Musset A de Les Nuits Poemes Divers
Musset A de Les Nuits Poemes Divers
Les Nuits
Pomes divers
LA NUIT DE MAI
LA MUSE
Comme il fait noir dans la valle ! Jai cru quune forme voile Flottait l-bas sur la fort. Elle sortait de la prairie ; Son pied rasait lherbe fleurie ; Cest une trange reverie ; Elle sefface et disparat.
LA MUSE
Pote, prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse, Balance le zphyr dans son poile odorant. La rose, vierge encor, se referme jalouse Sur le frelon nacr quelle enivre en mourant. coute ! tout se tait ; songe ta bien-aime. Ce soir, sous les tilleuls, la sombre rame
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ALFRED DE MUSSET
Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux. Ce soir, tout va fleurir : limmortelle nature Se remplit de parfums, damour et de murmure, Comme le lit joyeux de deux jeunes poux.
LE POTE
Pourquoi mon cur bat-il si vite ? Quai-je donc en mot qui sagite Dont je me sens pouvant ? Ne frappe-t-on pas ma porte ? Pourquoi ma lampe demi morte Mblouit-elle de clart ? Dieu puissant ! tout mon corps frissonne. Qui vient ? Qui mappelle ? Personne. Je suis seul ; cest lheure qui sonne ; O solitude ! pauvret !
LA MUSE
Pote, prends ton luth ; le vin de la jeunesse Fermente cette nuit dans les veines de Dieu. Mon sein est inquiet ; la volupt loppresse, Et les vents altrs mont mis la lvre en feu. O paresseux enfant ! regarde, je suis belle. Notre premier baiser, ne ten souviens-tu pas, Quand je te vis si ple au toucher de mon aile, Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras ? 4
Ah ! je tai consol dune amre souffrance ! Hlas ! bien jeune encor, tu te mourais damour. Console-moi ce soir, je me meurs desprance ; Jai besoin de prier pour vivre jusquau jour.
LE POTE
Est-ce toi dont la voix mappelle, O ma pauvre Muse ! est-ce toi ? O ma fleur ! mon immortelle ! Seul tre pudique et fidle O vive encor lamour de moi ! Oui, te voil, cest toi, ma blonde, Cest toi, ma matresse et ma sur ! Et je sens, dans la nuit profonde, De ta robe dor qui minonde Les rayons glisser dans mon cur.
LA MUSE
Pote, prends ton luth ; cest moi, ton immortelle, Qui tai vu cette nuit triste et silencieux, Et qui, comme un oiseau que sa couve appelle, Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux. Viens, tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire Te ronge, quelque chose a gmi dans ton cur ; Quelque amour test venu, comme on en voit sur terre, Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur.
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ALFRED DE MUSSET
Viens, chantons devant Dieu ; chantons dans tes penses, Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passes ; Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu, veillons au hasard les chos de ta vie, Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie, Et que ce soit un rve, et le premier venu. Inventons quelque part des lieux o lon oublie ; Partons, nous sommes seuls, lunivers est nous. Voici la verte cosse et la brune Italie, Et la Grce, ma mre, o le miel est si doux, Argos, et Ptlon, ville des hcatombes, Et Messa, la divine, agrable aux colombes ; Et le front chevelu du Plion changeant ; Et le bleu Titarse, et le golfe dargent Qui montre dans ses eaux, o le cygne se mire, La blanche Oloossone la blanche Camyre. Dis-moi, quel songe dor nos chants vont-ils bercer ? Do vont venir les pleurs que nous allons verser ? Ce matin, quand le jour a frapp ta paupire, Quel sraphin pensif, courb sur ton chevet, Secouait des lilas dans sa robe lgre, Et te contait tout bas les amours quil rvait ? Chanterons-nous lespoir, la tristesse ou la joie ? Tremperons-nous de sang les bataillons dacier ? Suspendrons-nous lamant sur lchelle de soie ? Jetterons-nous au vent lcume du coursier ? Dirons-nous quelle main, dans les lampes sans nombre
De la maison cleste, allume nuit et jour Lhuile sainte de vie et dternel amour ? Crierons-nous Tarquin : Il est temps, voici lombre ! Descendrons-nous cueillir la perle au fond des mers ? Mnerons-nous la chvre aux bniers amers ? Montrerons-nous le ciel la Mlancolie ? Suivrons-nous le chasseur sur les monts escarps ? La biche le regarde ; elle pleure et supplie ; Sa bruyre lattend ; ses faons sont nouveau-ns ; Il se baisse, il lgorge, il jette la cure Sur les chiens en sueur son cur encor vivant. Peindrons-nous une vierge la joue empourpre, Sen allant la messe, un page la suivant, Et dun regard distrait, ct de sa mre, Sur sa lvre entrouverte oubliant sa prire ? Elle coute en tremblant, dans lcho du pilier, Rsonner lperon dun hardi cavalier. Dirons-nous aux hros des vieux temps de la France De monter tout arms aux crneaux de leurs tours, Et de ressusciter la nave romance Que leur gloire oublie apprit aux troubadours ? Vtirons-nous de blanc une molle lgie ? Lhomme de Waterloo nous dira-t-il sa vie ? Et ce quil a fauch du troupeau des humains Avant que lenvoy de la nuit ternelle Vnt sur son tertre pert labattre dun coup daile Et sur son cur de fer lui croiser les deux mains ?
ALFRED DE MUSSET
Clouerons-nous au poteau dune satire altire Le nom sept fois pendu dun ple pamphltaire Qui, pouss par la faim, du fond de son oubli, Sen vient, tout grelottant denvie et dimpuissance, Sur le front du gnie insulter lesprance, Et mordre le laurier que son souffle a sali ? Prends ton luth ! prends ton luth ! je ne peux plus me taire ; Mon aile me soulve au souffle du printemps. Le vent va memporter ; je vais quitter la terre. Une larme de toi ! Dieu mcoute ; il est temps.
LE POTE
Sil ne te faut, ma sur chrie, Quun baiser dune lvre amie Et quune larme de mes yeux, Je te les donnerai sans peine ; De nos amours quil te souvienne, Si tu remontes dans les cieux. Je ne chante ni lesprance, Ni la gloire, ni le bonheur, Hlas ! pas mme la souffrance. La bouche garde le silence Pour couter parler le cur.
LA MUSE
Crois-tu donc que je sois comme le vent dautomne, Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau, 8
Et pour qui la douleur nest quune goutte deau ? O pote ! un baiser, cest moi qui te le donne. Lherbe que je voulais arracher de ce lieu, Cest ton oisivet ; ta douleur est Dieu. Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la slargir, cette sainte blessure Que les noirs sraphins tont faite au fond du cur ; Rien ne nous rend si grands quune grande douleur. Mais, pour en tre atteint, ne crois pas, pote, Que ta voix ici-bas doive rester muette. Les plus dsesprs sont les chants les plus beaux, Et jen sais dimmortels qui sont de purs sanglots. Lorsque le plican, lass dun long voyage, Dans les brouillards du soir retourne ses roseaux, Ses petits affams courent sur le rivage En le voyant au loin sabattre sur les eaux. Dj, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent leur pre avec des cris de joie En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux ; Lui, gagnant pas lents une roche leve, De son aile pendante abritant sa couve, Pcheur mlancolique, il regarde les cieux. Le sang coule longs flots de sa poitrine ouverte, En rain il a des mers fouill la profondeur : LOcan tait vide et la plage dserte ; Pour toute nourriture il apporte son cur. Sombre et silencieux, tendu sur la pierre, Partageant ses fils ses entrailles de pre,
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ALFRED DE MUSSET
Dans son amour sublime il berce sa douleur, Et, regardant couler sa sanglante mamelle, Sur son festin de mort il saffaisse et chancelle, Ivre de volupt, de tendresse et dhorreur. Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, Fatigu de mourir dans un trop long supplice, Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ; Alors il se soulve, ouvre son aile au vent, Et, se frappant le cur avec un cri sauvage, Il pousse dans la nuit un si funbre adieu, Que les oiseaux des mers dsertent le rivage, Et que le voyageur attard sur la plage, Sentant passer la mort, se recommande Dieu. Pote, cest ainsi que font les grands potes. Ils laissent sgayer ceux qui vivent un temps ; Mais les festins humains quils servent leurs ftes Ressemblent la plupart ceux des plicans. Quand ils parlent ainsi desprances trompes, De tristesse et doubli, damour et de malheur, Ce nest pas un concert dilater le cur. Leurs dclamations sont comme des pes Elles tracent dans lair un cercle blouissant, Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.
LE POTE
O Muse ! spectre insatiable, Ne men demande pas si long. Lhomme ncrit rien sur le sable 10
A lheure o passe laquilon. Jai vu le temps o ma jeunesse Sur mes lvres tait sans cesse Prte chanter comme un oiseau ; Mais jai souffert un dur martyre, Et le moins que jen pourrais dire, Si je lessayais sur ma lyre, La briserait comme un roseau. _____
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ALFRED DE MUSSET
CHANSON
A Saint-Blaise, la Zuecca,
Vous tiez, vous tiez bien aise A Saint-Blaise. A Saint-Blaise, la Zuecca, Nous tions bien l. Mais de vous en souvenir Prendrez-vous la peine ? Mais de vous en souvenir Et dy revenir. A Saint-Blaise, la Zuecca, Dans les prs fleuris cueillir la verveine, A Saint-Blaise, la Zuecca, Vivre et mourir l ! _____
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LUCIE
LGIE
ALFRED DE MUSSET
Sa beaut menivrait ; je naimais quelle au monde. Mais je croyais laimer comme on aime une sur, Tant ce qui venait delle tait plein de pudeur ! Nous nous tmes longtemps ; ma main touchait la sienne, Je regardais rver son front triste et charmant, Et je sentais dans lme, chaque mouvement, Combien peuvent sur nous, pour gurir toute peine, Ces deux signes jumeaux de paix et de bonheur, Jeunesse de visage et jeunesse de cur. La lune, se levant dans un ciel sans nuage, Dun long rseau dargent tout coup linonda. Elle vit dans mes yeux resplendir son image ; Son sourire semblait dun ange elle chanta. Fille de la douleur, Harmonie ! Harmonie ! Langue que pour lamour inventa le gnie ! Qui nous vins dItalie, et qui lui vins des cieux ! Douce langue du cur, la seule o la pense, Cette vierge craintive et dune ombre offense, Passe en gardant son voile et sans craindre les yeux ! Qui sait ce quun enfant peut entendre et peut dire Dans tes soupirs divins, ns de lair quil respire., Tristes comme son cur et doux comme sa voix ? On surprend un regard, une larme qui coule ; Le reste est un mystre ignor de la foule, Comme celui des flots, de la nuit et des bois ! Nous tions seuls, pensifs ; je regardais Lucie. Lcho de sa romance en nous semblait frmir. 14
Elle appuya sur moi sa tte appesantie. Sentais-tu dans ton cur Desdemona gmir, Pauvre enfant ? Tu pleurais ; sur ta bouche adore Tu laissas tristement mes lvres se poser, Et ce fut ta douleur qui reut mon baiser. Telle je tembrassai, froide et dcolore, Telle, deux mois aprs, tu fus mise au tombeau ; Telle, ma chaste fleur ! tu tes vanouie. Ta mort fut un sourire aussi doux que ta vie, Et tu fus rapporte Dieu dans ton berceau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Doux mystre du toit que linnocence habite, Chansons, rves damour, rires, propos denfant, Et toi, charme inconnu dont rien ne se dfend, Qui fit hsiter Faust au seuil de Marguerite, Candeur des premiers jours, qutes-vous devenus ? Paix profonde ton me, enfant ! ta mmoire ! Adieu ! ta blanche main sur le clavier divoire, Durant les nuits dt, ne voltigera plus Mes chers amis, quand je mourrai, Plantez un saule au cimetire. Jaime son feuillage plor, La pleur men est douce et chre, Et son ombre sera lgre A la terre o je dormirai. _____
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ALFRED DE MUSSET
A LA MALIBRAN
STANCES
Sourit encor, debout dans sa divinit, Aux sicles impuissants qua vaincus sa beaut. Recevant dge en ge une nouvelle vie, Ainsi sen vont Dieu les gloires dautrefois ; Ainsi le vaste cho de la voix du gnie Devient du genre humain luniverselle voix Et de toi, morte hier, de toi, pauvre Marie, Au fond dune chapelle il nous reste une croix ! Une croix ! et loubli, la nuit et le silence ! coutez ! cest le vent, cest lOcan immense ; Cest un pcheur qui chante au bord du grand chemin. Et de tant de beaut, de gloire et desprance, De tant daccords si doux dun instrument divin, Pas un faible soupir, pas un cho lointain ! Une croix, et ton nom crit sur une pierre, Non pas mme le tien, mais celui dun poux, Voil ce quaprs toi tu laisses sur la terre ; Et ceux qui tiront voir ta maison dernire, Ny trouvant pas ce nom qui fut aim de nous, Ne sauront pour prier o poser les genoux. O Ninette ! o sont-ils, belle muse adore, Ces accents pleins damour, de charme et de terreur, Qui voltigeaient le soir sur ta lvre inspire, Comme un parfum lger sur laubpine en fleur ? O vibre maintenant cette voix plore, Cette harpe vivante attache ton cur ?
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ALFRED DE MUSSET
Ntait-ce pas hier, fille joyeuse et folle, Que ta verve railleuse animait Corilla, Et que tu nous lanais avec la Rosina La roulade amoureuse et lillade espagnole ? Ces pleurs sur tes bras nus, quand tu chantais le Saule, Ntait-ce pas hier, ple Desdemona ? Ntait-ce pas hier qu la fleur de ton ge Tu traversais lEurope, une lyre la main ; Dans la mer, en riant, te jetant la nage, Chantant la tarentelle au ciel napolitain, Cur dange et de lion, libre oiseau de passage, Espigle enfant ce soir, sainte artiste demain ? Ntait-ce pas hier quenivre et bnie Tu tranais ton char un peuple transport, Et que Londre et Madrid, la France et lItalie, Apportaient tes pieds cet or tant convoit, Cet or deux fois sacr qui payait ton gnie, Et qu tes pieds souvent laissa ta charit ? Quas-tu fait pour mourir, noble crature, Belle image de Dieu, qui donnais en chemin Au riche un peu de joie, au malheureux du pain ? Ah ! qui donc frappe ainsi dans la mre nature, Et quel faucheur aveugle, affam de pture, Sur les meilleurs de nous ose porter la main ? Ne suffit-il donc pas lange de tnbres Qu peine de ce temps il nous reste un grand nom ? 18
Que Gricault, Cuvier, Schiller, Gthe et Byron Soient endormis dhier sous les dalles funbres, Et que nous ayons vu tant dautres morts clbres Dans labme entrouvert suivre Napolon ? Nous faut-il perdre encor nos ttes les plus chres, Et venir en pleurant leur fermer les paupires, Ds quun rayon despoir a brill dans leurs yeux ? Le ciel de ses lus devient-il envieux ? Ou faut-il croire, hlas ! ce que disaient nos pres, Que lorsquon meurt si jeune on est aim des dieux ? Ah ! combien, depuis peu, sont partis pleins de vie ! Sous les cyprs anciens que de saules nouveaux ! La cendre de Robert peine refroidie, Bellini tombe et meurt ! Une lente agonie Trane Carrel sanglant lternel repos. Le seuil de notre sicle est pav de tombeaux. Que nous restera-t-il si lombre insatiable, Ds que nous btissons, vient tout ensevelir ? Nous qui sentons dj le sol si variable, Et, sur tant de dbris, marchons vers lavenir., Si le vent, sous nos pas, balaie ainsi le sable, De quel deuil le Seigneur veut-il donc nous vtir ? Hlas ! Marietta, tu nous restais encore. Lorsque, sur le sillon, loiseau chante laurore, Le laboureur sarrte, et, le front en sueur, Aspire dans lair pur un souffle de bonheur.
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ALFRED DE MUSSET
Ainsi nous consolait ta voix frache et sonore, Et tes chants dans les cieux emportaient la douleur. Ce quil nous faut pleurer sur ta tombe htive, Ce nest pas lart divin, ni ses savants secrets Quelque autre tudiera cet art que tu crais ; Cest ton me, Ninette, et ta grandeur nave, Cest cette voix du cur qui seule au cur arrive, Que nul autre, aprs toi, ne nous rendra jamais. Ah ! tu vivrais encor sans cette me indomptable. Ce fut l ton seul mal, et le secret fardeau Sous lequel ton beau corps plia comme un roseau. Il en soutint longtemps la lutte inexorable. Cest le Dieu tout-puissant, cest la Muse implacable Qui dans ses bras en feu ta porte au tombeau. Que ne ltouffais-tu, cette flamme brlante Que ton sein palpitant ne pouvait contenir ! Tu vivrais, tu verrais te suivre et tapplaudir De ce public blas la foule indiffrente, Qui prodigue aujourdhui sa faveur inconstante A des gens dont pas un, certes, nen doit mourir. Connaissais-tu si peu lingratitude humaine ? Quel rve as-tu donc fait de te tuer pour eux ! Quelques bouquets de fleurs te rendaient-ils si vaine, Pour venir nous verser de vrais pleurs sur la scne, Lorsque tant dhistrions et dartistes fameux, Couronns mille fois, nen ont pas dans les yeux ? 20
Que ne dtournais-tu la tte pour sourire, Comme on en use ici quand on feint dtre mu ? Hlas ! on taimait tant, quon nen aurait rien vu. Quand tu chantais le Saule, au lieu de ce dlire, Que ne toccupais-tu de bien porter ta lyre ? La Pasta fait ainsi : que ne limitais-tu ? Ne savais-tu donc pas, comdienne imprudente, Que ces cris insenss qui te sortaient du cur De ta joue amaigrie augmentaient la pleur ? Ne savais-tu donc pas que, sur ta tempe ardente, Ta main de jour en jour se posait plus tremblante, Et que cest tenter Dieu que daimer la douleur ? Ne sentais-tu donc pas que ta belle jeunesse De tes yeux fatigus scoulait en ruisseaux Et de ton noble cur sexhalait en sanglots ? Quand de ceux qui taimaient tu voyais la tristesse, Ne sentais-tu donc pas quune fatale ivresse Berait ta vie errante ses derniers rameaux ? Oui, oui, tu le savais, quau sortir du thtre, Un soir, dans ton linceul il faudrait te coucher. Lorsquon te rapportait plus froide que lalbtre, Lorsque le mdecin, de ta veine bleutre, Regardait goutte goute un sang noir spancher, Tu savais quelle main venait de te toucher. Oui, oui, tu le savais, et que, dans cette vie, Rien nest bon que daimer, nest vrai que de souffrir.
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ALFRED DE MUSSET
Chaque soir dans tes chants tu te sentais plir. Tu connaissais le monde, et la foule et lenvie, Et, dans ce corps bris concentrant ton gnie, Tu regardais aussi la Malibran mourir. Meurs donc ! ta mort est douce et ta tche est remplie. Ce que lhomme ici-bas appelle le gnie, Cest le besoin daimer ; hors de l tout est vain. Et, puisque tt ou tard lamour humain soublie, Il est dune grande me et dun heureux destin Dexpirer comme toi pour un amour divin ! _____
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CHANSON DE FORTUNIO
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ALFRED DE MUSSET
CHANSON DE BARBERINE
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A MADEMOISELLE ***
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ALFRED DE MUSSET
LA NUIT DE DCEMBRE
LE POTE
Et, se dtournant demi, Me montra du doigt la colline. A lge o lon croit lamour, Jtais seul dans ma chambre un jour, Pleurant ma premire misre. Au coin de mon feu pint sasseoir Un tranger vtu de noir, Qui me ressemblait comme un frre. Il tait morne et soucieux ; Dune main il montrait les cieux, Et de lautre il tenait un glaive. De ma peine il semblait soufrir, Mais il ne poussa quun soupir, Et spanouit comme un rve. A lge o lon est libertin, Pour boire un toast en un festin, Un jour je soulevai mon verre. En face de moi pint sasseoir Un convive vtu de noir, Qui me ressemblait comme un frre. Il secouait sous son manteau Un haillon de pourpre en lambeau, Sur sa tte un myrte strile. Son bras maigre cherchait le mien, Et mon verre, en touchant le sien, Se brisa dans ma main dbile.
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ALFRED DE MUSSET
Un an aprs, il tait nuit, Jtais genoux prs du lit O venait de mourir mon pre. Au chevet du lit vint sasseoir Un orphelin vtu de noir, Qui me ressemblait comme un frre. Ses yeux taient noys de pleurs ; Comme les anges de douleurs, Il tait couronn dpine ; Son luth terre tait gisant, Sa pourpre de couleur de sang, Et son glaive dans sa poitrine. Je men suis si bien souvenu, Que je lai toujours reconnu A tous les instants de ma vie. Cest une trange vision, Et cependant, ange ou dmon, Jai vu partout cette ombre amie. Lorsque plus tard, las de souffrir, Pour renatre ou pour en finir, Jai voulu mexiler de France ; Lorsquimpatient de marcher, Jai voulu partir, et chercher Les vestiges dune esprance ; A Pise, au pied de lApennin ; A Cologne, en face du Rhin. 28
A Nice, au penchant des valles ; A Florence, au fond des palais ; A Brigues, dans les pieux chalets ; Au sein des Alpes dsoles ; A Gnes, sous les citronniers ; A Vevey, sous les verts pommiers ; Au Havre, devant lAtlantique ; A Venise, laffreux Lido, O vient sur lherbe dun tombeau Mourir la ple Adriatique ; Partout o, sous ces vastes cieux, Jai lass mon cur et mes yeux, Saignant dune ternelle plaie ; Partout o le boiteux Ennui, Tranant ma fatigue aprs lui, Ma promen sur une claie ; Partout o, sans cesse altr De la soif dun monde ignor, Jai suivi lombre de mes songes ; Partout o, sans avoir vcu., Jai repu ce que javais vu, La face humaine et ses mensonges ; Partout o, le long des chemins, Jai pos mon front dans mes mains, Et sanglot comme une femme ; Partout o jai, comme un mouton
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ALFRED DE MUSSET
Qui laisse sa laine au buisson, Senti se dnuer mon me ; Partout o jai voulu dormir, Partout o jai voulu mourir, Partout o jai touch la terre, Sur ma route est venu sasseoir Un malheureux vtu de noir, Qui me ressemblait comme un frre. Qui donc es-tu, toi que dans cette vie Je vois toujours sur mon chemin ? Je ne puis croire, ta mlancolie, Que tu sois mon mauvais Destin. Ton doux sourire a trop de patience, Tes larmes ont trop de piti. En te voyant, jaime la Providence. Ta douleur mme est sur de ma souffrance ; Elle ressemble lAmiti. Qui donc es-tu ? Tu nes pas mon bon ange, Jamais tu ne viens mavertir. Tu vois mes maux (cest une chose trange !) Et tu me regardes souffrir. Depuis vingt ans tu marches dans ma voie, Et je ne saurais tappeler. Qui donc es-tu, si cest Dieu qui tenvoie ? Tu me souris sans partager ma joie, Tu me plains sans me consoler ! 30
Ce soir encor je tai vu mapparatre. Ctait par une triste nuit. Laile des vents battait ma fentre ; Jtais seul, courb sur mon lit. Jy regardais une place chrie, Tide encor dun baiser brlant ; Et je songeais comme la femme oublie, Et je sentais un lambeau de ma vie Qui se dchirait lentement. Je rassemblais des lettres de la veille., Des cheveux, des dbris damour. Tout ce pass me criait loreille Ses ternels serments dun jour. Je contemplais ces reliques sacres Qui me faisaient trembler la main : Larmes du cur par le cur dvores, Et que les yeux qui les avaient pleures Ne reconnatront plus demain ! Jenveloppais dans un morceau de bure Ces ruines des jours heureux. Je me disais quici-bas ce qui dure, Cest une mche de cheveux. Comme un plongeur dans une mer profonde, Je me perdais dans tant doubli. De tous cts jy retournais la sonde, Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde, Mon pauvre amour enseveli.
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ALFRED DE MUSSET
Jallais poser le sceau de cire noire Sur ce fragile et cher trsor. Jallais le rendre, et, ny pouvant pas croire, En pleurant jen doutais encor. Ah ! faible femme, orgueilleuse insense, Malgr toi, tu ten souviendras ! Pourquoi, grand Dieu ! mentir sa pense ? Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppresse, Ces sanglots, si tu naimais pas ? Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures ; Mais ta chimre est entre nous. Eh bien, adieu ! Vous compterez les heures Qui me spareront de vous. Partez, partez, et dans ce cur de glace Emportez lorgueil satisfait. Je sens encor le mien jeune et vivace, Et bien des maux pourront y trouper place Sur le mal que vous mavez fait. Partez, partez, la Nature immortelle Na pas tout voulu vous donner. Ah ! pauvre enfant, qui voulez tre belle, Et ne savez pas pardonner ! Allez, allez, suivez la destine ; Qui vous perd na pas tout perdu. Jetez au vent notre amour consume ; ternel Dieu ! toi que jai tant aime. Si tu pars, pourquoi maimes-tu ? 32
Mais tout coup jai vu dans la nuit sombre Une forme glisser sans bruit. Sur mon rideau jai vu passer une ombre ; Elle vient sasseoir sur mon lit. Qui donc es-tu, morne et ple visage, Sombre portrait vtu de noir ? Que me veux-tu, triste oiseau de passage ? Est-ce un vain rve ? est-ce ma propre image Que japerois dans ce miroir ? Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse, Plerin que rien na lass ? Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse Assis dans lombre o jai pass. Qui donc es-tu, visiteur solitaire, Hte assidu de mes douleurs ? Quas-tu donc fait pour me suivre sur terre Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frre, Qui napparais quau jour des pleurs ?
LA VISION
Ami, notre pre est le tien. Je ne suis ni lange gardien, Ni le mauvais destin des hommes. Ceux que jaime, je ne sais pas De quel ct sen vont leurs pas Sur ce peu de fange o nous sommes.
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ALFRED DE MUSSET
Je ne suis ni dieu ni dmon, Et tu mas nomm par mon nom Quand tu mas appel ton frre ; O tu vas, jy serai toujours, Jusques au, dernier de tes jours, O jirai masseoir sur ta pierre. Le ciel ma confi ton cur. Quand tu seras dans la douleur, Viens moi sans inquitude. Je te suivrai sur le chemin ; Mais je ne puis toucher ta main, Ami, je suis la Solitude. _____
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CHANSON
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ALFRED DE MUSSET
TRISTESSE
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ADIEU
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ALFRED DE MUSSET
RONDEAU
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A NINON
ALFRED DE MUSSET
Mais vous nen saurez rien. Je viens, sans rien en dire, Masseoir sous votre lampe et causer avec vous ; Votre voix, je lentends ; votre air, je le respire ; Et vous pouvez douter, deviner et sourire, Vos yeux ne verront pas de quoi mtre moins doux. Je rcolte en secret des fleurs mystrieuses : Le soir, derrire vous, jcoute au piano Chanter sur le clavier vos mains harmonieuses, Et, dans les tourbillons de nos valses joyeuses, Je vous sens, dans mes bras, plier comme un roseau. La nuit, quand de si loin le monde nous spare, Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous, De mille souvenirs en jaloux je mempare ; Et l, seul devant Dieu, plein dune joie avare, Jouvre, comme un trsor, mon cur tout plein de vous. Jaime, et je sais rpondre avec indiffrence ; Jaime, et rien ne le dit ; jaime, et seul je le sais, Et mon secret mest cher, et chre ma souffrance Et jai fait le serment daimer sans esprance Mais non pas sans bonheur, je vous vois, cest assez. Non, je ntais pas n pour ce bonheur suprme De mourir dans vos bras et de vivre vos pieds. Tout me le prouve, hlas ! jusqu ma douleur mme ; Si je vous le disais, pourtant, que je vous aime, Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez.
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MARIE
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ALFRED DE MUSSET
Sous une tresse noire un cou svelte et charmant ; Et, voyant cet bne enchss dans livoire, Un vers dAndr Chnier chanta dans ma mmoire, Un vers presque inconnu, refrain inachev, Frais comme le hasard, moins crit que rv. Josai men souvenir, mme devant Molire ; Sa grand ombre, coup sr, ne sen offensa pas ; Et, tout en coutant, je murmurais tout bas, Regardant cette enfant, qui ne sen doutait gure : Sous votre aimable tte, un cou blanc, dlicat Se plie, et de la neige effacerait lclat. Puis je songeais encore (ainsi a la pense) Que lantique franchise, ce point dlaisse, Avec notre finesse et notre esprit moqueur, Ferait croire, aprs tout, que nous manquons de cur ; Que ctait une triste et honteuse misre Que cette solitude lentour de Molire, Et quil est pourtant temps, comme dit la chanson, De sortir de ce sicle ou den avoir raison ; Car quoi comparer cette scne embourbe, Et leflroyable honte o la muse est tombe ? La lchet nous bride et les sots vont disant Que, sous ce vieux soleil, tout est fait prsent ; Comme si les travers de la famille humaine Ne rajeunissaient pas chaque an, chaque semaine. Notre sicle a ses murs, partant, sa vrit ; Celui qui lose dire est toujours cout.
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ALFRED DE MUSSET
Ah ! joserais parler, si je croyais bien dire, Joserais ramasser le fouet de la satire, Et lhabiller de noir, cet homme aux rubans verts, Qui se fchait jadis pour quelques mauvais vers. Sil rentrait aujourdhui dans Paris, la grandville, Il y trouverait mieux pour mouvoir sa bile Quune mchante femme et quun mchant sonnet ; Nous avons autre chose mettre au cabinet. O notre matre tous ! si ta tombe est ferme, Laisse-moi dans ta cendre, un instant ranime, Trouver une tincelle, et je vais timiter ! Apprends-moi de quel ton, dans ta bouche hardie, Parlait la vrit, ta seule passion, Et, pour me faire entendre, dfaut du gnie, Jen aurai le courage et lindignation ! Ainsi je caressais une folle chimre. Devant moi cependant, ct de sa mre, Lenfant restait toujours, et le cou svelte et blanc Sous les longs cheveux noirs se berait mollement. Le spectacle fini, la charmante inconnue Se leva. Le beau cou, lpaule demi nue, Se voilrent ; la main glissa dans le manchon ; Et, lorsque je la vis au seuil de sa maison Senfuir, je maperus que je lavais suivie. Hlas ! mon cher ami, cest l toute ma vie. Pendant que mon esprit cherchait sa volont, Mon corps avait la sienne et suivait la beaut ; 44
Et, quand je mveillai de cette rverie, Il ne men restait plus que limage chrie : Sous votre aimable tte, un cou blanc, dlicat Se plie, et de la neige effacerait lclat. _____
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ALFRED DE MUSSET
RAPPELLE-TOI
Je ne te verrai plus ; mais mon me immortelle Reviendra prs de toi comme une sur fidle. coute, dans la nuit, Une voix qui gmit : Rappelle-toi. _____
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ALFRED DE MUSSET
LA NUIT DAOUT
LA MUSE
Salut ma fidle amie ! Salut, ma gloire et mon amour ! La meilleure et la plus chrie Est celle quon trouve au retour. Lopinion et lavarice Viennent un temps de memporter. Salut, ma mre et ma nourrice ! Salut, salut consolatrice ! Ouvre tes bras, je viens chanter.
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LA MUSE
Pourquoi, cur altr, cur lass desprance, Tenfuis-tu si souvent pour revenir si tard ? Que ten vas-tu chercher, sinon quelque hasard ? Et que rapportes-tu, sinon quelque souffrance ? Que fais-tu loin de moi, quand jattends jusquau jour ? Tu suis un ple clair dans une nuit profonde. Il ne te restera de tes plaisirs du monde Quun impuissant mpris pour notre honnte amour. Ton cabinet dtude est vide quand jarrive ; Tandis qu ce balcon, inquite et pensive, Je regarde en rvant les murs de ton jardin, Tu te livres dans lombre ton mauvais destin. Quelque fire beaut te retient dans sa chane, Et tu laisses mourir cette pauvre verveine Dont les derniers rameaux, en des temps plus heureux, Devaient tre arross des larmes de tes yeux. Cette triste verdure est mon vivant symbole ; Ami, de ton oubli nous mourrons toutes deux, Et son parfum lger, comme loiseau qui vole, Avec mon souvenir senfuira dans les cieux.
LE POTE
Quand jai pass par la prairie, Jai vu, ce soir, dans le sentier, Une fleur tremblante et fltrie, Une ple fleur dglantier.
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ALFRED DE MUSSET
Un bourgeon vert ct delle Se balanait sur larbrisseau ; Je vis poindre une fleur nouvelle ; La plus jeune tait la plus belle : Lhomme est ainsi, toujours nouveau.
LA MUSE
Hlas ! toujours un homme, hlas ! toujours des larmes ! Toujours les pieds poudreux et la sueur au front ! Toujours daffreux combats et de sanglantes armes ; Le cur a beau mentir, la blessure est au fond. Hlas ! par tous pays, toujours la mme vie : Convoiter, regretter, prendre et tendre la main ; Toujours mmes acteurs et mme comdie, Et, quoi quait invente lhumaine hypocrisie, Rien de vrai l-dessous que le squelette humain. Hlas ! mon bien-aim, vous ntes plus pote. Rien ne reveille plus votre lyre muette ; Vous vous noyez le cur dans un rve inconstant ; Et vous ne savez pas que lamour de la femme Change et dissipe en pleurs les trsors de votre me Et que Dieu compte plus les larmes que le sang.
LE POTE
Quand jai travers la valle, Un oiseau chantait sur son nid. Ses petits, sa chre coupe, 50
Venaient de mourir dans la nuit. Cependant il chantait laurore ; O ma Muse ! ne pleurez pas : A qui perd tout, Dieu reste encore, Dieu l-haut, lespoir ici-bas.
LA MUSE
Et que trouveras-tu, le jour o la misre Te ramnera seul au paternel foyer ? Quand tes tremblantes mains essuieront la poussire De ce pauvre rduit que tu crois oublier, De quel front viendras-tu, dans ta propre demeure, Chercher un peu de calme et dhospitalit ? Une voix sera l pour crier toute heure Quas-tu fait de ta vie et de ta libert ? Crois-tu donc quon oublie autant quon le souhaite ? Crois-tu quen te cherchant tu te retrouveras ? De ton cur ou de toi lequel est LE POTE ? Cest ton cur, et ton cur ne te rpondra pas. Lamour laura bris ; les passions funestes Lauront rendu de pierre au contact des mchants ; Tu nen sentiras plus que deffroyables restes, Qui remueront encor, comme ceux des serpents. O ciel ! qui taidera ? que ferai-je moi-mme, Quand celui qui peut tout dfendra que je taime, Et quand mes ailes dor, frmissant malgr moi, Memporteront lui pour me sauver de toi ? Pauvre enfant ! nos amours ntaient pas menaces,
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ALFRED DE MUSSET
Quand dans les bois dAuteuil, perdu dans tes penses, Sous les verts marronniers et les peupliers blancs, Je tagaais le soir en dtours nonchalants. Ah ! jtais jeune alors et nymphe, et les dryades Entrouvraient pour me voir lcorce des bouleaux, Et les pleurs qui coulaient durant nos promenades Tombaient, purs comme lor, dans le cristal des eaux. Quas-tu fait, mon amant, des jours de ta jeunesse ? Qui ma cueilli mon fruit sur mon arbre enchant ? Hlas ! ta joue en fleur plaisait la desse Qui porte dans ses mains la force et la sant. De tes yeux insenss les larmes lont plie ; Ainsi que ta beaut, tu perdras ta vertu. Et moi qui taimerai comme une unique amie. Quand les dieux irrits mteront ton gnie, Si je tombe des cieux, que me rpondras-tu ?
LE POTE
Puisque loiseau des bois voltige et chante encore Sur la branche o ses ufs sont briss dans le nid ; Puisque la fleur des champs entrouverte laurore, Voyant sur la pelouse une autre fleur clore, Sincline sans murmure et tombe avec la nuit ; Puisquau fond des forts, sous les toits de verdure, On entend le bois mort craquer dans le sentier, Et puisquen traversant limmortelle nature, 52
Lhomme na su trouper de science qui dure, Que de marcher toujours et toujours oublier ; Puisque, jusquaux rochers, tout se change en poussire ; Puisque tout meurt ce soir pour revivre demain ; Puisque cest un engrais que le meurtre et la guerre ; Puisque sur une tombe on voit sortir de terre Le brin dherbe sacr qui nous donne le pain ; O Muse ! que mimporte ou la mort ou la vie ? Jaime, et je peux plir ; jaime, et je peux souffrir ; Jaime, et pour un baiser je donne mon gnie ; Jaime, et je peux sentir sur ma joue amaigrie Ruisseler une source impossible tarir. Jaime, et je peux chanter la joie et la paresse, Ma folle exprience et mes soucis dun jour, Et je peux raconter et rpter sans cesse Quaprs avoir jur de vivre sans matresse, Jai fait serment de vivre et de mourir damour. Dpouille devant tous lorgueil qui te dvore, Cur gonfl damertume et qui tes cru ferm. Aime, et tu renatras ; fais-toi fleur pour clore. Aprs avoir souffert, il faut souffrir encore ; Il faut aimer sans cesse, aprs avoir aim. _____
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ALFRED DE MUSSET
A MADAME G***
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SOUVENIR
ALFRED DE MUSSET
Je ne viens point jeter un regret inutile Dans lcho de ces bois tmoins de mon bonheur. Fire est cette fort dans sa beaut tranquille, Et fier aussi mon cur. Que celui-l se livre des plaintes amres, Qui sagenouille et prie au tombeau dun ami. Tout respire en ces lieux ; les fleurs des cimetires Ne poussent point ici. Voyez ! la lune monte travers ces ombrages. Ton regard tremble encor, belle reine des nuits ; Mais du sombre horizon dj tu te dgages, Et tu tvanouis. Ainsi de cette terre, humide encor de pluie, Sortent, sous tes rayons, tous les parfums du jour ; Aussi calme, aussi pur, de mon me attendrie Sort mon ancien amour. Que sont-ils devenus, les chagrins de ma vie ? Tout ce qui ma fait vieux est bien loin maintenant ; Et rien quen regardant cette valle amie, Je redeviens enfant. O puissance du temps ! lgres annes ! Vous emportez nos pleurs, nos cris et nos regrets ; Mais la piti vous prend, et sur nos fleurs fanes Vous ne marchez jamais.
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Tout mon cur te bnit, bont consolatrice ! Je naurais jamais cru que lon pt tant souffrir Dune telle blessure, et que sa cicatrice Ft si douce sentir. Loin de moi les vains mots, les frivoles penses, Des vulgaires douleurs linceul accoutum, Que viennent taler sur leurs amours passes Ceux qui nont point aim ! Dante, pourquoi dis-tu quil nest pire misre Quun souvenir heureux dans les jours de douleurs ? Quel chagrin ta dict cette parole amre, Cette oflense au malheur ? En est-il donc moins vrai que la lumire existe, Et faut-il loublier du moment quil fait nuit ? Est-ce bien toi, grande me immortellement triste, Est-ce toi qui las dit ? Non, par ce pur flambeau dont la splendeur mclaire Ce blasphme vant ne vient pas de ton cur. Un souvenir heureux est peut-tre sur terre Plus vrai que le bonheur. Eh quoi ! linfortun qui troupe une tincelle Dans la cendre brlante o dorment ses ennuis, Qui saisit cette flamme et qui fixe sur elle Ses regards blouis ;
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ALFRED DE MUSSET
Dans ce pass perdu quand son me se noie, Sur ce miroir bris lorsquil rve en pleurant, Tu lui dis quil se trompe, et que sa faible joie Nest quun affreux tourment ! Et cest ta Franoise, ton ange de gloire, Que tu pouvais donner ces mots prononcer, Elle qui sinterrompt, pour conter son histoire, Dun ternel baiser ! Quest-ce donc, juste Dieu ! que la pense humaine, Et qui pourra jamais aimer la vrit, Sil nest joie ou douleur si juste et si certaine Dont quelquun nait dout ? Comment vivez-vous donc, tranges cratures ? Vous riez, vous chantez, vous marchez grands pas ; Le ciel et sa beaut, le monde et ses souillures Ne vous drangent pas ; Mais, lorsque par hasard le destin vous ramne Vers quelque monument dun amour oubli, Ce caillou vous arrte, et cela vous fait peine Quil vous heurte le pi. Et vous criez alors que la vie est un songe ; Vous vous tordez les bras comme en vous rveillant, Et vous trouvez fcheux quun si joyeux mensonge Ne dure quun instant.
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Malheureux ! cet instant o votre me engourdie A secou les fers quelle trane ici-bas, Ce fugitif instant fut toute votre pie ; Ne le regrettez pas ! Regrettez la torpeur qui vous cloue la terre, Vos agitations dans la fange et le sang, Vos nuits sans esprance et vos jours sans lumire Cest l quest le nant ! Mais que vous revient-il de vos froides doctrines Que demandent au ciel ces regrets inconstants Que vous allez semant sur vos propres ruines, A chaque pas du Temps ? Oui, sans doute, tout meurt ; ce monde est un grand rve, Et le peu de bonheur qui nous vient en chemin, Nous navons pas plus tt ce roseau dans la main, Que le vent nous lenlve. Oui, les premiers baisers, oui, les premiers serments Que deux tre mortels changrent sur terre, Ce fut au pied dun arbre efleuill par les vents, Sur un roc en poussire. Ils prirent tmoin de leur joie phmre Un ciel toujours voil qui change tout moment, Et des astres sans nom que leur propre lumire Dvore incessamment.
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ALFRED DE MUSSET
Tout mourait autour deux, loiseau dans le feuillage, La fleur entre leurs mains, linsecte sous leurs pis, La source dessche o vacillait limage De leurs traits oublis ; Et sur tous ces dbris joignant leurs mains dargile, tourdis des clairs dun instant de plaisir, Ils croyaient chapper cet tre immobile Qui regarde mourir ! Insenss ! dit le sage. Heureux ! dit le pote. Et quels tristes amours as-tu donc dans le cur, Si le bruit du torrent te trouble et tinquite, Si le vent te fait peur ? Jai vu sous le soleil tomber bien dautres choses Que les feuilles des bois et lcume des eaux, Bien dautres sen aller que le parfum des roses Et le chant des oiseaux. Mes yeux ont contempl des objets plus funbres Que Juliette morte au fond de son tombeau, Plus affreux que le toast lange des tnbres Port par Romo. Jai vu ma seule amie, jamais la plus chre, Devenue elle-mme un spulcre blanchi, Une tombe vivante o flottait la poussire De notre mort chri,
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De notre pauvre amour, que, dans la nuit profonde, Nous avions sur nos curs si doucement berc ! Ctait plus quune vie, hlas ! ctait un monde Qui stait effac ! Oui, jeune et belle encor, plus belle, osait-on dire, Je lai vue, et ses yeux brillaient comme autrefois. Ses lvres sentrouvraient, et ctait un sourire, Et ctait une voix ; Mais non plus cette voix, non plus ce doux langage, Ces regards adors dans les miens confondus ; Mon cur, encor plein delle, errait sur son visage, Et ne la trouvait plus. Et pourtant jaurais pu marcher alors vers elle ; Entourer de mes bras ce sein vide et glac, Et jaurais pu crier : Quas-tu fait, infidle, Quas-tu fait du pass ? Mais non : il me semblait quune femme inconnue Avait pris au hasard cette voix et ces yeux ; Et je laissai passer cette froide statue En regardant les cieux. Eh bien, ce fut sans doute une horrible misre Que ce riant adieu dun tre inanim. Eh bien, quimporte encore ? O nature ! ma mre ! En ai-je moins aim ?
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ALFRED DE MUSSET
La foudre maintenant peut tomber sur ma tte ; Jamais ce souvenir ne peut mtre arrach ! Comme le matelot bris par la tempte, Je my tiens attach. Je ne peux rien savoir, ni si les champs fleurissent, Ni ce quil adviendra du simulacre humain, Ni si ces vastes cieux claireront demain Ce quils ensevelissent. Je me dis seulement A cette heure, en ce lieu, Un jour, je fus aim, jaimais, elle tait belle. Jenfouis ce trsor dans mon me immortelle, Et je lemporte Dieu ! _____
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A MADAME M***
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ALFRED DE MUSSET
A LA MME
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A LA MME
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ALFRED DE MUSSET
SONNET
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A Mme N. MNESSIER
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ALFRED DE MUSSET
Je dtesterais, avant toute chose, Ces vieux teints de rose Qui font peur voir. Je rayonnerais, sous ma tresse brune, Comme un clair de lune En capuchon noir. Car cest si charmant et cest si commode, Ce masque la mode, Cet air de langueur ! Ah ! que la pleur est dun bel usage ! Jamais le visage Nest trop loin du cur. Je voudrais encore avoir vos caprices, Vos soupirs novices, Vos regards savants. Je poudrais enfin, tant mon cur vous aime, tre en tout vous-mme... Pour deux ou trois ans. Il est un seul point, je vous le confesse, O votre sagesse Me semble en dfaut. Vous nosez pas tre assez inhumaine. Votre orgueil vous gne ; Pourtant il en faut. Je ne poudrais pas, la contredanse, Sans quelque prudence
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ALFRED DE MUSSET
Livrer mon bras nu ; Puis, au cotillon, laisser ma main blanche Traner sur la manche Du premier venu. Si mon fin corset, si souple et si juste, Dun bras trop robuste Se sentait serr, Jaurais, je lavoue, une peur mortelle Quun bout de dentelle Nen ft dchir. Chacun, en valsant, vient sur votre paule Rciter son rle Damoureux transi ; Ma beaut, du moins, sinon ma pense, Serait offense Dtre aime ainsi. Je ne voudrais pas, si jtais Julie, Ntre que jolie Avec ma beaut. Jusquau bout des doigts je serais duchesse ; Comme ma richesse, Jaurais ma fiert. Voyez-vous, ma chre, au sicle o nous sommes, La plupart des hommes Sont trs inconstants. Sur deux amoureux pleins dun zle extrme, 70
La moiti vous aime Pour passer le temps. Quand on est coquette, il faut tre sage, Loiseau de passage Qui vole plein cur Ne dort pas en lair comme une hirondelle, Et peut, dun coup daile, Briser une fleur. _____
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ALFRED DE MUSSET
LA NUIT DOCTOBRE
LE POTE
Quaviez-vous donc, mon pote ! Et quelle est la peine secrte Qui de moi vous a spar ? Hlas ! je men ressens encore. Quel est donc ce mal que jignore Et dont jai si longtemps pleur ?
LE POTE
Ctait un mal vulgaire et bien connu des hommes ; Mais, lorsque nous avons quelque ennui dans le cur, Nous nous imaginons, pauvres fous que nous sommes, Que personne avant nous na senti la douleur.
LA MUSE
Il nest de vulgaire chagrin Que celui dune me vulgaire. Ami, que ce triste mystre 72
Schappe aujourdhui de ton sein. Crois-moi, parle avec confiance ; Le svre dieu du silence Est un des frres de la Mort ; En se plaignant on se console, Et quelquefois une parole Nous a dlivr dun remords.
LE POTE
Sil fallait maintenant parler de ma souffrance, Je ne sais trop quel nom elle devrait porter, Si cest amour, folie, orgueil, exprience, Ni si personne au monde en pourrait profiter. Je peux bien toutefois ten raconter lhistoire, Puisque nous voil seuls, assis prs du foyer. Prends cette lyre, approche, et laisse ma mmoire Au son de tes accords doucement sveiller.
LA MUSE
Avant de me dire ta peine, O pote ! en es-tu guri ? Songe quil ten faut aujourdhui Parler sans amour et sans haine. Sil te souvient que jai reu Le doux nom de consolatrice, Ne fais pas de moi la complice Des passions qui tont perdu.
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ALFRED DE MUSSET
LE POTE
Je suis si bien guri de cette maladie, Que jen doute parfois lorsque jy veux songer ; Et quand je pense aux lieux o jai risqu ma vie, Jy crois voir ma place un visage tranger. Muse, sois donc sans crainte ; au souffle qui tinspire Nous pouvons sans pril tous deux nous confier. Il est doux de pleurer, il est doux de sourire Au souvenir des maux quon pourrait oublier.
LA MUSE
Comme une mre vigilante Au berceau dun fils bien-aim, Ainsi je me penche tremblante Sur ce cur qui mtait ferm. Parle, ami, ma lyre attentive Dune note faible et plaintive Suit dj laccent de ta voix, Et dans un rayon de lumire, Comme une vision lgre, Passent les ombres dautrefois.
LE POTE
Jours de travail ! seuls jours o jai vcu ! O trois fois chre solitude ! Dieu soit lou, jy suis donc revenu, A ce pieux cabinet dtude ! 74
Pauvre rduit, murs tant de fois dserts, Fauteuils poudreux, lampe fidle, O mon palais, mon petit univers, Et toi, Muse, jeune immortelle, Dieu soit lou, nous allons donc chanter ! Oui, je veux vous ouvrir mon me, Vous saurez tout, et je vais vous conter Le mal que peut faire une femme ; Car cen est une, mes pauvres amis (Hlas ! vous le saviez peut-tre) ! Cest une femme qui je fus soumis, Comme le serf lest son matre. Joug dtest ! cest par l que mon cur Perdit sa force et sa jeunesse ; Et cependant, auprs de ma matresse, Javais entrevu le bonheur. Prs du ruisseau, quand nous marchions ensemble, Le soir, sur le sable argentin, Quand devant nous le blanc spectre du tremble De loin nous montrait le chemin ; Je vois encore, aux rayons de la lune, Ce beau corps plier dans mes bras Nen parlons plus je ne prvoyais pas O me conduirait la Fortune. Sans doute alors la colre des dieux Avait besoin dune victime ; Car elle ma puni comme dun crime Davoir essay dentre heureux.
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ALFRED DE MUSSET
LA MUSE
Limage dun doux souvenir Vient de soffrir ta pense. Sur la trace quil a laisse Pourquoi crains-tu de revenir ? Est-ce faire un rcit fidle Que de renier ses beaux jours ? Si ta fortune fut cruelle, Jeune homme, fais du moins comme elle, Souris tes premiers amours.
LE POTE
Non, cest mes malheurs que je prtends sourire. Muse, je te lai dit : je veux, sans passion, Te conter mes ennuis, mes rves, mon dlire, Et ten dire le temps, lheure et loccasion. Ctait, il men souvient, par une nuit dautomne, Triste et froide, peu prs semblable celle-ci ; Le murmure du vent, de son bruit monotone, Dans mon cerveau lass berait mon noir souci. Jtais la fentre, attendant ma matresse Et, tout en coutant dans cette obscurit, Je me sentais dans lme une telle dtresse, Quil me vint le soupon dune infidlit. La rue o je logeais tait sombre et dserte ; Quelques ombres passaient, un falot la main ; Quand la bise soufflait dans la porte entrouerte, 76
On entendait de loin comme un soupir humain. Je ne sais, vrai dire, quel fcheux prsage Mon esprit inquiet alors sabandonna. Je rappelais en vain un reste de courage, Et me sentis frmir lorsque lheure sonna. Elle ne venait pas. Seul, la tte baisse, Je regardai longtemps les murs et le chemin, Et je ne tai pas dit quelle ardeur insense Cette inconstante femme allumait en mon sein ; Je naimais quelle au monde, et vire un jour sans elle Me semblait un destin plus affreux que la mort. Je me souviens pourtant quen cette nuit cruelle Pour briser mon lien je fis un long effort. Je la nommai cent fois perfide et dloyale, Je comptais tous les maux quelle mavait causs. Hlas ! au souvenir de sa beaut fatale, Quels maux et quels chagrins ntaient pas apaiss ! Le jour parut enfin. Las dune vaine attente, Sur le bord du balcon je mtais assoupi ; Je rouvris la paupire laurore naissante, Et je laissai flotter mon regard bloui. Tout coup, au dtour de ltroite ruelle, Jentends sur le gravier marcher petit bruit Grand Dieu ! prservez-moi ! je laperois, cest elle ; Elle entre. Do viens-tu ? Quas-tu fait cette nuit ? Rponds, que me peux-tu ? Qui tamne cette heure ? Ce beau corps, jusquau jour, o sest-il tendu ? Tandis qu ce balcon, seul, je veille et je pleure,
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ALFRED DE MUSSET
En quel lieu, dans quel lit, qui souriais-tu ? Perfide ! audacieuse ! est-il encor possible Que tu viennes offrir ta bouche mes baisers ? Que demandes-tu donc ? Par quelle soif horrible Oses-tu mattirer dans tes bras puiss ? Va-ten, retire-toi, spectre de ma matresse ! Rentre dans ton tombeau, si tu ten es lev ; Laisse-moi pour toujours oublier ma jeunesse, Et, quand je pense toi, croire que jai rv !
LA MUSE
Apaise-toi, je ten conjure ; Tes paroles mont fait frmir. O mon bien-aim ! ta blessure Est encor prte se rouvrir. Hlas ! elle est donc bien profonde ? Et les misres de ce monde Sont si lentes seffacer ! Oublie, enfant, et de ton me Chasse le nom de cette femme, Que je ne peux pas prononcer.
LE POTE
Honte toi qui la premire Mas appris la trahison, Et dhorreur et de colre Mas fait perdre la raison ! 78
Honte toi, femme lil sombre, Dont les funestes amours Ont enseveli dans lombre Mon printemps et mes beaux jours ! Cest ta voix, cest ton sourire, Cest ton regard corrupteur, Qui mont appris maudire Jusquau semblant du bonheur ; Cest ta jeunesse et tes charmes Qui mont fait dsesprer, Et si je doute des larmes, Cest que je tai vu pleurer. Honte toi, jtais encore Aussi simple quun enfant ; Comme une fleur laurore, Mon cur souvrait en taimant. Certes, ce cur sans dfense Put sans peine tre abus ; Mais lui laisser linnocence tait encor plus ais. Honte toi ! tu fus la mre De mes premires douleurs, Et tu fis de ma paupire Jaillir la source des pleurs ! Elle coule, sois-en sre, Et rien ne la tarira ; Elle sort dune blessure Qui jamais ne gurira ;
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ALFRED DE MUSSET
Mais dans cette source amre Du moins je me laverai, Et jy laisserai, jespre, Ton souvenir abhorr !
LA MUSE
Pote, cest assez. Auprs dune infidle, Quand ton illusion naurait dur quun jour, Noutrage pas ce jour lorsque tu parles delle ; Si tu veux tre aim, respecte ton amour. Si leffort est trop grand pour la faiblesse humaine De pardonner les maux qui nous viennent dautrui, pargne-toi du moins le tourment de la haine ; A dfaut du pardon, laisse venir loubli. Les morts dorment en paix dans le sein de la terre : Ainsi doivent dormir nos sentiments teints. Ces reliques du cur ont aussi leur poussire ; Sur leurs restes sacrs ne portons pas les mains. Pourquoi, dans ce rcit dune vive souffrance, Ne veux-tu voir quun rve et quun amour tromp ? Est-ce donc sans motif quagit la Providence ? Et crois-tu donc distrait le Dieu qui ta frapp ? Le coup dont tu te plains ta prserv peut-tre, Enfant ; car cest par l que ton cur sest ouvert. Lhomme est un apprenti, la douleur est son matre, Et nul ne se connat tant quil na pas souffert. Cest une dure loi, mais une loi suprme, Vieille comme le monde et la fatalit, 80
Quil nous faut du malheur recevoir le baptme, Et qu ce triste prix tout doit tre achet. Les moissons pour mrir ont besoin de rose ; Pour vivre et pour sentir, lhomme a besoin des pleurs ; La joie a pour symbole une plante brise, Humide encor de pluie et couverte de fleurs. Ne te disais-tu pas guri de ta folie ? Nes-tu pas jeune, heureux, partout le bienvenu, Et ces plaisirs lgers qui font aimer la vie, Si tu navais pleur, quel cas en ferais-tu ? Lorsquau dclin du jour, assis sur la bruyre, Avec un vieil ami tu bois en libert, Dis-moi, daussi bon cur lverais-tu ton verre Si tu navais senti le prix de la gat ? Aimerais-tu les fleurs, les prs et la perdure, Les sonnets de Ptrarque et le chant des oiseaux, Michel-Ange et ses arts, Shakspeare et la nature, Si tu ny retrouvais quelques anciens sanglots ? Comprendrais-tu des cieux lineffable harmonie, Le silence des nuits, le murmure des flots, Si quelque part l-bas la fivre et linsomnie Ne tavaient fait songer lternel repos ? Nas-tu pas maintenant une belle matresse ? Et, lorsquen tendormant tu lui serres la main, Le lointain souvenir des maux de ta jeunesse Ne rend-il pas plus doux son sourire divin ? Nallez-vous pas aussi vous promener ensemble Au fond des bois fleuris, sur le sable argentin ?
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ALFRED DE MUSSET
Et, dans ce vert palais, le blanc spectre du tremble Ne sait-il plus, le soir, vous montrer le chemin ? Ne vois-tu pas alors, aux rayons de la lune, Plier comme autrefois un beau corps dans tes bras ? Et, si dans le sentier tu trouvais la Fortune, Derrire elle, en chantant, ne marcherais-tu pas ? De quoi te plains-tu donc ? Limmortelle esprance Sest retrempe en toi sous la main du malheur. Pourquoi peux-tu har ta jeune exprience, Et dtester un mal qui ta rendu meilleur ?. O mon enfant ! plains-la, cette belle infidle, Qui fit couler jadis les larmes de tes yeux ; Plains-la ! cest une femme, et Dieu ta fait, prs delle, Deviner, en souffrant, le secret des heureux. Sa tche fut pnible ; elle taimait peut-tre ; Mais le destin voulait quelle brist ton cur. Elle savait la vie, et te la fait connatre ; Une autre a recueilli le fruit de ta douleur. Plains-la ! son triste amour a pass comme un songe.Elle a vu ta blessure et na pu la fermer. Dans ses larmes, crois-moi, tout ntait que mensonge. Quand tout laurait t, plains-la ! tu sais aimer.
LE POTE
Tu dis vrai : la haine est impie, Et cest un frisson plein dhorreur Quand cette vipre assoupie Se droule dans notre cur. 82
coute-moi donc, desse ! Et sois tmoin de mon serment : Par les yeux bleus de ma matresse, Et par lazur du firmament ; Par cette tincelle brillante Qui de Vnus porte le nom, Et, comme une perle tremblante, Scintille au loin sur lhorizon ; Par la grandeur de la nature, Par la bont du Crateur, Par la clart tranquille et pure De lastre cher au voyageur, Par les herbes de la prairie, Par les forts, par les prs verts, Par la puissance de la vie, Par la sve de lunivers, Je te bannis de ma mmoire, Reste dun amour insens, Mystrieuse et sombre histoire Qui dormiras dans le pass ! Et toi qui, jadis, dune amie Portas la forme et le doux nom, Linstant suprme o je toublie Doit tre celui du pardon. Pardonnons-nous ; je romps le charme Qui nous unissait devant Dieu. Avec une dernire larme Reois un ternel adieu.
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ALFRED DE MUSSET
Et maintenant, blonde rveuse, Maintenant, Muse, nos amours ! Dis-moi quelque chanson joyeuse, Comme au premier temps des beaux jours. Dj la pelouse embaume Sent les approches du matin ; Viens veiller ma bien-aime, Et cueillir les fleurs du jardin. Viens voir la nature immortelle Sortir des voiles du sommeil ; Nous allons renatre avec elle Au premier rayon du soleil ! _____
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ADIEU, SUZON !
CHANSON
ALFRED DE MUSSET
Comme la nymphe, en tenfuyant. Je men rais pourtant, ma petite, Bien loin, bien vite., Tout en riant. Que de tristesse et que de charmes, Tendre enfant, dans tes doux adieux ! Tout menivre, jusqu tes larmes, Lorsque ton cur est dans tes yeux. A vivre ton regard minvite ; Il me consolerait mourant. Je men pais pourtant, ma petite, Bien loin, bien vite, Tout en pleurant. Que notre amour, si tu moublies, Suzon, dure encore un moment ; Comme un bouquet de fleurs plies, Cache-le dans ton sein charmant ! Adieu : le bonheur reste au gte ; Le souvenir part avec moi ; Je lemporterai, ma petite, Bien loin, bien vite, Toujours toi. _____
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MIMI PINSON
CHANSON
ALFRED DE MUSSET
Landerirette ! A son comptoir. Quoique sans maltraiter personne, Mimi leur fait mieux la leon Qu la Sorbonne. Il ne faut pas quon la chiffonne, La robe de Mimi Pinson. Mimi Pinson peut rester fille, Si Dieu le veut, cest dans son droit. Elle aura toujours son aiguille, Landerirette ! Au bout du doigt. Pour entreprendre sa conqute, Ce nest pas tout quun beau garon Faut tre honnte ; Car il nest pas loin de sa tte, Le bonnet de Mimi Pinson. Dun gros bouquet de fleurs dorange Si lamour peut la couronner, Elle a quelque chose en change, Landerirette ! A lui donner. Ce nest pas, on se limagine, Un manteau sur un cusson Fourr dhermine ; Cest ltui dune perle fine, La robe de Mimi Pinson. 88
Mimi na pas lme vulgaire, Mais son cur est rpublicain : Aux trois jours elle a fait la guerre, Landerirette ! En casaquin. A dfaut dune hallebarde, On la vue avec son poinon Monter la garde. Heureux qui mettra la cocarde Au bonnet de Mimi Pinson ! _____
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ALFRED DE MUSSET
CHANSON
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ALFRED DE MUSSET
Cherchent en pleurant leurs chansons, O les dieux font tant de faons Pour vivre sec dans leurs cuvettes ! O marronniers ! nayez pas peur ; Que votre feuillage immobile, Me sachant versificateur, Nen demeure pas moins tranquille. Non, jen jure par Apollon Et par tout le sacr vallon, Par vous, Naades brches, Sur trois cailloux si mal couches, Par vous, vieux matres de ballets, Faunes dansant sur la verdure, Par toi-mme, auguste palais, Quon nhabite plus quen peinture, Par Neptune, sa fourche au poing, Non, je ne vous dcrirai point. Je sais trop ce qui vous chagrine ; De Phbus je vois les effets : Ce sont les vers quon vous a faits Qui vous donnent si triste mine. Tant de sonnets, de madrigaux, Tant de ballades, de rondeaux, O lon clbrait vos merveilles, Vous ont assourdi les oreilles, Et lon voit bien que vous dormez Pour avoir t trop rims.
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En ces lieux o lennui repose, Par respect aussi jai dormi. Ce ntait, je crois, qu demi : Je rvais quelque autre chose. Mais vous souvient-il, mon ami, De ces marches de marbre rose, En allant la pice deau Du ct de lOrangerie, A gauche, en sortant du chteau ? Ctait par l, je le parie, Que venait le roi sans pareil, Le soir, au coucher du soleil, Voir dans la fort, en silence, Le jour senfuir et se cacher (Si toutefois en sa prsence Le soleil osait se coucher). Que ces trois marches sont jolies ! Combien ce marbre est noble et doux ! Maudit soit du ciel, disions-nous, Le pied qui les aurait salies ! Nest-il pas vrai ? Souvenez-vous. Avec quel charme est nuance Cette dalle moiti casse ! Voyez-vous ces veines dazur, Lgres, fines et polies, Courant, sous les roses plies, Dans la blancheur dun marbre pur ? Tel, dans le sein robuste et dur
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ALFRED DE MUSSET
De la Diane chasseresse, Devait courir un sang divin. Telle, et plus froide, est une main Qui me menait nagure en laisse. Nallez pas, du reste, oublier Que ces marches dont jai mmoire Ne sont pas dans cet escalier Toujours dsert et plein de gloire, O ce roi, qui nattendait pas, Attendit un jour, pas pas, Cond, lass par la victoire. Elles sont prs dun vase blanc, Proprement fait et fort galant. Est-il moderne ? est-il antique ? Dautres que moi savent cela ; Mais jaime assez le voir l, tant sr quil nest point gothique. Cest un bon vase, un bon voisin ; Je le crois volontiers cousin De mes marches couleur de rose ; Il les abrite avec fiert. O mon Dieu ! dans si peu de chose Que de grce et que de beaut ! Dites-nous, marches gracieuses, Les rois, les princes, les prlats, Et les marquis grand fracas, Et les belles ambitieuses, 94
Dont vous avez compt les pas ; Celles-l surtout, jimagine, En vous touchant ne pesaient pas, Lorsque le velours ou lhermine Frlaient vos contours dlicats. Laquelle tait la plus lgre ? Est-ce la reine Montespan ? Est-ce Hortense avec un roman, Maintenon avec son brviaire, Ou Fontange avec son ruban ? Beau marbre, as-tu vu La Vallire ? De Parabre ou de Sabran, Laquelle savait mieux te plaire ? Entre Sabran et Parabre Le Rgent mme, aprs souper, Chavirait jusqu sy tromper. As-tu vu le puissant Voltaire, Ce grand frondeur des prjugs, Avocat des gens mal jugs, Du Christ ce terrible adversaire., Bedeau du temple de Cythre, Prsentant la Pompadour Sa vieille eau bnite de cour ? As-tu vu, comme lermitage, La rondelette Dubarry Courir, en buvant du laitage, Pieds nus, sur le gazon fleuri ? Marches qui savez notre histoire,
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ALFRED DE MUSSET
Aux jours pompeux de votre gloire, Quel heureux monde en ces bosquets ! Que de grands seigneurs, de laquais, Que de duchesses, de caillettes, De talons rouges, de paillettes, Que de soupirs et de caquets, Que de plumets et de calottes, De falbalas et de culottes, Que de poudre sous ces berceaux, Que de gens, sans compter les sots ! Rgne auguste de la perruque, Le bourgeois qui te mconnat Mrite sur sa plate nuque Davoir un ternel bonnet. Et toi, sicle lhumeur badine, Sicle tout couvert damidon, Ceux qui mprisent ta farine Sont en horreur Cupidon ! Est-ce ton avis, marbre rose ? Malgr moi, pourtant, je suppose Que le hasard qui ta mis l Ne tavait pas fait pour cela. Aux pays o le soleil brille, Prs dun temple grec ou latin, Les beaux pieds dune jeune fille, Sentant la bruyre et le thym, En te frappant de leurs sandales, Auraient mieux rjoui tes dalles 96
Quune pantoufle de satin. Est-ce dailleurs pour cet usage Que la nature avait form Ton bloc jadis vierge et sauvage Que le gnie et anim ? Lorsque la pioche et la truelle Tont scell dans ce parc boueux, En ty plantant malgr les dieux, Mansard insultait Praxitle. Oui, sites flancs devaient souvrir, Il fallait en faire sortir Quelque divinit nouvelle. Quand sur toi leur scie a grinc, Les tailleurs de pierre ont bless Quelque Vnus dormant encore, Et la pourpre qui te colore Te vient du sang quelle a vers. Est-il donc vrai que toute chose Puisse tre ainsi foule aux pieds, Le rocher o laigle se pose, Comme la feuille de la rose Qui tombe et meurt dans nos sentiers, Est-ce que la commune mre, Une fois son uvre accompli, Au hasard livre la matire, Comme la pense loubli ? Est-ce que la tourmente amre
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ALFRED DE MUSSET
Jette la perle au lapidaire Pour quil lcrase sans faon ? Est-ce que labsurde vulgaire Peut tout dshonorer sur terre Au gr dun cuistre ou dun maon ? _____
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CANTATE DE BETTINE
ALFRED DE MUSSET
COMPLAINTE DE MINUCCIO
Puis donc, Amour, que tu nas pas voulu A ma tristesse accorder cette joie, Que dans mon cur mon doux seigneur ait lu, Ni vu les pleurs o mon chagrin se noie, Dis-lui du moins, et tche quil le croie, Que je vivrais, si je ne lavais vu. Dis-lui quun jour, une Sicilienne Le vit combattre et faire son devoir. Dans son pays, dis-lui quil sen souvienne, Et que jen meurs, faisant mon mal savoir. _____
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ALFRED DE MUSSET
LE RIDEAU DE MA VOISINE
IMIT DE GTHE
Le rideau de ma voisine
Se soulve lentement. Elle va, je limagine, Prendre lair un moment. On entrouvre la fentre Je sens mon cur palpiter. Elle veut savoir peut-tre Si je suis guetter. Mais, hlas ! ce nest quun rve ; Ma voisine aime un lourdaud, Et cest le vent qui soulve Le coin de son rideau. ____
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ALFRED DE MUSSET
LE FILS DU TITIEN
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A UNE FLEUR
ALFRED DE MUSSET
Je connais trop bien cette main Pleine de grce et de caprice, Qui dun brin de fil souple et fin A nou ton ple calice. Cette main-l, petite fleur, Ni Phidias ni Praxitle Nen auraient pu trouper la sur Quen prenant Vnus pour modle. Elle est blanche, elle est douce et belle, Franche, dit-on, et plus encor ; A qui saurait semparer delle Elle peut ouvrir un trsor. Mais elle est sage, elle est svre ; Quelque mal pourrait marriver. Fleurette, craignons sa colre. Ne dis rien, laisse-moi rver. _____
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BATRIX DONATO
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ALFRED DE MUSSET
A MADAME G***
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ALFRED DE MUSSET
JAMAIS
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SONNET AU LECTEUR
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TABLE
LA NUIT DE MAI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 CHANSON (A Saint-Blaise, la Zuecca) . . . . . . . . . . . . . . . . 12 LUCIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 A LA MALIBRAN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 CHANSON DE FORTUNJO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 CHANSON DE BARBERINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 A MADEMOISELLE *** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 LA NUIT DE DCEMBRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 CHANSON (Lorsque la coquette Esprance) . . . . . . . . . . . . . . 35 TRISTESSE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 ADIEU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 RONDEAU (Fut-il jamais douceur de cur pareille) . . . . . . . . . 38 A NINON . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 MARIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 UNE SOIRE PERDUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 RAPPELLE-TOI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 LA NUIT DAOUT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 A MADAME G*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 SOUVENIR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 A MADAME M*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 A LA MME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 A LA MME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
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ALFRED DE MUSSET
SONNET (Se voir le plus possible) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A MADAME N. MNESSIER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CONSEILS A UNE PARISIENNE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LA NUIT D'OCTOBRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ADIEU, SUZON ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . MIMI PINSON . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CHANSON (Quand on perd, par triste occurrnce) . . . . . . . . . . SUR TROIS MARCHES DE MARBRE ROSE . . . . . . . . . . . . . CANTATE DE BETTINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
66 67 68 72 65 87 90 91 99
COMPLAINTE DE MINUCCIO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 LE RIDEAU DE MA VOISINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 PAR UN MAUVAIS TEMPS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 LE FILS DU TITIEN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 A UNE FLEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . BATRIX DONATO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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A MADAME G*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 A MADAME Cne T*** . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 JAMAIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . SONNET AU LECTEUR
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