2- La variation linguistique
Les premiers travaux de William Labov (traitement des semi-voyelles sur l’île de Matha’s
Vineyard, stratification du R dans les magasins new-yorkais) ont permis d’établir la
coexistence de différentes prononciations (variantes) de la même variable. Il y a variable
linguistique « lorsque deux formes différentes permettent de dire « la même chose » c’est-à-
dire lorsque deux signifiants ont le même signifié et que les différences qu’ils entretiennent
ont une fonction autre stylistique ou sociale » (Calvet, 1998 :76). Un principe est désormais
clair : « il n’est pas de langue que ses locuteurs ne manient sous des formes diversifiées »
(Gadet, 2007 : 13), « aucune langue ne se présente comme un ensemble unique de règles.
Toutes connaissent de multiples variétés ou lectes » (Moreau (1997 : 283) et les
sociolinguistes saisissent cette différenciation en termes de variétés pour désigner différentes
façons de parler. La variation concerne les phénomènes diversifiés en synchronie, et le
changement est pour la dynamique en diachronie.
La variation est à la source des différentes variétés de français (représentations d’usages plus
ou moins reconnus d’une communauté). Gadet (2003 : 127) dit d’ailleurs que la variation est
un « élément de la variabilité des langues, mise à profit par les locuteurs dans l’expression
d’une identité locale ou sociale, ou pour s’adapter à l’activité en cours ». La variation
linguistique désigne donc l’ensemble des fluctuations linguistiques adaptées en fonction du
contexte social ; c’est l’ « acclimatation sociale » de la langue. Parce qu’elle est vivante, une
langue subit automatiquement des modifications par adaptation au milieu, à l’image de ses
locuteurs. De ce fait, la langue cesse d’apparaître comme un ensemble de règles exemptes de
toute influence extérieure ; d’où la vacuité de la conception de la norme fantasmée.
Le Cameroun n’est pas resté en marge de cette réalité linguistique. La variation du français,
son adaptation au milieu socioculturel du pays a donné lieu à des usages dits « endogènes ».
Divers facteurs extralinguistiques et intralinguistiques y ont contribué car les différents
contextes sociaux qui s’offrent à chaque locuteur constituent des « facteurs de diversification»
(Gadet, 2003 : 17).
II-FACTEURS DE LA DYNAMIQUE DU FRANÇAIS
C’est l’ensemble des facteurs qui conditionnent et favorisent la variation linguistique. Pour
comprendre l’étendue de la variation de la morphosyntaxe, ces facteurs doivent être pris en
compte. Ils sont indiscutablement à l’origine de tel ou tel comportement langagier. Ils sont de
plusieurs ordres. Nous empruntons quelques uns de ces facteurs à Robert Chaudenson (1993).
1-Les facteurs extralinguistiques
Les facteurs extralinguistiques établissent un lien de causalité directe entre la société et la
langue. Ces facteurs composés de variables sociales conditionnent les changements
linguistiques.
1-1-Le plurilinguisme camerounais
Des 1000 langues utilisées en Afrique, près de 300 sont parlées au Cameroun.
1-2-Le modèle de référence et la pression normative
Le modèle de référence relève de la norme prescrite et surtout fantasmée par les communautés
francophones. Cette forme exerce sur les différents locuteurs une pression normative qui est
selon Chaudenson, Mougeon et Béniak (1993 : 17) « le principal élément de freinage voire
d’annulation des forces qui déterminent les tendances autorégulatrices du système. C’est
lorsque cette pression se relâche, voire disparaît, que ces tendances se manifestent avec le plus
d’évidence et que la variation touche les points faibles de la structure du français ». Ceci se
vérifie dans les sociétés francophones où le français véhicularisé reflète l’usage endogène qui
ne s’arrime pas à la norme prescrite. La véhicularisation d’une langue montre qu’il y a
relâchement de la pression normative sur la population ; ce relâchement, quant à lui, laisse
libre cours à la variation.
1-3- Contact linguistique
Le contact linguistique concerne les pays plurilingues qui parlent plusieurs langues. Il s’agit
de « toute situation dans laquelle une présence simultanée de deux langues [ou plusieurs
langues] affecte le comportement langagier d’un individu » (Hamers in Moreau ; 1997 : 94).
Dans le détail, les situations de contact apparaissent plus complexes. L’impact linguistique
des langues ethniques ou locales sur le français dépend de la position octroyée à ces dernières
dans chaque pays. Un vernaculaire reconnu comme langue nationale et véhicularisé aura plus
d’influence sur le français qu’un vernaculaire limité à une communication intra-ethnique et
minoré. En raison de la diversité linguistique de chaque pays, le contact linguistique
n’engendre pas la même variation sur le français.
1-4- Mode d’acquisition et d’apprentissage
L’apprentissage d’une langue relève d’un contexte institutionnel et formel comme l’école
alors que l’acquisition relève, quant à elle, d’un mode non scolaire et non formel.
Le facteur du mode d’acquisition ou d’apprentissage est lié à la variable du niveau de
scolarisation. En effet, tous deux auront des conséquences sur la qualité du français pratiqué
par le locuteur.
1-5-Le niveau d’étude
Le niveau d’étude conditionne le niveau de langue en français. Donc, plus le locuteur sera
considéré comme peu ou non scolarisé, plus il s’éloignera de la norme. Cette répartition
niveau de langue – niveau de scolarisation est à la base de la tripartition sociolinguistique des
locuteurs. Cette description qui lie le linguistique au social devient un corollaire à la théorie
de la variation.
1-6-La production langagière
La production langagière en français dépend du degré d’exposition du locuteur à cette langue
et à ses variétés. Il faut se demander si le locuteur l’utilise dans la totalité de ses productions,
si elle se partage équitablement avec une autre langue, si le français est employé
occasionnellement au profit d’une autre langue ou si cette autre langue constitue la majorité
des productions langagières. La production langagière se mesure également à la « fréquence »
et à l’« importance de l’utilisation » d’une langue ainsi que « les domaines d’utilisation du
français et les variétés de français qui leur sont associées (français standard à l’école,
vernaculaire au foyer, etc.) » (Chaudenson, Mougeon, Béniak ; 1993 : 21).
1-7-Appropriation du français
Le français s’impose comme véhiculaire, surtout dans les centres urbains car il est le moyen
de communication interethnique et fonctionne comme langue seconde. Mais par l’expansion
du français « sa véhicularisation a abouti à une situation de vernacularisation » (Boucher ;
2001 : 76) puisqu’il s’est introduit à l’intérieur des foyers et est devenu une langue
domestique.
1-8-L’oralité
La spécificité du français en Afrique est d’être avant tout une langue orale. Divers travaux
ont démontré les différences entre l’oral et l’écrit. L’organisation du discours change et la
pression normative n’apparaît pas identique puisqu’elle se fait plus discrète à l’oral. Selon
Hazaël-Massieux (1993 : 372) quatre traits fondamentaux caractérisent la situation d’oralité :
- la référence constante à la situation, impliquant une certaine organisation du discours (et de
son contenu) et la redondance, dont les manifestations sont souvent grammaticalisées ;
- la fonction grammaticale de l’intonation, servant d’indicateur pour l’identification des
grandes unités du discours ;
- l’absence de pression normative ayant pour conséquence une restructuration du système
allant vers la suppression des règles perçues comme redondantes (neutralisation des
oppositions de genre et de nombre, généralisations des paradigmes flexionnels, etc.).
2-Les facteurs intralinguistiques
On peut discerner divers paramètres de variation à l’intérieur du système normatif d’une
langue comme le français (système normatif pris ici dans un sens qui englobe tant ce qui est
considéré comme légitime que ce qui ne l’est pas). Ils relèvent avant tout des processus
autorégulateurs (restructurations internes : interférences, calques, néologismes, etc.) et
concernent divers aspects de la langue. Que peut-on relever comme procédés de variation
morphosyntaxique au Cameroun ?
III-QUELQUES TRAITS DE VARIATION MORPHOSYNTAXIQUE
Plusieurs faits de langue attestent de la variation morphosyntaxique de la langue française au
Cameroun comme le montrent ces exemples et analyses tirés des travaux de Noumssi (2004)
et de Biloa (2007).
3-1- Les interjections ou traits intonationnels
Les interjections sont des mots invariables qui traduisent une attitude affective du sujet parlant
(Biloa). Elles sont présentes dans le français du Cameroun et peuvent exprimer l’étonnement,
l’état d’âme, l’indignation, l’admiration, la colère, la moquerie, l’injonction, la surprise ou
l’insistance. Les interjections sont soit ouvrantes (c’est-adire en début de phrase), soit
médianes (c’est-a-dire au milieu des phrases), soit, enfin, finales (conclusives).
-Elles ouvrent l’énoncé :
Exemple : Ekyé, papa, fit Norbert en riant discrètement.
-Elles apparaissent en milieu de phrase.
Exemple : Oui d’accord, ékyé, attends un peu, Norbert, reprit le commissaire.
-Elles apparaissent en fin d’énoncé et referment l’énonciation.
Exemple : Des que je veux un peu me laisser aller a un peu de romantisme et vlan !
Exemple : De toute façon, réfléchis un peu, connard d’intello a la gomme, qu’est ce
que tu risques, hein ?
3-2-Les appuis du discours : là, même et ça.
Noumssi (2004) considèrent même, là, comme çà, comme des « appuis du discours ».
Exemple : Ici là tout le monde étudie, même toi la fille en rouge là.
Exemple : Non, je ne t’excuse plus, remets mon argent là làlà.
On peut observer dans l’exemple premier que l’item là qui est normalement un adverbe
désignant la plupart du temps un lieu est couplé à ici, un autre adverbe de lieu, afin de
souligner, d’insister davantage sur l’endroit dont il question dans l’énoncé. De la même façon,
là du syntagme la fille en rouge là assume une fonction expressive, emphatique en attirant
l’attention sur une fille particulière, c’est-à-dire celle qui est habillée en rouge.
Le morphème là peut également se dupliquer comme le montre l’occurrence qui suit, dans
l’optique de référer à un endroit et à un moment précis, car là là là est un camerounisme qui
signifie tout de suite et à ce même endroit, ici et maintenant, sur le champ, immédiatement.
A travers l’emploi du marqueur là qui introduit une référence situationnelle extra discursive
dans le discours, le locuteur montre quelque chose ou quelqu’un. Ce marqueur insiste alors
sur le prédicat ou le référent dont l’énonciateur parle.
Exemple : Je crois que le type-la connait le grec.
Il en est de même avec les morphèmes ça et même.
Exemple : Un jour comme ça, ma petite amie vient m’annoncer qu’il est comme ça,
elle est enceinte de moi.
Exemple : Il y a les jours où mon mari a de l’argent. Quand il a comme ça là, je le
flatte et il résout mes petits problèmes.
Exemple : Qu’est-ce que tu veux? D’abord même laisse moi tranquille.
Le morphème comme ça dans le premier exemple réfère à quelque chose qui a déjà été
mentionné, c’est-à-dire un jour et il est. Il abandonne la structure pronominale qu’il a en
français central pour assurer en français camerounais une fonction adverbiale. Dans l’exemple
d’après, les morphèmes comme et ça se combinent à là, pour renvoyer à un contexte
préalablement présenté ou évoqué et qui par conséquent n’a plus besoin de l’être, parce que
supposé connu et identifié par l’interlocuteur. Ainsi, comme ça là s’assimile simplement aux
jours où le mari a de l’argent. Enfin, même en français camerounais ne sert pas toujours à
renchérir ou à exprimer une gradation comme dans le français courant. Il aide aussi à attirer
l’attention sur des éléments ou des segments à côté desquels il se place dans une phrase.
Ainsi, même dans le dernier exemple met en évidence d’abord qui le précède.
L’adverbe de modalisation même sert également a apprécier la valeur de vérité du discours ou
à exprimer la relation entre le discours et sa référence, tel que l’illustrent les exemples
suivants :
Exemple : Je n’étais même pas chez moi […]
Exemple : Ton papa-la même, c’est quoi ?
Exemple : Ta mère-la même, elle meurt toutes les semaines ?
Les adverbes modaux sont employés par le locuteur pour démontrer la véracité du contenu de
son discours.
3-3-Le non interrogatif final
Le non interrogatif final contribue également à apprécier la valeur de vérité du discours. En
fait, c’est l’adverbe de négation qui apparait ici en fin de phrase ou en fin d’énoncé, pour
formuler une interrogation dite couramment rhétorique. Il n’est donc pas employé pour nier le
contenu sémantique exprimé par la proposition qui le précède. En voici quelques exemples :
Exemple : Tu es pourtant de l’opposition non ?
Exemple : Tu es catholique, toi, non ?
Exemple : Une poule qui est marquée avec un mec, ca se voit tout de suite, non ?
3-4- Le quoi affirmatif
En général quoi est un interrogatif qui sert à formuler des interrogatives. Mais le quoi dit
affirmatif fonctionne comme un pronom relatif qui explique ou confirme l’énoncé que le
locuteur a précédemment produit. Il peut ainsi se placer en milieu ou en fin de phrase. A titre
d’illustration, considérons les exemples suivants :
Exemple : Ce n’était pas pareil avant, c’était bien plus simple, le bon temps, quoi.
Exemple : Eh bien, parle, quoi.
Exemple : […] la grand-mère du village est venue se soigner a l’hôpital, de tout le
monde, quoi.
3-5- L’usage de la conjonction que
L’usage, à tout le moins inhabituel, de que en français du Cameroun a déjà suscité
l’interrogation de plusieurs linguistes. En français standard, il est utilisé comme introducteur
d’une construction enchâssée ; il est donc un connecteur. Mais ce n’est pas toujours le cas
dans certaines productions discursives des locuteurs du français du Cameroun. Observons les
énoncés suivants :
Exemple : Que moi-même je n’avais donne que mon peu d’argent.
Exemple : Les bandits qui nous embêtent que chaque soir ne viennent pas de loin.
Dans les énoncés ci-desus, que n’introduit pas une construction enchâssée. Nous avons affaire
a un que dont la valeur est difficile à établir. Dans ces autres énoncés, que semble se
comporter comme une particule énonciative appuyée par le décrocheur énonciatif non.
Exemple : Moi j’ai simplement dit que non.
Exemple : C’est que comment non.
Dans ces énoncés, il se pose le problème de la nature du que qui en réalité ne joue pas le rôle
de liage entre deux propositions
Que peut être également utilisé en lieu et place de parce que :
Exemple : j’ai ressenti de la joie que ma tante aime vraiment le monsieur
Que peut être également utilisé en lieu et place de au point où :
Exemple : j’étais très heureux pour ma voisine que ce sentiment de joie m’envahissait
3-6- L’emploi du relatif que
En français du Cameroun, à la place de dont est souvent utilisé le relatif que comme le montre
cet exemple:
Exemple : Voici le moto-taxi que je t’ai parle ce matin.
A la place de que, on devrait plutôt avoir dont. Cette construction montre que les locuteurs
confondent les usages de que et dont.
3-7- La formation des questions
Les adverbes interrogatifs sont parfois trouvés en fin de phrases au lieu d’être en début suivis
d’une inversion du sujet.
Exemple : Vous avez deja vu quoi ?
Exemple : Tu vas où ?
Exemple : On va faire comment ?
Généralement, l’interrogation est renforcée par les particules non, même et les traits
intonationnels.
3-8-Les usages du verbe faire
Les linguistes soulignent la fluctuation et la dynamique du verbe faire dans le français
camerounais. Examinons ce processus dans ces exemples tirés de Noumssi (2004) :
Exemple : Asso, fais moi alors la recette.
Exemple : Qu’est-ce qu’elle sait faire d’autre, en dehors de faire la jalousie aux gens?
Exemple : Comment tu as maigri comme ça, tu fais la taille?
De ces exemples, on peut ressortir les expressions faire la recette qui veut en fait dire acheter,
faire la jalousie qui renvoie à jalouser et faire la taille qui veut dire être au régime. On peut
remarquer que le verbe générique faire est uni aux substantifs recette, jalousie et taille qui
désignent de référents abstraits, afin d’attribuer des sémantismes précis à ces locutions. En
d’autres termes, le verbe faire joue ici le rôle d’un élément d’actualisation. Mais dans certains
cas, il est plutôt facultatif et peut de ce fait s’effacer, comme le montrent ces exemples :
Exemple : La mairie a déguerpi tous les commerçants qui encombraient la voie.
Exemple : Cet enfant a encore coulé le sang de ses camarades.
Exemple : Il a commencé par ressortir les motivations de son travail.
Les locutions déguerpir quelqu’un, couler le sang et ressortir une motivation qu’expose ce
prototype s’acceptent en français camerounais, dans la mesure où un grand nombre de
locuteurs les utilisent. Pourtant, elles ont besoin de l’insertion du faire à leur début pour
revêtir leur sens dans le français central, car en fait, on devrait dire faire déguerpir quelqu’un,
faire couler du sang et faire ressortir une motivation.
3-9- Les changements de valences verbales
La variation s’applique aussi sur la construction des verbes. Les verbes changent ainsi de
valence : de transitif à intransitif, de transitif indirect à transitif direct. Ces modifications sont
quelquefois consécutives à l’omission ou à la confusion des prépositions.
- Du transitif a l’intransitif
Soient les énoncés ci-après :
Exemple : Je suis parti de la maison avant de manger parce que ma femme n’a pas
encore préparé.
Exemple : Quand j’aurai de l’argent, je vais me construire à Dang.
Exemple : Parce que mes enfants fréquentent a N’Gaoundéré, je suis oblige d’habiter
en ville.
Exemple : L’année passée j’ai fréquenté à Yaoundé, cette année je serai a Maroua.
Dans la variété de français du Cameroun, préparer, (se) construire, fréquenter signifient
respectivement ‘cuire le repas’, ‘bâtir une maison’ et ‘aller a l’école’. Pour bon nombre de
locuteurs du français au Cameroun (qu’ils soient des locuteurs basilectaux ou mesolectaux),
ces verbes sont intransitifs et de tels énoncés passent pour corrects.
- Du transitif indirect au transitif direct
Exemple : Il faut que je téléphone mon père à Maroua.
Exemple : Le professeur a commandé toute la classe de remettre le devoir lundi.
Exemple : Donne-la son document.
Dans ce corpus, des verbes transitifs indirects sont devenus des verbes transitifs directs à
cause de l’omission des prépositions appropriées. Dans ces exemples, les verbes téléphoner et
commander devraient être suivis de la préposition à. Au dernier, le choix du pronom
personnel indique que le locuteur semble ignorer que le verbe donner sélectionne un
syntagme prépositionnel (SP) introduit par la préposition à.
3-10-La saturation anaphorique et référentielle
Assez souvent, la principale fonction assumée par l’anaphore est celle d’économie dans le
langage, dans la mesure où le terme anaphorique en question se substitue à la source pour
éviter la répétition. Pour ce qui est de la saturation anaphorique, elle existe d’après Biloa
(2007) "quand un segment de discours sous la forme d’un syntagme est inséré dans la
proposition (ou la phrase)".
Exemple : Ma sœur, donc toi-même-là, tu pensais que tu pouvais t’en sortir sans
t’attirer des ennuis?
Les termes tu (2 fois), t’ (2 fois) et toi même là réfèrent tous à ma sœur. Ils créent la saturation
du fait de leurs emplois abondants et abusifs dans le texte. Cet autre exemple rentre dans le
registre :
Exemple : Vous madame, venez, vous allez entrer dans le bureau du chef vous-même
pour vous présenter et soumettre votre dossier.
Là encore, on a les expressions représentatives vous (3 fois), vous-même et votre qui renvoient
à chaque fois à la dame à qui le locuteur s’adresse. Ces derniers énoncés méritent des analyses
similaires :
Exemple : Lui, il s’appelle Théo et tout le monde lui fait confiance.
Exemple : Tu veux t’en mêler toi aussi? Penses-tu aux conséquences?
Là, les saturations anaphoriques et référentielles reposent sur les reprises des pronoms lui (2
fois) et il qui renvoient à Théo et tu (2 fois), toi, t’ qui désignent tous un locuteur dont le nom
n’est pas identifié.
3-11-La répétition aspectuelle
C’est un mode d’expression du répétitif, du duratif, du fréquentatif, de l’intensif ou de
l’insistance. Elle peut se faire sur n’importe quelle classe syntaxique :
- le verbe :
Exemple : Tiens, tiens !
Exemple : J’espérais, j’espérais quoi fit PTC.
Exemple : Tiens, tiens, j’y pense tout à coup.
- un groupe de mots :
Exemple : Et alors ? Et alors ? fit-on en chœur dans la salle […].
Exemple : C’est mon oncle, mon oncle.
Exemple : Alors, je pense quoi, je pense quoi, a quoi bon.
- l’interjection :
Exemple : Moi, je sais, mais je ne vous dirais pas, hi, hi, hi.
Exemple : Hi, hi, hi, le cocu, la pute et le bigleux.
Exemple : Quoi ? Oh, oh, vous y avez cru vous aussi.
- l’adverbe :
Exemple : Justement, justement, répondit Eddie, c’est tout.
Exemple : Toujours, toujours la même chose.
Exemple : Oui, oui, c’est vrai, j’ai hâte.
Exemple : Ailleurs, ailleurs, c’est vite dit, mais ou ?
- le nom (commun / propre) :
Exemple : Il lui semblait, venu du couloir, une voix au timbre familier, qui l’appelait :
Georges, Georges.
Exemple : Merde, merde, merde. Tu veux mon avis ? Ca n’augure rien de bon, tout
ca.
- l’adjectif :
Exemple : C’est dingue, dingue… Me voici devenu brusquement une espèce de
pacha.
Exemple : C’est ca la fonction publique, papa, c’est tranquille, tranquille,
tranquille.
Exemple : Fiche-moi la paix, je veux être seul, seul, seul, seul… hi, hi, hi ! Seul ! Va
te faire foutre.
- l’adverbe :
Exemple : Si, si, c’est vrai, mais on le savait déjà, c’est tout.
Exemple : Vous avez appris ca ? Kabila est Goma. Si, si, si, c’est RFI qui l’annonce,
ce n’est pas une rumeur.
- la locution verbale :
Exemple : D’accord, d’accord. Mais c’est tout.
- l’adverbe interrogatif :
Exemple : Pourquoi ? Pourquoi ? Un crime gratuit, peut-être – un crime sans mobile,
un exercice d’esthétique ?