Généralités Sur Les Fractures de L'enfant
Généralités Sur Les Fractures de L'enfant
14-031-B-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Pouliquen JC, Glorion C, Langlais J et Ceolin JL. Généralités sur les fractures de l’enfant. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Appareil locomoteur, 14-031-B-10, 2002, 15 p.
14-031-B-10 Généralités sur les fractures de l’enfant Appareil locomoteur
au sein des épiphyses et des apophyses. Ainsi, le cartilage de avec celle de ses parents. Le mécanisme d’action de ces facteurs
croissance contribue à la morphologie et à la congruence de l’os. génétiques n’a pas, à ce jour, été identifié. En revanche, certains
L’histoire naturelle de la croissance d’un os long comporte plusieurs facteurs hormonaux sont mieux connus. L’hormone de croissance
étapes. Tout commence à l’extrémité de l’os selon un scénario (somatotrophine [STH]) agit sur la chondrogenèse, alors que les
constant : regroupement des cellules cartilagineuses, calcification, hormones thyroïdiennes stimulent surtout le processus de
invasion vasculaire, ossification. Les chondroépiphyses sont alors calcification et d’ossification. La STH agit sur le cartilage de
constituées par un amas de cellules cartilagineuses rejetées en croissance par l’intermédiaire d’un médiateur : les somatomédines.
périphérie de part et d’autre de la maquette diaphysaire. Ces cellules Les glucocorticoïdes et la dénutrition exercent un effet inhibiteur sur
cartilagineuses s’organisent en cartilage de croissance. Les unes vont la STH, alors que les hormones thyroïdiennes, les œstrogènes et les
se consacrer à la formation de l’épiphyse, les autres à la formation androgènes jouent le rôle de stimulant. Quant à la vitamine D, outre
d’apophyses, d’autres enfin se tournent vers la diaphyse et son action sur le métabolisme phosphocalcique, il semble qu’elle
contribuent à la croissance en longueur : ce sont les futurs cartilages intervienne directement sur le métabolisme du cartilage de
de conjugaison. croissance par l’intermédiaire de ses dérivés.
Quelles que soient sa forme et sa topographie, la structure
histologique du cartilage de croissance est toujours la même. Celui-ci REPÈRES DE LA CROISSANCE
comporte des cellules germinales, des cellules à colonnes, des Ils ne sont pas seulement osseux. La surveillance orthopédique de
cellules hypertrophiques, puis un front de calcification précédant la croissance commence à la naissance où il est nécessaire de noter
l’ossification. Schématiquement, le cartilage de croissance est les trois points de repère essentiels : périmètre crânien (35 cm), poids
constitué de trois parties : les cellules, la substance fondamentale, la (3 à 3,5 kg), taille (50 cm). Le nouveau-né présente une ossification
virole périchondrale. Les cellules peuvent être divisées en trois uniquement diaphysaire, en dehors des épiphyses fémorale
parties : une zone de croissance, une zone de maturation, une zone inférieure et tibiale supérieure, de l’astragale et du calcanéus. La
d’ossification. La substance fondamentale joue le rôle première année de la vie comporte essentiellement une croissance
d’intermédiaire entre les cellules et le front d’ossification. La virole neurologique. Le nourrisson à la naissance est un être automatique,
périchondrale limite latéralement le cartilage de croissance et joue hypertonique et hyperfléchi [12]. Les automatismes s’estompent
ainsi un rôle mécanique de soutien. progressivement. Vers le sixième mois, un tonus musculaire apparaît
dans la région dorsale, précédant la station assise. Le nourrisson a
perdu ses réflexes archaïques, il s’est défléchi, l’angle poplité est à
BASES BIOLOGIQUES DE LA CROISSANCE
0°. À l’âge de 9 mois, apparaissent les éléments qui préparent la
¶ Vascularisation du cartilage de croissance verticalisation : réaction parachute et maturation du moyen fessier.
Cette évolution neurologique retentit sur l’organisation
et de l’épiphyse
morphologique : le toit du cotyle se développe et la hanche se
La vascularisation du cartilage de croissance est assurée par deux couvre, les courbures rachidiennes se constituent. À 1 an, le
systèmes vasculaires : le système épiphysaire et le système nourrisson mesure environ 75 cm, son poids a triplé, le périmètre
métaphysaire. Le système épiphysaire est formé par les rameaux de crânien est de 47 cm. De 1 an à 5 ans, la vitesse de croissance s’est
l’artère épiphysaire qui traversent la plaque sous-chondrale et se ralentie, mais reste néanmoins très forte. La surveillance nécessite
terminent par des capillaires au sommet de la couche du cartilage alors la réalisation de courbes de croissance qui sont comparées aux
sérié. Les vaisseaux épiphysaires assurent la nutrition des deux normes. Durant cette période, l’antéversion des cols fémoraux
premières couches du cartilage de croissance, leur interruption régresse, le tibia présente progressivement une rotation externe. Le
entraîne la stérilisation du cartilage conjugal. Le fonctionnement de noyau d’ossification du grand trochanter apparaît vers 3 ans, celui
la lignée germinale du cartilage de croissance est donc suspendu à de la rotule vers 5 ans. De 5 à 10 ans, la vitesse de croissance est à
un apport vasculaire qui provient de l’épiphyse. Cette dépendance peu près identique pour les garçons et pour les filles : 5 cm par an.
vasculaire illustre la nécessité d’intégrer ce cartilage de croissance Ces 5 cm sont répartis en 2 cm pour le tronc et 3 cm pour les
dans un cadre plus large représenté par la chondroépiphyse [12]. Le membres inférieurs. Durant cette période, il devient indispensable
système vasculaire métaphysaire provient pour la plus grande part d’étudier la croissance en fonction de l’âge osseux et non de l’âge
des vaisseaux médullaires, originaires de l’artère nourricière. La chronologique. L’âge osseux est déterminé en comparant une
périphérie du cartilage conjugal est vascularisée par les vaisseaux radiographie de face du poignet et de la main gauche à l’atlas de
périostiques. Les vaisseaux métaphysaires interviennent dans Greulich et Pyle. Le point épitrochléen apparaît vers 6 ans,
l’ossification de la métaphyse. l’épiphyse calcanéenne vers 8 ans, le petit trochanter et l’olécrane
vers 10 ans. À partir de 10 ans, le pic de croissance pubertaire est en
¶ Physiologie du cartilage de croissance grande partie dû à la croissance du tronc. En revanche, la croissance
des membres ralentit à partir de 13 ans d’âge osseux chez la fille et
Le cartilage de croissance possède sa propre croissance dans tous
15 ans d’âge osseux chez le garçon. Il faut en tenir compte pour la
les plans de l’espace. Cependant, la longueur du cartilage de
surveillance de toute affection rachidienne. Durant cette période,
croissance est relativement stable parce qu’il y a un équilibre qui
plusieurs critères de maturation sont à prendre en compte : l’âge
s’établit entre les cellules qui meurent et celles qui naissent. La virole
chronologique est une notion insuffisante, l’âge osseux est plus
périchondrale participe à la croissance en largeur du cartilage de
précis. La soudure des cartilages de conjugaison du coude et des
croissance. Au sein d’une chondroépiphyse, il existe souvent
phalanges distales survient à 13 ans d’âge osseux chez la fille et
plusieurs cartilages de croissance. Toute atteinte de l’un d’entre eux
15 ans d’âge osseux chez le garçon. Il existe des corrélations précises
déclenche une asymétrie de croissance et remet en question la
entre l’âge osseux et le début des manifestations pubertaires.
morphologie finale de l’os [12]. Tous les cartilages de croissance n’ont
L’activité des gonades ne commence, selon Tanner, qu’à l’apparition
pas le même rendement. Ainsi, celui de l’extrémité supérieure de
du sésamoïde du pouce, soit 11 ans d’âge osseux chez la fille et
l’humérus participe pour 80 % à la croissance en longueur de la
13 ans d’âge osseux chez le garçon. La première menstruation
diaphyse humérale, tandis que celui de l’extrémité inférieure n’y
survient très précisément à 13 ans d’âge osseux chez la fille. Pour la
participe que pour 20 %. Toute incongruence articulaire crée des
courbe de taille, c’est l’étude de la vélocité de la croissance qui
conditions mécaniques indésirables qui modifient la croissance
informe au mieux de l’entrée dans la période pubertaire. En effet,
épiphysaire.
après une période de croissance à vitesse presque constante (qui
dure presque 5 à 10 ans chez la fille et 5 à 12 ans chez le garçon), se
¶ Influence des facteurs systémiques sur la croissance
produit un pic de croissance pubertaire. Les signes sexuels
La croissance osseuse longitudinale dépend de facteurs génétiques. secondaires : la pilosité pubienne, le développement des seins, des
La taille définitive d’un enfant est en effet fréquemment en rapport testicules, de la verge, ont été classés en cinq stades par Tanner. Le
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Appareil locomoteur Généralités sur les fractures de l’enfant 14-031-B-10
point P marque le début de la pente pubertaire. Il correspond à premier temps une déformation élastique irréversible avec un os
l’apparition du duvet pubien chez la fille, les règles surviennent en histologiquement normal. Dans un deuxième temps, survient une
moyenne 2 ans plus tard. Le noyau d’ossification des crêtes iliaques déformation plastique irréversible sans perte de continuité corticale,
ou test de Risser représente en principe un témoin fidèle de la qui est parfois un peu épaissie, sans décollement du périoste ni
maturation rachidienne. Il est coté de 1 à 5, le noyau d’ossification hémorragie sous-périostée du côté concave. Des microfractures sont
secondaire se développant d’avant en arrière pour se souder ensuite mises en évidence à l’examen en microscopie optique. Dans un
d’arrière en avant. Quant le Risser est à 5, la maturation rachidienne troisième temps, la poursuite de la contrainte aboutit à la fracture.
est complète, il s’écoule 1 à 3 ans en moyenne entre Risser 1 et Risser Lors de la guérison, on note simplement un épaississement cortical
3. De fait, les renseignements recueillis sont tardifs (Risser 1 survient du côté concave sans ossification périostée. En l’absence de
en moyenne 1 an après les premières règles) et relativement réduction, le remodelage diaphysaire n’est que partiel après l’âge de
imprécis, le temps écoulé entre Risser 1 et Risser 5 étant variable 12 ans, ce qui explique la relative gravité de cette lésion et la
d’un sujet à l’autre. Pour juger de la fin de la croissance, il faut nécessité d’une réduction orthopédique, souvent difficile.
s’entourer de multiples critères : non seulement l’absence de prise
de taille, mais aussi la maturation des os de la main, la maturation ¶ Fractures en « bois vert »
de la crête iliaque et le développement des caractères sexuels
secondaires. Il s’agit de fractures sous-périostées trouvant leur explication
anatomique dans la solidité du manchon périostique qui permet aux
fragments de l’os fracturé de rester en contact. La contrainte en
Fractures diaphysaires : généralités hyperflexion entraîne la rupture du périoste et de la corticale soumis
aux efforts de traction du côté convexe. La corticale et le périoste du
Les fractures diaphysaires de l’enfant sont très différentes de celles
côté concave sont intacts. Il s’agit cependant d’une fracture qui, si
de l’adulte pour deux raisons essentielles. D’une part, l’épaisseur
elle n’est pas immobilisée, peut aboutir à un déplacement
du périoste et l’élasticité de l’os chez l’enfant entraînent des lésions
secondaire.
traumatiques de types anatomiques particuliers. D’autre part, la
rapidité relative de consolidation et les possibilités de remodelage
¶ Fractures complètes
pendant la croissance justifient une attitude thérapeutique moins
chirurgicale que chez l’adulte. Il peut s’agir de fractures spiroïdes par torsion, obliques par
surcharge axiale, ou transversales. Les fractures transversales sont
[10, 18]
ASPECTS ANATOMIQUES DES OS DE L’ENFANT les plus fréquentes et font suite à un mécanisme en flexion qui
L’os infantile est relativement peu minéralisé. Il est hydraté et plus aboutit à une angulation. Le périoste est déchiré sur le versant
poreux que l’os adulte. La fréquence particulière des fractures chez convexe, permettant à un fragment osseux saillant de passer à
l’enfant s’explique par ce caractère poreux de l’os jeune. Le cortex travers la boutonnière périostée. Quant aux fractures comminutives,
est aréolaire et peut facilement être brisé parce que les canaux de elles sont beaucoup plus rares que chez l’adulte en raison de la plus
Havers occupent une très grande partie de l’os. Un os compact grande flexibilité de l’os.
d’adulte rompt uniquement lorsqu’il est mis en tension, tandis que
la nature d’un os d’enfant y détermine des fractures par [10, 34, 35, 38]
CONSOLIDATION CHEZ L’ENFANT
compression. En revanche, l’élasticité et la plasticité de l’os cortical
sont supérieures chez l’enfant. L’os infantile résiste donc mieux aux Chez l’enfant, l’ostéogenèse de réparation n’est pas différente dans
contraintes en tension que l’os adulte. L’inflexion d’une diaphyse son essence de celle de l’adulte. La fracture diaphysaire, en rompant
combine des contraintes de tension sur le côté convexe et des les canaux haversiens, produit un hématome et la nécrose des deux
contraintes de pression sur le côté concave. L’os infantile chargé en extrémités fracturaires. Le processus de réparation démarre chez
flexion plie avec plus de facilité et sur une plus grande amplitude l’enfant avec une grande rapidité, dans les 24 premières heures. Le
que l’os adulte. Il absorbe ainsi une quantité supérieure d’énergie tissu ostéogénique de réparation se développe à la périphérie de
avant la rupture. Le périoste, épais et résistant, détermine pour une l’hématome fracturaire et dans la région médullaire. C’est la
grande part le comportement mécanique de l’os infantile. Lors d’une consolidation secondaire. Dans de rares circonstances (fracture non
fracture en « bois vert », il est en règle intact du côté concave où il déplacée, ostéosynthèse à compression après réduction exacte), la
est simplement décollé, parfois sur une grande hauteur. consolidation se produit par union primaire de l’os ou croissance
directe des systèmes haversiens à travers le site fracturaire. C’est la
ASPECTS CLINIQUES ET ANATOMOPATHOLOGIQUES consolidation per primam.
DES FRACTURES DIAPHYSAIRES DE L’ENFANT On distingue deux grandes étapes dans la consolidation des
L’intégrité du périoste et l’absence de dilacérations musculaires fractures diaphysaires. La formation d’un cal provisoire qui aboutit,
rendent les fractures diaphysaires déplacées de l’enfant moins en quelques semaines, à la consolidation clinique. Ce cal réalise
hémorragiques. Certaines fractures de l’enfant sont de diagnostic l’immobilisation du foyer de fracture, préalable indispensable à
difficile, d’où l’importance de l’examen clinique doux et soigneux, l’étape suivante : le remodelage du cal où l’os immature, primitif,
complété par des radiographies prenant les deux articulations est remplacé par l’os lamellaire, définitif, haversien. Cette phase vise
voisines et comportant au moins deux incidences dans deux plans à redonner à l’os cortical sa structure anatomique et ses propriétés
perpendiculaires. initiales. Le cal provisoire comporte, d’une part le cal périphérique
périosté et d’autre part, le cal endosté ou médullaire. Il faut insister
¶ Fractures en « motte de beurre » sur l’importance du mode de réparation que constitue le cal
Elles font suite à un traumatisme par compression entraînant un périphérique. Son organisation et son remodelage dépendent pour
tassement trabéculaire. Ces lésions atteignent en général la une grande part de sa vascularisation. La vascularisation du cal
métaphyse d’un os long, surtout à l’extrémité inférieure du fémur, primitif périphérique est essentiellement périostique. C’est dire
du tibia ou du radius. Leur explication anatomique se trouve dans l’importance de l’intégrité du périoste et de ses attaches musculaires.
la pénétration, par la zone diaphysaire, du tissu osseux moins La vascularisation médullaire joue, en revanche, un rôle mineur
résistant de la métaphyse. Elles se traduisent à l’examen par un dans cette première phase de réparation fracturaire. Les processus
bourrelet osseux douloureux et, à l’examen radiologique, par une de contrôle de l’ostéogenèse de réparation sont encore mal connus.
image linéaire condensée en regard d’une soufflure de la corticale. Cependant, les micromouvements axiaux dans le foyer de fracture
stimulent la formation du cal périosté [ 2 3 ] . La rapidité de
¶ Incurvations traumatiques sans fractures [16, 30]
consolidation des fractures diaphysaires chez l’enfant est bien
Ces lésions intéressent préférentiellement le cubitus et le péroné [3]. connue. La vitesse de consolidation est maximale à la naissance puis
La contrainte en compression d’un os long incurvé entraîne dans un elle décroît rapidement d’année en année jusqu’à la fin de la
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14-031-B-10 Généralités sur les fractures de l’enfant Appareil locomoteur
croissance. Ainsi, le délai de consolidation de la fracture de la chez l’enfant, par des attitudes vicieuses en rotation contraire dans
diaphyse fémorale est-il de 3 semaines pour une fracture les articulations proches, dont le plan de mobilité est identique à
obstétricale, de 8 semaines à l’âge de 8 ans et de 12 semaines après celui de la déformation.
12 ans.
¶ Correction spontanée des cals vicieux angulaires
SÉQUELLES DES FRACTURES DIAPHYSAIRES Elle est souvent longue et peut demander plus de 5 ans. Avant de
DE L’ENFANT [19] prendre la décision de corriger un cal vicieux, il faut tenir compte
de l’âge de l’enfant, du siège et du type de la déformation, de son
¶ Pseudarthrose retentissement articulaire, de la possibilité de correction spontanée
Elle est rare chez l’enfant. On l’observe à titre tout à fait exceptionnel et des attitudes vicieuses dans les articulations voisines.
dans les fractures diaphysaires fermées. En revanche, des fractures
itératives peuvent se voir, en particulier si le plâtre a été retiré trop
tôt. C’est le cas des fractures diaphysaires des deux os de l’avant- Fractures diaphysaires : particularités
bras qui doivent être immobilisés durant un minimum de 3 mois.
[25]
FRACTURES DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE
¶ Inégalités de longueur
La diaphyse humérale est une localisation rare des traumatismes de
Elles ont une double origine : par accélération de la croissance, qui l’enfant à côté de celle du coude. Ces fractures sont généralement
peut aboutir à l’allongement de l’os fracturé exactement réduit, et consécutives à un choc direct violent et surviennent plus
par cal vicieux avec chevauchement des fragments entraînant le fréquemment avant 3 ans ou après 12 ans. Les fractures néonatales
raccourcissement. L’allongement postfracturaire s’observe plus de l’humérus se produisent lors d’accouchements difficiles. Elles
particulièrement dans les fractures obliques longues et dans les consolident en 15 jours environ. Les fractures du petit enfant de
fractures comminutives. D’après Edvardsen [14], l’âge de l’enfant, le moins de 3 ans sont généralement des fractures en « bois vert », peu
siège de la fracture et la durée du traitement ne jouent aucun rôle déplacées. Les fractures de l’humérus, chez l’enfant de 3 à 12 ans,
dans sa survenue. L’allongement s’explique par l’accroissement de siègent souvent à la jonction entre la métaphyse humérale
l’activité du cartilage de conjugaison. L’allongement postfracturaire supérieure et la diaphyse. Dans cette tranche d’âge, d’importants
est habituellement modéré et atteint son maximum au bout de 1 an. déplacements résiduels peuvent encore être tolérés car ils se
L’inégalité de longueur consécutive est susceptible d’amélioration remodèlent pendant la croissance. Il faut penser à l’éventualité d’une
spontanée dans les années qui suivent. Ainsi, le raccourcissement fracture pathologique sur kyste osseux essentiel, fréquent à ce
dû au chevauchement des fragments s’améliore souvent et peut niveau. Les fractures de la diaphyse humérale chez l’enfant de plus
aboutir à l’égalisation complète par accélération de la croissance du de 12 ans font généralement suite à un accident sportif ou de deux-
membre raccourci. Cette accélération de la croissance peut porter, roues. Les problèmes sont moins simples car la fracture est souvent
soit sur l’os fracturé, soit, plus accessoirement et plus tardivement, déplacée et parfois instable. Une solution orthopédique est
sur le segment voisin indemne du membre homolatéral [45]. Les cependant possible dans la majorité des cas : réduction sous
inégalités de longueur postfracturaires des membres inférieurs anesthésie générale suivie d’une immobilisation par Dujarier ou
doivent être suivies régulièrement durant plusieurs années, plâtre thoracobrachial. Cependant, pour certaines fractures instables,
cliniquement et radiologiquement, en pratiquant des radio- l’ostéosynthèse par embrochage centromédullaire [46] représente une
mensurations annuelles des membres inférieurs, complétées par des solution efficace et peu contraignante. Les suites opératoires sont
évaluations de l’âge osseux. Les courbes de croissance des différents assurées par un simple bandage coude au corps permettant une
segments du membre fracturé et du membre sain rendent possible mobilisation précoce du membre supérieur. Les paralysies radiales
l’évaluation pronostique précise de l’inégalité. Les fractures sont plus rares que chez l’adulte et surviennent généralement chez
diaphysaires de l’enfant n’entraînent que rarement une inégalité de le grand enfant, sur des fractures siégeant à la partie entre le tiers
longueur importante, sauf en cas d’erreur thérapeutique, en moyen et le tiers inférieur de la diaphyse. L’existence d’une
particulier à la suite d’une ostéosynthèse abusive. En cas d’inégalité paralysie radiale ne doit pas faire modifier l’attitude thérapeutique
de longueur non tolérable, la surveillance prolongée et chiffrée qui reste résolument orthopédique. Les signes de récupération
permet, lors de la stabilisation de l’inégalité, le choix de la date nerveuse apparaissent au cours des deux premiers mois dans la
exacte et de la technique d’égalisation. grande majorité des cas.
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Appareil locomoteur Généralités sur les fractures de l’enfant 14-031-B-10
¶ Formes habituelles
Elles sont fréquentes et n’entraînent habituellement pas de
complication. La plus banale est la fracture des deux os de la jambe
en zone diaphysaire. Sa réduction par manœuvre orthopédique est
aisée et la contention assurée par un plâtre cruropédieux genou
fléchi. La consolidation est obtenue en 45 à 75 jours en fonction de
l’âge de l’enfant. Une surveillance radiographique hebdomadaire est
nécessaire durant les 3 premières semaines. Les fractures isolées du
tibia présentent un risque de déviation en varus. Une gypsotomie
permet alors de corriger éventuellement une désaxation de faible
importance. Les défauts d’axe se corrigent s’ils sont minimes. Mais
une déviation importante, surtout en varus, est mal tolérée, se
corrige lentement, et retentit sur l’articulation sous-jacente. C’est
pourquoi en cas de déplacement secondaire important, il est
nécessaire de reprendre le traitement et souvent de pratiquer une
ostéosynthèse. Les fractures ouvertes sont assez fréquentes du fait
de la faible épaisseur des parties molles, notamment en regard de la
face interne du tibia. Les lésions cutanées nécessitent souvent d’avoir
recours à une ostéosynthèse par fixateur externe. Dans tous les cas,
il faut se méfier, dans les suites immédiates, d’un syndrome de loge,
nécessitant l’ouverture large du plâtre sur toute sa hauteur, suivie
parfois, si ce geste est insuffisant, d’une aponévrotomie. C’est la
complication majeure des fractures de jambe chez l’enfant.
¶ Forme particulière
*
A *
B
Signalons enfin une forme particulière de fracture du tibia du
1 A. Fracture diaphysaire déplacée des deux os de l’avant-bras chez un adolescent nourrisson ou du petit enfant. Il s’agit de la fracture en « cheveu »,
de 15 ans. fracture non déplacée, dont le diagnostic est difficile. L’interrogatoire
B. Ostéosynthèse centromédullaire par broches.
des parents apprend souvent que l’enfant est couché dans un lit à
barreaux, au travers desquels il passe le pied et bloque l’extrémité
suivantes. Les indications d’une ostéosynthèse sont assez fréquentes inférieure de sa jambe. La finesse du trait sur les clichés initiaux fait
dans ce type de fractures et doivent être discutées lorsque le souvent méconnaître la fracture et on peut évoquer le diagnostic
déplacement est irréductible, lorsque la fracture apparaît instable et d’ostéomyélite. Il faut alors traiter l’enfant comme s’il avait une
se déplace sous plâtre. Sont particulièrement prédisposées au ostéomyélite et le cliché au dixième jour redresse le diagnostic en
déplacement secondaire : les fractures n’intéressant qu’un seul os, montrant le trait.
celles où le trait de l’un des deux os est incomplet, celles dont les
traits sont décalés en niveau sur le radius et le cubitus. Les fractures
isolées de la diaphyse cubitale doivent faire rechercher une luxation Fractures métaphysaires
associée de la tête radiale (fracture de Monteggia), d’où l’importance
d’avoir une bonne radiographie des articulations du coude et du [8]
poignet. GÉNÉRALITÉS
L’os métaphysaire, situé à l’extrémité du segment diaphysaire, subit
une maturation particulière à partir de l’os primaire, fibrillaire,
FRACTURES DIAPHYSAIRES DU FÉMUR présent à la naissance. La métaphyse contient de l’os à destinée
Les fractures de fémur chez l’enfant se rencontrent à tout âge. Sauf spongieuse et de l’os à destinée corticale. Ce dernier ne subit une
chez l’adolescent, le traitement en est souvent orthopédique. Il maturation pour donner de l’os haversien que vers la fin de
comporte une période de traction du membre inférieur, soit au croissance. Dans le cortex existent des fenestrations qui contiennent
zénith chez le petit enfant, soit sur attelle de Boppe chez le plus des éléments fibrovasculaires connectant les espaces médullaires à
grand, suivie d’un plâtre pelvipédieux confectionné 2 à 3 semaines la région sous-périostée. Le périoste est donc, à ce niveau,
plus tard quand le foyer est suffisamment englué. Il est habituel fermement attaché à l’os. Ce fenêtrage diminue, au cours de la
qu’après consolidation se produise une poussée de croissance ou croissance, en même temps que la corticale s’épaissit. La métaphyse
allongement vicariant, qui peut atteindre 2 à 3 cm. On respecte donc subit surtout des contraintes en compression. Cette zone est élargie
un chevauchement des deux fragments de 1 cm environ [6]. Un petit dans les os longs, ce qui permet une meilleure répartition des forces.
défaut d’axe peut être toléré car il se corrige avec la croissance. En Elle contient un os spongieux trabéculaire, infiniment moins rigide
revanche, un cal vicieux en rotation ne se corrige pas. Les délais de que l’os cortical diaphysaire. La métaphyse joue en quelque sorte le
consolidation varient avec l’âge, s’étendant de 1 mois chez le rôle d’amortisseur entre la diaphyse d’une part et l’épiphyse et
nourrisson à 2 mois et demi chez le grand. Chez le petit enfant, on l’articulation d’autre part. La structure de la métaphyse explique la
peut utiliser une immobilisation par plâtre, hanche fléchie et genou grande fréquence des fractures à son niveau, ainsi que la possibilité
fléchi à 90°, ce que les Anglo-Saxons appellent le ninety-ninety cast, de fracture-tassement d’un type particulier : la fracture en « motte
qui a l’avantage de pouvoir faire rentrer l’enfant à son domicile très de beurre ».
rapidement. Depuis une vingtaine d’années, on recourt avec une La consolidation de l’os spongieux est particulière. Après la phase
grande fréquence à une ostéosynthèse centromédullaire à foyer inflammatoire initiale, la consolidation intervient par un phénomène
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14-031-B-10 Généralités sur les fractures de l’enfant Appareil locomoteur
I 3 Classification de Delbet.
II Type I : fracture-décollement épiphysaire ;
type II : fracture transcervicale ; type III :
III fracture basicervicale ou cervicotro-
chantérienne ; type IV : fracture intertro-
chantérienne.
1 2 IV
du pouls radial avec ou sans ischémie de la main, les lésions C’est une fracture assez rare. Le fragment proximal bascule le plus
nerveuses, surtout du médian, et en particulier du nerf interosseux souvent en dehors et en arrière. Il faut trouver le plan de
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Fractures épiphysaires
GÉNÉRALITÉS
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14-031-B-10 Généralités sur les fractures de l’enfant Appareil locomoteur
PARTICULARITÉS
dans le cartilage le plus souvent en dehors et vers la métaphyse en
¶ Fractures-décollements épiphysaires de l’extrémité arrière. La plus fréquente est la fracture triplane latérale à deux
fragments (fig 5). La radiographie de face montre un décollement
inférieure du radius épiphysaire type Salter III et la radiographie de profil montre un
Très fréquentes, ce sont le plus souvent des fractures de type Salter décollement épiphysaire de type Salter II. L’analyse du trait
II. Leur traitement est orthopédique et leur pronostic est bon. nécessite souvent la réalisation de tomographies et/ou d’un scanner.
Les troubles de croissance sont peu à craindre du fait de la proximité
¶ Fractures-décollements épiphysaires de l’extrémité de la fermeture du cartilage. En revanche, la réduction de cette
supérieure de l’humérus [8] fracture articulaire doit être anatomique. Schématiquement, les
fractures triplanes latérales à deux fragments peuvent être réduites
Le trait le plus fréquent est de type Salter II. Il traverse la physe en
orthopédiquement. Les fractures triplanes latérales à trois fragments
dehors puis suit l’insertion de la capsule sur la métaphyse en
et les triplanes médianes sont souvent traitées chirurgicalement.
dedans. Lorsque le déplacement se fait en adduction, le tendon du
long biceps peut s’interposer, entraînant une irréductibilité. Le
¶ Fracture de Tillaux
traitement est en général orthopédique. En cas d’instabilité ou si la
position de stabilité est l’abduction importante, on peut proposer un C’est une fracture type Salter III qui isole un fragment antéroexterne
embrochage à foyer fermé. de l’épiphyse tibiale inférieure où s’insère le ligament péronéotibial
antérieur. La fracture de MacFarland [17] est une fracture emportant
¶ Fractures du rachis [41]
la malléole interne de type Salter IV. Le trait traverse l’épiphyse près
La particularité du rachis en croissance est l’existence, de part et de la malléole interne, puis le cartilage conjugal, sépare enfin un
d’autre du corps vertébral, d’un cartilage de croissance au sein fragment métaphysaire souvent petit, interne ou postéro-interne.
duquel va apparaître un noyau d’ossification périphérique : le listel Des clichés de trois quarts sont souvent nécessaires pour le
marginal. Les lésions traumatiques atteignent fréquemment cette visualiser. Le traitement est chirurgical. Le traitement de ces deux
zone de faiblesse, véritable décollement du listel marginal, avec types de fracture est chirurgical dès que le déplacement du fragment
risque de troubles de croissance définitifs. Par ailleurs, l’asymétrie épiphysaire est de plus de 2 mm [25].
due à la déformation de la vertèbre fracturée peut entraîner une
asymétrie de croissance. Ceci est source de déviation évolutive, soit ¶ Fracture du condyle externe du coude [39, 44]
8
Appareil locomoteur Généralités sur les fractures de l’enfant 14-031-B-10
6 Fracture du condyle
externe du coude. La flèche
montre le fragment cortical
métaphysaire déplacé.
¶ Fractures apophysaires
La fracture de l’épitrochlée [39] survient entre 10 et 15 ans et fait suite
à un mécanisme de valgus forcé. En fait, il s’agit souvent d’une
luxation du coude parfois réduite spontanément. Sa gravité vient
du fait que le fragment arraché porte les éléments ligamentaires
internes du coude. Après la réduction de l’éventuelle luxation, soit
l’épitrochlée reste déplacée ou est incarcérée dans l’articulation et il
faut opérer, soit l’épitrochlée revient en place et il est alors impératif
de faire un testing de la stabilité du coude. Si une laxité existe, il
faut fixer chirurgicalement le fragment. Tous ces gestes sont donc *
A
réalisés sous anesthésie générale.
¶ Fractures de fatigue
Elles existent chez l’enfant aussi bien que chez l’adulte. Leur
diagnostic peut en être difficile car elles revêtent le plus souvent, en
l’absence d’antécédent traumatique, l’aspect d’une ostéomyélite ou
d’une tumeur. Le recours à des examens complémentaires,
biologiques, tomodensitométriques, scintigraphiques, imagerie par
résonance magnétique (IRM) y est obligatoire. Ce n’est souvent que *
B
la surveillance et l’évolution favorable des symptômes et des images 7 A. Fracture de la métaphyse fémorale inférieure chez un enfant battu de 6 mois.
qui permettent de rassurer. Rappelons que la biopsie, si elle est faite, B. Un mois plus tard, volumineux fuseaux périostés.
serait très difficile à interpréter et qu’il ne faut la faire qu’en cas de
doute important sur une lésion tumorale et en accord avec décrivit plus tard les critères radiologiques évocateurs de ce
l’anatomopathologiste [47]. syndrome. La plupart de ces enfants sont âgés de moins de 3 ans et
sont donc incapables de communiquer verbalement avec
¶ Fractures de l’enfant battu (fig 7)
l’examinateur. Les parents relatent fréquemment une histoire sans
Caffey [4] fut le premier à attirer l’attention sur l’entité d’enfants rapport avec les signes cliniques constatés. Il est fréquent que
battus en 1946, à propos de six patients porteurs d’hématome sous- l’enfant soit amené aux urgences plusieurs jours après le
dural chronique et de plusieurs fractures des os longs. Silverman [43] traumatisme, et pour un prétexte sans rapport avec celui-ci. Ces
9
14-031-B-10 Généralités sur les fractures de l’enfant Appareil locomoteur
8 A. Fracture néonatale de
l’humérus.
B. Quinze jours plus tard,
la fracture est consolidée.
C. Dix mois plus tard, di-
minution déjà importante
de la désaxation.
*
C
*
A *
B
enfants pleurent généralement très peu. En revanche, ils suivent des diagnostic difficile en raison de la non-ossification de ces épiphyses
yeux avec inquiétude tous les gestes des adultes autour d’eux, sans à la naissance. Ils posent le problème d’une articulation augmentée
bouger, comme s’ils ne voulaient pas attirer l’attention. L’examen de volume et douloureuse, et donc celui d’une arthrite septique.
clinique recherche la présence de lésions cutanées multiples,
contusions, hématomes, brûlures, d’ancienneté différente. Des ¶ Insensibilité à la douleur [26, 33]
10
Appareil locomoteur Généralités sur les fractures de l’enfant 14-031-B-10
Aucun facteur métabolique n’a été retrouvé pour expliquer cette La dysplasie fibreuse est généralement découverte vers 8-10 ans, à
ostéoporose juvénile. Le pronostic est bon, l’ostéoporose l’occasion de douleurs, d’une déformation ou d’une fracture. Il est
disparaissant à l’âge adulte. rare qu’elle soit découverte dans le cadre d’un syndrome d’Albright
qui associe une puberté précoce à des taches café au lait. Les
¶ Fragilités osseuses constitutionnelles localisées problèmes orthopédiques posés par cette maladie sont résumés par
Il peut s’agir d’anomalies localisées du squelette entrant dans le les fragilités osseuses, les déformations squelettiques et le retard de
cadre des courbures et pseudarthroses congénitales. Ces lésions taille. Le remplacement du tissu osseux normal par des éléments
dystrophiques osseuses peuvent s’intégrer dans un contexte de fibreux aux diaphyses ou aux métaphyses explique la fragilité
maladie généralisée (maladie de Recklinghausen), mais s’exprimer osseuse et les risques de fractures et de déformations. L’atteinte se
de manière localisée osseuse. L’exemple le plus habituel se situe au situe plus particulièrement dans la région cervicodiaphysaire du
tibia. Il peut s’agir également de localisations uniques de la fémur, sur tout ou partie du tibia, parfois de l’humérus. Dans les
dysplasie fibreuse réalisant des fragilités osseuses localisées, de zones atteintes, l’os apparaît soufflé par une ou plusieurs images
découverte plus ou moins précoce. claires arrondies, tandis que les corticales sont amincies. Fractures
11
14-031-B-10 Généralités sur les fractures de l’enfant Appareil locomoteur
*
B *
C
*
A
9 A. Fracture diaphysaire des deux os de l’avant-bras chez un enfant de 6 ans B. Fracture itérative 3 semaines plus tard.
immobilisé pendant 6 semaines seulement. C. Ostéosynthèse par plaques vissées.
itératives, douleurs, déformations osseuses, imposent de recourir à déambulation de celui-ci. En effet, au-delà de 2 à 3 mois
un traitement chirurgical dont le but est d’assurer une solidité au d’immobilisation, l’état fonctionnel antérieur peut être difficile à
squelette atteint. récupérer.
12
Appareil locomoteur Généralités sur les fractures de l’enfant 14-031-B-10
¶ Immobilisation
Le plâtre est réalisé sur trois jerseys ou du jersey cotonné,
l’important étant la perfection du moulage et l’absence de point de
compression. Le plâtre doit immobiliser les articulations sus- et sous-
jacentes à la fracture. Il n’existe pas de raideur articulaire après
plâtre chez l’enfant et la position d’immobilisation des articulations
peut donc s’écarter de la position dite « de fonction ». On peut, par
exemple, respecter un équin de cheville pour éviter le recurvatum
d’une fracture des deux os de jambe. Par ailleurs, la taille de l’enfant
peut imposer une technique particulière. En effet, la botte ou la
manchette plâtrée chez le tout-petit se retire comme un gant ou une
chaussette et on est obligé d’étendre l’immobilisation au-dessus du
coude ou du genou. De même, le jeune enfant ne comprend pas
bien la nécessité de respecter l’absence d’appui sur un membre
plus facilement et ceci est particulièrement vrai pour les inférieur. Le plâtre doit donc l’y contraindre. Ainsi, un cruropédieux
traumatismes du cartilage de croissance. L’œdème apparaît sans appui doit prendre le genou en flexion à 90°. Par ailleurs, un
rapidement et rend difficile, quelquefois impossible, le traitement pelvipédieux réalisé en urgence après réduction extemporanée d’une
orthopédique. Enfin, la douleur est souvent importante, mal calmée fracture de la diaphyse fémorale doit prendre la hanche et le genou
par l’immobilisation temporaire et il vaut mieux sortir rapidement en flexion à 90° pour bien maintenir la réduction. Citons également
l’enfant de sa situation de stress. On attend donc simplement que l’immobilisation des fractures du coude. Elle nécessite en principe
l’enfant soit à jeun et que le bilan préanesthésique soit réalisé. Pour un plâtre thoracobrachial. Celui-ci est actuellement, le plus souvent,
les fractures vues tardivement ou les déplacements secondaires, il remplacé par un plâtre brachiopalmaire auquel on ajoute une
faut, au contraire, tenir compte de la rapidité avec laquelle immobilisation de l’épaule coude au corps type Mayo Clinic. La
s’engluent les fractures de l’enfant. C’est dans ces cas qu’il faut bien surveillance d’une immobilisation plâtrée doit être stricte. Dans les
connaître les possibilités de remodelage. Un décollement épiphysaire premières heures, la crainte est la survenue d’un syndrome de
type Salter I ou II ne peut plus se réduire après 3 ou 5 jours sans Volkmann. Le membre doit être surélevé. On surveille la coloration,
pratiquer une réduction brutale qui entraînerait des lésions du la sensibilité, la mobilité des doigts. Il faut fendre le plâtre jusqu’au
cartilage de croissance avec, en définitive, des séquelles plus jersey compris au moindre doute, voire reprendre la réduction et/ou
importantes que le respect d’un cal vicieux modéré. Il vaut donc le plâtre. Plus à distance, la crainte est le déplacement secondaire.
mieux, dans ce cas, attendre l’heure de l’ostéotomie correctrice si Une radiographie de contrôle, en conservant l’immobilisation, est
toutefois elle est nécessaire. Un décollement épiphysaire type réalisée aux huitième, 15e et 21e jours.
Salter III ou IV vu après un délai de 3 à 5 jours est systématiquement
opéré. La reprise orthopédique des fractures diaphysaires et
métaphysaires n’est possible qu’avant le 21e jour, voire le 15e jour. TRAITEMENT CHIRURGICAL
¶ Technique
TRAITEMENT ORTHOPÉDIQUE
C’est la base du traitement des fractures de l’enfant. Embrochage centromédullaire élastique stable [36, 46]
13
14-031-B-10 Généralités sur les fractures de l’enfant Appareil locomoteur
¶ Indications
Indications de nécessité
La plupart des fractures articulaires nécessitent un traitement
chirurgical pour obtenir une réduction anatomique. Il est également
indiqué dans les fractures instables ou irréductibles et fréquemment
après déplacement secondaire d’une fracture traitée initialement
orthopédiquement. Les fractures itératives, notamment des deux os
11 Fracture diaphysaire du fémur enclouée selon le principe de Métaizeau. Noter les de l’avant-bras, sont de bonnes indications à l’embrochage
trois points d’appui des clous (flèches). centromédullaire de Métaizeau en sachant que le cal osseux comble
souvent la diaphyse et que le passage des broches est difficile. Chez
due à l’élasticité des broches. Lorsqu’une force imprime un les enfants polyfracturés ou polytraumatisés, l’ostéosynthèse des
déplacement au montage, celui-ci développe une force de rappel qui fractures est justifiée par la nécessité d’une surveillance étroite, et
le ramène à sa position d’équilibre initiale. Toutes les contraintes donc d’examens complémentaires et de déplacements multiples.
défavorables à la consolidation (cisaillement, rotation) sont Cette ostéosynthèse facilite, de plus, tous les soins de nursing.
transformées en contraintes favorables (compression, extension). Le L’embrochage de Métaizeau est une bonne solution de même que
montage est stable mais nécessite parfois une immobilisation l’ostéosynthèse par fixateur externe, d’autant plus justifiée qu’il
complémentaire. Cette technique s’adresse principalement aux existe des lésions cutanées. On choisit plutôt un fixateur monoplan
fractures de la diaphyse fémorale, du tiers moyen des deux os de type Orthofixt car il est solide, bien toléré et de pose facile.
l’avant-bras, du col du radius, de la diaphyse ou de la métaphyse
supérieure de l’humérus, et beaucoup plus rarement du tibia. Indications de « confort »
L’évolution des besoins des individus change quelque peu les
Embrochage à foyer fermé indications du traitement des fractures de l’enfant. En effet, le
Citons l’embrochage des fractures supracondyliennes du coude souhait de l’enfant et de son entourage est celui de l’immobilisation
selon la méthode de Judet et l’embrochage dit en « tour Eiffel » des et de l’absentéisme scolaire réduits au minimum. Ainsi, peut-on
fractures-décollements épiphysaires de l’extrémité inférieure du étendre les indications d’ostéosynthèse des fractures du fémur aux
fémur. fractures survenant chez des enfants en âge scolaire (cours
préparatoire). On a aussi observer la même évolution des indications
Ostéosynthèse à foyer ouvert pour les autres fractures, notamment les fractures diaphysaires des
deux os de l’avant-bras et les fractures de jambe mais cette attitude
Elle est surtout indiquée pour les fractures articulaires ou
reste critiquable parce que les risques d’une ostéosynthèse ne sont
périarticulaires. L’abord du foyer doit respecter la vascularisation
pas toujours balancés par le bénéfice obtenu.
des fragments et le cartilage de croissance, notamment au niveau de
la virole périchondrale. On évite donc de mettre en place un matériel
traversant le cartilage de croissance. La plaque conjugale peut TRAITEMENT DES ÉPIPHYSIODÈSES [11, 27]
14
Appareil locomoteur Généralités sur les fractures de l’enfant 14-031-B-10
la taille et la situation du pont d’épiphysiodèse qu’analysent bien le par un implant, soit graisseux, soit en ciment acrylique, soit en
scanner et l’IRM. Si l’épiphysiodèse est inaccessible au traitement silicone. Cette désépiphysiodèse est associée à une ostéotomie de
conservateur ou en cas d’échec de celui-ci, il faut compléter la réaxation plus proximale. Les chances de succès restent toutefois
stérilisation du cartilage et réaxer le membre par ostéotomie. Cette minces dans les séries bien documentées où l’on ne relève que moins
attitude est également communément acceptée si l’épiphysiodèse de 50 % de bons résultats. Aussi, le traitement des troubles de
survient en fin de croissance. L’inégalité de longueur est alors traitée croissance est-il avant tout préventif : chirurgie atraumatique,
par allongement et/ou épiphysiodèse controlatérale. Dans les autres réduction exacte des décollements-fractures épiphysaires, surtout de
cas, la désépiphysiodèse peut être proposée. Elle consiste en l’abord type Salter III et IV, mise en place correcte d’un matériel adapté à
du pont d’épiphysiodèse, sa résection puis le comblement du defect l’os de l’enfant.
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