Sociologie Du Travail Cours Complet
Sociologie Du Travail Cours Complet
Gerhard Krauss
[email protected]
CM : examen terminal
TD : contrôle continu
Introduction
Les seniors (personnes ayant atteint la cinquantaine) : pendant les années 1990, en France, il y a la
mise en place du système de pré-retraite. On constate que le taux d'activité des seniors baisse
continuellement. Lorsque l'on compare différentes sociétés, les taux d'activité de cette classe d'âge
varient énormément.
Avant en France : image très positive de la vieillesse → expérience
Maintenant en France : image assez négative.
Traditionnellement, les taux d'activité des personnes âgées étaient très élevés dans la société japonaise.
Dans les pays du Nord, on favorise davantage l'accès à l'emploi des seniors.
Des étude sociologiques récentes portent sur toute la période qui précède le départ en retraite.
Comment vivent / travaillent les gens quand ils approchent l'âge de la retraite ?
Jusque dans les années 1950, en France, c'était le modèle traditionnel qui était dominant : les
femmes restaient à la maison pour s'occuper des enfants. Lorsque c'est devenu la norme, il y a eu une
forte pression sur les femmes puisqu'elles doivent à présent chercher un emploi.
La sociologie du chômage : nous allons aborder le chômage en tant que phénomène de société ;
fruit d'une construction sociale et historique. Comment définit-on le chômage ? Comment doit-on le
définir ? On parle de chômage uniquement parce qu'on pense que ce n'est pas normal d'être privé
d'avoir une activité professionnelle. Or, dans le passé, des sociétés ont pendant très longtemps
pensé que c'était normal que le travail soit discontinu. L'idée qu'il existe une catégorie de
chômeurs émerge seulement à partir du moment où on commence à penser que le travail continu
est normal, autrement dit, c'est normal que la majorité de la population ait un CDI. C'est lié à
l'émergence de la société salariale. On va distinguer les pauvres / assistés et les chômeurs. Il va
falloir traiter différemment les chômeurs. Cette catégorie de chômeurs est sans arrêt définie et
redéfinie par les pratiques. Les statisticiens contribuent à faire exister de phénomène. Il y a toujours
un débat où on a à traiter le problème du chômage. Combien de temps doit-on verser l'allocation
chômage ? Quel doit être le montant de cette allocation ?
On peut considérer que le chômage est une institution de la société, car c'est un statut qui a été créé.
Nous allons nous intéresser aussi au vécu du chômage. Comment les chômeurs vivent le chômage ?
Les études ont relevé que les chômeurs peuvent vivre le chômage de façon très différente. Une
première étude pionnière a été réalisée au début des années 1930 (explosion du chômage). Des
sociologues autrichiens ont étudié un village près de Vienne où existait une usine. L'usine a fermé et
quasiment toute la population a perdu son emploi du jour au lendemain. Ils ont étudié comment les
Quel est l'effet du chômage sur la vie quotidienne des gens et sur leurs comportement ?
On constate que le chômage a un effet très déstabilisateur pour la vie sociale des gens. On remarque
que les chômeurs perdent leur repère temporel car ils n'ont plus de routines. Ils font moins
d'activités. Comme le chômage signifiait la pauvreté pour la majorité de la population, on avait
décidé dans la commune de rendre gratuite les prestations telles que la bibliothèque. On aurait pu
penser que les chômeurs, étant donné qu'ils avaient du temps, participaient à la politique, la vie
associative. En vérité, quand on devient chômeur, l'activité sociale diminue.
A partir des années 1980-90, la fille de Raymond Aron, Dominique Schnapper, a travaillé sur le
vécu du chômage et a distingué différentes catégories de chômeurs.
Les sociologues du travail se sont intéressés aux ouvriers, à la capacité des ouvriers à contribuer à
l'organisation de l'environnement du travail, à la défense de l'autonomie du travail ouvrier face à
l'organisation taylorienne, l'organisation managériale.
La sociologie du travail a occupé une place centrale en Europe, en Amérique latine. Elle a représenté
une sociologie de l'acteur, c’est-à-dire qu'elle part des conflits et des possibilités de l'acteur dans le
monde du travail. La sociologie du travail peut se définir comme l'étude des acteurs d'une société
productive.
La première phase de développement était l'étude dans les sociétés industrielles, des luttes des
entrepreneurs et des managers avec les salariés pour donner forme sociale à la rationalisation suite à
l'approche de Taylor. Parmi les principaux thèmes que l'on peut voir émerger dans la sociologie du
travail, il faut évoquer l'étude des politiques patronales, l'étude des conduites ouvrières et
l'organisation informelle des ateliers.
Cette première phase de développement peut être située au 19ème mais elle s'est développée
surtout avant la 1ère Guerre Mondiale, notamment aux USA et après la 2ème Guerre Mondiale,
notamment en France, en Belgique et en Italie (pays qui vivaient un développement, une
renaissance industrielle accélérée).
Aux USA, c'est plutôt la sociologie des professions et la sociologie des organisations qui se sont bien
développées. Le domaine des rapports de production et des mouvements sociaux n'attiraient pas
autant l'intérêt des sociologues.
On constate que les milieux ouvriers sont en déclin. Le mouvement ouvrier, dorénavant, commence
à être remplacé par d'autres mouvement sociaux (féministes, étudiants, écologistes) selon Touraine.
A partir des années 1970, on constate une différenciation croissante et rapide du champ de la
sociologie du travail. Ainsi, par la suite, il y a au moins quatre domaines d'études différents qui se
sont constitués dans le cadre de cette fragmentation. Ils étaient en même temps séparés des uns et des
autres :
-La sociologie des organisations commence à connaître un certain succès de la 2ème moitié des
années 1970, notamment avec la publication de l'ouvrage théorique L'acteur et le système, 1977.
-L'étude de la régulation des rapports sociaux par des négociations, des contrats, des interventions
légales. Ces négociations sont considérées comme des processus politique dont la fonction principale
était de gérer des changements.
-La sociologie des professions, c’est-à-dire l'étude des contrôles exercée par un groupe professionnel
sur l'exercice de son activité. Chaque groupe professionnel s'auto-organise. L'aspect le plus important
était la découverte des liens entre les stratégies de défense professionnelle et les interventions de l’État
→ néo corporatisme.
-Les études sur la vie ouvrière influencée par l'ethnologie et la géographie humaine.
La sociologie du travail conserve toujours son caractère empirique. Ce qui semble manquer, ce sont
des catégories analytiques plus abstraites. Il faudrait arriver à remplacer les catégories qui
correspondent à des réalités sociales (travail, entreprise) par des catégories plus analytiques. Selon
Touraine, on ne peut pas défendre l'utilité et l'existence d'une sociologie du travail si on ne peut pas
en donner une définition moins concrète et plus analytique.
Depuis les années 1970, s'est répandue l'idée que l'on serait passé d'une société de production à
une société de consommation, plus précisément d'une sociologie du travail à une sociologie de
l'emploi. Pour Touraine, cela correspond à passer d'une sociologie de l'action et des acteurs à une
sociologie du système.
Selon la critique de Touraine, on perd de vue le rôle de l'acteur et de l'action au bénéfice d'une
perspective plus systémique. C'est en conflit avec la conception de la sociologie du travail classique,
qui affirme au contraire, que la situation du travail n'est pas un statut ou des rôles professionnels.
On ne vit plus dans une société de production classique mais dans une économie de marché. On est
face à des flux ou des réseaux mondialisés. Il devient difficile de défendre une autonomie
professionnelle. La question d'autonomie au travail est difficile à étudier. On est confronté au
phénomène de la précarité, à des situations difficiles à classer.
On constate que les industries culturelles jouent un rôle de plus en plus important de nos jours.
Cela contribue à faire changer le caractère du travail. De plus en plus d'emplois sont créés dans les
secteurs culturels et créatifs. La sociologie du travail continue à représenter la société comme un
ensemble de relations de pouvoir à travers lesquelles les techniques se transforment en forme
d'organisation sociale. C'est à travers le travail que les individus existent dans la société. C'est grâce
au travail qu'on obtient une reconnaissance sociale dans la société. Le travail est extrêmement
important dans notre société contemporaine. On peut concevoir le travail comme la participation
conflictuelle à un instrument de transformation du monde. La sociologie du travail reconnaît que le
travail produit la société.
A l'opposé des sociologues des organisations américaines, les sociologues du travail français
voulaient comprendre la volonté de la classe ouvrière.
Après la guerre (1950), les premières analyses sociologiques de la société salariale portaient sur
le travail à la chaîne (cf. Le Travail en miette). Le travail industriel attirait l'attention de ces
sociologues.
Friedman et Naville sont deux sociologues qui ont marqué l'émergence de la sociologie du travail
en France. Dans Le traité de sociologie du travail que ces deux auteurs codirigent, ils nous proposent
deux définitions de la sociologie du travail qui différent l'une de l'autre :
→ Friedman : « C'est l'étude, sous leurs divers aspects, de toutes les collectivités humaines qui se
constituent à l'occasion du travail. » La sociologie du travail étudie les rapports sociaux du travail.
→ Naville : « Les déterminants du travail relèvent également de situation hors travail. » On ne peut
pas se limiter uniquement au champ du travail. Il faut prendre en considération que des situations
hors travail ont une influence dans ce domaine.
Pour ces deux auteurs, la sociologie du travail domine la sociologie en France. La publication du
Traité de la sociologie du travail (1962) était une étape importante. Ce traité était l'aboutissement des
travaux réalisés après la guerre de ces deux auteurs. Il présentait les nouveaux champs de recherches
qui contribuaient au renouveau de la sociologie française après la guerre. Ce renouveau se
caractérisait par une pratique de terrain et par le recours à des méthodes d'enquêtes quantitatives par
questionnaire.
Après la 1ère Guerre Mondiale, la sociologie en France était en déclin. La plupart des durkheimiens
avaient disparu. Après la 2nde Guerre Mondiale, les survivants de l'école durkheimienne n'avaient
pas réussi à ressusciter cette école.
Ouvrage de Gremon et Piotet : codirigeaient un ouvrage sur Friedman. Ces deux auteurs rappellent
qu'au lendemain de la 2ème Guerre Mondiale, il y avait 4 postes de prof de sociologie (1 poste à
Bordeaux, 2 postes à Paris, 1 poste à Strasbourg). Lorsque Friedman prend la direction du centre
d'études sociologie à Paris, il reçoit la mission de le transformer en véritable laboratoire et à partir de
là, il développe le domaine sociologique. Au centre d'étude sociologie se constitue le 1er noyau de la
sociologie du travail à partir de la recherche. On va accorder un rôle central aux enquêtes empiriques.
La sociologie du travail se référera à la psychologie du travail et aux enquêtes réalisées par l'école
des relations humaines. Il s'agit de premières grandes enquêtes de terrain basées sur des
questionnaires standardisés.
Selon l'analyse de Friedman, le milieu technique modifierait les rapports au Monde de l'Homme
moderne. Les transformations auraient un impact sur les rapports sociaux.
La figure centrale de Friedman était l'ouvrier qualifié, de sexe masculin, syndicalisé, travaillant dans
une grande entreprise. Il peut être considéré comme une figure centrale de la renaissance de la
sociologie d'après guerre. Parmi les disciples de Friedman, certains sont devenus de grands
sociologues par la suite. Ils se sont spécialisés.
→ Alain Touraine : a travaillé sur le travail des ouvriers dans les usines Renault.
→ Reynaud : a travaillé sur les relations industrielles, sur les grèves de 1968. A élaboré une théorie
de la régulation sociale à partir de ses travaux menés sur la négociation.
→ Henri Mendras : a travaillé sur les paysans.
→ Naville : a entrepris une grande enquête sur l'automation. Ses résultats ont été publiés en 1954.
D'un point de vue historique, on peut constater qu'aux USA, les sciences sociales, dans le domaine
du travail, avaient une certaine ancienneté. On a commencé à réaliser des enquêtes portant sur
l'organisation du travail dès le début du 20ème.
1907 : elle est considérée comme la première grande recherche empirique et systémique qui a été
menée dans les grands magasins, les mines. On s'intéresse au contenu des tâches, aux conditions de
travail, c’est-à-dire au rythme de travail, à la probabilité d'accidents, … On s'intéresse aussi au niveau
de revenu. Dans le cadre de cette première recherche, on a analysé également le rôle des syndicats et
le rôle des contremaîtres dans la distribution des tâches et dans la régulation du travail. On s'intéresse
aussi à la relation entre la famille et le travail, la localité et le travail.
Par la suite, les recherches ultérieures se caractérisent par rapport à cette perspective assez large. Elles
apparaissent presque comme des recherches s'intéressant à des domaines plus étroits. Cette
perspective large va être abandonnée et sera remplacée par une sociologie plus professionnelle, moins
impliquée dans le débat politique.
Le collectif de travail élabore de façon implicite des normes de travail que chaque membres du gr
doit accepté.
Organisation technique : répond aux impératifs techniques. Elle est indépendante de l'organisation
sociale et s'impose à elle comme contrainte.
Pour Mayo : chaque usine, entreprise, atelier est un système social. Ce système social est en relation
avec son environnement.
Il s'agit de rendre compatible l'organisation sociale et l'organisation technique. Le système social est
considéré comme transformable.
C'est sur la base de ces travaux menés à Haw thorne que naît le mouvement des relations humaines.
Mouvement des relations humaines : Cette dynamique se donne pour but de divulguer les résultats
de recherches et d'inventer des modes d'intervention en entreprise. Ce sont des experts qui seront
formés à l'université.
Critiques :
1) Le pouvoir de négociation des agents de maîtrise n'a pas été pris en compte par l'école des relations
humaines. Elle concevait l'organisation comme un système harmonieux, avait perdu de vue que
d'autres variables jouaient un rôle important.
2) L'école des relations humaines pensait que la cohésion sociale favorisait la performance. Les
groupes cohésifs vont se caractériser par un haut niveau de coopération. Or, les chercheurs des
relations humaines ont perdu de vue que les ouvriers pouvaient se syndicaliser. Ils n'ont pas pris en
compte que les groupes cohésifs ne sont pas forcément des groupes coopératifs. Une forte cohésion
sociale ne favorise pas forcément un haut niveau de coopération.
4) Comme les recherches de Mayo sont financées par la direction de l'entreprise, il va avoir tendance
à écarter un certain nombre de variables, notamment tous les éléments de la vie privée. A l'origine,
ces variables étaient prises en compte, ms très vite il les a abandonné car toutes les variables
extérieures à l'entreprise sont des variables sur lesquelles on n'a pas d'emprise dessus. Par conséquent,
on peut dire que ce sont des chercheurs se concentrant sur des variables internes.
A partir des années 1950, d'autres chercheurs mettent en question cette orientation. On montre que ce
n'est pas le style de commandement qui crée un grouope cohésif mais la capacité de négociation
du contremaître pour obtenir des avantages pour les salariés. On découvre l'importance du
pouvoir de négociation. Une telle découverte conduit à examiner les règles formelles et informelles
permettant au contremaître d'obtenir satisfaction pour les salariés.
La différence entre Friedman et Mayo, c'est que Friedman met l'accent sur la force déterminante du
système technique. On conçoit le système technique comme indépendant de toute action réformatrice.
Les contraintes techniques prédominent et on n'arrive pas à adapter le système social de façon
satisfaisante.
Il faut insister sur le point des contradictions entre système technique et système social qui va être au
centre. On constatera que l'évolution des systèmes techniques ont enlevé à l'ouvrier la possibilité de
s'identifier à son travail, d'y trouver satisfaction.
→ cf. Le travail en miettes, Friedman
1946 : Friedman formule sa critique → « La principale faiblesse de l'école des relations humaines,
de cette psychologie de l'entreprise, est de s'enfermer dans l'entreprise considérée comme entité
collective qui poursuit son évolution indépendamment de tous les groupes sociaux. »
La différence entre la sociologie en France et la sociologie aux USA, c'est que la sociologie
industrielle aux USA restera beaucoup plus longtemps qu'en France, considérée comme un domaine
spécialisé de la sociologie des organisations.
Friedman est marqué par les théories américaines. Il s'intéresse à l'ergonomie. Il a une posture très
critique car il est influencé par Marx. Il voit en la rationalisation du travail, un moyen essentiel de
déqualification ouvrière. A cet égard, il se distingue de l'école des relations humaines. Les auteurs de
l'école des ressources avaient dans l'idée que l'on pouvait arranger l'organisation sociale pour l'adapter
à l'organisation technique. Or, pour Friedman, ce n'est pas si simple que cela. Il publie en 1946
Problème humain du machinisme industriel et dans les années 1950 Le travail en miettes. Cette
orientation le conduit à étudier les pathologies liées à l'appauvrissement et la répétitivité des tâches.
Il fait une sociologie du travail qui s'interroge plus largement sur la place de l'ouvrier dans la
société industrielle et sur son avenir. L'approche est centrée sur les conséquences des évolutions
techniques sur le travail.
Le travail en miettes : selon Friedman, l'évolution technique entraîne une diminution des tâches
manuelles d'exécution, une multiplication des tâches d'analyses. Il évoque l'idée que l'appareil de
production devient de plus en plus complexe et ainsi entraîne la perte de responsabilité active et
créatrice de l'ouvrier, au profit des techniciens. Il y a une perte de spontanéité dans le travail.
L'ouvrier est de plus en plus encadré dans le collectif. Ainsi, la responsabilité est nettement distinguée
de l'initiative et l'autonomie. Friedman analyse l'indignation dans le travail, il remarque une
dépersonnalisation du travail qui est éclatée en tâches interchangeables. Il met l'accent sur
l'anonymat, le défaut d'intégration dans l'entreprise, l'absence de participation de la part des
ouvriers. Par rapport à la face antérieure, la nature du travail évolue du travail qualifié au travail
parcellisé et sans responsabilité. Dans son analyse, il a toujours implicitement en tête l'âge d'or de
l'artisanat. Une partie de ses recherches a été réalisée sur le terrain. Il s'agissait d'une époque (années
1940-50) où la participation des travailleurs n'était pas à l'ordre du jour (essor du taylorisme).
Naville était fils d'un banquier de Genève. Il a connu personnellement Trotski. Il écrit ses premiers
ouvrages à la même époque que Friedman. Il part lui aussi d'une analyse des transformation du travail
et de son organisation. Pourtant, son approche et ses conclusions sont très différentes de celles de
Friedman. Il constate une dissociation entre l'organisation humaine et les techniques de
production. Sa spécialité, dans le champ de la sociologie du travail, est l'automation. Pour lui, c'est
une conséquence directe de l'évolution technologique.
Les conséquences de l'automation : la réduction des effectifs dans les entreprises, le chômage, les
transferts de main d’œuvre. Friedman espérait que les machines, l'automation permettrait à l'ouvrier
de retrouver une nouvelle marge de liberté, de revaloriser la qualification de l'ouvrier dans l'entreprise
industrielle.
C'est un thème qui a intéressé de nombreux sociologues du travail. Le concept décrit la capacité de
gouverner selon ses propres règles, décrit jusqu'à quel point on peut accepter les ordres d'un
supérieur et jusqu'à quel point on peut y échapper et donc se gouverner soi-même. L'autonomie est
synonyme d'indépendance. La notion d'autonomie est controversée en sociologie.
Certains auteurs, comme Naville par exemple, mettent l'accent sur l'aliénation (impossibilité
d'autonomie du sujet). L'automation enlève toute indépendance à l'ouvrier. Cette interprétation
contraste avec les analyses d'autres sociologues.
Pour ces autres sociologues, l'autonomie est inaliénable ; c'est une caractéristique essentielle de
l'action humaine. Crozier il refuse tout déterminisme de l'acteur. Cette autre perspective souligne que
les individus sont autonomes par définition. Ainsi, l'explication des phénomènes sociologiques est
-L'autonomie fondée sur le pouvoir : correspond à l'idée d'un acteur stratégique. C'est très
développé dans l'approche de Crozier. Il a démontré que des relations de pouvoirs parallèles
existaient, même dans des organisations bureaucratiques. Certains acteurs au sein de l'organisation
arrivent à augmenter leur pouvoir, et ils deviennent des acteurs autonomes grâce au pouvoir.
-L'autonomie fondée sur le contrôle du processus normatif : selon Gilbert de Terssac, c'est une
façon de contrôler le processus d'action et d'interaction. Les individus se servent de leur autonomie,
non seulement au travail pour échapper au contrôle, mais également pour contrôler le dispositif
normatif en contribuant à poser des règles. Selon l'interprétation, Jean-Daniel Reynaud,
l'informel est une production de règles autonomes. Cela va au-delà de la logique des sentiments.
La production des règles par l'informel ne peut pas se réduire à des règles affectives, communautaires ;
ce sont aussi des règles offensives, sociétaires et orientées vers l'efficacité.
L'autonomie au travail est plus développée que ce que l'on croit. Les sociologues du travail ont
démontré la capacité des travailleurs à s'affirmer comme acteurs. Il existe de multiples espaces
d'autonomie. Il peut exister une très grande différence entre le travail prescrit et le travail réel. Dans
la réalité, les sociologues constatent que les travailleurs et les groupes de travail peuvent
poursuivre de multiples stratégies de résistance.
On découvre que, dans les enquêtes empiriques, il y a énormément d'exemples : régulièrement, dans
chaque entreprise, il y a du vol de la fourniture ; le freinage qui résulte d'une entente ouvrière pour
limiter volontairement la production à un niveau maximale ; le coulage, c’est-à-dire des pertes
provenant de négligence, de gaspillage.
3 raisons :
-On veut permettre à tous les ouvriers d'atteindre la norme commune.
-Le groupe de travailleurs veut affirmer une certaine souveraineté sur les connaissances de son
travail.
-Cela peut être aussi une façon de marquer son appartenance à un groupe.
Autres pratiques :
-Les salariés détournent le matériel de l'entreprise pour fabriquer en dehors des heures de travail
des objets qui n'ont rien à voir avec la production de l'entreprise.
-Certains salariés peuvent faire preuve de leur capacité d'aller au-delà des tâches qui leur sont
assignées. Ce sera dans l'intérêt de l'entreprise.
-Les ouvriers peuvent se débarrasser de certaines pièces à vocation sécuritaire. Ils ne respectent
pas les consignes de sécurité pour se protéger car ça les gène dans leur travail, et sans cette protection,
ils peuvent aller plus vite.
Robert Linhart (sociologue du travail des années 1960) observe un groupe d'ouvriers yougoslave.
Il constate qu'ils sont très unis. Ils vont s'organiser à leur façon et établir un système de forte
coopération qui leur permet de défendre leur autonomie face à la direction et aux supérieurs. Ils
parviennent à contourner sans difficulté les règles édictées par le bureau des méthodes. La maîtrise
laisse faire car le travail est toujours effectué. Ce groupe d'ouvriers parvient à gagner quelques
minutes sur le rythme imposé par la chaîne de production. Un des trois hommes du groupe peut se
permettre de sortir pour aller fumer une cigarette pendant que les autres travaillent. Ces trois ouvriers
ont réussi à organiser les tâches de telle façon que l'un d'entre eux peut cesser le travail pendant
quelques minutes. Ceci est un grand succès sur le plan symbolique. Ce groupe d'ouvriers a vaincu
le rythme, les vitesses et les temps imposés par le bureau des méthodes. Cet exemple illustre une
possibilité parmi d'autres dont disposent les ouvriers pour affirmer une certaine autonomie au
travail.
Autres pratiques : les ruses des ouvriers pour tromper la pointeuse, les pauses rallongées, les
absences illégitimes etc.
On constate que ces transgressions, la plupart du temps, sont volontaires et organisées. Ce n'est pas
un hasard de voir dans l'atelier que les ouvriers gèrent eux-mêmes leur espace de travail. Parfois, ces
transgressions sont inévitables car suivre à la lettre les règles peut empêcher le travailleur
d'arriver à ses fins. Cette gestion clandestine, illégale, contraire aux règles officielles, garantit une
régularité de la production. C'est donc dans l'intérêt de l'entreprise.
Christophe Dejours a étudié les stratégies de défense dans le domaine du bâtiment. C'est un secteur
où les conditions de travail sont caractérisées par un haut niveau de risque. Ne pas respecter les
consignes de sécurité est une stratégie de défense particulière. Cette stratégie consiste à nier le
risque et est collective, partagée par tous. Le groupe impose à chacun de ses membres de ne jamais
avoir peur. Si l'ouvrier ne parvient pas à entrer dans ce système défensif, il sera condamné à
quitter son travail car le groupe est prêt à exclure celui qui n'adhère pas au système défensif. Grâce
à ces stratégies, le groupe assure sa productivité à long terme.
Dans le cadre de l'enquête des conditions de travail de la DARES, ils ont aussi réalisé une enquête
sur l'autonomie des salariés dans la réalisation des tâches qui sont lui confiées :
→ De plus en plus de salariés ont la possibilité d'interrompre le travail en dehors des pauses
prévues. Si on compare la situation entre 2005 et 2013 :
En 2013, 45 % de femmes et 36,6 % d'hommes ne pouvaient pas interrompre leur travail. Leur part a
baissé en 2013, 35 % de femmes et 25,6 % d'hommes ne peuvent pas interrompre leur travail. Il y a
plus de facilités dans l'agriculture et moins dans la restauration pour interrompre le travail.
→ De plus en plus de salariés reçoivent des consignes strictes de leur supérieur. 19,3 % des
salariés en 2013 disent qu'ils ont des consignes strictes données par leur supérieurs, contre 18,4 % en
2005.
→ De plus en plus de salariés reçoivent des consignes strictes et obtiennent moins d'explications
sur l'objectif : 82,3 % en 2013 contre 83, 6 % en 2005.
→ Les salariés sont de moins en moins nombreux à appliquer strictement les consignes et les
modes d'emploi. 41,7 % en 1991, 37,2 % en 1998, 35,3 % en 2013.
→ Les salariés ont moins la possibilité de faire varier les délais fixés. 34,5 % des salariés affirment
pouvoir les varier (faire accepter en retard la réalisation des objectifs), alors qu'ils étaient plus
nombreux en 2005 : 36,9 %.
→ En 2013, 30,2 % des salariés se disent tout à fait d'accord avec cette proposition : je peux organiser
mon travail de la manière qui me convient le mieux. Cette affirmation varie en fonction de l'activité :
40,9 % pour les cadres, 29 % pour les professions intermédiaires, 28 % pour les employés, 25 % pour
les ouvriers.
Les travailleurs autonomes travaillent en dehors de l'entreprise. L'entreprise fait appel à eux mais
ne leur fait pas bénéficier du statut de salarié. L'essentiel de l'activité de ces nouveaux travailleurs
est orienté vers une firme qui apparaît comme un client et qui est en réalité leur donneur d'ordre.
Ils sont en principe détacher de la subordination directe qu'ils subissaient en entreprise. Cela signifie
qu'ils ne jouissent plus des statuts et des protections des salariés que la subordination à l'employeur
implique. Il y a de plus en plus de formes du travail qui émergent à la marge du salariat.
En France, c'est le statut d'auto-entrepreneur. L’État est fortement impliqué sur la définition de ce
type de statut. On définit qui a accès à ce statut, quelles sont les conditions qui doivent être réunies
pour pouvoir bénéficier du statut d'auto-entrepreneur. Une législation définie leur statut ; ils ne sont
pas si autonomes que cela.
L'avantage pour le donneur d'ordre (client) d'une telle construction, c'est qu'il peut se passer
des coûts et des difficultés d'une médiation administrative. On a plus besoin de cadre administratif
formel.
Cette évolution a été débattue et discutée au sein de la sociologie du travail. Certains sociologues
pensent que le démantèlement des statuts et des protections observé serait la principale raison de
l'augmentation des indépendants. On revient sur les acquis sociaux. La conséquence en serait une
intensification du travail. Puisque le travailleur perd ses protections difficilement acquises au
cours de l'Histoire, cela crée beaucoup plus de pression sur lui. Le travailleur à la tâche s'oblige à
des durées et des intensités de travail extrêmes pour obtenir des commandes. Il est prêt à
travailleur jour et nuit pour satisfaire le client. Le seul remède à cette évolution serait d'imposer
des mesures juridiques innovantes pour que les travailleurs puissent obtenir quelques droits
qu'obtiennent les salariés. Il faut donc réglementer beaucoup ce dispositif, pour arriver à des résultats
On constate que le travail indépendant n'est pas un terrain vierge pour l'action publique. Il y a eu
beaucoup de programmes dès la fin des années 1970 pour aider les travailleurs indépendants :
1979, 1er dispositif d'incitation à la création de l'entreprise : Aide aux chômeurs créateurs et repreneurs
d'entreprises.
Années 1980 : dispositif de groupements des employeurs.
1989 : fond de garantie générale à l'initiative des femmes.
Années 1990 : coopérations d'activité de l'emploi. Elles offrent au porteur de projet, le statut
d'entrepreneur salarié.
2008 : le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprises. Il prévoit un prêt à taux
0.
2008 : Loi de modernisation de l'économie (LME) d'août 2008, entré en vigueur en janvier 2009 :
création d'une nouvelle catégorie de travailleurs → les auto-entrepreneurs.
A partir du milieu des années 1990, on assiste à une inversion de la tendance : le travail salarié qui
était la norme, ne l'est plus véritablement et on revient au travail indépendant. C'est à partir de 2000
que l'on constate qu'il y a une augmentation du nombre de travailleurs autonomes. On remarque
que l’État est très actif dans ce domaine. L'auto-entrepreneur rencontre un succès car les auto-
entrepreneurs étaient déjà produits par des dispositifs tels que les différents anciens dispositifs
nommés précédemment.
L'auto-entrepreneur paye des cotisations et des protections sociales qui sont obligatoires. Elles
couvrent à la fois l'assurance maladie, l'indemnité journalière, les allocations familiales, la retraite, le
régime d'invalidité et de décès. Les activités indépendantes (artiste, auteur, activités rattachées à la
mutualité sociale agricole) ne peuvent pas bénéficier du régime d'auto-entrepreneur.
Modalités d'accès :
Toute personne physique, à l'exclusion des sociétés et des personnes morales peuvent se lancer
dans un projet d'auto-entreprenariat. Il y a une limite du chiffre d'affaire qui ne doit pas être
dépassé : 82 200€ pour des activités de vente ; 32 900€ pour des prestations de services. Pour certaines
activités artisanales, il faut prouver qu'on a les qualifications nécessaires.
Modalités de sortie :
On sort du dispositif si le chiffre d'affaire dépasse le seuil imposé deux années de suite ou si le chiffre
d'affaire est nul pendant 24 mois.
Les auto-entrepreneurs ne sont pas obligés de facturer la TVA. Ils facturent une prestation. Lors
de ces achats, l'auto-entrepreneur paye la TVA à son fournisseur et ne peut pas la récupérer auprès de
l’État.
Les cotisations sociales sont calculées sur la base d'un taux forfaitaire appliqué au chiffre d'affaire.
Ces chiffres varient en fonction du domaine : 14,1% (pour les ventes) ; 23,3 % (pour les professions
libérales), 24,6 % (pour les services).
La couverture sociale :
Le statut d'auto-entrepreneur peut être cumulé avec une autre activité salariée. La référence est le
statut de salarié ; c'est l'activité principale qui reste la référence. L'assurance maladie et maternité
d'origine reste la même. Elle concerne aussi le droit à des indemnités journalières, calculées selon le
chiffre d'affaire.
Conclusion :
On a donc en France, concéder au nouveau travailleur autonome, des prérogatives et des protections
que sa situation de libre-échangiste ne lui conférait pas. Les auto-entrepreneurs ont plus de droits
qu'un travailleur autonome classique. Tous les moyens juridiques visent à élaborer un statut
hybride entre l'indépendant et un salarié dépendant. Le rôle social apparaît ambiguë puisqu'on
mélange des traits empruntés à la situation d'employeurs, et d'autres propres à l'employé. Le
législateur peut procéder à des modifications en cours de route. Des États, comme la France, rendent
ce régime plus attirant et encouragent les personnes à se lancer dans des projets d'activité autonome.
Les procédures mises en œuvre conduisent à élargir le domaine d'application d'une grande partie des
protection dont jouissent les travailleurs salariés. Il y a une flexibilisation des formes de travail,
mais en même temps, il y a aussi un élargissement des droits et des protections vers ces nouveaux
travailleurs.
Pendant des décennies, le travail indépendant a d'abord diminué en France, notamment jusque dans
les années 1970. Ensuite, la diminution s'est ralentie. Le travail autonome s'est stabilisé à partir des
années 1990. Après une stabilisation, on constate dès les années 2000, un renouveau du travail
indépendant.
Enquête de 2010 :
5 % des professions intermédiaires indiquent qu'ils travaillent en tant que travailleur indépendant.
Chez les cadres, c'est 10,3 %.
Certains auteurs insistent sur le renouveau de l'indépendance dans les secteurs à forte teneur
d'innovation (informatique etc.)
Le travailleur supporte lui-même l'incertitude de l'évolution de la demande, les risques liés à ses
conditions de travail et le coût de ses charges sociales. Cela peut être une stratégie pour ne pas
être au chômage et cela a un intérêt au niveau politique, car cela fait baisser le chômage. De
nombreux dispositifs publics ont été mis en place pour faciliter la création d'entreprises. Ils
peuvent être perçus comme des mesures de politiques d'emploi. A ces politiques publiques, s'ajoutent
des dispositifs privés : le micro crédit. Ils visent la sortie de la précarité par l'indépendance. En
On constate que dans un contexte d'effritement de la société salariale, la frontière entre salariat et non
salariat devient poreuse. On observe une multitude de situation à mi-chemin entre salariat et non
salariat.
Les modalités de rémunération du travail de l'auto-entrepreneur changent car le travail est rémunéré
par des primes ou des commissions.
On assiste à une multiplication des formes atypiques d'emplois. C'est dans ce contexte qu'il faut voir
la création du régime de l'auto-entrepreneur. C'est un régime correspondant aux entrepreneurs qui
réalisent de faible chiffre d'affaire. C'est un dispositif ayant connu un grand succès au cours des
trois premières années. On est arrivé à environ à 1 million d'auto-entrepreneurs.
Comment peut-on comprendre que des individus abandonnent le statut de salarié pour devenir auto-
entrepreneur ?
Sarah Abdelnour a utilisé les statistiques de SINE (système d'information sur les nouvelles
entreprises) et elle a mené une enquête ethnographique. Son analyse est centrée sur les trajectoires
professionnelles pour expliquer ce qui a amené les personnes à quitter le salariat et à devenir
entrepreneur, sans changer d'activité. Elle constate que beaucoup de ces auto-entrepreneurs
semblent vouloir fuir le salariat peu qualifié.
L'activité de ces derniers est une activité principale, le plus souvent, pour les chômeurs. Entre
75 et 80 % des auto-entrepreneurs, qui étaient chômeurs auparavant, exercent l'auto entrepreneuriat
comme activité principale. Pour d'autres, ce n'est pas une activité principale.
La plupart du temps, ils ne cumulent pas l'auto entrepreneuriat avec une autre activité. Cela
signifie que l'auto entrepreneuriat exclusif se situe du côté du travailleur précaire et peu qualifié.
Les cadres de la fonction publique sont ceux qui maintiennent le plus souvent leur activité ;
l'auto entrepreneuriat est donc une activité secondaire pour eux. On se lance dans un projet d'auto
entrepreneuriat car on a une faible rémunération et on veut compléter son revenu.
On observe que les revenus et la situation du conjoint jouent un rôle important. On ne peut pas
étudier de façon séparer l'activité d'un auto-entrepreneur si on ne prend pas en compte sa situation
familiale. Le maintien d'attache au système salarial, permet de surmonter l'incertitude
inhérente au travail indépendant. Le conjoint qui est salarié permet à l'autre de prendre un peu
plus de risques et d'être ainsi auto-entrepreneur. On peut ainsi retenir que la sécurité procurée par
le conjoint est une variable importante.
Ceux pour qui l'auto entrepreneuriat est une activité exclusive tire un revenu supérieur aux
autres entrepreneurs qui prennent l'auto entrepreneuriat comme activité secondaire (l'écart est
de 12%).
Dans la majorité des cas, ce sont des gens qui n'ont jamais connu auparavant, le travail
indépendant. Ils sont issus d'une famille où il n'y a pas d'auto-entrepreneurs. Ils sont pour la première
fois confrontés à la culture de l'auto entrepreneuriat.
Parmi les motivations, on trouve aussi la recherche de revenus plus élevés. Dans la réalité, on
constate que l'augmentation des revenus se fait au prix de longues heures de travail. L'auto-
entrepreneur doit s'occuper des relations avec sa clientèle. Cela nécessite un travail relationnel
important. Il s'agit de situations professionnelles difficiles avec des horaires lourds et atypiques.
Les horaires lourds sont envisagées comme relevant de décisions personnelles ; c'est eux-mêmes qui
s'imposent ces horaires.
Le brouillage entre vie privée et vie professionnelle est aussi un aspect de cette activité ; la vie privée
est facilement envahie par la vie professionnelle. Ce n'est pas ressenti comme un problème, il
permet de moins ressentir l'emprise du travail. Par exemple, beaucoup d'auto-entrepreneurs disent
que leur journée de gestion administrative ne constitue pas réellement une journée de travail.
Ces nouveaux indépendants ont aussi perdu le bénéfice des congés payés, comme ils ne sont plus
salariés, donc ils ont le sentiment qu'ils sont dorénavant libres de choisir leurs dates. On constate en
réalité qu'ils sont forcés à prendre des congés non payés au mois d'août.
Malgré tout, ces conditions sont bien acceptées et on constate un certain bonheur au travail. Les
auto-entrepreneurs voient dans la rémunération, une contrepartie suffisante. Le sentiment de
liberté leur fait accepter cette situation difficile. Ils ont l'impression de travailler pour eux et qu'ils
valorisent leurs conditions de travail.
Ceux qui ont réussi à obtenir un poste salarié, suite à une expérience en tant qu'auto-
entrepreneur, sont ceux qui manifestent le plus des critiques envers l'auto entrepreneuriat et
envers le régime indépendant. Selon Sarah Abdelnour, le recours à l'auto entrepreneuriat résulte
de l'impossibilité de l'accès au salariat. Elle constate que les auto-entrepreneurs semblent fortement
imprégnés des valeurs de la société de travail. Ils ne veulent pas être stigmatisés comme chômeurs ou
inactifs.
Elsa Vivant a travaillé sur les jeunes diplômés qui adoptent le statut d'auto-entrepreneur.
Cette population est particulièrement exposée à toutes les formes atypiques d'emplois.
Selon Elsa Vivant, l'entrée dans la vie active pour ces jeunes passe par un double apprentissage :
apprendre un métier et apprendre la gestion d'entreprise.
C'est un cas de figure assez courant. C'est une relation de subordination aux clients, qui ressemble
beaucoup à la relation d'un salarié à son supérieur. Ils sont le plus souvent intégrés dans
l'entreprise cliente et réalisent des tâches en cohérence avec leur qualification. Ils travaillent dans
l'entreprise, à côté de leurs collègues qui sont salariés. Ils exercent leur activité pour un seul client.
Ils exercent des missions longues, mêmes si les auto-entrepreneurs subordonnés n'ont généralement
pas de contrat. Ils ne cherchent pas de nouveaux clients, ni à développer une nouvelle activité.
Cette pratique ne se limite pas aux petites entreprises menacées. Cela concerne également les grandes
entreprises. En outre, on a affaire à des pratiques en dehors de la légalité. Le régime d'auto-
entrepeneurs dissimule un rapport de subordination à un donneur d'ordre. Cette situation de
subordination correspond en vérité à une relation de salariat et c'est difficile à démontrer dans la
réalité. Peu d'auto-entrepreneurs ont envie de réclamer leurs droits. On peut prendre comme indice
les conditions de travail : lorsque l'auto-entrepreneur travaille à temps plein dans les locaux des
clients, il doit respecter des horaires. Lorsque l'entreprise client fournit le matériel
informatique, etc, lorsqu'il n'y a pas de différence entre salarié et auto-entrepeneur, on peut
dire qu'on a affaire à un salariat déguisé. L'AE ne peut pas rechercher de nouveaux clients lorsqu'il
travaille dans l'entreprise, il ne peut pas élargir son portefeuille de donneur d'ordre. La dissimulation
de travail salarié est un délit pénal, c'est interdit, illégal. Il a des sanctions prévues lorsque l'on
peut prouver ce salariat déguisé. Ainsi, les relations peuvent être requalifiées en contrat de travail,
ouvrant l'accès aux droits sociaux des salariés.
Dans les faits, la réalité et la théorie peuvent être différentes. Les pratiques observées peuvent être
des pratiques qui se situent dans un espace flou d'illégalité. Les requalifications sont rares. Il est
difficile de prouver la subordination, les contrôles sont rares. En général, ces auto-entrepreneurs
n'envisagent pas de se lancer dans des négociations de requalification, parce qu'ils espèrent
obtenir un contrat de travail salarié ou parce qu'ils ont réussi à obtenir de bonnes conditions
de rémunération.
La sociologue constate que ces auto-entrepreneurs subordonnés se trouvent dans une situation
hybride, entre salariat et indépendance. Cela se reflète dans l'identité sociale et professionnelle de
ces auto-entrepreneurs. Ils n'adoptent ni l'identité du salarié, ni celle d'un entrepreneur, ni celle
d'un statut dévalorisant de stagiaire. On a l'impression que c'est une situation qui est imposé par
contrainte.
Ils choisissent cela pour se constituer un premier réseau de professionnels. C'est un cas typique
du chômeur qui devient entrepreneur. Ce sont des gens qui sont isolés, qui réalisent des tâches
ponctuelles en sous-traitance. Ils visent leur situation comme un mode d'insertion professionnelle.
Ils vont se faire reconnaître auprès des clients et peut-être par la suite obtenir un emploi salarié.
L'objectif est d'utiliser le régime d'auto-entrepreneur pour assurer une première insertion
professionnelle. Les quelques missions effectuées ne génèrent pas suffisamment de revenus.
L'entreprise ne peut pas embaucher mais ils s'adaptent en se montrant flexibles. Quant à leur identité
professionnelle, elle n'est pas encore très affirmée. Elle est en construction. Ils sont inexpérimentés.
C'est une contradiction majeure à la création d'entreprise puisque normalement, lorsqu'on crée
une entreprise, il faut avoir une certaine expérience professionnelle. Ces jeunes auto-
entrepreneurs se retrouvent dans des rapports de domination avec l'employeur. Les auto-
entrepreneurs en insertion sont dans une situation plus instables que les AE subordonnés qui
eux ont des missions plus longues, qui sont mieux intégrés, mieux rémunérés.
Ce sont ceux pour qui l'activité démarre tellement bien, qu'ils envisagent à pérenniser
l'expérience et à devenir de vrais entrepreneurs. Ils jouent progressivement le jeu de l'auto
entrepreneuriat. Ils cherchent à développer leur auto-entreprise par différentes stratégies. L'objectif
du salariat semble s'éloigner petit à petit. Ils structurent leur offre, diversifient leur marché.
Contrairement aux autres catégories, ces derniers expriment une grande satisfaction quant à
On peut constater que leur comportement quotidien se transforme, ils deviennent petit à petit des
auto-entrepreneurs. Les auto-entrepreneurs indépendants se distinguent des autres par le fait
qu'ils cherchent à saisir toutes les opportunités possibles, de nouveaux projets, des réseaux
professionnels. Cela contraste avec la 1ère catégorie. Leur identité professionnelle se rapproche de
celle des indépendants. Cette expérience les entraînera peut-être vers la création d'une vraie
entreprise. Rester auto-entrepreneur peut être considéré comme un stigmate ; c'est un statut
transitoire normalement. Si le changement de statut se réalise, c'est un succès. S'afficher comme
auto-entrepreneur renvoie à une image d'instabilité et de fragilité de l'entreprise. La plupart des
auto-entrepreneurs ne dégagent pas un chiffre d'affaire très important. Cela ne fait pas très
professionnel de rester auto-entrepreneur. Ce statut est à la fois un indicateur de volontarisme et
un révélateur de la vulnérabilité du jeune diplômé. Ce qui caractérise le plus ces auto-
entrepreneurs indépendants, c'est qu'ils vont jouer progressivement le jeu de l'auto-entrepreunariat ;
ils cherchent de nouveaux clients, développent une stratégie d'entreprise. Créer une entreprise
nécessite beaucoup de communication pour réussir. Si on veut réussir en tant qu'auto-entrepreneur,
on ne peut pas rester isolé. La construction d'une réputation est extrêmement importante pour trouver
régulièrement des clients. Pour compenser leur mode d'expérience, ils peuvent montrer une capacité
de travail importante. Ils se sentent obligés de répondre avec d'autant plus d'enthousiasme. La liberté
et l'autonomie demeurent relatives et contraintes.
Conclusion :
Les régimes de l'auto-entrepreneur peuvent être interprétées comme un dispositif d'apprentissage.
C'est grâce à ce statut que l'on peut découvrir les normes du travail entrepreneurial. Il existe une
très forte précarité dans ce régime.
Travail d'une sociologue nommée Amélie Beaumont : « Ce que font les pourboires aux trajectoires
sociales. Ethnographie d’un service de l’hôtellerie de luxe »
Amélie a fait une enquête ethnographique au sein d'un hôtel de luxe. Elle a ensuite réalisé une dizaine
d'entretiens biographiques avec ses collègues.
L'une des préoccupations des salariés tourne autour de la question : Comment obtenir de bons
pourboires ? Le pourboire est un revenu qu'on nous donne sans qu'il y ait une trace écrite ; pas d'impôt
dessus.
La sociologue constate que les salariés arrivant à un nouveau poste ne voient pas tout de suite ce qui
est essentiel. Ils mettent un certain temps à comprendre comment fonctionnent les choses.
La question des pourboires est un sujet tabou. Les employés doublent facilement leurs salaires grâce
aux pourboires. Ils sont aussi une source de tension car chacun cherche à maximiser ses gains.
(En 2007 : étude réalisée sur le rapport aux pourboires des travailleurs du front office de l'hôtellerie
de luxe aux USA)
Les sociologues ont souvent étudié les pourboires comme des jeux pour rendre leur travail plus
intéressant. Le comportement des clients reste incertain, alors les employés peuvent faire des paris
sur le pourboire. Les sociologues vont souligner aussi que les pourboires sont un moteur puissant.
Obtenir un pourboire peut être interprété comme une évaluation positive du service rendu. Les
pourboires peuvent représenter des évaluations directes et indirectes de la prestation des salariés.
Ils vont être amenés à satisfaire au mieux les clients. En cherchant à maximiser leurs pourboires, les
employés vont dans le sens de la direction. Ils contribuent à faire de l'expérience des clients quelque
chose de personnalisé qui justifie le prix payé.
Les pratiques des pourboires sont des pratiques bien vues par la direction. Cela contribue à une
amélioration de la qualité du service rendu. L'enquête empirique réalisée par Amélie Beaumont
permet de développer une analyse développée de la problématique. On constate que les motivations
personnelles des employés peuvent aller à l'encontre des souhaits et objectifs des entreprises.
Elle a constaté que les employés vont hiérarchiser leurs actions en fonction du gain envisagé. A
cause de la pratique des pourboires, tous les clients ne sont pas traités de la même façon. Le service
sera d'autant plus rapide lorsque les employés imaginent que les clients vont bien les rémunérer.
Ces pratiques contredisent l'idée d'un traitement égal de tous les clients prôné par l'entreprise.
L'argument principale d'Amélie : la direction a du mal à contrôler, empêcher ses pratiques ; ces
pratiques sont autonomes et prennent leur sens au sein d'un collectif du travail qui fixe les règles
de manière variable et implicite.
Il faut :
-Apprendre les pratiques liées aux postes de travail : Comment obtenir plus de pourboire ?
-Apprendre les valeurs propres aux collectifs de travail.
Elle étudie ces processus d'apprentissage. L'objectif pour les salariés, les employés, est de
développer une certaine habileté à s'y prendre avec les clients.
Une bonne partie du travail représente un travail d'interaction, nécessitant une intelligence
relationnelle, une capacité de gérer les personnels présents. Il faut essayer d'adapter les services
le plus possible aux clients, dans une logique pragmatique. Les employés doivent chercher à réunir
des informations sur les clients. Ils les obtiennent de différentes façons.
Toutes ces stratégies élaborées par les employés sont déclinées en fonction des contextes, en fonction
des clients et en fonction des personnels présents. Les nouveaux employés apprennent ces différentes
On ne regarde pas le pourboire donné par le client, et ça ne se fait pas de demander aux collègues
combien ils ont eu. On prend le pourboire par le bas, à travers une enveloppe ou à travers une poignée
de main.
Selon Beaumont, faut laisser prévoir les clients, trouver des prétextes pour faire durer l’interaction,
pour leur faire comprendre qu’il y a un service de rendu et leur laisser du temps de préparer leur
pourboire. Les employés font en sorte d’être vus par les clients lorsqu’ils font leur travail. Les
employés vont aussi chercher à obtenir des informations sur des clients. Ils vont les connaître quand
ce sont des personnalités connues. S'agissant des habitués, les employés connaissent plus ou moins
leur comportement notamment en matière de pourboires et de préférences. Pour les autres clients
novices, les employés peuvent chercher des informations sur les logiciels hôteliers, pour avoir une
idée du portefeuille du client. En plus, les employés s’informent aussi sur la nationalité d’origine du
client car certaines nationalités donnent de bons pourboires et d’autres non. En fonction de ces
éléments, les clients seront ou non une priorité.
On va différencier les stratégies élaborées par les employés en fonction du contexte, des situations…
Les nouveaux employés apprennent ces différentes stratégies et apprennent aussi les limites à ne pas
dépasser. Ils apprennent à développer une perception juste pour les clients et comment repérer cette
perception. La socialisation au travail se fait de façon implicite pour les nouveaux employés grâce
aux anciens employés.
On va apprécier aussi une dissimulation, une discrétion au sujet des pourboires : ça ne se fait pas de
regarder le montant du pourboire devant le client ou bien de demander à ses collègues combien ils
ont obtenu. L’invisibilité du geste, de la transaction permet de renforcer l’idée que c’est une relation
basée sur la bonne volonté du salarié à rendre service au client. Le pourboire peut donner naissance
à des tensions entre salariés, c’est pourquoi ces pratiques restent invisibles.
On a aussi une pratique de partage du pourboire. On peut prendre par exemple la catégorie des
bagagistes dans un hôtel de luxe : ils partagent leurs pourboires sans être sûr que tout le monde soit
honnête. Les problèmes sont réguliers : chaque bagagiste a eu des conflits avec au moins une autre
personne concernant les pourboires. Ainsi, is décident de ne plus partager avec tel ou tel collègue.
Les employés doivent apprendre à ne pas parler de pourboire en permanence.
Il existe des normes implicites de comportement au sujet des pourboires, il faut avoir un
comportement acceptable. En fonction de leur positionnement par rapport à ces normes implicites de
comportements, les employés vont avoir accès à certaines informations partagées ou non qui vont
donner accès au pourboire. On peut observer une certaine inégalité quant à l’accès au pourboire. Pour
illustrer l’importance de ces informations, lorsqu’un nouveau client arrive à l’hôtel, les premiers
employés à les prendre en charge vont avoir des informations plus rapidement que d’autres et ne vont
pas forcément prévenir leurs collègues. Beaumont a bien identifié le phénomène que les réseaux
fonctionnent pour transmettre les informations mais que tout le monde n’a pas la même position. Le
problème des nouveaux employés est qu’ils se trouvent souvent exclus de ce système. Le type de
pratique de pourboire permet de déterminer qui est apte ou pas à rester dans le métier, en qui on peut
avoir confiance, etc.
Les apprentissages implicites dans ce métier concernent la gestion de la relation avec le client. Les
nouveaux employés doivent donc apprendre à classer les clients. Dans la plupart des situations, les
employés font preuve de pragmatisme : ils envisagent le client en fonction de l’argent qu’il va donner
dans un premier temps, par le statut social ensuite, etc. Les employés développent des catégories pour
classer leurs clients. Les employés disposent souvent de quelques compétences de base dans le
modèle relationnel.
A partir de la sociologie du travail s’est développée la sociologie des organisations et à partir des
années 1980-90, on s’est intéressé à de nouveaux thèmes : la problématique de la pénurie de
l’emploi et l’apparition du phénomène chômage à partir de la fin des 70’s.
La sociologie du travail s’est pendant très longtemps intéressée à l’organisation du travail dans un
contexte du plein-emploi, sauf qu’on va constater que le travail ne va pas de soi et on va étudier les
déterminants de l’accès à l’emploi. On constate qu’il y a une partie de la population qui ne participe
pas au marché de l’emploi. On voit que l’emploi devient plus rare, plus difficile à obtenir. On constate
aussi qu’il y a un phénomène d’inégalité par rapport à l’accès à l’emploi, du à une dissociation sociale,
de l’âge, du sexe, de la nationalité… La sociologie de l’emploi va s’intéresser aux mouvements entre
le marché de l’emploi et son extérieur, notamment les entrées et les sorties sur le marché de l’emploi.
La sociologie de l’emploi s’intéresse d’abord aux caractéristiques sociales de la population active :
on constate que celles-ci peuvent varier d’un pays à un autre. La perspective sociologique montre que
le marché du travail n’est pas un marché comme les autres.
Concernant la population active (les personnes ayant un emploi mais aussi recherchant un emploi),
on voit une variation importante historique et sociale de la structure de la population active.
Concernant la France, dans les années 1960, on était à 20 millions d’actifs. La population d’actifs
augmente en 2000 jusqu’à 26 millions et en 2012 à 28.4 millions dont une part importante
d’indépendants. Le niveau de chômage était faible en 1975 (800 000 chômeurs).
*Taux d’activité : c’est la PA / les habitants ayant entre 15 et 65 ans. Càd que c’est le taux de
participation de la population sur le marché du travail.
L’élargissement de la population active est le résultat de 2 mouvements inverses depuis les 1970’s :
-Le taux d’activité des jeunes et des personnes âgées a considérablement diminué. L’effet global est
que la vie active s’est considérablement raccourcie.
-Augmentation des taux d’activités des femmes. Environ 6 millions d’actives supplémentaires entre
1960 et 2000.
Concernant l’âge de travailler, on constate une grande évolution dans ce domaine sur le plan législatif
(pendant le début du 19ème, il n’y avait aucune interdiction quant au travail des enfants, ils travaillent
dès qu’ils en avaient la capacité, et ce, jusqu’à leur mort). A partir de la 2è moitié du 19ème siècle, il
y a la loi de 1851 qui va interdire aux enfants de moins de 10 ans de travailler.
La retraite n’existait pas avant la PGM, elle commence à apparaître dans l’entre deux guerres pour
certains. C’est un droit effectif à partir de 75 ans, puis 65 ans, puis 62 ans.
L’âge réel des travailleurs ne coïncide pas forcément avec l’âge légal du travailleur. Il est mesuré en
taux d’activité par tranche d’âge, tendance à la baisse accentuée surtout depuis la seconde moitié du
20è.
Dans les autres pays de l’OCDE on retrouve cette tendance au rétrécissement de la vie active.
Olivier Galland, sociologue concernant les jeunes sur le marché du travail. La situation des jeunes
sur le marché du travail peut s'expliquer par différentes variables et peut évoluer différemment d'une
société à une autre.
Galland est un sociologue, qui a travaillé sur la jeunesse populaire. Il a critiqué l'UNEF sur la façon
de remettre en cause la loi El-Khomri.
Pour les jeunes qui restent dans l'enseignement supérieur, on ne peut dire que les taux de chômage
soient élevés car l'activité principale est de faire des études pour eux même si beaucoup travaillent
pendant leur étude.
Jean Claude Chamboredon se spécialise également sur la jeunesse. L'entrée dans la vie adulte se
caractérise par différents aspects : avoir accès à un emploi pérenne. Le modèle plus ancien dans la
vie d'adulte, il va s'y intéresser en prenant la période de l'entre guerre. La jeunesse populaire se définit
par différents traits dans la période de l'entre 2 guerre:
Le jeune ne va plus à l'école depuis l'âge de 13 ans, mais reste sous la tutelle de ses parents. Il travaille
et doit leur donner sa paie. Le jeune n'est pas encore marié. On rentre dans le monde des adultes non
pas en travaillant, mais lorsque l'on fait son service militaire. La femme mariée est une femme adulte.
La femme célibataire est encore adolescente.
La transition se fait de manière brutale, on accède très rapidement au statut d'adulte en se mariant, en
faisant son service militaire. Cette transition est forte et accompagnée par un certain nombre d'adultes,
ce modèle que l'on trouve pendant l'entre 2 guerre va évoluer notamment avec le progrès de la
scolarisation (16ans obligatoire) et on poursuit de plus en plus ses études. Ensuite, les garçons font
leur service militaire, part au travail et on quitte les parents et on se marie. Il y a une variante féminine
et une variante bourgeoise. La transition féminine s'oppose à la transition masculine. Grâce au
mariage, les filles en moyenne partent 2 ans plus tôt de chez leurs parents puis on constate une
moindre importance de l'étape professionnelle pour passer dans sa vie d'adulte. En ce qui concerne le
modèle populaire et le modèle bourgeois, ce sont les jeunes issus de familles privilégiées qui vont
bénéficier d'une transition plus longue. Dans les milieux plus aisés, on commence à voir que grâce au
progrès de la scolarisation, la transition commence à s'allonger. Une étape est franchie : quitter le
foyer mais le passage des autres étapes (travailler, se marier) est repoussé grâce au rallongement des
études. Si l'on s'intéresse au modèle contemporain, on constate que ce modèle antérieur a
profondément évolué et que cela s'est caractérisé par le report de certaines étapes. On quitte la
jeunesse de plus en plus tard.
Donc, ce nouveau modèle est caractérisé par une désynchronisation des différentes étapes, les étapes
de la vie d'adulte ne sont plus franchies en même temps. La progression de la scolarisation est
vraiment facteur de cette transition plus longue avec l'arrivée du collège obligatoire etc.. On assiste
vraiment à un nombre important de jeunes à faire des études.
En 1980, seul 28% des jeunes étaient inscrits dans les études supérieures.
Cette prolongation fait donc retarder les autres étapes. Les âges d'accès à l'emploi, la mise en couple
etc, toutes ces étapes connaissent des reports. Des étapes étaient franchies en même temps alors
qu'aujourd'hui les différentes étapes peuvent être séparées.
La première phase consiste en l'allongement des études. Il y a 8 ans entre la fin des études et le premier
enfant, pour les garçons. Selon Galland, cette phase de transition se découpe elle même en plusieurs
séquences, il n'est pas rare de rencontrer des personnes qui ont peu de 25 ans et qui habitent chez
leurs parents. Ceci est plus vrai pour les garçons que pour les filles. Pour les filles, la cohabitation
entre les parents et leurs filles est beaucoup plus rare.
La seconde phase va du moment où les jeunes ont quitté leurs parents et le moment où ils vivent en
couple, il y a donc une phase qui permet l'accès à l'indépendance. Certains jeunes ont accès a une
indépendance résidentielle, c'est à dire qu'ils sont indépendants mais pas en couple.
La troisième phase serait connu par presque tous les jeunes, est celle qui va de la formation du couple.
Elle dure environ 2 à 3 ans.
Chambordon s'intéresse à la division des âges et il va argumenter que celle ci est une construction
sociale. Comme Galland, il constate qu'il existe un allongement de la période de cette transition vers
l'âge adulte, allongement de la période de la coexistence avec les parents, allongement de la durée de
vie, allongement de la période de formation. Ce qui caractérise le jeune, c'est qu'il se trouve en
permanence dans des statuts transitoires, le jeune est dans une situation d'attente. On peut également
opposer l'accession plus précise, rapide à certains attributs : avance de la puberté, avance de certaines
responsabilités (pénale par exemple) etc.. Il peut y avoir une contradiction entre les divers attributs
qui donnent la majorité, l'âge adulte. La maturité professionnelle, matrimoniale, scolaire peuvent être
déconnectées. Sociologiquement, les âges se présentent comme une série d'attributs dont la
combinaison n'est pas nécessairement stable. Certains attributs perdent leur valeur marquante comme
l'accès à la montre par exemple. Pour Chamboredon, il faut définir les âges comme une série
d'attributs. Il parle d'une lutte entre les âges, comment on définit les différents âges. Toutes ces
problématiques entrent en jeu dans ce débat, dans certaines sociétés, les débats entre générations
peuvent apparaître sous des formes différentes.
Travaux sur la question des trajectoires de jeunesse dans les différentes sociétés en Europe. On
constate que selon les sociétés, on devient plus ou moins rapidement adultes. On interprète cela
comme une construction sociale.
Cécile van de Velde a constaté que la façon dont l'on devient adulte est très différente selon les
sociétés. Elle a construit des catégories :
-Pays du Nord : Scandinavie
-Pays à société libérale : Royaume Uni
-Pays du Sud : Espagne, Italie, Grèce
-Intermédiaire : France (société corporatiste)
Elle constate que les différentes façons de devenir adulte sont déterminées par les normes sociales et
culturelles. Les différentes infrastructures et politiques impactent les jeunes. Dans les pays du Nord,
c'est la collectivité qui va devoir payer les études, donc il y a des systèmes très généreux. Dans les
sociétés libérales, les étudiants vont s'endetter pour faire des études. En France, c'est la famille qui va
aider les jeunes.
On peut commencer par les sociétés nordiques. Au Danemark, on a un système de bourse très
généreux. La bourse nous permet de vivre uniquement de la bourse. On ne prend pas en compte le
revenu des parents. Cela montre à quel point la jeunesse peut être vue différemment dans les sociétés.
En Allemagne par exemple attribue des bourses à tout le monde mais elles sont réduites si les parents
touchent trop. Si l'on s'intéresse aux trajectoires de jeunesse, dans les pays nordiques, on observe une
indépendance précoce et que les jeunes font des études tardives. La configuration sociale et culturelle
nordique tend à générer des trajectoires des jeunesses longues et exportatoires, aléatoires. (entre vie
solitaire et union libre) Une indépendance précoce est institue par l'état. Une politique universelle et
flexible est possible dans le financement des études. On constate aussi qu'il y a des trajectoires
d'alternance entre étude et emploi avec une intégration aisée sur le marché du travail. Ces trajectoires
sont d'ailleurs vécues sous le mode d'une détermination progressive du rôle adulte et vivent cela
comme un processus qui les amène à l'âge adulte. Elle constate aussi que ces trajectoires s'inscrivent
en continuité de l'indépendance précoce. Au Danemark, on a le droit à 72 mois à la bourse. Ces bons
sont dégressifs en fonction des revenus annexes. Il n'y a pas de limite d'âge. On pourrait donc parler
de flex'indépendance. Le montant de la bourse pour 2014 était de 750euros. On ne tient pas compte
de l'âge, tout le monde a le droit à la bourse.
Ce mode de financement des études n'influence pas l'entrée sur le marché du travail, on constate que
l'on a un suivi massif des études supérieures et un taux d'emploi élevé par les jeunes.
Ce qu'elle constate c'est que l'on est dans une société où on favorise les études, permettant de vivre
comme des adultes. On ne fait pas seulement pour les jeunes mais aussi pour les seniors. La structure
sociale va être représentative de la structure de la société. Tout le monde peut contribuer. On fait
beaucoup pour maintenir un emploi aux seniors.
La trajectoire de jeunesse dans les sociétés libérales est différente. Cécile observe que les sociétés
libérales encouragent les jeunes à s'endetter pour leurs études. Les jeunes sont indépendants
financièrement en ce qui concerne les études. Ils ne sont pas dépendants de leurs parents, ni de l'état.
La décohabitation est effectuée dès la fin de l'adolescence, on a des études courtes. Si l'on prend
l'exemple du RU, on peut dire que l'intervention étatique envers les jeunes est d'inspiration libérale et
incite l'autofinancement. On préfère ce mode de fonctionnement. On préfère l'endettement plutôt que
la solidarité parentale, même au sein des milieux aisés, car cela ne correspond pas aux normes sociales.
On constate donc que plus du tiers britannique cumule emploi et étude. On assiste à une hausse des
frais de scolarité. Les étudiants sont donc obligés de prendre des prêts. Pour compenser le cout élevé
de la scolarité, le recours à l'aide parentale est souvent possible mais on voit apparaître une certaine
culpabilité. La poursuite d'études longues est ainsi fortement contrainte par son coût économique et
souvent délaissée pour une intégration sur le marché du travail. On constate qu'il y a aussi que des
jeunes britanniques deviennent indépendants rapidement.
L'indépendance résidentielle au RU et dans les pays du Nord se ressemble. Les recherches historiques
ont montré que le départ du foyer serait lié à un âge assez jeune dans la société britannique. Les
parcours de jeunesse sont dans un contexte culturel stigmatisant envers la solidarité parentale. Il y a
une pression sociale forte à rechercher rapidement un emploi. C'est une norme indépendance qui va
jouer un rôle important dans la société britannique. Et cela, se conjugue à la valorisation du contrat
salarié. Les jeunes britanniques se sentent adultes à un âge assez jeune. Dès l'âge de 22 ans, ils sont
indépendants des parents et ils associent un point de départ (22ans) aux trajectoires supposées. Ils se
distinguent ainsi des pays scandinaves.
Cécile van de Velde considère que la France est un exemple pour une société de caractère corporatiste.
Il y a des frontières assez nettes entre les différentes catégories sociales, elles sont plus marquées que
dans d'autres pays. Dans les sociétés de caractère corporatiste, on remarque c'est beaucoup plus
linéaire : le choix effectué au départ doit être bien réfléchi et a tendance à déterminer fortement le
parcours ultérieure d'un individu. Cette période de la jeunesse, dans la société française, est davantage
pensée comme celle d'un investissement à vie. Elle met en avant l'urgence de choisir rapidement son
parcours professionnel, on n'a pas le droit de se tromper. Le lien entre le diplôme et l'emploi s'avère
plus rigide que dans d'autres pays. L'intégration des jeunes sur le marché du travail est difficile. Dans
ce contexte, on peut observer l'importance de la solidarité parentale. L'aide parentale apparaît justifiée
par l'enjeu des études. Elle s'associe à des pratiques d'indépendance partielle. L'autonomie
résidentielle se fait à un âge relativement jeune, mais c'est souvent grâce à l'aide des parents. Elle met
en avant tous les dispositifs de l’État : ils prennent en compte cette place importante de l'institution
famille dans la société. On ne peut pas imaginer que l’État remplacerait totalement la famille en
accordant des bourses à tout le monde. Il consacre ce maintien partiel sous dépendance parentale. On
a une aspiration à une indépendance précoce dans la société et en même temps à un maintien parental,
notamment au niveau financier. C'est un modèle complexe d'accès à l'âge adulte. Dans la comparaison
internationale, on constate que le départ de chez les parents est plus précoce en France par rapport
aux autres pays (Espagne, Italie, Grèce etc.). Néanmoins, l'établissement professionnel est plus tard
en France. Il y a une forte sectorisation des filières d'études et d'emplois. Elle met aussi en avant le
caractère définitif des choix d'études ou de formation professionnelle. Ainsi, la question de
l'orientation devient un enjeu majeur des parcours. L'âge médian aux études supérieures en France
est un des plus bas d'Europe, c’est-à-dire que les étudiants français sont parmi les plus jeunes d'Europe.
En France, au sein des classes moyennes et aisées, les jeunes sont aidés par leurs parents pour avoir
leur propre appartement.
Des sociologues ont travaillé sur le travail des étudiants, hôtes de caisse dans un supermarché. Ce
sont des horaires atypiques, qui intéressent les étudiants puisque cela leur permet d'aller en cours
comme tous les autres. On constate que la double activité études/emploi concernait en 1996 un million
d'individus âgés d'au moins 16 ans.
Étudiant salarié : catégorie qui n'a pas été bien prise en compte dans les statistiques, on n'arrive pas
à distinguer un jeune qui a un emploi exclusif d'un jeune qui a un emploi comme activité accessoire.
On a tendance à classer les étudiants qui exercent un emploi dans la catégorie des jeunes salariés. On
a tendance à sur-estimer le taux d'activité réel des jeunes et à sur-estimer la précarité sociale de ces
emplois.
On constate un accroissement des effectifs d'étudiants salariés depuis des décennies. Mais, on constate
aussi que cet accroissement des effectifs étudiants salariés est corrélatif à celui de la population totale
d'élèves et d'étudiants. La part relative d'étudiants salariés reste très stable depuis des décennies. La
part des jeunes conjuguant emploi et formation semble être restée stable depuis les années 1980. Les
caractéristiques habituellement associées à la précarité de l'emploi, sont positivement recherchées par
les étudiants car ils peuvent ainsi cumuler emploi et études.
Vanessa Pinto a travaillé sur les emplois étudiants. Elle a réalisé une recherche qui a été publiée au
PUF (Presse Universitaire de France) en 2014, intitulée A l'école du salariat : les étudiants et leurs
petits boulots. Elle a fait de l'observation participante dans différents endroits qui emploient des
étudiants (McDo parisien, centre d'appel parisien et centre de loisirs parisien). Elle y a travaillé
incognito. Elle a aussi fait des entretiens avec ses collègues et elle a fréquenté les salons étudiants les
journées d'été etc. Elle s'est appuyée sur une enquête menée en 2010 : Conditions de vie des étudiants.
Le questionnaire comprend 250 questions (caractéristiques sociodémographiques des étudiants,
parcours depuis l'obtention du Bac, conditions de vie). Les questions sont classées en 9 rubriques :
études, conditions d'études, temps libres, travail rémunéré, logement, ressources, dépenses, santé,
alimentation. L'échantillon de 2010 porte sur 33 000 étudiants. Elle va se concentrer sur les jeunes
qui n'ont pas encore quitté le système d'enseignement. Les réponses de l'enquête de 2010 montrent
que la moitié des étudiants déclarent avoir exercé au moins une activité rémunérée au cours de l'année
universitaire.
l'institution scolaire. La plupart des étudiants travaillaient comme maître d'internat, instituteur etc.
Aujourd'hui : les emplois étudiants sont souvent désormais exercés dans le secteur privé. Les
étudiants font de plus en plus de stage.
On peut observer une différenciation des emplois étudiants assez nette. Si on compare les étudiants
qui sont des enfants de cadres avec des enfants d'ouvriers, on constate que les activités qu'ils exercent
comme activité rémunérée à côté des études est différente de façon significative. Parmi les enfants de
cadres, les activités liées aux études, à l'exception des stages, ont sur-représentés. A l'inverse, les
enfants d'ouvriers occupent moins des emplois liés aux études.
Parmi les activités susceptibles d'être valorisées, il y a les activités professionnelles exercées à
l'étranger. Les enfants issus de milieux sociaux plus aisés sont plus nombreux à partir à l'étranger dans
le cadre d'un stage ou d'une mobilité, que les étudiants dont les parents représentent un milieu social
moins aisé. 11 % des enfants de cadres disent avoir exercé une activité professionnelle à l'étranger,
contre seulement 5 % des enfants d'ouvriers.
Les enfants de cadres bénéficient de conditions de vie et d'études plus favorables que les enfants
d'ouvriers. Parmi ces conditions, on remarque que leur activité professionnelle est soit occasionnelle
(baby-sitting, cours particuliers), soit complémentaire à leurs études, voire susceptible de faciliter
l'accès ultérieur à des emplois qualifiés. Ces différences sont encore plus marquées pour les filles
d'ouvriers que pour les fils d'ouvriers.
Elle s'intéresse à la place de ces emplois étudiants au sein des trajectoires individuelles. Les parcours
des étudiants sont étudiés grâce à des enquêtes qualitatives (interviews biographiques). Elle distingue
3 modèles :
-Le modèle du calcul rationnel : il caractérise les étudiants les plus dotés et inscrits dans les filières
les plus assurées.
-Le modèle ??? : incertitude élevée chez les étudiants qui occupent des positions médianes. Les jeux
ne sont pas encore faits et l'avenir leur paraît ouvert. Leurs expériences ne sont pas aléatoires, il y a
une certaine cohérence dans la construction de leur parcours.
Les stages et l'intérim ont fortement augmenté. Ils concernent majoritairement les débutants dans
l'emploi, autrement dit une population relativement jeune.
Dominique Glaymann : sociologue qui travaille sur cette question.
Intérim : forme d'emploi atypique qui correspond à l'une des formes de sous-emploi qui touchent
notamment les jeunes salariés en attente de stabilisation.
Stage : à la frontière entre la formation et l'emploi. Il concerne des jeunes qui préparent leur future
insertion professionnelle. Les stagiaires ne sont ni tout à fait salarié, ni tout à fait étudiant. Ils se
trouvent à la frontière de deux autorités : l'organisme où a lieu la formation et l'organisme où a lieu
le stage.
Dans les deux cas (intérim et stage), il s'agit de statuts marginaux.
Les intérimaires sont principalement des hommes occupant des postes peu qualifiés, comparé à la
moyenne des salariés. Ils sont globalement plus jeunes que le reste de la population. En 2012, 26 %
avait – de 25 ans, 46 % avait – de 30 ans, 72 % avait – de 40 ans. Le niveau de qualification est bien
plus faible que celui du reste de la population.
Cadres : 1,9 % des intérimaires.
Professions intermédiaires : 8,3 % contre 23,8 % de la population des actifs.
Employés : 12 % contre 28,5 % de la population des actifs.
Ouvriers : 78 % contre 20 % de la population des actifs.
En général, les intérimaires n'ont pas choisi le travail intérimaire de façon délibérée. On trouve parmi
les intérimaires, qui, délibérément, choisissent le travail intérimaire pour différentes raisons.
Dominique Glaymann construit une typologie distinguant des degrés d'autonomie de ce choix :
-La catégorie des intérimaires pour qui le degré de choix est faible :
>Le travail n'a pas été choisi, on n'a pas eu de choix.
>L'intérimaire n'a rien trouvé d'autre.
>L'intérimaire a besoin d' un travail, d'un revenu, il ne peut pas resté inactif.
Glaymann constate qu'une tendance à la hausse des stages : en 2006, 600 000 stages par an ; en 2012,
1 600 000 stages par an. Le stage est inscrit dans bon nombre de parcours comme un levier pour
faciliter l'insertion. Les stages peuvent être une première occasion pour se constituer un premier noyau
de contacts professionnels. Plusieurs études montrent un effet positif des stages sur l'accès au premier
emploi. Toutes les enquêtes révèlent qu'une part très importante des personnes disent qu'elles ont
trouvé leur emploi grâce à des contacts. Les gens mobilisent énormément leurs liens sociaux dans
leur recherche d'emploi, pour augmenter leur chance d'être recruté. On peut supposer que l'alternance
ou les stages sont bénéfiques à l'insertion professionnelle à cause de cet effet là. Ils aident à développer
un premier réseau basique. En 2005, 27 % des jeunes sortant de l'enseignement supérieur déclarent
avoir déjà travaillé chez l'employeur qui les recrute. Il y a donc déjà eu un lien entre le jeune diplômé
et son employeur. Ce pourcentage est encore plus élevé pour les diplômés d’École de Commerce : ce
chiffre va au-delà d'un tiers.
D'autres chercheurs arrivent à d'autres conclusions, notamment Sabina. Le fait d'avoir effectué des
stages dans la formation initiale ne facilitent pas forcément l'accès à un CDI après. Dans certains cas,
le stage peut être très bénéfique après, et dans d'autres cas, moins. Tout dépend de la qualité des stages.
Les études montrent que les étudiants des écoles prestigieuses trouvent beaucoup plus de stages
intéressants. La qualité du stage est plus élevée. Ainsi, les stages semblent constituer un élément de
confirmation, voire d'aggravation des inégalités supérieures, d'abord face à la formation supérieure,
puis face à l'emploi. Globalement, les jeunes n'ont pas encore de réseaux professionnels développés.
C'est ça leur handicap. Les stages n'ont qu'un effet modéré sur l'accès à l'emploi.
Résultat de l'enquête emploi de 2004 : 37 % des personnes embauchées dans l'année ont trouvé leur
emploi grâce à leur candidature spontanée, leur démarche personnelle. Les gens sont bien plus
nombreux à avoir trouvé leur emploi grâce à leurs contacts.
Le problème, selon Glaymann, c'est que cela contribue à une différenciation de la population des
jeunes. L'inflation des stages conduit peut amener les jeunes à multiplier les stages de mauvaise
qualité (ex : stage photocopies).
Les seniors
Avec les problèmes de chômage, cette pression qui pèse sur les salariés âgés augmente (on souhaite
qu'il laisse la place aux jeunes). On constate que les jeunes ont de plus en plus de difficultés à s'insérer
sur le marché du travail, parallèlement à cela. Anne-Marie Guillemard est une spécialiste de ces
thèmes et parle d'une culture de la sortie précoce, surtout dans les années 1990. on commence à
percevoir les travailleurs âgés avec un œil de plus en plus critique. La culture de la sortie précoce
évoque un certain nombre de choses : image négative des salariés âgés ; anticipation concernant l'âge
à partir duquel ils devraient se retirer de l'entreprise ; on constate que les salariés eux-mêmes
commencent à intérioriser cette image et à anticiper cette sortie précoce du marché du travail. Il faut
que la population active reflète la pyramide des âges de la population globale d'un pays. Si il y a un
décalage trop important, c'est mauvais pour la société, pour l'entreprise. On constate qu'on a affaire à
un phénomène de construction sociale de l'image de cette tranche d'âge. Si on compare l'image de la
vieillesse à différentes époques, on constate que l'image peut varier énormément selon les époques.
Si on remonte loin dans le temps, on trouve une marge assez négative. Jusqu'à la fin du 17ème siècle,
l'image de la vieillesse était négative. Cette représentation sociale de la vieillesse va se transformer
quelque peu au Siècle des Lumières. On insiste plus sur les aspects positives de la vieillesse. La
vieillesse est assimilée à la sagesse, à un savoir à transmettre. Le mouvement de revalorisation de la
vieillesse se prolonge par la suite. Avec la Révolution française, vont apparaître les premières mesures
d'assistance aux vieillards. On construit les premières hospices. Le nombre de vieillards s'accroît et
leur situation devient de plus en plus précaire. A partir du 19ème siècle, la vieillesse commence à être
réellement perçue négativement. Elle se détériore, notamment en ce qui concerne les milieux ouvriers.
Cette vision négative est encouragée par la Bourgeoisie, qui veut inciter les ouvriers à l'épargne, pour
que les classes aisées ne soient pas obligées de financer la vieillesse, l'assistance des personnes âgées.
En 1850, la Caisse Nationale des Retraites pour la Vieillesse est créée. Cet organisme s'adresse aux
ouvriers, il s'agit de les inciter à cotiser. La sécurité de la vieillesse passe par la propriété pour la
classe bourgeoise, et par l'épargne pour les autres. Le problème c'est que cette logique de prévoyance
individuelle révèle ses failles peu à peu. Les ouvriers ne parviennent pas à cotiser à la Caisse Nationale
des Retraites pour la Vieillesse, d'abord parce qu'ils étaient habitués à vivre dans le temps présent.
Les ouvriers étaient habitués à résoudre les problèmes quotidiens qui leur étaient posés.
Depuis quelques années, les taux d'activité des seniors augmentent. C'est une catégorie de travailleurs
qui est fragilisée. Le passage entre vie active et retraite ne se passe plus comme autrefois. Il y a une
phase transitoire plus ou moins longue. Plus des deux tiers de sortie de l'activité se font par d'autres
mécanismes que le passage direct à la retraite, tels que l'invalidité, le chômage, la pré-retraite. Quand
les salariés âgés retrouvent du travail, c'est bien souvent à un niveau très inférieur par rapport à leur
emploi précédent. La plupart des salariés âgés font l'expérience plus ou moins longue de l'inactivité
avant de pouvoir faire valoir leur droit à la retraite. On peut parler d'une déstabilisation des carrières,
qui a lieu bien avant l'âge de la retraite.
Ce qui commence à devenir la norme, c'est de dire qu'à partir d'un certain moment, les gens ne sont
plus efficaces dans leur métier donc on s'en débarrasse. Le problème vient aussi du fait qu'on se
projette dans une GRH très rigide. On constate que la GRH peut aussi être différente en fonction du
type d'entreprise. Dans certaines PME, lorsqu'on a des difficultés à trouver de la main d’œuvre
qualifiée, on peut être amené à être obligé à garder les gens plus longtemps dans l'entreprise.
Le chômage
Le comptage du chômage n'est pas seulement une question technique, touche une question de fond :
la définition du chômage. Le chômeur peut compter sur le soutien moral des autres citoyens. Il a le
droit à des soutiens financiers, des formations, ce qui contribue à confirmer son statut légitime. Les
statisticiens, dans la pratique quotidienne, construisent une partie de la réalité sociale. L'idée que le
chômage représente une construction sociale veut dire qu'il y a une classification sociale du
phénomène. Cette classification ne va pas de soi. On reconnaît le chômage comme un statut particulier,
qui ouvre un certain nombre de droits et de devoirs. Ainsi, certains sociologues ont mis en avant
l'argument que le chômage est une invention sociale. Il a été inventé par une série d'acteurs : les
statisticiens, les juristes… On peut évoquer notamment l'ouvrage de Robert Salais, Nicolas Baverez
et Bénédicte Reynaud-Cressent : L'invention du chômage (1980). La comparaison historique peut
être très utile et montre comment la représentation sociale varie selon les époques.
Au 18ème siècle, on ne dispose pas encore de termes pour désigner les personnes sans emploi. Le
mot « chômage » n'existe pas et les citoyens / individus ne savent pas ce que c'est. Pour désigner ce
que l'on appelle aujourd'hui des chômeurs, on parle de pauvres, d'indigents, de mendiants. On utilise
ces termes de manière interchangeable. Ces termes désignent ceux qui n'ont pas de ressources et qui
ne pourraient subsister sans une aide extérieure (Église, communes...).
A la fin du 18ème siècle, on commence à créer une catégorie. On parle plus de jours chômés, plutôt
que de chômage. Par le terme « chômé », on désigne une interruption de l'activité entraînant une perte
de salaire.
Au cours du 19ème siècle, le chômage va être dissocié petit à petit de la pauvreté. Ce que l'on peut
constater, c'est qu'on a là un changement radical des relations de travail. Auparavant, il était considéré
comme normal que l'emploi soit discontinu, donc inutile de créer une catégorie de chômeurs. On
travaillait, puis on chômait, puis on était réintégré dans la production. Tous les travailleurs
connaissaient ces séquences de rupture et d'activité au 19ème siècle. Avec l'industrialisation
croissante, les patrons vont avoir besoin de stabiliser leur main d’œuvre et de créer des relations de
travail beaucoup plus stables. C'est dans ce contexte que l'on fait tout pour institutionnaliser la relation
entre le salarié et l'employeur. Les contrats de travail font leur apparition à ce moment-là. La relation
entre le salarié et l'employeur devient plus durable. Grâce aux changements des pratiques, les normes
changent elles aussi. Avant, la norme était celle du travail discontinu, ensuite elle va devenir celle du
travail stable. C'est dans ce contexte, lorsque l'interruption d'activité arrive, qu'elle sera considérée
comme quelque chose d'anormal. Les jours chômés ne sont plus une parenthèse normale dans la vie
d'un travailleur, ils peuvent devenir beaucoup plus durables. Les relations de travail changent avec
l'industrialisation croissante.
En même temps que l'industrialisation, se développe des processus d'enregistrement des chômeurs.
Pour des raisons de planification, tous les gouvernements créent des services statistiques pour avoir
des statistiques, pour être en mesure de prendre des décisions. Cette comptabilisation des chômeurs
se fait d'abord dans le but de bien comprendre quelle est l'action publique la plus efficace, vers quel
type de population doit-on orienter l'action des fonds de secours. On cherche à dissocier la catégorie
des chômeurs de celle des pauvres. Cette distinction implique que les chômeurs ont d'autres droits
que les pauvres. On n'entend pas leur accorder les mêmes aides. On a dans l'idée d'aider davantage
les chômeurs, dans le but qu'ils retrouvent un emploi, pour qu'ils soient de nouveau utiles dans la
société. Les caisses seront reprises par l’État au lendemain de la 2nde Guerre Mondiale. Les chômeurs
vont pouvoir bénéficier de placements dans de nouveaux emplois. Les bureaux de placements vont
jouer ce rôle. Les pauvres sont traités avec d'autres dispositifs qui relèvent de l'assistance. Les
relations entre employés et employeurs s'institutionnalisent.
Il y a principalement 3 définitions du chômage que l'on peut distinguer :
→ Le chômage au sens du BIT
→ Le chômage au sens du recensement de la population de l'INSEE
→ Le chômage au sens des statistiques de Pôle Emploi
La forme et l'ampleur du chômage varie considérablement selon les différentes catégories sociales.
Le chômage est un phénomène inégalitaire et massif, mais en même temps il est fortement différencié.
Les différences entre chômage féminin et masculin sont importantes. Le taux de chômage des femmes
est largement supérieure au taux de chômage des hommes, indépendamment de la tranche d'âge
analysée. C'est vrai pour tous les pays européens, mais il y a des différences :
-Le taux de chômage des femmes de – 25 ans est très élevé en Grèce et Italie. En revanche, il est plus
bas en Autriche, au Luxembourg, au Pays-Bas, en Allemagne et en Irlande
-Le taux de chômage des femmes de + de 25 ans est plus bas au Luxembourg, au Pays-Bas, au
Portugal, au Royaume-Uni et en Autriche. La position de la France se situe davantage du côté des
pays où c'est élevé.
Le vécu du chômage
Ces sociologues ne s'intéressent pas uniquement au chômeur en tant qu'individu mais en tant que
groupe. L'équipe de recherches se rassemble sur cet objectif et vont s'intéresser au vécu du chômage.
Cette étude n'a pas été réalisée de façon très orthodoxe. L'un des auteurs (Paul Lazarsfeld) choisit
avec ses collègues une démarche méthodologique qui se distingue de l'objectivisme absolu qu'il
défendra dans ses travaux ultérieurs. Cette étude se caractérise par des démarches méthodologiques
particulières. L'étude n'a pas été réalisée de manière classique. L'exploitation des données a duré 6
mois. Les chercheurs ont conduit des entretiens biographiques avec des familles au chômage mais ils
ont aussi intégré toute une série d'indicateurs différents. Ils ont examiné la nature des menus, le goûter
des enfants… Les chercheurs se sont aussi intéressés au taux de fréquentation de la bibliothèque
municipale.
La 1ère règle que suive les enquêteurs : ils s'intègrent au milieu qu'ils observent. Ils vont travailler
comme moniteur de sport, professeur, médecin, collecteur de vêtements pour passer inaperçus, entrer
en contact de façon naturelle avec la population.
2ème règle : ils recueillent des données pré existantes, utilisent des données quantifiables.
3ème règle : ils éliminent au maximum toute subjectivité.
Plus des 3/4 des ménages du petit village étudié (Marienthal) dépendent des allocations de chômage.
Un village presque entier se trouve donc au chômage. Il n'y a pas de voie d'issue. Cette population est
relativement jeune. Il y a plus de 3,1 enfants par ménage. Les auteurs vont faire une vraie sociographie
de la vie des chômeurs en s'intéressant à plusieurs dimensions : niveau de vie des habitants, utilisation
du temps par ces chômeurs, vie sociale et familiale.
Concernant le niveau de vie, l'étude sociographique décrit de façon détaillée la grande pauvreté, qui
à l'époque, était associée au chômage. Les allocations n'étaient pas très élevées. Elles duraient entre
20 et 30 semaines. Une fois que les personnes n'avaient plus le droit aux allocations chômage, il y
avait l'aide d'urgence. Les chômeurs était pauvres à l'époque. Deux problèmes étaient récurrents :
-Les difficultés à se nourrir
-Les difficultés pour se vêtir et se chausser.
On constate que les chaussures des enfants sont tellement usées que ces derniers ne peuvent pas à
l'école les jours de pluie. Le versement des allocations rythme la vie du village. Les chercheurs
constatent que le lendemain de leurs versements, les goûters des enfants sont plus étoffés, mais
globalement, la population vit dans une grande misère. Les chercheurs constatent même que les gens
mangent des animaux ; personne ne s'étonne lorsqu'un chien ou un chat disparaît. Malheureusement,
les enfants sont en assez mauvaise santé ; situation de mal nutrition. Les familles n'ont pas
suffisamment de ressources pour faire manger les enfants correctement. Lorsqu'on a à manger, on fait
manger les enfants en premier, ainsi que le chef de famille. Malgré cela, il n'y a pas assez de nourriture
pour donner aux enfants. Les chercheurs sont frappés par l'existence d'éléments irrationnels dans le
budget des ménages. Il n'est pas rare de voir des dépenses de purs plaisirs : on achète de jolis
mouchoirs, on met des fleurs dans le jardin alors qu'on n'a pas assez de pommes de terre. Même quand
on a faim, on est encore capable d'acheter des fleurs, pour embellir la vie qui est triste ; c'est humain,
compréhensible. Cela paraît irrationnel pour les chercheurs. Les chercheurs y voient un moyen de
réintroduire des éléments qui appartiennent à la vie d'avant, qui sont sources de satisfaction même
s'ils ne sont apparemment pas rationnels.
Idées de sujets pour l'examen :
Les emplois étudiants et précaires
Le chômage ?..