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collection eupalinos
série ARCHITECTURE ET URBANISME
Projet
urbain
Editions ParenthésesRemerciements :
Ce travail trouve son origine dans un séminaize tenu a Institut frangais
architecture & Vinitiative de Bruno Fortier. Une premiére présentation a été
diffusée @ la fin des années quatre-vingt sous le titre Le temps de la ville Les
années qui ont passé ont permis de poursuivre cette réflexion et de tester la
validité de certaines propositions dans des projets concrets
‘Nos remerciements s'adressent en premier lieu 4 Pia et a P'Union des fédeéra-
tions d’organisme 111m, au Plan urbain et au Plan construction qui ont permis
son élaboration. tls Sadressent également aux maitres d’ouvrages qui ont
fourni occasion de Vindispensable confrontation de la théorie & la pratique.
Is Sadressent enfin aux nombreux étudiants et enseignants dont les attentes,
les réactions, les critiques ou les encouragements ont contribué a stimuler le
debat.
Hélene Fernandez et Vito Martelliano ont eu ta lourde tiche de reprendre et
coordonner Piconographie. Qu'ls trouvent ici Pexpression de notre gratitude.
Ouvrage publié avec le concours du Pir-Villes du cw:
coryaicur © 1999, EprrioNs PanenTubses,72, COURS JUtten, 13006 MARSEILLE
TSA 2-86369-604-4, 185N 1279-7650,
Avant-propos
La forme choisie pour cet ouvrage s’apparente a celle d'un
manuel, un peu a l'image des traités d’urbanisme anciens qui mélent l'ob-
servation de l’existant aux projets. Elle peut surprendre : le ton du manuel,
sa visée didactique, le caractére normatif des dimensions avancées
donnent Papparence @'un énoncé péremptoire. Elle Saccordait & Purba-
nisme naissant dans une société industrielle confiante.
Nous sommes loin aujour@’hui des certitudes d'un
Stiibben ou méme @un Danger, La foi dans un urbanisme scientifique aux
vérités universelles a cédé la place au doute : P'urbanisme ne peut plus
prétendre au contréle total de l'environnement (de la ville a la petite
cuillére...), le pouvoir politique est directement impliqué dans la forme de
Ia ville, les habitants revendiquent a juste titre un territoire et une capacité
daction
Pourtant la forme rhétorique du manuel conserve un
avantage : mettre en évidence l’enchainement des questions et Pinterdé
pendance des échelles. En 'adoptant nous avons voulu faciliter cette com-
préhension globale, éviter les visions spécialisées et les propos des
spécialistes, provoquer le lecteur et l'inciter 4 construire a partir de son
expérience personnelle sa propre théorie. Lurbaniste, en fin de compte,
devrait étre d’abord un habitant.Quelque part en France
Chapitre 1 La forme urbaine
comme enjeu
A partir des années cinquante, augmentation de la taille des
opérations, le développement de la copropriété ou de la construction locative,
Vévolution des théories sur larchitecture et la ville ont empéché la redivision
des grandes propriétés. En méme temps, était proclamée l’autonomie de la
Yoirie par rapport au bati. Ainsi la ville s'étend sans que soient créés de nou-
‘veaux espaces publics, sans que soit repensée organisation d’ensemble. Les
opérations se succédent au gré des opportunités fonciéres comme autant d’iso-
lats plus ou moins bien rattachés au réseau des voies existantes. Routes et
chemins ruraux parfois doublés par de nouvelles voies rapides forment Finfra-
structure primaire tandis que la desserte locale Sorganise de manitre auto-
nome a l’intérieur de chaque opération en accentuant les différences et les
discontinuités,
Dans les ensembles HLM, Peffet de banalisation générale des
spaces libres — au mieux de vastes parcs, souvent une succession de parkings
et de pelouses mal entretenues — a comme conséquence les difficultés d’entre-
tien et de gestion dont les charges sont presque entitrement reportées sur la
collectivité. 'absence d’espaces appropriables (individuellement ou par petits
groupes) aggrave ces difficultés en suscitant, face 4 ’anonymat des espaces,
vandalisme et agressivité. La situation parait & premiére vue paradoxale ; une
dilution excessive de l'espace entrainant une gestion coiiteuse et difficile tandis
que le logement ne connait pas de prolongement extérieur appropriable,
Par contrecoup la maison individuelle est présentée comme
Ja seule alternative sans que soient pris en compte réellement les cofits d’infra-
structure et de gestion a long terme de ce type d'urbanisation. Nouveaux villa-
{ges et groupements résidentiels s'organisent en cul-de-sac, parfois a ’intéricur
dun enclos dont l’entrée est contrélée, loin des services et des équipements
publics. extension des réseaux, augmentation des distances, la dilapidation
progressive des meilleures terres agricoles & proximité des grandes villes sont
ignorées comme sont souvent écartées les réflexions sur la vie urbaine, l’inser-
tion des lieux de travail dans le tissu résidentiel, les logiques commercantes et
la réduction des déplacements.
Prise dans cette opposition simpliste entre individuel et
collectif, la construction de logements, excepté quelques expériences isolées et
malgré des tentatives louables, savére en général encore incapable aujourd’hui
en France de produire un tissu. La ville continue d’étre pensée par catégories
fonctionnelles, par programmes séparés, par quantités de batiments a édifier.
PROJET URBAINA Pétranger la situation nest guére plus satisfaisante ; il suffit de parcourir les
réalisations de l'urbanisme officiel de la plupart des villes pour s’en convaincre.
La crise théorique de la forme urbaine est générale et les qualités indéniables
de telle ou telle opération ne constituent que des contre-exemples, des « ilots
de résistance » face au désastre généralisé.
Construire la ville
5 On a dit pendant longtemps que cette situation et I'insatis-
faction, voire le rejet qu’elle suscite chez les habitants, étaient la conséquence
de la mauvaise qualité de batiments construits trop vite et a bas prix sous la
pression de 'urgence. Vinadaptation des logements aux modes de vie, répéti-
tion et monotonie des formes et des matériaux ont conduit a la condamnation
de la « barre » et du béton. Il r’est pas dans notre intention ici de nier Putilité
@un travail sur Ia distribution du logement et de faire fi de ces critiques. On
peut simplement remarquer que les tentatives pour varier les volumes, les
styles et les couleurs n’ont souvent fait que masquer les problémes. Elles réve-
lent les limites d’une action qui ne touche que l'aspect des batiments sans
remettre en cause leurs relations. D’ot cet essai qui propose d’élargir la
question, du batiment vers la forme de la ville, ou si l'on yeut les formes
urbaines, Avec une conviction que la forme urbaine constitue aujour@hui un
enjeu qui dépasse le domaine strict des techniciens pour intéresser les aspects
économiques, culturels et sociaux.
4 Que toute activité d’urbanisme ou de construction ait des
implications économiques et politiques nest guére une nouveauté, et la socio-
logie urbaine nous a largement habitués a en faire analyse. Grands ensembles
et rénovations urbaines, nouveaux villages et centres historiques, logements de
masse et autoconstruction ont fait et font encore l’objet de nombreuses études
qui enrichissent notre connaissance de la ville et notre compréhension des
phénoménes urbains. Ce qui nous intéresse ici est différent. Le bati ou plus lar-
gement les formes urbaines incluent des tracés, des découpages, des disposi-
tions matérialisées, construites, inscrites sur le sol qui conditionnent les
capacités de développement et de renouvellement des activités sur un terri-
toire. Inscrites dans une longue durée, ces formes échappent rapidement aux
conditions de leur création ; de produits elles deviennent contraintes voire
causes. Si dans le passé il semble que I’élaboration de formes susceptibles d’ac-
cueillir, voire de favoriser le développement de la vie urbaine ait été de soi, tel-
lement était partagée par les techniciens divers et les habitants une idée de la
Ville, la question aujourd’hui ne peut plus étre résolue d’une maniére quasi na-
turelle. Trop de ruptures sont intervenues dans les théories et les pratiques de
Purbanisme et la réflexion doit étre reprise & la base.
Lenjeu est clair : sommes-nous encore capables de contri-
buer modestement au développement des villes, cest-a-dire non seulement
@étendre les territoires urbanisés et d’accroitre le nombre de batiments mais
de continuer & proposer aux habitants un cadre susceptible de s’adapter aux
changements de modes de vie et aux modifications économiques ? Ou verrons-
nous se perpétuer les dysfonctions et les problémes issus des urbanisations
récentes ? Devrons-nous & nouveau démolir dans quinze ans des logements
construits aujourd’hui ou reconvertir 4 grands frais des équipements inutiles
ayant d'avoir été achevés ? Uhypothése de ce travail est que les villes, fruits
dune longue expérience, ont souvent résolu par tatonnement ou par habitude
un grand nombre des problémes auxquels nous sommes confrontés au-
jourd’hui, En d'autres termes que nous ayons encore & tirer les legons de cette
experience, et que face aux échecs de 'urbanisme moderne il est plus que
temps de s’en inspirer.
On notera par ailleurs qua cété de Purbanisme offi
produit par les spécialistes et porté par les administrations, une part non négli
jeable de Purbanisation s‘effectue selon des modalités qui perpétuent les mé-
canismes anciens. Au Caire, a Mexico, 4 S40 Paulo ou dans d’innombrables
Jocalités moins connues, extension de la ville qui échappe au controle du
pouvoir municipal procede par occupation des terrains périphériques qui
sont distribués par des réseaux de voies (souvent héritées des tracés ruraux) le
Jong desquelles s’implante le bati. Sans faire appel & des techniciens, les habi-
tants établissent une hiérarchie entre ces yoies et les proportionnent en consé-
quence, Ils distinguent sans ambiguité les rues principales oi se localisent les
commerces et les services (¢quipements, stations des taxis collectifs...), ex-
ploitent les propriétés des carrefours, déterminent et localisent les lots de
terrain en fonction de leur destination.
I my a donc pas d'un cété une ville ancienne, charmante
mais dépassée, a laquelle s‘opposerait une ville moderne née du progres
technique, mais deux conceptions concurrentes de la ville qui s‘affrontent au-
jourdhui, parfois sur des terrains contigus.
Comprendre ces logiques encore vivaces, mais aussi leurs
jimites (initiative des habitants ne peut seule réussir 4 régler de maniére
{isfaisante la question des infrastructures techniques sur une grande échelle, ni
celle des prévisions pour le long terme) nous semble étre un antidote néces-
‘saire aux errements de Purbanisme moderne que sa croyance parfois naive aux
yertus de la planification, de la programmation, de la ségrégation et du con-
{role a conduit & une impasse
A Péchelle urbaine c’est moins la forme des batiments, ou
Jeur style qui compte mais leur capacité & créer des tissus urbains compatibles
‘avec les dispositions courantes des villes et ce que nous savons des pratiques
ui s'y rattachent, Créer des tissus urbains aujourd’bui, c'est-a-dire susceptible
ueillir les formes architecturales héritées du mouvement moderne et de
ss développements récents aussi bien que celles qui n'entrent pas dans ce que
‘hous considérons généralement comme la culture architecturale. Notre propos
rt d'une analyse réaliste des conditions actuelles de la construction, mais
pose comme hypothése qu'un travail mettant en relation d'une maniére rigou-
feuse le découpage du sol avec les types de batiments & édifier permet de
donner Je cadre initial d'un tissu urbain, favorise les appropriations et les
adaptations, et constitue un facteur d’économie important aussi bien pour les
cots initiaux que pour l’entretien et la gestion.
Partir d’une analyse réaliste, c'est admettre @’abord notre in-
capacité a produire dans un temps restreint (5 & 10 ans) la complexité de la
ville ancienne. Plutét que de la singer ou d’en donner les « signes », en privant
par la les habitants de la possibilité d’y inscrire eux-mémes ceux de leur propre
el,Fig. 1:
Guémar (Algérie).
50
109,
histoire, nous proposons done de repenser les techniques de lotissement
comme moyen de créer le cadre initial qui permettra a la vie urbaine de se
développer. Depuis les quartiers ouvriers de Tell el Amarna ou les quartiers ré-
sidentiels de Babylone, les villes en effet se constituent par assemblage de mo-
huments, de lotissements et de faubourgs. Les villes ont presque toujours été
Wabord nouvelles et le plus souvent sous la forme d’un lotissement régulier ;
lles ont tres t6t connu des banlieues qu’elles ont progressivement absorbées et
réunies au centre initial. Si leur tissu présente aujourd’hui des dispositions
complexes, des imbrications, des irrégularités, ce sont en général le fruit de
apport des générations plus que d'une volonté a priori. Aussi semble-t-il un
peu vain de prétendre recréer ex nihilo la variété et la complexité des tissus
Whciens, et les tentatives pittoresques ne produisent, au mieux, qu’un décor de
theatre réussi..
Aujourd’hui la question du lotissement se pose a différentes
tchelles : réutilisations des grandes enclaves libérées dans les centres et les pé-
fiphéries anciennes (enclaves industrielles ou ferroviaires, anciennes caser-
Nes...) ; opérations de rénovation des tissus anciens ; extensions périurbaines
(dont les villes nouvelles ne sont qu’un cas particulier). Elle se pose aussi dans
les situations trés diverses. Avec urgence dans les pays & forte expansion démo-
graphique ott la demande de logements est telle quril est illusoire de penser la
satisfaire par la seule production de batiments. Lexpérience de habitat infor-
mel, marginal ou autoconstruit comme réponse des habitants eux-mémes &
cette demande montre la nécessité d'offrir 4 grande échelle un cadre a cette
roduction en limitant aux espaces publics et aux infrastructures la part des
i cisccrnetts publics tout en créant les conditions morphologiques d'une
intégration dans la ville.
Partir de la réalité c'est admettre les programmes actuels tels
quils sont établis ct financés, et les inscrire dans une perspective nouvelle qui
prenne en compte des Porigine les évolutions possibles, les densifications, les
substitutions, les changements d’usage. Prévoir que tot ou tard les commerces
Viendront s’établir dans un quartier résidentiel, que les formes de travail évo-
luent, que le tissu urbain devra étre capable de répondre & des demandes qui
wont pas encore émergé au moment de la construction. C’est admettre les
types d’édifices majoritairement produits par l'industrie du batiment : villas et
waisons sur catalogue, pavillons en série, petits immeubles de résidences,
barres de 1M, immeubles de bureaux, équipements normalisés, centres com-
merciaux, locaux sportifs, nouveaux hotels, batiments administratifs... mais
aussi l’autoconstruction, les hangars industriels, les ateliers de fortune, et se
demander comment ces éléments qui sont généralement disposés selon une lo-
gique antiurbaine, séparés et dispersés, peuvent étre avec quelques adaptations
tdinsérés dans un tissu, remis en situation urbaine.
Ce point est important : sans négliger ’intérét des expérien-
ces architecturales et effet Pentrainement quelles peuvent avoir sur la pro-
duction, Pampleur des problémes que souléve aujourd'hui Purbanisation
impose de rechercher des solutions d’ensemble qui répondent au plan quanti-
tatif Pune maniére satisfaisante. Cela nécessite de travailler 4 partir de la pro-
duction courante, cest-a-dire des financements habituels, des procédés
constructifs usuels et des maitres d’ccuvre moyens.~ se
2
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CRAY
RAO
SN
Fig.2: Istanbul (Turquie).
Engager la production courante, partir de ce qui existe pour
Ja transformer en lui assignant autres objectifs que la simple réponse au pro-
gramme initial, est le seul moyen aujourd’hui de construire la ville, sans quoi
‘on continuera de développer des expériences isolées, intéressantes mais de
portée limitée, et 4 accentuer la coupure entre un secteur de recherche margi-
nal et une production dominante maintenue & l’écart de la réflexion urbaine.
Reconstruire une discipline
Notre travail n’est pas isolé. I] prend place dans un débat qui
s'est développé en France depuis une vingtaine d’années & partir des travaux
menés en Italie ; ce débat touchait également l'Espagne, l’Amérique latine,
PBurope du Nord et plus tardivement les pays anglo-saxons. I] passe par des
personnes, des conférences, des articles et des livres, mais aussi par des projets
et des réalisations. Jean-Louis Cohen (1984) dans son étude sur les rapports
entre la France et I’Italie en a relevé les premiers jalons.
En ce qui nous concerne, l'histoire commence sans doute a
Venise dans les années cinquante quand Saverio Muratori engage un travail
Wensemble sur la ville et procéde a une premitre définition des outils de
Panalyse urbaine avec les notions de croissance, de typologie et de morpholo-
gie. De cette premiére expérience est issu, non sans des débats parfois conflic-
{uels, Pessentiel du courant italien : Carlo Aymonino, Aldo Rossi et Gorgio
Grassi qui mélent analyse de la ville ancienne et relecture du mouvement mo-
derne ; Gregotti et Péchelle territoriale ; Maretto, Caniggia et Maffei plus préoc-
cupés de la dimension parcellaire ; Eduardo Detti, Fanelli, Di Pietro, Marco
Massa, Paolo Sica et le travail sur les villes moyennes de Toscane ; Cervellati,
Scannavini et ’expérience de Bologne ; etc.
Limportance du courant italien est indéniable et tout travail
sur la ville aujourd’hui ne peut faire ’économie de s’y référer. Du déve-
Joppement parfois tumultueux de ce courant est ressortie Pidée, rapidement re-
prise et développée par d’autres, quil était possible de reconstruire une
discipline : Parchitecture. La formulation au cours des années soixante de l’au-
tonomie disciplinaire de Parchitecture, la relation établic & la méme époque
entre Parchitecture et Ja ville — et entre la crise de l'architecture et la crise de
Ja ville — marquent la prise de conscience de impasse dans laquelle se
trouvaient l’enseignement et les pratiques professionnelles de |'aménagement
urbain aprés la guerre. I ne nous semble pas inutile de le rappeler en ce
moment ot la consommation effrénée des modes architecturales remet au.
goat du jour sans aucune distance critique la production des « fifties ».
La nécessaire reconstitution d’un savoir sur la ville, sur
Parchitecture et sur leurs rapports rest pas le seul fait de Italie. Bt la fin des
années soixante-dix voit se monter ¢a ct 1a dans les facultés et les écoles des
départements d’Urbanistica, d’Urban design ou de Projet Urbain qui tentent
une double et difficile entreprise. D’une part inyerser la tendance majoritaire
dans Penseignement de l’architecture de penser la ville 4 partir du batiment.
D’autre part combler le vide de lenseignement de P'urbanisme sur les aspects
morphologiques. Ces tentatives théoriques et didactiques se développent
souvent en méme temps qu'un travail de proposition et de projets qui intéresseFig. 3:
Amsterdam (Hollande),
{a ville ow la région ott sont situées les écoles, Soit que celles-ci soient mit
contribution directement pour l'étude de tel ou tel probléme ; soit que Pos-
mose entre le milieu universitaire, 'administration municipale et les bureaux
architecture privés, relayée par le dynamisme de l’édition, permette le pas-
sage des idées et l’aller-retour théorie/pratique.
Sur ce point, le cas de Barcelone parait exemplaire. Avec la fin
du franquisme et le retour 4 la démocratie, la conscience collective d’apparte-
nir & une ville, Barcelone, et 4 une nation, la Catalogne accélére les revendica-
tions des habitants, notamment en matiére de logement et de cadre de vie et
oriente la réflexion des techniciens. Sur cette toile de fond s'élabore alors une
théorie de Pintervention sur la ville qui va en quelques années se concrétiser
dans des projets et des réalisations exemplaires. Dix ans séparent la nomina-
tion de Manuel de Sola-Morales a la chaire d’urbanisme de I’école d’archi-
tecture de Barcelone (1968) du premier ensemble de Plans et Projets pour la
ville elaborés a Pinitiative des services municipaux dirigés par Oriol Bohigas
(1978-1980). Dix années de projets, de contre-projets, de concours, de plans
d’aménagement pour différentes villes d’Espagne mais aussi Particles, d’analy-
ses, de publications, de conférences, de cours et d’exercices didactiques ot se
précise progressivement une méthode de projet urbain. Celle-ci est précisé-
ment décrite par M. de Sola-Morales dans !’ Art de ben establir (1983) qui cons-
titue la référence de Penseignement a I’école d’architecture. Y sont abordés
dans ordre : le tracé des voies, le découpage parcellaire, les regles d ordonnan-
cement de lespace public, Notions que auteur a mises en ceuvre dans diffé-
rents projets, notamment celui du polygone 10 de Lacua a Vitoria (1975, avec
Rafaél Moneo).
Redécouverte de la forme de la ville et de son histoire par les
Italiens, mise en avant de l’espace public et de importance des découpages
parcellaires avec Barcelone, les bases du projet urbain s'élaborent depuis vingt
ans dans un réseau d’échanges et de relations internationales, ou tour a tour
une ville, une école, un groupe, un concours fait avancer la question.
Hormis les Italiens — les premiers projets de lotissements
de Carlo Aymonino datent de limmédiat aprés-guerre — la revendication du
projet urbain est portée par une tranche d’Age assez homogene, la génération
née entre 1935 et 1955 qui accéde aux responsabilités a partir de 1968. II s‘agit
donc d'une rupture a la fois avec la grosse production de logements sociaux et
@équipements des années cinquante-soixante généralement contrélée particu-
ligrement en France par des cabinets importants mis en place a la faveur de la
Reconstruction, et dont Pinquiétude théorique s'est dissipée avec ’abondance
des commandes ; mais aussi avec la génération qui précéde immédiatement,
enlisée dans le brutalisme constructif, les systemes proliférants et les méga-
structures issus de laprés clAM et Team 10.
Le cas d’Aldo Van Eyck (et dans une moindre mesure celui
de Gian Carlo di Carlo — tous les deux de Team 10) nous apparait comme une
exception. Le plan de réaménagement du quartier de Jordaan 4 Amsterdam
(1973) et plus encore celui du secteur Waterstraat-Bitterstraat 4 Zwolle (1970)
présentent déja un grand nombre de caractéres du projet urbain tel que nous
tentons de le définir ; primauté des espaces publics et respect des tracés exis-
tants ; découpage parcellaire en accord avec les types de batiments a édifier ;Fig. 4: New York (Etats-Unis).
dessin des fagades et dispositions typologiques en relation avec les « conven-
tions » du quartier. On peut penser que la localisation a Pintérieur dun tissu
existant, la prégnance du parcellaire flamand, engagement des architectes aux
ebtés des habitants contre les rénovations bulldozer expliquent cela. Encore
fallait-il accepter ce contexte, le prendre en compte de maniére positive. Cons-
tatons que ’expérience du projet urbain comme alternative a Purbanisme de
plan de masse commence souvent a Vintérieur des villes existantes ott des
contraintes fortes simposent a l'architecte quelque peu sensible tandis quill
fauidra attendre la fin des années soixante-dix pour voir revendiquer la possi-
bilité Putiliser les mémes notions dans des urbanisations nouvelles.
Lexpérience des villes nouvelles pourtant aurait pu depuis
longtemps fournir matiére a reflexion. Curieusement elle a plut6t brouillé les
cartes et retardé la recherche. Une premiére raison est sans doute dans le fait
que les villes nouvelles (au sens moderne) se présentent comme des solutions
nouvelles & des problémes nouveaux. Méme si Raymond Unwin introduit son
ouvrage Town Planning in Practice (1909) par une analyse historique complete
accordant une place importante au phénoméne de création de villes depuis
Pantiquité, il semble que les théories officielles de Purbanisme aient été rapide-
ment plus préoccupées de programmation, de schéma de circulation et de ré-
partition des flux que de le compréhension des phénoménes morphologiques
et de leur rapport au site et au passé. Assez. vite la cité-jardin apparait comme
un jalon, historique mais dépassé, dont les lecons ne sont pas utilisables. Pas
plus que n'est envisage de tirer profit de étude des villes neuves antiques, des
bastides médiégvales ou des créations de villes classiques. Pextraordinaire
mouvement de création urbaine de Amérique espagnole, de l’Amérique
anglo-saxonne, de Purbanisme colonial en Méditerranée, en Afrique ou dans le
Sud-Est asiatique reste pour Pessenticl méconnu, voire inconnu de histoire
officielle jusqu’ une date récente. Ft les justifications idéologiques — la
mauvaise conscience du passé colonial, dissimulent en fait un désintérét pour
la question. Qu'importe qu'Héliopolis ville nouvelle créée au début du sicle
par le baron Empain dans le désert égyptien soit effectivement devenu une
yille active de plusieurs millions d’habitants ; que des dizaines et des dizaines
de yilles neuves dont nous possédons les plans dorigine puissent nous per-
mettre de comprendre les mécanismes de création, de développement et
dadaptation du tissu. La ville nouvelle ne se yeut pas d’ancétres ou alors au
seul plan de la référence emblématique. Du modéle anglais au modéle suédois,
de la version Charte d’Athénes au ‘Townscape, les villes nouvelles proposent
toutes un saut proprement stupéfiant : en amont les délices de Ja planification
de plus en plus sophistiquée, A Parrivée la prédominance de la forme archi-
tecturale et du plan-masse, Plus retenu chez les Anglais qu'une longue pratique
du housing public conduit a des batiments modestes et réfléchis, impérial &
Brasilia oii Niemeyer décide de tout, le formalisme architectural atteint dans
les villes nouvelles frangaises des sommets inédits. Révélations des talents
diront les uns ou inversion des priorités...
Parler du contexte francais nest pas facile. Nous avons trop
été mélés depuis vingt ans a ses débats, nous en connaissons trop les protago-
nistes, les occasions manquées et les non-dits. Parmi les conflits toutefois une
réflexion se poursuit, a laquelle ce travail appartient. Réflexion sur la villeSSS
om o
unt
Hens
fn
ni
211
Barcetone (Eepagne)
reine fi Q 5 100m
rae et
Barcelone-Cerda (Espagne).
menée dans les écoles architecture, expérience de projets, quelques réalis
tions, Deux propos de Bernard Huet peuvent servir de référence au déve-
loppement de cette réflexion. Du constat formulé en 1976
« Construire la ville (au lieu de réaliser des grands ensem-
bles de logements) r’a aucun sens si le probléme de la quantité urbaine et de la
dimension des opérations n’est pas posé de maniére différente. Un architecte
seul ne pourra jamais transgresser cette condition, néanmoins, il est possible
de ne pas aggraver. Or, la plupart des architectes concoivent un ensemble
urbain de la méme maniére qu’ils projettent leurs batiments : isolé, replié sur
lui-méme, agressivement indifférent au contexte [...] Cest le vrai danger qui
guette les projets des émules italiens, frangais ou anglais de la “Tendenza”
fossienne, ceux qui privilégient la virtuosité formelle au détriment de la
recherche d’une théorie urbaine replacée dans un contexte quantitatif et opéra-
tif “possible” sous certaines conditions de transformations structurelles de la
société » aux objectifs redéfinis en 1987 :
« La réconciliation de la ville et de Parchitecture dépend en
premier lieu de notre capacité a imaginer un nouveau projet pour la ville dont
les instruments appropriés restent a découvrir. Il ne s'agit en aucune facon de
tevenir au plan d’urbanisme et au type de reglements qui sont encore en
Vigueur et qui garantissent la pérennité d'un modéle que nous devons dépas-
ser, Il est nécessaire de repenser les termes “projet urbain” qui servent d’ins.
truments de médiation entre la ville et architecture et qui s'appuyant sur les
conventions urbaines, fournissent un contexte & partir duquel architecture
puisse produire son plein effet de différence. Ce projet urbain devrait égale-
ment nous permettre de renouer avec l'idée de projet permanent, dont la forme
de départ est suggérée plus que dessinée, et qui se réalise dans la “longue
durée” autour d’un nombre d’évidences culturelles... Déja certains architectes,
et non des moindres, sont préts 4 accepter une situation nouvelle ot Parchi-
lecte s'effacerait devant l’évidence de architecture et l’architecture devant la
nécessité de la ville. »
Le projet urbain
La redéfinition des rapports entre les édifices et la ville, entre
Varchitecture débarrassée de ses obsessions formalistes et l’urbanisme délivré
de ses pesanteurs technocratiques s’est exprimé en France a travers une reven-
dication formulée en terme de projet urbain. Revendication politique en ce
sens qu’elle suppose une nouvelle formulation du role des techniciens de
Paménagement et de leurs rapports avec les habitants et les collectivités terri-
toriales. Revendication théorique en ce sens qu’elle appelle de nouveaux outils
conceptuels et de nouvelles techniques de projet.
Parmi les notions qui semblent acquises la premiére con-
cerne Pespace public. La permanence de espace public qui appartient 2 la
longue durée a comme conséquence la nécessité dune distinction nette entre
les terrains ott s’exercent le contréle et la gestion de la collectivité et ceux qui
sont offerts 4 initiative ou a l’usage privés. Cette distinction qui peut prendre
des formes juridiques diverses n'intéresse pas seulement les espaces publics, au
sens paysagé du terme, mais plus profondément, la disposition des réseaux
hedFig, 6
Port Said (Egypte).
dont Pentretien, la réparation et la transformation, & la charge et sous la res-
ponsabilité de la collectivité, doivent etre toujours possibles indépendamment
des modifications qui peuvent intervenir sur les terrains privés. Elle suppose la
maitrise des contraintes techniques usuelles concernant ces différents réseaux
et la connaissance de leurs dimensionnements afin de pouvoir dépasser la
simple juxtaposition des interventions des différents services concessionnaires
et repenser Pespace public dans sa globalité. Elle suppose également une réac-
tualisation des techniques de dessin (tracé et profils des voies) et des connais-
ances élémentaires de topographic.
Cette premiére distinction permet de poser la question des
tracés autrement qu’en termes de composition académique. En effet, de cette
distinction dépend la capacité du tissu a se modifier et se renouveler par
opérations de taille variable tout en assurant de manitre continue dans le
temps le bon fonctionnement de lensemble et la compatibilité des tats
successifs,
Si la distinction espaces publics/espaces privés est au
jourd’hui largement admise, le travail de projet semble encore faire Pobjet de
multiples confusions. Le manque @outils pour aborder cette question conduit
‘i ces dispositions caricaturales que l'on voit fleurir depuis quelque temps au
nom de Parchitecture urbaine : des pseudo-ilots constitués d'une périphérie
batie entourant un centre vide, C’est que l& encore les techniques de plan
masse n'ont pas disparu et que les formes urbaines sont encore pensées direc-
tement a partir de la production des batiments.
Substitution, fragmentation, parcellisation, découpage, lotis-
sement posent la question d'une échelle intermédiaire entre tracés et édifica-
tion. Aux termes de fragmentation ou de subdivision qui évoque Pidée d'une
forme préetablie qu’il sagirait de réaliser par morceaux — ce qui peut étre le
eas exceptionnel de certains ensembles monumentaux —, nous préférons ceux
de découpage du sol, de parcellisation, plus conformes Vidée de définir un
statut et une dimension aux terrains avant d’envisager la forme des construc-
tions. Le projet urbain en effet manipule des dimensions qui ne se réduisent
pas a des quantités (si 20 m x 25 m = 500 m? ce rest pas la méme chose que
jo m X 50 m=500 m), Il met en relation plusieurs paramétres souvent envi-
sagés de manitre séparée. D’une part, entre découpage du sol et les types de
bitiments prévus en intégrant les dimensions imposées par les techniques
constructives, les réglements d’urbanisme et les répartitions de la maitrise
Wouvrage qui, méme quand elle est unique, procéde par opérations distinctes
ou décalées. Mais également en envisageant les substitutions possibles, soit
pendant le temps du projet (changement de programme), soit aprés (modifica-
tion du tissu). Ces substitutions ou ces équivalences mettent en jeu des
Gchelles intermédiaires sur lesquelles la réflexion a jusqu’ici peu porté. Ainsi
un groupement de quatre maisons jumelées avec un garage latéral sur une
trame de 9 m en fagade est équivalent & six maisons de ville sur une trame de
6 mou a deux immeubles de ville de 12 a 15 logements chacun sur une trame
de 18 m. Pour approfondir concrétement cette question, une distinction termi-
nologique nous est apparue utile entre le lot défini comme unité opératoire
dont les dimensions dépendent de contraintes techniques ou program-
matiques, et la parcelle définie comme unité d’usage individuel (maison) ou
es#42
Fig.7: Le Perreux (France).
collectif (immeuble). Cette distinction qui joue sur des mots courants et
presque synonymes de la langue frangaise n'a pas de prétention a régler dura-
iene Je statut juridique du fon le est utilisée ici pour la commodité de
Pexposé.
Selon les cas, le lot peut étre égal a la parcelle (propriétaire
privé construisant pour lui-meéme, immeuble collectif, équipement) ou au
froupement de parcelles : rangée, petit lotissement. La capacité de passer
- d'une échelle a l'autre, de mettre en relation des programmes différents, de
inéler les typologies nous semble une condition d’un retour non formaliste a la
Ville qui intégre les réalités de la production contemporaine.
Le jeu des équivalences (et des substitutions) permet a partir
des premiers tracés @engager de maniére ouverte la discussion sur les diffé-
fents secteurs : élus, habitants, maitres d’ouvrage, techniciens. Un systeme de
simulation simple permet de faite varier les densités, de préciser les program-
mes, de mesurer leur effet sur les espaces publics, etc. Il permet également de
déterminer les phases de réalisation et de répartir les interventions des divers
(aitres d’ouvrage, non pas comme une simple attribution de quantité de bati-
‘ments a réaliser mais en fonction des enjeux urbains, I! permet d’articuler des
architectures diverses tout en maintenant le contréle des espaces publics
mujeurs. La diversité nest pas posée et imposée comme une volonté formelle a
priori mais nait de la gestion de programmes différents, elle participe « natu-
rellement » de la complexité de la ville.
Edification et typologie posent la question du bati. Le projet
urbain notre sens r’est pas un projet d’édification en ce sens qu'il n’est pas
\ne grosse commande de batiments. Son but est de créer les conditions de
lédification et de la gestion du tissu. Néanmoins il ne peut pas se désintéresser
des édifices et se cantonner & une définition paysagére des espaces publics
agrémentée de quelques prescriptions sur les silhouettes et les couleurs. Le
travail sur le découpage, on Pa vu, suppose la prise en compte des types de
batiments. Il dépasse le probléme des maisons individuelles anquel on limite
souvent la question de lotissement pour intégrer les immeubles d’habitation,
Jes équipements et les lieux de travail. Nous avons insisté plus haut sur la né-
cessité de considérer la production actuelle pour ce quelle est, de faire la ville
avec des types de batiments réellement existants. II ne s’agit pas d’une concep-
tion passéiste ou normative de la typologie. Comme la prose, on la manipule
sans le savoir et quiconque accepte une Commande s‘inscrit de fait dans une
filiation typologique dont il est libre d’ignorer la logique mais que les mani¢-
tismes de facade et les gesticulations de plan de masse ne parviennent pas &
camoufler. La question du type comme articulation entre commande et forme
architecturale ne peut donc pas étre écartée.
Sans assimiler le travail de projet urbain a ’élaboration de
prototypes reproductibles a l'identique comme aux temps héroiques des
Siedlungen ou des grands ensembles, a mise au point du projet suppose de
définir, assez précisément parfois, les caractéres typologiques des édifices a
construire. Cette définition peut s’appuyer sur des réalisations, et tout projet
urbain d'un peu d’ampleur devrait prévoir dans les premitres tranches
quelques opérations expérimentales oti les contraintes, notamment réglemen-
taires, seraient assouplies afin de tester concrétement la validité des typesFranofont (AULemagne)
8 Ed 100m
Fig. 8:
Francfort (Allemagne).
felenus. Elle peut également utiliser différentes formes de simulations ou de
filérence & des batiments connus, construits et existants.
Enfin le travail sur 'architecture des batiments — et le choix
les architectes chargés de les réaliser — rest pas indifférent a ce que Bernard
Huet appelle les hiérarchies monumentales. espace du projet urbain comme
celui de la ville, rest pas homogéne mais ponctué, rythmé par des alternances
dle zones actives et de secteurs résidentiels, de lieux symboliques et de tissu ba-
Hial, d'institutions, d’équipements, de parcs ou d’usines, de terrains en friches
et de réserves, de travaux a court terme et de programmes lointains. La consti-
{ution de quelques lieux monumentaux, cest-a-dire que la collectivité puisse
Identifier et oit elle puisse se reconnaitre, engage non seulement la localisation
des institutions et leur relation avec les espaces publics, mais aussi le traite-
ihent architectural des édifices singuliers et ’ordonnancement du bati banal
(qui les accompagnent. ’économie des effets peut tirer parti de économie des
moyens pour éviter de saturer la ville de signes vides.
Redéfinir les techniques du projet urbain : tracé, découpage,
implantation du bati, localisation des activités, ordonnance des espaces
publics, etc. devrait permettre @’éviter des gaspillages inconscients (un double-
ment des égouts par manque de rationalité des tracés est une charge cotteuse,
techniquement impossible 4 supprimer, sans aucun bénéfice pour la vie so-
ciale). Les économies réalisées peuvent trouver une double affectation. Une
partie permettra en allégeant la charge foncitre de baisser les cotits des loge-
ments, ou d’améliorer leurs prestations. Une autre permettra de concentrer sur
quelques espaces publics — avenues ou parcs, jardins ou places — des moyens
qui font aujourd’hui defaut, ou sont notoirement insuffisants. Ainsi la rationa-
lisation, Phistoire des villes le démontre, est pas coniradictoire avec un traite-
Ment soigné du paysage urbain. Mais cette rationalisation implique une autre
maniére d’envisager études et projets.
A la succession logique proposée par Manuel de Sola-Mora-
les : tracés viaires, découpage, édification et ordonnancement du bati ou a celle
avancée par Bernard Huet : tracés, hiérarchies monumentales, subdivision,
régles d’organisation spatiale, nous avons préféré un exposé qui part des dé-
coupages parcellaires et de leur ordonnancement en fonction des types batis
(chapitre 2) pour situer 'espace de la voie dans ses relations dialectiques avec
les terrains desservis (chapitre 3) avant d’aborder a plus grande échelle la
constitution du tissu (chapitre 4), ’étude des grands tracés (chapitre 5). Enfin
une réflexion sur les activités et leur localisation (chapitre 6) précéde quelques
temarques sur la durée et la gestion (chapitre 7).
Si les quatre premiers chapitres font largement appel a des
dimensions et des dispositions précises (celles-ci doivent étre comprises
comme des indications, des exemples plutét que des normes) la seconde partie
insiste davantage sur des processus, des logiques non quantifiables.
Les exemples choisis appartiennent souvent a des villes aux
tracés réguliers, Deux raisons expliquent ce choix. La régularité est démonstra-
tive. Elle met en évidence des équivalences (entre une rangée de maisons et un
équipement, entre un groupe d’ilots et une institution) que des formes plus
compliquées ne laissent percevoir qu’a Pissue d’analyses assez longues. En
dautres termes ces exemples didactiques permettent d'illustrer assezsimplement des phénomenes, des processus ; les ayant saisis il sera plus facile
de les lire dans d'autres villes, De plus ces villes sont souvent connues, elles ont
{uit objet d’études et de publications qui en rendent histoire accessible par
tous. examen de leur évolution selon des rythmes historiques différents mais
} partir de: teres morphologiques voisins permet des comparaisons
stimulantes. Pourtant la régularité ne se limite pas & ces exemples, elle rest pas
synonyme d’orthogonalité. Et d'autres villes aux géométries plus complexes ré-
vélent importance d’autres facteurs : le relief, le fagonnement antérieur du
site, les relations de la ville au territoire, influence de leurs propres histoires.
Ainsi organisé cet essai s'apparente & un manuel ot se
mélent constats et analyses de la réalité et propositions. Il renoue consciem-
ment avec les traités ?urbanisme du début du siécle comme celui de Stiibben
(Der Stadtebau, 1907) ou Unwin (Town Planning in Practice, 1909) qui reste
plus que Camille Sitte (Lart de batir les villes, 1889) ou Eugene Hénard (Etudes
sur les transformations de Paris, 1909) des exemples de méthode par leur capa-
cité a relier dans un méme exposé Pensemble des problémes.
Nous n’avons pas évité un certain nombre de redites et un
trés grand nombre Womissions. Les premigres sont trés directement dues
Vimpossibilité quand il s'agit de la ville, de séparer les problémes ct les traiter
isolément. Comment parler de la rue sans évoquer les batiments qui la
hordent, les activités qu'elle supporte, le territoire dans lequel elle s'inscrit. Les
secondes sont la conséquence des limites assignées & cet essai, Trop d’exemples
he sont qu’évoqués alors qu'on aurait souhaité les décrire et les illustrer de
maniére plus complete, D’autres sont absents que nous aurions aimé présenter
fant il est vrai que chaque ville nous apprend sur les autres, nous renvoie & une
autre semblable ou différente ot la méme question se pose, parfois dans les
mémes termes, parfois en inventant des solutions nouvelles. Un café a langle
de deux rues, une parcelle profonde, des ruelles en escalier, un passage couvert,
la rue du port... Nantes, Génes, Istanbul, Port-Said, Buenos Aires, Montréal ou
Manaus ¢
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