République Algérienne Démocratique et Populaire
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique
Université Mohamed Khider- Biskra-
Département des Lettres et de Langues
Etrangères Faculté des Lettres et des Langues
Filière de Français
Intitulé du module
ANALYSE CONVERSATIONNELLE
Cours destiné aux étudiants de Master 2
(Option : Sciences du langage)
Elaboré par :
Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Année universitaire : 2020-2021
Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE AU MODULE………………….…………………… 05
CHAPITRE I : INTRODUCTION A L’ANALYSE CONVERSATIONNELLE
Introduction …………………………………………………………………………… 11
1. Naissance de la discipline …………………………………............................... 11
2. Objet d’étude de l’AC ……………………….…………………………….……. 13
3. Conversation et interaction sociale…………………………………………….... 16
3.1. La conversation………………………………………………………….. 16
3.2. Moyens mis en œuvre dans une conversation…………………………. 18
3.3. Conversation et contexte situationnel…………………………………... 19
3.4. Conversation et coordination………………………………………….... 21
4. Les interactions verbales……………………………………………………….…. 21
4.1. Caractéristiques de l'interaction verbale……………………………….... 23
4.2. Les fonctions de l'interaction verbale………………………………….... 24
4.3. Les composantes de l'interaction verbale……………………………..… 25
4.4. Le contexte ou la situation de communication…………………………. 25
4.4.1. Le statut et le rôle des interactants……………………………….... 26
4.4.2. Rapport de place…………………………………………………... 27
Conclusion…………………………………………………………………………….. 28
CHAPITRE II : COURANTS D’APPARTENANCE DE L’AC
Introduction……………………………………………………………………….…... 29
1. Courants d’appartenance sociologique ………………………………………..… 29
1.1. L’interactionnisme symbolique …………………………………………….. 30
1.1.1. Fondements du courant…………………………………………… 30
1.1.2. Structure des échanges conversationnels…………………………. 31
1.2. L’ethnographie de la communication……………………………………… 32
1.2.1. Fondements du courant…………………………………………… 32
1.2.2. Grille d’analyse de D. Hymes……………………………………... 33
1.3. L’ethnométhodologie……………………………………………………… 35
1.3.1. Fondements du courant…………………………………………… 35
1.3.2. L’organisation générale des conversations……………………….. 37
2. Courants d’appartenance psychologique………………………………….……. 38
3. Les courants d’appartenance linguistique………………………………….…… 39
3.1. L’énonciation………………………………………………………….….. 40
3.2. Le principe de coopération de Grice…………………………………….... 40
3.3. Les actes de langage……………………………………………………….. 41
Conclusion……………………………………………………………………………. 42
CHAPITRE III : PRATIQUE D’ANALYSE : CORPUS ET DEMARCHE
Introduction……………………………………………………………………….…. 43
1. Spécificités de la recherche ……………………………………………………… 43
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
1.1. Interaction authentique………………………………………………….. 43
1.2. Démarche empirique et inductive ………………………………………. 44
1.3. Priorité à l’oral et renouvellement des modèles descriptifs……………… 44
1.4. Travail sur l’interaction : dialogue, trilogue, polylogue…………………. 45
2. Les étapes de la démarche ………………………………………………………… 45
2.1. La transcription ………………………………………………………….. 46
2.2. Méthodologies d’analyse………………………………………………… 48
2.2.1. L’analyse transversale ………………………………………….. 48
2.2.2. L’analyse longitudinale ………………………………………... 48
Conclusion……………………………………………………………………………. 49
CHAPITRE IV : STRUCTURE LOCALE DE LA CONVERSATION
Introduction……………………………………………………………………………. 50
1. Les tours de paroles……………………………………………………………..…. 50
1.1.Principes d’alternance………………………………………………………..... 51
1.1.1. Principe d’un intervalle minimum entre les tours……………………... 51
1.1.2. Variation culturelle et notion d’intervalle minimum………………….. 52
1.2.Règles de l’alternance des tours de parole……………………………………... 52
1.3.Répartition des tours de parole………………………………………………… 52
1.3.1. Stratégies pour conserver son tour…………………………………….. 53
1.3.2. Variation culturelle dans les stratégies pour conserver son tour………. 54
1.4.La Co-construction de l’interaction……………………………………………. 55
1.5.Les chevauchements et les interruptions de parole……………………………. 55
1.5.1. Le chevauchement……………………………………………………… 56
1.5.1.1.Chevauchement par anticipation…………………………………… 56
1.5.1.2.Chevauchement par violation territoriale………………………….. 56
1.5.1.3.Chevauchement par « pause inter » ou « pause intra »……………. 57
1.5.2. L’interruption………………………………………………………….. 57
1.5.2.1. Les interruptions « violatives »…………………………………… 57
1.5.2.2.Les interruptions « coopératives » ou « affiliatives »……………… 58
1.6.La paire adjacente……………………………………………………………… 58
Conclusion………………………………………………………………………….…. 60
CHAPITRE V : STRUCTURE GLOBALE DE LA CONVERSATION
Introduction……………………………………………………………………………. 61
1. L’interaction…………………………………………………………………… 61
2. La séquence……………………………………………………………………. 63
3. L'échange………………………………………………………………………. 64
4. L'intervention………………………………………………………………….. 65
5. Les actes de langage…………………………………………………………… 66
6. Les éléments constitutifs de la situation………………………………………. 68
6.1. Les participants………………………………………………………… 69
6.1.1. Le rôle interactionnel………………………………………………. 69
6.1.2. Le rôle interlocutif…………………………………………………. 69
6.2. Le cadre………………………………………………………………… 70
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Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
6.2.1. Le cadre temporel………………………………………………. 70
6.2.2. Le cadre spatial…………………………………………………. 70
6.3. L’objectif………………………………………………………………... 71
6.3.1. Les interactions à but transactionnel………………………………. 71
6.3.2. Les interactions à but relationnel…………………………………… 71
Conclusion…………………………………………………………………………. 72
CHAPITRE VI : LES SEQUENCES D’OUVERTURE ET DE CLOTURE
Introduction……………………………………………………………………………. 73
1. La sequence d’ouverture……………………………………………………….. 73
1.1. Les pré-salutations…………………………………………………………. 74
1.2. Les salutations…………………………………………………….……….. 74
1.3. Les salutations complémentaires…………………………………….…….. 76
2. La séquence de clôture …………………………………………………….…… 78
2.1. Les pré-clôtures……………………………………………………………. 79
2.2. Les remerciements et les excuses………………………………………….. 81
2.3. Les souhaits et les salutations finales……………………………………… 81
Conclusion……………………………………………………………………………… 82
EXERCICES RECAPITULATIFS…………………………………………………. 83
BIBLIOGRAPHIE 104
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Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
Introduction générale au module
1. Informations sur le module selon le socle commun (2013)
Département : des Lettres et des Langues Etrangères.
Faculté : des Langues Etrangères.
Filière : de Français
Public cible : Master 02
Spécialité : Sciences de langage
Module : Analyse conversationnelle
Crédits : 06 Coefficient : 03 Durée : 01 semestre
Volume horaire hebdomadaire : 1h30
Unité Matière Volume horaire Mode d’évaluation
coefficient
d’enseignement
Crédit
code Intitulé Cours VHS Evaluation Examen
TD 15 semaines continue
UE Analyse 06 03 1h30 22h30 50% 50%
conversationnelle
Fondamentale UF 31
2- Fiche de contact de l’enseignante de la matière
Enseignante de la matière : Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Adresse électronique :
[email protected] Téléphone : 06 61 39 22 55
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Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
3- Présentation du document
Ce cours est une initiation censée proposer aux étudiants de Master
02, option sciences du langage, des connaissances relatives à
l’identification de la discipline « analyse conversationnelle », des
principaux concepts qui constituent, entre autres, des volets de réflexion et
de recherche en analyse des conversations. Loin d’être un cours
uniquement magistral, transmissif, sans prétendre avoir proposé tous les
points en corrélation avec la discipline en question, il est conçu sous deux
aspects ; cours et applications. Les cours théoriques sont renforcés par
une série d’applications proposées à la fin du document, elles se focalisent
sur l’analyse des extraits de conversation et sur des questions de réflexion.
A dessin de comprendre l’organisation conversationnelle ainsi que
les correspondances aspect théorique et pratique, le contenu du cours suit
une progression graduelle allant de différents courants contribuant à la
naissance de la discipline, au découpage séquentielle des conversations
jusqu’à l’analyse des conversations en passant par la démarche, la collecte
et l’enregistrement d’un corpus.
Ce manuel se compose de six chapitres en plus de la dernière section
réservée à des exercices récapitulatifs. Ainsi, le contenu du module se
déroule comme suit :
Le premier chapitre est réservé aux éléments théoriques qui sont en
étroite corrélation avec la discipline comme la conversation, l’interaction ainsi
que les caractéristiques de l'interaction verbale, ses fonctions et ses
composantes. Une attention particulière est mise sur la notion de contexte
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
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dans le domaine des relations sociales, et ce, en distinguant ses différents
éléments; le cadre, la situation et l'institution.
Le deuxième chapitre est conçu comme une mise en place où sont
présentées les origines disciplinaires du domaine, à savoir les courants
d’appartenance sociologique, psychologique et linguistique. Il est question de
signaler que les influences de ces courants interactionnels ont conduit à
enrichir le domaine par la prise en compte des situations de communication et
par l’importance nouvelle accordée aux données authentiques.
Le troisième chapitre traite les principes méthodologiques de
recherche. La démarche adoptée part des données et cherche à identifier des
comportements interactionnels récurrents. Dans ce domaine conversationnel,
la démarche, basée sur des observations, propose des catégorisations (comme
les types d’interaction) et des généralisations (toute interaction peut se
découper en séquences). Etant une démarche descriptive, elle est fondée sur :
l’observation, l’enregistrement et la transcription minutieuse d’interaction
authentique.
Le quatrième chapitre s’intéresse à la structure locale de la
conversation. Il est question de mettre l’accent sur l’organisation et les
différentes règles de gestion des tours de parole, et quelques-unes de ces
règles diffèrent d’une culture à l’autre. Malgré que les tours de parole se
succèdent et s’enchainent selon le principe de l’alternance, il y a des
variations selon le type d’interaction dont les chevauchements et les
interruptions sont les plus fréquents.
Le cinquième chapitre porte sur la structure globale des interactions.
L’interaction se déroule en trois étapes : l’ouverture, qui va du moment où
les participants entrent en contact jusqu’au moment où ils se mettent à
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développer un thème, le corps de l’interaction, puis la clôture qui
correspond au moment où l’on prend congé avant de se quitter effectivement.
C’est ce qu’on appelle: le découpage en unités hiérarchisées.
Le dernier chapitre, quant à lui, traite les deux séquences d’ouverture
et de clôture, ces deux formules sont incontournables dans toute interaction.
Les travaux dans ce domaine ont conduit à montrer les procédures
méthodiques de mise en route des interactions et à identifier le
fonctionnement de l’échange clé de l’ouverture, l’échange de salutations,
comme étant une forme fondamentale de l'organisation des activités : la paire
adjacente. Cependant, les souhaits, les remerciements, les excuses, constituent
tous des actes rituels de la clôture.
A la fin de ce document, sont proposés des exercices récapitulatifs
étant conçus comme un prolongement du contenu théorique, ils se composent
d’une série d’extraits de conversation collectés soit des ouvrages des deux
auteurs C. Kerbrat-Orecchioni et V.Tarverso soit des émissions
radiophoniques algériennes telles que Yadès. En effet, un intérêt est accordé
également aux questions de réflexions afin de développer chez les mastérants
un ensemble de savoirs et de savoir-faire.
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
3- Objectifs visés
Ce support écrit est élaboré en fonction des objectifs préalablement
déterminés. A la fin de ce cours, l’étudiant sera capable de :
Découvrir le champ d’étude de la discipline, tout en faisant la
différence entre l’analyse du discours et l’analyse
conversationnelle, à savoir que la première est monologale
tandis que la deuxième est dialogale ;
Parvenir à une maîtrise rapide, et aussi aisée que possible, des
concepts de base en rapport avec la discipline ainsi que les
différents courants d’appartenance ;
Distinguer entre la structure globale et la structure locale des
interactions ;
Faire le découpage séquentiel des conversations ;
Savoir mener une recherche en analyse conversationnelle et ce,
en établissant les liens entre le corpus, les questions de recherche
et les deux méthodologies essentielles d’analyse
(longitudinale et transversale).
4. Modalités d’évaluation
L'évaluation finale des étudiants est semestrielle et se fait à travers :
Évaluation continue présentant la moitié (50 %) de la note finale.
Elle est réalisée par différentes formes : interrogation écrite en classe
d’une durée d’une heure, l’étudiant est appelé à définir quelques
concepts théoriques, un travail à domicile dans lequel l’étudiant
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Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
traitera un concept, un courant, une approche de son choix en rapport
avec la discipline.
Epreuve sur table d’une durée de 90 minutes, effectuée en classe,
présentant la moitié (50 %) de la note finale. Il s’agit de répondre à
deux types de questions ; théorique sous forme de dissertation et
pratique sous forme d’un extrait de conversation suivi de questions
pratiques.
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
Chapitre 01 :
Introduction à l’analyse conversationnelle
Introduction
L’épanouissement de la sociolinguistique a tracé le chemin au langage
considéré comme une activité sociale d’interaction sociale. C’est de cette
conception que se réclame l’analyse conversationnelle qui a vu le jour aux
Etats-Unis. (Les travaux de Goffman depuis 1960).
L'hypothèse initiale de l'analyse de conversation est que la
conversation ordinaire est un phénomène profondément ordonné,
structurellement organisé. Cet ordonnancement est conçu comme le produit
de méthodes de raisonnements partagées par les participants à l'interaction.
Les analyses de conversation s'intéressent spécifiquement à l'organisation
séquentielle de la parole.
1. Naissance de la discipline :
Afin de cerner l’émergence de cette l’approche dans le développement
linguistique, nous passerons par un bref rappel historique et ce, en nous
inspirant des travaux des chercheurs comme : L.J. Calvet, C. Baylon, et C.
Kerbrat-Orecchioni.
Il est crucial de signaler le rôle des travaux saussuriens dans l’évolution
linguistique. Malgré son affirmation que « la langue est une institution
sociale » (Saussure, 1916, p. 33), Saussure détermine l’objet de la linguistique
à l’étude du système abstrait de la langue, « pour unique et véritable objet la
langue envisagée en elle même et pour elle-même.» (Saussure, 1916, p. 376).
Il refuse toute dimension sociale du langage.
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
J-L. Calvet affirme à ce sujet : « du fait que la langue est un fait social,
il résulte que la linguistique est une science sociale, et le seul élément
variable auquel on puisse recourir pour rendre compte du changement
linguistique est le changement social » (Calvet L-J, 1998, p. 08). Il considère
la langue comme un fait absolument social, et il accentue sur la nécessité de
prendre en compte le caractère social de la langue dans les études
linguistique.
D’une linguistique structurale, il découle une linguistique plus concrète
qui prend en considération la dimension sociale dans le fonctionnement et la
structure du langage. Il s’agit de la sociolinguistique, elle est généralement
considérée comme un nouveau champ d’investigation qui étudie l’usage
langagier de groupes humains particuliers.
En s’appuyant sur ce principe, William Labov (fondateur de la
sociolinguistique variationniste) ouvre les sciences de la langue à la pratique
de terrain par l’observation du langage en fonctionnement dans des situations
réelles et authentiques (c'est-à-dire étudie la langue dans son contexte
socioculturel).
Dés lors la linguistique est ouverte à plusieurs d’autres disciplines,
Baylon réclame :
Une partie de la sociolinguistique veut appréhender le langage tel qu’il est dans
les communications sociales qui tissent la vie de tous les jours. Pour elle, les
échanges langagiers les plus ordinaires de la vie quotidienne sont des activités
socialement structurées que la sociolinguistique peut constituer en objet
d’étude. (Baylon, 1996, p. 20)
Ces auteurs ont signalé l’étude des échanges dans leur contexte naturel.
En 1990 Catherine Kerbrat-Orecchioni met l’accent sur une nouvelle
approche « interactionnelle », qui s’intéresse aux interactions verbales dans
leur milieu naturel :
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
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L’orientation vers l’analyse d’interaction fonctionne par l’élargissement
successif des champs d’intérêt. Dans cette perceptive, on voit une continuité
sans rupture entre les différents approche concernées par les unités supérieures
à la phrase (grammaire de texte, analyse de discours). Nombre d’outils
théoriques leur sont d’ailleurs communs, fondés sur le développement, au sein
de la linguistique, de la pragmatique, l’énonciation, les actes du langage et le
principe de coopération de Gris (Kerbrat-Orecchioni C. , 1990, p. 120)
Pour le même auteur, l’analyse conversationnelle consiste à dégager
les règles et les principes qui sous tendent le fonctionnement des
conversations et plus particulièrement, les différents types d’échanges
communicatifs qui s’observent dans la vie quotidienne. Cette discipline étudie
principalement le fonctionnement des tours de paroles, les séquences d’action,
l’organisation thématique, à partir de la transcription des conversations
attestées.
2. Objet d’étude de l’AC :
Considérant la parole (talk) comme une activité centrale de la vie sociale,
l’AC se concentre sur la façon dont elle est organisée dans les échanges
quotidiens. La question centrale est celle de l’ordre co-élaboré par les
participants à une rencontre pour l’accomplissement des actions. Elle conduit
d’une part à décrire des arrangements locaux, qu’il s’agisse des procédures
d’organisation, telles celles à l’œuvre dans l’alternance des tours de parole, ou
des procédures de séquentialisation, telles qui régissent le fonctionnement de
la paire adjacente ( deux tours de parole qui sont fortement inter-reliés et que
l’on retrouve dans de nombreuses situations conversationnelles, exemple :
salutation-salutation (A: « Bonjour! » B: « Bonjour »), compliment-
acceptation (A: « Tu as une belle robe », B: « Merci »), offre-rejet (A: « Est-
ce que tu veux du café? », B: « Non, merci »), mettant ainsi en évidence le
caractère ordonné des conversations et autres types d’interactions. D’autre
part, à travers la description de ces procédures, elle montre comment les
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
participants à une interaction sont mutuellement orientés et se rendent
mutuellement intelligible ce qu’ils sont en train de faire.
La méthodologie est élaborée par Harvey Sacks et ses collègues (1974
Emmanuel Schjegloff et Gail Jefferson) : elle consiste en l’étude de données
conversationnelles authentiques, dont les conditions de production sont
préservées (au moyen d’enregistrements et de transcriptions détaillées). La
démarche analytique consiste à décrire les faits sociaux au sein des
interactions verbales, en montrant comment les productions langagières des
participants résultent de conduites coordonnées interactivement moment après
moment. Donc, l’objet de l'analyse de conversation est de rendre compte des
procédés par lesquels les personnes gèrent de manière routinière les échanges
verbaux
Les conversationnalistes se sont intéressés à tout ce qui façonne la
conversation. La conversation est comprise comme : « La parole qui se
manifeste quand un petit nombre de participants se rassemblent et s’installent
dans ce qu’ils perçoivent comme une courte période coupée des taches
matérielles ; un moment de loisir ressenti comme une fin en soi […] »
(Goffman.E., 1987, p. 20) En tant que type d’interaction, la conversation est
souvent considérée comme prototype de l’interaction. Nous pouvons dire que
les éléments externes cadrant l’interaction sont peu contraints dans la
conversation, qu’il s’agisse du lieu, du temps ou du nombre de participants.
Voici une autre définition de la notion de conversation proposée par Tarde et
citée V. Traverso dans son ouvrage :
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
Par conversation, j’entends tout dialogue sans utilité directe et immédiate, où
l’on parle surtout pour parler, par plaisir, par jeu, par politesse. […] Elle
marque l’apogée de l’attention spontanée que les hommes se prêtent
réciproquement et par laquelle ils s’entrepénètrent avec infiniment plus de
profondeur qu’en aucun autre rapport social (Traverso.V., 1996, p. 06).
Tous les participants ont un droit égal à la position du locuteur. La
conversation se caractérise par son caractère immédiat comme : la distribution
des tours de paroles, le choix et la circulation des thèmes, la durée et le ton
des échanges.
L’objectif de l’analyse conversationnelle est de dégager la machinerie
de la conversation, donc elle s’intéresse à la conversation comme objet
d’étude, en gardant les aspects de son organisation, elle inaugure le fait de
traiter des données de l’oral en travaillant sur des formes spécifiques situées
dans leur contexte. Elle est décrite comme un échange de trois interventions
successives : la première intervention est initiative ; la deuxième est réactive
et puis la troisième est évaluative. Il en est de même pour les conversations
les plus complexes, car s’il y a accord entre les participants, l’échange est
achevé et un autre peut prendre place.
En général, l’analyse conversationnelle est concentrée
fondamentalement sur la conversation, le tour de parole, la paire adjacente,
l’organisation générale du déroulement de l’interaction et les éléments qui la
construisent. Elle « ne s’intéresse pas en principe à telle ou telle conversation
particulière, mais à la machinerie général qui la sous-tend » (Kerbrat-
Orecchioni C. , 1990, p. 63)
L’approche conversationnelle a permis de mieux comprendre la
structure d’organisation générale qui conduit la succession des tours de
parole à partir d’un certain nombre de séquences (séquence d’ouverture, corps
de l’interaction, séquence de clôture).
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
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En France, l’analyse conversationnelle apparait plutôt comme un
prolongement de l’analyse du discours, dont on peut résumer l’itinéraire de la
manière suivante :
D’un intérêt quasi exclusif pour les productions écrites, à une prise en
compte des réalisations orales de la langue.
D’une perspective fondamentalement monologale, à une approche
dialogale des faits discursives
D’une perspective structurale, à une approche de type communicatif.
3. Conversation et interaction sociale
Forme de base de la communication, la conversation est un centre
d’intérêt important pour la linguistique. Elle se définit comme étant un
discours oral : le locuteur est en présence de l’auditeur et la communication se
déroule dans le temps. Le discours est donc spontané, irréversible. Le mot de
conversation est un terme polysémique. Sous ce mot, tantôt, on analyse
l’activité verbale en fonction des divers cadres sociaux, l’organisation des
tours de parole ainsi que la régulation des échanges parlés. Tantôt, on
s’attache à décrire la structure dynamique de l’entretien en contexte
situationnel précis : entre le maître et les élèves dans une librairie ou dans une
agence de voyage.
3.1. La conversation
Gérard Vigner et ses collaborateurs déterminent la conversation selon le
cadre Européen Commun de Référence pour les Langue (CECRL) parmi les
compétences langagières inventoriées, ils ont distingué la catégorie « prendre
part à une conversation », de « s’exprimer oralement en contenu », c’est la
puissance de prendre la parole dans un échange loin de toute préméditation,
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
de préparation délibérée, mental ou écrite, «La conversation en tant
qu’échange de parole spontanée constitue par ailleurs l’objet d’analyse
systématique dans le domaine interactionnel » (Vigner, 2015, p. 19)
L’idée préalable de la conversation c’est la capacité des individus
d’interagir entre eux.
La conversation est la base de la vie sociale, sociologues et linguistes ont
donc convenu que la conversation reposait sur des finalités internes décisives
pour la protection du tissu social. Kerbrat-Orecchioni, quant à elle, définit
cette dernière comme :
on définirait alors la conversation comme la parole qui se manifeste quand un
petit nombre de participants se rassemblent et s’installent dans ce qu’ils
perçoivent comme étant une courte période coupée des tâches matérielles ; un
moment de loisir ressenti comme une fin en soi, durant lequel chacun se voit
accorder le droit de parler aussi bien que d’écouter, sans programme déterminé
(Kerbrat-Orecchioni C. , 1990, p. 114)
La fonction de la conversation consiste à affirmer et confirmer
l’existence de liens sociaux privilégiés entre les individus. Selon Charaudeau
et Maingueneau le terme conversation est défini selon deux sens ; dans un
sens limité pour désigner un type particulier d’interactions verbales, ou dans
un sens générique qui répertorier tout les types d’échange verbal, quelles
qu’en soient la nature et la forme.
Selon Vion interaction et conversation correspondent fréquemment
dans la mesure où toute activité communicative mettant des sujets parlants en
interaction est engendrée comme de la conversation. En effet D’ailleurs, selon
le même auteur cette définition s’accompagne d’une méconnaissance de la
variabilité et de la diversité des formes de la vie sociale (Vion R, 1992, p. 52).
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
Nous pouvons considérer l’interaction comme un événement de la
conversation et cette dernière est considérée généralement comme une sorte
de prototype de l’interaction : « Quel que soit le modèle de situation auquel
on se réfère, on peut dire que les éléments externes cadrant l’interaction sont
peu contraints dans la conversation, qu’il s’agit du lieu, du temps ou du
nombre de participants » (Charaudeau & Maingueneau, 2002, p. 142)
Selon Kerberat-Orecchioni (1991), La conversation représente la forme
la plus essentielle que peut prendre l’interaction verbale. Par ailleurs, V.
Traverso ajoute que toute interaction « est organisée » (Traverso, L’analyse
des conversations, 1999, p. 30). Cet agencement peut être régi par des règles
d’alternance proposées par Sacks, Schegloff et Jefferson (1967) qui sollicitent
deux types d’organisation : Des règles d’organisation locale et des règles
d’organisation globale. D’un côté, l’organisation globale qui se manifeste
selon trois principes correspondant à la coopération entre les interactants afin
d’assurer l’alternance des tours de parole et de minimiser les chevauchements
et les silences au cours de l’interaction verbale. D’un autre côté l’organisation
locale de l’interaction qui est organisée sous formes de trois séquences, dont :
la séquence d’ouverture, le corps de l’interaction et la séquence de clôture.
3.2. Moyens mis en œuvre dans une conversation
Dans une conversation, on considère comme une donnée évidente que
la langue est le seul système de communication entre les hommes. En réalité,
des éléments verbaux et non verbaux peuvent être substitués les uns aux
autres et remplir la même fonction. A titre d’exemple, trois versions sont
possibles d’une scène antre Jean, qui est arrêté sur le trottoir, et son ami
Gabriel, qui est accoudé à une fenêtre du deuxième étage :
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
Niveau : Master 2 S.L. Université de Biskra
1ère version 2ème version 3ème version
Jean Salut ! Salut de la main Salut de la main
Gabriel Tu descends ? Viens ! Invite de la main
Jean Non ! Pas le temps ! Refus de la tête
Gabriel A demain ! Adieu de la main Adieu de la main
Tableau 01 : Moyens mis en œuvre dans une conversation
Donc, la langue est toujours accompagnée d’autres moyens ou systèmes
de communication, lesquels peuvent même remplacer la langue, se suffire à
eux -mêmes.
Dans une conversation, les participants varient les types et les moyens
d’information. Trois types sont échangés:
Information cognitive : contenu des signes linguistiques échangés
Information indicielle : qui porte sur le locuteur dans le but de définir et
de contrôler le rôle qu’il joue durant la conversation
Information injonctive : échangée par les participants pour faire
progresser la conversation, varier les locuteurs, aboutir à un résultat.
Pour celui qui analyse la conversation, la difficulté sera d’intégrer à la
contribution de la langue à la conversation la contribution des moyens non
linguistiques.
3.3. Conversation et contexte situationnel
La conversation ne semble pas être un discours qui peut être simplement
considéré comme une unité linguistique. La décrire en termes purement
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linguistiques se heurte à deux de ses caractéristiques : elle est de façon
inhérente contextuelle, elle est construite par et dans l’interaction sociale.
Exemple 01 :
Client : Vous avez du café ?
Vendeur :Un crème ?
Client : Oui, s’il vous plaît
Vendeur : ça fera 4F
Client : (il donne 4 F)
Analyse de l’exemple: Dans cet exemple, plusieurs significations et actions
sous-jacentes sont implicites :
Client : Vous avez du café ? a. Demande d’information
Vendeur : Oui b. Information
Client : J’en voudrais une tasse c. Demande d’action
Vendeur : Oui d. accord
Un crème ? e. Demande d’information en relation avec c
Client : Oui, s’il vous plaît f. Information
Vendeur : (donne le café crème) g. Action conforme à c
ça fera 4F h. Demande d’action
Client : (il donne 4 F) i. Action conforme à h
Notre savoir socioculturel fournit un contexte interprétatif qui nous
permet de découvrir les raisons de la bonne formation sous-jacente de la
conversation, et c’est là une des raisons de considérer que la conversation est
de façon inhérente contextuelle.
En situation, le discours peut être réduit au minimum : les témoins d’un
accident peuvent dire : « c’est affreux » ou bien faire « oh ». Les gestes et
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mimiques que le locuteur peut faire le dispensent donc de produire du
discours. On peut schématiser en disant que plus il y a de situation, moins il y
a de discours. La situation de communication propre à l’échange langagier
oral, intervient donc pour modifier les formes de la conversation.
3.4. Conversation et coordination
Parce que la conversation nécessite la participation de plus d’un
individu, il faut, pour comprendre son fonctionnement, examiner comment
sont coordonnés les efforts des interlocuteurs. Le type de coordination le plus
fondamental se trouve entre ce que veut dire le locuteur et ce que
comprennent les auditeurs de son message, et tous les autres types de
coordination, tels que le tour de parole, le choix des thèmes de la
conversation, le déroulement de l’histoire, du discours, sont concrètement au
service de la coordination la plus fondamentale entre la signification et la
compréhension. Selon certains chercheurs, la coordination est aussi requise
aux niveaux syntaxique et sémantique de l’emploi de la langue. Les études sur
la structure informative des phrases, par exemple, montrent que les locuteurs
commencent par les informations qu’ils considèrent comme les plus
importantes pour les auditeurs, et passent ensuite à des informations qu’ils
croient moins importantes.
4. Les interactions verbales
Plusieurs disciplines de recherche ont abordé la notion d'interaction
(l'ethnographie, la linguistique, la sociologie, la didactique etc.…). Cette
notion était abordée par rapport à la communication humaine et par rapport
aux relations des individus qui entrent en communication. Elle a fait son
apparition pour la première fois dans la sociologie américaine et c'est dans ce
pays qu'elle reçoit son statut théorique et sa description. D'une manière
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générale, cette notion intègre les actions conjointes de deux ou plusieurs
individus d'une manière coopérative ou conflictuelle, elle recouvre aussi les
échanges conversationnels.
Historiquement, la notion a vu le jour pour la première fois par les
ethnométhodologues comme Gumperz et Hymes. En effet, ces chercheurs ne
s'intéressent pas uniquement aux comportements sociaux (les comportements
observables dans les échanges au quotidien des communautés linguistiques)
mais aussi les comportements culturels de ces communautés (c'est a dire les
normes qui régissent les comportements sociaux) comme ils se manifestent
dans plusieurs communautés.
Gumperz (1982) avec sa célèbre citation « speaking is interacting »
confirme que le fondement de la parole est l'interaction. La parole implique
les participants à s'influencer mutuellement. « Parler c'est changer en
échangeant » (Gumperz cité par Kerbrrat-Orecchioni). La communication se
déroule sous forme d'échange et d'influence réciproque entre les sujets
parlants.
Kerbrat-Orecchioni définit l'interaction comme un processus
déclenché par des individus qui entreprennent des actions pour communiquer
entre eux. Ces actions sont régies par les règles sociales des individus en
interaction. Quant à Goffman, le fondateur de l’interactionnisme, il établit une
distinction entre une conception étroite de l'interaction et une conception
générale: la conception étroite concerne les interactions en face à face des
individus par contre, la conception générale c'est l'interaction sociale. En
situation de communication de face à face des partenaires, l'interaction est
définie comme l'influence réciproque des partenaires en exerçant des actions
respectives les uns sur les autres. Cette définition a fait l'objet de plusieurs
critiques. Pour Kerbrat Orecchioni, la définition est restrictive car des
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partenaires peuvent interagir à distance tout en s'engageant dans une
communication radiophonique, téléphonique ou télévisée.
Sur ce point Bakhtine affirme que l'essence même du langage est
l'interaction verbale et il précise que la véritable substance de la langue n'est
pas constituée par un système abstrait mais par une interaction verbale qui est
un phénomène social qui constitue la réalité fondamentale de la langue.
Dans ce qui suit, nous allons définir, sous forme de tableau, les notions
qui ont une relation étroite avec le terme interaction:
La conversation L’action de et l’effet de parler entre une ou plusieurs
personnes.
La discussion Une forme de conversation où les participants essayent de
se convaincre.
Le débat Contradiction des idées et d’opinions.
L’entretien Une interaction complémentaire finalisée sur un thème
précis. Exemple : journaliste et la personne interviewée.
L’interview Communication avec quelqu’un pour l’interroger afin
d’en diffuser le contenu aux autres.
Tableau 02 : Types d’interactions verbales
4.1. Caractéristiques de l'interaction verbale
La coprésence des partenaires : cette coprésence leur permet de
se comprendre mutuellement en s'appuyant sur des éléments
verbaux et non verbaux (mimiques, gestes, regard, etc.…). Elle
leur permet aussi de s'influencer mutuellement à travers leurs
comportements.
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La cogestion du processus communicatif des partenaires en
interaction: les partenaires de la communication sont responsables
du bon déroulement c'est à dire le succès ou l'échec de la
communication. Etant donné qu'ils visent à communiquer l'un avec
l'autre, tous les deux participent à la gestion de l'interaction du
début à la fin en assurant l'intercompréhension. C'est une
collaboration mutuelle et conjointe des deux partenaires de
l'interaction pour mener à bien leurs objectifs de communication.
Le respect de certaines règles pour l’accomplissement de
l’interaction: comme le principe de coopération, appelé aussi le
principe d'interaction. Ce principe est représenté par une
convention générale de conduite que les participants doivent faire
d'une manière raisonnable et rationnelle pour agir. Nous
échangeons des mots dans le but de réussir une communication et
cet échange est le résultat d'un effort de coopération. Cet effort est
très visible lorsque les partenaires ne parlent pas la même langue et
le processus de coopération et de négociation se fait sur le fond
ainsi que la forme du discours.
4.2. Les fonctions de l'interaction verbale
Selon les travaux de VION, l’interaction verbale a trois fonctions :
La construction de sens : concerne la production du sens par rapport
au registre des éléments signifiés et au contenu thématique de
l'interaction. Donc, à travers l'interaction verbale les partenaires
participent à la production d'un discours cohérent et significatif qui leur
permet de se comprendre.
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La construction de la relation sociale entre les partenaires: dans une
situation d'interaction verbale, on reconnaît la position sociale des
sujets parlants ainsi que le rôle de chacun. Donc, l'identité sociale de
chaque partenaire lui permet de se positionner vis à vis des autres (
exemple: apprenant/enseignant, le rôle de l'enseignante : intervieweur
et les apprenants :interviewés)
La gestion des formes discursives: Cette dernière permet de mettre en
évidence l'importance du langage verbal dans la communication
sociale, comment les participants co-construisent des formes
discursives en interaction verbale.
4.3. Les composantes de l'interaction verbale
L'interaction verbale se présente le plus souvent dans un contexte bien
défini. Elle se déroule entre des partenaires qui entretiennent des rapports
sociaux de natures très diversifiées. Ces rapports sont identifiables dans
l'interaction elle-même et ces mêmes rapports qu'entretiennent les individus
entre eux sont déterminés par le statut et la position de chacun dans
l'interaction. Ces rapports sont appelés" rapport de places". Ils se définissent
pendant le déroulement de l'interaction.
4.4. Le contexte ou la situation de communication
Le terme “ contexte” est très souvent utilisé par rapport au terme
"situation". Dans le domaine des relations sociales, il est à distinguer trois
composantes qui constituent la notion de contexte:
Le cadre qui est à son tour formé des éléments physiques et temporels.
Ces éléments servent de décor pour l'interaction.
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La situation, cette dernière définit et organise l'interaction, par
exemple, une réunion de travail ou une partie de carte.
L'institution c'est dans cette dernière que le cadre de l'interaction est
inscrit et aussi c'est dans cette institution que les relations des individus
sont établies. Exemple :l'institution scolaire, la famille, l'entreprise ou
l'institution religieuse.
Pour Kerbrat-Orecchioni, la notion de contexte dans le domaine de
l'interaction verbale est appelée aussi situation de communication et elle
comprend trois éléments qui sont le site, le but et les participants.
Le site ou "setting" est envisagé dans sa forme spatiale c'est-à-dire
l’aspect purement physique ainsi que sous l'angle de sa fonction sociale
et institutionnelle d'une part et d'autre part il est envisagé dans le cadre
temporel du déroulement de l'interaction verbale.
Le but de l'interaction, ce dernier se situe entre le site et les
participants.
Les participants sont les interactants eux-mêmes qui choisissent de
participer ou de ne pas participer à l'interaction et chacun des
participants possède des caractéristiques sociaux qui lui sont propres.
4.4.1. Le statut et le rôle des interactants
Les caractéristiques individuelles et le statut social des individus jouent
un rôle décisif dans le déroulement de l'interaction. Le statut est un élément
important dans l'interaction verbale. Il est, par définition, le rôle ou la position
sociale de l'individu (exemple le statut de la femme ). Le statut peut englober
l'âge de l'individu, son sexe, son métier, sa position familiale, religieuse,
sociale politique etc…. Tous les attributs sociaux peuvent constituer le statut
de l'individu. Donc, c'est une pluralité de positions que l'individu peut
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posséder dans une société. Vion parle de position "statuaire" et "interactive"
de l'individu :
Position statuaire: concerne les caractéristiques externes par exemple,
le fait d'être homme, père, fils, frère, enseignant, élève, médecin, avocat
etc……
Position interactive: c'est le fruit de positionnement interne dans une
interaction. Par exemple dans une interaction verbale un des partenaires
peut tenir le rôle d'un demandeur ou d'un séducteur etc…..
L'étude des interactions verbales prend en considération aussi le rôle des
participants car il est fondamental pour l'analyse des interactions verbales. Le
rôle, par définition, est l'ensemble de valeurs et de comportements que la
société assigne à un individu, le rôle est l'aspect dynamique du statut et il est
ce que l'individu doit faire pour marquer son statut. Dans l'interaction verbale
chacun des participants assume un rôle. Ce dernier s'accorde bien avec son
statut, celui-ci lui permet de se positionner dans sa société.
4.4.2. Rapport de place
La place est la position de chacun des partenaires en interaction. Chacun
selon sa position essaye d'influencer son partenaire. Le rapport de place est
caractérisé par une double détermination. Ce rapport de place peut être
déterminé de l'extérieur par les statuts et les rôles des interactants par
exemple, maître /élève ou par l'identité sociale de chacun des interactants
parent, enfant, adulte, homme/ femme ou garçon/fille. Ce rapport de place
peut être déterminé aussi de l'intérieur même de la relation des partenaires en
interaction c'est-à-dire par la place subjective que chacun des partenaires
essaye d'occuper par rapport à ses camarades par exemple dominant/ dominé,
demandeur/conseiller
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Le rapport de place permet de comprendre la relation des partenaires en
interaction et de comprendre aussi la position de chacun des partenaires
pendant le déroulement de l'interaction. Il y a des rapports de place
symétriques quand il s'agit de partenaires qui s'échangent d'une manière
égalitaire ou il y a peu de différences ente eux. Il y a aussi le rapport de place
complémentaire ou asymétrique quand les sujets en interaction s'échangent
d'une manière inégale et il y a beaucoup de différences entre eux. Cette
différence se voit par l'âge ou le statut et le rôle de chacun des partenaires et
elle se manifeste par la position inégale des partenaires, l'un en position
"haute" et l'autre en position" basse".
Conclusion
La dépendance de la conversation envers la coordination a été
expliquée non seulement en termes linguistiques, mais en termes d’interaction
sociale liée à la nature de la conversation. Dans cette optique, l’identité est
construite par et à travers l’interaction sociale, nous apprenons à nous voir à
travers les yeux des actions d’autrui, qui, à leur tour, sont des réponses à nos
actions. La construction de l’identité fournit une motivation puissante au
travail de coordination dans la conversation. « L’individu doit compter sur les
autres pour compléter un portrait de lui-même qu’il n’a le droit de peindre
qu’en partie. Chacun est responsable de l’image qu’il donne de sa bonne
tenue et de celle que sa différence impose aux autres » (Goffman.E., 1987, p.
75).
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Chapitre 02
Courants d’appartenance de l’analyse conversationnelle
Introduction
Dès les années soixante, la discipline linguistique voit naître un
intérêt pour la dimension sociale du langage qui se cristallise notamment dans
les travaux de William Labov (fondateur de la sociolinguistique
variationniste) (l’étude des variantes sociales à l’intérieur des systèmes)et de
Dell Hymes et John Gumperz (fondateurs de l’ethnographie de la
communication). Alors que la linguistique est largement dominée à cette
époque par les approches structuraliste et générativiste où l’objet scientifique
est circonscrit au seul système linguistique décontextualisé, Labov et Hymes
prétendent que dans la mesure où la langue sert de moyen de communication
aux acteurs sociaux dans leur vie de tous les jours, il devient pertinent de
l’étudier dans son usage en contexte plutôt que sous une forme abstraite pour
en comprendre les mécanismes. Cette prise de position a ainsi ouvert la voie à
une nouvelle orientation de la recherche en linguistique qui interroge les
aspects sociaux de l’usage du langage et de son acquisition.
1. Courants d’appartenance sociologique:
Les théories linguistique ne sont pas les seules à l’origine de l’analyse
conversationnelle, en faite elle est empruntée de la confluence de grands
courants ; Kerbrat-Orecchioni (1990) recense ces différents types:
l’ethnographie de la communication, la microsociologie de Goffman,
l'ethnométhodologie ou encore certains courants d'appartenance
psychologique (telle l'école de Palo Alto), l’inspiration sociologique est le
point commun de ces différents courants :
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Inspiration qui se trouve également dans les travaux sur le quotidien au sein
desquels il s’agit toujours d’observer le comportement interactionnel des
individus engagé dans une situation de communication ordinaire, banal et
quasi-journalier que les interactants sont supposé maitriser parfaitement
(Moeschler & Auglin, 2000, p. 23).
L’analyse conversationnelle constitue une mouvance dans laquelle
se rejoignent st s’influencent différentes approches, démarches et des
théories relevant de différentes disciplines. Dans ce cours, nous ferons
que proposer quelques points de repères parmi les courants les plus
importants ;
3.4. L’interactionnisme symbolique
L’interactionnisme symbolique est défini par Mead comme l’étude des
échanges individuels en tant que comportement symbolique qui résulte d’un
processus social d’interaction. Ce courant, né dans les années quatre-vingts,
est à l’origine de tout un ensemble de travaux qui traitent des mécanismes de
l’interaction au cours desquels se construise, se négocie et se modifie la
réalité sociale. Il en découle que des relations d’interaction de toutes sortes
s’établissent entre les hommes qui vivent leur quotidien parmi leurs
semblables.
3.4.1. Fondements du courant
Les concepts d’interaction et de quotidien conduisent la réflexion de
Goffman (1974) vers une analyse des conversations quotidiennes qui, selon
lui, obéissent au principe du respect de la face. Chaque locuteur tente à travers
des comportements langagiers de préserver sa face, son image sociale et aussi
de protéger celle de son partenaire. Les trois aspects essentiels de l’analyse
pragmatique des interactions se résument comme suit :
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Les rituels : Goffman développe l’idée d’une attention rituelle que se
portent mutuellement les individus en interaction, qui consiste pour
chacun à s’attacher à ce que personne ne perde la face.
Les cadres participatifs : Pour Goffman, la rencontre sociale doit être
pensée au sein de la situation globale où elle se déroule. C’est ainsi
qu’il introduit la notion de cadre participatif, désignant l’ensemble des
individus qui ont accès à un événement de parole donné, et dont la prise
en considération est essentielle pour comprendre le fonctionnement de
la communication.
La représentation dramaturgique : Cet auteur développe à propos de
la rencontre sociale la métaphore de la scène de théâtre, où chacun
présente son personnage en fonction de ce qu’il croit attendu de lui
dans la situation et s’efforce de faire bonne figure.
3.4.2. Structure des échanges conversationnels
Goffman identifie une structure des échanges conversationnels selon
deux modèles : les échanges confirmatifs et les échanges réparateurs.
Les échanges confirmatifs : revoient aux séquences d’ouverture et de
clôture de l’interaction qui présentent une structure simple de type
binaire comme les salutations.
Les échanges réparateurs permettent aux interlocuteurs de rétablir
l’équilibre interactionnel, de poursuivre leur chemin, sinon avec la
satisfaction de voir l’incident clos, du moins avec le droit d’agir comme
s’il était clos et l’équilibre rituel restauré. (rituel : ensemble des règles
et habitudes fixées par la tradition)
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L’analyse conversationnelle de Goffman a une vocation sociologique
dans la description des rituels conversationnels qui structurent les échanges
quotidiens.
3.5. L’ethnographie de la communication
L’ethnographie est un courant qui se caractérise par ses fondements
anthropologiques qui s’intéresse particulièrement aux relations entre le
langage et son contexte social, c’est une démarche de terrain fondée sur
l’observation des pratiques communicatives. Ce courant s’est développé dans
les années 60 par J. Gumperz et D. Hymes.
Les ethnométhodologies portent l’attention aux actions
communicationnelles spontanées et souvent inconscientes dans la vie sociale,
en étudiant les différentes composantes. Ce courant de pensée s’intéresse plus
principalement aux relations entre le langage et ses contextes sociaux
d’utilisation.
3.5.1. Fondements du courant:
Le point de départ était par D. Hymes une étude ethnographie de la
parole, où il a critiqué le modèle chomskyen de la compétence communicative
par « une connaissance conjuguée de normes de grammaire et normes
d’emploi » C’est une compétence qui permet de construire des phrases justes
grammaticalement et socialement (c'est-à-dire au niveau syntaxique et
sémantique). Pour lui, il est déraisonnable de séparer le langage de son mode
d’utilisation en situation. Dans son article « the ethnography of speaking »
paru en 1962, Hymes prétend que :
La parole est un processus de communication à étudier dans son contexte à la
manière des ethnographes(…). Une communauté linguistique se définit non par
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une compétence linguistique idéale mais par une compétence communicative
qui associe les ressources verbales et les règles d'interaction et de
communication (Kerbrat-Orecchioni C. , 1990, p. 59).
En plus de la notion de compétence linguistique (Chomsky), Hymes
(1984) ajoute la compétence communicative qui permet à un locuteur de
produire des énoncés adaptés aux contextes sociaux. L’ethnographie de la
communication envisage la nécessité d’utiliser deux types de compétences : la
compétence qui permet de produire des phrases grammaticalement correctes
et celle qui permet de produire des phrases socialement correctes.
Pour Kerbrat-Orecchioni ce courant a pour objectif de « de décrire
l’utilisation du langage dans la vie sociale ; et plus précisément, de dégager
l’ensemble des normes qui sous-tendent le fonctionnement des interactions
dans une société donnée » (Kerbrat-Orecchioni C. , 1990, p. 59). Elle étudie
alors le fonctionnement du langage en situation naturelle dans leur contexte
« La situation où est employé le langage, pour observer la façon dont
l’événement de communication est interprété par les acteurs et sur la base de
quelque indices » (Traverso.V., 1996, p. 58)
3.5.2. Grille d’analyse de D. Hymes
Toute approche du discours présuppose une certaine procédure qui
prend en compte aussi bien l’analyse du dire que du contexte du dire. Hymes
(1984) propose à cet effet une grille d’analyse des situations de
communication dont les catégories sont les suivantes :
Hymes a contribué à la compréhension de la communication avec
l'élaboration de son modèle SPEAKING et l'introduction de la notion de la
compétence de communication, cette notion a eu des répercussions
importantes sur la didactique des langues. Le modèle SPEAKING est une
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sorte de grille d'observation et de description d'une situation de
communication. Ce modèle classe les ressources verbales des différentes
communautés linguistiques. Il a le grand mérite aussi d'avoir étudié les
pratiques langagières des différents groupes socioculturels et d’observer
comment la parole fonctionne dans ces groupes. Il permet d'analyser une
situation de communication en suivant l'ordre des termes anglais suivants :
"Setting " qui veut dire la situation physique et psychologique; les
paramètres spatio-temporels dans lesquels se déroule la conversation ;
"Participants" Ce sont les partenaires de la communication; les
participants (toutes les personnes actives ou passives présentes lors de
l’interaction, définies dans leur rôle, leurs relations...
"Ends" Ce sont les finalités de la communication; le but même de
l’activité de parole
"Acts" le sujet de discussion, la forme du message
"Key"Ce sont les tons des participants dans la communication;
"Instruments" Ce sont les moyens de communication, les canaux
d’échange (le moyen mis en œuvre pour communiquer), qui peut être
oral ou écrit, direct ou indirect.
les canaux d'échange : langage écrit, oral ou gestuel.
"Norme" Ce sont les normes d'interaction et les mécanismes de
conversation, exemple : les tours de parole, l'interruption et aussi la
manière d'interprétation des messages vis-à-vis du milieu socioculturel
qui permettent de donner du sens aux comportements communicatifs.
"Genre" : le type de communication dans lequel sont livrés les
participants à l'acte de communication.
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3.6. L’ethnométhodologie
L’analyse conversationnelle tire son origine de l’ethnométhodologie de
Garfinkel qui consiste à décrire les méthodes utilisées par les individus dans
leurs activités quotidiennes. Ce courant, appelé aussi « conversationel
analysis » (CA), s’est développé en Californie dans les années soixante grâce
à son fondateur Sacks et ses collaborateurs Schegloff, Jefferson ainsi que
d’autres sociologues. Ce courant étudie les méthodes par lesquelles les
participants orientent et organisent l’action sociale à travers la parole. Il tente
de dégager les règles et les pratiques de la perspective interactionnelle, et les
étudie en moyen d’enregistrement d’interaction de la vie quotidienne.
3.6.1. Fondements du courant:
Apparu en 1960 en Californie fondé par Harold Garfinkel, ce courant
de la sociologie américaine s’intéresse à la dynamique de déroulement de
l’interaction entre les interlocuteurs sous les déterminismes sociaux, c'est-à-
dire les procédés qui servent à structurer les actions sociales. Il consiste à :
«décrire les méthodes utilisés par l’individu pour réaliser les actions sociales,
et donc pour donner du sens aux situations dans lesquelles ils sont engagés»
(Traverso, L’analyse des conversations, 1999, p. 09). Selon le dictionnaire
d’analyse de discours, le fondateur de ce courant H. Garifinkel substitue :
la vision de l’ordre social comme résultant d’une construction incessant et
interactive, lisible dans les procédures mises en œuvre par les partenaires
sociaux dans leurs activités quotidiennes. La tache du sociologue est d’exhiber
et analyser ces procédures ou « ethnométhode », c'est-à-dire les connaissances,
les savoir-faire, les règles de conduite, les interprétations, les routines et autres
« raisonnements pratiques » qui organisent les interactions et que les
« membres » des collectifs sociaux mobilisent dans « un bricolage permanent »
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pour « accomplir » et rendre signifiantes leurs actions, par là construire la
réalité sociale (Charaudeau & Maingueneau, 2002, p. 236)
Dans la même perspective, E. Guliche affirme que : « la constitution de
la réalité sociale s’accomplit d’une façon structurée, ordonnée et méthodique.
Les membres disposent de certaines méthodes pour organiser leurs
interactions…Il revient à l’ethnométhodologie de décrire ses méthodes »
(Guliche E, 1990, p. 75)
Dès lors, nous pouvons dire que nos comportements communicatifs sont
constitués inconsciemment sur certaines normes sociales, et tout nos activités
les plus ordinaires et banales obéissent à des règles d’un processus de
socialisation encrées en nous depuis l’enfance et qui se diversifient d’une
société à une autre. R. Vion note à ce propos :
Alors que le sujet social semblait devoir être dominé par le poids d’un social
extérieur et coercitif, au point de ne plus être que lambre d’un système, nous
voyons se dessiner ici la conception d’un social plus intimiste construit
conjointement par les sujets dans leurs activités quotidiennes. Les acteurs ne
sont plus des sujets agis mais agissants (Vion R, 1992, p. 140).
L’intérêt de l’ethnométhodologie est centré sur le comportement
social en interaction par le biais du langage quelque soit sa dimension :
verbale ou non verbale.
Selon les fondateurs de ce courant, la réalité sociale n'est pas donnée
objectivement, mais fabriquée et co-construite constamment par les acteurs
sociaux dans leurs interactions : « la constitution de la réalité sociale
s’accomplit d'une façon structurée, ordonnée et méthodique. Les membres
disposent de certaines méthodes pour organiser leurs interactions… Il revient
à l'ethnométhodologie de décrire ses méthodes » (Guliche E, 1990, p. 78).
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Les fondements de ce courant de pensée portent sur le sujet social,
créateur de l’acte communicatif de la réalité sociale quotidienne, à travers ses
savoirs, ses représentations et ses stratégies discursives pour atteindre certains
buts. L’interaction est conçue comme une mise en scène entre des
interlocuteurs qui obéissent au principe d’une causalité circulaire : les
comportements de l’un agissent sur ceux de l’autre et réciproquement. C’est à
travers une relation coordonnée des deux pôles d’une conversation qu’un sujet
met en œuvre, dans le jeu interlocutoire, une procédure interactionnelle
déterminée par des rôles préalablement établis et des règles précises dont
l’application relève de la compétence communicative des interlocuteurs.
Heritage (1984) définit les quatre postulats suivants :
L’interaction est structurellement organisée
Les contributions des intervenants sont orientées en fonction du
contexte
Le détail de l’interaction est régi par ces deux procédés
C’est par l’analyse des données naturelles que l’on peut le mieux
appréhender les interactions.
3.6.2. L’organisation générale des conversations
A titre d’exemple des travaux en ethnométhodologie, nous citons ceux
effectués par Schegloff et Sacks (1973 et 1974) à propos des procédures
d’ouverture et de fermeture des conversations ou encore ceux concernant
l’organisation générale des conversations. Dans ces travaux, les procédures
d’ouverture et de fermeture s’effectuent chacune en deux étapes :
La procédure d’ouverture : elle comprend une première étape
d’ouverture composée d’une paire adjacente d’énoncés de type
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salutation ou appel/réponse dans une conversation téléphonique par
exemple. Le premier énoncé implique le second, l’unité d’analyse n’est
pas la phrase mais la séquence composée des deux unités où la
première conditionne la seconde
La procédure de clôture : elle comprend une étape préparatoire où le
locuteur utilise des formules de conclusion pour signifier à son
partenaire la fin de l’échange, une étape de clôture où figurent des
énoncés conversationnels sous forme de paires adjacentes (salutation de
clôture)
4. Courants d’appartenance psychologique
L’école de Palo Alto est la référence majeure. Le groupe de recherche
de cette école a grandement contribué à la conception de la communication
dans sa dimension sociale après celle de Hymes tout en gardant un objectif
thérapeutique. Pour ce groupe, tout comportement humain est une
communication. Il considère le terme comportement comme synonyme de
celui de communication.
Les chercheurs de ce groupe envisagent la communication comme une
relation d'interaction entre les interlocuteurs. Ils focalisent leur attention sur
les rapports qu'entretiennent les interlocuteurs pendant le déroulement de la
communication. L'accent est mis sur les conséquences de la communication
ainsi que les comportements des individus durant la conversation.
La contribution de ce groupe est l'élaboration d'une conception
pragmatique de la communication. L'équipe de recherche focalise son
attention sur les effets comportementaux des interlocuteurs durant la
communication durant laquelle il y a une coexistence des messages verbaux et
non verbaux et même le langage du corps. Tout comportement d'individu est
une communication et même l'immobilité ou le silence constitue des formes
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de communication humaine que nous pouvons interpréter comme le refus de
communication de l'un des interlocuteurs
L'autre élément intéressant chez ce groupe de recherche est la
distinction entre les termes "contenu" et "relation". La communication ne se
borne pas seulement à transmettre des informations, " le contenu " mais
provoque aussi des comportements ", des relations", entre les interlocuteurs
d'une manière simultanée. En effet, les interlocuteurs ne transmettent pas
seulement des messages mais entretiennent des relations entre eux .Donc,
toute communication est un comportement. Ce dernier définit la relation que
préservent les interlocuteurs l'un pour l'autre. Les chercheurs de Palo Alto
développent le concept de:
Relation symétrique : est une relation d'égalité des interlocuteurs. La
communication se caractérise par une minimisation de la différence.
Relation complémentaire: se caractérise par une différence entre les
interlocuteurs; la communication est établie sur une maximisation de la
différence: les interactants ne sont pas en position d'égalité, l'un est
qualifié de "supérieur" ou " haut " et l’autre de" inférieur "ou "bas " .
Le comportement du haut complète celui du bas. Donc, c'est la position
culturelle et sociale des individus qui détermine le statut du haut et du
bas. Parfois, c’est l'un des partenaires qui impose sa relation de
complémentarité mais, c'est aussi, souvent, le contexte culturel et social
des individus qui l'impose. Exemple, la relation médecin-malade ou la
relation mère-enfant.
5. Les courants d’appartenance linguistique :
L’influence des travaux cités en haut sur le champ linguistique peut être
interprétée de deux manières ; d’une part, on peut constater une rupture qui a
conduit certains linguistes vers une forme de conversion à des problématiques
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externes, d’orientation plus socio-psychologique que linguistique, d’autre
part, on voit reconnaitre dans les problématiques interactionnistes des objets
trouvant leur place dans un champ linguistique ouvert, par l’intégration de
questions relatives à l’usage du langage.
5.1. L’énonciation :
Les études dans ce domaine ont pour objet l’acte de production dont
l’énoncé est le résultat ; son énonciation. Même si l’objet reste l’énoncé, on
ne l’aborde plus uniquement pour en dégager des éléments susceptibles
d’éclairer la structure de la langue dans laquelle il est produit, mais on y
cherche les traces de son énonciation.
Dans un énoncé, différents éléments font directement référence à la
situation où il est produit, les déictiques ( je, ici, maintenant). La réflexion sur
la relation entre l’énoncé et sa source, l’énonciateur, se développe dans les
théories ou de la polyphonie ou de dialogisme , introduites par Bakhtine,
selon lesquelles, l’énoncé n’est plus rapporté simplement à un individu qui le
produit, mais considéré comme un lieu où s’expriment des voix, qui sont, plus
ou moins, prises en compte par le producteur effectif du discours.
5.2. Le principe de coopération de Grice
Le principe de coopération de Grice, se composant de maximes, veut
dire que la contribution de chacun correspond à ce que le développement et
l’orientation de la communication exigent : « Que votre contribution
conversationnelle corresponde au moment où elle intervient tel que le
requiert l’objectif ou la direction acceptée de l’échange verbal dans lequel
vous êtes engagé » (Grice Paul, 1979, p. 61). Ce principe recouvre un certain
nombre de maximes ou règles plus spécifiques développées par Grice en
plusieurs maximes qu’il classe en quatre catégories:
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Maxime de quantité (quantité d’information) : « Que votre contribution
soit aussi informative qu’il soit requis par le destinataire »
Maximes de qualité (véracité de l’information) : « Que votre
contribution soit véridique (n’affirmez pas ce que vous croyez être
faux, n’affirmez pas ce que vous n’avez pas de raisons suffisantes de
considérer comme vrai) »
Maxime de relation (pertinence de l’information) : « Parlez à propos
et soyez pertinent ».
Maxime de modalité (perspicacité de l’information) : « Soyez bref,
clair et méthodique », « Évitez l’ambigüité et l’expression de manière
obscure »
5.3. Les actes de langage
Cette approche a représenté une orientation vers une réflexion linguistique
par le fait de considérer que la vocation première du langage n’est pas de
représenter le monde mais d’agir : dire, c’est faire. Les énoncés produits par
un locuteur et adressé à un interlocuteur réalisent avant tout des actes, ils
agissent sur lui en modifiant plus ou moins la situation.
La typologie des actes de langage, celle proposée par Searle (1982) se
fonde sur différents facteurs parmi, lesquelles : le but (faire faire dans le cas
d’un ordre par exemple), l’ajustement entre les mots et le monde (les
assertions cherchent à rendre les mots conformes au monde, les demandes
cherchent à rendre le monde conforme aux mots), les états psychologiques
exprimés ( le regret, l’excuse). Sur la base de différents facteurs de ce type,
Searle dégage cinq grandes catégories d’actes : les assertions, des directifs, les
promissifs, les expressifs et les déclaratifs.
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Conclusion
Les influences des courants sociologiques interactionnels ont conduit à
enrichir le domaine par la prise en compte des situations de communication et
par l’importance nouvelle accordée aux données authentiques. Dans chacun
des axes présentés ci-dessus, elles conduisent à modifier légèrement la
perspective : en cherchent à articuler l’approche énonciative et l’approche
situationnelle ; en imposant de réfléchir sur les actes de langage en séquence,
et non sur les actes isolés.
L’importance accordée aux données authentiques a eu une autre influence
dans le champ linguistique. Elle a conduit à prendre en considération des
éléments qui, jusque-là, n’étaient pas tenus pour signifiants : les phénomènes
propres à l’oral comme les hésitations, faux départs, reformulations, etc, cela
a suscité un renouveau des études sur l’oral, et plus précisément sur l’oral
dialogué.
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Chapitre 03
Pratique d’analyse : corpus et démarche
Introduction
Les méthodes de travail en analyse des interactions sont très
sensiblement différentes de celles utilisées en linguistique pour analyser le
système de la langue. La démarche adoptée part des données et cherche à
identifier des comportements interactionnels récurrents. A partir de ces
observations, elle propose des catégorisations (ex : des types d’interaction) et
des généralisations (ex : toute interaction peut se découper en séquences).
Cette démarche est descriptive, elle est fondée sur l’observation,
l’enregistrement et la transcription minutieuse d’interaction authentique.
3. Spécificités de la recherche
Dans un travail visant l’analyse des conversations, les corpus sont
constitués à partir de données collectées dans des situations sociales
« naturelles », dans le sens où elles ne sont pas construites par le chercheur en
vue de sa recherche. Ils visent en premier lieu à permettre l’étude des
pratiques sociales et interactionnelles des individus.
3.1. Interaction authentique
Le travail se fait sur un produit authentique, c’est à dire des situations
réelles qui ont été enregistrées, ou mieux encore, filmées. On peut aussi
utiliser dans une moindre mesure les exemples attestés, c’est à dire des
exemples observés en situation et rapportés. Ceci n’est possible que pour des
échanges très courts, car il est impossible de se souvenir exactement de toute
une conversation. On ne peut donc pas travailler sur des exemples fabriqués
intuitivement, car, contrairement aux règles de grammaire que l’on connaît
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bien, on a en général des idées fausses sur les règles conversationnelles (ce
que l’on imagine que l’on dit n’est pas ce qu’on dit dans la réalité). De plus,
ces règles ne sont pas systématiques, ce sont des tendances récurrentes.
3.2. Démarche empirique et inductive
Une démarche empirique est une démarche fondée sur l’observation et
l’expérience. On part de l’observation des situations et de l’analyse des
données, puis on en tire des conclusions et des généralisations, et l’on essaye
d’apporter des explications à ce que l’on a constaté. C’est le contraire d’une
démarche dite déductive, dans laquelle on construit une théorie abstraite, puis
on essaye de trouver des exemples qui en confirment l’exactitude.
3.3. Priorité à l’oral et renouvellement des modèles descriptifs
On travaille essentiellement sur l’oral parce que c’est à l’oral que l’on
voit le mieux que la communication forme un tout intégré, multicanal et
pluricodique alors que l’écrit constitue une forme plus restreinte et spécifique
de la communication. L’oral est également la forme la plus fréquente et
normale de la communication. Or les grammaires traditionnelles considèrent
l’écrit comme la norme. Par exemple, toutes les descriptions syntaxiques
renvoient à l’écrit, alors qu’on ne construit pas les phrases de la même façon
quand on parle.
L’oral est un processus dynamique, observé en train de se faire. Le travail
sur les interactions montre la nécessité de proposer d’autres modèles
descriptifs pour l’oral. Par exemple, beaucoup de « ratés » sont fonctionnels
d’un point de vue interactif. Cela veut dire qu’il ne s’agit pas d’une erreur ou
d’un langage incorrect, mais d’une stratégie (même si elle est subconsciente)
qui remplit une fonction, un rôle dans la conversation. Par exemple, si
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l’interlocuteur semble manifester une baisse d’attention (son regard
vagabonde, il ne réagit pas beaucoup à ce qui est dit…), le locuteur en place
aura tendance à s’auto-interrompre, voire à bafouiller : ces « ratés » vont
alerter l’auditeur et récupérer son attention. Le langage oral fonctionne avec
une autre logique que le langage écrit.
3.4. Travail sur l’interaction : dialogue, trilogue, polylogue
L’analyse du discours, quand elle s’est intéressée à l’oral, s’est en
général arrêtée au monologue, et a considéré que le dialogue était une forme
plus complexe du monologue. L’approche interactionniste prend le contre-
pied de cette position : elle considère au contraire que le dialogue est la forme
normale de la communication, et le monologue une forme particulière (et
relativement rare) de dialogue. Elle s’intéresse également aux conversations à
trois (trilogue) ou à plusieurs (polylogue) et cherche à analyser la dynamique
entre les participants.
4. Les étapes de la démarche :
Sur le plan pratique, la démarche de l’analyse conversationnelle peut se
décomposer en cinq étapes : le choix des situations, l’observation, la collecte
des données, la transcription et l’analyse. Toutefois, ces étapes doivent être
pensées en fonction de l’objectif global de la recherche. Même si l’on parle de
démarche conduite par des données, le choix des situations dépend
d’hypothèses préalables générales sur ce qu’on cherche et sur les situations
susceptibles de le procurer.
L’observation, la collecte des données sont l’objet de réflexions depuis
fort longtemps en sociologie et sociolinguistique, anthropologie et ethnologie.
Les problèmes d’entrée sur le terrain diffèrent selon qu’il s’agit d’un terrain
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privé ou public et que l’observateur en est préalablement membre ou qu’il s’y
introduit. Il lui faut, dans le premier cas, trouver la bonne distance entre les
positions de participant et d’observateur, il doit dans le second cas, veiller à
ne pas modifier la situation qu’il a choisie par sa présence.
Pour la collecte des données, il fait tenir compte de ce qu’on appelle le
paradoxe de l’observateur : chercher à observer le langage que parlent les
gens quand on ne les observe pas, et choisir entre la réalisation
d’enregistrement à micro caché ou d’enregistrements avec accord préalable
des participants. Il est à signaler que l’enregistrement n’est pas toujours
suffisant pour faire les analyses, voir les mouvements et les actions est le plus
souvent indispensable pour la compréhension du corpus. Quant aux deux
dernières étapes ; la transcription et l’analyse, elles sont présentées ci-
dessous ;
4.1. La transcription
Pour la transcription, il est indispensable de savoir quel système de
convention de transcription doit-on suivre pour transcrire les conversations.
Chaque chercheur se réfère d’un autre pour forger son propre système, dans
cette perspective, Traverso explique :
il n’existe pas aujourd’hui un système de transcription unifié, chacun forge son
système en s’inspirant plus souvent de celui de Jefferson – cité par exemple
dans Schenkein, 1978 – ou de celui de Bielefield (Bange, 1992 ; Vion, 1992).
D’une manière générale, on n’utilise pas de transcriptions phonétiques, trop
difficiles à lire, mais des transcriptions orthographiques, plus ou moins
standards ou adaptées. L’orthographe adoptée cherche à rendre compte de
certains phénomènes de prononciation … (Traverso, L’analyse des
conversations, 1999, p. 24).
De ce fait, le chercheur devrait opter pour la transcription
orthographique comme type et garder la même convention de
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transcription jusqu'à la fin de son travail, dans cette optique Kerbrat-
Orecchioni explique que:
Les techniques de transcription varient, mais s’agissant du français ou de
l’anglais, toutes recourent aux conventions orthographiques en usage, avec tout
ou plus aménagement, le remplacement de la ponctuation. Par des symboles
mieux adaptés à la représentation des pauses et .de la prosodie, et
éventuellement des .indications sur certains éléments non verbaux (Kerbrat-
Orecchioni C. , 2005, p. 27)
Ci-dessous, sont présentées les conventions proposées par Traverso dans
son ouvrage : « l’analyse des conversations » :
Signe signification
[ Interruption et chevauchement, le crochet apparait sur chacune
des deux lignes
= Enchainement immédiat entre deux tours
(.) Pause dans le tour d’un locuteur inférieure à 1 seconde
(3’’) Pauses chronométrées (supérieures à 1 seconde)
(silence) Les pauses entre les prises de paroles de deux locuteurs
successifs sont, par commodité, notées. Elles sont toujours
indiquées et suivies ou non de leur durée.
’ Chute d’un son
: Allongement d’un son. Un allongement très important est
marqué par plusieurs fois deux points
- Mot interrompu brutalement par le locuteur
Majuscule Les majuscules indiquent l’insistance ou l’emphase
/ Intonation légèrement montante
↑ Intonation fortement montante
\ Intonation légèrement descendante
↓ Intonation fortement descendante
(FORT)…+ Les caractéristiques vocales sont notées en petites capitales
entre parenthèses, leur fin est indiquée par le signe +
Tableau 03 : Code de transcription (Traverso, 2007: 24)
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4.2. Méthodologies d’analyse
Lorsqu’on dispose d’un gros corpus d’interactions enregistrées à analyser,
on peut utiliser deux types d’approches qui peuvent d’ailleurs se combiner
pour obtenir les meilleurs résultats ;
4.2.1. L’analyse transversale :
On peut parler d’analyse transversale pour celle qui procède en étudiant
un phénomène, préalablement identifié, dans les différentes interactions du
corpus. L’identification peut être fondée sur une catégorie à priori, ou être
construite en partant des données.
L’étude peut porter sur un type d’échange routinisé comme par exemple
l’excuse ou le compliment, mais cela peut également porter sur d’autres
aspects de la communication, comme par exemple les interruptions. Traverso
cite également les procédures comme par exemple la procédure d’amadouage
que l’on retrouve dans les visites. Il s’agit d’un ensemble d’échanges verbaux
et de comportements liés au fait de pénétrer sur le territoire d’autrui : on va
alors étudier à travers les exemples du corpus tous les cas de figure que l’on
trouve dans ce genre de situation avec les différentes formulations possibles et
réactions des uns et des autres.
4.2.2. L’analyse longitudinale
Dans l’analyse longitudinale , on va choisir une interaction (un morceau
d’enregistrement qui forme un tout) et essayer de rendre compte au mieux de
son déroulement en l’analysant en quelque sorte « sous toutes les coutures »,
c’est-à-dire de tous les points de vue possibles : aspects rituels, séquences,
gestion des tours de parole etc…C’est une approche qui tient davantage
compte de la spécificité d’une interaction donnée (alors que l’analyse
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transversale cherche davantage à repérer des procédures récurrentes et
réutilisables) et de la dynamique des échanges.
Un des apports de l’analyse longitudinale est de faire apparaitre les
fonctions contextuelles des actes et leurs plurifonctionnalités
Conclusion
L’analyse des interactions peut se caractériser succinctement par le type
de corpus qu’elle nécessite et par le type de questionnements qu’elle met en
œuvre sur la base d’une méthodologie aujourd’hui éprouvée. Les corpus sont
constitués à partir de données collectées dans des situations sociales
« naturelles », dans le sens où elles ne sont pas construites par le chercheur en
vue de sa recherche. Ils visent en premier lieu à permettre l’étude des
pratiques sociales et interactionnelles des individus.
Sur le plan linguistique, les questions de recherche portent sur les
ressources utilisées par les participants dans leurs activités. Ce
questionnement très général conduit à prendre en compte tant les formes
linguistiques que les autres ressources de différentes natures que les
participants utilisent (gestes, manipulation d’objets, occupation des espaces,
etc.). Les objets d’analyse majeurs concernent la façon dont ces ressources
sont mises en œuvre au cours des activités interactionnelles. Ceci conduit
donc à placer au cœur des analyses le caractère situé des productions des
participants ainsi que leur caractère temporel et co-construit.
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Chapitre 04 :
Structure locale de la conversation
Introduction :
En surface, la conversation, et en particulier la conversation familière,
donne une impression de spontanéité et d’absence d’organisation. Pourtant,
dans l’ensemble, chacun parle à son tour, et les tours s’enchaînent avec un
minimum de problèmes : il n’y a pas trop de chevauchements, ni
d’hésitations, ni de silences. C’est parce qu’en fait, les locuteurs suivent de
façon intuitive un certain nombre de règles. Dans ce chapitre, nous
aborderons les différentes règles de gestion des tours de parole et quelques-
unes des différences que l’on peut observer dans ces règles d’une culture à
l’autre.
1. Les tours de paroles :
Le tour de parole est la contribution d’un locuteur donné à un moment
donné de la conversation. Les tours de parole des différents locuteurs
s’enchainent selon un système d’alternance. En analyse conversationnelle, le
tour de parole constitue l’unité essentielle d’organisation des productions
orales dialoguées.
Selon Bange (1992), le tour de parole est une « réalisation interactive »
La situation à participants multiples voient en effet se multiplier les cas
d’intrusion (le locuteur A dont c’est le tour sélectionne le locuteur B, mais C
qui enchaine) et de construction collaborative des tours de parole par des
locuteurs différents.
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1.1. Principes d’alternance :
Les règles d’allocution reposent sur le principe de la coopération entre
les locuteurs. Pour que le déroulement d’une conversation soit équilibré et
harmonieux, il est à respecter ce qui suit:
Il ne faut pas monopoliser la parole et produire de longues tours, et
donner l’occasion aux autres participants d’intervenir.
Prendre en considération le principe de « chacun son tour » : un seul
locuteur doit parler à la fois pour éviter les chevauchements qui
donnent lieu de négociation.
Il faut respecter l’intervalle entre les tours : si l’intervalle est trop cours,
il peut être considérer comme interruption, s’il est trop long, il indique
un dysfonctionnement, par exemple : l’embarras, l’ennui ou le
désaccord.
1.1.1. Principe d’un intervalle minimum entre les tours :
Si l’intervalle est trop court, cela peut produire la même impression
qu’une interruption, s’il est trop long, il indique souvent un
dysfonctionnement comme par exemple l’embarras, l’ennui ou le désaccord.
- L’interprétation du principe « chacun son tour » varie considérablement
d’une culture à l’autre, et les chevauchements, s’ils doivent à tout prix être
évités dans certaines cultures, ne sont pas considérés nécessairement comme
des interruptions intempestives dans d’autres. Ils peuvent même remplir des
fonctions interactionnelles implicitement reconnues par les participants. Les
pays scandinaves et de culture anglo-saxonne appartiennent à la première
catégorie, les pays de culture latine ou arabe plutôt à la deuxième.
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1.1.2. Variation culturelle et notion d’intervalle minimum
Les travaux de l’école de Palo Alto montrent par exemple que cet
intervalle est de 5/10ème de seconde pour les Américains mais de 3/10 ème de
seconde pour les Français. Ceci explique pourquoi les Américains ont
l’impression que les Français parlent vite (le débit y est aussi pour quelque
chose) mais aussi pourquoi ils ont tant de mal à s’insérer dans une
conversation entre Français : le temps que les 5/10ème de seconde se soient
écoulés, un des interlocuteurs français aura déjà repris la parole !
1.2. Règles de l’alternance des tours de parole:
Afin d’éviter les silences et réduire les chevauchements de parole
Sacks, Schegloff et Jefferson ont développé les règles de l’alternance des
tours de parole :
le locuteur dont le tour sélectionne le locuteur suivant par des indices
de nature prosodique, syntaxique, gestuelle, et/ou posturale ;
s’il n’a sélectionné personne au moment où il laisse la parole, un
successeur peut s’auto-sélectionner. Dans ce cas, si les deux
participants au tour démarrent en chevauchement, c’est le premier à
s’être auto-selectionné qui acquiert les droits sur le tour ;
si le locuteur en cours n’attribue pas le tour et que personne ne
s’autosélectionne, le locuteur dont c’était le tour continue.
1.3. Répartition des tours de parole
On peut mentionner trois principes sur lesquels s’appuie la distribution
des tours de parole. Il reste à voir les moyens par lesquels ces principes sont
mis en action, en d’autres termes comment les participants s’y prennent pour
les appliquer. Deux cas de figure se présentent :
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Dans certains contextes, la distribution des tours est réglée par une
personne affectée à cet emploi : président de séance pour une
réunion de travail en milieu professionnel, maîtresse d’école dans
la classe, animateur de débat dans les médias, etc… Cette situation
n’est cependant pas la plus fréquente dans la vie quotidienne.
Dans les conversations ordinaires, les changements de tours sont
négociés par les participants eux-mêmes. Ils se produisent en
général au moment qu’il est convenu d’appeler un « point de
transition possible ». En général, le locuteur en place émet des
signaux qui indiquent qu’il /elle va finir son tour. Ils sont de
plusieurs sortes et se combinent. On distingue :
- Les signaux verbaux : le type d’acte de langage (formulation d’une
question, par exemple, qui par définition appelle une réponse), la
complétion syntaxique de la phrase, ou encore la production de morphème
de clôture du type « bon », « voilà » etc…
- Les signaux prosodiques : il s’agit essentiellement de la courbe intonative
(montante pour une question, en français, descendante pour la fin d’une
assertion) et des pauses.
- Les signaux mimo-gestuels : regards en direction du destinataire, fin des
gesticulations.
Dans les conversations à plusieurs, le locuteur en place peut sélectionner
son successeur (en particulier par les signaux mimo-gestuels) ou non. Dans ce
dernier cas, un des autres participants va s’auto-sélectionner après une pause
(d’où l’importance culturelle de l’intervalle minimum).
1.3.1. Stratégies pour conserver son tour
Dans le cours de la conversation, un nouveau locuteur peut s’auto-
sélectionner alors même que le locuteur en place n’a pas terminé son tour.
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C’est souvent à la faveur d’une pause interne au tour de parole que cela se
produit. Différentes stratégies sont utilisées par le locuteur en place pour
conserver ou récupérer son tour de parole. Les stratégies suivantes peuvent
être observées chez des locuteurs de différentes langues :
Minimiser les pauses intra-tours : par exemple le locuteur en
cherchant à formuler sa pensée le plus clairement possible, ne fait
aucune pause, il répète des segments de son énoncé, parfois en les
reformulant légèrement, tout en conservant un débit assez rapide. Il
signale ainsi que son tour n’est pas fini et se protège d’une
éventuelle intervention d’un autre participant.
Incorporer la contribution de l’interlocuteur : Si un autre
locuteur s’auto-sélectionne à la faveur d’une pause intra-tour, une
manière de récupérer son tour est de récupérer la contribution de
l’interlocuteur et de l’incorporer syntactiquement dans son propre
tour de parole.
1.3.2. Variation culturelle dans les stratégies pour conserver son tour
Le respect des tours varie d’une culture à l’autre. Dans les cultures qui
laissent un plus grand intervalle entre les tours et qui font attention à ne pas
interrompre le locuteur en place, on observe plus de pauses intra-tours dans le
discours, car celui qui parle risque moins que ses pauses puissent être
interprétées comme signal que l’on peut intervenir. Ces pauses intra-tours
permettent de formuler sa pensée, mais sont aussi utilisées parfois pour mettre
de l’emphase.
Dans les cultures où l’on observe davantage l’alternance des tours de
parole, en cas de chevauchement accidentel, les deux locuteurs se retirent très
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rapidement. Dans une situation interculturelle face à un interlocuteur d’une
culture qui tolère plus les chevauchements, le locuteur en place persistera
moins longtemps et pourra même perdre son tour face à « l’intrus ».
1.4. La Co-construction de l’interaction :
Il existe deux types de tour : les tours pleins ou « vrais tours » qui
apportent une contribution à la conversation, et les régulateurs qui ne sont pas
considérés comme de vrais tours, ils indiquent l’écoute, l’attention et
l’engagement dans l’interaction. De Gaulmyn stipule que : « les
régulateurs(…) contribuent à étayer, à soutenir le discours du locuteur sans
attendre qu’il en manifeste le besoin, en allant au-devant de ses désirs
d’approbation » (De Gaulmyn M., 1987a, p. 209). Ils sont souvent produits
en chevauchement, à titre d’exemple nous avons les mots vides sens suivants :
« hmm », « ou » , « ah d’accord », « ah bon ? », « je vois ».
1.5. Les chevauchements et les interruptions de parole:
En général, dans les interactions, les tours de parole se succèdent et
s’enchainent selon le principe de l’alternance, car chaque participant doit
respecter son tour pour que l’interaction soit conforme aux normes, mais, il y
a des variations selon le type d’interaction dont les chevauchements et les
interruptions sont les plus fréquents.
L’alternance des tours de paroles est négociée par les participants de
l’interaction, et « leur statut de dominant ou de dominé va en grande partie
dépendre de leur maitrise des techniques du « turn system », et de leur
capacité à prendre et à garder la parole » (Kerbrat-Orecchioni C., 1992, p.
87). Selon les principes énumérés par Sacks : une seule personne parle à la
fois, et il y a toujours une personne qui parle. Alors ce qui affectent le
dysfonctionnement du système des tours « ratés » est soit involontaire, c'est-à-
55
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dire que les indices de fin de tour sont flous, soit volontaire, c'est-à-dire que
les interlocuteurs ne respectent pas ces règles. Donc ces ratés se situent au
moment de l’alternance des tours de parole, ou lors de la succession de la
parole avec un autre interlocuteur.
Il semble que les deux phénomènes se différencient l’un de l’autre. Alors
que le chevauchement est une violation au niveau de la coordination formelle
des tours, l’interruption est une rupture au niveau du contenu des tours
précédents, afin d’accélérer l’accord ou le désaccord et de confirmer ou
rejeter l’information.
1.5.1. Le chevauchement :
Le chevauchement peut avoir lieu lorsque deux locuteurs en même temps,
leurs voix se superposent. Schegloff s’intéresse aux chevauchements et aux
différentes catégories de répartitions (1987, 1992, 1997). Il met en évidence
diverses formes d’anticipation et de ratés. Nous distinguons trois types de
chevauchements de parole :
1.5.1.1. Chevauchement par anticipation :
Le chevauchement qui se produit juste avant la fin d’un tour prévu d’un
participant, ceci est du au fait que les derniers mots d’un tour sont en général
peu formatifs.
1.5.1.2. Chevauchement par violation territoriale :
Celui qui se produit au milieu du tour, est le fait qu’intervenant
s’empare de la parole alors qu’un autre n’avait émis aucun signal de fin de
tour (l’interruption est intentionnelle).
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1.5.1.3. Chevauchement par « pause inter » ou « pause intra » :
Ce type de chevauchement peut être du au fait qu’intervenant émet bien
des signaux de fin de tour, ou une chose qui lui ressemble, un autre
intervenant prend son tour de parole mais le premier n’a pas terminé et
enchaine aussi.
1.5.2. L’interruption :
La notion d’interruption est plus complexe de celle de chevauchement
car, elle fait intervenir à la fois des critères syntaxiques, prosodiques, mimo-
gestuels et interactionnels, en particulier le point de vue des participants tel
qu’il se manifeste dans la suite d’un échange. Orecchioni prétende que « Les
interruptions, surtout lorsqu’elles s’accompagnent d’un chevauchement, ont
pour tendance taxémique générale d’exprimer une position haute, ou une
tentative l’accaparer » (Kerbrat-Orecchioni C., 1992, p. 88).
L’interruption de parole peut se faire de manières différentes, elle peut
avoir lieu en coupant la parole de l’autre brusquement et parfois sans arrêt ou
par le biais d’une demande formulée poliment comme le cas de l’exemple
suivant : « excusez-moi de vous interrompre ». Nous distinguons deux grands
types d’interruption :
1.5.2.1. Les interruptions « violatives » :
Ce type est utilisé pour s’imposer dans une conversation. Ces
interruptions sont « intrusives », elles sont assez longues (ce sont alors de
véritables violations de tours de parole).
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1.5.2.2. Les interruptions « coopératives » ou « affiliatives » :
Ce type d’interruption est orienté vers la relation et veille au bon
déroulement de l’interaction. Il va plutôt exprimer la coopération, l’intérêt
enthousiaste, l’implication active dans le discours.
1.6. La paire adjacente
La paire adjacente est une notion fondamentale en analyse
conversationnelle, elle élucide un mode d’organisation séquentielle des
actions dans la conversation, Goffman la définit comme : «Un couplet, une
unité dialogique minimale, un tour long de deux Enonciations, chacune du
même « type », chacune prononcée par une personne différente, se suivant
immédiatement dans le temps ; bref, une paire adjacente » (Goffman.E.,
1987, p. 52)
Les tours de parole s’enchaînent de manière cohérente, et leur
enchaînement est conditionné par le contexte conversationnel : c’est là la
nature context-shaped et context-renewing des contributions verbales. Ainsi,
la première structure d’enchaînement des tours de parole à avoir été mise en
évidence est celle de la paire adjacente par Schegloff (1968) et Sacks (1974).
Pour cet enchaînement de tours, il s’agit des cas de figure où le premier tour
de parole déclenche l’attente normative d’un deuxième tour, en réaction au
premier, selon un principe de dépendance conditionnelle ou encore celui de
l’implicativité séquentielle .
Le cas prototypique d’une paire adjacente est celui des salutations ou
encore celui des enchaînements question – réponse. Ainsi, la paire adjacente
correspond aux cas où la réalisation d’une action par le premier locuteur pose
des contraintes sur la contribution du locuteur suivant, à la fois « contrainte
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de produire un énoncé et contrainte de produire une des actions rendues
pertinentes par le premier tour » (Traverso, 2016, p. 72).
Ce principe de dépendance conditionnelle est particulièrement visible
dans les cas où le deuxième tour n’est pas produit : cette absence de réaction
est rendue pertinente par les participants et peut même déclencher la mise en
place d’une séquence de réparation.
Au sein d’une paire adjacente, on distingue ainsi la première partie de la
paire (« first pair part » ou encore FPP) et la deuxième partie de la paire («
second pair part » ou encore SPP). Sans entrer dans les détails, il convient ici
de mentionner que la construction de la deuxième partie de la paire peut avoir
un format préferentiel ou dispréférentiel. Il s’agit par là de désigner les cas où
le participant produisant la deuxième partie de la paire annonce le contenu de
la réponse à la première partie de la paire.
Ainsi, selon les marqueurs d’hésitation, les silences, ou encore les
justifications sont des indicateurs canoniques d’une réponse dispréférentielle,
annonçant que la réponse ne sera certainement pas « collaborative » avec la
première paire. La paire adjacente est considérée comme étant la séquence
minimale dans la conversation. Notons toutefois qu’elle peut parfois être
suivie d’un troisième tour, et les trois tours de parole forment une même
séquence, et l’on parle alors de l’expansion de la paire adjacente. Notons que
les expansions peuvent avoir lieu aussi bien avant qu’après l’occurrence de la
paire adjacente, mais également à l’intérieur de la paire adjacente même
(respectivement pré-expansion, post-expansion et expansion insérée).
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Conclusion
Les règles de gestion des tours de parole présentent un certain nombre
de caractéristiques générales qui sont communes à la plupart des cultures.
Cependant, elles peuvent varier de façon significative, soit parce qu’elles
obéissent à une logique sous-jacente différente, soit parce qu’elles reflètent
des aspects de l’ethos communicatif culturellement spécifiques.
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Chapitre 05 :
La structure globale des interactions
Introduction
En surface, la conversation se présente comme une succession de tours
de parole, mais c’est également une organisation qui obéit à des règles
d’enchaînement syntaxique, sémantique et pragmatique. C’est cette
organisation qu’on essaye de mettre en évidence. A ce propos, C. Kerbrat-
Orecchioni affirme que :
Toute conversation, et plus généralement toute forme de discours dialogué
(interview, débat, consultation, etc.) se présente comme une architecture
complexe et hiérarchisée, fabriquée à partir d’unités emboitées les unes dans
les autres selon certaines règles d’organisation (Kerbrat-Orecchioni C. , 2005,
p. 61).
En règle générale, toute interaction se déroule en trois étapes :
l’ouverture, qui va du moment où les participants entrent en contact jusqu’au
moment où ils se mettent à développer un thème ou en viennent au but de leur
rencontre, le corps de l’interaction, puis la clôture qui correspond au moment
où l’on prend congé avant de se quitter effectivement. C’est ce qu’on appelle:
le découpage en unités hiérarchisées. On considère qu'il y a 5 unités
pertinentes pour décrire l'organisation des conversations:
1. L’interaction
C'est l'unité de rang supérieur (la plus grande unité dans laquelle sont
incluses les unes dans les autres d'autres unités de plus en plus petites).
Elle se définit en fonction de son type (conversation, consultation médicale) et
de sa continuité interne (participants, cadre spatio-temporel, thèmes abordés).
Elle comporte également une séquence d'ouverture et de clôture. Il est parfois
difficile de délimiter exactement où finit une interaction. Par exemple, si les
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participants restent les mêmes mais que l'activité change radicalement, va-t-
on considérer que l'on a une seule interaction ou deux (ex : des étudiants qui
préparent un exposé ensemble puis changent de sujet de conversation ou
décident d'aller déjeuner ensemble en fin de préparation) ? Dans ce contexte,
C. Kerbrat Orecchioni prétend que : « Pour qu’on ait affaire à une seule et
même interaction, il faut et il suffit que l’on ait un groupe de participants
modifiable mais sans rupture, qui dans un cadre spatiotemporel
rtyumodifiable mais sans rupture, parlent d’un objet modifiable mais sans
rupture » (Kerbrat-Orecchioni C. , 1990, p. 216).
D’après Vion ce terme d’interaction trouve sa place dans les sciences
humaines pour signifier les interactions communicatives entre les personnes.
Ces interactions peuvent s’effectuer par des moyens verbaux ou bien non
verbaux :
Tous les interactions ne se ramènent pas à des échanges verbaux » :« Toute
action conjointe, conflictuelle ou coopérative, mettant en présence deux ou plus
de deux acteurs. A ce titre, le concept recouvre aussi bien les échanges
conversationnels que les transactions financière, les jeux amoureux que les
matchs de la boxe… (Vion R, 1992, p. 17)
Goffman privilégie l’interaction verbale par le terme « rencontre», pour
lui la présence physique des participants dans l’acte communicative est
nécessaire, il exclut tous les autres canaux de la communication :
Par interaction (c'est-à-dire interaction de face à face), on entend à peu prés
influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives
lorsque ils sont en présence physique immédiate les uns des autres ; par une
interaction, on entend l’ensemble de interaction qui se produit en une occasion
quelconque quand les membres d’un ensemble donné se trouvent en présence
continue les uns des autres ; le terme ‘’rencontre’’ pouvant aussi convenir
(Goffman E, 1973, p. 02).
Cette dernière définition englobe à la fois les deux utilisations principes
du terme « interaction ». Ce terme comme processus mutuelles qu’exercent
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les uns sur les autres lors d’un échange communicatif, mais aussi ce lieu de
rencontre où les participants exercent les activités qui composent l’échange
(c'est-à-dire les évènements comportementales exécutent lors d’une co-
présence des interactants : les gestes, les mimiques, les regards…). Dans ce
sens Roulet affirme qu’une interaction est : « déterminée par la rencontre et
la séparation des deux interlocuteurs » (Roulet, 1985, p. 23).
2. La séquence
C'est un bloc constitué d'un certain nombre de tours reliés par un fort
degré de cohérence sémantique: thèmatique ou pragmatique. Selon la
structure hiérarchique du schéma, la séquence constitue le rang intermédiaire
entre interaction et l’échange. Elle peut se définit comme :
Bloc d’échanges relié par un fort degré de cohérence sémantique et /ou pragmatique
(…) selon la nature du contenu de la séquence envisagé envisagée, c’est tantôt
l’aspect sémantique, tantôt l’aspect pragmatique qui guidera de façon prédominante
l’opération de découpage (Kerbrat-Orecchioni C. , 1990, p. 78).
Il s’agit de l’organisation qui structure le déroulement de l’interaction.
C'est-à-dire que toutes les interactions obéissent à une certaine série de
séquences qui succèdent pour enchainer la parole. Kerbrat Orecchioni affirme
que : « la plupart des interactions se déroulent en effet selon le schéma
globale : séquence d’ouverture, corps de l’interaction, séquence de clôture. »
(Kerbrat-Orecchioni C. , 2001, p. 20)
De son côté Traverso indique que : « En règle générale, toute les
interactions se déroulent en trois qui se succèdent dans le temps : ouverture,
corps, clôture» (Traverso, 2004, p. 30). Alors, nous pouvons déduire que la
structure de l’interaction comporte :
La séquence d’ouverture.
Le corps de l’interaction.
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La séquence de clôture.
Les séquences d'ouverture et de clôture ont un but pragmatique (entamer
la conversation, y mettre fin) et sont très ritualisées à la différence des
séquences du corps de l'interaction, qui sont plutôt organisées sur des bases
thématiques. Le corps de l'interaction se découpe en un nombre indéfini de
séquences de longueur variable suivant le type d'interaction. A l'intérieur de
ces séquences, on peut opérer des sub-divisions qu’on appelle des échanges.
3. L'échange
L'échange est considéré comme l'unité fondamentale de l'interaction, il
est défini comme étant l’unité centrale du dialogue se composant d’au moins
de deux interventions : « l’échange est composé d’au moins deux
contributions conversationnelles (tours de parole) de locuteurs différents,
l’échange est donc un constituant complexe. Un échange ne comprenant que
deux tours de parole est un échange minimal » (Moeschler & Auglin, 2000, p.
81). Il commence par une intervention « initiative » du premier participant
qui exige certain contraintes sur l’intervention « réactive » qui impose la
production du second participant. Kerbrat Orecchioni signale que : « Un
échange comporte normalement : 1 : deux actes (ou deux interventions), dits
respectivement’’ initiatif’’ pour le premier, et ‘’réactif’’ pour le second. »
(Kerbrat-Orecchioni C. , 2005, p. 62)
Donc, l’échange est la plus petite unité dialogale (deux personnes au
moins y participent) qui forme un tout. Il commence par une intervention
initiative du premier locuteur qui impose des contraintes sur l'intervention
réactive que doit produire le second locuteur. Par exemple, une question
appelle une réponse. Le minimum pour pouvoir parler d'un échange, c'est
d'avoir deux énoncés produits par deux locuteurs différents : une demande
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d'information et la réponse... De nombreux échanges présentent une structure
ternaire : question/réponse/évaluation.
Ex : - Qu'est-ce que c'est que cette plante ?
- C'est un abutilon.
- En tout cas, c'est joli.
L'échange peut même s'étendre à plusieurs tours, surtout dans les situations
où l'un des locuteurs peut se sentir obligé de "revenir à la charge"
(compliments, excuses, remerciements…). Pour que l’échange puisse se clore,
il faut que la réaction de l’interlocuteur et l’évaluation du locuteur soient
positives. Selon Eddy Roulet :
Nous appelons complétude interactionnelle cette contrainte du double accord
qui commande la clôture de la négociation et de l.échange.si la réaction ou
l’évaluation est négative, on observe une extension de la négociation et de
l’échange qui peuvent compter cinq, sept, neuf phrases ou interventions, voire
d’avantage, jusqu’à c e que soit satisfaite la contrainte du double accord.
(Roulet, 1985, p. 190).
4. L'intervention
C'est la contribution d'un locuteur particulier à un échange particulier.
L'intervention coïncide parfois avec le tour de parole, mais pas toujours. Il
arrive fréquemment qu'un tour de parole comporte à l'échange suivant.
Exemple :
1. A :salut! échanges de salutations
B :salut!
2. A : ça va ? échanges de salutations complémentaires
3. B : çava
Et toi ?question/réponse
A :Ça peut aller.
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Qu’est-ce que tu fais là?
B : Je cherche un cadeau pour ma sœur question/réponse
Traverso assure à ce propos que l’intervention initiative ouvre un échange,
l’intervention réactive enchaine sur une intervention précédente ; nombre
d’entre elles assument une double fonction réactive et initiative.
L’intervention est la plus grande unité monologique du dialogue, elle est
constituée d’actes des langages, Kerbrat Orecchioni explique que « les actes
de langage se combinent pour former des interventions » (Kerbrat-Orecchioni
C. , 2005, p. 61). L’intervention peut être séparée selon leur fonction dans le
déroulement de l’échange.
5. Les actes de langage
C'est l'action verbale minimale effectuée par un locuteur : requête,
reproche, assertion etc… Il faut faire attention de distinguer la valeur hors-
contexte d'un acte de sa valeur interactive. Exemple : Il est huit heures
Hors contexte, il s'agit d'une assertion à valeur informative.
En contexte, il peut indiquer suivant la situation et les participants :
Une requête indirecte (Mets la télé pour qu'on regarde les
informations)
Un rappel (Tu m'avais dit que tu devais téléphoner à X à
huit heures)
Un reproche (J'ai faim et il n'y a rien de prêt) etc…
Les actes du langage sont définis comme suit : « La plus petite unité
monologale constituant l’intervention» (Moeschler, 1985, p. 81). Ils sont
considérés tels que les envisagent Austin et Searle comme des entités
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abstraites et isolées. Kerbrat Orecchioni distingue (Kerbrat-Orecchioni C. ,
2005, p. 64) :
Les actes qui ont une vocation à constituer des interventions initiatives
comme les questions ou les requêtes
Les actes qui ont une vocation à jouer un rôle réactif, comme les
réponses ou les réfutations
Les actes bivalents, qu’ils soient génériques comme l’assertion, ou plus
spécifique comme la salutation, ou l’octroi d’une permission, acte
initiatif, comme l’exemple : (vous pouvez partir - Merci), mais réactif
comme dans l’exemple ( Je peux partir ?- Mais oui ! -Merci)
Un acte de langage initiateur ou réactif peut en général être réalisé de
plusieurs façons différentes. On appelle préférence ou choix préférentiel la
formulation la plus fréquente, la plus normale, la moins remarquée. Nous
proposons l’exemple tiré du corpus de Traverso :
Exemple :
M téléphone pour obtenir une confirmation.
M : j’te téléphone pour savoir si c’est toujours d’accord
S : ben: ouais (.)normal’ment ouais mais euh: j’allais t’app’ler demain
pour confirmer parce que::: qu’on n’a pas encore:: la réponse.
On voit que l'interlocuteur produit :
- Une confirmation hésitante (ben ouais…)
- Une modalisation (normalement oui)
- Une rétractation (mais euh…)
- Une justification implicite (j'allais te rapp'ler demain parce que)
- Enfin seulement la réponse effective :on n'a pas encore la réponse (= je ne
peux pas confirmer).
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Les choix préférentiels sont donc des actes de langage qu'on peut
anticiper, qui sont plus ou moins prévisibles. Mais certains échanges ou même
interactions (donc beaucoup plus étendus dans la durée et le nombre de tours
de parole) peuvent également être prévisibles et récurrents dans leur
ensemble. Ce sont des échanges liés à certaines situations sociales qui, par
leur répétition, amènent au choix de comportements langagiers adaptés à la
situation et partagés par les membres du groupe. On les appelle routines
conversationnelles.
Elles sont, en général, déclenchées par une situation. Par exemple,
recevoir un cadeau, se revoir pour la première fois après le nouvel an
etc…
Elles peuvent être plus ou moins figées. En général, plus la relation est
formelle et distante, plus on utilisera des formules figées. Ex : la
transmission de salutations à une tierce personne. Dans les relations
distantes, on utilisera une formule comme "je n'y manquerai pas", dans
une relation plus intime, on dira par exemple « ben d'accord » ou « je
lui dirai ».
Au niveau interculturel, elles peuvent être une source de malentendu
quand les routines ne sont pas partagées. Exemple : A la question
« Vous avez passé un bon week-end ? », les locuteurs de sociétés
différentes ne répondent pas de la même façon et n'ont pas les mêmes
attentes.
6. Les éléments constitutifs de la situation
En analyse conversationnelle, l’objet d’investigation, ce sont les
échanges verbaux dans des situations concrètes de communication. Il faut
donc définir les éléments qui la constituent, car ceux-ci permettent de prédire
en partie le déroulement de l’interaction.
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6.1. Les participants:
En plus de leurs caractéristiques personnelles, les participants se
caractérisent par leurs rôles, qui sont de deux sortes: interactionnel et
interlocutif.
6.1.1. Le rôle interactionnel :
Ce rôle est lié au type d’interaction en cours et est en quelque sorte le
rôle que l’on joue au sens où un acteur peut jouer un rôle : par exemple le
médecin et le malade. Ce rôle interactionnel peut coïncider avec un statut
social particulier (c’est le cas du médecin) mais pas nécessairement (ce n’est
pas le cas du malade).Les rôles interactionnels peuvent être complémentaires
et chaque participant doit « jouer » un rôle différent, ou au contraire
symétriques (par exemple la conversation entre amis) auquel cas les droits et
devoirs communicatifs sont les mêmes pour les différents interactants en
présence.
6.1.2. Le rôle interlocutif :
Ce type de rôle s’ajoute au rôle interactionnel : c’est le rôle d’émetteur et
de récepteur (ou locuteur/auditeur): qui parle à qui à un moment donné.
Lorsqu’il n’y a que deux participants et que l’un est en train de parler, l’autre
est forcément le récepteur (celui qui entend ces paroles) mais aussi le
destinataire (c’est à lui que ces paroles sont adressées). Par contre, lorsqu’il y
a plusieurs participants, la situation se complique et il faut introduire certaines
distinctions.
Les participants ratifiés (destinataires): Ce sont les personnes qui
font partie du groupe conversationnel constitué. On les repère à
des signaux non verbaux, tels que l’arrangement physique (sièges
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Module : Analyse conversationnelle Dr. BENAZOUZ Nadjiba
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en rond par exemple), la proxémie (distance entre les personnes),
les postures (tournées les uns vers les autres par exemple) et les
regards.
Les participants non ratifiés ou spectateurs: Ceux-ci sont en
principe exclus de l’échange. Ils tombent dans deux catégories :
les récepteurs « en surplus » : l’émetteur est conscient de leur
présence mais les exclue. C’est par exemple dans une boutique le
cas de la vendeuse qui conseille une cliente pendant que d’autres
regardent ou essayent d’autres articles. Les « épieurs » : ce sont les
récepteurs intrus qui écoutent le message quine leur est pas
destiné. Par exemple, dans le bus, un passager qui se met à écouter
la conversation de deux autres voyageurs…
6.2. Le cadre: Il comprend deux dimensions: le temps et le lieu. On parle
de « cadre spatial » et « cadre temporel ».
6.2.1. Le cadre temporel :
Deux aspects du cadre temporel peuvent influencer le déroulement de
l’interaction.
Le moment : Il est important car le discours doit être approprié
au moment où se passe l’interaction. C’est particulièrement vrai
pour certains aspects rituels comme les salutations .
La durée : Le fait ou non de pouvoir « prendre son temps » va
accélérer ou ralentir l’interaction ou même la tronquer.
6.2.2. Le cadre spatial :
Le cadre spatial joue un rôle fondamental. On distingue les lieux publics
des lieux privés.
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Les lieux publics : ils pèsent d’une façon particulièrement
contraignante sur l’interaction car ils imposent un type de
déroulement particulier à cause de leur disposition spatiale : le
guichet ou la salle de classe obligent les interactants à se
comporter de certaines manières. De même, la disposition des
invités sur un plateau de télévision influence la nature des
échanges et des débats. Le face à face entraîne des formes
d’interaction plus confrontationnelles que la table ronde qui invite
au consensus…Savoir où se passe une interaction permet
d’anticiper un certain nombre de comportements langagiers.
Les lieux privés : ils permettent une plus grande souplesse dans
les échanges et correspondent en général à des niveaux de langue
plus familiers.
6.3. L’objectif
C’est le but global de l’interaction, la raison pour laquelle les participants
sont en présence. On distingue:
6.3.1. Les interactions à but transactionnel
Appelées également « à finalité externe », elles servent à réaliser un
objectif ou obtenir quelque chose : achat, renseignements, requête. Les
interactants ont un motif ultérieur pour se parler.
6.3.2. Les interactions à but relationnel :
Ces interactions « à finalité interne », leur raison d’être principale est la
confirmation et le maintien du lien social entre les personnes. Elles servent à
entretenir les bonnes relations. On parle pour le plaisir de parler et d’être
ensemble. C’est le cas des conversations entre amis, entre voisins, ( des
71
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échanges de politesse). Le type d’objectif a une influence importante sur le
déroulement de l’interaction (il suffit de penser aux questions/réponses de
l’interview policière pour s’en rendre compte).
Conclusion
L’ensemble de ces éléments (participants + cadre spatio-temporel
+ objectif) permet une première description de la situation et permet de
prévoir, dans une certaine mesure, son déroulement. Ce sont des éléments
grâce auxquels on peut commencer à élaborer une typologie des
interactions. C’est également grâce à ces éléments que le récepteur peut
interpréter les énoncés correctement, en particulier quand il y a une
signification implicite, ils sont donc également indispensables à
l’analyste.
Cependant, un certain nombre d’informations sur le contexte sont
présentes dans le texte lui-même (dans les paroles échangées) sous forme,
par exemple, de termes d’adresse, de déictiques temporels ou spatiaux, à
travers les thèmes abordés, etc… On appelle ces marqueurs linguistiques
des indices de contextualisation.
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Chapitre 06
Les séquences d’ouverture et de clôture
Introduction
Les deux séquences d’ouverture et de clôture sont indispensables dans
toute conversation, elles font deux exemples de séquences fortement
ritualisées. La séquence d’ouverture correspond à la prise de contact entre les
participants et à une première mise en place des modalités de l'interaction à
venir. C'est probablement la phase de l'interaction qui a été la plus étudiée.
Ces études, menées par Schegloff en 1968, ont conduit à montrer les
procédures méthodiques de mise en route des interactions téléphoniques et à
identifier le fonctionnement de l'échange clé de l'ouverture, l'échange de
salutations, comme étant une forme fondamentale de l'organisation des
activités : la paire adjacente. La production du premier membre de la paire
implique la production du deuxième par le second locuteur, et fait peser des
contraintes sur sa nature.
La séquence de clôture, quant à elle, correspond à la fermeture de la
communication et, dans certains cas, à la séparation des participants. La
réalisation de cette phase suppose que les participants tombent d'accord pour
mettre fin à leurs échanges.
1. La sequence d’ouverture :
L’ouverture est une procédure qui permet d’entamer la conversation.
Elle correspond à la mise en contact des participants. Elle est indispensable la
plupart du temps, sauf dans le cas des conversations dites « endémiques »,
c’est à dire des conversations interrompues et reprises plusieurs fois dans une
même journée, comme par exemple entre des collègues de travail ou entre les
73
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membres d’une même famille. Dans ces cas-là, on ne refait pas de procédure
d’ouverture à chaque fois et on attend le soir pour échanger des salutations de
clôture. Les séquences d’ouverture sont indispensables :
Quand des participants qui se connaissent entrent en contact pour la
première fois de la journée.
Quand des participants qui ne se connaissent pas entrent en
conversation
Au téléphone
1.1. Les pré-salutations :
Comme leur nom l’indique, elles se trouvent avant les salutations. On ne
les trouve pratiquement qu’entre égaux, dans des relations informelles. Elles
ne sont pas systématiques.
Exemple :
A : Tiens qu’est-ce que vous faites là ? Bonjour Nathalie!
B : Bonjour! Moi non plus je pensais pas vous rencontrer là!
A : Oh t’es déjà là! Salut!
B : Ben, j’étais à l’heure, moi!
1.2. Les salutations :
Elles sont obligatoires dans la majorité des cas, sauf dans celui des
participants de type improbable, on trouve alors à la place des procédures
d’abordage: par exemple, pour demander son chemin, on ne dira pas «
Bonjour », on produira plutôt une excuse avant d’exprimer sa requête. Les
salutations se présentent toujours par paires. Si elles ne sont pas rendues, il y a
74
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transgression de la règle et cela entraîne des conséquences sur le plan social :
on est fâché, on fait une remarque.
Exemple:
A et B se croisent dans un couloir. B ne répond pas au “bonjour” de A.
A : alors on dit pas bonjour ce matin ?
B : oh pardon, je vous avais pas vu, j’étais distrait… excusez-moi. Ça va ?
Le transgresseur doit réparer, même dans les cas où la non-réciprocité est
accidentelle, comme dans l’exemple ci-dessous où la réparation prend la
forme d’une justification assortie en plus d’un compliment :
Exemple :
C et P arrivent chez leur soeur L qui est au téléphone au moment où elles
sonnent à la porte. Elle fait des sourires et des petits signes tandis qu’elle finit
sa communication, puis elle dit bonjour et fait la bise aux arrivantes.
C : bonjour quand même!
L : mais j’t’ai dit bonjour…non si j’t’ai dit bonjour
C : non
L : si… j’ai fait la bise à P et puis j’t’ai dit bonjour… t’es très jolie en tout
cas!
Les salutations ont deux fonctions possibles, qui peuvent être distinctes
mais qui sont souvent combinées : celle de confirmer le lien social entre les
participants, c’est le cas du « bonjour/bonsoir » que peuvent échanger par
exemple des voisins qui se croisent et qui ne vont pas nécessairement aller au-
delà de cet échange de salutations, on dit alors qu’elles sont orientées vers
l’arrière (vers le passé) et celle de donner accès à la personne, de rendre
possible l’interaction, c’est le cas par exemple des situations dans les petits
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commerces où le but est de pouvoir formuler sa requête, on dit alors qu’elles
sont tournées vers l’avant (vers l’échange à venir).
Exemples
Vers l’arrière:
-salut! Ça va ?
-salut! Excuse-moi, j’ suis en retard…
-salut!
-salut! En forme ?
Vers l’avant:
Au guichet:
-bonjour! C’est pour une remise de chèque…
L’orientation peut être indiquée par un acte de langage différent de la
salutation mais présent dans son environnement immédiat : une excuse, un
terme d’adresse, une requête… Dans le cas ci-dessous, après les salutations
tournées vers l’arrière, c’est la salutation complémentaire sur le temps qui
annonce l’ouverture d’un thème de conversation :
Dans les deux directions:
A : ça va ?
B : oui, et vous ?
A : quel sale temps, hein!
B : ah là là, ne m’en parlez pas!
1.3. Les salutations complémentaires:
Elles peuvent comporter des questions sur la santé et/ou sur la santé des
proches. En principe, on attend une réponse positive, mais cela dépend du
degré d’intimité et des circonstances.
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Exemple:
A : tiens B, bonjour! Ça va ?
B : ben on fait aller comme toujours…et vous ?
A : en pleine forme, comme vous voyez… et vot’ femme ?
B : elle va bien, elle va bien, merci.
Contrairement aux salutations, les salutations complémentaires ne sont
pas systématiquement renvoyées, comme dans l’exemple ci-dessous ou la
question sur la santé n’est pas réciproque, l’interlocuteur préférant
enchaîner avec une remarque sur le temps :
Exemple :
A- Ça va ?
B- Ça va… t’as vu ce temps !
Les salutations peuvent également porter sur les voeux et les
compliments. Ils ne sont pas obligatoires mais assez fréquents. Les voeux sont
souvent liés au contexte, temporel notamment : « Bonne année ! », « Joyeuses
Pâques !» etc…Les compliments sur l’apparence sont plus ou moins attendus,
surtout s’il y a un changement par rapport à l’aspect habituel.
Exemple
A : bonne année!
B : bonne année!
C (à b) : ah! Tu t’es fait couper les cheveux, c’est chouette!
Toute salutation verbale s’accompagne de manifestations non verbales :
regard, sourire, poignée de main… La salutation peut même prendre une
forme exclusivement non verbale : hochement de tête, signe de la main. Le
choix entre, d’une part, les formules de salutation (« Bonjour », « Salut », «
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Coucou ») et d’autre part le type de contact physique (poignée de main,
accolade, bises…) dépend à la fois de l’âge, du sexe, du degré d’intimité, du
milieu social et bien sûr de la culture. Par exemple, la bise entre hommes est
courante en Russie, réservée à la famille et aux amis très proches chez les
Français, prohibée chez les anglo-saxons où elle est remplacée par une
accolade accompagnée de petites tapes dans le dos (les petites tapes sont
essentielles, elles sont la marque d’une relation amicale).
2. La séquence de clôture
Les premières études qui ont été consacrées aux clôtures ont montré
qu'une procédure particulière était utilisée pour y parvenir : les pré-clôtures.
Elles permettent de manifester une intention de clore (par exemple faire mine
de se lever, regrouper ses affaires, énoncer des marqueurs verbaux de clôture
comme « bon », « allez »). Les formules de clôture sont encore plus
incontournables que les salutations d’ouverture parce que :
c’est un moment important et délicat de l’interaction : il s’agit de
mettre fin à a conversation et cela fait peser une menace potentielle sur
la relation.
même dans le cas d’interlocuteurs qui ne se connaissaient pas au
départ, après avoir conversé, un lien, même provisoire, a été créé, et
l’on se doit de confirmer que l’on n’est plus tout à fait des étrangers :
par exemple, dans un train, on peut se lever et partir sans dire au revoir
à son arrêt si on n’a pas adressé la parole aux autres voyageurs mais pas
si on a échangé quelques propos, même limités, avec eux.
Les composantes récurrentes de la séquence de clôture sont:
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2.1. Les pré-clôtures:
Les pré-clôtures servent à préparer le terrain pour mettre fin à l’échange
en douceur. On en produit souvent plusieurs avant l’échange de salutations
finales.
Exemple: Conversation dans un Monoprix entre la cliente et la vendeuse
C : Vous soldez tout ça ?
V : Oui, à partir de vendredi…si-si vous voulez en profiter, i faut v’nir
vendredi matin, vous aurez du choix…
C : ah ben j’viendrai, y a souvent des choses intéressantes… oh là là, déjà
midi moinsdix, faut pas que j’traîne trop, ya les gosses…
V : c’est vrai, midi moins dix…
C : mais ici faut r’garder souvent, sinon y a des trucs bien, pis i disparaissent
toutd’suite
V :même pour nous, vous voyez, des fois on dit : on verra d’main, pis
l’lendemain…
C : la taille a disparu…
V : le-le truc qu’on voulait, il est vendu…
C : bon, j’y vais… au revoir madame!
V : au r’voir madame, à vendredi, venez le matin!
C :j’tâcherai!
Dans les visites, la politesse veut que ce soit toujours le visiteur qui initie
les pré-clôtures (on ne doit pas donner l’impression de vouloir mettre les gens
à la porte) et qui les accompagne de signes non verbaux montrant aussi qu’il
se prépare au départ : ranger ses cigarettes, changer de posture, etc…
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Exemple : C est la visiteuse chez L et J qui est absent. Puis J arrive.
L : bonsoir
J : bonsoir
C : salut
J : ça va ?
C : ouais. J’vais p’t’êt…j’m’en vais…(rires) puisque t’es arrivé=
J : =ah bon (rires)
C : non mais j’vais pas tarder
J : le diable est venu…l’ange reparti (rires)
C (rires): non j’veux pas trop traîner j’vois qu’c’est huit heures…c’est la
bonne heure.
J’vais rentrer…
Dans le cas des interactions relationnelles, les pré-clôtures sont très
souvent suivies du déroulement d’un certain nombre de thèmes. Leur rôle est
d’atténuer le côté menaçant de la rupture : on les appelle thèmes de relance.
Ce sont soit des thèmes déjà abordés dans la conversation qui sont repris, en
particulier la confirmation des accords et projets, soit des thèmes entièrement
nouveaux. L’exemple ci-dessous combine les deux
Exemple:
A : bon alors on fait comme ça hein ? On y va d’main et on s-heu-on
s’retrouve comme l’aut- comme d’habitude hein ?
B : d’accord à d’main et merci d’avoir appelé…
A : bon on s’téléphone hein? A bientôt Claire…
B : d’accord et merci [pour leu-
A: [mais non je t’en prie au revoir!
B : au r’voir! Attends attends dis, tu sais pour Hélène ?
A : nn-non non ? Quoi ?
B : ben elle est enceinte tiens!
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A : oh nooon! Mais- mais mais elle [a passé
B: [elle a passé l’âge, ben oui hhh elle est marrante celle
là non ?
A : ça faut dire faut dire…bon tu m’tiendras au courant hein? R’voir!
B : d’accord ahahah! Au r’voir!
2.2. Les remerciements et les excuses:
Ils ne sont pas systématiques mais tout-de-même très fréquents. Les deux
catégories sont très ritualisées, automatisées et utilisées conjointement de
manière presque interchangeable. Les excuses et les remerciements sont
systématiquement minimisés par le destinataire.
Exemples:
A : et merci pour le disque…
B : merci à vous!
A : j’vous en prie…[au revoir!
B : [au revoir, merci!
A : merci, au r’voir!
B:Au téléphone
A : d’accord à d’main et merci d’avoir appelé!
2.3. Les souhaits et les salutations finales:
Les salutations finales fonctionnent par paires, elles constituent le dernier
échange de la conversation. Les formules sont variées : au revoir, adieu, salut,
à plus, à d’main, bye… et peuvent être remplacées par des formules de
souhaits liées au contexte (« bon week-end ! », « bonne chance ! », « bon
courage ! »), ainsi que s’accompagner de formules de salutations par
procuration.
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Exemple :
A : au r’voir Véronique! Passez bonjour à votre mari…
B : j’y manquerai pas… et-et vous, vous faites une bise pour moi à Jacques et
à Jean- Louis! A bientôt!
A : au revoir!
B : au revoir!
Conclusion:
Les souhaits, les remerciements, les excuses, constituent tous des actes
rituels de la clôture : ils sont toujours présents, ou en tout cas un certain
nombre d’entre d’eux. Ils peuvent apparaître dans un ordre varié, et sont
souvent répétés plusieurs fois. Ils ne constituent pas nécessairement des
échanges complets (intervention initiative/intervention réactive) mais peuvent
s’enchaîner. Ils sont donc plus ou moins interchangeables et contribuent tous
à adoucir la séparation. Cependant le tout dernier échange est en général un
échange de salutations réciproques.
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Exercices récapitulatifs
Exercice 01 : Lisez attentivement les extraits ci-dessous puis répondez
aux questions proposées :
Extrait 01 :
1. A:Monsieur! Donnez-moi une carte, s’il vous plaît.
2. L:Voilà, Mademoiselle.
3. A:Merci.
4. C:Qu’est-ce qu’il y a à boire?
5. L: Il y a de la limonade, de l’eau minérale, du citron-pressé, du
chocolat...
6. C:Vous avez du sirop de fraise?
7. L:Non, je regrette.
8. A:Vouz avez du steak-frites? J’ai très faim.
9. L:Oui.
10. A:Chouette! Je prends un steak-frites et un jus de pomme, s’il vous
plait.
11. L:Et vous prenez?
12. C:Eh bien...Donnez-moi un sandwich au saucisson et une limonade,
s’il vous plaît.
13. L:D’accord.
Extrait 02 :
1. A: Comment tu trouves ça?
2. B: Oh, la quiche est délicieux! Et toi?
3. A: C’est pas bon.
4. B: Oh, dommage!
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5. S: Un moment, s’il vous plait.
6. A: Oh, là là! La serveuse est mauvaise!
7. B: Oui, elle n’est pas terrible.
8. S: Je suis désolée. Vous prenez?
9. B: Non, merci. Apportez-moi l’addition, s’il vous plaît.
10. S: Oui, tout de suite. Ça fait vingt-cinq euros.
11. A: Voilà, madame.
12. S: Merci, au revoir!
13. A: Au revoir!
Questions:
1. Découpez ces extraits par lignes en échanges.
2. Identifiez, dans chaque échange, les interventions réactives et celles
initiatives selon le cas.
Exercices 02 : F et S se sont rencontrés la veille au soir à l’occasion d’une
soirée. S est parti tôt alors que F a largement prolongé sa sortie nocturne. Le
lendemain S téléphone :
1 F- Allo ?
2 S- Salut, c’est S, ça va ?
3 F- Ça va et toi ?
4 S- Bien. T’as travaillé ce matin ?
5 F- Tu rigoles ou quoi ? J’ai dormi !
6 S- Tu m’étonnes ! Bon, ma soeur est là ?
7 F- Ouais, j’te la passe. Ciao.
8 S- Merci. Allez ciao à la prochaine.
Questions :
1. Relevez tous les indices de contextualisation de ce dialogue qui peuvent
vous aider à reconstruire le contexte de situation.
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2. A l’aide des informations données en accompagnement et des indices de
contextualisation trouvés dans le dialogue, définissez le contexte de situation
de cette interaction (participants, cadre spatio-temporel, objectif)
3. Faites le découpage en séquences de la structure globale de cette
interaction.
4. Analysez la séquence d’ouverture et la séquence de clôture : quels
éléments attendus ou non y trouve-t-on ?
Exercices 03 : Soit la conversation téléphonique suivante: Fateh et Salim se
sont rencontrés la veille au soir à l’occasion d’une soirée. Salim est parti tôt
alors que Fateh a largement prolongé sa sortie nocturne. Le lendemain Salim
téléphone :
1. F- Allo ?
2. S- Salut, c’est Salim
3. F- Ouai Salim, comment ça va ?
4. S- Ça va Fateh et toi ?
5. F- Bien
6. S- T’as travaillé ce matin ?
7. F- Ah non! Tu rigoles ou quoi ? J’ai dormi !
8. S- Tu m’étonnes ! Moi j’travaillé
9. F- Ben, moi j’ai pas dormi la nuit
10. S- Bon, moi aussi je suis fatigué, je vais me reposer
11. F- Ouai, surtout t’as travaillé
12. S- Ben, je te laisse
13. F- Au revoir
14. S- Allez au revoir à la prochaine.
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Questions :
1. Découpez-la en séquences par lignes (ouverture, corps de l’interaction,
clôture)
2. S’agit-il d’interactions à but transactionnel ou d’interactions à but
relationnel ? Justifiez votre réponse
3. Dites quelles sont les étapes qui constituent la séquence d’ouverture
4. Dites quelles sont les étapes qui constituent la séquence clôture
Exercices 04 : Soit la conversation téléphonique suivante :
1. A: Restaurant "Les Pins", bonjour.
2. B: Bonjour. Je voudrais réserver une table pour demain soir.
3. A: Pour combien de personnes?
4. B: Deux personnes.
5. A: A quelle heure comptez-vous venir?
6. B: Entre sept et huit heures. Est-ce que c'est possible?
7. A: Bien sûr. Je vous retiendrai une table à partir de 19 heures. A
quel nom, s’il vous plaît?
8. B: Romain.
9. A: Très bien, Monsieur Romain.
10. B: Parfait. Dites-moi, est-ce que nous pourrions avoir la petite table
dans le coin près de la fenêtre?
11. A: Pas de problème.
12. B: Merci bien. Au revoir.
13. A: Au revoir.
Questions :
1. Découpez-la en séquences par lignes (ouverture, corps de l’interaction,
clôture)
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2. Justifiez votre découpage : quels sont les critères qui vous ont permis de le
faire ?
3. S’agit-il d’interactions à but transactionnel ou d’interactions à but
relationnel ? Justifiez votre réponse
4. Définissez le contexte de situation (participants, cadre spatio-temporel,
objectif)
Exercices 05 : Découpez en séquences des trois exemples d’interaction dans
des petits commerces proposés ci-dessous. A partir de la comparaison de ces
différents cas, proposez un découpage-type des séquences de l’interaction
dans des petits commerces en précisant quelles sont les séquences obligatoires
et les séquences facultatives
Extrait 1 – Chez la boulangère
B- alors madame donc
Cl- oui euh la même chose
B- voilà quat'quatre vingt (tend le sachet)
Cl -merci (pose une pièce de 10 F)
B- merci à vous (rend la monnaie) et voilà dix merci madame au revoir
Cl -au revoir bonne journée
B -merci vous aussi
Extrait 2 –Chez la bouchère :
Bre: bonjour madame
Cl: bonjour madame ... je voudrais deux escalopes s'il vous plaît
Bre : deux escalopes oui:: épaisses
CL: non
Bre : pas trop épaisses..comme vous voulez (20s) quarante-six francs
soixante-quinze (la cliente lui tend un billet) quarante-six francs quatre-
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vingt..quarante-sept..huit ... et cinquante et cent deux cent ... merci madame
(lui rend sa monnaie)
CL5: merci madame
Bre : bonne journée
CL5: merci::
Br: au revoir madame
Extrait 3 – A la boulangerie
1 B- madame bonjour
2 C- je voudrais un pain aux céréales [s'il vous plaît
3 B- [oui
4 C- et une baguette à l'ancienne
5 B- et une baguette (bruit de sac en papier et de caisse enregistreuse) treize
Soixante-dix s'il vous plaît (.) merci... vous voulez me donner d'la monnaie
6 C- heu : vingt centimes c’est tout c'que j'ai
7 B- heu non ça va pas m’arranger merci (sourire)
8 C- excusez-moi
9 B- oh mais c'est rien j’vais me débrouiller alors sur deux cents francs ça fait
186-30…150 60 70 80 85 86…20 et 30 voilà on y arrive
10 C- je vous r’mercie
11 B- c’est moi… merci madame bon week-end au revoir
12 C- merci au r’voir
Exercices 06 : Analysez les chevauchements ou enchaînements dans les
extraits de conversation suivants. Dans quels cas s’agit-il de vraies
interruptions et dans quels cas remplissent-ils au contraire une fonction
interactionnelle et laquelle ?
Extrait 1 :
A la boulangerie.
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Boulangère- alors une [flûte
Client- [deux deux deux
Extrait 2 :
Visite entre amis. K a apporté chez J et L un gâteau qu’elle a confectionné
elle-même.
K mais j'sais pas [pourquoi i s'est- [i s'est CREUSÉ au milieu
L [c't'une merveille [
J [hmmmmmmm
L c't'une merveille de merveille !
Extrait 3 :
A la boulangerie.
C- et vous avez pas des baguettes euh normales non vous avez pas
B- ce sont des baguettes [normales
JL [c'est des baguettes normales
B- c'est du pain blanc hein sauf que donc c'est une farine qui [est
C- [ben donnez moi [des
B- [qui est
C- [flûtes là parce que là il y a vraiment
B- [pas additionnée du tout
C- que la croûte presque
Exercices 07 : Récit, rapporté par C. Kerbrat-Orecchioni (Les Actes de
Langage dans le Discours), d’une jeune fille d’origine coréenne, adoptée à
l’âge de dix ans, et se remémorant ce douloureux épisode qui se situe peu de
temps après son arrivée en France :
« Un jour, Maman m’a fait une faveur. Elle attendait, comme le
font tous les autres Français, le remerciement de ma part. A cette
époque, je ne le savais pas. Je me disais : " Pourquoi ? On dit merci
à Maman ? " Je n’ai rien dit. J’avais l’impression qu’elle était un
peu fâchée. Elle m’a pressée de répondre. Je n’ai toujours rien dit.
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Comment aurais-je pu prononcer le mot " merci " à Maman ? Ça ne
m’était jamais arrivé avant. Enfin elle s’est mise en colère. J’avais
vraiment peur. Mais je ne savais pas pourquoi elle était si nerveuse.
J’ai baissé la tête parce que je n’avais pas le courage de la regarder
en face. Elle m’a dit de lever la tête et de la regarder. J’ai fini par
fondre en larmes. Je sentais qu’elle me considérait comme une
"enfant terrible" ».
Question : S’agit-il dans ce récit d’un problème de compétence
linguistique ou de compétence communicative et pourquoi ?
Exercices 08 : Lisez attentivement le texte suivant, puis répondez aux
questions proposées :
La communication s’inscrit dans la tension entre l’Autre et le Même,
dans un espace qui se situe entre les deux pôles de l'identification totale ou de
l'altérité radicale. Avec le semblable, l'identique, la communication cède la
place à la communion, communion des regards, des sourires, des repas
partagés, des chants et rituels collectifs. Avec le totalement autre, l'étranger, la
communication est impossible : il n'a pas le même langage, les mêmes
valeurs, les mêmes habitudes ; on n'a rien à partager, rien à se dire (cette
limite est atteinte beaucoup plus vite qu'on ne pourrait le croire ; combien de
fois dans les groupes l'émergence d'une différence de perception,
d'appréciation ou de jugement semble devoir rompre complètement la
communication : « Si tu penses ça, si tu peux affirmer des choses pareilles,
alors ce n'est vraiment plus la peine de discuter, je n'ai plus rien à te dire »).
D’un côté, l'alter ego, le double qui réf1échit ma propre image ; de l'autre,
l'adversaire pour qui l'on ne ressent qu'aversion et qui devient vite l'ennemi à
rejeter ou à éliminer. Cette tension entre deux interlocuteurs suffisamment
proches pour que « le courant passe » sans se confondre complètement,
fournit son énergie à la communication ; elle explique la position paradoxale
de l'identité d'ètre à la fois ce qui permet et favorise la communication et ce
qui y fait obstacle.
L'identité, fondement de la communication
Il n'y a pas de communication en effet sans identité et identification des
personnes en présence ; les premiers contacts échappent difficilement à cette
déclinaison d'identité (qui suis-je ? qui es-tu ? ... ) qui est à la fois une façon
d'engager le contact et de le refuser ou du moins de le circonscrire. Je ne peux
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communiquer si je ne sais pas à qui je m'adresse et à quel titre. li s'agit de
cerner à la fois l'identité de l'interlocuteur et ce qui de ma propre identité
(sexuelle, sociale, professionnelle, nationale, idéologique...) va être convoqué
par notre échange.
L'identité est ici un élément de sécurisation, une façon de parer à
l'angoisse de l'inconnu, de la contenir par des repères et des limites. Elle
trouve une correspondance au niveau du discours dans « le lieu commun » qui
déploie un domaine familier de rencontre ; les figures stéréotypées et rituelles
de la conversation (le temps, le paysage, les voyages, la nourriture, les
nouvelles...) établissent un terrain relativement neutre et partagé où
l'interaction peut se nouer sans trop de risques. C'est la face positive du banal
- notion antagoniste de l'étrange - qui constitue l'un des socles de l'identité.
Notre sentiment d'identité tient en effet pour une part à ces rituels, à ces gestes
coutumiers, à ces lieux communs reconnus dans leur rassurante familiarité; il
y puise une impression d'invariance où chacun conforte la conscience de son
unité et de sa continuité au sein de milieux et de moments changeants. Le
banal constitue, comme l'identité, une limite et même un enfermement mais
aussi le fond sur lequel peut ressortir l’extraordinaire et la communication
s’ouvrir à l’échange et à l’étrange. Ainsi apparaît-il comme « le point
d’ancrage des « dérives » réelles ou imaginaires dont le projet ou l'obligation
(l’ « appel ») traverse l'individu dans les lieux où il se sent le plus identique à
lui-même. Si l'on hésite souvent à s'aventurer hors de cette coquille, à la fois
dure et fragile, malgré l'appel et la fascination de l'inconnu, c'est en partie «
par refus d'être entraîné loin du lieu où se forgent les significations principales
et récurrentes de sa vie ». C’est lorsque je suis suffisamment assuré dans mon
identité que je peux prendre le risque de l'exposer dans la communication où
elle peut être remise en cause, ébranlée ou modifiée. Si l'identité permet de
donner une figure aux interlocuteurs et de conjurer l'inconnu par le familier,
elle est aussi une façon d'harmoniser les attentes, les échanges et les
comportements. Le rapport qui relie les interactants dans leurs identités
respectives définit un canal, une sorte de « longueur d'onde » et des schèmes
relationnels qui facilitent l'ajustement mutuel. Ainsi la « galanterie » a
constitué pendant longtemps un modèle d'interaction privilégié entre hommes
et femmes ; il fournissait à la fois une définition de rôles (où l'empressement
conquérant et séducteur de l'un trouvait une réponse dans la coquetterie et la
réceptivité flattée de l’autre), un scénario (avec son but - la séduction - ses
étapes obligées, ses intrigues et ses stratagèmes) et une rhétorique (le
marivaudage).
Une fonction importante de la communication qui se joue à travers une
part non négligeable des échanges, est de confirmer implicitement (ou
d'infirmer) l'identité des interlocuteurs. Par leurs propos ou leur
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comportement, ceux-ci se donnent mutuellement une définition d'eux-mêmes
(qui se traduirait en clair par : « Voilà comme je vous vois et comme je me
vois ; comme je souhaiterais que vous me voyiez et que vous vous situiez par
rapport à moi et moi par rapport à vous »). L’autre peut alors accepter, refuser
ou corriger cette définition; il y a dans ce mouvement de confirmation, de
rejet ou de déni de l'identité, la base de la plupart des émotions que les gens
ressentent les uns vis-à-vis des autres et qui va de l'angoisse au plaisir, de la
joie à la colère, de l'amour à la haine.
Cette relation identitaire sert de soubassement à la communication et en
influence le contenu ; ainsi, bien des conflits d'idées, d'opinions,
d'interprétation, renvoient en fait à des conflits identitaires comme le note
justement Jeanne Krauss, dans une discussion, « il est patent qu'une
intervention indiquant que l'on n'a rien compris est plus courante en tant que
marque de désapprobation que de réelle incompréhension ».
Le mouvement d'identification est donc à la fois la condition et la visée
même de toute une part de la communication.
L'identité comme limite
Cependant l'identité peut apparaître aussi comme faisant obstacle à la
communication. Elle y apporte d'abord une limitation. En fonction de
l'identité de mon interlocuteur, un certain mode d'échange, un certain registre
de discours, certains thèmes vont me paraître « convenables » et d'autres non ;
l'identité des interlocuteurs définit ainsi pour l'un et l'autre un territoire de
parole et d'échange bien délimité et plus ou moins restreint.
Elle tend aussi à maintenir les échanges à un niveau relativement
préformé, et souvent stéréotypé (ainsi l'adulte face à l'enfant va très souvent
l'interroger sur l'école et sa réussite scolaire ; entre nationalités différentes, la
conversation portera sur des souvenirs touristiques ou des informations
concernant la culture étrangère, etc.). C'est dire que l'identité renvoie le plus
souvent à un rôle et que ce rôle implique, en interaction avec celui de
l'interlocuteur, un registre de communication préétabli et ritualisé.
L'expérience montre qu'il faut en général traverser et dépasser ce registre pour
établir une véritable communication où les personnes sont réellement
impliquées.
D'autre part, lorsque des groupes interagissent à partir de leur identité
sociale, c'est souvent une situation de confrontation qui s'instaure où il s'agit
moins de s'ouvrir à l'autre que de renforcer l'identité de son groupe face à l’«
adversaire » (celui qui est en face) qui représente toujours un danger potentiel
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de remise en cause de l'unité du groupe ou qui joue le rôle d’« identité
négative » sur lequel peuvent se projeter et s'évacuer les tensions internes du
groupe, les éléments inquiétants ou indésirables. Dans ce sens, la diversité des
identités nationales, qui peut apparaître dans un premier temps comme un
stimulant à la rencontre et un facteur d'enrichissement, se révèle très vite
comme un obstacle à une communication authentique. En tant qu'il est nié, cet
obstacle favorise des attitudes idéalisantes qui renforcent les rôles sociaux et
les relations factices. On peut remarquer d'ailleurs qu'en dehors des situations
qui formalisent et contraignent la communication interculturelle, la loi
d'homophilie reprend ses droits ; pendant les pauses, les repas, dans les
relations interpersonnelles, très souvent les stagiaires se regroupent par
nationalités ; si, dans les premiers temps, un « effort » est fait pour « mélanger
» les nationalités, au bout de quelques jours on se retrouve entre soi, à rnoins
que des liens affinitaires individuels se soient créés qui permettent de lever le
poids des identités nationales.
L'identité culturelle a donc dans la rencontre une fonction ambivalente;
comme toute identité sociale, elle permet de situer l'autre, de s'en faire une
certaine image, d'anticiper ses comportements et ses attitudes; elle facilite
donc la communication et suscite un mouvement de curiosité (d'où l'illusion
qu'à l'étranger les gens sont plus communicatifs, plus liants). Mais très vite
elle révèle sa valeur défensive. Rencontrer l'autre en tant qu'objet de curiosité,
c'est éviter de le rencontrer en tant que sujet, en tant qu'« alter ego » avec qui
la confrontation et le conflit sont possibles ; c'est éviter d'une certaine façon la
relation de personne à personne. Comme le note subtilernent J. Kristeva : «
Reconnaissance réciproque, la rencontre doit son bonheur au provisoire, et les
conflits la déchireraient si elle devait se prolonger».
C'est pourquoi l'identité culturelle a un rôle sécurisant; elle permet de
cadrer, de limiter la communication et de fournir des explications
rationalisantes aux incompréhensions et aux difficultés de l'échange (« les
Allemands n'ont pas le sens de l’humour », « les Français se perdent toujours
dans des débats théoriques », « les Arnéricains sont de grands enfants », etc.).
A un moment ou l'autre, ce genre de rationalisation fait presque toujours
résurgence.
« Identité et communication », extrait de La
communication interculturelle, J. R. Ladmiral et
E. M Lipianski, Paris, A. Colin, 1989, 144-149.
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Questions:
1. En quoi ce texte montre-t-il bien l’importance de la compétence
communicative (par opposition à la compétence linguistique) pour pouvoir
communiquer avec succès dans la rencontre interculturelle?
2. Après avoir lu ce texte et le cours de l’analyse des conversations, en quoi
l’identité vous semble-t-elle être une question individuelle d’ordre
psychologique et en quoi est-elle un produit « social »?
Exercice 09: En vous appuyant sur ce que vous avez appris dans le cours, à
quels domaines d'études du langage ou de la langue appartiennent les analyses
des faits suivants ?
1. La liste des synonymes du mot «enfant».
2. Les désinences -a, -a, -am, -ae, -ae, -a des différents cas de la première
déclinaison en latin.
3. L'analyse de la façon dont les journalistes utilisent «on» et «nous» dans
des articles de presse et qui exactement représentent ce «on» et ce «nous».
4. Une règle du type : pour produire une voyelle nasale, il faut expirer l'air
par le nez au lieu de par la bouche uniquement
5. Les règles d'accord du participe passé.
6. L'étude du choix des termes d'adresse qu'utilisent des interlocuteurs les uns
à l'égard des autres et ce que cela révèle sur la nature de leur relation
7. La règle du type : en français quand un mot se termine par une voyelle
prononcée, cette voyelle est toujours courte, jamais allongée. ex : bon,
beau, joue, plat.
8. Les éléments linguistiques qui permettent de différencier un récit d’une
description
9. L'analyse des différentes façons de faire un compliment et des différentes
réactions possibles.
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10. Les moyens utilisés pour exprimer la fonction des mots dans l'énoncé : “Il
a raté son train à cause des travaux de construction du tramway”
11. L'ensemble de tous les mots qui peuvent servir à désigner une habitation.
12. L'analyse des différentes stratégies de politesse que l'on peut utiliser pour
faire une requête
13. La mise en évidence des variantes de signifiant al- («nous allons»), v-,
(«je vais»), ir- («elle ira») du verbe aller.
14. Les conditions d'emploi de l'imparfait, du passé simple et du passé
composé dans un récit. 15- L'étude le la cohérence interne d'un texte.
Exercice 10: Lisez les extraits ci-dessous, et interprétez les échanges
réparateurs selon le modèle proposé pour l’extrait 01 :
Extrait 01 : L: Lise, R :Robert
L : j'ai remarqué que t’as pas bien mangé aujourd'hui, tu veux des œufs ?
R : non, merci infiniment, je préfère ne pas en manger.
Dans cet extrait, le remerciement produit par Robert a une fonction classique
qui est celle de préserver la face de son interlocuteur, en lui évitant de se
sentir inférieur en proposant des services, la production de ce remerciement
vient en compensation de l'effort produit par Lise.
Extrait 02 :R : Régine B : Nathalie
R : j'ai vu cette femme c'est une vieille prétentieuse.
B : donc tu savais pas que c'était la mère de mon mari.
R : quoi ? Elle l’est vraiment ?...euh, je m'excuse, à vrai dire j’savais pas,
j'espère que t’es pas offensé.
Extrait 03 :A : le père B : l'enfant C : l'ami du père
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C : qu'est-ce que tu dis mon petit si on part toi, moi et ton papa faire du
camping rien que nous ?
B : oui, comme la fois passée quand vous m'avez promis de le faire ? Sans le
faire.
A : Eh, petit on dit merci à ton oncle.
B : merci de tes promesses !
Extrait 04 :Interaction téléphonique entre amis : F est parti en vacances sans
prévenir L :
L :On m’avait dit q’ tu es en vacances. Hein
F :Ben, oué, j’ pensais q’tu serais pas dispo …donc
L : … oui, oui , merci d'avoir pensé à moi.
F : Eh ,non , en effet, t’énerve pas , c'était pas ce que je voulais.
L : Oui, toi, t’es toujours généreux en voici la preuve.
Exercice 11: Interprétez les exemples ci-dessous en expliquant la
dimension culturelle véhiculée.
Exemple 01 : Les règles de fonctionnement des conversations, leurs
déclencheurs et même leurs réalisations ne sont pas universelles : elles varient
sensiblement d'une société à une autre, ainsi qu'à l'intérieur d'une même
société : selon l'âge, le sexe ou l'origine socio - géographique des
interlocuteurs. Pour illustrer ce point de vue nous utilisons la recommandation
suivante, extraite d'un ouvrage destiné aux futurs professionnels de la vente :
« Un enfant est toujours gêné de devoir répéter un mensonge lorsque ses
parents lui demandent de le faire en les regardant dans les yeux.
Vous, vous ne mentez pas à vos clients. Alors, regardez – les.
Regardez- les lorsque vous leur parlez.
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Regardez- les lorsqu'ils vous parlent
Regardez- les ! Un regard franc et direct renforcera vos paroles. Il donnera
confiance à vos clients »1.
Exemple 02 : En Afrique par exemple, les questions de salutations portent sur
la santé non seulement de l'interlocuteur, mais aussi de son entourage au
grand complet:
« Au Ghana, une ouverture de conversation comporte typiquement la routine
suivante : comment va ta famille ? Alors quand je suis arrivé en Suisse, cette
question est une des premières que j'ai dites à mon amie suisse. Elle a eu une
réaction d'hésitation avant de me répondre, elle a commencé à me donner des
nouvelles très précise de son père, de son frère, de ses cousins, etc. Cela m'a
choquée parce que je ne voulais pas qu'elle me raconte toute sa vie. La
question sur la famille est une routine, ce qui signifie que le locuteur ne
s'attende pas à ce qu'on lui raconte le détail de ce qui est arrivé à la famille
mais attend à une réponse elle aussi ritualisée, à savoir par exemple : ça va
bien »3.
Exemple 03 : Ci-dessous, un extrait d’une étudiante espagnole qui parle
des normes sociales en France et en Espagne :
«…Une étudiante espagnole en France déclare que : quand ils (les Français) te
passent l'eau ou le sel il faut que tu dises, à toute heure, « merci » si tu ne le
dis pas ils te remarquent... Je ne sais pas moi si je le fais chez moi ils rient, tu
pourrais me passer l'eau s'il te plaît - merci, chez moi ils se moquent et nous
maintenons le même respect non ? Merci ce n’est pas manifester du
respect... »
Kerbrat - Orecchioni, C., (1994 : 85)
1
- ROGES George, « tout ce que vous devez savoir pour vendre plus », éditions Chotard , 1983.page 111.
3
- Exemple cité par Kerbrat-Orecchioni dans : «Les interactions verbales », tome 03 (Armand Colin, 1984)
sous-titré : « Variations culturelles et échanges rituelles ».
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Exercice 12: Lisez attentivement les extraits ci-dessous puis répondez aux
questions proposées :
Extrait 01 :
1. A : Bonsoir Monsieur Dame. Vous désirez?
2. B: Bonsoir. Pour commencer, deux verres d'eau minérale.
3. A: Plate ou gazeuse?
4. B: Plate, s'il vous plaît. Pourriez-vous aussi nous apporter la carte?
5. A: Bien volontiers.
6. B : Merci
7. A: Vous avez fait votre choix?
8. B: Pas encore. Votre carte est tellement bien fournie qu'on n'arrive pas
à se décider.
9. A: Est-ce que vous avez vu aussi nos spécialités d'épinards?
10. B: Des épinards? Non.
11. A: Je vous les recommande tout particulièrement. Ils nous arrivent
fraîches du village voisin. Le paysan va les récolter tous les matins dans
son champ.
12. B: Oui, finalement ça me changerait un peu. Je suppose qu'il n'y en aura
plus très longtemps.
13. A: Vous avez raison. La saison des épinards tire à sa fin.
14. C: Bon, alors je vais prendre des épinards, avec une sauce hollandaise.
Et avec cela, j'aimerais bien un blanc sec
15. A: Et pour vous, qu'est-ce que ce sera?
16. C: Je vais prendre un carré d'agneau et, en hors-d’œuvre, une petite
salade composée.
17. A: Et que désirez-vous boire?
18. C: Quel jus me conseillez-vous?
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19. A: Désirez-vous un jus de raisin?
20. C : J'aimerais mieux du coca.
21. A: Est-ce que je peux vous proposer un petit dessert? Voici notre carte.
22. B: Non, merci. En revanche, nous prendrions bien un expresso.
23. A: Deux expressos, très bien.
24. C: Ah non, attendez, je viens de voir que vous aviez des fraises.
25. A: Oui, nous avons des fraises fraîches à la Chantilly ou avec de la
glace à la vanille.
26. C: Alors nous prendrons des fraises à la Chantilly.
27. A: Je vous apporte les expressos après les fraises?
28. B: Oui, ce serait gentil
29. A: J'arrive tout de suite
Extrait 02 :
1. A : Bonjour
2. B : Bonjour Madame. Que se passe-t-il ?
3. A : J'ai acheté une nouvelle machine à laver.
4. B : Bien ! Et ?
5. A : Quand j'ai voulu la faire fonctionner, il n'y avait plus d'électricité.
6. B : Dans toute la maison ?
7. A : Non, dans le garage
8. B : Avez-vous contrôlé les fusibles ?
9. A : Non, mais la boîte à fusibles se trouve ici, dans le couloir.
10. B : Voyons cela. Voilà le fusible pour votre garage, il est mis vers le
haut, normalement, il doit se trouver en position vers le bas, j'essaie....
et c'est réussi !
11. A : Vous êtes le meilleur électricien de notre ville !
12. B : Ah ! ces femmes !
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Questions :
1. Identifiez les participants dans ces deux extraits.
2. Dégagez le cadre spatio-temporel.
3. Quel est l’objectif dans chacun de ces deux extraits ?
4. S’agit-il d’interactions à but transactionnel ou d’interactions à but
relationnel ? Justifiez votre réponse?
Exercice 13: Expliquez le passage ci-dessous :
Pour Vion, R. la conversation est « une apparente « informalité’ » de
fonctionnement, reposant sur une relation interpersonnelle, sur son caractère
« spontané » et « quotidien », sur le caractère ouvert du contrat de parole,
sur l’implicite des règles de circulation de la parole, sur l’absence de but
explicite et thème imposé » (2000 :135).
Exercice 14 : Analysez les chevauchements et les interruptions dans l’extrait
ci-dessous :
M1 :’omar + peut etre omar il va le proposer
O2 : oui
M3 : bonsoir omar
O4 : bonsoir mehdi
M5 : omar de boumerdes
O6 : a :: je ne suis pas de boumerdes je suis actuellement à boumerdes
M7 : ah vous ê(tes) éh vous appelé de boumerdes en ce moment
O8 : oui exactement
M9 : v : ‘vous dans la communication quel type de communication si omar
O10 : +euh la télécommunication
M11 :’comment
O12 : la télécommunication mehdi
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M13 : euh c'est-à-dire la télécommunication vous êtes dans les télécoms
O14 : voi:là exactement une boite de télécommunication multinationale oui
M15 : ah boite de :: d’accord ok ok d’accord multinational :
O16 : exactement
M17 :’et son directeur il est de quelle nationalité
O18 :’le directeur
M19 :’il est de quelle nationalité
O20 : euh il est
M21 : ’il est++ allo il est plus (rire) euh voilà donc en parlant de
communication on voulait avoir une
petite réponse+ voilà euh Omar je crois que : je ne sais pas qu’est-ce-qui-se
passe Omar ‘il revient là ‘qu’est-ce-qui-ce passe++ la communication entre
nous et Omar est rétablie
Exercice 14 : Soit la conversation téléphonique extraite d’une émission
diffusée par la chaine radiophonique algérienne « Alger chaine trois »:
1. M - ↑allo yasser
7. Y- ↑oui mehrez
8. M- ouai :: comment ça va?
9. Y - ça va :?
5. M- bien ::
6. Y - eh ben ça c’est pas facile de : de vous joindre hein !
7. M - ça va, vous nous avez rejoint c’est le plus important
8. Y- merci
9. M - vous faites quoi dans la vie yasser ?
10. Y - je suis un taxieur
11. M - ah vous êtes un chauffeur de taxi d’accord ok
12. Y - oui
13. M - elle était bonne la recette du jour ?
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14. Y - pardon ?
15. M - est-ce qu’elle est bonne la recette d’aujourd'hui ?
16. Y - non non ça ça c’est ça a été bien c’est une bonne journée
17. M - ah c’est une bonne journée tant mieux
18. Y - une bonne journée parce que demain c’est [lmulud] (le jour férié du
mouloud)hein
19. M - eh ben [ħəmdulɛ’h](Louanges à Dieu)
20. Y - tout le monde [muludəkomməbruk ](Que votre fête du Mouloud soit
bénie)hein
21. M - ↑merci beaucoup
22. Y - au revoir mehrez.
23. M- Salut yasser [muludəkməbruk] (Que votre fête du Mouloud soit
bénie)
Questions :
1. Découpez-la en séquences par lignes (ouverture, corps de l’interaction,
clôture)
2. Justifiez votre découpage : quels sont les critères qui vous ont permis de le
faire ?
3. Dites quelles sont les étapes qui constituent les séquences d’ouverture et
de clôture.
Exercice 15: Expliquez ce qui suit en vous appuyant sur des exemples précis:
La conversation ne semble pas être un discours qui peut être simplement
considéré comme une unité linguistique. La décrire en termes purement
linguistiques se heurte à deux de ses caractéristiques : elle est de façon
inhérente contextuelle, elle est construite par et dans l’interaction sociale.
Exercice 16: Expliquez se qui suit en vous appuyant sur des exemples précis :
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- Selon Catherine Kerbrat-Orecchioni, l’analyse conversationnelle aurait
pour objectif « de dégager les règles et principes qui sous-tendent le
fonctionnement des conversations, et plus généralement, des différents
types d’échanges communicatifs qui s’observent dans la vie quotidienne »
- Les règles de fonctionnement des conversations ne sont pas universelles :
elles varient sensiblement d’une société à une autre, ainsi qu’à l’intérieur
d’une même société : selon l’âge, le sexe ou l’origine sociogéographique
des interlocuteurs
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