École Nationale d’Architecture de Rabat
Atelier de projet « Architecture et urbanisation des territoires en Méditerranée »
S9-S10, S11-S12
AU : 2024/2025
Responsables :
Hakim Cherkaoui
Tarik Harroud
Intervenants :
Nadia M’Hammedi
Ouissame El Asri
Omar Zarhouni
L’objectif de l’atelier est d’inscrire l’enseignement du projet dans la réalité complexe et évolutive des
territoires contemporains.
Les conclusions du premier rapport scienEfique sur le changement climaEque et environnemental dans
la région méditerranéenne, présenté lors du Forum Régional de l’UpM le 10 octobre 2019 à Barcelone,
nous disent que l’espace méditerranéen se réchauffe 20 % plus vite que le reste du monde. Or
aujourd’hui il n’existe pas de formaEon spécifique des écoles d’architecture sur l’impact du
réchauffement climaEque, les risques naturels et leurs impacts sur le processus de l’aménagement des
espaces.
L’atelier ambiEonne de faire évoluer les méthodes pédagogiques par des ateliers qui ouvrent la voie à
des soluEons sur mesure et enrichies par l’effet mulEplicateur du croisement des compétences et des
méthodes des enseignants parEcipants à cet atelier.
Nous organisons l’enseignement en relation avec le domaine de la recherche et particulièrement la
recherche par le projet, pour problématiser les thématiques de travail, alimenter nos questionnements
et identifier des terrains de projet. Ainsi, l’approche de l’atelier vise également la préparation des
étudiants au travail de diplôme.
L’architecture est entendue comme une opération transcalaire de transformation du sol, allant du
territoire à l’édifice architectural en réponse aux usages et pratiques de la société.
Objet :
La réflexion que nous allons mener porte sur le territoire en tant qu’objet de reconnaissance,
d’exploration et d’expérimentation par le projet de territoire, urbain et architectural.
Aborder la résilience de territoires des métropoles du littoral méditerranéen à travers le cas de la région
de Rabat
Explorer des alternatives aux systèmes défensifs (construction des digues), aux programmes de
promotions immobilières en recherche de « vues mer » sans référence aux territoires
L’existant, notamment lu à travers l’histoire des sédiments urbains, du paysage, des systèmes socio-
économiques, devient matrice de coévolution entre espaces ouverts et urbanisation
Objectifs
- Construire une approche spécifique au littoral méditerranéen avec une démarche de la résilience des
territoires dans une perspective pluridisciplinaire.
- Contribuer à la connaissance et au développement de méthodes adaptées d’action sur les questions
posées par les territoires littoraux méditerranéens résilients
- Sensibiliser les étudiants au défi du développement urbain et territorial durable par la méthode de projet
Démarche :
Le territoire
Dans ce travail nous partons de l’idée selon laquelle le territoire n’est pas un continuum isotrope que
la pratique de planification aborde à travers le découpage, le quadrillage, le zoning tout en veillant à
articuler les différentes échelles d’intervention. Pour nous, le territoire est à appréhender comme un
enchevêtrement de réseaux de différentes natures, à penser en termes de systèmes et de lieux plutôt
que de zones et de périmètres, un milieu d’interrelation dont la structure est singularisée par des
nœuds ou points d’équilibre (les centralités) reliés entre eux. (G. Novarina)
Ainsi, notre projet pédagogique exploratoire part-il des questions suivantes :
• Comment penser l’échelle territoriale ?
• Quels sont les outils pour fabriquer une connaissance du territoire support à l’enseignement
du projet architectural, urbain et territorial ?
• Comment faire du projet résilient à l’échelle de la métropole de Venise ?
• Quelles références historiques et contemporaines mobiliser ?
Territoires objets de l’étude :
La bio-région de Rabat
Pour ce faire, nous utilisons plusieurs approches et outils.
Le projet en tant qu’outil de production des connaissances
P. Vigano et B. Secchi considèrent le projet comme outil de production des connaissances, et non pas
seulement comme simple moment de concrétisation des orientations ou des conceptions : « Le projet
qui utilise pleinement sa propre dimension descriptive s’inscrit dans une stratégie cognitive spécifique
: la saisie, l’apprentissage d’un lieu s’appuient sur les outils et les techniques du projet »1.
Approche régressive-progressive
Pour appréhender ce territoire, nous revisitons la démarche élaborée par H. Lefebvre en l’appliquant
à l’étude de la formation de l’urbain et du territoire. Cette approche consiste : A partir de l’actuel que
l’on analyse, on remonte de proche en proche aux conditions de cette réalité́ actuelle2.
Notre travail commence donc par une description de ce territoire tel qu’il se donne actuellement et ce
en vue d’élaborer un scenario 0, un ‘’instantané’’ : Dans un premier temps, nous allons partir des
éléments de la géographie, des réseaux hydrauliques, de la topographie du paysage et des grandes
infrastructures. L’objectif est de comprendre le territoire et sa structure spatiale, point de départ de
tout projet3.
La cartographie
Le travail débute donc par la collecte d’informations sur le territoire d’étude, par la recherche
documentaire (études scientifiques, articles de journaux, données statistiques, documents officiels,
rapports techniques, etc.) qui offre l’occasion de réaliser une première photographie, un instantané
du territoire : son histoire, sa morphologie, sa démographie, ses activités économiques et sociales,
etc., puis d’extraire de cette « connaissance » livresque et statistique, les questions, les problèmes, qui
pourront guider plusieurs des questionnements que l’on confrontera ensuite au terrain. Cette
première connaissance fera l’objet d’une objectivation-synthèse sous forme de cartes4 thématiques
permettant la compréhension des particularités de ce territoire : L’objectif premier est de donner un
certain ordre, une certaine forme à cet espace afin de comprendre les structures qui sous- tendent ce
territoire objet de notre travail.5
Les sédiments
Dans un deuxième temps, il s’agit de déconstruire cet instantané́, à travers une analyse régressive qui
consiste à remonter le cours de l’histoire (de proche en proche) pour comprendre les conditions de
production de ce territoire. Ensuite, reprendre le processus en sens contraire pour éclairer,
développer... pour comprendre la situation actuelle. Pour ce faire nous considérons ce territoire (son
1 P. Viganò, Le projet comme producteur de connaissance, p. 159
2 HESS, (Rémi), La méthode d’Henri Lefebvre : la méthode régressive-progressive, qui consiste à partir de l’actuel, puis à
remonter dans le passé. Ce n’est pas la méthode historique dans la mesure où celle-ci consiste à s’installer dans le passé et à
essayer de voir ce qui a eu lieu, ce qui s’est passé à telle ou telle époque.
3 Bernardo Secchi, « Les échelles de la recherche et du projet », Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine [En
ligne], 24/25 | 2009, mis en ligne le 01 septembre 2017, consulté le 01 mai 2019. URL :
http://journals.openedition.org/crau/316 ; DOI : 10.4000/crau.316)
4 La cartographie est pour nous l’outil de la fabrique d’une connaissance partagée du territoire observé, avant de pouvoir s’y
confronter pour le traverser, le parcourir, ou bien projeter sa transformation. (L. Hodebert, Explorer le territoire, la fabrique
d’un atlas métropolitain)
5 L. Hodebert, Explorer le territoire, la fabrique d’un atlas métropolitain
instantané́) comme un palimpseste6 constitué d’une superposition, de collusion, de compénétration
de sédiments.7
L’intérêt de l’approche par les sédiments est le fait qu’elle considère n’importe quel projet territorial,
urbain et architectural en tant que processus et résultat. Ce qui nous éloigne des approches qui
considèrent les objets architecturaux ou urbanistiques comme uniquement des objets finis et nous
rapproche de la position de Paola Vigano qui considère que ‘’la construction [l’élaboration] du projet
comme élaboration de procédures et non seulement comme composition d’éléments suivant des
grammaires et des syntaxes.’’8 Cette approche réintroduit la dimension du long terme de la
constitution du territoire en lui restituant une épaisseur longtemps sacrifiée par l’approche de la tabula
rasa.
L’identification des différents sédiments donnera lieu à des cartes accompagnées par la description
des différents matériaux les constituants.
Les matériaux urbains
Chaque sédiment est à considérer comme une (des) structures. constituée.s. d’un ensemble de
matériaux9 (au le sens que lui donne P. Vigano et M. Butor) qui sont en relation entre eux.
Dès lors l’approche permet donc de s’arrêter sur chaque situation urbaine, sur les matériaux
constituant l’espace de ce territoire, sur les relations entre ces matériaux, sur les mots qu’on utilise
pour les décrire, sur le quotidien qui y est vécu et sur les pratiques qui les font vivre. L’analyse et l’étude
de chaque matériau en soit, isolé, permettent une construction de nouvelles compositions et
séquences sur la base de l’existant, du tracé et de la trace.
6 CORBOZ (André́), Le territoire comme palimpseste, in :
https://www.jointmaster.ch/file.cfm/document/Le_territoire_comme_palimpseste.pdf?contentid=1042
7 L'hypothèse sédimentaire pose que la complexité́ d'un territoire métropolitain, peut-être même de la plupart des terrains
d'étude contemporains, tient en ce que "le territoire" est fait du recouvrement, de l'emboîtement, de la compénétration de
plusieurs structures édificatrices, qui sont chacune le résultat, définitif ou provisoire, achevé ou en chantier, d'un projet de
territoire. Que la complexité́ du territoire contemporain tient au fait que ce "territoire" consiste en plusieurs territoires, les
uns plus ou moins en ruine et abandonnés, les autres parfaitement achevés, considérés tels et entretenus avec une
méticulosité́ paranoïaque, les autres en émergence mais encore privés de cette cristallisation à quoi porte l'édification... :
autant de projets territoriaux, qui sont autant de pactes d'alliance collective, plus ou moins actifs et plus ou moins puissants,
et en relation dialectique, c'est-à-dire parfois conflictuelle. (Bertrand Terlinden, note de présentation de l’atelier ENA-Rabat
2020-2021)
8 P. Vigano in MASBOUNGI (Ariella) dir, Métamorphose de l’ordinaire Paola Viganó, Grand Prix de l’urbanisme 2013, Coll.
Projet urbain, Éditions Parenthèses, 2014, p 21
9 « (...) On appelle matériau tout ce qu’un musicien peut combiner dans une composition, que ce soit enregistré directement
dans la nature ou dans la rue, produit par un instrumentiste ou une machine. Des combinaisons plus élevées peuvent utiliser
comme matériaux des compositions antérieures : la Neuvième Symphonie, La Messe en Si, Pelleas. Appelons matériau tout
ce qu’un peintre peut combiner dans une peinture. Un cinéaste, vidéaste, dans un film ou une bande. Appelons matériau
tout ce qu’on peut combiner. Tout ce qui est au monde est matériau, et s’il existe plusieurs mondes, chacun de ces mondes
est un matériau » in M. Butor, in L’embarquement de la Reine de Saba, Éditions de la Différence, Paris, 1989, p.80
Selon P. Vigano : est matériau tout ce qui peut être combiné dans une composition ; des compositions précédentes peuvent
devenir matériaux d’une nouvelle composition, et s’il existait plus d’un monde, chacun de ceux-ci serait un matériau.
Composer en utilisant des matériaux connus suivant des règles connues, ou composer en utilisant de nouveaux matériaux,
mais sans modifier la syntaxe traditionnelle, établissant ainsi un parcours en lien avec le passé ; ou encore, déconstruire la
ville contemporaine, et ne reconstruire que des fragments de séquences interrompues, rompant avec le passé et ses règles
et innovant en matériaux et composition. Le débat relatif au projet pour la ville contemporaine se situe entre ces extrêmes.
(P ; Vigano, Cité élémentaire) (Traduction V. Brunfaut, Note préliminaire)
L’inventaire des matériaux (et des relations) se fera sous forme de photos, dessins, récits...
(Élémentarisme, voir note préliminaire, Victor Brunfaut).
Approche eco-ethno-urbaine10
Vient ensuite la confrontation avec le territoire : « partir d’une interrogation des habitants et des lieux
et qui essaie de découvrir leurs attentes et leurs imaginaires, leurs spécificités et leurs inerties. Il s’agit
là d’appréhender un territoire ou une situation par le bas, c’est-à- dire à partir de l’observation, de la
description et de l’interprétation de la diversité des comportements quotidiens individuels et collectifs.
Le projet d’un territoire, d’une ville [...] doit essayer d’interpréter les opportunités offertes par le
territoire ou les lieux que les habitants, avec leurs imaginaires, peuvent accueillir. »11 C’est un exercice
d’immersion qui permet d’aller à la rencontre avec le territoire ainsi que ceux et celles qui vivent sur
le territoire. Pour une prise en considération des réalités et des attentes souvent multiples et
complexes de la population, les étudiants sont invités à observer et à arpenter le territoire et à
échanger avec le plus grand nombre, et prennent surtout le temps de cela. Aller se confronter au
terrain, c’est ainsi se mettre en situation de rupture avec l’environnement habituel, sortir de sa
condition pour une mise à distance de ses propres schèmes de pensée, se décentrer pour être «
autrement » à l’écoute (Olivier de Sardan, 2008), une singularité́ à nul autre pareil, dans un rapport
marqué à l’altérité. L’immersion est ainsi une manière d'apprendre à faire émerger et concevoir des
projets capables de répondre à des questions situées plutôt que de penser des solutions toutes faites
et duplicables. Pour ce faire, c’est la question « pourquoi faire du projet ? » qu’il faut sans relâche
soumettre aux étudiants. Tenir un carnet de terrain (ethnographie), de voyage (dans la tradition des
architectes) et retranscrire ce qui a été observé et ressenti (dessin, texte, photo...), rendre compte des
ambiances, des usages, des coutumes, des modes d’organisation et des aspirations de chacun, etc.,
sont autant de processus et de récits qui permettent de travailler la distanciation nécessaire à l’objet
d’étude, et de réfléchir à ce qui est observé. Développer des outils de médiation autres que ceux
habituellement mobilisés dans les projets d’urbanisme ou d’architecture : relevé de l’espace ‘’habiter’’,
carte mentale, itinéraires commentés, photos, dessins, récits, mise en cartes des données des
entretiens etc., c’est également l’occasion de compléter la palette des points de vue et des regards.
(O. El Asri, H. Cherkaoui, E. Matteudi).
D’un point de vue méthodologique, il s’agit d’aborder le sens par la bande (Henri Raymond) (en
mettant de côté les catégories d’analyse habituelle : composition...) et ce en partant de l’idée selon
laquelle les choses anodines ou banales peuvent s’avérer porteuses d’un sens que l’on ne réalise
qu’une fois l’étude faite. Des détails de prime à bord insignifiants et mineurs permettent en fait de
mettre à jour des éléments de sens plus fondamentaux des pratiques et des visions symboliques du
monde d’une société à un instant particulier de son histoire : un drapé dans les costumes, une rue
anonyme, une façade qui n’a rien d’extraordinaire sur le plan architectural... nous disent en fait plein
de choses sur un moment particulier de l’urbanisation et sur les subreptices évolutions du cadre bâti
de la société. Cette technique en quelque sorte de recentrage et de mise à plat, chère à un Federico
Zeri, permet, en les mettant en relief, de révéler selon une autre pertinence des éléments de prime
10 Approche développée par D. Pinson et qui combine les outils des sciences humaines et sociales et ceux de l’architecture et
l’urbanisme
11 Bernardo Secchi, « Les échelles de la recherche et du projet », Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine [En
ligne], 24/25 | 2009, mis en ligne le 01 septembre 2017, consulté le 01 mai 2019. URL :
http://journals.openedition.org/crau/316 ; DOI : 10.4000/crau.316)
abord imperceptibles ou dénués de sens. Or pour nous, ces éléments anodins doivent être mis au cœur
de l’analyse des rapports entre espace et société pour nous permettre de mieux comprendre le rôle
spécifique que l’architecturale joue dans chaque société. En d’autres termes, ils permettent de mettre
le doigt sur les spécificités de chaque contexte. (Frey, Cherkaoui, 2016)
Le projet de territoire, urbain et architectural : un processus itératif
Le parti pris pédagogique consiste à faire alterner les phases d’analyse et d’avec l’élaboration de
projets tout au long de processus de l’élaboration du projet. Il s’agit d’une démarche itérative, d’aller-
retour entre le diagnostic et le projet pour que l’un se nourrisse de l’autre, et inversement. Des mises
en forme spatiales sont élaborées à toutes les étapes. Ces itérations (va et vient entre les différents
moments du processus et entre les échelles) renvoient à des moments secondaires ou de rupture à
l’intérieur d’une même phase du processus de projet qui, lui, est globalement linéaire (un début et une
fin).
L’articulation urbanisme/architecture est à penser selon une configuration autre que celle adoptée
habituellement où la pratique de l’architecture prolongerait celle de l’urbanisme. Ce ne sont pas deux
phases qui se succèdent et qui sont pensées séparément, mais il faut les approcher à travers un aller-
retour permanent entre les dimensions architecturale et urbanistique. De plus, il ne s’agit pas de
produire des plans d’ensemble dans lequel le projet architectural viendra s’insérer.
Dans ce travail, nous considérons également que la maîtrise progressive du processus de l’élaboration
du projet passe par la décomposition du travail de projétation en séquences successives organisées
autour d’orientations pédagogiques12 (dimension sociologique, artistique, technique...) qui pourront
constituer également des entrées privilégiées pour approcher la complexité d’un projet ou d’une
situation (D. Pinson ; O. Tric). Là aussi, les séquences ne se succèdent pas d’une manière linéaire.
Méthode et Stratégie
Axes de travail : dans l’épaisseur du territoire
- Le littoral
- Les bassins versants
- La relation entre l’hinterland et la côte
- Les franges ville / nature / agriculture
Thèmes de travail :
- Les risques : inondation, élévation du niveau de la mer
- La résilience : non pas l’absorption ni l’adaptation mais la transformation
12 Ce qui nécessite l’organisation d’interventions de spécialistes dans le cadre d’un séminaire ou de l’atelier.
- À partir des sites : cartographie et arpentage sur le terrain
Axes stratégiques :
- L’eau, l’hydrographie comme matrice
- La nouvelle relation ville / agriculture
- La fabrique de la ville sur la ville # colonisation et l’étalement urbain
- Ville inclusive
- des infrastructures apaisées pour de nouveaux accès au territoire #voiture