de cette Église, en esprit et en vérité.
Toute réforme vraie et durable, en dernière analyse, a eu son point de départ dans la
sainteté, dans des hommes qui étaient enflammés et poussés par l'amour de Dieu et du
prochain. Généreux, prêts à écouter tout appel de Dieu et à le réaliser aussitôt en eux, et
cependant sûrs d'eux-mêmes parce que sûrs de leur vocation, ils ont grandi jusqu'à
devenir les lumières et les rénovateurs de leur temps. Là, au contraire, où le zèle
réformateur n'a pas jailli de la pureté personnelle, mais était l'expression et l'explosion de
la passion, il a troublé au lieu de clarifier ; détruit au lieu de construire, et il a été plus
d'une fois le point de départ d'aberrations plus fatales que les maux auxquels il comptait
ou prétendait remédier. Certes " l'Esprit de Dieu souffle où il veut "(Jean, III, 8) : des
pierres, il peut faire surgir ceux qui préparent les voies à la réalisation de ses
desseins (Matth., III, 9 ; Luc, III, 8). Il choisit les instruments de sa volonté d'après ses
propres plans et non d'après ceux des hommes. Mais Celui qui a fondé l'Église, qui l'a
appelée à l'existence sous le souffle de la Pentecôte, ne saurait briser les assises
fondamentales de l'institution de salut voulue de Lui-même. Quiconque est mû par
l'esprit de Dieu a spontanément l'attitude qui convient, intérieurement et extérieurement,
vis-à-vis de l'Église, ce fruit sacré de l'arbre de la Croix, ce don fait par l'Esprit de Dieu,
le jour de la Pentecôte, au monde désorienté.
Dans vos contrées, Vénérables Frères, retentissent des voix, dont le choeur va sans cesse
se renforçant, qui invitent à sortir de l'Église. Parmi les meneurs, il en est plus d'un qui,
par leur position officielle, cherchent à faire naître l'impression que cette sortie de
l'Église et l'infidélité qu'elle comporte envers le Christ-Roi constituent une preuve
particulièrement convaincante et méritoire de la fidélité envers l'État d'aujourd'hui.
La foi à l'Église ne pourra se maintenir pure de toute falsification si elle n'est appuyée
sur la foi à la primauté de l'évêque de Rome. Dans le même instant où Pierre, devant
tous les disciples et apôtres, confessait la foi au Christ, Fils du Dieu vivant, il recevait en
réponse, comme récompense de sa foi et de sa confession, la parole qui fondait l'Église,
l'unique Église du Christ, sur le roc de Pierre (Matth., XVI, 18).
Ainsi est consacrée la connexion entre la foi au Christ, à l'Église, et la foi à la Primauté.
Une autorité véritable et conforme à la loi est partout un lien d'unité, une source de force,
une garantie contre la division et la ruine, une caution pour l'avenir : mais cela se vérifie
dans le sens le plus haut. et le plus sublime là où, comme dans l'Église et dans l'Église
seule, cette autorité a reçu la promesse de la conduite du Saint, Esprit, et de son
invincible assistance. Si des hommes qui ne sont pas même unis dans la foi au Christ
viennent vous présenter la séduisante image d'une Église nationale allemande, sachez
que ce n'est autre chose qu'un reniement de l'unique Église du Christ, l'évidente trahison
de cette mission d'évangélisation universelle à laquelle, seule, une Église mondiale peut
suffire et s'adapter. L'histoire vécue par d'autres Églises nationales, leur
engourdissement, la façon dont elles ont été enchaînées ou domestiquées par les
pouvoirs terrestres prouvent la stérilité sans espoir à laquelle est voué avec une
immanquable certitude tout sarment qui se sépare du cep vivant de l'Église. Celui qui,
dès le début, oppose à des développements erronés de cette espèce un " Non " vigilant et
inexorable, celui-là sert non seulement la pureté de sa foi au Christ, mais aussi la santé et
la force vitale de son peuple.
Il vous faudra veiller d'un oeil particulièrement attentif, Vénérables Frères, à ce que les
concepts religieux fondamentaux ne viennent pas à être vidés de leur contenu essentiel et
détournés vers un sens profane.
" Révélation ", au sens chrétien du mot, désigne la parole dite par Dieu aux hommes.
Employer ce même mot pour les " suggestions " du sang et de la race, pour les
irradiations de l'histoire d'un peuple, c'est, à coup sûr, créer une équivoque. Une fausse
monnaie de cette sorte ne mérite pas de passer dans l'usage des fidèles du Christ.
La " foi " consiste à tenir pour vrai ce que Dieu a révélé et propose par son Église à la
croyance des hommes. C'est la " conviction solide des choses invisibles ". (Hebr., XI, 1.)
La joyeuse et fière confiance dans l'avenir de son peuple, qui tient au coeur de chacun,
signifie toute autre chose que la foi dans le sens religieux du mot. Donner l'un pour
l'autre, vouloir remplacer l'un par l'autre, et exiger là-dessus d'être reconnu par les
disciples du Christ comme un " croyant ", c'est un jeu de mots vide de sens, quand ce
n'est pas la confusion voulue des concepts, ou quelque chose de pire.
" Immortalité ",. dans le sens chrétien, veut dire : continuation de la vie de l'homme
après la mort terrestre, dans sa personnalité individuelle, pour son éternelle récompense,
ou pour son éternel châtiment. Quiconque ne veut désigner par le mot : " immortalité "
que la continuation ici-bas de la vie collective dans la durée de son peuple pour un
avenir d'une longueur indéterminée, celui-là renverse et falsifie l'une des vérités
fondamentales de la foi chrétienne, il touche aux bases mêmes de la conception
religieuse de l'univers, qui exige un ordre moral dans le monde. S'il ne veut pas être
chrétien, qu'il renonce au moins à enrichir le vocabulaire de son incroyance en puisant au
trésor des concepts chrétiens.
Le " Péché Originel " est la faute héréditaire, bien que non personnelle, des descendants
d'Adam, qui " ont péché en lui " (Rom., V, 12). C'est la perte de la grâce, - et, par
conséquent, de la vie éternelle, - jointe à la propension au mal, que chacun doit, avec
l'aide de la grâce, de la pénitence, de la lutte, de l'effort moral, refouler et surmonter. La
passion et la mort du Fils de Dieu ont racheté le monde de la malédiction héréditaire du
péché et de la mort. La foi à ces vérités, qui sont aujourd'hui en butte, dans votre patrie, à
la facile raillerie des adversaires du Christ, appartient au contenu inaliénable de la
Religion chrétienne.
La Croix du Christ, encore que son nom seul soit déjà devenu pour beaucoup une folie et
un scandale (I Cor., 1, 23), demeure pour le croyant le signe sanctifié de la Rédemption,
l'emblème de la force et de la grandeur morales. Nous vivons sous son ombre. Nous
mourons dans son baiser. Il faut qu'elle se dresse sur notre tombe, pour proclamer notre
foi, pour témoigner de notre espérance dans la lumière éternelle.
On peut appeler " grâce ", dans un sens impropre, tout don du Créateur à la créature.
Toutefois la " grâce ", au sens propre et chrétien du mot, comprend les témoignages
surnaturels de l'amour de Dieu, la faveur et l'action de Dieu par laquelle il élève l'homme
à cette intime communauté de vie avec Lui, que le Nouveau Testament nomme
" l'adoption des enfants de Dieu ". " Voyez de quel grand amour le Père a fait preuve
envers nous, puisque nous pouvons nous appeler et que nous sommes, en fait, enfants de
Dieu. " (I Jean, III, 1.) Rejeter cette élévation gratuite et surnaturelle au nom d'un
prétendu caractère allemand, est une erreur : c'est combattre ouvertement une vérité
fondamentale du Christianisme. Mettre sur le même plan la grâce surnaturelle et les dons
de la nature, c'est un abus du vocabulaire créé et consacré par la Religion. Les pasteurs
et. gardiens du peuple de Dieu feront bien d'opposer une action vigilante à ce larcin fait
aux choses saintes et à cette confusion des esprits.
Sur la foi en Dieu, gardée intacte et sans tache, repose la moralité de l'humanité. Toutes
les tentatives pour ôter à la morale et à l'ordre moral le fondement, solide comme le roc,
de la foi et pour .les établir sur le sable mouvant des règles humaines, conduisent tôt ou
tard individus et sociétés. à la ruine morale. L'insensé qui dit dans son coeur : I1 n'y a
pas de Dieu, marchera .dans les voies de la corruption morale (Ps., XIII, 1 sq.). Le
nombre de ces insensés, qui aujourd'hui entreprennent de séparer Moralité. et Religion,
est devenu légion. Ils ne voient pas ou ne veulent pas voir que bannir le Christianisme
confessionnel, c'est-à-dire la conception claire et précise du Christianisme, de
l'enseignement et de l'éducation, de l'organisation de la vie sociale et publique, c'est aller
à l'appauvrissement spirituel et à la décadence. Aucune puissance coercitive de l'État,
aucun idéal purement humain, si noble et si élevé soit-il en lui-même, ne sera jamais
capable de remplacer en fin de compte les suprêmes et décisives impulsions que donne
la foi en Dieu et au Christ. Si, à celui qui est appelé à faire les plus grands sacrifices, à
immoler son " moi " au bien commun, on ôte l'appui de l'éternel et du divin, la foi
réconfortante et consolante au Dieu qui récompense tout bien et punit tout mal, alors,
pour un grand nombre, le résultat final sera, non pas l'acceptation du devoir, mais la fuite
devant lui. La consciencieuse observation des dix commandements de Dieu et des
préceptes de l'Église (qui ne sont, eux, que des déterminations pratiques des règles de
l'Évangile) est pour chaque individu une incomparable école de discipline individuelle,
d'éducation morale et de formation du caractère, une école qui exige beaucoup, mais pas
trop. Le Dieu plein de bonté, qui, comme législateur, dit : " Tu dois ", donne aussi par Sa
grâce " le pouvoir et le faire ". Laisser inutilisées des forces de formation morale d'une
efficacité aussi profonde, les exclure même positivement de l'éducation du peuple, c'est
contribuer d'une façon injustifiable à la sous-alimentation religieuse de la nation. Livrer
la morale à l'opinion subjective des hommes, qui change suivant les fluctuations des
temps, au lieu de l'ancrer dans la sainte volonté du Dieu éternel et dans ses
commandements, c'est ouvrir la porte toute grande aux forces destructrices. L'abandon,
qui en résulte, des éternels principes d'une morale objective, pour l'éducation des
consciences, pour l'ennoblissement de tous les domaines et de toutes les organisations de
la vie, c'est un péché contre l'avenir du peuple, un péché dont les générations futures
devront goûter les fruits amers.
Tel est le fatal entraînement de nos temps, qu'il détache du fondement divin de la
Révélation, non seulement la morale, mais aussi le droit théorique et pratique. Nous
pensons ici en particulier à ce qu'on appelle le droit naturel, inscrit de la main même du
Créateur sur les tables du coeur humain (Rom., II, 14 sq) et que la saine raison peut y lire
quand elle n'est pas aveuglée par le péché et la passion. C'est d'après les
commandements de ce droit de nature, que tout droit positif, de quelque législateur qu'il
vienne, peut être apprécié dans son contenu moral et, par là même, dans l'autorité qu'il a
d'obliger en conscience. Des lois humaines qui sont en contradiction insoluble avec le
droit naturel sont marquées d'un vice originel qu'aucune contrainte, aucun déploiement
extérieur de puissance ne peut guérir. C'est à la lumière de ce principe qu'il faut juger
l'axiome : " Le droit, c'est l'utilité du peuple." On peut, certes, donner à cette proposition
un sens correct, si on lui fait dire que ce qui est moralement défendu ne peut jamais
servir au véritable bien du peuple. Cependant, le paganisme ancien reconnaissait déjà
que l'axiome, pour être pleinement exact, doit être, en réalité, retourné, et s'exprimer
ainsi : " Il est impossible qu'une chose soit utile si elle n'est pas en même temps
moralement bonne. Et ce n'est point parce qu'elle est utile qu'elle est moralement bonne,
mais parce qu'elle est moralement bonne elle est utile." (Cicéron, De officiis, III, 30.)
Affranchi de cette règle morale, ce principe signifierait, dans la vie internationale, l'état
de guerre perpétuel entre les différentes nations. Dans la vie nationale, il méconnaît, par
l'amalgame qu'il fait des considérations de droit et d'utilité, le fait fondamental, que
l'homme, en tant que personne, possède des droits qu'il tient de Dieu et qui doivent
demeurer vis-à-vis de la collectivité hors de toute atteinte qui tendrait à les nier, à les
abolir ou à les négliger.
Mépriser cette vérité, c'est oublier que le véritable bien commun est déterminé et
reconnu, en dernière analyse, par la nature de l'homme, qui équilibre harmonieusement
droits personnels et obligations sociales, et par le but de la société, déterminé aussi par
cette même nature humaine. La société est voulue par le Créateur comme le moyen
d'amener à leur plein développement les dispositions individuelles et les avantages
sociaux que chacun, donnant et recevant tour à tour, doit faire valoir pour son bien et
celui des autres. Quant aux valeurs plus générales et plus hautes, que seule la
collectivité, et non plus les individuels isolés, peut réaliser, elles aussi en définitive sont,
par le Créateur, voulues pour l'homme, pour son plein épanouissement naturel et
surnaturel et l'achèvement de sa perfection. S'écarter de cet ordre, c'est ébranler les
colonnes sur lesquelles repose la société, et donc compromettre la tranquillité, la sécurité
et l'existence même de la société.
Le croyant a un droit inaliénable à professer sa foi et à la vivre comme elle veut être
vécue. Des lois qui étouffent ou rendent difficile la profession et la pratique de cette foi
sont en contradiction avec le droit naturel.
Des parents sérieux, conscients de leur devoir d'éducateurs, ont un droit primordial à
régler l'éducation des enfants que Dieu leur a donnés, dans l'esprit de leur foi, en accord
avec ses principes et ses prescriptions. Des lois ou d'autres mesures qui éliminent dans
les questions scolaires cette libre volonté des parents, fondée sur le Droit Naturel ou qui
la rendent inefficace par la menace ou la contrainte, sont en contradiction avec le Droit
Naturel et sont foncièrement immorales.
L'Église, à qui revient, de par sa mission, le soin de garder et d'expliquer le droit naturel,
divin dans son origine, ne peut s'empêcher de déclarer les toutes récentes inscriptions
aux écoles, faites dans l'absence notoire de toute liberté, un résultat de la contrainte,
auquel les caractères du droit font totalement défaut.
À la jeunesse
Comme Vicaire de Celui qui a dit au jeune homme de l'Évangile : " Si tu veux entrer
dans la vie, garde les commandements " (Matth., XIX, 17), Nous adressons une parole
particulièrement paternelle à la jeunesse.
Des milliers de voix font retentir aujourd'hui à vos oreilles un Evangile qui n'a pas été
révélé par le Père des cieux. Des milliers de plumes écrivent au service d'un prétendu
christianisme qui n'est pas le christianisme du Christ. La presse et la radio vous
envahissent quotidiennement de productions hostiles à la foi et à l'Église, impudemment
agressives envers tout ce qui doit vous être le plus vénérable et le plus sacré.
Beaucoup, beaucoup d'entre vous, à cause de leur fidélité à la foi et à l'Église, à cause de
leur affiliation à des associations religieuses, garanties par le Concordat ont dû et doivent
encore, Nous le savons, subir cette tragique épreuve de voir incomprise, suspectée,
outragée, niée même, leur fidélité à la patrie, souffrir en outre toutes sortes de dommages
dans leur vie professionnelle et sociale. Nous ne sommes pas non plus sans savoir qu'il y
a dans vos rangs plus d'un obscur soldat du Christ qui, le coeur en deuil, mais la tête
haute, supporte son sort et trouve son unique consolation dans la pensée de souffrir des
affronts pour le Nom de Jésus. (Act. Ap., v, 41.) Aujourd'hui, la voyant sous la menace
de nouveaux dangers et de nouvelles tracasseries, Nous disons à cette jeunesse : Si
quelqu'un voulait vous annoncer un Évangile autre que celui que vous avez reçu sur les
genoux d'une pieuse mère, des lèvres d'un père croyant, ou par l'enseignement d'un
éducateur fidèle à son Dieu et à son Église, " qu'il soit anathème " (Gal., I, 9). Si l'État
fonde une Jeunesse nationale, cette organisation obligatoire doit être ouverte à tous, et
c'est alors - sans préjudice des droits des associations religieuses - pour les jeunes gens
eux-mêmes et pour les parents qui en répondent devant Dieu, un droit incontestable et
inaliénable d'exiger que cette organisation d'État soit purgée de toutes les manifestations
d'un esprit ennemi du christianisme et de l'Église, manifestations qui, tout récemment
encore et aujourd'hui même, mettent la conscience des parents chrétiens dans une
insoluble alternative, puisqu'ils ne peuvent donner à l'État ce qu'il exige qu'en dérobant à
Dieu ce qui est à Dieu.
Nul ne songe, certes, à barrer la route qui doit conduire la jeunesse allemande à la
constitution d'une vraie communauté ethnique, dans le noble amour de la liberté,
l'inviolable fidélité à la patrie. Ce contre quoi Nous Nous élevons, et Nous devons Nous
élever, c'est l'antagonisme volontairement et systématiquement suscité entre ces
préoccupations d'éducation nationale et celles du devoir religieux. Voilà pourquoi, nous
crions à cette jeunesse : Chantez vos hymnes à la liberté, mais n'oubliez pas pour autant
la liberté des enfants de Dieu. Ne laissez pas la noblesse de cette irremplaçable liberté
s'avilir dans l'esclavage du péché et de la sensualité.
Qui chante l'hymne de la fidélité à la patrie terrestre ne doit pas, par l'infidélité à son
Dieu, à son Église, devenir un déserteur et un traître à sa patrie céleste. On vous parle
beaucoup .de la grandeur héroïque, que l'on oppose consciemment et mensongèrement à
l'humilité et à la patience évangéliques. Pourquoi donc vous taire qu'il y a aussi un
héroïsme des luttes morales ? que la conservation de l'innocence baptismale constitue un
haut fait d'héroïsme qui devrait recevoir dans l'ordre religieux, et naturel aussi,
l'hommage qu'il mérite ? On vous parle beaucoup des faiblesses humaines qui ternissent
l'histoire de l'Église. Pourquoi donc vous taire les exploits qui jalonnent sa route au cours
des siècles, les saints qu'elle a enfantés, la bénédiction qui a découlé pour la civilisation
occidentale de l'union vivante entre cette Église et votre peuple ? On vous parle
beaucoup d'exercices sportifs. Pratiquée avec mesure et contenue dans de justes limites,
l'éducation physique est un bienfait pour la jeunesse.
Pour ce qui est du temps à y consacrer, on lui donne maintenant trop souvent une telle
ampleur qu'on ne tient plus compte ni du développement harmonieux du corps et de
l'esprit, ni des égards dus à la vie de famille, ni du précepte de la sanctification du
dimanche. Avec une indifférence qui confine au mépris, on enlève au jour du Seigneur
son caractère sacré et son recueillement, naguère si conforme aux meilleures traditions
allemandes. Nous attendons avec confiance de la jeunesse croyante et catholique que,
dans le milieu peu favorable des organisations de l'État, elle fasse énergiquement valoir
son droit à une chrétienne sanctification du dimanche, que pour l'exercice du corps elle
n'oublie pas son âme immortelle, qu'elle ne se laisse pas vaincre par le mal, mais qu'elle
vise, au contraire, à triompher du mal par le bien(Rom., XII, 21), que sa plus haute et
plus sainte ambition demeure celle de remporter la couronne dans le stade de la vie
éternelle (I Cor., IX, 24 sq.).
Aux prêtres et aux religieux
Elles ont laissé derrière elles des angoisses et des amertumes qui ne peuvent guérir que
lentement et dont on ne pourra triompher vraiment que dans un esprit de charité effective
et désintéressée. Cette charité, arme indispensable de l'apôtre, surtout dans le monde
d'aujourd'hui bouleversé et égaré par la haine, Nous vous la souhaitons et Nous
l'implorons du Seigneur dans une mesure débordante. Cette apostolique charité vous
fera, sinon oublier, du moins pardonner beaucoup d'amertumes imméritées et aujourd'hui
plus nombreuses que jamais sur votre chemin de pasteurs d'âmes et de prêtres.
Cette charité intelligente et compatissante envers les égarés, envers ceux-là même qui
vous outragent, ne signifie nullement et ne peut nullement signifier un renoncement quel
qu'il soit à la proclamation, à la revendication, à la défense courageuse de la vérité et à sa
franche application à la réalité qui vous environne. Le premier don de l'amour du prêtre à
son entourage, celui qui s'impose le plus évidemment, c'est celui qui consiste à servir la
Vérité, toute la vérité, à dévoiler et à réfuter l'erreur sous quelque forme, sous quelque
masque ou déguisement qu'elle se présente. Une défaillance sur ce point ne serait pas
seulement une trahison envers Dieu et envers votre sainte vocation, ce serait aussi une
faute contre le bien véritable de votre peuple et de votre patrie. Vers tous ceux qui ont
gardé vis-à-vis de leurs évêques la fidélité promise au jour de leur ordination, vers tous
ceux qui, en exerçant conformément à leur devoir leur tâche de pasteurs, ont eu et ont
encore à supporter la souffrance et la persécution, vers tous vont - et pour certains jusque
dans leur cellule de prison, dans leur camp de concentration - la reconnaissance et
l'approbation du Père de la chrétienté.
Nous avons devant les yeux la foule immense de Nos fidèles enfants, de Nos fils et de
Nos filles, auxquels la souffrance de l'Église en Allemagne et leur propre souffrance
n'ont rien ôté de leur dévouement à la cause de Dieu, ni de leur tendre amour pour le
Père de la chrétienté, ni de leur obéissance envers les évêques et les prêtres, ni de leur
joyeuse résolution de demeurer toujours, et quoi qu'il advienne, fidèles à leur croyance, à
l'héritage sacré de leurs ancêtres. À eux tous, Nous envoyons d'un coeur ému Notre
paternel souvenir.
Nous adressons un salut particulièrement cordial aux parents catholiques. Les droits et
les devoirs d'éducateurs à eux conférés par Dieu sont précisément dans le moment
présent l'enjeu d'une lutte telle qu'on en peut à peine imaginer une qui soit plus lourde de
conséquences. L'Église ne peut attendre pour commencer à gémir et se plaindre que les
autels soient dévastés, que des mains sacrilèges aient incendié les temples.
Si l'on tente, par une éducation ennemie du Christ, de profaner ce tabernacle qu'est l'âme
de l'enfant consacrée par le baptême, si de ce temple vivant de Dieu on veut arracher la
lampe éternelle de la foi du Christ pour lui substituer la lumière trompeuse d'une
contrefaçon de la foi qui n'a plus rien à voir avec la foi de la Croix, alors la violation
spirituelle du temple est proche, alors c'est pour quiconque confesse le Christ un devoir
de dégager nettement sa responsabilité de celle du camp adverse, de libérer sa
conscience de toute coopération coupable à une telle machination et à une telle
corruption. Et plus les ennemis s'efforcent de déguiser sous de beaux semblants leurs
sombres desseins, plus il y a lieu d'y opposer une méfiance vigilante, une vigilance
provoquée à la méfiance par une expérience trop amère.
*
**
Vénérables Frères, Nous en sommes certain, les paroles que dans une heure décisive
Nous vous adressons, à vous et, par vous, aux catholiques de l'empire allemand,
trouveront dans les coeurs et dans les actes de Nos fidèles enfants l'écho qui doit
répondre à la tendre sollicitude du Père commun. S'il est une chose que Nous implorons
du Seigneur avec une ardeur singulière, c'est bien celle-ci : que Nos paroles parviennent
aussi à l'oreille et au coeur, qu'elles éveillent les réflexions de ceux qui ont déjà
commencé à se laisser prendre aux appâts et aux menaces des adversaires du Christ et de
son saint Evangile.
Nous avons pesé chacun des mots de Cette lettre à la balance de la vérité, et de l'amour
aussi. Nous ne voulions, ni par un silence inopportun devenir complice de l'équivoque,
ni par trop de sévérité exposer à l'endurcissement le coeur d'aucun de ceux qui vivent
sous Notre responsabilité de Pasteur et auxquels Notre amour de Pasteur ne s'applique
pas moins du fait que, pour l'heure, ils se fourvoient dans les chemins de l'erreur et de
l'infidélité. Et quand bien même beaucoup d'entre eux, s'adaptant à la mentalité de leur
nouvel entourage, n'auraient plus pour la maison paternelle abandonnée par eux et pour
le Père lui-même que des paroles de défiance, d'ingratitude, ou même d'insulte, quand ils
oublieraient tout ce qu'ils ont rejeté, le jour viendra où l'angoisse de l'éloignement de
Dieu et du désarroi de leur âme s'abattra sur ces fils aujourd'hui perdus, où la nostalgie
les ramènera " au Dieu qui réjouissait leur jeunesse ", à l'Église dont la main paternelle
leur avait enseigné le chemin qui conduit au Père des cieux. Hâter cette heure, c'est
l'objet de Notre continuelle prière.
Comme d'autres époques de l'histoire de l'Église, celle-ci sera le prélude d'une nouvelle
ascension et d'une purification intérieure, à la seule condition que les fidèles se montrent
assez fiers dans la confession de leur foi au Christ, assez généreux en face de la
souffrance pour opposer à la force matérielle des oppresseurs de l'Église l'intrépidité
d'une foi profonde, la fermeté inébranlable d'une espérance sûre de l'éternité, l'irrésistible
puissance d'une charité agissante. Que le saint temps du Carême et de Pâques, qui prêche
le renouvellement intérieur et la pénitence, qui plus que d'ordinaire dirige le regard du
chrétien vers la croix, mais aussi vers la gloire du Ressuscité, soit pour tous et pour
chacun de vous une occasion joyeusement saluée, ardemment exploitée, de vous emplir
le coeur et l'âme de cet esprit d'héroïsme, de .patience, de victoire qui rayonne de la
croix de Jésus-Christ.
Alors, Nous en sommes certain, les ennemis de l'Église, qui s'imaginent que leur heure
est venue, reconnaîtront bientôt qu'ils s'étaient réjouis trop vite et qu'ils avaient trop tôt
pris en main la bêche du fossoyeur. Alors le jour luira où, succédant aux hymnes de
triomphe prématurés des ennemis du Christ, s'élèvera vers le ciel, du coeur et des lèvres
des fidèles, le Te Deum de la délivrance : un Te Deum de reconnaissance envers le Très-
Haut, un Te Deum d'allégresse à la vue du peuple allemand tout entier, même avec ses
membres aujourd'hui fourvoyés, revenant à la religion, et, dans une foi purifiée par la
souffrance, ployant de nouveau le genou devant le Roi des temps et de l'éternité, Jésus-
Christ, se disposant enfin, dans la lutte contre ceux qui nient Dieu et ruinent l'Occident
chrétien, à reprendre, en harmonie avec tous les hommes de bonne volonté de tous les
peuples, la mission que les plans de l'Éternel lui ont assignée.
Celui qui sonde les coeurs et les reins (Ps. VII, 10) Nous est témoin que Nous n'avons
pas de plus intime désir que le rétablissement en Allemagne d'une paix véritable entre
l'Église et l'État. Mais si - sans Notre faute - cette paix ne doit pas s'établir, alors l'Église
de Dieu défendra ses droits et ses libertés au nom du Tout-Puissant dont le bras, même
aujourd'hui, n'est pas raccourci. Confiant en Lui, " Nous ne cessons de prier et
d'implorer " (Col., I, 9) pour vous, enfants de l'Église, afin que soient abrégés les jours
de la tribulation et que vous soyez trouvés fidèles au jour du jugement ; pour les
persécuteurs aussi et les oppresseurs : afin que le Père de toute lumière et de toute
miséricorde daigne les éclairer, comme Saul sur le chemin de Damas, eux et tous ceux,
si nombreux, qui à leur suite se sont égarés et demeurent dans l'erreur.
Avec cette supplication dans le coeur et sur les lèvres, Nous vous accordons, comme
gage du secours divin, comme soutien de vos résolutions difficiles et lourdes de
responsabilité, comme réconfort dans le combat, comme consolation dans la souffrance,
à Vous, évêques et pasteurs du peuple fidèle, aux prêtres, aux religieux, aux apôtres
laïques de l'Action catholique, et à tous, oui, à tous vos diocésains - mais spécialement
aux malades et aux prisonniers, - dans un paternel amour, la Bénédiction apostolique.