Integrale Lebesgue
Integrale Lebesgue
L3 Mathématiques
Jean-Christophe Breton
Université de Rennes 1
Septembre–Décembre 2016
2 Mesure de Lebesgue 20
2.1 Mesure extérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.2 Construction de la mesure de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.3 Propriétés de la mesure de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
3 Fonctions mesurables 29
3.1 Mesurabilité de fonction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.2 Propriétés des fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.3 Limite de fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.4 Fonctions étagées (simples) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
i
Table des matières ii
7 Intégrale multiple 69
7.1 Tribu produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
7.2 Mesure produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
7.3 Théorèmes de Fubini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
7.4 Changement de variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
7.4.1 Rappel : intégrale de Riemann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
7.4.2 Changement de variables linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
7.4.3 Preuve de 1) dans le Théorème 7.4.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
7.4.4 Preuve de 2) dans le Théorème 7.4.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
7.4.5 Coordonnées polaires et sphériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
8 Espaces Lp 89
8.1 Convexité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
8.2 Espace Lp (X, A, µ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
8.3 Espaces Lp (X, A, µ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
8.4 Inégalités de convexité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
9 Convolution 100
9.1 Définition et propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
9.2 Normes des convolutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
9.3 Dérivation des convolutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
9.4 Approximation et régularisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Historiquement, comme l’indique le nom, le but de cette théorie est de mesurer des en-
sembles. Sans s’en rendre compte, plusieurs types de « mesures » ont déjà été rencontrées :
— Le cardinal d’un ensemble discret, par exemple le cardinal de {1, 2, 3, 4} est 4, celui
de {1, 9, 26, 74, 106} est 5, celui de N est +∞.
— La longueur, l’aire, le volume d’une courbe, d’une figure plane, d’un solide en di-
mension 3.
Par exemple, la longueur de l’intervalle [−3, 5] est 5 − (−3) = 8, l’aire du disque
D(0, R) est πR2 , le volume du cylindre de base D(0, R) et de hauteur h est πR2 h.
— La probabilité d’un évènement : par exemple si on lance un dé équilibré la probabilité
d’avoir un quatre est 1/6, celle d’avoir une face impaire est 1/2, celle de gagner au
49
loto (au premier rang) est 1/ 5 ∼ 5, 24 × 10−7 .
Ces mesures sont des cas particuliers d’une notion plus générale de mesure, outil de
base pour une nouvelle théorie de l’intégration, dite intégrale de Lebesgue (1902). Elle
généralise la notion déjà vue de l’intégrale de Riemann (cf. [JCB-Riemann]), donc ce qui
est déjà connu avec Riemann n’est pas perdu mais généralisé. Cependant, cette nouvelle
théorie
— s’applique à une classe de fonctions beaucoup plus grande (les fonctions mesurables) ;
— a des théorèmes de convergence beaucoup plus puissants : théorème de convergence
monotone, théorème de convergence dominée pour avoir des résultats du type
Z Z
lim fn (x) dx = lim fn (x) dx
n→+∞ n→+∞
ou XZ Z X
fn (x) dx = fn (x) dx;
n≥1 n≥1
iii
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c – L3 math – Université de Rennes 1 iv
Remarque : Notons qu’une mesure est toujours associée à une famille d’ensembles à
mesurer. On appelera bientôt ces familles des tribus ou des σ-algèbres.
Une référence classique pour ce cours est [Rud]. D’autres références sont [ACMR], [Bouyssel],
[BP] et [LCP] (en anglais), dont la partie 00 théorie de la mesure00 a inspiré une partie de ces
notes.
Chapitre 1
Dans ce chapitre, on introduit les notions clefs de théorie de la mesure : les tribus
(appelées aussi σ-algèbre) en Section 1.2 et les mesures en Section 1.3. On présente les
principales propriétés des mesures en Section 1.4. On présente également la notion de
classe monotone, à la base de l’argument du même nom en Section 1.5. On montre comment
compléter une tribu en Section 1.6 . On commence ce chapitre par rappeler les opérations
ensemblistes de base en Section 1.1.
Opérations ensemblistes
On rappelle maintenant les principales opérations ensemblistes sur des sous-ensembles
E, F d’un ensemble de base X :
— union : E ∪ F = {x ∈ X : x ∈ E ou x ∈ F } ;
1
Chapitre 1.
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c – L3 math – Université de Rennes 1 2
— intersection : E ∩ F = {x ∈ X : x ∈ E et x ∈ F } ;
— différence (ensembliste) : E \ F = {x ∈ E : x 6∈ F } ;
— différence propre : E \ F lorsque F ⊂ E ;
— différence symétrique : E∆F = (E \ F ) ∪ (F \ E) ;
— complémentaire : E c = X \ E = {x ∈ X : x 6∈ E}.
On rappelle quelques règles :
— commutativité : E ∪ F = F ∪ E, E ∩ F = F ∩ E ;
— associativité : (E ∪ F ) ∪ G = E ∪ (F ∪ G), (E ∩ F ) ∩ G = E ∩ (F ∩ G) ;
— distributivité : (E ∪ F ) ∩ G = (E ∩ G) ∪ (F ∩ G), (E ∩ F ) ∪ G = (E ∪ G) ∩ (F ∪ G) ;
— involution : (E c )c = E ;
— lois de Morgan : (E ∩ F )c = E c ∪ F c , (E ∪ F )c = E c ∩ F c ;
— E \ F = E ∩ F c.
On dit que E et F sont disjoints si E ∩ F = ∅.
On rappelle que pour montrer une égalité ensembliste E = F , le plus simple est de montrer
la double inclusion E ⊂ F et F ⊂ E.
Noter enfin qu’en mathématiques le « ou » est un ou inclusif alors que dans le langage
usuel il s’agit d’un ou exclusif (thé ou café ? C’est l’un ou l’autre mais pas les deux alors
que le « ou » mathématique autorise à prendre les deux).
Les opérations sur les ensembles peuvent faire intervenir plus de deux
S ensembles. Ainsi si
(Ei )i∈I est une famille quelconque d’ensemble indéxée par I alors Ti∈I Ei est l’ensemble
des x ∈ X qui sont dans au moins un des Ei pour i ∈ I. De même i∈I Ei est l’ensemble
des x ∈ X qui sont dans tous les Ei pour i ∈ I.
Dénombrabilité
Dans la suite de ce cours, la dénombrabilité est une notion fondamentale. De nombreuses
propriétés feront intervenir des familles dénombrables.
Limites d’ensembles
Définition 1.1.2 (Suite monotone d’ensembles) — Une suite (Ei S)i≥1 est dite
croissante si pour tout i ≥ 1, on a Ei ⊂ Ei+1 . On note alors limi Ei = i≥1 Ei .
— Une suite (Ei )i≥1 Test dite décroissante si pour tout i ≥ 1, on a Ei ⊃ Ei+1 . On
note alors limi Ei = i≥1 Ei .
De façon générale, on peut définir les limites inférieure et supérieure d’une suite d’ensembles
(Ei )i≥1 de X.
Définition 1.1.3 (Limites inférieure et supérieure) Étant donnée une suite d’évène-
ments (Ei )i≥1 , on définit
\[
la limite supérieure : lim sup Ei = Ej
i→+∞
i≥1 j>i
[\
et la limite inférieure : lim inf Ei = Ej .
i→+∞
i≥1 j>i
Noter que
lim inf Ei ⊂ lim sup Ei . (1.1)
i→+∞ i→+∞
T T S
En effet k>n Ek ⊂ Eq pour tout q > n. On a donc k>n Ek ⊂ q>p Eq pour tout p et
tout n.
On a alors pour tout n :
\ \[
Ek ⊂ Eq = lim sup En .
n→+∞
k>n p≥1 q>p
Finalement [ \
Ek ⊂ lim sup En ,
n→+∞
n≥1 k>n
Définition 1.1.4 (Suite convergente d’ensembles) Une suite (Ei )i≥1 est dite conver-
gente si lim inf i→+∞ Ei = lim supi→+∞ Ei .
S
Lorsque (Ei )i≥1 est croissante alors lim inf i→+∞ Ei = lim supi→+∞ E
Ti = i≥1 Ei et lorsque
(Ei )i≥1 est décroissante alors lim inf i→+∞ Ei = lim supi→+∞ Ei = i≥1 Ei . Dans les deux
cas, il s’agit évidemment de suites convergentes.
L’intérêt des limites inférieure et supérieure provient notamment de l’interprétation sui-
vante qui permet de « traduire » en langage ensembliste une assertion logique :
Chapitre 1.
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Démonstration :
• Pour le premier point : Soit x qui, à partir d’un certain rang, est dans tous les Ei . On
traduit cela de la façon suivante : il existe un rang p tel que pour tout rang q > p, x est
dans Eq . D’après la signification des symboles ∀, ∃, ∩, ∪, cela revient à écrire
[ \
x∈ Eq .
|{z}
p≥1 q>p
|{z} |{z} x est
il existe pour tout dans Eq
p≥1 q>p
• Pour le second point, dire que x est dans une infinité de Ei est équivalent à dire que
En effet, si tel est le cas, x est bien dans une infinité de Ei car, d’après cette propriété,
— avec p = 0, il existe p1 > p tel que x est dans Ep1 ,
— avec p = p1 , il existe p2 > p1 tel que x est dans Ep2 ,
— avec p = p2 , il existe p3 > p2 tel que x est dans Ep3 ,
— ...
— avec p = pn , il existe pn+1 > pn tel que x est dans Epn+1 ,
— ...
et finalement, x est dans chaque Epn , n ≥ 1, c’est à dire dans une infinité de Ei . Récipro-
quement, s’il est dans une infinité de Ei , alors pour tout p, on trouve q > p tel que x ∈ Eq ,
sinon, ce serait qu’il existe p tel que pour q > p, x n’est pas dans Eq . Ou encore : x ne peut
appartenir qu’aux Ei d’indice i ≤ p, c’est à dire seulement à un nombre fini d’entre eux,
ce qui est faux.
Donc, pour ce deuxième point, pour tout p, on trouve q > p, tel que x ∈ Eq , en langage
∀, ∃, cela s’écrit \ [
x∈ Eq .
|{z}
p≥1 q>p
|{z} |{z} x est
pour tout il existe dans Eq
p≥1 q>p
Chapitre 1.
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Remarque 1.2.1
— Nécessairement, l’ensemble vide ∅ ∈ A puisque ∅ = X c .
— On peut remplacer X ∈ A par A non vide car alors si E ∈ A, on a aussi E c ∈ A
et X = E ∪ E c ∈ A.
— Une algèbre A est stable par intersection : si A, B ∈ A alors A ∩ B ∈ A (un
ensemble vérifiant une telle propriété est appelée π-système).
— Par une récurrence immédiate, une algèbre A est stable par intersection finie et
par union finie.
— Une algèbre A est stable par différence (ensembliste) : si A, B ∈ A alors A\B ∈ A.
Par exemple A = {∅, X}, P(X), {A ⊂ X : A fini ou X \ A fini} sont des algèbres de X.
Remarque 1.2.2 (Explication des axiomes d’une tribu) Une tribu est une famille
d’ensembles sur laquelle une « mesure » va être définie. C’est donc une famille d’ensembles
à mesurer (ce qu’on appelle en probabilités une famille d’observables).
On comprend bien les axiomes en les interprétant en termes d’évènements probabilistes :
Chapitre 1.
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et pour que A soit observable quand les An le sont, il faut la stabilité par réunion
dénombrable de la tribu (des observables) A.
L’axiome de stabilité par réunion dit donc pour une collection dénombrable d’évè-
nements (An )n≥1 : si chaque An est observable alors l’évènement A1 ou A2 ou · · ·
ou An ou · · · l’est encore.
— L’évènement certain X est observable, c’est ce qui se cache sous l’axiome X est
dans la tribu.
— Les autres opérations sur les évènements observables comme « si A et B sont ob-
servables alors A et B aussi » se déduisent des axiomes de base de la définition 1.2.2.
Les axiomes de la définition d’une tribu ne sont donc rien d’autre que la formalisation
mathématique des opérations (logiques) qu’on peut faire sur des ensembles « à mesurer »
(tels que les évènements).
Définition 1.2.3 (Espace mesurable) Un ensemble muni d’une tribu (X, A) est appelé
un espace mesurable.
Proposition 1.2.1 Une intersection quelconque de tribus est une tribu. (Les tribus sont
des famille de Moore.)
T
Démonstration : Soit Ai , i ∈ I, des tribus. On montre que A = i∈I Ai en est une aussi.
Chapitre 1.
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T
— D’abord X ∈ Ai pour tout i ∈ I donc X ∈ i∈I Ai = A.
— Soit A ∈ A alors pour tout i ∈ I, A ∈ Ai ,Tstable par complémentaire donc Ac ∈ Ai
pour chaque i ∈ I. Mais alors, Ac ∈ A = i∈I Ai . La famille A est donc stable par
complémentaire. T S
— Soit pour j ≥ 1, Aj ∈ A = i∈I AS T i ∈ I, Aj ∈ Ai donc j≥1 Aj ∈ Ai
i . Pour chaque
car Ai est une tribu. Finalemant, j≥1 Aj ∈ i∈I Ai = A, qui est stable par réunion
dénombrable.
La famille A satisfait tous les axiomes caractéristiques d’une tribu, c’en est donc une.
Proposition 1.2.2 La tribu engendrée par une famille M est donnée par
\
σ(M) = A.
A tribu contenant M
T
Démonstration : Notons B = A tribu contenant M A. D’après la proposition précé-
dente B est une tribu et clairement elle contient M, si bien qu’on a σ(M) ⊂ B d’après
la définition de σ(M). Puis σ(M) est une tribu contenant M donc par définition de B,
intersection de telles tribus, on a B ⊂ σ(M). Finalement, on a bien B = σ(M).
Définition 1.2.5 (Tribu borélienne) La tribu engendrée par une topologie (c’est à dire
engendrée par la famille M = T des ouverts d’une topologie) est la tribu (ou σ-algèbre)
borélienne, notée B(X). Les élements de la tribu borélienne B(X) s’appelent les (ensembles)
boréliens de X.
T
— les intersections i∈I Ui d’ouverts
S T (I dénombrable) ;
— les réunions d’intersection j∈J i∈I Ui d’ouverts I (I, J dénombrable) ;
— en généralisant le procédé : les réunions d’intersections de réunions de . . . d’ou-
verts \[ \[ \ [
... ... ... . . . Un
i∈I j∈J k∈K l∈L m∈M n∈N
Boréliens réels
Les boréliens jouent un rôle essentiel dans l’intégration (réelle). Dans cette section,
on considère X = R =] − ∞, +∞[ muni de sa topologie usuelle (topologie de l’ordre qui
coı̈ncide avec la topologie engendrée par la distance usuelle | · |). On considère alors sur R
la tribu borélienne B(R) engendrée par les ouverts de sa topologie usuelle.
S On rappelle que
les ouverts de R sont des réunions dénombrables d’intervalles ouverts n≥1 ]an , bn [ (réunion
finie ou dénombrable).
Typiquement, les boréliens de R sont
— tout ouvert, tout fermé
— tout intervalle ouvert, fermé, semi-fermé, fini, infini ;
— tout singleton {x}, x ∈ R ;
— tout ensemble dénombrable {xi : i ∈ I}, I ⊂ N, xi ∈
rit.
T T
En effet,T]a, b[∈ B(R) car est ouvert, [a, b] = n≥1 ]a − 1/n, b + 1/n[, [a, b[= n≥1 ]a − 1/n, b[,
]a, b] = n≥1 ]a, b + 1/n[ sont dans B(R).
S
∪]n, b], ]−∞, b[= n≥1 ]−∞, b−1/n], [a, +∞] =]−∞, a[c ,
S
Puis ]−∞, b] = n≤[b] ]n−1, n]
n∈Z
c
]a, +∞[=] − ∞,
T a] sont1aussi dans B(R).
Enfin, {x} = n∈N ]x − n , x] ∈ B(R).
Un ensemble dénombrable est une union disjointe de singletons donc est dans B(R).
pour montrer que les familles énoncées permettent de retrouver tous les intervalles ouverts
]a, b[ et donc par (1.2) les ouverts de R. Les tribus engendrées par ces familles contiennent
donc B(R). Comme en plus elles sont incluses dans B(R), il y a égalité entre toutes ces
tribus.
Remarque 1.2.4 Ces familles suffisent en appliquant les opérations licites dans les tri-
bus (réunion, intersection, complémentaire) pour retrouver tous les ensembles de la tribu
borélienne. Attention toutefois, cela n’empêche pas que certains ensembles de cette tribu
peuvent être plus exotiques (ensemble de Cantor, Remarque 2.3.1).
1.3 Mesure
On a déjà évoqué que le cardinal (d’un ensemble), la longueur (d’une courbe), l’aire
(d’une surface plane), le volume (d’un solide) ou encore la probabilité (d’un évènement)
sont différentes façons de mesurer des objets. Toutes ces notions sont des cas particuliers de
la notion générale de mesure. Ces mesures particulières sont associées aux types d’ensemble
qu’elles mesurent. Pour une mesure abstraite, la famille d’éléments « mesurables » sera une
tribu : on définit une mesure sur une tribu. Considérons un espace mesurable (X, A).
Définition 1.3.1 (Mesure) Une mesure µ sur (X, A) est une application de A → [0, +∞]
telle que
i) µ(∅) = 0 ;
ii) si (An )n≥1 est une suite dénombrable d’ensembles de A deux à deux disjoints alors
[ X
µ An = µ(An ) (σ-additivité).
n≥1 n≥1
Chapitre 1.
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En particulier, la mesure peut prendre la valeur +∞ (ce n’est pas choquant, par exemple
N a un cardinal infini, et R une longueur infinie), mais elle doit être à valeurs positives.
Comme +∞ est une valeur autorisée, il convient de définir de nouvelles règles de calcul sur
R̄ = R ∪ {−∞, +∞}. Ainsi, aux règles réelles usuelles, on rajoute
— pour tout a ∈ R : −∞ ± a = −∞, +∞ ± a = +∞ ;
— pour 0 < a < +∞ : a × (+∞) = +∞, a × (−∞) = −∞ ;
— pour −∞ < a < 0 : a × (−∞) = +∞, a × (+∞) = −∞ ;
— +∞ + (+∞) = +∞, −∞ − (−∞) = −∞ ;
— 0 × (±∞) = 0.
Cette dernière convention se justifie en considérant la surface de R considérée comme
une surface de longueur ∞ et de largeur 0 : son aire est nulle et donc 0 × (+∞) doit
faire zéro. Attention, cette convention induit un problème de continuité pour le produit
(x, y) ∈ R̄2 7→ xy puisqu’avec
xn = 1/n et yn = n, on a xn yn = 1, qui n’est pas
limn→+∞ xn limn→+∞ yn = 0 × (+∞) = 0.
Définition 1.3.2 (Espace mesuré) Le triplet (X, A, µ) est appelé un espace mesuré (es-
pace mesurable + mesure).
Exemples :
• Mesure de comptage (ou de dénombrement) sur (X, P(X)) :
card A si A est fini
η(A) =
+∞ sinon.
Théorème 1.3.1 (Mesure de Lebesgue) Il existe une unique mesure λ sur (R, B(R))
telle que
— pour tout intervalle [a, b] borné, on a : λ([a, b]) = λ(]a, b[) = b − a.
— invariance par translation : pour tout A ∈ B(R), λ(A + x) = λ(A) où A + x =
{a + x : a ∈ A}.
Chapitre 1.
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La mesure de Lebesgue λ généralise la notion de longueur d’un intervalle à tous les boréliens
A ∈ B(R). Il aurait été vain de chercher à généraliser la longueur à une mesure qui mesure
toutes les parties de R (c’est à dire une mesure sur tout P(R)) car on montre qu’une telle
généralisation sur P(R) contient une incohérence. Il faut se contenter d’une généralisation
sur la tribu borélienne B(R) .
• Probabilité : Traditionnellement, dans le cadre probabiliste, on note (Ω, F, P) plutôt
que (X, A, µ). Dans (Ω, F, P), Ω est un ensemble (dit espace de probabilité), F une tribu
appelée la famille des observables, et P une mesure appelée probabilité, c’est à dire une
mesure de poids 1 : P(Ω) = 1.
Par exemple :
— Sur R, la mesure de Lebesgue λ est
— borélienne,
— une mesure σ-finie car
[
R= [−n, n] et λ([−n, n]) = 2n;
n∈N
— une mesure de Borel car pout tout compact K, il existe n tel que K ⊂ [−n, n]
et λ(K) ≤ λ([−n, n]) = 2n.
— Une mesure de Dirac δa est une mesure de probabilité (dégénérée) car δa (X) = 1.
— [0, 1], B([0, 1]), λ est un espace de probabilité car λ([0, 1]) = 1.
— Un exemple de mesure finie est la mesure de dénombrement sur un ensemble fini X
puisque la mesure de X est card(X) qui est fini.
et µ(A \ B) ≥ 0.
• Additivité : Si A, B ∈ A avec A ∩ B = ∅ alors
Comme µ(A1 ) < +∞, on peut passer aux complémentaires dans A1 : en notant Bi = A1 \Ai ,
la suite Bi , i ≥ 1, est croissante et d’après le cas précédent
[
lim µ(Bn ) = µ Bn .
n→+∞
n≥1
Chapitre 1.
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S T
Comme µ(A1 ) < +∞, on a µ(Bn ) = µ(A1 ) − µ(An ) et n≥1 Bn = A1 \ n≥1 An de mesure
S T
µ B
n≥1 n = µ(A 1 ) − µ n≥1 n , on a donc
A
\
lim µ(A1 ) − µ(An ) = µ(A1 ) − µ An
n→+∞
n≥1
[ m
[ m
X X
µ An = lim µ An ≤ lim µ(An ) = µ(An ).
m→+∞ m→+∞
n≥1 n=1 n=1 n≥1
Remarque 1.5.1 — Une classe monotone est stable par complémentaire : il suffit
c
d’écrire A = X \ A pour X, A ∈ M.
— Une classe monotone est stable par intersection dénombrable décroissante : si
(Bi )i≥1 est une suite de M telle que Bi ⊃ Bi+1 , i ≥ 1, alors Ai = SBic ∈ M car
Ai = X \ Bi et (Ai )i≥1 forme une suite croissante de M pour laquelle i≥1 Ai ∈ M
T S c
mais alors i≥1 Bi = i≥1 Ai ∈ M.
Une classe monotone est donc stable par limite monotone d’ensembles (croissante
ou décroissante), cela justifie la terminologie.
Quelques propriétés
Proposition 1.5.1 Une intersection d’un nombre quelconque de classes monotones est
encore une classe monotone.
Démonstration : Même type de preuve que pour les tribus dans la Prop. 1.2.1.
Par contre, toute classe monotone n’est pas une tribu ; par exemple sur X = {a, b, c, d},
M = ∅, {a, b}, {c, d}, {b, c}, {a, d}, {a, b, c, d}
est bien une classe monotone mais pas un tribu car par exemple {a, b} ∈ M et {b, c} ∈ M
alors que {a, b} ∪ {b, c} = {a, b, c} 6∈ M. Pour avoir un résultat réciproque à la Prop. 1.5.2,
il faut une condition en plus :
Chapitre 1.
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Proposition 1.5.3 Une classe monotone stable par intersection finie est une tribu.
Démonstration : Une classe monotone S est stableTaussi par réunion finie en vertu de
c
l’axiome ii) de la Définition 1.5.1, écrire : ni=1 Ai = ( ni=1 Aci ) . On utilise alors la reécriture
d’une réunion dénombrable
S S S comme une réunion croissante : pour toute famille Aj , j ≥ 1,
j≥1 Aj = j≥1 k≤j Ak .
Théorème 1.5.1 (des classes monotones) Soit E une famille de parties de X stable
par intersection finie (ie. E est un π-système). Alors M(E) = σ(E).
Démonstration : En vertu de l’exemple 2) ci-dessus, σ(E) est une classe monotone qui
contient E et donc M(E) ⊂ σ(E). Pour prouver l’inclusion réciproque, on montre que M(E)
est stable par intersection finie car alors, d’après l’exemple 3) ci-dessus, M(E) sera une
tribu contenant E, et on aura σ(E) ⊂ M(E). Il suffit donc de prouver que si A, B ∈ M(E),
alors A ∩ B ∈ M(E). Pour cela, soit
M1 := A ∈ M(E) : ∀B ∈ E, A ∩ B ∈ M(E) .
Comme E, π-système, est stable par intersection finie, on constate que M1 contient E. Puis
on vérifie facilement que M1 est une classe monotone car
— X ∈ M1 car X ∈ M(E) et pour B ∈ E, B ∩ X = B ∈ E ⊂ M(E).
— si A1 , A2 ∈ M1 avec A2 ⊂ A1 alors A1 \ A2 ∈ M(E) car M(E) est une classe
monotone puis pour B ∈ E, on a (A1 \ A2 ) ∩ B = (A1 ∩ B) \ (A2 ∩ B) ; mais
A1 ∩ B, A2 ∩ B ∈ M(E) car A1 , A2 ∈ M1 ; puis comme M(E) est stable par
différence propre, on a (A1 \ A2 ) ∩ B ∈ M(E) S; finalement A1 \ A2 ∈ M1 .
— si Aj , j ≥ 1, est dans M1 avec Aj ⊂ Aj+1 alors j≥1 Aj ∈ M(E) car M(E) est stable
S S
par réunion croissante ; puis, pour B ∈ E, j≥1 A j ∩ B = j≥1 (Aj ∩ B) ∈ M(E)
car Aj ∩ B ∈ M(E) et la stabilité par réunion monotone s’ensuit.
Finalement, M1 est une classe monotone contenant E donc contient aussi M(E) et, par
définition est contenu dans M(E), ce qui donne M1 = M(E).
Soit maintenant
M2 := A ∈ M(E) : ∀B ∈ M(E), A ∩ B ∈ M(E) .
L’ensemble M2 est aussi une classe monotone (faire comme précédemment avec M1 à la
place de E). De plus il contient E : on doit pour cela montrer que si A ∈ E, alors pour
Chapitre 1.
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Comme C est un π-système, le Théorème des classes monotones (Th. 1.5.1) garantit que
σ(C) ⊂ M ce qui conclut la preuve du théorème de Dynkin.
Le résultat suivant est une version σ-finie du théorème de Dynkin (Th. 1.5.2) :
Corollaire 1.5.2 Soit (X, A) un espace mesuré et µ1 , µ2 deux mesures telles que X =
S
n≥1 Xn avec µ1 (Xn ) = µ2 (Xn ) < +∞. Si µ1 et µ2 coı̈ncident sur une famille C ⊂ A
stable par intersection (π-système) contenant les ensembles Xn , n ≥ 1, et qui engendre A.
Alors µ1 = µ2 sur A.
Démonstration : Quitte à remplacer les Xn par Yn = nk=1 Xk , n ≥ 1, et à utiliser la
S
croissance séquentielle de µ1 , µ2 , on peut supposer les Xn , n ≥ 1, croissants. Le théorème
(n) (n)
de Dynkin (Th. 1.5.2) s’applique à µ1 = µ1|Xn et µ2 = µ2|Xn puisque ce sont des mesures
(n) (n)
finies de même poids. On a pour tout A ∈ σ(C) : µ1 (A) = µ2 (A), ie. µ1 (A ∩ Xn ) =
µ2 (A ∩ Xn ). Mais par croissance séquentielle (1.3), on a
[
lim µ1 (A ∩ Xn ) = µ1 (A ∩ Xn ) = µ1 (A)
n→+∞
n≥1
Chapitre 1.
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[
lim µ2 (A ∩ Xn ) = µ2 (A ∩ Xn ) = µ2 (A).
n→+∞
n≥1
(n) (n)
On a donc µ1 (A) = µ2 (A) pour tout A ∈ σ(C) en passant à la limite dans µ1 (A) = µ2 (A).
Remarque 1.5.2 Avec C l’ensemble des intervalles de R (stable par intersection finie)
et Xn = [−n, n], on montre l’unicité de la mesure de Lebesgue sur (R, B(R)) (car on a
B(R) = σ(C)).
Ai1 , Ai2 ∈ A et
S S
avec i≥1 i≥1
[ [ [
Ai2 \ Ai1 ⊂ (Ai2 \ Ai1 )
i≥1 i≥1 i≥1
et donc
!
[ [ [ X
µ Ai2 \ Ai1 ≤µ (Ai2 \ Ai1 ) ≤ µ(Ai2 \ Ai1 ) = 0.
i≥1 i≥1 i≥1 i≥1
Démonstration : Si on a A1 ⊂ E ⊂ A2 et B1 ⊂ E ⊂ B2 alors A1 ∪ B1 ⊂ E ⊂ A2 ∩ B2
avec A1 ∪ B1 ∈ A et A2 ∩ B2 ∈ A et comme (A2 ∩ B2 ) \ (A1 ∪ B1 ) ⊂ A2 \ A1 , on a
µ (A2 ∩ B2 ) \ (A1 ∪ B1 ) = 0.
et [ [ X X
µ̄ Ei = µ Ai1 = µ(Ai1 ) = µ̄(Ei )
i≥1 i≥1 i≥1 i≥1
Mesure de Lebesgue
Définition 2.1.1 (Mesure extérieure) On appelle mesure extérieure toute fonction d’en-
semble µ∗ positive, définie pour tous les sous-ensembles E de X telle que
— µ∗ (∅) = 0 ;
— µ∗ est monotone, ie. A ⊂ B implique µ∗ (A) ≤ µ∗ (B) ;
— µ∗ est σ-sous-additive, ie. si (Ei )i≥1 est une famille dénombrable quelconque alors
[ X
∗
µ Ei ≤ µ∗ (Ei ).
i≥1 i≥1
µ∗ (A) = µ∗ (A ∩ E) + µ∗ (A ∩ E c ) (2.1)
20
Chapitre 2.
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µ∗ A ∩ (E ∪ F ) = µ∗ (A ∩ E) + µ∗ (A ∩ F ).
µ∗ (A) = µ∗ (A ∩ E) + µ∗ (A ∩ E c ) (2.2)
µ∗ (A ∩ E) = µ∗ (A ∩ E ∩ F ) + µ∗ (A ∩ E ∩ F c ) (2.3)
µ∗ (A ∩ E c ) = µ∗ (A ∩ E c ∩ F ) + µ∗ (A ∩ E c ∩ F c ) (2.4)
A ∩ (E ∪ F ) ∩ E ∩ F = A ∩ E ∩ F, A ∩ (E ∪ F ) ∩ E c ∩ F c = ∅.
Proposition 2.1.2 Si µ∗ est une mesure extérieure, la famille Sµ∗ des µ∗ -mesurables
S est
une σ-algèbre. Si (Ei )i≥1 est une suite d’ensembles disjoints de Sµ∗ et E = i≥1 Ei alors
µ∗ (E) = i≥1 µ∗ (Ei ). Ainsi, la restriction µ = µ∗|Sµ∗ de µ∗ à Sµ∗ est une mesure sur Sµ∗ .
P
Démonstration : On commence par montrer que Sµ∗ est une σ-algèbre. Il suit immédia-
tement de la définition de µ∗ que si E ∈ Sµ∗ alors E c ∈ Sµ∗ si bien que Sµ∗ est stable par
complémentaire.
Puis, si E, F ∈ Sµ∗ et A ⊂ X alors d’après la Prop. 2.1.1, on a
µ∗ (A) = µ∗ A ∩ (E ∪ F ) + µ∗ (A ∩ E c ∩ F c )
= µ∗ A ∩ (E ∪ F ) + µ∗ A ∩ (E ∪ F )c
si bien que E ∪ F ∈ Sµ∗ et donc Sµ∗ est une algèbre (non vide car X ∈ Sµ∗ ). Pour montrer
que Sµ∗ est une σ-algèbre, il reste à établir la stabilité par union dénombrable.
En fait, il suffit de voirSla stabibilité par union dénombrable d’ensembles disjoints
S car
une union dénombrable n≥1 An s’écrit comme une union dénombrable
S disjointe
S n≥1 Bn
avec Nn ∈ Sµ∗ quand An ∈ Sµ∗ : en effet, on écrit d’abord n≥1 An = n≥1 Cn avec les
Chapitre 2.
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S montre donc que si (Ei )i≥1 est une suite d’ensembles disjoints de Sµ∗ alors E =
On
i≥1 Ei ∈ Sµ∗ . Par récurrence, d’après la Prop. 2.1.1, on a
n
[ n
X
∗
µ A∩ Ei = µ∗ (A ∪ Ei ).
i=1 i=1
Sn
En écrivant Fn = i=1 Ei , on a Fn ∈ Sµ∗ (car c’est une algèbre) et donc pour tout A, on a
µ∗ (A) = µ∗ (A ∩ Fn ) + µ∗ (A ∩ Fnc )
Xn
= µ∗ (A ∩ Ei ) + µ∗ (A ∩ Fnc )
i=1
n
X
≥ µ∗ (A ∩ Ei ) + µ∗ (A ∩ E c )
i=1
puisque E c ⊂ Fnc et µ∗ est monotone. Comme cela est vraie pour tout n ≥ 1
X
µ∗ (A) ≥ µ∗ (A ∩ Ei ) + µ∗ (A ∩ E c ) (2.5)
i≥1
≥ µ (A ∩ E) + µ∗ (A ∩ E c )
∗
(2.6)
puisque A ∩ E = +∞
S ∗
P+∞ ∗
i=1 (A ∩ Ei ) et par σ-sous-additive µ (A ∩ E) ≤ i=1 µ (A ∩ Ei ).
∗
L’inégalité obtenue est complétée par sous-additivité de µ pour avoir une égalité et prouver
que E ∈ Sµ∗ . Ainsi, Sµ∗ est stable par union dénombrable disjointe et union dénombrable
quelconque. Il s’agit donc bien d’une σ-algèbre.
Pour montrer que µ∗ est une mesure, noter que comme µ∗ (A) = µ∗ (A ∩ E) + µ∗ (A ∩ E c ), les
inégalités dans (2.5) sont en
S fait des égalités et donc pour toute suite (Ei )i≥1 d’ensembles
disjoints de Sµ∗ avec E = i≥1 Ei , on a
X
µ∗ (A) = µ∗ (A ∩ Ei ) + µ∗ (A ∩ E c ).
i≥1
ie. µ∗ est bien σ-additive et donc une mesure, ce qui achève de prouver le theorème.
Chapitre 2.
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Proposition 2.1.3 La tribu des mesurables Sµ∗ d’une mesure extérieure µ∗ est complète
pour la mesure µ = µ∗|Sµ∗ induite.
on a donc égalité dans (2.7) et B ∈ Sµ∗ . On a alors µ(B) = µ∗ (B) ≤ µ∗ (A) = µ(A) = 0,
soit µ(B) = 0.
Proposition 2.2.1 La fonction d’ensemble `∗ définie en (2.8) est effectivement une me-
sure extérieure.
Démonstration : Il est clair que `∗ (∅) = 0 car ∅ ⊂] − ε, ε[ et `∗ (∅) ≤ 2ε pour tout ε > 0.
On a `∗ croissante car pour E ⊂ F alors si l’union n≥1 ]an , bn [ couvre F , elle couvre aussi
S
E si bien que l’inf définissant E porte sur plus de termes et de ce fait on a `∗ (E) ≤ `∗ (F ).
Soit maintenant (En )n≥1 un suite de sous-ensembles de R. S’il existe n0 tel que `∗ (En0 ) =
+∞ alors n≥1 `∗ (En ) = +∞ et on a immédiatement
P
X
`∗ (E) ≤ `∗ (En ). (2.9)
n≥1
On peut donc supposer `∗ (En ) < +∞ pour chaque n ≥ 1. Étant donné ε > 0, pour chaque
n ≥ 1, il existe des ]an,k , bn,k [[∈ P tels que
[ X
En ⊂ ]an,k , bn,k [, et (bn,k − an,k ) ≤ `∗ (En ) + ε/2n .
k≥1 k≥1
Chapitre 2.
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Mais alors [ [[
En ⊂ ]an,k , bn,k [
n≥1 n≥1 k≥1
et
[ XX X X
∗ ∗
` En ≤ (bn,k − an,k ) ≤ ` (En ) + ε/2 n
≤ `∗ (En ) + ε. (2.10)
n≥1 n≥1 k≥1 n≥1 n≥1
Proposition 2.2.2 Les boréliens de R sont `∗ -mesurables, ie. B(R) ⊂ S`∗ . De plus λ(]a, b[) =
λ([a, b]) = b − a.
Démonstration : 1) Comme B(R) est engendrée par la famille des ensembles du type
] − ∞, x], x ∈ R, il suffit de montrerSque ] − ∞, x] ∈ S`∗ .
Pour cela, soit E ⊂ R tel que E ⊂ n≥1 ]an , bn [. Comme ] − ∞, x]∩]an , bn [⊂]an ∧ x, (bn ∨
x) + ε/2n [ et ] − ∞, x]c ∩]an , bn [⊂]an ∨ x, bn ∨ x[, on a
[i h [i h
] − ∞, x] ∩ E ⊂ an ∧ x, (bn ∧ x) + ε/2n , ] − ∞, x]c ∩ E ⊂ an ∨ x, bn ∨ x
n≥1 n≥1
et
X
`∗ ] − ∞, x] ∩ E (bn ∧ x) − (an ∧ x) + ε/2n
≤
n≥1
X
∗ c
` ] − ∞, x] ∩ E ≤ (bn ∨ x) − (an ∨ x)
n≥1
d’où X
`∗ ] − ∞, x] ∩ E + `∗ ] − ∞, x]c ∩ E ≤
bn − an + ε.
n≥1
`∗ ] − ∞, x] ∩ E + `∗ ] − ∞, x]c ∩ E ≤ `∗ (E)
N
X X
(b − a) ≤ (bi − ai ) ≤ (bn − an ).
i=1 n≥1
On a B(R) ⊂ S`∗ (Prop. 2.2.2) et S`∗ est complète pour λ = `∗|S`∗ (Prop. 2.1.3), en fait on
a mieux :
Proposition 2.2.3 La tribu complétée de B(R) est S`∗ . Dans la suite, on note L(R) et
elle s’appelle la tribu de Lebesgue.
Démonstration : Notons B(R)
e la tribu complétée de B(R).
On a vu que si B ⊂ R est tel qu’il existe N ∈ B(R) avec λ(N ) = 0 alors `∗ (B) = 0 et
B ∈ S`∗ , ie. B(R) ⊂ S`∗ .
Réciproquement si A ∈ S`∗ S, on montre qu’il existe B, C ∈ B(R) tels que C ⊂ A ⊂ B et
λ(B \ C) = 0. On écrit A = n≥1 An avec An = A∩] − n, n[, comme S `∗ (An ) ≤ `∗ (] − n, n[) =
λ(] − n, n[) = 2n, pour tout p ≥ 1, il existe une couverture An = k≥1 ]ak,p , bk,p [ telle que
∗
P
k≥1 bk,p − ak,p ≤ ` (An ) + 1/p. Prenons
\[
Bn = ]ak,p , bk,p [.
p≥1 k≥1
Alors An ⊂ Bn , Bn ∈ B(R) et
[ X
`∗ (Bn ) ≤ `∗ bk,p − ak,p ≤ `∗ (En ) + 1/p.
]ak,p , bk,p [ ≤
k≥1 k≥1
avec des inclusions strictes (argument de cardinalité pour la première, axiome du choix
pour la deuxième).
Démonstration : D’après la Prop. 2.2.1, `∗ définie en (2.8) est une mesure extérieure. La
Prop. 2.1.2 affirme alors que S`∗ est une tribu sur laquelle la restriction λ = `∗S`∗ est une
mesure avec λ([a, b]) = λ(]a, b[) = bS− a d’après la Prop. 2.2.2. Il est clair que λ est σ-finie
car λ([−n, n]) = 2n < +∞ et R = n≥1 [−n, n]. Il reste à voir l’unicité.
Supposons que m, m0 sont deux mesures sur B(R) telles que
m A ∩ [−n, n] = m0 A ∩ [−n, n] .
(2.11)
et [
lim m0 A ∩ [−n, n] = m0 A ∩ [−n, n] = m0 (A).
n→+∞
n≥1
0
En passant à la limite dans (2.11), on a m(A) = m (A).
— m(∅) = 0 ;
— m(A ∪ B) = m(A) + m(B) pour A, B ∈ P, A ∩ B = ∅ ;
— (conditionTde Carathéodory) si (An )n≥1 est une suitde dćroissante de P (An ⊃
An+1 ) avec n≥1 An = ∅ alors m(An ) → 0, n → +∞.
Alors il existe une unique mesure m̄ sur σ(P) étendant m (ie. m̄(E) = m(E) pour E ∈ R).
De plus, si m est σ-finie sur P alors m̄ est l’unique mesure étendant µ sur σ(P) et elle est
elle-même σ-finie sur σ(P).
La construction de la mesure de Lebesgue
consiste à appliquer
ce théorème avec ` définie
en (2.8) et la ”semi-algèbre” P = ]a, b] : −∞ < a ≤ b < +∞ .
Démonstration : Déjà vue en Prop. 2.2.2 mais se revoit facilement : en effet, pour tout
a ∈ R, on a λ(]a − 1/n, a]) = 1/n et par continuité décroissante de λ, on a λ({a}) =
limn→+∞ λ(]a − 1/n, a]) = 0.
Remarque 2.3.1 (Cantor) Il existe des ensembles mesurable non dénombrables de me-
sure de Lebesgue nulle. L’exemple typique est le triadique de Cantor
\
K= Kn (2.12)
n≥0
Ainsi, λτα et λ coı̈ncident sur P. L’unicité dans le Th. 2.2.1 assure alors λτα = λ.
λs (]a, b]) = λ(s−1 ]a, b]) = λ([−b, −a[) = λ(] − b, −a]) = −a − (−b) = b − a.
Démonstration : On sait déjà que T E est borélien ssi E l’est . On observe d’abord que
λ(T E) = |α|λ(E) pour tout E ∈ B(R). En effet, pour cela, on définit deux mesures sur
B(R) en posant ν1 (E) = λ(T E) et ν2 (E) = |α|λ(E), E ∈ B(R). Ces mesures ν1 et ν2
coı̈ncident sur les intervalles [a, b] donc aussi sur B(R) de, la même façon que pour l’unicité
dans le Th. 2.2.1.
Chapitre 3
Fonctions mesurables
Les fonctions mesurables sont les fonctions de base en théorie de la mesure. Il s’agit de
fonctions qui se comportent convenablement par rapport à des tribus sur les espaces sur
lesquels elle est définie, elles sont présentées en Section 3.1. La notion de mesurabilité est
extrêmement flexible et se conserve par la plupart des opérations usuelles sur les fonctions,
cf. Section 3.2 (même le passage à la limite ! cf. Section 3.3). On présente en Section 3.4
les fonctions étagées qui vont servir de fonctions élémentaires pour la construction de l’in-
tégrale dans le Chapitre 4.
Si (Ai )i∈I et (Bj )j∈J sont des parties de X et Y respectivement, on rappelle que le com-
portement de f vis à vis de ∪, ∩ et de c
[ [ \ \
f Ai = f (Ai ) f Ai ⊂ f (Ai )
i∈I i∈I i∈I i∈I
29
Chapitre 3.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 30
Définition 3.1.2 (Indicatrice) Une fonction indicatrice 1A d’un ensemble A est la fonc-
tion définie par
1 si x ∈ A,
1A (x) =
0 si x 6∈ A.
Cette fonction ne prend donc que deux valeurs 1 ou 0 selon qu’elle est évaluée sur A ou
non.
Proposition 3.1.2 La fonction indicatrice 1A de A est mesurable (en tant que fonction)
de (X, A) dans R ssi A est mesurable (en tant qu’ensemble).
— f −1 (Y ) = X ∈ A donc Y ∈ C,
— si B ∈ C, f −1 (B c ) = (f −1 (B))c ∈ A car f −1 (B) ∈ A et A est stable par complé-
mentaire. S S
— Si An , n ≥ 1, sont dans C alors f −1 (An ) ∈ A d’où f −1 n≥1 n =
A n≥1 f
−1
(An ) ∈
S
A. Et donc n≥1 An ∈ C, qui est stable par réunion.
Finalement, C est une tribu puis par hypothèse C contient M qui engendre B. Donc B ⊂ C
et on a en particulier pour tout B ∈ B, f −1 (B) ∈ A, c’est à dire f est mesurable.
En particulier, on a :
Proposition 3.2.2 (Composition 2) Si f : (X, A) → Y espace topologique est mesu-
rable et g : Y → Z, espace topologique est continue alors g ◦ f : (X, A) → Z est mesurable.
Démonstration : Soit C ∈ TZ , (g ◦ f )−1 (C) = f −1 (g −1 (C)). Or par continuité de g,
g −1 (C) ∈ TY , puis par mesurabilité de f , f −1 (g −1 (C)) ∈ A.
Par exemple
Chapitre 3.
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(f, g)−1 U × V
= x ∈ X : (f, g)(x) ∈ U × V
= x ∈ X : (f (x), g(x)) ∈ U × V
= x ∈ X : f (x) ∈ U, g(x) ∈ V
= x ∈ X : f (x) ∈ U ∩ x : g(x) ∈ V
= f −1 (U ) ∩ g −1 (V ) ∈ A
Or h−1 ]ai , bi [×]cSi , di [ = x ∈ X : (f (x), g(x)) ∈]ai , bi [×]ci , di [ = f −1 (]ai , bi [)∩g −1 (]ci , di [).
Définition 3.2.1 (Mesure image) Soit f : (X, A, µ) → (Y, B) une fonction mesurable.
On définit sur (Y, B) la mesure image de f notée µf −1 ou µf :
µf (B) = µ(f −1 (B)).
On montre facilement que µf est bien une mesure : µf (∅) = µ(f −1 (∅)) = µ(∅) = 0 et pour
des Bi ∈ B, i ≥ 1, disjoints
[ [ [
−1 −1
µf Bi = µ f Bi =µ f (Bi )
i≥1 i≥1 i≥1
X X
= µ f −1 (Bi ) = µf (Bi ).
i≥1 i≥1
car les Bi étant disjoints, les f −1 (Bi ) le sont aussi. Exemple :(Loi de probabilité) Dans
le contexte probabiliste, la mesure image d’une variable aléatoire s’appelle sa loi : si
(X, A, µ) = (Ω, F, P) et X : (Ω, F, P) → R est une variable aléatoire alors PX est la
loi de la variable aléatoire X :
PX (B) = P(X ∈ B), B ∈ B.
Remarque 3.3.1 — Ce produit n’est pas continu dans [0, +∞] en effet avec an = n
et bn = 1/n on a an → +∞, bn → 0 puis an bn = 1 6→ ab = +∞ × 0 = 0.
— La convention 0×(+∞) = 0 est naturelle malgré tout quand on pense à 0×(+∞)
comme le calcul de la surface de R de longueur +∞ et de largeur 0.
Ce sont les plus petites et plus grandes valeurs d’adhérence de la suite u, elles existent
toujours. On a toujours
lim inf un ≤ lim sup un
n→+∞ n→+∞
Ces notions rappellent celle du Chapitre 1 pour les limites inférieure et supérieure d’en-
sembles.
Considérons par exemple
— la suite (un )≥1 donnée par u2n = 1 et u2n+1 = 0 alors sa limite supérieure est 1, sa
limite inférieure est 0.
— la suite (vn )n≥1 donnée par vn = cos(n), on montre que sa limite supérieure est 1,
sa limite inférieure est −1.
2n
— la suite (wn )n≥1 donnée par w2n = n et w2n+1 = n+1 , on montre que sa limite
supérieure est +∞, sa limite inférieure est 2.
Pour une suite de fonctions (fn )n≥1 , on définit des fonctions limites inférieure et supérieure
de la façon suivante :
lim inf fn (x) = lim inf fn (x), lim sup fn (x) = lim sup fn (x).
n→+∞ n→+∞ n→+∞ n→+∞
sup fn )−1 (]a, +∞] = x : sup fn (x) ∈]a, +∞] = x ∈ X : sup fn (x) ∈]a, +∞]
n≥1 n≥1 n≥1
= x ∈ X : sup fn (x) > a = x ∈ X : ∃n ≥ 1, fn (x) > a
n≥1
[ [ −1
= x ∈ X : fn (x) > a = fn ]a, +∞[ ∈ A
n≥1 n≥1
car pour chaque n ≥ 1, fn−1 (]a, +∞[) ∈ A (fn mesurable) qui est stable par réunion.
Démonstration : Pour lim supn fn , on note gk = supn≥k fn (x). D’après le résultat pour
le sup, les fonctions gk , k ≥ 1, sont toutes mesurables. Puis lim supn fn = inf k≥1 gk est
mesurable car inf de fonctions mesurables.
Pour lim inf n fn enfin, l’argument est analogue ou on utilise
Comme la distance d est continue et E \ O est fermé, l’application g(x) = d(x, E \ O) est
continue et donc Or = g −1 (]1/r, +∞[) est ouvert (continuité de g). L’ensemble Or est donc
borélien de E et [
Or = {x ∈ O : d(x, E \ O) > 0} = O
r≥1
Chapitre 3.
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c – L3 math – Université de Rennes 1 36
Définition 3.4.1 (Fonction simple ou étagée) Une fonction f : (X, A) → R+ est dite
étagée positive si c’est une combinaison linéaire finie à coefficients positifs de fonctions
indicatrices 1Ai pour des ensembles mesurables Ai deux à deux disjoints (pour simplifier) :
n
X
f (x) = α i 1A i , αi ∈ R+ , Ai ∈ A, n ≥ 1.
i=1
— Cela ressemble à une fonction en escalier mais c’est plus général car pour une fonc-
tion en escalier les ensembles Ai doivent être des intervalles de R, alors qu’ici, il s’agit
d’ensembles mesurables quelconques sur X quelconque. En fait quand X = R, les
fonctions en escalier sont des cas particuliers de fonctions étagées (avec des Ai égaux
à des intervalles disjoints, plutôt qu’à des ensembles mesurables généraux).
— Une fonction étagée est mesurable car combinaison linéaire de fonctions indicatrices
qui le sont clairement.
— Une fonction étagée prend un nombre fini de valeur : elle vaut αi sur l’ensemble Ai .
— Si les αi , 1 ≤ i ≤ n, sont les valeurs possibles pour une fonction étagée f , alors avec
Ai = f −1 (αi ), qui est mesurable par mesurabilité de f , on peut écrire
n
X n
X
f= αi 1f −1 (αi ) = α i 1A i .
i=1 i=1
— Une combinaison linéaire de fonctions étagées est encore une fonction étagée.
Chapitre 3.
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Exemples :
• Avec E(x) désignant la partie entière de x, soit
0 x<0
f (x) = E(x) x ∈ [0, 5]
3 sinon.
Montrer que f est étagée en l’écrivant comme combinaison linéaire de fonctions indicatrices.
• La fonction x 7→ E(x) est-elle étagée ?
Démonstration : Soit d’abord f fonction mesurable réelle positive. On définit pour tout
n et k ≥ 1
k−1 k
An,k = x∈X: ≤ f (x) < n , 1 ≤ k ≤ n2n
2n 2
Bn = {x ∈ X : f (x) ≥ n}.
Les ensembles An,k = f −1 [(k − 1)/2n , k/2n [ et Bn = f −1 ([n, +∞[ sont des images réci-
k−1 2n+1 n
Pour k ∈ [2n+1 n + 1, 2n+1 (n + 1)], on a alors fn+1 (x) = 2n+1
≥ 2n+1
= n = fn (x) et donc
fn+1 (x) ≥ fn (x).
Pour la convergence : si f (x) = +∞ alors on a clairement fn (x) = n → +∞ soit
limn→+∞ fn (x) = f (x). Tandis que si f (x) < +∞ alors pour n ≥ [f (x)] + 1, on a
f (x) ≤ n et donc fn (x) = k−1
2n
pour f (x) ∈ k−1 , k , ie. |f (x) − fn (x)| ≤ 2−n . On a
2n 2n
donc limn→+∞ fn (x) = f (x).
Si f est réelle mais de signe quelconque, on écrit f = f + − f − avec f + (x) = max(f (x), 0),
f − (x) = max(−f (x), 0) et on approxime f + et f − comme précédemment.
Si f = (f1 , . . . , fd ) est à valeurs dans Rd , on applique la stratégie précédente à chaque
fonction coordonnée fi , 1 ≤ i ≤ d.
Ce résultat va permettre de définir l’intégrale d’une fonction mesurable à partir de celle des
fonctions étagées car toute fonction mesurable est limite de fonctions étagées croissantes.
Chapitre 4
39
Chapitre 4.
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Définition 4.1.2 (Intégrale) Soit f : (X, A, µ) → [0, +∞] mesurable. On définit son
intégrale comme le sup des intégrales de fonctions étagées majorées par f :
Z Z Z
f dµ = f dµ = sup s dµ : s étagée ≤ f .
X
RDéfinition 4.1.3 (Intégrabilité) Une fonction mesurable positive est dite µ-intégrable si
f dµ < +∞.
Exemple :
— On considère (X, A) muni de la mesure δa . Dans ce cas,
Z
f dδa = f (a).
En effet, si f = ni=1 αi 1Ai (avec (Ai )1≤i≤n une partition de X) est étagée alors il
P
existe un unique indice 1 ≤ i0 ≤ n tel que a ∈ Ai0 et
Z n
X
f dδa = αi δa (Ai ) = αi0 δa (Ai0 ) = αi0 = f (a)
i=1
Autrement dit une série se voit comme une intégrale par rapport à une mesure
discrète : la mesure de dénombrement.
Une série positive converge ssi la suite associée est intégrable pour la mesure de
dénombrement.
R
ce qui conclut puisque X α1{x∈X:f (x)≥α} dµ = αµ x ∈ X : f (x) ≥ α d’après la définition
des intégrales des fonctions simples.
R R
• (Croissance 2) Si E ⊂ F alors E f dµ ≤ F f dµ.
Comme E ⊂ F , ensembles mesurables, on a 1E ≤ 1F . Puis comme f est une fonction
Rpositive, on Ra aussi f 1E ≤ f 1F . Et donc par croissance de l’intégrale (premier point)
f 1E dµ ≤ f 1F dµ, c’est à dire pour f mesurable positive :
Z Z
E ⊂ F =⇒ f dµ ≤ f dµ.
E F
R
• (Nullité 1) Si f (x) = 0 pour x ∈ E Ralors E f dµ = 0.
R R
En effet E f dµ = f 1E dµ = sup s dµ où le sup est pris sur les fonctions étagées
positives s majorées par f 1E , ie. s(x) ≤ f (x)1E (x).
Or sur E, f est nulle donc R nécéssairement, s(x) = 0 sur E et pour les fonctions s à
considérer l’intégrale est s1E dµ = 0, dont le sup ne peut manquer d’être aussi 0.
R
• (Nullité 2) Si µ(E) = 0 alors E f dµ = 0.
En effet Z Z Z
f dµ = f 1E dµ = sup s1E dµ
E
où le sup est P
pris sur les fonctions étagées positives s majorées par f 1E . Or pour une telle
fonction s = ni=1 ai 1Ai , on a
Z n
X
s1E dµ = ai µ(Ai ∩ E) = 0
i=1
Z n
X n
X Z
cf dµ = cαi µ(Ai ) = c αi µ(Ai ) = c f dµ.
i=1 i=1
Puis si f est quelconque, s est une fonction étagée majorée par f ssi cs en est une
majorée
par cf . Donc
l’ensemble des fonctions étagées majorées par cf est exactement
cs : s étagée ≤ f ,
Z Z
s0 dµ : s0 étagée ≤ cf
cf dµ = sup
Z
s0 dµ : s0 = cs, s étagée ≤ f
= sup
Chapitre 4.
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Z
= sup cs dµ : s étagée ≤ f
Z
= sup c s dµ : s étagée ≤ f
Z
= c sup s dµ : s étagée ≤ f
Z
= c f dµ
R R
où on a utilisé le fait (déjà vérifié) pour une fonction étagée que cs dµ = c s dµ.
R R R
• (Linéarité 2) (f + g)dµ = f dµ + gdµ (On le prouve d’abord pour des fonctions
étagées puis on utilisera le théorème de convergence monotone (Th. 4.3.1) pour généraliser
aux fonctions positives et de signe quelconque. D’abord donc si f et g sont étagées :
n p
X X
f= ai 1 A i , g= bj 1Bj
i=1 j=1
p p n n
[ [ [ [
Ai = Ai ∩ Bj = (Ai ∩ Bj ) et Bj = Bj ∩ Ai = (Ai ∩ Bj ),
j=1 j=1 i=1 i=1
On peut alors reécrire f et g comme combinaisons des mêmes indicatrices 1Ai ∩Bj , 1 ≤ i ≤
n, 1 ≤ j ≤ p : X X
f= ai 1Ai ∩Bj , g = bi 1Ai ∩Bj .
1≤i≤n 1≤i≤n
1≤j≤p 1≤j≤p
P P P
D’où f + g = 1≤i≤n ai 1Ai ∩Bj + 1≤i≤n bj 1Ai ∩Bj = 1≤i≤n (ai + bj )1Ai ∩Bj et
1≤j≤p 1≤j≤p 1≤j≤p
Z X
(f + g) dµ = (ai + bj )µ(Ai ∩ Bj )
1≤i≤n
1≤j≤p
X X
= ai µ(Ai ∩ Bj ) + bj µ(Ai ∩ Bj )
1≤i≤n 1≤i≤n
1≤j≤p 1≤j≤p
n p p n
X X X X
= ai µ(Ai ∩ Bj ) + bj µ(Ai ∩ Bj )
i=1 j=1 j=1 i=1
Chapitre 4.
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n p Xp n
[
X [
= ai µ Ai ∩ Bj + bj µ Ai ∩ Bj
i=1 j=1 j=1 i=1
n p
X X
= ai µ(Ai ) + bj µ(Bj )
i=1 j=1
Z Z
= f dµ + g dµ.
Si f et g sont des fonctions mesurables positives quelconques, soient (sn )n≥1 et (tn )n≥1 des
suites croissantes de fonctions étagées positives qui convergent vers f et g. Alors sn +tn sont
aussi des fonctions étagées positives et elles convergent vers Rf + g. D’après
R leRthéorème de
convergence monotone (cf. ThéorèmeR 4.3.1,
R et Corol.
R 4.3.1), sn dµ, tn dµ (sn + tn ) dµ
convergent respectivement R vers f dµ, R g dµ, (f
R + g) dµ. Donc la linéarité vient en
passant à la limite dans (sn + tn ) dµ = sn dµ + tn dµ.
• (Relation de Chasles) Si E et F sont mesurables disjoints, alors pour une fonction
mesurable Z Z Z
f dµ = f dµ + f dµ.
E∪F E F
Comme E et F sont disjoints, 1E∪F = 1E + 1F , il vient alors
Z Z Z Z
f dµ = f 1E∪F dµ = f (1E + 1F ) dµ = f 1E + f 1F dµ
E∪F Z Z Z Z
= f 1E dµ + f 1F dµ = f dµ + f dµ
E F
en utilisant la linéarité 2.
On généralisera dans le chapitre suivant au cas de fonctions mesurables à valeurs dans R
ou C.
Notation. Dans la suite, pour insister sur la variable d’intégration, on notera les intégrales
Z Z
f dµ = f (x) µ(dx).
Remarque 4.3.1 — Dans l’énoncé, c’est la suite (fn )n≥1 qui est croissante (i.e.
fn (x) ≤ fn+1 (x) et non pas les fonctions fn (ce n’est pas fn (x) ≤ fn (y) pour x ≤ y).
— La limite simple f des fn peut aussi prendre la valeur +∞ !
— le théorème est faux pour une suite positive décroissante : sur (X, A, µ) = (R+ , B(R+ ), λ),
prenons fn (x) = 1/(x + n)R pour n ≥ 1. Pour tout n ≥ 1 , on a fn (x) ≤ fn+1 (x) et
limn→+∞ fn (x) = 0. Mais f dµ = 0 alors que
Z Z +∞
dx
fn dµ = = +∞.
0 x+n
Démonstration
R : On vérifie les deux axiomes d’une mesure.
— ϕ(∅) = ∅ sdµ = 0 car on obtient 0 en intégrant sur un ensemble de mesure 0.
— Soient Ek , k ≥ 1, des ensembles mesurables deux à deux disjoints de réunion E. On
suppose que s s’écrit
Xn
s= αi 1Ai .
i=1
Alors
[ Z n
X [
ϕ(E) = ϕ Ek = S
s dµ = αi µ Ai ∩ Ek
k≥1 k≥1 Ek i=1 k≥1
n
X [ Xn X
= αi µ (Ai ∩ Ek ) = αi µ(Ai ∩ Ek )
i=1 k≥1 i=1 k≥1
n
XX XZ X
= αi µ(Ai ∩ Ek ) = s dµ = ϕ(Ek ).
k≥1 i=1 k≥1 Ek k≥1
Comme (fn )n≥1 est une suite croissante, on constate que En ⊂ En+1 car si fn (x) ≥ cs(x) a
fortiori fn+1 (x) ≥ cs(x). De plus, fn (x) → f (x) ce qui donne l’existence
S+∞ d’un entier N tel
que pour tout n ≥ N , fn (x) ≥ cf (x) ≥ cs(x), ie. x ∈ En et x ∈ n=1 En . Autrement écrit
+∞
[
X= En .
n=1
On a Z Z Z Z
fn dµ ≥ fn dµ ≥ cs dµ = c s dµ = cϕ(En ). (4.4)
X En En En
Puis comme d’après le Lemme 4.3.1 ϕ définit une mesure et (En )n≥1 est croissante pour
l’inclusion, on a par croissance séquentielle (1.3) de la mesure ϕ,
[ Z
lim ϕ(En ) = ϕ En = ϕ(X) = s dµ,
n→+∞ X
n≥1
Corollaire 4.3.2 (Intégrale et série) Soient (fn )n≥1 une suite de fonctions mesurables
de X dans [0, +∞] alors
Z X+∞ +∞ Z
X
fn dµ = fn dµ.
n=1 n=1
+∞
Z X Z Z p
Z X
fn dµ = g dµ = lim gp dµ = lim fn dµ
p→+∞ p→+∞
n=1 n=1
p Z +∞ Z
X X
= lim fn dµ = fn dµ
p→+∞
n=1 n=1
Pp
où onRa juste utilisé la linéarité de l’intégrale pour échanger la somme finie n=1 et l’inté-
grale .
P
Démonstration : Comme les Ei sont disjoints on a 1Si≥1 Ei = i≥1 1Ei et
Z Z Z X XZ
S
dµ = f 1 i≥1 Ei dµ =
S
(f 1Ei ) dµ = (f 1Ei ) dµ
i≥1 Ei i≥1 i≥1
Chapitre 4.
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XZ
= f dµ
i≥1 Ei
Le résultat suivant est l’analogue du Lemme 4.3.1 pour des fonctions mesurables positives
quelconques :
Corollaire 4.3.4 Soit f : (X, A, µ) → [0, +∞] mesurable alors la fonction sur A
Z
ϕ(E) = f dµ
E
est une mesure (elle est finie ssi f est intégrable). Puis pour une fonction mesurable g
Z Z
g dϕ = g f dµ. (4.5)
X X
n
Z X Z
= αi 1Ai f dµ = gf dµ.
X i=1 X
Pour g mesurable positive, on prend (sn )n≥1 suite de fonctions étagées croissantes qui
converge vers g et on applique le théorème de convergence monotone
Z Z Z Z
lim sn dϕ = g dϕ, lim sn f dµ = gf dµ
n→+∞ X X n→+∞ X X
Corollaire 4.4.1 Soit (fn )n≥1 une suite de fonctions R mesurables positives qui converge
simplement vers f et telle que la suite des intégrales fn dµ est majorée par M alors
Z
f dµ ≤ M.
Démonstration : lim inf n fn = supn≥1 inf k≥n fk = supn≥1 gn avec gn = inf k≥n fk . Les
fonctions gn sont mesurables, positives et gn ≤ gn+1 . Par le théorème de convergence
monotone (Th. 4.3.1), Z Z
lim gn dµ = lim gn dµ.
n→+∞ n→+∞
Chapitre 4.
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Or comme la suite (gn )n≥1 est croissante sa limite est égale à son sup et
R R
Puis comme gn ≤ fn , on a gn dµ ≤ fn dµ. D’où
Z Z Z Z
lim inf fn dµ = lim gn dµ = lim inf gn dµ ≤ lim inf fn dµ
n n→+∞ n n→+∞
R
où on a utilisé que la limite de gn dµ coı̈ncide avec sa liminf car la limite existe.
Ce résultat explique que par passage à la limite, les intégrales de fonctions positives ne
peuvent que diminuer.
Applications
En anticipant les intégrales pour les fonctions de signe quelconque (Chapitre 5) , la
proposition suivante suit facilement du Lemme de Fatou (Th. 4.4.1). Cette proposition
permettra de prouver facilement le théorème de convergence dominée (Th. 5.4.1).
Proposition 4.4.1 Soient, sur (X, A, µ), g une fonction mesurable intégrable et (fn )n≥1
une suite de fonctions mesurables intégrables (le signe de ces fonctions n’est pas prescrit).
R R
1. Si g ≤ fn alors lim inf n→+∞ fn dµ ≤ lim inf n→+∞ fn dµ.
R R
2. Si fn ≤ g alors lim supn→+∞ fn dµ ≤ lim supn→+∞ fn dµ.
R
ce qui prouve 1) en rajoutant g dµ qui est finie par hypothèse.
Pour le 2), de la même façon, le lemme de Fatou (Th. 4.4.1) appliqué à g − fn ≥ 0 donne
Z Z
lim inf (g − fn ) dµ ≤ lim inf (g − fn ) dµ
n→+∞ n→+∞
R
on retranche g dµ < +∞ et on change le signe pour récupérer l’inégalité sur la lim sup.
Chapitre 5
En Section 5.1, on généralise le chapitre précédent pour l’intégrale des fonctions mesu-
rables positives à celle des fonctions mesurables de signe quelconque. En Section 5.2, on
prouve une importante formule de transfert ou formule de changement de variable abstrait
(Th. 5.2.1). On présente également en Section 5.4 le théorème de convergence dominée
(Th. 5.4.1) qui montre que, sous une hypothèse de domination, on peut échanger limite
et intégrale. Ce théorème permet d’étudier les fonctions définies comme des intégrales à
paramètres. Sauf mention contraire, on considère dans tout ce chapitre un espace mesuré
(X, A, µ).
Définition 5.1.1 (Intégrabilité) Une fonction f est dite µ-intégrable si la fonction po-
sitive |f | est d’intégrale finie : Z
|f | dµ < +∞.
f = u + iv
= u+ − u− + i(v + − v − ) (5.1)
avec u = Re(f ) et v = Im(f ). Comme les fonctions positives u+ , u− , vR+ , v − sont toutes
R ma-
+
jorées par |f | alors leurs intégrales sont toutes finies car par exemple u dµ ≤ |f | dµ <
51
Chapitre 5.
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Remarque 5.1.1 — Notons que si une fonction mesurable est positive, on peut
toujours définir son intégrale mais elle peut valoir +∞. Elle est dite alors µ-intégrable
si son intégrale par rapport à µ est finie.
— Tandis que si f est de signe quelconque, on ne définit son intégrale que si elle est
intégrable, c’est à dire lorsque |f | est d’intégrale (forcément définie) finie.
— En particulier dans la théorie de l’intégrale de Lebesgue, il n’y a pas de notion de
simple intégrabilité, c’est à dire de fonction non intégrable dont l’intégrale converge
R +∞
simplement comme par exemple l’intégrale de Riemann 0 sinx x dx (à voir).
Démonstration : Tout ceci provient facilement des propriétés déjà vues pour les intégrales
de fonctions positives et passe au cas des fonctions de signe quelconque en les écrivant sous
la forme (5.1) et en appliquant à chaque terme les propriétés correspondantes des intégrales
de fonctions mesurables positives.
Pour la linéarité, c’est fastidieux : écrire f = Re(f )+ − Re(f )− + i(Im(f )+ − Im(f − )),
α = Re(α)+ −Re(α)− +i(Im(α)+ −Im(α− )) et de même pour g et β. Développer (αf +βg)
et utiliser la linéarité pour les fonctions positives avec des coefficients positifs et reformer
α, β, f , g à la fin.
Chapitre 5.
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Il s’agit d’une formule de changement de variable abstraite, très générale puisque la seule
condition pour le changement de variable y = ϕ(x) est que ϕ soit mesurable ! Pour une
formule de changement de variable plus concrète, voir le Chap. 7 et le Th. 7.4.1.
Démonstration : La stratégie est à nouveau de commencer par h = 1B une indicatrice,
puis par linéarité de généraliser aux fonctions étagées et par convergence monotone aux
fonctions mesurables positives ; enfin par linéarité aux fonctions mesurables quelconques.
• Si h = 1B , B ∈ B, alors ϕ−1 (B) ∈ A car ϕ est mesurable et
Z Z Z
−1
1B dµϕ = µϕ (B) = µ(ϕ (B)) = 1ϕ−1 (B) dµ = 1B ◦ ϕ dµ
Y X X
n
! n n
X X X
h◦ϕ= αi 1Bi ◦ ϕ = αi (1Bi ◦ ϕ) = αi 1ϕ−1 (Bi )
i=1 i=1 i=1
Chapitre 5.
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et
Z n
X Z n
X
(h ◦ ϕ) dµ = αi 1ϕ−1 (Bi ) dµ = αi µ(ϕ−1 (Bi ))
X i=1 X i=1
Xn n
X Z
= αi µϕ (Bi ) = αi 1Bi dµϕ
i=1 i=1 Y
Z
= h dµϕ .
Y
et (5.2) est à nouveau vérifiée.
• Si h est mesurable positive alors il existe sn , n ≥ 1, des fonctions étagées positives
qui forment une suite croissante qui converge vers h. Mais alors sn ◦ ϕ sont aussi des
fonctions étagées qui forment une suite croissante et qui converge vers h ◦ ϕ. On a donc
limn→+∞ sn = h et limn→+∞ sn ◦ ϕ = h ◦ ϕ. D’après le point précédent, on a
Z Z
sn ◦ ϕ dµ = sn dµϕ .
X Y
R
Par convergence monotone
R (Th. 4.3.1), le membre de gauche converge vers X
h ◦ ϕ dµ,
celui de droite vers Y h dµϕ , ce qui justifie donc encore (5.2) dans ce cas.
R• Si h est quelconque
R alors |h ◦ ϕ| = |h| ◦ ϕ et le point 3, appliquée à |h| positive, donne
X
|h ◦ ϕ| dµ = Y
|h| dµϕ et donc l’équivalence de la µϕ -intégrabilité de h et de la µ-
intégrabilité de h ◦ ϕ.
On écrit alors (h ◦ ϕ)+ = h+ ◦ ϕ et (h ◦ ϕ)− = h− ◦ ϕ puis
Z Z Z
(h ◦ ϕ) dµ = (h ◦ ϕ) dµ − (h ◦ ϕ)− dµ
+
X ZX Z X
= h+ dµϕ − h− dµϕ
ZY Y
= h dµϕ
Y
en utilisant le point 3 pour les fonctions positives h+ et h− , ce qui achève la preuve de (5.2)
dans le cas général.
Remarque 5.3.1 (Tribu complète) Il se peut que A mesurable de mesure µ(A) nulle
contienne des sous-ensembles B non mesurables, ce qui cause bien des soucis. Dans ce cas,
on complète la tribu comme expliqué en Section 1.6.
R R R
et donc limn→+∞ fn dµ − f dµ ≤ limn→+∞ |fn − f | dµ.
On propose deux preuves différentes du Th. 5.4.1. L’une à partir de la Proposition 4.4.1,
l’autre pour la conclusion plus forte (5.4).
Démonstration : Comme limn→+∞ fn = f p.p. et −g ≤ fn ≤ g, la Proposition 4.4.1
assure que
Z Z Z Z
lim sup fn dµ ≤ lim sup fn dµ = f dµ = lim inf fn dµ
n→+∞ n→+∞ n→+∞
Z
≤ lim inf fn dµ
n→+∞
Exemple : Montrer
R que si f n : [0, 1] → [0, 1] est continue et pour tout x ∈ [0, 1] on a
fn (x) → 0 alors [0,1] fn dλ → 0. Essayer sans convergence dominée.
Exemple : Considérer la suite de fonctions (fn )n≥1 mesurables définies sur R et telle que
pour tout n ≥ 1, et x ∈ R : |fn (x)| ≤ 1/(1 + x2 ). Supposons que pour tout x ∈ R, fn (x)
converge vers f (x). Montrer alors que
Z +∞ Z +∞
lim fn (x) dx = f (x) dx.
n→+∞ −∞ −∞
R voir que pour toute suite (tn )n≥1 qui converge vers t0 , on a F (tn ) → F (t0 ). Mais
Il faut alors
F (tn ) = X f (tn , x) µ(dx). Les fonctions x 7→ f (tn , x) sont mesurables et dominées par g,
intégrable. De plus quand n → +∞, f (tn , x) → f (t0 , x) pour presque chaque x ∈ X par la
continuité presque partout de f (t0 , ·). La conclusion découle directement du théorème de
convergence dominée (Th. 5.4.1) :
Z Z
lim F (tn ) = lim f (tn , x) µ(dx) = f (t0 , x) µ(dx) = F (t0 ).
n→+∞ n→+∞ X X
R +∞ 3
Exemples. La fonction définie par F (t) = 0 e−t x dx est continue sur R∗+ .
R +∞
La fonction Gamma définie par Γ(t) = 0 xt−1 e−x dx est continue sur R∗+ .
Théorème 5.4.3 (Dérivabilité sous l’intégrale) Soit (X, A, µ), I un intervalle ouvert
de R et f : I × X → C telle que
— ∀t ∈ I, x 7→ f (t, x) est mesurable ;
— ∃t0 ∈ I, x 7→ f (t0 , x) est µ-intégrable.
On suppose qu’il existe A ∈ A tel que µ(Ac ) = 0 et
— ∀x ∈ A, t 7→ f (t, x) est dérivable
en toutZ t ∈ I ;
∂f
— ∀x ∈ A, ∀t ∈ I, (t, x) ≤ g(x), avec g(x) µ(dx) < +∞.
R ∂t X
Alors F (t) = X f (t, x) µ(dx) est finie et la fonction F est dérivable de dérivée
Z
0 ∂f
F (t) = (t, x) µ(dx).
X ∂t
Démonstration : Pour x ∈ A, ∂f ∂t
(t, x) = limtn →t f (tn ,x)−f
tn −t
(t,x)
est mesurable car limite de
fonctions mesurables.
Pour t1 ∈ I quelconque et t0 donné dans l’énoncé, par le théorème des accroissements finis,
on a θ ∈]t0 , t1 [ :
∂f
|f (t1 , x) − f (t0 , x)| = (θ, x) |t1 − t0 | ≤ g(x)|t1 − t0 |.
∂t
Il suit |f (t1 , x)| ≤ g(x)|t1 −t0 |+|f (t0 , x)| qui est intégrable car g et f (t0 , ·) le sont. L’intégrale
F (t1 ) est donc finie pour tout t1 ∈ I.
Soit maintenant t ∈ I fixé et tn → t, on a
F (tn ) − F (t) f (tn , x) − f (t, x)
Z
= µ(dx).
tn − t A tn − t
Chapitre 5.
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Or f (tn ,x)−f
tn −t
(t,x)
est une suite de fonctions qui tend vers ∂f∂t
(t, x) et qui vaut par le théorème
des accroissements finis ∂t (θn , x) pour un certain θn ∈]t, tn [. Or ∂f
∂f
∂t
(θn , x) est dominée par
g(x), intégrable. Le théorème de convergence dominée (Th. 5.4.1) s’applique et donne
F (tn ) − F (t)
Z Z
0 ∂f ∂f
F (t) = lim = (t, x) µ(dx). = (t, x) µ(dx).
n→+∞ tn − t A ∂t X ∂t
Exemples. R +∞ 3
— La fonction définie par F (t) = 0 e−t x dx est dérivable sur R∗+ .
R +∞
— La fonction Gamma définie par Γ(t) = 0 xt−1 e−x dx est dérivable sur R∗+ .
En fait par un argument récursif, on montre que ces fonctions sont mêmes C ∞ sur R∗+ .
Contre-exemple. Soit f : R → R mesurable et sa primitive
Z t Z
F (t) = f (x)dx = f (x)1[0,t] (x) dx
0
On est tenté d’appliquer le théorème de dérivation (Th. 5.4.3) à f (t, x) = f (x)1[0,t] (x) en
constatant que ∂f∂t
existe presque partout (sauf en t = x) et vaut alors 0. On aurait donc
0
F (t) = 0. Le problème vient du fait que l’ensemble presque sûr où f (·, x) est dérivable
dépend de x, ce qui n’est pas autorisé pour appliquer le Th. 5.4.3.
Chapitre 6
L’intégrale de Riemann est une intégrale pour les fonctions définies sur R. La mesure
classique à considérer sur R étant la mesure de Lebesgue λ, on va donc faire le lien entre
l’intégrale de Riemann et l’intégrale de Lebesgue pour la mesure de Lebesgue λ. On com-
mence par faire le lien entre les deux types d’intégrales sur des intervalles [a, b] bornés pour
les fonctions en escalier en Section 6.1, pour les fonctions continues en Section 6.2, et pour
les fonctions Riemann-intégrables en Section 6.3. Enfin en Section 6.4, on fait le lien avec
les intégrales de Riemann impropres.
sont des cas spéciaux de fonctions étagées (car les intervalles [ti , ti+1 [ sont des boréliens).
Leur intégrale de Riemann sur [a, b] est donnée par
Z b n−1
X
f (x) dx = αi (ti+1 − ti ).
a i=0
Tandis (qu’en tant que fonctions étagées), leur intégrale de Lebesgue sur [a, b] ∈ B(R) est
donnée par
Z n−1
X n−1
X
f dλ = αi λ([ti , ti+1 [) = αi (ti+1 − ti ).
[a,b] i=0 i=0
60
Chapitre 6.
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Les deux types d’intégrale de Riemann et de Lebesgue coı̈ncident donc pour les fonctions
en escalier : Z Z b
f dλ = f (x) dx. (6.1)
[a,b] a
ROnb
a vu en Section 6.1 que Rpour les fonctions en escalier En , lesRintégrales de Riemann
b
a
En (x) dx et de Lebesgue [a,b] En dλ coı̈ncident. Par définition, a f (x) dx est limite de
Rb R R
a
E n (x) dx et [a,b]
f dλ est sup, donc limite croissante des intégrales E dλ. On a
[a,b] n
donc avec le théorème de convergence monotone (Th. 4.3.1) :
Z b Z b Z Z
f (x) dx = lim En (x) dx = lim En (x) dλ = f dλ.
a n→+∞ a n→+∞ [a,b] [a,b]
Les intégrales de Riemann et de Lebesgue coı̈ncident donc pour des fonctions continues sur
des intervalles bornés. Elles sont même λ-intégrables.
Remarque 6.2.1 — Le même argument s’applique en fait aux fonctions réglées (li-
mites uniformes de fonctions en escalier) : leurs intégrale de Riemann et de Lebesgue
sur des intervalles bornés sont égales.
— On a deux notations (a priori) différentes pour les intégrales de Riemann et de
Lebesgue d’une fonction (continue) f mais finalement les deux intégrales coı̈ncident :
Z b Z
f (x) dx = f dλ.
a [a,b]
— Tous les calculs que l’on sait faire avec l’intégrale de Riemann restent donc va-
lables avec l’intégrale de Lebesgue. Les calculs de primitives, intégration par parties,
changements de variables usuels, etc, ne disparaissent pas.
Chapitre 6.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 62
Théorème 6.3.1 (Lebesgue) Une fonction f bornée sur [a, b] est Riemann-intégrable ssi
l’ensemble de ses points de discontinuité est de mesure de Lebesgue nulle. On dit alors que
f est continue λ-presque partout.
Théorème 6.3.2 (Darboux) Soit f bornée sur [a, b]. Elle est Riemann-intégrable ssi
pourPtout ε > 0, il existe α > 0 et une famille d’intervalles ouverts ]ci , di [, 1 ≤ i ≤ N , tels
que N i=1 (di − ci ) ≤ ε et
n o [N
Dα = x ∈ [a, b] : Oscx (f ) ≥ α ⊂ ci , di .
i=1
Intuitivement, on englobe les oscillations trop grandes de f dans des intervalles dont la
somme des longueurs est aussi petite qu’on veut.
Démonstration :(Darboux, Th. 6.3.2) Soit f Riemann-intégrable sur [a, b]. On se donne
ε > 0 et α. D’après la Riemann-intǵrabilité (cf. [JCB-Riemann]), il existe une subdivision
d : a = x0 < x1 < · · · < xn = b de [a, b] telle que pour les sommes de Darboux associées,
on ait :
n−1
X εα
0 ≤ Sf (d) − sf (d) = (xi+1 − xi )(Mi (f ) − mi (f )) ≤
i=0
2
ici Mi (f ) = supx∈[xi ,xi+1 ] f (x) et mi (f ) = inf x∈[xi ,xi+1 ] f (x). Notons que (Mi (f ) − mi (f ))
n o
est l’oscillation de f sur [xi , xi+1 ]. On pose Iα = i ∈ {0, . . . , n−1} : Oscf ([xi , xi+1 ]) ≥ α .
Pour i 6∈ Iα , on a Oscf ([xi , xi+1 ]) < α et pour x ∈]xi , xi+1 [, on a Oscx (f ) ≤ Oscf (]xi , xi+1 [) <
α. Il vient ]xi , xi+1 [∩Dα = ∅ et donc
[
Dα ⊂ ]xi , xi+1 [ ∪ {xi : 0 ≤ i ≤ n}.
i∈Iα
Chapitre 6.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 63
− xi ) ≤ 2ε .
P
et i∈Iα (xi+1
[ n
[
Dα ⊂ ]xi , xi+1 [ ∪ ]ui , vi [ .
i∈Iα i=0
avec n
X X
(xi+1 − xi ) + (vi − ui ) ≤ ε
i∈Iα i=0
On peut supposer les intervalles ]ci , di [ disjoints (sinon on redécoupe les intervalles) et on
peut supposer l’indexation telle que c1 < d1 < c2 < d2 < · · · < cq < dq . Si a < c1 , on pose
I0 = [a, c1 ] puis I1 = [d1 , c2 ], . . . , Iq−1 = [dq−1 , cq ] et Iq = [dq , b] si dq < b (si c1 ≤ a alors I0
n’existe pas ; si dq ≥ b alors Iq n’existe pas).
Comme Dα ⊂ qi=1 ]ci , di [, on a Dα ∩ Ik = ∅ et donc pour tout x ∈ Ik , on a Oscx (f ) < α. La
S
borne supérieure des Oscx (f ) sur Ik est donc inférieure à α et il existe alors une subdivision
δk de Ik (y0k < y1k · · · < ynnk ) telle que Oscf ([yjk , yj+1 k
]) ≤ 2α pour tout 0 ≤ j ≤ nk − 1.
Soit alors d la subdivision de [a, b] formée de a, b et des point yjk des subdivisions δk ,
1 ≤ k ≤ q, qu’on reordonne en z0 = a < z1 < · · · < zp = b. Un segment [zs , zs+1 ] de la
subdivision d est du type [yjk , yj+1 k
] ou [ci , di ] et on peut regrouper les termes Sf (d) − sf (d)
en les (di − ci )Oscf ([ci , di ]) et les
k −1
nX k −1
nX
k
yjk Oscf ([yjk , yj+1
k k
− yjk ≤ 2αλ(Ik ).
yj+1 − ]) ≤ 2α yj+1
j=0 j=0
On a donc
q−1 q
X X
Sf (d) − sf (d) ≤ (2α)λ(Ik ) + (di − ci )Oscf ([ci , di ]).
k=0 i=1
Chapitre 6.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 64
Comme les Ik sont des intervalles disjoints et l’oscillation de f sur [ci , di ] est majorée par
celle de f sur [a, b], on a
q
X
Sf (d) − sf (d) ≤ (2α)(b − a) + Oscf ([a, b]) (di − ci )
i=1
0
≤ (2α)(b − a) + ε Oscf ([a, b]).
Finalement, étant donné η > 0, les choix α ≤ η/(4(b − a)) et ε0 ≤ η/(2Oscf ([a, b])) as-
surent l’existence d’une subdivision d de [a, b] telle que Sf (d) − sf (d) ≤ η ce qui signifie la
Riemann-intégrabilité de f .
Démonstration :(Lebesgue, Th. 6.3.1) Soit f Riemann-intégrable sur [a, b]. On note que
l’ensemble D de discontinuité est l’ensemble des x ∈ [a, b] tels que Oscx (f ) > 0 qu’on peut
encore écrire
[
D= Dn , avec Dn = x ∈ [a, b] : Oscx (f ) ≥ 1/n . (6.2)
n≥1
Comme f est Riemann-intégrable sur [a, b], le Th. 6.3.2 justifie que pour ε > 0, chaque Dn
peut être recouvert par une famille finie d’intervalles ouverts, dont la somme des longueurs
est inférieure à ε/2n :
pn pn
[ X
(dn,i − cn,i ) ≤ ε/2n .
Dn ⊂ cn,i , dn,i avec
i=1 i=1
Ainsi D est couvert par une réunion dénombrable d’ouverts de longueur totale inférieure
à ε : pn pn
[[ XX X
ε/2n = ε.
D⊂ cn,i , dn,i avec (dn,i − cn,i ) ≤
n≥1 i=1 n≥1 i=1 n≥1
Comme
S Dn donné en (6.2) est fermé de [a, b], Dn est compact. De pus Dn ⊂ D est couvert
par n≥1 cn , dn . On peut donc extraire un recouvrement fini de Dn par des intervalles de
longueur inférieure à ε. D’après le Th. 6.3.2, f est Riemann-intégrable.
où mi = inf x∈[ti ,ti+1 [ f (x) et avec Mi = supx∈[ti ,ti+1 [ f (x). On a alors
− +
E(f,S) ≤ f ≤ E(f,S)
et aussi
− +
sup E(f,S) ≤ f ≤ inf E(f,S)
S S
où le sup est pris sur les subdivisions S de [a, b]. Puis comme f est Riemann-intégrable, en
notant
n−1
X n−1
X
− +
A (f, S) = mi (ti+1 − ti ), A (f, S) = Mi (ti+1 − ti )
i=0 i=0
en intégrant, il vient
Z b Z b Z b Z b
− − + +
E(f,S) (x) dx ≤ sup E(f,S) (x) dx ≤ inf E(f,S) (x) dx ≤ E(f,S) (x) dx
a a S a S a
et en passant à la limite
Z b Z b Z b Z b
− − + +
lim E(f,S) (x) dx ≤ sup E(f,S) (x) dx ≤ inf E(f,S) (x) dx ≤ lim E(f,S) (x) dx.
ρ(S)→0 a a S a S ρ(S)→0 a
Rb
Comme par définition de l’intégrale de Riemann a f (x) dx, les deux côtés de l’inégalité
Rb −
précédente ont des limites égales, il y a égalité partout. On a donc a supS E(f,S) (x) dx =
Rb + − +
a
inf S E(f,S) (x) dx. Comme en plus supS E(f,S) ≤ f ≤ inf S E(f,S) , cela exige
− +
sup E(f,S) (x) = f (x) = inf E(f,S) (x)
S S
Chapitre 6.
JCB
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en tous les points x de continuité, c’est à dire d’après le théorème précédent de Lebesgue
(Th. 6.3.1), égalité λ-presque partout. On en déduit que pour λ-presque chaque x ∈ [a, b],
on a
− +
f (x) = sup E(f,S) (x) = inf E(f,S) (x).
S S
Comme on peut prendre le sup et l’inf précédents sur une famille dénombrable de subdivi-
k − +
sions Sn = a + n (b − a) : 0 ≤ k ≤ n , n ≥ 1, et comme E(f,Sn ) et E(f,S n)
sont mesurables
− +
pour les tribus boréliennes (car en escalier), les fonctions supn E(f,Sn ) et inf n E(f,S n)
sont
mesurables. Finalement, la fonction f est bien égale λ-p.p. à une fonction mesurable.
où M = supx∈[a,b]∩Dc f (x) < +∞ car f est continue donc bornée sur [a, b] ∩ Dc , ensemble
borné. Avec Sn = a + 2kn (b − a) : 0 ≤ k ≤ 2n , on a ρ(Sn ) = 2−n → 0, et les partitions
− −
Comme les partitions Sn , n ≥ 1, sont emboitées, on a E(f,S n)
≤ E(f,S n+1 )
, le théorème de
convergence monotone (Th. 4.3.1) assure
Z Z
−
f dλ = lim E(f,S n)
dλ.
[a,b] ρ(Sn )→0 [a,b]
Chapitre 6.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 67
−
R
Comme pour les fonctions en escalier, les deux types d’intégrales coı̈ncident [a,b]
E(f,S) dλ =
Rb −
a
E(f,S) (x) dx et l’égalité persiste à la limite :
Z Z b
f dλ = f (x) dx.
[a,b] a
Rb
Dans
R la suite, pour simplifier, on utilisera souvent la notation a
f (x) dx pour l’intégrale
[a,b]
f dλ par rapport à la mesure λ.
Rb
a une limite, notée a
f (x) dx.
Or si f est λ-intégrable sur ]a, b[ (au sens de Lebesgue), par le théorème de convergence
dominée (Th. 5.4.1), on a
Z Z Z Z
|f | dλ = 1[αn ,βn ] |f | dλ −→ 1]a,b[ |f | dλ = |f |dλ, n → +∞,
[αn ,βn ] ]a,b[
car f 1]a,b[ est λ-intégrable. Dans ce cas, un passage à la limite dans (6.4) montre que f a
une intégrale impropre de Riemann absolument convergente.
Par contre si f n’est pasR λ-intégrable (au sens de Lebesgue) sur ]a, b[, rien ne permet de
passer à la limite dans ]αn ,βn ] f dλ et on ne peut pas considérer l’intégrale de Lebesgue de
f sur ]a, b[ dans ce cas.
— les intégrales impropres convergent absolument, dans ce cas, c’est que f ∈ L1 (]a, b[)
(ie. elles sont λ-intégrables au sens de Lebesgue) ; R
— les intégrales sont seulement semi-convergentes et ]a,b[ f dλ n’est pas défini au sens
de Lebesgue.
R +∞
Exemple : L’intégrale 0 sinx x dx est seulement semi-convergente et n’a pas de sens en
tant qu’intégrale de Lebesgue alors qu’en tant qu’intégrale impropre de Riemann, elle vaut
π/2.
Il faudrait définir une notion d’intégrale impropre de Lebesgue pour généraliser les inté-
grales semi-convergentes. On ne le fera pas dans ce cours.
Chapitre 7
Intégrale multiple
Dans ce chapitre, on considère des intégrales sur des espaces produits, définissant ainsi
des intégrales multiples. Pour intégrer sur un espace produit, il est nécessaire de considérer
une tribu sur l’espace produit, la plus naturelle est la tribu produit, elle est introduite en
Section 7.1. Sur cette tribu, on introduit la mesure produit en Section 7.2. Ces intégrales
sur des espaces produits (intégrales multiples) se ramènent à des intégrales sur les espaces
facteurs (intégrales simples) grâce aux théorèmes de Fubini en Section 7.3.
On introduit finalement un autre outil de calcul d’intégrales multiples en Section 7.4 avec
les changements de variables.
Pour commencer, on rappelle :
Dans ce chapitre, on considère deux espaces mesurables (X, A) et (Y, B) et l’espace produit
X × Y = (x, y) : x ∈ X, y ∈ Y .
Remarque 7.1.1 — Le produit de la tribu borélienne sur R par elle même donne la
tribu borélienne sur R2 . En effet B(R2 ) est engendrée par les produits d’intervalles
ouverts ]a, b[×]c, d[ qui engendrent aussi la tribu produit B(R) ⊗ B(R). On a donc
B(R) ⊗ B(R) = B(R2 ).
69
Chapitre 7.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 70
— Plus généralement, la tribu borélienne sur Rn (engendrée donc par les ouverts de
Rn ) s’obtient comme le produit de celles de R :
avec G(x, y) = |x|+|y| qui est mesurable car continue. Noter que D(0, 1) est la boule
unité pour la norme euclidienne (ou `2 ), K(0, 1) est celle de la norme `1 et celle de
la norme uniforme `∞ est [−1, 1] × [−1, 1] mesurable car produit de mesurables.
Ex = {y ∈ Y : (x, y) ∈ E} ⊂ Y, E y = {x ∈ X : (x, y) ∈ E} ⊂ X
et celles de f
(Y, B) → Z y (X, B) → Z
fx : , f :
y 7→ f (x, y) x 7→ f (x, y).
Exemples : Avec X = Y = R, on a
1. Ex ∈ B, E y ∈ A pour tout x ∈ X et y ∈ Y .
2. fx : (Y, B) → (Z, C) est mesurable et f y : (X, A) → (Z, C) est mesurable.
Démonstration : 1) Soit x ∈ X, alors F = {E ⊂ X × Y : Ex ∈ B} est une tribu car B
en est une (facile à voir) et pour A ∈ A, B ∈ B, x ∈ X, on a (A × B) ∈ F car
B si x ∈ A,
(A × B)x = (7.1)
∅ sinon.
et
P = A × B : A ∈ A, B ∈ B . (7.2)
Chapitre 7.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 72
On a ν (A × B)x = ν(B) si x ∈ A et = 0 si x 6∈ A. On a donc
ν (A × B)x = ν(B)1A (x)
qui est donc mesurable (ν(B) < +∞), ie. P ⊂ D. Observons de plus que P est stable par
intersection (ie. c’est un π-système car (A1 × B1 ) ∩ (A2 × B2 ) = (A1 ∩ A2 ) × (B1 ∩ B2 )).
On montre que D est une classe monotone de X × Y :
— X × Y ∈ P ⊂ D.
— Si E, F ∈ D avec E ⊂ F alors
ν (F \ E)x = ν Fx \ Ex = ν(Fx ) − ν(Ex ) (7.3)
est mesurable en tant que différence de fonctions mesurables (car E, F ∈ D). On a
donc F \ E ∈ D. À noter que l’égalité (7.3) utilise ν finie.
— Si En ∈ D, n ≥ 1, avec En ⊂ En+1 alors comme (En )x ⊂ (En+1 )x , par croissance
séquentielle (1.3), on a
[ [
ν En x = ν (En )x = lim ν (En )x
n→+∞
n≥1 n≥1
Proposition 7.2.2 Soient (X, A, µ) et (Y, B, ν) deux espaces mesurés avec des mesures µ
et ν qui sont σ-finies. Alors il existe une seule mesure (dite mesure produit) notée µ ⊗ ν
sur A ⊗ B telle que
(µ ⊗ ν)(A × B) = µ(A)ν(B), A ∈ A, B ∈ B. (7.4)
De plus pour tout E ∈ A ⊗ B,
Z Z
(µ ⊗ ν)(E) = ν(Ex ) dµ = µ(E y ) dν.
X Y
avec, pour chaque n ≥ 1, Xn ⊂ Xn+1 , µ(Xn ) < +∞ et Yn ⊂ Yn+1 , ν(Yn ) < +∞. Ainsi, par
croissance, [
X ×Y = (Xn × Yn )
n≥1
En passant à la limite dans (7.5), on a alors m(E) = m0 (E), ce qui prouve l’unicité.
• Existence. D’après le résultat précédent (Prop. 7.2.1) pour E ∈ A ⊗ B,
Z Z
m1 (E) = ν(Ex ) dµ, m2 (E) = µ(E y ) dν
X Y
ont un sens car x 7→ ν(Ex ) est A-mesurable donc sa µ-intégrale existe et y 7→ µ(E y ) est
B-mesurable donc sa ν-intégrale existe. On montre maintenant qu’il s’agit de mesures :
— m1 (∅) = m2 (∅) = 0 car
Z Z Z
m1 (∅) = ν(∅x ) dµ = ν(∅) dµ = 0 dµ = 0.
X X X
S+∞
— Soit E = n=1 En avec En ∈ A ⊗ B deux à deux disjoints, on a
+∞
! +∞
[ [
Ex = En = (En )x
n=1 x n=1
où
R Pon a utilisé
P+∞ leR théorème de convergence monotone (Th. 4.3.1) pour échanger
+∞
n=1 = n=1 . De la même façon, on a
+∞
[ X+∞
m2 En = m2 (En ).
n=1 n=1
Chapitre 7.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 74
Les applications m1 et m2 sont donc deux mesures. Puis comme avec (7.1) :
Z Z Z Z
m1 (A × B) = ν (A × B)x dµ = ν(B) dµ + ν(∅) dµ = ν(B) dµ = µ(B)µ(A)
X A Ac A
est donc une fonction mesurable car limite de fonctions mesurables. Puis en appliquant
trois fois la convergence monotone (Th. 4.3.1, pour (µ ⊗ ν), pour µ et pour ν) et le résultat
déjà vérifié pour les fonctions étagées sn , on a
Z Z Z Z
f d(µ ⊗ ν) = lim sn d(µ ⊗ ν) = lim (sn )x dν dµ
n→+∞ n→+∞ X Y
Z Z Z Z
= lim (sn )x dν dµ = lim (sn )x dν dµ
X n→+∞ Y X Y n→+∞
Z Z
= fx dν dµ.
X Y
Le résultat avec les intégrations dans l’autre sens se justifie de la même façon.
Par le théorème de Fubini-Tonelli (Th. 7.3.1), les quatre intégrales sont des fonctions me-
surables donc F aussi puis Z
|F (x)| ≤ |fx | dν < +∞
Y
pour µ-presque chaque x ∈ X. On a donc f intégrable. On fait de même pour G.
Pour 3), on écrit à nouveau f = u+ − u− + i(v + − v − ), on utilise la linéarité et le théorème
de Fubini-Tonelli (Th. 7.3.1) pour les intégrales de u+ , u− , v + , v − puis on reforme f à la
fin, les somme étant licites par intégrabilité.
Cependant, dans cette formule, la nouvelle mesure ν = µf n’est pas explicite du tout. Ce
résultat est donc essentiellement abstrait et difficile à utiliser pour des calculs explicites. On
propose dans cette section, pour les intégrales sur Rn par rapport à la mesure de Lebesgue
λn sur (Rn , B(Rn )), des résultats plus explicites, avec des conditions plus restrictives sur le
changement de variables (difféomorphisme).
est
∂F1 ∂F1
∂x1
··· ∂xn
JF (x) = JF (x1 , . . . , xn ) = .. ..
.
. .
∂Fn ∂Fn
∂x1
··· ∂xn
Le jacobien est le déterminant de la matrice jacobienne det JF (x).
La matrice jacobienne est donc la matrice des dérivées partielles.
Rappel : Calculs des déterminants.
a b
— Déterminants d’ordre 2 : = ad − bc,
c d
a1 b 1 c 1
— Déterminants d’ordre 3 : Règle de Sarrus a2 b2 c2 = a1 b2 c3 + b1 c2 a3 + c1 a2 b3 −
a3 b 3 c 3
a3 b 2 c 1 − b 3 c 2 a1 − c 3 a2 b 1 .
— Déterminants d’ordre quelconque : développements selon une ligne ou une colonne
pour se ramener à des déterminants d’ordre inférieur.
La règle de dérivation composée (ie. (f ◦ g)0 (x) = f 0 (g(x))g 0 (x)) assure que
n
∂(F ◦ G)i X ∂Fi ∂Gk
(x) = (G(x)) (x)
∂xj k=1
∂xk ∂xj
ce qui se résume en
JF ◦G (x) = JF (G(x))JG (x).
Si F est une bijection C 1 de U sur V de jacobienne inversible sur U alors le théorème
d’inversion locale assure que F −1 est aussi C 1 (et réciproquement). En fait, F est un
C 1 -difféomorphisme de U sur V = F (U ) ssi son jacobien (déterminant de la matrice jaco-
−1
bienne) est non nul sur U ; de plus, la jacobienne de F −1 est JF −1 (y) = JF F −1 (y) .
L’objet de la section est la preuve du résultat suivant :
Chapitre 7.
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n
Théorème 7.4.1 (Changement de variables) Soient U, V des ouverts
de R et ϕ :
U → V un difféomorphisme de classe C 1 de jacobien Jϕ (x) = ∂ϕ
∂xj
i
où ϕ =
1≤i,j≤n
(ϕ1 , . . . , ϕn ). Alors
1. pour tout B ∈ B(Rn ), B ⊂ U :
Z
λn ϕ(B) = | det Jϕ | dλn ; (7.6)
B
(ie. si une des deux intégrales a un sens alors l’autre aussi et il y a égalité).
On commence par prouver 1) pour ϕ application linéaire en Section 7.4.2 avant de prouver
le cas général de 1) en Section 7.4.3. On prouve ensuite 2) en Section 7.4.4.
On présente enfin quelques changements de variable classiques explicites avec les change-
ments en polaires (pour R2 ) ou en sphérique (pour R3 ) et l’analogue pour Rn .
On commence par un rappel sur le changement de variable pour les intégrales de Riemann
en Section 7.4.1.
Pour cela, on pose y = ϕ(x) ou x = ϕ−1 (y) et en dérivant on a la relation (formelle) entre
dx et dy en dérivant
dx
= (ϕ−1 )0 (y) c’est à dire dx = (ϕ−1 )0 (y)dy.
dy
Par récurrence, en répétant ce procédé, on arrive à la matrice identité In . Cela signifie que
T est bien un produit de matrices de type 1, 2, ou 3, ie. T = T1 . . . Tk .
On a alors T (B) = T1 (T2 (. . . Tk (B) . . . )) et on déduit cT = cT1 . . . cTk . La preuve est alors
achevée si on montre cT = | det T | pour T de type 1, 2, ou 3.
— Si T est de type 1, on a
2) On a
λn T (B) = λn α + T0 (B) = λn T0 (B) = | det T0 | λn (B).
Corollaire 7.4.1 Si B ∈ B(Rn ) est inclus dans un hyperplan affine alors λn (B) = 0.
Démonstration : D’après le théorème de Fubini, on a λn Rn−1 × {0} = 0. Ainsi si
B ⊂ Rn−1 × {0}, on a λn (B) = 0.
Ensuite, si B est inclus
dans un hyperplan vectoriel H, il existe T linéaire bijective tel que
n−1
H=T R × {0} donc, d’après le Lemme 7.4.1, λn (H) = 0 et λn (B) = 0.
Enfin, si B est inclu dans un hyperplan affine, translaté d’un hyperplan vectoriel, par in-
variance par translation, on a λn (H + a) = λn (H) = 0 et donc λn (B) = 0.
Dans la suite, pour calculer les volumes, on choisit la norme sup ; dans ce cas, la boule de
rayon R est le cube d’arête 2R et on a λn (C ◦ ) = λn (C).
Pour cela, il faut que l’approximation soit uniformément proche de son application linéaire
affine tangente. Cela est assuré par
Lemme 7.4.2 (Uniformité) Soit O un ouvert de Rn tel que O est compact et inclus
dans U (donné par l’énoncé du Th. 7.4.1). Alors pour tout η > 0, il existe δ > 0 tel que
kx − ak < δ et [x, a] ⊂ O impliquent
kϕ(x) − ϕ(a) − Dϕ(a)(x − a)k ≤ ηkx − ak.
Chapitre 7.
JCB
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Lemme 7.4.3 Soit O ouvert tel que O est compact et inclus dans U . Pour tout ε > 0, il
existe δ > 0 tel que pour tout C = B(a, R) ⊂ O et R < δ, on a
et donc
−1
λn Dϕ(a) ◦ ϕ(C) ≤ (1 + M η)n (2R)n < (1 + ε)λn (C). (7.10)
Par ailleurs, par le Lemme 7.4.1, λn Dϕ(a)−1 ◦ ϕ(C) = |JDϕ(a) |−1 λn (ϕ(C)), ce qui avec
(7.10) fournit la première partie de (7.8).
Si kx − ak = R, d’après (7.9),
−1 −1
Dϕ(a) ◦ ϕ(x) − Dϕ(a) ◦ ϕ(a)
≥ R − M ηR.
Chapitre 7.
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∂C = {x ∈ Rn : kx − ak = R}. On a
−1 ◦ −1 −1
E = E ∩ Dϕ(a) ϕ(C ) ∪ E ∩ Dϕ(a) ϕ(∂C) ∪ E \ Dϕ(a) ϕ(C) .
Les trois ensembles sont disjoints ; le premier est ouvert car C est ouvert et ϕ est un
le deuxième est vide et le troisième est ouvert car C étant compact,
difféomorphisme,
Dϕ(a)−1 ϕ(C) l’est aussi. On a donc écrit E comme la réunion d’ouverts disjoints. Comme
la boule E est connexe, cela exige que l’un des deux ouverts soit vide mais le premier ne
l’est pas car contient Dϕ(a)−1 ◦ ϕ(a). Il vient
E ⊂ Dϕ(a)−1 ◦ ϕ(C ◦ )
et par le Lemme 7.4.1,
(2R)n (1 − ηM )n = λn (E) ≤ λn Dϕ(a)−1 ◦ ϕ(C ◦ ) = |Jϕ(a)|−1 λn ϕ(C ◦ ) .
On a donc
λn (C)(1 − ε) ≤ |Jϕ(a)|−1 λn ϕ(C ◦ )
Lemme 7.4.4 . Étant donné β > 0, tout ouvert O de Rn peut s’écrire comme une union
dénombrable de cubes semi-ouverts Ci deux à deux disjoints et d’arêtes inférieures à 2β.
Démonstration : Soit k0 ≥ 1 tel que 2k10 < 2β. On considère tous les cubes de bord
Qn h li li +1 h
dyadique i=1 2k0 , 2k0 contenus dans O. Puis pour l’indice k0 + 1, on considère les cubes
Qn l i li +1
i=1 2k0 +1 , 2k0 +1 contenus dans O mais pas dans les dyadiques déjà considérés. On conti-
nue ainsi le découpage de O. On recouvre ainsi bien l’ouvert O car comme Rn \ O est
fermé, pour x ∈ O, d(x, Rn \ O) > 0. On choisit alors k1 tel que 2k11 < d(x, Rn \ O) ; le cube
contenant x construit à l’étape k1 est contenu dans O.
Lemme 7.4.5 Soit O un ouvert contenu dans U tel que O est compact inclus dans U alors
(7.6) est vraie pour O, ie. Z
λn ϕ(O) = |Jϕ | dλn .
O
Z
λn ϕ(O) ≥ (1 − ε) | det Jϕ | dλn + ελn (O)
O
dont on déduit Z
λn ϕ(O) ≥ | det Jϕ | dλn .
O
Finalement, Z
λn ϕ(O) = | det Jϕ | dλn .
O
Lemme 7.4.6 Pour tout ouvert O ⊂ U et compact K ⊂ U . Alors (7.6) est vraie pour O
et pour K, ie. on a
Z Z
λn ϕ(O) ) = | det Jϕ | dλn , et λn ϕ(K) ) = | det Jϕ | dλn .
O K
S
Démonstration : On écrit O = k≥1 Ok avec Ok compact et Ok ⊂ Ok+1 , par exemple
o
Ok = B(0, k) ∩ x ∈ Rn : d(x, Rn \ O) > 1/k .
par convergence monotone (Th. 4.3.1). Si K est compact inclus dans U , un résultat de
topologie (lemme de Urysohn) montre qu’on peut intercaler un ouvert O et son adhérence
O qui est compact, ie.
K ⊂ O ⊂ O ⊂ U.
Comme K = O \ (O \ K), et λn ϕ(O) est fini (car λn est finie sur ϕ(O) compact), puis
ϕ(K) = ϕ(O) − ϕ(O \ K), on a alors, O et O \ K étant ouverts
Z Z Z
λn ϕ(K) = λn ϕ(O) − λn ϕ(O \ K) = | det Jϕ | dλn − | det Jϕ | dλn = | det Jϕ | dλn .
O O\K K
Proposition 7.4.1 Si B est un borélien inclus dans U alors (7.6) est vraie pour B, ie.
Z
λn ϕ(B) = | det Jϕ | dλn .
B
Démonstration : On considère ϕ borélien, comme ϕ−1 est continue, ϕ(B) = (ϕ−1 )−1 (B)
est un borélien.
1er cas : B est borné. Dans ce cas, ϕ(B) est borné et λn ϕ(B) < +∞. Par régularité
intérieure et extérieure, il existe
— Kp compact inclus dans B, Kp ⊂ Kp+1 , et λn ϕ(K p ) % λ n ϕ(B)
,
— Op ouvert contenant B, Op ⊃ Op+1 et λn ϕ(Op ) & λn ϕ(B) .
Mais alors
Z
λn ϕ(B) = lim λn ϕ(Kp ) = lim | det Jϕ | dλn
p→+∞ p→+∞ K
p
Z
= S | det Jϕ | dλn (convergence monotone, Th. 4.3.1)
p≥1 Kp
et
Z
λn ϕ(B) = lim λn ϕ(Op ) = lim | det Jϕ | dλn
p→+∞ p→+∞ O
p
Z
= T | det Jϕ | dλn (convergence dominée).
p≥1 Op
Mais [ \
Kp ⊂ B ⊂ Op
p≥1 p≥1
Chapitre 7.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 85
assure Z Z Z
S
| det Jϕ | dλn ≤ | det Jϕ | dλn ≤ T
| det Jϕ | dλn
n≥1 Kn B p≥1 Op
et finalement Z
λn ϕ(B) = | det Jϕ | dλn .
B
2ème
S cas. B n’est contenu dans aucun compact contenu dans U . On écrit alors U =
k≥1 k avec Uk compact, Uk ⊂ Uk+1 , et on pose Bk = B ∩ Uk . D’après le premier cas
U
appliqué au borélien borné Bk ,
Z
λn ϕ(Bk ) = | det Jϕ | dλn .
Bk
Corollaire 7.4.2 1. Soit B borélien tel que λn (B) = 0 alors λn ϕ(B) = 0.
2. Si A ∈ L(Rn ) alors ϕ(A) ∈ L(Rn ).
Cela achève la preuve de 1) dans le Théorème 7.4.1, il reste à voir la preuve de 2).
Le résultat (7.7) est déjà acquis pour f = 1B d’après la Prop. 7.4.1 et par linéarité pour f
fonction simple (étagée).
Chapitre 7.
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c – L3 math – Université de Rennes 1 86
Si f est mesurable positive, il existe (fp )p≥1 suite croissante de fonctions étagées avec
fp % f (Prop. 3.4.1), d’après le théorème de convergence monotone (Th. 4.3.1) :
Z Z Z
f dλn = lim fp dλn = lim fp dλn
V V p→+∞Z
p→+∞ V
Z
= lim (fp ◦ ϕ) | det Jϕ | dλn = (f ◦ ϕ) | det Jϕ | dλn
p→+∞ U U
en utilisant (7.7) déjà prouvé pour les fonctions étagées fp . Puis si f : V → C alors d’après
le cas des fonctions positives :
Z Z
|f | dλn = |f ◦ ϕ| | det Jϕ | dλn
V U
ainsi f est λn -intégrable sur V ssi |f ◦ ϕ| | det Jϕ | l’est sur U . Lorsque tel est le cas, on écrit
f = Re(f )+ − Re(f )− + iIm(f )+ − iIm(f )− et on applique le cas déjà prouvé de (7.7) à
chaque fonction positive Re(f )+ , Re(f )− , Im(f )+ , Im(f )− , ce qui prouve le cas général
de (7.7) et achève la preuve du Th. 7.4.1.
Exemples :
+∞
2 √
Z
• Normalisation de la loi normale e−x /2 dx = 2π.
Z +∞ −∞
2
Notons I = e−x /2 dx et montrons que I 2 = 2π. On a
−∞
Z +∞ Z +∞
−x2 /2 2 /2
I 2
= e dx × e−y dy
−∞ −∞
Chapitre 7.
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c – L3 math – Université de Rennes 1 87
Z +∞ Z +∞ Z Z
−x2 /2 −y 2 /2 2 +y 2 )/2
= e e dxdy = e−(x dxdy
−∞ −∞ R×R
Z 2π Z +∞
2 /2
= e−r r drdθ
0 0
Z 2π Z +∞ h i+∞
−r2 /2 −r2 /2
= dθ re dr = 2π −e = 2π
0 0 0
où on a utilisé le théorème de Fubini (Th. 7.3.2) à la 2ème ligne puis on a fait un changement
de variables en polaires à la 3ème ligne.
• Aire d’un disque : ∆ = {(x, y) : x2 + y 2 ≤ R2 } :
2π R R
r2
ZZ ZZ Z Z
2
λ2 (B(0, R )) = dxdy = rdrdθ = dθ rdr = 2π = πR2 .
B(0,R) [0,R]×[0,2π[ 0 0 2 0
où θ ∈ [−π/2, π/2] est la latitude, ϕ ∈ [0, 2π[ est la longitude et r ∈ [0, +∞[ la distance à
l’origine. Le jacobien du changement de variables est
cos θ cos ϕ −r sin θ cos ϕ −r cos θ sin ϕ
Jφ (r, θ, ϕ) = cos θ sin ϕ −r sin θ sin ϕ r sin θ cos ϕ = r2 cos θ.
sin θ r cos θ 0
Ainsi :
Z Z Z
f (x, y, z) dxdydz
3
Z ZR Z
= f (r cos θ cos ϕ, r cos θ sin ϕ, r sin θ) r2 cos θdrdθdϕ.
[0,+∞[×[0,2π[×[− π2 , π2 ]
Espaces Lp
Dans ce chapitre, on s’intéresse aux fonctions dont les puissances sont intégrables sur
un espace (X, A, µ). On commence en Section 8.1 par des rappels de convexité sur lesquels
la plupart des résultats de ce chapitre sont fondés. On introduit les espaces Lp (X, A, µ)
en Section 8.2, puis Lp (X, A, µ) en Section 8.3. Les principales inégalités (Hölder, Cauchy-
Schwarz, Minkowski) sont prouvées en Section 8.4.
8.1 Convexité
On considère I un intervalle de R. On donne dans cette section des rappels sur les
fonctions convexes (pour lesquels on renvoie à des références d’analyse).
Définition 8.1.1 (Convexité) Une fonction ϕ : I → R est convexe ssi pour tout x, y ∈ I
et t ∈ [0, 1] alors
ϕ tx + (1 − t)y ≤ tϕ(x) + (1 − t)ϕ(y). (8.1)
La fonction ϕ est dite concave si −ϕ est convexe.
Géométriquement, une fonction ϕ est convexe si entre deux points x et y, la corde entre
(x, f (x)) et (y, f (y)) est sous le segment entre (x, f (x)) et (y, f (y)).
Proposition 8.1.1 Une fonction convexe s’exprime comme le sup des fonctions affines
qu’elle majore. De ce fait, une fonction convexe est mesurable.
Proposition 8.1.2 Une fonction ϕ est convexe sur I ssi ∀x < y < z dans I, on a
ϕ(y) − ϕ(x) ϕ(z) − ϕ(y)
≤ . (8.2)
y−x z−y
Démonstration : le réel y ∈]x, z[ s’écrit αx + (1 − α)z pour un certain α ∈]0, 1[ et (8.2)
s’écrit alors
ϕ(αx + (1 − α)z) − ϕ(x) ϕ(z) − ϕ(αx + (1 − α)z)
≤ .
(1 − α)(z − x) α(z − x)
89
Chapitre 8.
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soit
α ϕ(αx + (1 − α)z) − ϕ(x) ≤ (1 − α) ϕ(z) − ϕ(αx + (1 − α)z) ,
ce qui se simplifie en
soit la convexité de ϕ.
Exemples :
— Une fonction ϕ de classe C 1 est convexe ssi sa dérivée ϕ0 est croissante. La condition
(8.2) signifie la même chose dans le cas non dérivable (croissance du taux d’accrois-
sements).
— Une fonction ϕ de classe C 2 est convexe ssi pour tout x on a ϕ00 (x) ≥ 0.
— f (x) = x2n est convexe sur R, g(x) = x2n+1 n’est convexe que sur R+ , h(x) =
ax + b affine est convexe, exp est convexe sur R, ln est concave (c’est à dire − ln est
convexe).
Le résultat suivant est propre aux mesures de probabilités.
Définition 8.2.2 (Espace Lp (X, A, µ)) — On note Lp (X, A, µ) l’ensemble des fonc-
tions mesurables de puissance p-ième µ-intégrable.
— On note aussi L∞ (X, A, µ) l’ensemble des fonctions mesurables (essentiellement)
bornées.
Proposition 8.2.1 Les ensembles Lp (X, A, µ) et L∞ (X, A, µ) sont des espaces vectoriels.
Démonstration : On montre qu’il s’agit d’un sous-espace vectoriel de l’espace des fonc-
tions de X dans C. Pour cela, on montre la stabilité par addition et par multiplication par
un scalaire.
Pour p = +∞, soit M < +∞ un majorant essentiel de |f | et M 0 < +∞ un majorant
essentiel de |g|. On a
qui est fini lorsque f et g sont dans Lp (X, A, µ). C’est donc que f +g ∈ Lp (X, A, µ) comme
par ailleurs af ∈ Lp (X, A, µ) quand f ∈ Lp (X, A, µ), on a bien un espace vectoriel.
Pour avoir vraiment une norme, il faudrait que kf kp = 0 entraı̂ne f = 0, c’est à dire
f (x) = 0 pour tout x et pas seulement pour µ-presque tous les x. Pour remédier à ce
problème, on va identifier les fonctions qui ont la même valeur presque partout. Ainsi,
f = 0 p.p. est identifiée à la fonction nulle (qui vaut zéro toujours).
— Lp (X, A, µ) est l’espace vectoriel des classes d’équivalence des fonctions modulo
f = g µ-p.p. telles que kf kp < +∞ (ie. telles que |f |p est µ-intégrable).
— L∞ (X, A, µ) est l’espace vectoriel des classes d’équivalence des fonctions modulo
f = g µ-p.p. telles que kf k∞ < +∞ (i.e. bornées µ-p.p.).
Par exemple 1Q est identifiée à 0 dans les espaces Lp R, B(R), λ . Plus simplement :
Si A = P(X) et µ est la mesure de comptage (ou de dénombrement), on note tradition-
nellement `p (X), ainsi
n +∞
X o
p
` (N) = (un )n≥1 avec |un |p < +∞
n=1
`∞ (N) =
suites bornées .
Sur les espaces Lp (X, A, µ), les semi-normes k · kp deviennent de vraies normes car on a vu
que kf kp = 0 entraı̂ne f = 0 p.p., c’est à dire que f est la classe nulle (f est identifiée à la
fonction nulle).
Il reste quand même à voir l’inégalité triangulaire pour k · kp . On l’obtiendra par l’inégalité
de Minkowski (8.6) ci-dessous. Avant, on définit :
Définition 8.3.2 (Exposants conjugués) Soient p, q ∈ [1, +∞]. Ce sont des exposants
conjugués ssi
1 1
+ = 1.
p q
Par exemple, 1 et +∞ sont conjugués, 2 est son propre conjugué, 3 a pour conjugué 32 .
car d’abord kf kp = kgkq = 1 puis ensuite parce que p, q sont conjugués. Ce qui prouve
l’inégalité de Hölder dans ce cas.
• Si p, q 6= 1, +∞ et si kf kp et kgkq 6= 0, +∞ alors on pose
fe = f /kf kp , ge = g/kgkq .
Comme
fe
p =
ge
q = 1, le cas précédent donne :
fege
≤ 1 ⇐⇒ kf gk1 ≤ kf kp kgkq .
1
R
• Si kf kp = 0 alors f = 0 µ-p.p. et donc f g = 0 µ-p.p. si bien que X
|f g| dµ = kf gk1 = 0
et l’inégalité cherchée se réécrit 0 ≤ 0, ce qui est vrai.
• Si kf kp = +∞ alors il suffit de considérer le cas kgkq 6= 0 sinon on se ramène au cas
précédent (avec g à la place de f ). Mais dans ce cas, l’inégalité devient une majoration par
+∞ ce qui est nécessairement vrai.
Chapitre 8.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 95
kf + gk∞ ≤ M + M 0 . (8.7)
et
|f + g|p ≤ |f | |f + g|p−1 + |g| |f + g|p−1 .
Soit q conjugué de p alors d’après l’inégalité de Hölder (8.4)
Z Z Z
p p−1
|f + g| dµ = |f | |f + g| dµ + |g| |f + g|p−1 dµ
Z 1/p Z 1/q Z 1/p Z 1/q
p (p−1)q p (p−1)q
≤ |f | dµ |f + g| dµ + |g| dµ |f + g| dµ
"Z # Z
1/p Z 1/p 1/q
≤ |f |p dµ + |g|p dµ |f + g|(p−1)q dµ .
L’espace Lp (X, A, µ) est donc un espace vectoriel normé. On a mieux avec le résultat
suivant :
Démonstration : Soit (fn )n≥1 une suite de Cauchy pour k · kp , on montre qu’elle converge
dans Lp (X, A, µ).
Si p = +∞, soit An,m = x ∈ X : |fn (x) − fm (x)| > kfn − fm k∞ . Alors µ(An,m ) = 0 et
S
donc µ n,m≥1 An,m = 0 car
[ X
µ An,m ≤ µ(An,m ) = 0.
n,m≥1 n,m≥1
S
Pour x ∈ E = X \ n,m≥1 An,m , on a donc pour tout n, m ≥ 1, |fn (x)−fm (x)| ≤ kfn −fm k∞ .
Comme (fn )n≥1 est de Cauchy pour k · k∞ , pour tout ε > 0, il existe N ≥ 1 tel que si
n, m ≥ N , on a kfn − fm k∞ < ε et a fortiori |fn (x) − fm (x)| < ε pour x ∈ E.
Ainsi (fn (x))n≥1 est une suite de Cauchy de C donc convergente vers un certain f (x) ∈ C.
On construit ainsi f (x) pour tout x ∈ E et on complète la définition de f sur tout X en
posant (par exemple) f (x) = 0 lorsque x 6∈ E.
Pour tout ε > 0, il existe N ≥ 1 tel que si n, m ≥ N , pour tout x ∈ E, |fn (x) − fm (x)| ≤ ε.
À la limite quand m → +∞, on a |fn (x) − f (x)| ≤ ε.
Comme ceci est valable pour tout x ∈ E avec µ(E c ) = 0, on a kfn − f k∞ ≤ ε. Ainsi
f ∈ L∞ (X, A, µ) puisque kf k∞ ≤ kfn k∞ + kfn − f k∞ < +∞ et fn → f dans L∞ (X, A, µ),
ce qui prouve que L∞ (X, A, µ) est complet pour k · k∞ .
On considère maintenant p ∈ [1, +∞[. La condition de Cauchy s’écrit : pour tout ε > 0, il
existe N ≥ 1 tel que si n, m ≥ N , on a kfn − fm kp < ε. On construit alors par récurrence
n1 < n2 < · · · < nk < · · · tels que pour tout i ≥ 1, on ait
1
kfni − fni+1 kp ≤ (8.9)
2i
Chapitre 8.
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Pk
et on pose gk = i=1 |fni − fni+1 | et
+∞
X
g(x) = lim gk (x) = |fni (x) − fni+1 (x)| ∈ [0, +∞].
k→+∞
i=1
Comme g(x)p est la limite croissante de gk (x)p , le théorème de convergence monotone (Th.
4.3.1) assure Z Z
g p dµ = lim gkp dµ = lim kgk kpp ≤ 1.
X k→+∞ X k→+∞
R
Comme X g p dµ ≤ 1, on a g(x) fini sur E ∈ A avec µ(E c ) = 0 (inégalité de Markov, Prop.
4.2.1).
Mais alors pour x ∈ E, on a +∞
P
|f (x) − fni+1 (x)| < +∞. Comme C est complet la
Pi=1 ni
convergence absolue de la série +∞
i=1 |fni (x) − fni+1 (x)| implique sa convergence simple, ie.
P+∞
i=1 fni (x) − fni+1 (x) converge. Posons alors
+∞
X
f (x) = fn1 (x) + fni (x) − fni+1 (x)
i=1
Pk
lorsque x ∈ E et (par exemple) f (x) = 0 lorsque x 6∈ E. Comme fn1 (x) + i=1 fni (x) −
fni+1 (x) = fnk (x), on a alors f (x) = limk→+∞ fnk (x) lorsque x ∈ E, ie.
Puis par la condition de Cauchy, pour tout ε > 0, il existe N ≥ 1 tel que si n, m ≥ N , on a
Z
|fn − fm |p dµ < εp .
X
Avec m = nk et k assez grand pour que m ≥ N , le lemme de Fatou (Th. 4.4.1) donne :
pour tout ε > 0, il existe N tel que pour n ≥ N , on a
Z Z
p
lim inf |fn − fnk | dµ ≤ lim inf |fn − fnk |p dµ ≤ εp .
X k→+∞ k→+∞ X
1 1
f (x) = √ 1]0,1] (x), g(x) = 1[1,+∞[ (x),
x x
on a f ∈ L1 R, B(R), λ mais f 6∈ L2 R, B(R), λ puisque
Z Z 1
dx 1
kf k1 = |f (x)|dλ = √ =
0 x 2
Z Z 1
dx
kf k22 = |f (x)|2 dλ = = +∞
0 x
alors que g ∈ L2 R, B(R), λ mais g 6∈ L1 R, B(R), λ puisque
Z Z +∞
dx
kgk1 = |g(x)|dλ = = +∞
1 x
Z Z +∞
2 2 dx
kgk2 = |g(x)| dλ = = 1.
1 x2
1
2
On n’a donc aucune inclusion entre les espaces
L R, B(R), λ et
L R, B(R), λ . L’exemple
p q
se généralise pour les espaces L R, B(R), λ et L R, B(R), λ .
Par contre si µ est une mesure finie (typiquement une mesure de probabilité), les espaces
Lp (X, A, µ) sont ordonnés pour l’inclusion :
Théorème 8.4.4 Soit (X, A, µ) un espace mesuré fini (c’est à dire µ(X) < +∞) alors
pour p ≥ q :
Lp X, A, µ ⊂ Lq X, A, µ .
Chapitre 8.
JCB
c – L3 math – Université de Rennes 1 99
D’où
Z q/p
kf kqq ≤ µ(X) 1−q/p p
|f | dµ ,
Z 1/p
1/q−1/p p
kf kq ≤ µ(X) |f | dµ < +∞.
Remarque 8.4.1 Plus précisément, le Théorème 8.4.4 montre une inclusion topologique
Lp (X, A, µ) ,→ Lq (X, A, µ) car l’inclusion canonique f ∈ Lp (X, A, µ) 7→ f ∈ Lq (X, A, µ)
est continue.
Chapitre 9
Convolution
Remarque 9.1.1 Attention, il n’est pas clair pour quels x ∈ Rn la fonction f ∗ g est bien
définie. Certains résultats suivent pour donner des conditions d’existence de (f ∗ g)(x).
Proposition 9.1.1 Soient f , g des fonctions mesurables, alors lorsque c’est bien défini :
— (f ∗ g)(x) = (g ∗ f )(x)
— (f, g) 7→ f ∗ g est bilinéaire.
100
Chapitre 9.
JCB
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• Pour le second point, par linéarité de l’intégrale, il est facile de voir que
La linéarité par rapport à g se montre de la même façon ou en utilisant celle par rapport
à f combinée avec la symétrie de ∗ vue au premier point.
Proposition 9.1.2 Si f est nulle hors de A et g nulle hors de B, alors (f ∗ g)(x) existe
et vaut 0 en dehors de A + B = {a + b : a ∈ A, b ∈ B}.
kf ∗ gk1 ≤ kf k1 kgk1 .
Ainsi ∗ est une loi de composition interne de L1 (Rn ). On peut vérifier qu’elle est associative.
(L1 (Rn ), +, ·, ∗) est alors une algèbre ; comme elle est complète pour k · k1 , il s’agit même
d’une algèbre de Banach.
On a aussi, le résultat suivant :
αβ
Démonstration : En effet d’après l’inégalité de Hölder (8.4) avec p1 = α+β
et q1 = γ
(conjugués) en (9.4), puis avec p2 = pα1 , q2 = pβ1 (conjugués) en (9.5), on a
1/p
kf ghk1 ≤ kf gkp1 khkq1 = kf p1 g p1 k1 1 khkγ (9.4)
1/p1
≤ kf p1 kp2 kg p1 kq2 khkγ (9.5)
1/p1
1/p 1/q
= kf p1 p2 k1 2 kg p1 q2 k1 2 khkγ
= kf kα kgkβ khkγ .
et assure que (f ∗ g)(x) est bien défini pour tout x ∈ Rn et |(f ∗ g)(x)| ≤ kf kp kgkq . Puis
pour r 6= +∞, on a
Z Z r Z
r−p r−q
|f (y)||g(x − y)| dy dx ≤ kf kp kgkq |f (y)|p |g(x − y)|q dydx
Rn Rn n
ZR Z
r−p r−q p q
≤ kf kp kgkq |f (y)| |g(x − y)| dx dy
Rn Rn
= kf kr−p r−q
p kgkq kf kpp kgkqq = kf krp kgkrq . (9.6)
R r
On en déduit que Rn |f (y)||g(x − y)| dy < +∞ p.p. et donc (f ∗ g)(x) est bien définie
pour presque tout x ∈ Rn . Il vient alors avec (9.6) :
Z 1/r
r
kf ∗ gkr = |(f ∗ g)(x)| dx
Rn
Z Z r 1/r
≤ |f (y)||g(x − y)| dy dx
Rn Rn
1/r
≤ kf krp kgkrq = kf kp kgkq .
Lorsque f ∈ Lp (Rn ) et g ∈ Lq (Rn ), avec p, q conjugués, la convolée f ∗ g est régulière (sans
aucune hypothèse de régularité de f, g !). Pour cela, on a besoin d’abord de :
Théorème 9.2.1 Soit f ∈ Lp (Rn ) pour p < +∞ alors pour h ∈ Rn , τh f (x) = f (x + h)
converge vers f dans Lp (Rn ) quand h → 0, ie. l’opérateur de translation par une constante
est continu dans Lp (Rn ).
Démonstration : Comme p < +∞, on peut utiliser la densité des fonctions continues à
support compact dans Lp (Rn ) (Th. ??).
• On commence donc par considérer ϕ une telle fonction, de support dans B(0, R). Pour
khk ≤ 1/2, on a
Z Z
p
|τh ϕ(x) − ϕ(x)| dx = |ϕ(x + h) − ϕ(x)|p dx
Rn n
ZR
≤ |ϕ(x + h) − ϕ(x)|p dx
kxk≤R+1/2
car ϕ est nulle hors de B(0, R) et ϕ(· + h) l’est hors de B(0, R + 21 ) quand khk < 12 . Comme
ϕ est uniformément continue sur le compact B(0, R + 1/2) (théorème de Heine), pour tout
ε > 0, il existe α > 0 tel que si khk ≤ α alors pour tout x ∈ B(0, R + 1/2) on a
|ϕ(x + h) − ϕ(x)| ≤ ε.
D’où
Z Z
p
εp dλn = εp λn B(0, R + 1/2)
|τh ϕ(x) − ϕ(x)| dx ≤
B(0,R+1/2)
Chapitre 9.
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1/p
kτh ϕ − ϕkp ≤ ε λn (B(0, R + 1/2)) .
Quitte à échanger les rôles de f et g, on peut supposer q 6= +∞. Or le Th. 9.2.1 donne
pour tout ε > 0, l’existence de α > 0 tel que pour khk ≤ α, on a kτh g − gkq ≤ ε, c’est à
dire
|(f ∗ g)(x + h) − (f ∗ g)(x)| ≤ εkf kp .
On a donc pour tout x ∈ Rn et khk assez petit |(f ∗ g)(x + h) − (f ∗ g)(x)| petit, ce qui
donne la continuité uniforme de f ∗ g.
Chapitre 9.
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2) Par le Th. ??, soient ϕ et φ des fonctions continues à support compact qui approchent
respectivement f ∈ Lp (Rn ) et g ∈ Lq (Rn ) en norme k·kp , k·kq respectivement. On approche
alors f ∗ g par ϕ ∗ φ de la façon suivante :
lim (f ∗ g)(x) = 0.
kxk→+∞
∂ ∂g
f ∗g =f ∗ .
∂xi ∂xi
n
P
Définition 9.3.1 Une fonction g : R ou C → C est entière si elle s’écrit g(x) = n≥0 cn x
pour une suite (cn )n≥0 avec un rayon de convergence infini.
Pour les convolées avec des fonctions entières, on a la version suivante du résultat de
dérivation (Prop. 9.3.1) :
Proposition 9.3.2 Si f ∈ L1 (C) (ou L1 (R)) est à support compact et g est une fonction
entière. Alors f ∗ g est une fonction entière.
Chapitre 9.
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Démonstration : Soit 0 < M < +∞ tel que f (x) = 0 quand kxk > M . Pour x ∈ B(0, R),
on a
Z X
(f ∗ g)(x) = f (y) cn (x − y)n dy
B(0,M ) n≥0
X Z
= cn f (y)(x − y)n dy (9.7)
n≥0 B(0,M )
Z n
X X n k
= cn f (y) x (−1)n−k y n−k dy
n≥0 B(0,M ) k=0
k
Z
X X
k n n−k n−k
= x cn (−1) f (y)y dy
k≥0 n≥k
k B(0,M )
X
= d k xk (9.8)
k≥0
R
avec dk = n≥k cn nk (−1)n−k B(0,M ) f (y)y n−k dy . L’échange (9.7) / se justifie avec
P P R
le théorème de convergence dominée (Th. 5.4.1) puisque lorsque x ∈ B(0, R) alors kx−yk ≤
R + M et
p X
X
n
f (y) cn (x − y) ≤ |cn |(R + M ) |f (y)| ∈ L1 (C)
n
n=0 n≥0
k X Z
X X n k n−k
≤ |cn | R M |f (y)| dy
n≥0 k=0 n≥k
k B(0,M )
X
= |cn |(R + M )k kf k1 < +∞
n≥0
Démonstration : En effet,
— d’abord
R ek est une fonction
R mesurable positive ;
— puis Rn ek (x) dx = Rn e(y) dy = 1 avec le changement de variable x → y = kx.
— avec le même changement de variable x → y = kx, par convergence dominée
(Th. 5.4.1) :
Z Z
ek (x) dx = e(y) dy → 0, k → +∞.
{kxk>η} {kyk>kη}
Exemples : • Soit
2
e−x /2
e(x) = √ . (9.9)
2π
2 n R +∞ 2
Il s’agit d’une fonction C ∞ entière d’intégrale 1 (e−x /2 = n≥0 (−1) 2n
et −∞ e−x /2 dx =
P
n n! x
√ 2
2π). D’après la Prop. 9.4.1, on définit une approximation de l’unité en prenant ek (x) =
ke(kx).
• Soit
R→ R
2
ϕ(x) = x 7→ e−1/(1−x ) |x| < 1
0 |x| ≥ 1.
On montre que ϕ est C ∞ (par récurrence en utilisant que pour toute fraction rationnelle
P (x)
P/Q, on a limx→±1 Q(x) exp(−1/(1 − x2 ))) et à support compact B(0, 1), ce qui permet de
n
définir sur R
ϕ(kxk2 )
e(x) = R (9.10)
Rn
ϕ(kyk2 ) dy
où kxk2 = x21 +· · ·+x2n . Alors e est C ∞ , à support dans B(0, 1) et Rn e(x) dx = 1. D’après la
R
Prop. 9.4.1, on définit à nouveau une approximation de l’unité en prenant ek (x) = k n e(kx).
La terminologie 00 approximation de l’unité00 est justifiée par les deux résultats suivants :
Théorème 9.4.1 Soit f ∈ L∞ (Rn ) et (ek )k≥1 une approximation de l’unité, on suppose
que
Chapitre 9.
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Démonstration : Comme f est continue sur B(0, R), elle y est aussi uniformément R conti-
nue (théorème de Heine)
R et il suffit de prouver ii). Notons que comme e
Rn k
(y) dy = 1,
on peut écrire f (x) = Rn f (x)ek (y) dy. Puis par continuité uniforme de f : pour ε > 0, il
existe η > 0 tel que pour kyk ≤ η, on a |f (x − y) − f (x)| ≤ ε2, si bien que
Z Z
f ∗ ek (x) − f (x) = f (x − y)e k (y) dy − f (x)ek (y) dy
n n
ZR R
= f (x − y) − f (x) ek (y) dy
n
ZR
≤ |f (x − y) − f (x)| ek (y) dy
Rn
Z Z
≤ |f (x − y) − f (x)| ek (y) dy + |f (x − y) − f (x)| ek (y) dy.
kyk≤η kyk>η
On a alors
Z Z
sup f ∗ ek (x) − f (x) ≤ ε ek (y) dy + 2kf k∞ ek (y) dy
x∈Rn kyk≤η kyk>η
Z
ε
≤ + 2kf k∞ ek (y) dy
2 kyk>η
≤ ε
Z
R
avec k ≥ k0 assez grand pour que ek (y) dy ≤ ε/(4kf k∞ ) puisque lim
kyk>η
ek (y) dy =
k→+∞ kyk>η
0. On a donc pour tout ε > 0 et k ≥ k0 : supx∈Rn f ∗ ek (x) − f (x) ≤ ε, ce qui prouve le
Th. 9.4.1.
On a aussi :
Théorème 9.4.2 Soit f ∈ Lp (Rn ) pour p < +∞ et (ek )k≥1 une approximation de l’unité
alors f ∗ ek → f dans Lp (Rn ) lorsque k → +∞.
Z 1/p Z 1/q
p
≤ |f (x − y) − f (x)| ek (y) dy ek (y) dy
Rn Rn
R
par l’inégalité de Hölder (8.4). Puis comme Rn ek (y) dy = 1, on a
Z
p
kf ∗ ek − f kp = |f ∗ ek (x) − f (x)|p dx
n
ZR Z
≤ |f (x − y) − f (x)|p ek (y) dydx
n n
ZR R Z
p
≤ ek (y) |f (x − y) − f (x)| dx dy
Rn Rn
(Th. de Fubini-Tonelli, Th. 7.3.1)
Z
= ek (y)kτ−y f − f kpp dy.
Rn
Comme p < +∞, par le Th. 9.2.1, pour tout ε > 0, il existe η > 0 tel que pour kyk < η,
kτ−y f −f kpp ≤ εp /2, puis par l’inégalité de Minkowski (8.6) : kτ−y f −f kp ≤ kτ−y f kp +kf kp =
2kf kp . Ainsi :
Z Z
p p
kf ∗ ek − f kp ≤ ek (y)kτ−y f − f kp dy + ek (y)kτ−y f − f kpp dy
kyk≤η kyk>η
p Z Z
ε p
≤ ek (y) dy + 2kf kp ek (y) dy
2 kyk≤η kyk>η
εp εp
≤ + = 2εp
2 2
p
pour k ≥ k0 assez pour que kyk>η ek (y) dy ≤ 2(2kfε kp )p puisque limk→+∞ |y|>η ek (y) dy = 0.
R R
Stone-Weierstrass
Avec l’approximation de l’unité ek (x) = k n e(kx), k ≥ 1, où e est donnée par (9.9),
on a :
Chapitre 9.
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puis en notant X
(fe ∗ ek0 )(x) = cn x n
n≥0
m → +∞, et |fm (x) − f (x)|p ≤ 2p |f (x)|p ∈ L1 . Ainsi par convergence dominée (Th. 5.4.1),
on a Z
lim |fm − f |p dλn = 0
m→+∞
et donc fm → f dans Lp (Rn ) quand m → +∞. Pour ε > 0 fixé, soit donc m0 tel que
kfm0 − f kp ≤ ε/2.
• La fonction fm0 ∗ ek est C ∞ (car ek ∈ Cc∞ et f ∈ Lp , Prop. 9.3.1) et à support compact
(fm0 et ek à support compact, Prop. 9.1.2) donc fm0 ∗ ek → fm0 dans Lp (Rn ) (Th. 9.4.2).
On trouve donc k0 tel que kfm0 ∗ ek0 − fm0 kp ≤ ε/2. Finalement,
f − (fm0 ∗ ek0 )
≤ kf − fm0 kp + kfm0 − (fm0 ∗ ek0 )kp
p
≤ ε/2 + ε/2 = ε.
Dans tout voisinage de f ∈ Lp (Rn ) pour la norme k · kp , il y a donc une fonction (fm0 ∗ ek0 )
de classe C ∞ et à support compact, ce qui prouve le résultat de densité du Th. 9.4.4.
Avec ce type d’approximation de l’unité, les résultats d’approximation vus sur Rn (Th. 9.4.1,
Th. 9.4.2) restent valables sur le cercle C. On a alors le résultat suivant sur une convergence
en mode Césaro des séries de Fourier. On rappelle :
Théorème de Césaro : Si (un )n≥1 est une suite numérique qui converge vers l ∈ R alors
limn→+∞ n1 u1 + · · · + un ) = l.
Les fe(k), k ∈ Z, sont les coefficients de Fourier de f ; sn est la somme de Fourier associée
à f .
Le Th. 9.4.5 exprime donc f continue 2π-périodique comme limite uniforme de polynômes
trigonométriques (analogue du théorème de Stone-Weierstrass, Th. 9.4.3 sur le cercle C, ie.
dans le cas périodique).
Rπ
Démonstration : On a fe(k) = 1 f (y)eiky dy et
2π −π
n Z
1 X π
sn (x) = f (y) exp ik(x − y) dy
2π k=−n −π
Z π n
1 X
= f (y) exp ik(x − y) dy
2π −π k=−n
= (f ∗ Dn )(x)
Pn
en notant Dn (y) = k=−n exp(iky). Notons que
Z π n Z π
1 X 1
Dn (y) dy = exp(iky) dy = 1.
2π −π k=−n
2π −π
exp(i(n+1)y)−exp(−iny)
On a Dn (y) = exp(iy)−1
et donc
sin (n + 1/2)y
Dn (y) = quand y 6= 0 et Dn (0) = 2n + 1.
sin(y/2)
Par définition de σN , on a σN = f ∗ KN avec
N
1 X
Kn := Dn
N + 1 n=0
N
1 X
Kn (y) = Im exp(i(n + 1/2)y)
(N + 1) sin(y/2) n=0
1 exp(i(N + 1)y) − 1
= Im exp(iy/2)
(N + 1) sin(y/2) exp(iy) − 1
1 sin((N + 1)y/2)
= Im exp(i(N + 1/2)y)
(N + 1) sin(y/2) sin(y/2)
!2
1 sin (N + 1)y/2
= .
N +1 sin(y/2)
Rπ 1
PN 1
Rπ
On a donc Kn (y) ≥ 0, −π
Kn (y) dy = N +1 n=0 2π −π
Dn (y) dy = 1 et pour η > 0,
η < |y| ≤ π,
1 1
0 ≤ Kn (y) ≤ −→ 0, N → +∞,
N + 1 sin(η/2) 2
Chapitre 9.
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soit Z
1
lim KN (y) dy = 0
N →+∞ 2π η<|y|≤π
et (KN )N ≥1 est donc une approximation de l’unité. De plus comme f est continue sur
le compact C, f y est uniformément continue. D’après le Th. 9.4.1 (adapté sur C), on a
σN = f ∗KN → f , N → +∞, uniformément, ce qui prouve le théorème de Fejér (Th. 9.4.5).
Chapitre 10
Absolue continuité
Ainsi une mesure signée ne peut pas prendre à la fois la valeur −∞ et la valeur +∞ : c’est
lun ou l’autre.
Une mesure signée est dite finie sur une famille E si |µ(E)| < +∞ pour tout E ∈ E et
S E si pour tout E ∈ E il existe une suite (En )n≥1 de E telle que |µ(En )| < +∞
σ-finie sur
et E ⊂ n≥1 En .
De nombreuses propriétés usuelles des (vraies) mesures (cf. Section 1.4) restent vraies pour
les mesures signées :
116
Chapitre 10.
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S
iii) Si (An )n≥1 est une suite disjointe de A telle que µ A < +∞ alors la série
n≥1 n
P
n≥1 µ(An ) converge absolument.
iv) Si (An )n≥1 est une suite monotone de A, avec en plus dans le cas décroissant |µ(An0 )| <
+∞ pour un certain n0 , alors
µ lim An = lim µ(An ).
n n→+∞
Au delà encore des mesures à valeurs réelles, on peut considérer des mesures à valeurs com-
plexes. Une mesure complexe est une fonction d’ensembles à valeurs complexes, σ-additive
et telle que µ(∅) = 0. Comme la convergence d’une série complexe exige la convergence des
parties réelle et imaginaire, il s’en suit que les parties réelle et imaginaire de µ sont des
mesures signées (réelles). En fait, une mesure µ est complexe ssi elle s’écrit µ = µ1 + iµ2
où µ1 , µ2 sont des mesures signées réelles.
S S
positifs l’est aussiS : si B ∈ A et B ⊂ n≥1 An alors B = n≥1 (B ∩ An ) =. On peut
P B = n≥1 Bn avec des Bn ∈ A disjoints et Bn ⊂ B ∩ An . Ainsi µ(Bn ) ≥ 0 et
même écire
µ(B) = n≥1 µ(Bn ) ≥ 0 (σ-additvité). De même pour les ensembles négatifs.
Théorème 10.2.1 (Décomposition de Hahn) Si µ est une mesure signée sur l’espace
mesurable (X, A) alors il existe des ensembles disjoints A, B tels que A est positif, B est
négatif et A ∪ B = X.
P S
|µ(E0 )| < +∞ si bien que n≥1 µ(En ) = µ n≥1 E n converge et donc µ(En ) → 0,
ce qui exige kn → +∞. Sn−1
Maintenant, pour chaque n ≥ 1, F0 ⊂ E0 \ i=1 Ei . Ainsi, pour tout F ∈ A avec
F ⊂ F0 , par définition de kn , on a µ(F ) < 1/(kn − 1) et comme kn → +∞ on a
µ(F ) ≤ 0. Ainsi F0 est négatif et donc par iii), F0 est en fait nul. Mais
X
µ(F0 ) = µ(E0 ) − µ(Ei ) < 0
i≥1
puisque µ(E0 ) < 0 et µ(Ei ) > 0, i ≥ 1. Cette conclusion (µ(F0 ) < 0) contredit F0
ensemble nul. L’hypothèse de départ était donc absurde et finalement, A est positif.
Cela achève la preuve du Th. 10.2.1.
Théorème 10.2.2 (Décomposition de Jordan) Soit µ une mesure signée sur un es-
pace mesurable (X, A). Si X = A ∪ B est une décomposition de Hahn de X pour µ (A
positif et B négatif ) alors on définit des mesures µ+ , µ− sur A par
et donc µ = µ+ − µ− .
Il reste à montrer que µ± ne dépend pas de la décomposition de Hahn utilisée. Pour cela,
on considère deux décompositions de Hahn X = A1 ∪ B1 = A2 ∪ B2 par rapport à µ et on
montre que
µ(E ∩ A1 ) = µ(E ∩ A2 ), µ(E ∩ B1 ) = µ(E ∩ B2 ).
Il est clair qu’une mesure signée se décompose en vraies mesures de plusieurs façons : par
exemple µ = (µ+ + ν) − (µ− + ν), où ν est une (vraie) mesure finie quelconque. Cependant,
la décomposition de Jordan est caractérisée par une propriété d’unicité et de minimalité
(µ+ , µ− ont des supports disjoints). Par
|µ|(A) = µ+ (A) + µ− (A), A∈A
on définit une (vraie) mesure |µ| qu’on appelle la variation totale de µ.
Noter qu’un ensemble E ∈ A est positif ssi µ− (E) = 0 puisque si E est positif E ∩ B
est un ensemble nul en tant qu’ensemble positif (sous-ensemble de E) et ensemble négatif
(sous-ensemble de B). Réciproquement si µ− (E) = 0 alors pour F ∈ A et F ⊂ E, on a
µ− (F ) = 0 et µ(F ) = µ+ (F ) ≥ 0 justifiant que E est positif.
De la même façon, E est négatif ssi µ+ (E) = 0.
On a aussi |µ(E)| ≤ |µ|(E), avec égalité seulement si E est positif ou négatif. Enfin, noter
que |µ|(E) = 0 implique que E est un ensemble nul pour |µ|, µ+ , µ− , µ.
Un exemple important de mesure signée est fourni par des intégrales indéfinies d’une fonc-
tion dont l’intégrale est bien définie :
Théorème 10.2.3 Soient (X, A, µ) un espace mesuré et f une fonction mesurable définie
p.p. sur X et telle que f + ou f − ∈ L1 (X, A, µ). Alors on définit une mesure signée ν sur
A par Z
ν(A) = f dµ, A ∈ A.
A
Démonstration
R : On a de suite ν(∅) = 0 et si f ∈ L1 (X, A, µ) alors ν est finie (ν(X) =
X
f dµ). On complète la preuve enS
montrant que ν est σ-additive.
P Pour cela, soit (An )n≥1
une suite de A disjointe et A = n≥1 An . Alors f± 1A = n≥1 f± 1An p.p. et par le
théorème de convergence monotone (Th. 4.3.1), on a
Z Z Z X XZ XZ
f± dµ = f± 1A dµ = f± 1An dµ = f± 1An dµ = f± dµ.
A n≥1 n≥1 n≥1 An
Comme f+ ∈ L1 (X, A, µ) ou f− ∈ L1 (X, A, µ), une des deux séries prédédentes converge
vers un nombre fini et on a
Z Z XZ Z
ν(A) = f+ dµ − f− dµ = f+ dµ − f− dµ
A A n≥1 An An
XZ X
= f dµ = ν(An )
n≥1 An n≥1
Proposition 10.2.1 Soient µ, ν des mesures signées sur un espace mesuré (X, A), égales
sur un π-système P ⊂ A tel que σ(P) = A. Si µ est σ-finie sur P alors µ = ν sur A.
ii) (Convergence dominée) Soient µ une mesure signée et (fn )n≥1 une suite de fonctions
de L1 (X, A, |µ|) et g ∈ L1 (X, A, |µ|) avec |fn | ≤ g |µ|-p.p. pour tout n ≥ 1. Si f est
mesurable telle que fn → f |µ|-p.p. alors f ∈ L1 (X, A, |µ|) et
Z Z Z
|fn − f | d|µ| → 0, fn dµ → f dµ, n → +∞.
Démonstration
R R : i) On utilise
R les propriétés analogues des (vraies) mesures avec la défi-
nition f dµ = f dµ+ − f dµ− :
Z Z Z Z Z Z
f dµ ≤ f dµ+ + f dµ− ≤ |f | dµ+ + |f | dµ− = |f | dµ.
ii) La première limite s’obtient par convergence dominée pour la (vraie) mesure |µ| et la
deuxième suit de la première limite combinée avec i).
Le résultat suivant est le théorème de transfert pour les mesures signées. Comme dans le
cas de vraies mesures, on peut étendre le résultat aux fonctions non-intégrables lorsque les
intégrales sont quand même bien définies.
Théorème 10.3.2 Soient (X, A) et (Y, B) des espaces mesurés et µ une mesure signée
sur (X, A). On considère une fonction ϕ : (X, A) → (Y, B) mesurable (définie |µ|-p.p. sur
X suffit). Alors
i) On définit une mesure signée µϕ sur (Y, B) par
µϕ (F ) = µ(ϕ−1 (F )), F ∈ B.
ii) Si f est B-mesurable définie µϕ -p.p. et telle que f ◦ ϕ ∈ L1 (|µ|) alors f ∈ L1 (|µϕ |) et
Z Z
f dµϕ = f ◦ ϕ dµ.
Y X
Chapitre 10.
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Démonstration : Comme dans le cas µ vraie mesure, on montre que µϕ est σ-additive et
que µϕ (∅) = 0. Puis comme µ prend au plus une des deux valeurs −∞, +∞, il en est de
même pour µϕ . Il suit que µϕ est une mesure signée, ie. i) est prouvé.
Pour simplifier, on suppose que ϕ est définie sur tout X. Alors ϕ−1 (B) est une tribu et on
note µe la restriction de µ à ϕ−1 (B) ⊂ A.
Soit Y = A ∪ B la décomposition de Hahn de Y pour µ eϕ (A est positif, B est négatif).
On montre que X = ϕ−1 (A) ∪ ϕ−1 (B) est une décomposition de Hahn de X pour µ e. En
−1 −1 −1
effet, ϕ (A) et ϕ (B) sont dans ϕ (B) ⊂ A et disjoints avec pour union X. Maintenant,
soit E ⊂ ϕ−1 (B) un sous-ensemble de ϕ−1 (A) alors E = ϕ−1 (G) pour un certain G ∈ B.
Comme E = ϕ−1 (G) ⊂ ϕ−1 (A), on a E = ϕ−1 (G ∩ A) et donc µ e(E) = µ eϕ (G ∩ A) ≥ 0
−1
puisque A est positif pour µ eϕ . On en déduit que ϕ (A) est positif pour µ
e. De même, on
montre que ϕ−1 (B) est négatif pour µ e.
e = µ+ − µ
Maintenant soit µ e− la décomposition de Jordan de µ e. On montre que µ eϕ =
µ+ − µ
(e e− )ϕ = µe+,ϕ − µ
e−,ϕ est la décomposition de Jordan de µeϕ . En effet pour chaque
E ∈ B, on a
e ϕ−1 E ∩ ϕ−1 A = µ e ϕ−1 (E ∩ A) = µ
µ
e+,ϕ (E) = µ eϕ (E ∩ A) = (eµϕ )+ (E)
puisque Y = A ∪ B est la décomposition de Hahn de Y pour µ eϕ . Donc µ
e+,ϕ = (e
µϕ )+ et de
même µ
e−,ϕ = (e
µϕ )− . Il suit que µ e+,ϕ − µ
eϕ = µ e−,ϕ est la décomposition de Jordan de µ eϕ et
|e
µϕ | = µ
e+,ϕ + µ
e−,ϕ = (e e− )ϕ = |e
µ+ + µ µ|ϕ .
Noter que |e µ(E)| pour tout E ∈ ϕ−1 (B) puisque
µ|(E) ≤ |e
e− (E) = µ E ∩ ϕ−1 A − µ E ∩ ϕ−1 B
|e
µ|(E) = µ e+ (E) + µ
= µ E ∩ ϕ−1 A − µ E ∩ ϕ−1 B ≤ |µ| E ∩ ϕ−1 A + |µ| E ∩ ϕ−1 B
= |µ|(E).
On déduit alors du cas vraie mesure :
Z Z Z Z Z
|f | d|µϕ | = |f | dµϕ = |f | dµϕ = |f ◦ ϕ| dµ ≤ |f ◦ ϕ| d|µ|.
Y Y Y X X
ce qui prouve le théorème lorsque ϕ est définie sur tout X. On peut adapter cette preuve
au cas où ϕ est définie seulement |µ|-p.p. sur X. Si ϕ est définie sur E avec |µ|(E c ) = 0
alors on définit la fonction ϕ0 : X → Y par ϕ0 (x) = ϕ(x) si x ∈ E et ϕ0 (x) = y0 si x 6∈ E
où y0 ∈ Y est quelconque.
Chapitre 10.
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Définition 10.4.1 (Absolue continuité and co) On dit que ν est absolument continue
par rapport à µ, vraie mesure, et on note µ ν, si µ(A) = 0 =⇒ ν(A) = 0.
Si µ est signée, on définit encore ν µ par ν |µ|.
On dit que µ et ν sont équivalentes, et on note µ ∼ ν, si elles sont mutuellement absolument
continues, ie. ν µ et µ ν.
On dit que µ et ν sont singulières, et on note µ ⊥ µ, s’il existe A ∈ A et que µ(A) = 0 et
ν(Ac ) = 0 (ie. les supports des mesures sont disjoints, cf. Déf 1.3.4).
Les notions d’absolue continuité et de singularité par rapport à une même mesure sont
orthogonales car :
Démonstration : En effet il existe A ∈ A tel que µ(A) = 0 et ν(Ac ) = 0. Mais alors pour
E ∈ A quelconque, on a ν(E) = ν(E ∩ A) + ν(E ∩ Ac ) qui est nul car E ∩ A ⊂ A donc
µ(E ∩ A) = 0 et ν(E ∩ A) = 0 d’après ν µ, puis E ∩ Ac ⊂ Ac avec ν(Ac ) = 0 donc
ν(E ∩ Ac ) = 0.
Démonstration : La condition est suffisante car si µ(A) = 0, elle donne ν(A) < ε pour
tout ε > 0 qu’on peut faire tendre vers 0, ce qui donne ν(A) = 0 et ν µ.
La condition est nécessaire puisque si elle est en défaut, il existe ε > 0 et pour chaque
2
T ≥ 1,SAn ∈ A tel que µ(An ) ≤ 1/n et ν(An ) >Pε. On considère
n
2
alors A = lim supn An =
m≥1 A
n≥m n Pour tout m ≥ 1, on a µ(A) ≤ n≥m (1/n ) et donc µ(A) = 0. Alors que
S S
ν(A) = limm→+∞ ν n≥m An > ε puisque n≥m An ⊃ Am avec ν(Am ) > ε. Le mesurable
A contredit alors la définition de ν µ.
Un exemple de mesure ν absolument continue par rapport à µ est fourni par la Section
10.3 avec Z
ν(A) = f dµ, A ∈ A
A
+ 1 − 1
lorsque f ∈ L (X, A, µ) ou f ∈ L (X, A, µ). Le théorème de Radon-Nikodym (Th.
10.5.2 ci-dessous) montre que les mesures ν absolument continues par rapport à µ sont en
fait exactement celles-ci quand µ, ν sont σ-continues.
Proposition 10.4.3 Soient µ, ν deux mesures signées sur (X, A). On a équivalence entre
Chapitre 10.
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i) ν µ,
ii) ν+ µ et ν− µ,
iii) |ν| |µ|.
D’après la Prop. 10.4.3, on a ν µ ssi |ν| |µ|. On a aussi ν ∼ µ ssi |ν| ∼ |µ|.
Exemple : Sur (R, B(R)), la mesure de référence est la mesure de Lebesgue λ. On considére
fréquemment sur (R, B(R)) des mesures absolument continues par rapport à λ. Par exemple,
lorsque ce sont des mesures de probabilités, il s’agit de lois à densité. Si sur (R, B(R)), on
a µ λ alors nécessairement µ n’a pas d’atome mais ne pas avoir d’atome est loin d’être
suffisant pour avoir l’absolue continuité.
Lemme 10.5.1 Soient (X, A, µ) un espace mesuré fini et ν une mesure finie sur A. Alors,
il existe deux mesures finies uniquement déterminées ν1 et ν2 sur A telles que
ν = ν1 + ν2 , ν1 µ, ν2 ⊥ µ.
De plus, Ril existe une fonction f µ-integrable, p.p. unique, telle que pour tout A ∈ A :
ν1 (A) = A f dµ.
R R R
De plus, si ν1 (A) = A f dµ = A g dµ alors en choisissant A = {f > g}, on a A (f −g) dµ =
0 ce qui exige µ(A) = 0. De même µ(f < g) = 0 et donc f = g µ-p.p.
Existence de ν1 , ν2 et f : on note K la famille des fonctions f mesurables positives sur
X telles que Z
f dµ ≤ ν(A) pour tout A ∈ A.
A
R
La preuve consiste à Rtrouver f ∈ K qui maximise f dµ de façon à ”extraire” autant que
possible µ de ν par f dµ. On espère alors que le reste ν2 = ν − ν1 sera singulier par
rapport à µ.
On remarque que K est non vide car il contient la fonction nulle. On écrit alors α =
R R
sup X f dµ : f ∈ K et on considère (fn )n≥1 suite de K telle que X fn dµ % α.
On pose gn (x) = max(f1 (x), . . . , fn (x)) ≥ 0. Pour A ∈ A et n ≥ 1, A se décompose en
S n
i=1 Ai où les Ai sont mesurables disjoints et tels que gn (x) = fi (x) pour x ∈ Ai : en effet,
prendre A1 = {x ∈ X : gn (x) = f1 (x)} puis A2 = {x ∈ X : gn (x) = f2 (x)} \ A1 , etc. Ainsi
Z Xn Z Xn Z Xn
gn dµ = gn dµ = fi dµ ≤ ν(Ai ) = ν(A)
A i=1 Ai i=1 Ai i=1
ce qui assure gn ∈ K. Comme (gn )n≥1 est une suite croissante, sa limite f (x) = limn→+∞ gn (x)
est bien définie en tout x ∈ X et par convergence monotone (Th. 4.3.1), on a
Z Z
f dµ = lim gn dµ ≤ ν(A).
A n→+∞ A
R R R R
Il suit que f ∈ K et X f dµ = limn→+∞ X gn dµ ≥ limn→+∞ X fn dµ = α, soit X f dµ =
α. On pose alors pour tout A ∈ A :
Z
ν1 (A) = f dµ et ν2 (A) = ν(A) − ν1 (A).
A
ν = ν1 + ν2 , ν1 µ, ν2 ⊥ µ.
Comme µ(n) , ν (n) sont finies, le Lemme 10.5.1 s’applique et donne les décompositions
(n) (n) (n) (n)
ν (n) = ν1 + ν2 avec ν1 µ(n) , ν2 ⊥ µ(n) .
On a ν = ν1 + ν2 car
X X (n) (n) X (n) X (n)
ν(A) = ν (n) (A) = ν1 (A) + ν2 (A) = ν1 (A) + ν2 (A) = ν1 (A) + ν2 (A).
n≥1 n≥1 n≥1 n≥1
De même pour ν2 .
Pour montrer que ν1 µ, on fixe A ∈ A avec µ(A) = 0. Alors µ(n) (A) = µ(A ∩ Xn ) = 0 et
(n) (n)
comme ν1 µ(n) , on a ν1 (A) = 0. Il vient alors ν1 (A) = n≥1 ν (n) (A) = 0, soit ν1 µ.
P
On termine la preuve (lorsque ν est positive) en montrant que ν2 ⊥ µ. Pour cela, comme
(n)
pour n ≥ 1, on a ν2 ⊥ µ(n)S, il existe En ∈ A tel que µ(n) (En ) = 0 et ν (n) (Enc ) = 0. Soient
alors Fn = En ∩ Xn et F = n≥1 Fn . Les ensembles Fn sont disjoints et
X X
µ(F ) = µ(Fn ) = µ(n) (En ) = 0,
n≥1 n≥1
(n)
tandis que ν (n) (Xnc ) = ν(Xn ∩ Xnc ) = 0 et donc ν2 (Xnc ) = 0. Comme Fnc = Enc ∪ Xnc , il
(n)
vient ν2 (Fnc ) = 0. Finalement,
X (n) X (n)
ν2 (F c ) = ν2 (F c ) ≤ ν2 (Fnc ) = 0
n≥1 n≥1
Par exemple si ν− est finie alors ν−,1 et ν−,2 le sont aussi et ν = (ν+,1 −ν−,1 )+(ν+,2 −ν−,2 ) =
ν1 + ν2 avec ν1 = ν+,1 − ν−,1 µ et ν2 = ν+,2 − ν−,2 ⊥ µ.
La décomposition de Lebesgue en découle donc lorsque ν est σ-finie signée.
Enfin, pour voir l’unicité, on suppose d’abord ν vraie mesure σ-finie et ν = ν1 +ν2 = ν3 +ν4
, ν3 µ et ν2 , ν4 ⊥ µ. Comme µ et ν sont des vraies mesures σ-finies, on peut écrire
où ν1S
X = n≥1 Xn avec les Xn disjoints mesurables de mesures µ(Xn ), ν(Xn ) finies. Pour chaque
(n)
n ≥ 1, on définit alors µ(n) et νi , i = 1, 2, 3, 4 par
(n)
µ(n) (A) = µ(A ∩ Xn ), νi (A) = νi (A ∩ Xn ), A ∈ A.
On a alors
(n) (n) (n) (n) (n) (n) (n) (n)
ν1 + ν2 = ν3 + ν4 , ν1 , ν3 µ(n) , ν2 , ν4 ⊥ µ(n) .
(n) (n) (n) (n)
L’unicité du Lemme 10.5.1 assure alors ν1 = ν3 et ν2 = ν4 pour chaque n ≥ 1. Il
vient alors X (n) X (n)
ν1 = ν1 = ν3 = ν3
n≥1 n≥1
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et de même ν2 = ν4 . On a obtenu l’unicité lorsque ν est une vraie mesure σ-finie. Pour
conclure, lorsque ν est signée σ-finie avec deux décomposition ν1 + ν2 = ν3 + ν4 , l’unicité
provient de la décomposition de Jordan pour chaque νi en réarrangeant l’équation de façon
que chaque côté soit positif et en appliquant l’unicité déjà acquise pour les (vraies) mesures.
Théorème 10.5.2 (Radon-Nikodym) Soient (X, A, µ) un espace σ-fini avec ν une me-
sure signée σ-finie sur A. Si ν µ alors il existe une fonction f sur X, presque sûrement
unique, à valeurs finies telle que pour tout A ∈ A :
Z
ν(A) = f dµ.
A
La fonction f s’appelle la densité de nu par rapport à mu, elle est µ-intégrable ssi ν est
finie. En général, au moins une des deux fonctions f + , f − est µ-intégrable et cela arrive
lorsque ν+ ou ν− est finie. Si ν est une vraie mesure alors f est positive.
Comme µ(n) et ν (n) sont des mesures finies avec ν (n) µ(n) par la première partie
R sur A(n)
(n)
de cette présente preuve, on a ν (A) = A fn dµ , n ≥ 1, pour tout A ∈ A et pour une
fonction fn positive à valeurs finies. Alors
Z Z Z
(n) (n)
ν(A ∩ Xn ) = ν (A) = 1A fn dµ = 1A fn dµ = 1Xn fn dµ.
Xn A
P
On pose alors f = n≥1 1Xn fn et par le théorème de convergence monotone (Th. 4.3.1),
on a
X XZ Z X Z
ν(A) = ν(A ∩ Xn ) = 1Xn fn dµ = 1Xn fn dµ = f dµ.
n≥1 n≥1 A A n≥1 A
La fonction f est mesurable positive avec des valeurs finies (les fn le sont et les Xn sont
disjoints si bien que f (x) = fn (x) lorsque x ∈ Xn ). On a donc prouvé l’existence de f
lorsque µ, ν sont des mesures σ-finies.
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Comme ν (n) est une mesure signée finie, f 1Xn et g1Xn sont µ-intégrables et f 1Xn = g1Xn
p.p. pour chaque n ≥ 1 (a voir). On en déduit f = g p.p. sur X. La fonction f est donc
presque sûrement unique.
Théorème 10.5.3 Soient (X, A, µ) un espace mesuré σ-fini et ν une mesure signée σ-finie
sur A. Alors il existe deux mesures ν1 , ν2 uniquement déterminées telles que
ν = ν1 + ν2 , ν1 µ, ν2 ⊥ µ
Noter pour finir que les théorèmes de Lebesgue (Th. 10.5.1) et de Radon-Nikodym (Th.
10.5.2) peuvent être en défaut sans la condition de σ-finitude. (ex à voir [LCP]).
Bibliographie
[ACMR] Guy Auliac, Christiane Cocozza-Thivent, Sophie Mercier, Michel Roussignol. Ma-
thématiques : Intégration et probabilités. Edisciences, Coll. Objectif Licence, 2005.
[BL] Philippe Barbé, Michel Ledoux. Probabilité. EDP science, 2007.
[Bouyssel] Michel Bouyssel. Intégrale de Lebesgue, mesure et intégration. Cépaduès, 1996.
[JCB-Riemann] Jean-Christophe Breton. Intégrale de Riemann. Notes de cours de L3 Ma-
thématiques, Université de La Rochelle, 2009.
[JCB-proba] Jean-Christophe Breton. Probabilités. Notes de cours de L3 Mathématiques,
Université de Rennes 1, 2014.
[BP] Marc Briane, Gilles Pagès. Théorie de l’intégration, 5ème édition. Coll. Vuibert Su-
périeur, Ed. Vuibert, 2012.
[LCP] Ross Leadbetter, Stamatis Cambanis, Vladas Pipiras. A basic course in Measure
and Probability. Cambridge university press, 2014.
[Rud] Walter Rudin. Analyse réelle et complexe. 3ème édition, Dunod, 1998.
[Suq] Charles Suquet. Intégration, Fourier, Probabilités. Note de cours de L3, Université
Lille 1, 2004.
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