Monsieur H.
, 46 ans, est adressé par son gastro-entérologue pour un suivi psychologique destiné à « réduire
l’anxiété du patient et à faciliter la prise en charge médicale. »
En effet, un mois auparavant, Monsieur H., alerté par de brusques saignements accompagnant des troubles digestifs
et des douleurs intestinales, appelle d’abord SOS Médecin, pour se rendre ensuite aux urgences, de son propre chef,
à deux heures du matin. Là, l’annonce que les examens exploratoires ne seraient pratiqués que le lendemain
déclenche chez monsieur H une vive angoisse accompagnée de revendications à l’adresse de toute l’équipe
médicale. La coloscopie effectuée, malgré tout, le lendemain matin révèle alors la présence de polypes dans le gros
intestin, sclérosés immédiatement pendant l’examen. De retour à son domicile, après une surveillance de vingt-
quatre heures, Monsieur H. entreprend donc de téléphoner à son médecin pour connaître les résultats de la biopsie,
et cela, bien que ce dernier lui ait notifié un délai d’attente d’une semaine. Recevant enfin les résultats - négatifs- le
médecin croit alors rassurer définitivement monsieur H. en les lui faxant. A sa grande surprise, ce dernier est
cependant de retour à l’hôpital le lendemain, inquiet d’une possible erreur d’examen du laboratoire, tourmenté par
l’éventualité de séquelles, se plaignant de constipation et souhaitant même prendre rendez-vous pour « une
coloscopie de contrôle dans quinze jours. »
En reprenant ces éléments à la demande de la psychologue, Monsieur H. se montre très critique à l’égard des
soignants : « Ils n’y connaissent rien, si on les harcèle pas, ils ne vous disent rien. Je ne suis pas du tout rassuré, le
gastro est jeune, il n’a pas l’air très compétent… Je lui ai demandé de me faire un bilan et une ponction lombaire
pour voir si je n’ai pas une maladie auto-immune associée aux polypes, il n’a rien voulu savoir !
Pourtant, cela pourrait être la maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique… De toute façon, je vais faire
transférer mon dossier dans une clinique dont on m’a parlé où il y a de vrais spécialistes et où on peut se faire
entendre… parce que des polypes seulement je n’y crois pas… Et si j’ai un cancer du côlon, il faudrait s’en occuper
tout de suite. Ils n’ont même pas d’IRM ! Dans le doute, je vais faire prolonger mon arrêt maladie, de tout façon, je
suis trop stressé pour travailler. »
Monsieur H. poursuit de la sorte pendant vingt minutes et se montre particulièrement prolixe dans la description de
ses symptômes : « Cela irradie dans tout le ventre comme un feu qui s’embrase ou un lever de soleil, des fois, j’ai
l’impression que l’on me brûle le côté droit avec un chalumeau… »
La psychologue recueillera cependant un certain nombre de renseignements complémentaires : Monsieur H. est
l’aîné d’une fratrie de trois garçons tous bien portants, il est célibataire : « Je ne supporterais pas de vivre avec
quelqu’un, j’ai trop de manies et je n’aime pas que l’on touche à mes affaires ou alors il me faudrait une femme
comme ma mère, très soigneuse et ordonnée mais je n’ai pas encore trouvé la perle rare (rires) » ; et partage son
temps entre son métier d’architecte : « Cela se passe bien, surtout si c’est moi qui gère … sauf pour rendre à temps…
On me reproche souvent le temps que je prends, ça c’est un échec… mais je ne peux pas faire vite et bien, il faut
choisir ! » et un loisir qu’il partage avec son père : les reproductions des monuments de France en allumettes,
disposées sur une gigantesque carte de France qui couvre toute la surface du grenier de ses parents.
Cette activité débutée il y a quatre ans est l’occasion pour Monsieur H. de se rendre dans sa famille tous les
dimanches : « J’adore cela, les maquettes, c’est tout à la fois une activité, un art et une discipline. Bon, il est certain
que c’est contraignant aussi, cela me prend pratiquement tout mon temps de repos. Mais je n’ai pas le choix, il faut
que je termine ce projet et je tiens à ce que ce soit bien fait, sinon, ce n’est pas la peine. Ah, j’en ai détruit des
maquettes ratées ! (rires) même mon père voulait les garder, il est moins méticuleux que moi finalement. Mais
l’échec, ç’ aurait été de les garder justement… »
Approche sémiologique
Présentation du patient : Il s’agit de faire une présentation très sommaire car nous n’avons que très peu d’éléments.
L’âge est essentiel car à lui seul, il permet dans l’absolu d’écarter certains troubles (ex : schizophrénie) ou de
s’inquiéter de l’éventualité de quelques autres (ex : paranoïa). Le métier peut fournir des indications sur certaines
capacités (intellectuelles, de précision etc.). Quant au célibat, cette information, croisée avec d’autres, peut enrichir
l’approche des processus psychiques.
Monsieur H. a 46 ans. Il est l’aîné d’une fratrie de trois garçons. Il est architecte et célibataire et occupe son temps
libre à fabriquer des maquettes en allumettes des monuments français avec son père.
Motif de la consultation : Ici, il est important de préciser que le patient n’a pas exprimé de demande personnelle car
c’est une indication précieuse concernant la proposition thérapeutique que vous avez à faire.
Monsieur H. a sollicité cette consultation sur la suggestion de son gastro-entérologue qui pense qu’un travail
thérapeutique devrait réduire son anxiété et faciliter la prise en charge médicale. Mr H. n’exprime toutefois aucune
demande en propre et semble plutôt considérer l’entretien comme une occasion d’exposer une nouvelle fois ses
griefs envers la médecine. Il paraît également avoir à cœur de rallier la psychologue à sa cause : faire reconnaître le
fait qu’il est atteint d’une grave maladie.
Eléments médicaux : Cette rubrique est nécessaire à renseigner ici compte tenu de la participation des éléments
médicaux au trouble psychique de M.H, et également dans la mesure où elle offre la possibilité de signifier le discord
observable entre l’état de santé réel de M.H. et ses angoisses disproportionnées. (A l’examen, il ne vous serait pas
demandé d’avoir ces connaissances médicales).
Présence de polypes dans le gros intestin qui ont été sclérosés au cours de la coloscopie. Cette pathologie est
relativement bénigne mais nécessite une surveillance au long cours dans la mesure où les polypes peuvent
reparaître et devenir malins. Cependant, ceci représente seulement une éventualité et, à ce titre, et surtout au vu
des résultats de la biopsie, les vives inquiétudes de Monsieur H. paraissent être démesurées.
Antécédents personnels : Concernant cette rubrique, vous pouvez soit spécifier qu’aucune information à ce sujet
n’est donnée soit vous risquer à faire une hypothèse sur la foi de possibles déductions. Il ne convient pas, en
revanche, d’inclure ici des éléments qui relèveraient du trouble de la personnalité puisque ce dernier est
nécessairement ancien et persistant.
Nous ne disposons d’aucun élément concernant d’éventuels antécédents somatiques chez Mr H. (point qui resterait
à explorer dans un entretien ultérieur). En revanche, eu égard entre autres à ses connaissances médicales, nous
pouvons supposer que son fonctionnement probablement hypochondriaque est ancien. Et nous constatons par
ailleurs que ce fonctionnement ne cède pas devant une réalité morbide : les polypes.
Antécédents familiaux : Si nous avions connaissance d’antécédents psychiatriques concernant la famille de M.H.,
c’est ici qu’il conviendrait d’en faire part. De même s’agissant d’antécédents somatiques car ces derniers pourraient
éventuellement nous éclairer sur l’origine de la massivité des préoccupations hypochondriaques du patient (ex : un
cancer du côlon chez son père) voire nous permettre de les relativiser.
Là encore, nous ne disposons d’aucun élément, si ce n’est, selon les dires de Mr H., que ses deux frères sont “ bien
portants ”. Nous ne savons rien au sujet de ses parents, toujours en vie.
Nature de l’épisode actuel : Vous pouvez rédiger une petite introduction au relevé sémiologique proprement dit,
cela clarifie le propos, mais ce n’est pas exigible.
Les troubles engendrés par la présence de polypes (saignements, douleurs intestinales, problèmes digestifs) et les
circonstances entourant les examens exploratoires (arrivée aux urgences de nuit et report de la coloscopie au
lendemain) ont déclenché chez Mr H. une vive angoisse, accompagnée de revendications à l’adresse des soignants.
Cette angoisse ne s’est résorbée, ni après l’annonce du diagnostic et la sclérose des polypes, ni après que Mr H. a
reçu l’assurance – examens à l’appui – du caractère bénin de ces derniers. Bien au contraire, cette angoisse s’est
majorée jusqu’à revêtir un caractère nettement hypochondriaque, Mr H. conservant un mois après son “ opération ”
la conviction erronée d’avoir une maladie auto-immune ou un cancer du côlon. Les revendications à l’adresse de
l’équipe médicale, quant à elles, se sont amplifiées.
Pour effectuer ce relevé sémiologique, vous devez vous référer explicitement à une classification nosographique
(classique, DSM, CIM) mais à l’examen uniquement au cours de A. Plagnol. En effet, les sujets ont été pensés de
sorte à ce que vous puissiez identifier trouble et personnalité sur la foi du cours qui contient, les concernant, tous les
éléments dont vous aurez besoin. Cependant, s’agissant de l’effectuation de ce devoir, il vous fallait faire, à partir
d’une intuition possible, quelques recherches, A. Plagnol ne caractérisant pas l’hypochondrie dans son cours (il la
mentionne seulement.). S’il l’avait décrite, il se serait référé à la sémiologie classique comme suit :
Sur le plan sémiologique, on relève, selon la nosographie classique (Lévy-Soussan, 1994), les symptômes suivants :
-Une préoccupation exagérée apportée à sa santé avec une introspection permanente. Cette préoccupation
déclenche d’ailleurs une vive angoisse et des revendications quand elle atteint son acmé (cf. l’épisode des urgences).
Une nosophobie constante et la revendication d’une surveillance continue et de soins médicaux. Ainsi, les demandes
d’examens de Monsieur H. : coloscopie de contrôle 15 jours après la première, ponction lombaire, I.R.M, etc. ne sont
pas fondées et témoignent plutôt de sa crainte irrépressible de souffrir d’une autre pathologie que celle qui a été
détectée et traitée (les polypes).
-La certitude d’être malade malgré les arguments du médecin, “ Je ne suis pas du tout rassuré… parce que
des polypes seulement, je n’y crois pas… ”.
L’appropriation du discours médical et de la position du médecin. Monsieur H. emprunte ainsi beaucoup à la
terminologie médicale et n’hésite pas à faire son propre diagnostic ni à prescrire des examens.
Une incapacité à être rassuré.
Si vous aviez opté pour le DSM IV-TR : Hypochondrie F45.2 (300.7)
Préoccupation centrée sur la crainte ou l’idée d’être atteint d’une maladie grave, fondée sur l’interprétation
erronée par le sujet de symptômes physiques. M.H. a la conviction erronée d’avoir une maladie auto-
immune ou un cancer du côlon.
La préoccupation persiste malgré un bilan médical approprié et rassurant. “ Je ne suis pas du tout rassuré…
parce que des polypes seulement, je n’y crois pas… ”.
La croyance exposée dans le critère A ne revêt pas une intensité délirante (comme dans le Trouble délirant,
type somatique) et ne se limite pas à une préoccupation centrée sur l’apparence (comme dans le Trouble :
peur d’une dysmorphie corporelle).Nous ne savons pas si Monsieur H. reconnaît que sa préoccupation est
excessive ou déraisonnable. Cela, devrait être investigué dans un entretien ultérieur. Cependant, sa
croyance ne revêt pas une intensité délirante et il ne présente pas de sentiment de persécution. Il pense que
les médecins sont incompétents mais il ne leur prête pas d’intention malveillante à son égard.
La préoccupation est à l’origine d’une souffrance cliniquement significative ou d’une altération du
fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. M.H. Reste dans une angoisse
massive, et s’avoue lui-même « trop stressé pour travailler » raison pour laquelle il souhaite faire prolonger
son arrêt de travail.
La durée de la perturbation est d’au moins 6 mois. Non, le trouble de M.H. ne dure que depuis un mois, nous
devons donc réserver encore notre diagnostic, cependant eu égard à ses connaissances médicales, nous
pouvons supposer que son fonctionnement hypochondriaque est ancien.
La préoccupation n’est pas mieux expliquée par une Anxiété généralisée, un Trouble obsessionnel –
compulsif, un Trouble panique, un Episode dépressif majeur, une Angoisse de séparation ou un autre
Trouble somatoforme. L’anxiété de M.H. est focalisée uniquement sur la crainte d’avoir une maladie grave.
Nous n’avons aucun élément indiquant la présence d’obsessions ou de compulsions. M.H. ne présente ni
réelle humeur dépressive ni perte d’intérêt. Il ne fait pas montre non plus d’une angoisse de séparation de
l’ordre du trouble ni d’un autre trouble somatoforme. Quelle que soit la nosographie choisie pour ce devoir
(je vous rappelle encore une fois que celle de A. Plagnol vous est imposée à l’examen) vous deviez
transformer les signes en symptômes donc lister les items tels qu’ils sont énoncés dans la nosographie puis
en justifier la présence par des éléments de la vignette ou en signaler l’absence.
Complément de cours sur l’hypochondrie :
L’hypochondrie est la préoccupation exagérée, ou sans fondement, apportée à la santé de soi-même avec
introspection permanente et analyse des moindres signes fonctionnels. La nosophobie (phobie des maladies) est
constante et entraîne une conduite de revendication d’une surveillance continue ou de soins médicaux. Elle peut
être d’origine névrotique, psychotique (paranoïa, il y alors sentiment de persécution qui s’exprime généralement de
façon très virulente par le sentiment d’avoir été négligé, mal soigné… et par des revendications irréalistes,
délirantes); schizophrénique (avec des thèmes de possession corporelle); thymique (syndrome de Cotard) ; ou
organique (syndrome démentiel avec thématique d’empoisonnement, de persécution). L’hypochondrie d’origine
névrotique (c’est le cas concernant M.H.) est donc caractérisée par l’association d’une nosophobie, d’une
préoccupation concernant le fonctionnement corporel et d’une revendication vis à vis du corps médical,
constamment mis en échec par le sujet « vous êtes tous nuls ! ». Dans ce cas, elle peut s’associer à une névrose ou
exister isolément et être l’expression d’une problématique névrotique sous-jacente, expression directe des
mécanismes de défense du moi. (Lévy-Soussan, 1994)
Sémiologie de la personnalité :
Il s’agit, là aussi, de transformer les signes en traits de personnalité donc de lister les items tels qu’ils sont énoncés
dans la nosographie puis d’en justifier la présence par des éléments de la vignette ou d’en signaler l’absence.
En deçà de l’hypochondrie de Mr H., nous relevons chez ce dernier un certain nombre de traits de personnalité
pathologique selon la nosographie classique (Plagnol) :
un besoin de contrôle : M.H semble avoir un grand besoin de contrôle perceptible dans sa volonté de «
gérer » son travail, de décider seul du sort des maquettes qui ne le satisfont pas ou répugner à l’éventualité
que l’on touche à ses affaires.
un goût pour l’ordre : Il dit qu’il ne supporterait pas que l’on touche à ses affaires et qu’il lui faudrait une
femme comme sa mère, très ordonnée.
un entêtement : M.H fait preuve d’un entêtement concernant ses exigences d’examens médicaux et de
perfection quant à ses maquettes qu’il jette malgré l’avis de son père si elles lui semblent ratées. Il paraît
également refuser d’aller plus vite dans son travail pour respecter les délais au risque (au regard de ses
exigences) de faire moins bien.
un certain formalisme : au regard de la façon dont il convient, selon lui, de se comporter.
une méticulosité : M.H semble avoir une prédilection pour les activités –professionnelles, de « loisir »- qui
exigent une grande méticulosité et qualifie son père de moins méticuleux que lui.
une incapacité à la détente : Mr H. semble se partager exclusivement entre son travail d’architecte et une
activité – les maquettes – qui de par sa nature, sa régularité, son ampleur, paraît prendre une place bien
différente dans son économie psychique que celle que devrait avoir un loisir. Il en parle d’ailleurs comme
d’une “ discipline ».
une pauvreté des affects et de la sensualité : M.H. outre qu’il ne manifeste que peu d’affects dans son
discours hormis l’anxiété et l’agressivité, est célibataire et ne fait mention d’aucun ami.
une tendance à l’intellectualisation : M.H a tendance à généraliser ses conduites (faire bien quelles que
soient les circonstances
Ou si vous aviez choisi le DSM IV-TR :
Des traits afférents à une personnalité obsessionnelle compulsive, dont le mode général (est la) préoccupation pour
l’ordre, le perfectionnisme, et le contrôle mental et interpersonnel, aux dépens d’une souplesse, d’une ouverture et
de l’efficacité qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent
au moins quatre des manifestations suivantes" :
- préoccupations pour les détails, les règles, les inventaires, l’organisation ou les plans au point que le but principal
de l’activité est perdu de vue M.H paraît se préoccuper des détails au point de perdre de vue les délais de rendu de
son travail ou au point (concernant ses maquettes) d’en oublier qu’il s’agit a priori d’un moment
plaisant à partager avec son père.
- Perfectionnisme qui entrave l’achèvement des tâches (p. ex., incapacité d’achever un projet parce que des
exigences personnelles trop strictes ne sont pas remplies) Mr H. déclare avoir des difficultés à rendre son travail à
temps “ je ne peux pas faire vite et bien, il faut choisir ”. Ce trait de personnalité, sans doute partagé par son père
expliquerait alors que Mr H. et ce dernier n’aient pas achevé ce projet de maquettes alors même qu’ils y travaillent
de conserve tous les dimanches depuis quatre ans.
- Dévotion excessive pour le travail et la productivité à l’exclusion des loisirs et des amitiés (sans que cela soit
expliqué par des impératifs économiques évidents) Mr H. semble se partager exclusivement entre son travail
d’architecte et une activité – les maquettes – qui de par sa nature, sa régularité, son ampleur, paraît prendre une
place bien différente dans son économie psychique que celle que devrait avoir un loisir. Il en parle d’ailleurs comme
d’une “ discipline ”. De plus, Mr H. se présente comme étant très isolé.
- Est trop consciencieux, scrupuleux et rigide sur des questions de morale, d’éthique ou de valeurs (sans que cela soit
expliqué par une appartenance religieuse ou culturelle) M.H. s’impose des règles auxquelles il s’interdit de déroger
quitte à se mettre en retard dans son travail. « Je ne peux pas faire vite et bien. » « Je n’ai pas le choix, il faut que je
termine ce projet et je tiens à ce que ce soit bien fait, sinon ce n’est pas la peine. »
- Réticence à déléguer des tâches ou à travailler avec autrui, à moins que les autres ne se soumettent exactement à
sa manière de faire les choses. Mr H. déclare à propos de son travail “ cela se passe bien, surtout si c’est moi qui
gère… ”et admet ne pouvoir vivre avec une compagne parce qu’il “ a trop de manies et n’aime pas que
l’on touche à ses affaires ”.
- Se montre rigide et têtu M.H fait preuve d’un entêtement concernant ses exigences d’examens médicaux et de
perfection quant à ses maquettes qu’il jette malgré l’avis de son père si elles lui semblent ratées. Il paraît également
refuser d’aller plus vite dans son travail pour respecter les délais au risque (au regard de ses exigences) de faire
moins bien.
La sémiologie des mécanismes de défense :
Il s’agissait ici de les lister simplement sans en éclairer la valeur dynamique ni préciser le mécanisme
préférentiellement utilisé. Je vous en rappelle (ou complète) les définitions (certaines diffèrent de celles proposées
dans le cours dans le dessein que vous vous basiez sur celles qui « vous parlent » le plus.) mais il est inutile de les
fournir à l’examen. Vous devez cependant les connaître pour pouvoir identifier les mécanismes de défense utilisés
par le sujet de la vignette clinique.
Les principaux mécanismes de défense utilisés par Mr H. sont :
Le déplacement : « Processus par lequel l’investissement libidinal est transféré d’une représentation
mentale à une autre image plus neutre, reliée à la première par une chaîne associative symbolique. » (Lévy-
Soussan, 1994)
La formation réactionnelle : « Processus par lequel l’investissement libidinal inacceptable est maîtrisé par
l’exagération de la tendance opposée. (…) Les formations réactionnelles peuvent modifier la personnalité à
l’opposé de ses tendances inconscientes. Par exemple, la sollicitude chez l’obsessionnel est une formation
réactionnelle contre la cruauté anale. La surpropreté et la méticulosité sont une formation réactionnelle de
l’agressivité qui s’exprimerait spontanément par des accès de désordre et de saleté chez les sujets à
personnalité obsessionnelle dont le caractère anal constitue le fond. Ce caractère anal (lié aux fixations au
stade anal) se décompose en tendances anales pures (amour de l’ordre, avarice, obstination, angoisse de
séparation, collectionnisme, procrastination, hostilité à la nouveauté, volonté de puissance, lutte contre
l’autorité etc.) et en formations réactionnelles (tendance aux cadeaux, soumission, témérité etc.) et
sublimations contre ces tendances. » (Lévy-Soussan, 1994) Bien entendu, les formations réactionnelles ne
sont pas le seul fait des personnalités obsessionnelles. Je vous donne ces exemples pour vous éclairer sur le
cas de M.H.
L’intellectualisation : « Recours à l’abstraction et à la généralisation face à une situation conflictuelle qui
angoisserait trop le sujet s’il reconnaissait y être personnellement impliqué. » Il s’agit de considérer les
choses dans l’abstrait, à distance de soi-même. Il y a substitution de la logique, de l’objectivité aux émotions
et pulsions. (Ionescu et al. 1997)
La rationalisation : « Justification logique, mais artificielle, qui camoufle, à l’insu de celui qui l’utilise, les vrais
motifs (irrationnels et inconscients) de certains de ses jugements, de ses conduites, de ses sentiments, car
ces motifs véritables ne pourraient être reconnus sans anxiété. » (Ionescu et al. 1997) L’intellectualisation et
la tendance à rationaliser l’ensemble des conduites ou des pensées permettent à l’obsessionnel d’éviter tout
débordement affectif.
L’isolation : « Processus par lequel une représentation est isolée de la charge affective qui lui est attachée. »
(Lévy-Soussan, 1994)
La sublimation : « Processus postulé par Freud pour rendre compte d’activités humaines apparemment sans
rapport avec la sexualité, mais qui trouveraient leur ressort dans la force de la pulsion sexuelle. La pulsion
est dite sublimée dans la mesure où elle est dérivée vers un nouveau but non sexuel et où elle vise des
objets socialement valorisés (création artistique, activité intellectuelle, etc.) » (Laplanche et Pontalis, 1967).
L’idéalisation : "Processus psychique par lequel les qualités et la valeur de l'objet sont portées à la
perfection. L'identification à l'objet idéalisé contribue à la formation et à l'enrichissement des instances dites
idéales de la personne (moi idéal, idéal du moi)." (Laplanche, Pontalis, 1967).
Le déni : « Action de refuser la réalité d’une perception vécue comme dangereuse ou douloureuse pour le
moi. » (Ionescu et al. 1997)
La projection : « Processus par lequel les représentations internes intolérables sont rejetées et ressenties
comme venant de l’extérieur de soi. » (Lévy-Soussan, 1994)
Le clivage d’objet (ou des valeurs) : « Action de séparation, de division (…) de l’objet sous l’influence d’une
menace, de façon à faire coexister les deux parties ainsi séparées qui se méconnaissent sans formation de
compromis possible. » (Ionescu et al. 1997). Le sujet peut cliver l’objet mais aussi cliver le monde en bons et
mauvais objets (ex : une mère bonne, un père mauvais).
L’identification : « processus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut
de l’autre et se transforme, totalement ou partiellement, sur le modèle de celui-ci. La personnalité se
constitue et se différencie par une série d’identifications ». (Laplanche, Pontalis, 1967).
Hypothèses diagnostiques :
Sur le trouble : Au vu des symptômes relevés M.H. semble souffrir d’une hypochondrie ou à tout le moins un
épisode hypochondriaque si l’on tient compte du fait que son trouble, autant qu’on le sache, n’est présent que
depuis un mois. Il en présente, en effet, tous les signes cliniques selon la nosographie classique et cinq des six
critères qui permettent de la diagnostiquer selon le DSM IV-TR.
Sur la personnalité : Au vu des traits de personnalité relevés M.H paraît présenter, selon la nosographie classique,
une personnalité obsessionnelle à nette prédominance du pôle anankastique. On identifie, en effet, traits sur
relevant de ce pôle et un trait renvoyant au pôle psychasthénique ; ou selon le DSM IV-TR une personnalité
obsessionnelle-compulsive puisqu’il fait montre de six des manifestations qui autorisent à la diagnostiquer sur huit ;
les deux manifestations manquantes étant : Incapacité de jeter des objets usés ou sans utilité même si ceux-ci n’ont
pas de valeur sentimentale et se montre avare avec l’argent pour soi-même et les autres ; l’argent est perçu comme
quelque chose qui doit être thésaurisé en vue de catastrophes futures.
Diagnostic différentiel (sur le trouble) : Il convient pour chaque trouble envisagé –lequel ne peut l’être que sur la foi
d’un doute raisonnable (par exemple ne serait-ce qu’en raison de son âge, on n’envisagera pas ici un début de
schizophrénie chez M.H. qui, par ailleurs, n’en manifeste aucun symptôme)- d’expliquer clairement pourquoi on
pourrait penser à ce trouble mais pourquoi on ne le retient pas.
Compte tenu des douleurs persistantes de M.H nous pourrions penser à une conversion somatique, cependant,
étant donné l’absence de théâtralisation, de séduction et de belle indifférence et eu égard au bilan médical initial
positif nous écartons la conversion. M.H. souffre plus probablement de douleurs séquellaires majorées par son
angoisse hypochondriaque.
De même, nous écartons le Trouble somatisation car nous n’avons pas connaissance d’antécédents de plaintes
somatiques multiples ayant débuté avant les trente ans de M.H. Par ailleurs, Monsieur H. ne répond pas tout à fait
aux caractéristiques du patient psychosomatique qui se signale, entre autres par son laconisme et ses descriptions
opératoires des troubles. Mr H. donne plutôt une description très imagée de ses symptômes, mais il semble
cependant peu en lien avec sa vie fantasmatique : ce point reste donc à investiguer, ainsi que celui du contexte
d’apparition des polypes (événement traumatique ?), car en l’absence de ces informations, leur étiologie demeure
relativement opaque. Nous ne disposons donc pas d’éléments nous autorisant à diagnostiquer une maladie
psychosomatique.
Enfin, nous pouvons également éliminer le trouble factice, M.H. ne pouvant être tenu pour responsable de ses
polypes et ses douleurs et sa constipation ne relevant pas de pathomimies. Au vu de ses symptômes et nonobstant
sa pathologie organique avérée, Monsieur H. semble donc présenter une hypocondrie.
Approche des processus psychiques :
Cette analyse est à effectuer en vous appuyant sur l’approche structurelle de Bergeret. Vous devez déduire le type
de structure ou d’organisation du patient à partir de l’ensemble des critères et non sur la foi d’un seul d’entre eux ni
non plus en fonction de la nature du trouble (d’autant qu’ici, il s’agit d’une hypochondrie, laquelle comme
susmentionné, peut apparaître dans toute structure ou organisation et chez tout type de personnalité) ou de celle
de la personnalité que vous avez diagnostiqués préalablement chez le sujet même si ces derniers peuvent vous
orienter. J’attends pour l’examen que vous justifiiez chaque critère sans que votre analyse soit nécessairement très
fouillée. Elle doit cependant être pertinente et cohérente. L’analyse que je vous propose ne prétend pas à
l’exhaustivité, elle est destinée à vous éclairer sur la façon de procéder et sur les liens qu’entretiennent les différents
critères examinés entre eux. Certains points pourraient faire l’objet de discussions et l’analyse globale pourrait, bien
entendu, être enrichie.
Conflit : Il semble opposer le moi aidé d’un surmoi très exigent et critique voire sadique (destruction des maquettes)
et d’un idéal du moi particulièrement prescriptif (ne visant rien de moins que la perfection) au ça. Il s’agit donc d’un
conflit désir/censure. Le moi et le surmoi n’ayant de cesse de lutter contre les pulsions libidinales (il semblerait
qu’une relation amoureuse ne puisse être autorisée, et que le laisser-aller a fortiori le plaisir soient proscrits : le loisir
est vécu comme une discipline) et agressives de M.H. ( qui laisse passer une part de son agressivité notamment
envers la gent masculine mais en retourne une autre part contre lui : en détruisant ses maquettes « ratées » en
s’infligeant des angoisses massives et en se martyrisant via son perfectionnisme) en lien avec sa problématique
œdipienne non résolue.
Angoisse : Il s’agit manifestement d’une angoisse de castration (ou de culpabilité) en lien avec la fixation oedipienne
de M.H. sur sa mère et l’interdit de l’inceste qu’il a néanmoins intériorisé. Cette angoisse s’exprime chez lui par la
crainte de l’échec (« On me reproche souvent le temps que je prends, ça, c’est un échec… », « Mais l’échec, ç’aurait
été de les garder justement. » et de ce qui pourrait nuire à son intégrité corporelle (préoccupations
hypochondriaques).
Relation d’objet : Elle est génitale (ou intersubjective) car Autrui est bien perçu dans son altérité, comme sujet
distinct mais sur fond de problématique œdipienne non résolue. Ainsi, M.H idéalise-t-il sa mère qu’aucune femme
ne peut manifestement égaler et se positionne-t-il en rivalité avec son père, qualifié de moins méticuleux que lui et
sur lequel il exerce une certaine domination (rejeton de l’agressivité inconsciente qu’il conçoit à son égard) en
détruisant leurs maquettes « ratées » contre la volonté de ce dernier. Cette problématique œdipienne que M.H.
tente probablement inconsciemment de résoudre en se rendant tous les dimanches chez ses parents l’empêche
logiquement de nouer une relation amoureuse avec une autre femme, la gent féminine étant nécessairement
disqualifiée au regard de « la perfection maternelle » et paraît lui compliquer l’entretien de relation amicales ou
seulement aconflictuelles avec des hommes qui à l’instar de son père et par extension semblent être perçus comme
des rivaux (médecins incompétents, collègues dont il préfèrerait se passer, frères tout juste mentionnés).
Mécanismes de défense : Le moi de M.H. a recours à un certain nombre de mécanismes de défense afin contenir ses
pulsions et ses angoisses. Lesquels mécanismes de défense se sont récemment trouvés débordés comme en
témoigne l’hypochondrie qu’il présente. Ainsi, nous repérons chez lui l’utilisation :
Du déplacement et de la projection constitutifs de sa nosophobie. Il projette également (implicitement) son
propre sentiment d’incompétence sur ses collègues et (explicitement) sur les médecins.
De la rationalisation et de l’intellectualisation apparentes notamment dans le propos qu’il tient sur les motifs
de son célibat (expliqué entre autres par sa difficulté à trouver la perle rare et l’importance de ses manies.)
De l’isolation comme en témoignent les pauses qu’il fait dans son discours après l’évocation de ce qui peut
l’angoisser (rectocolite hémorragique, incompétence du médecin, échec…)
De l’identification à sa mère décrite comme ordonnée.
De l’idéalisation de cette même mère qui représente une perle rare introuvable et avec laquelle aucune
femme ne peut rivaliser.
De la sublimation de ses pulsions agressives et libidinales dans son activité de fabrication de maquettes,
qualifiée « d’art ».
De la formation réactionnelle, sa méticulosité et son besoin d’ordre pouvant s’entendre comme l’expression
d’une tendance contraire au désordre et au laisser-aller voire à la saleté.
Du déni de son état de santé réel. Nonobstant ses craintes, il n’a pas de maladie grave. Du clivage d’objet (ou
des valeurs) car le corps médical se partage entre les mauvais objets (les médecins qu’il a vus, trop jeunes,
incompétents etc.) et les bons objets (les vrais spécialistes qu’il n’a pas encore rencontrés).
M.H semble donc utiliser préférentiellement le refoulement (des pulsions qui contreviennent aux exigences
de son surmoi) essentiellement observable via ses déclinaisons.
Diagnostic : structure névrotique.
Conclusion : proposition thérapeutique
Vous n’aurez pas à renseigner cette rubrique à l’examen. Pour vous familiariser avec les indications thérapeutiques,
vous pouvez consulter l’ouvrage de Dumet ou un guide des psychothérapies (il en existe plusieurs).
La psychologue devra investiguer nombre de secteurs dans les entretiens ultérieurs, et notamment ceux relatifs aux
antécédents personnels et familiaux de Mr H., à sa capacité à mentaliser, à sa vie affective et sexuelle etc. Mais elle
devra s’assurer auparavant de l’existence d’une demande chez le patient et obtenir son adhésion pour la poursuite
d’un travail thérapeutique. Notons que le manque de mobilité psychique de M.H. n’est pas de très bon pronostic.
Cependant, celui-ci est peut-être lié à la crise que le patient traverse et au fait que l’angoisse mobilise une grande
part de son économie psychique. Au delà des angoisses hypochondriaques, si le patient parvenait à formuler une
véritable demande, une thérapie verbale de type psychodynamique pourrait permettre de travailler la
problématique œdipienne, de même qu’une analyse, bien entendu, mais il conviendrait dans les deux cas de veiller à
ce qu’elles ne laissent pas le champ libre à la propension à l’intellectualisation de M.H. qui aurait évidemment valeur
de résistance. S’il s’agissait de l’aider essentiellement à mieux gérer ses angoisses, nous pourrions éventuellement
envisager une thérapie comportementale-cognitive. En revanche, du fait de son hypochondrie qui s’accompagne
nécessairement d’une écoute vigilante de ses signaux corporels, la relaxation ou une thérapie corporelle seraient
contre-indiquées.