Le Développement de Système Nerveux
Le Développement de Système Nerveux
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REVUE GÉNÉRALE
P. Gressens
MOTS CLÉS Résumé Le développement cérébral résulte de la réalisation de programmes génétiques suc-
Période critique cessifs aux différentes étapes ontogéniques. Les principales étapes du développement cérébral
(psychologie) ; comportent la production de neurones, leur migration, la mort programmée d’une proportion
Synapses ; significative de neurones, la production des axones et dendrites, l’élimination des neurites
Neurones ; excédentaires, la synaptogenèse, l’élimination et la stabilisation sélective des synapses où
Microglie ; la microglie joue un rôle central, la production des astrocytes et des oligodendrocytes, la
Inflammation myélinisation et l’angiogenèse. Ces différentes étapes du développement et de la matura-
neurogénique tion du cerveau sont contrôlées par les facteurs intrinsèques (génétiquement déterminés) et
modulés par des facteurs extrinsèques environnementaux. Cette modulation par les facteurs
d’environnement peut mettre en jeu des mécanismes épigénétiques.
© 2021 l’Académie nationale de médecine. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Brain development results from the realization of successive genetic programs at
KEYWORDS different ontogenic stages. The main stages of brain development include the production of
Critical period neurons, their migration, the programmed death of a significant proportion of neurons, the
(psychology); production of axons and dendrites, the elimination of excess neurites, synaptogenesis, the elimi-
Synapses; nation and selective stabilization of synapses where microglia play a central role, the production
https://doi.org/10.1016/j.banm.2021.05.014
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III et II, selon un gradient dit interne-externe [9]. Jusque La mort cellulaire programmée est un mécanisme
récemment, on considérait que la migration des neurones complexe qui implique une balance entre des signaux de
pour le néocortex était terminée aux alentours de la 24e mort et des signaux de survie, des programmes génétiques
semaine de grossesse [10]. Cependant, des travaux récents de mort et de survie, des effecteurs de mort cellulaire
suggèrent que l’équipement en interneurones GABAergiques et des inhibiteurs de ces effecteurs [17]. Sous l’influence
du néocortex continue à s’enrichir pratiquement jusqu’au d’une combinaison de facteurs endogènes et exogènes, des
terme [11]. Dès lors, une naissance prématurée pour- programmes génétiques sont activés (d’où le nom « mort
rait avoir un impact sur cette migration tardive [12]. De cellulaire programmée ») et sont capables de déborder les
façon intéressante, dans un modèle de prématurité chez le mécanismes de défense naturelle du neurone. La cellule,
babouin, il a été montré une raréfaction des interneurones une fois morte, est rapidement phagocytée par les cellules
dans le cortex occipital primaire par rapport à des fœtus de gliales avoisinantes sans induire de phénomène inflamma-
même âge développemental [13]. toire ou de processus de cicatrisation. Dans ce processus
De nombreuses molécules impliquées dans le contrôle de de mort cellulaire, l’activation en cascade de caspases
la migration et de l’adressage neuronaux ont été identifiées. (enzymes protéolytiques) est une étape clé aboutissant à
Ces molécules peuvent être divisées de façon schématique la fragmentation de l’ADN et la mort du neurone.
en quatre catégories [14,15] : L’activité électrique semble être un facteur critique
pour la survie neuronale. Durant la période de pic de
• des molécules du cytosquelette qui jouent un rôle impor- croissance cérébrale chez le rongeur, l’administration
tant dans l’initiation et la progression (extension du de substances bloquant l’activité électrique induit une
prolongement apical et nucléokinèse) du mouvement neu- aggravation majeure de la mort neuronale développemen-
ronal. Les molécules contrôlant l’initiation comprennent tale dans différentes régions cérébrales. Ces substances
la filamine-A (une protéine se liant à l’actine et impli- comprennent des inhibiteurs des récepteurs NMDA (MK-
quée dans les hétérotopies périventriculaires nodulaires) 801 ou kétamine), des agonistes des récepteurs GABA-A,
et Arfgef2 (molécule jouant un rôle dans le trafic vésicu- tels des antiépileptiques (phénytoïne, phénobarbital, diazé-
laire et impliquée dans les hétérotopies périventriculaires pam, clonazépam, vigabatrin, ou acide valproïque), et des
nodulaires associées à une microcéphalie). Les molécules anesthésiques (combinaison de midazolam, oxide nitrique et
contrôlant la progression comprennent la doublecortine isoflurane) [18].
(une protéine associée aux microtubules — MAP — impli-
quée dans le double cortex), Lis1 (une MAP impliquée
Organisation du système nerveux central
dans la lissencéphalie de type 1 et le syndrome de
Miller—Diecker) ou l’alpha-tubuline-1 (impliqué dans la
formation d’hétérodimères de tubuline ; Neurones de la sous-plaque
• des molécules de signalisation qui jouent un rôle dans la
lamination. Ces molécules comprennent la Reeline (glyco- Les neurones de la sous-plaque constituent une structure
protéine impliquée dans une maladie humaine combinant transitoire au cours du développement cérébral [19]. Les
une lissencéphalie et une hypoplasie cérébelleuse) ; neurones de la sous-plaque sont générés vers 7 semaines
• des molécules modulant la glycosylation qui four- de grossesse et la sous-plaque apparaît vers 10 semaines de
nissent un signal stop aux neurones en migration. grossesse. Cette structure localisée sous la plaque néocorti-
Ces molécules comprennent la POMT1 (protéine cale atteint son épaisseur maximale entre 22 et 36 semaines
O-mannosyltransférase associée au syndrome de de grossesse. La sous-plaque est présente chez le nouveau-
Walker—Warburg), la POMGnT1 (protéine O-mannose né prématuré mais a disparu chez le nouveau-né à terme.
bêta-1,2-N-acetylglucosaminyltransferase impliquée Les neurones de la sous-plaque expriment différents neu-
dans la maladie muscle—œil—cerveau), et la Fukutine rotransmetteurs, neuropeptides, et facteurs de croissance.
(une glycosyltransférase impliquée dans la dystrophie Ils reçoivent des synapses et forment des connexions avec les
musculaire de Fukuyama). Ces trois maladies humaines structures corticales et sous-corticales. Ces neurones jouent
présentent une lissencéphalie de type 2 ; d’importants rôles durant le développement cérébral : (i) ils
• en plus de ces trois groupes principaux de molécules, produisent des axones pour la capsule interne qui joueront
d’autres facteurs peuvent moduler la migration neu- un rôle de guidance pour les axones issus des neurones des
ronale, tels certains neurotransmetteurs (glutamate et couches V et VI ; (ii) entre 25 et 32 semaines de grossesse,
GABA), des molécules dérivées du métabolisme peroxy- ils produisent des axones pour le corps calleux ; et (iii) ils
somal et certains facteurs environnementaux (éthanol et constituent une zone d’attente pour les axones thalamo-
cocaïne). corticaux (avec lesquels ils établissent des synapses) avant
que ces derniers n’envahissent la plaque néocorticale pour
atteindre la couche IV. Cette zone d’attente est nécessaire
Mort neuronale programmée pour le ciblage adéquat des afférences thalamocorticales.
Les neurones de la sous-plaque peuvent être détruits
Selon la région cérébrale considérée, entre 15 et 50 % des chez les nouveau-nés prématurés présentant des lésions
neurones initialement produits vont mourir par un processus de la subtance blanche périventriculaire [20]. Ces données
physiologique appelé mort cellulaire programmée ou apop- ont été confirmées dans des modèles animaux de lésions
tose. Environ 70 % de ces neurones qui vont disparaître de la substance blanche périventriculaire [21,22]. Cette
semble mourir entre 28 et 41 semaines de grossesse chez atteinte de la sous-plaque pourrait participer aux anoma-
l’homme [16]. lies des connections thalamocorticales récemment mises en
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évidence par IRM chez le prématuré [23] et ainsi contribuer de la 6—8e semaine de grossesse et limitée aux couches
aux troubbles cognitifs et/ou moteurs. profondes telles la sous-plaque ; (ii) une seconde phase
débutant vers 12—17 semaines de grossesse avec relative-
Croissance axonale et dendritique ment peu de synapses produites dans le cortex ; (iii) une
troisième phase débutant vers la mi-grossesse et s’achevant
aux environs du 8e mois postnatal ; cette phase est caractéri-
La morphologie finale des neurones et la formation de
sée par un taux de production de nouvelles synapses estimé à
connections entre neurones dépend d’interactions cellu-
40 000 par seconde chez le singe ; (iv) une quatrième phase
laires complexes. Les neurones matures développent des
s’étendant jusqu’à la puberté et caractérisée par un taux
dendrites et des axones. Parallèlement, les axones en crois-
de production synaptique élevé ; et (v) une dernière phase
sance vont migrer vers leurs neurones cibles qui sécrètent
s’étendant jusqu’à l’âge adulte mais, en quelque sorte, mas-
des facteurs chimio-attractifs ou chimiorépulsifs, des molé-
quée par la perte importante de synapses liée à l’âge. Même
cules d’adhésion, pour former des synapses. Ces facteurs
si cette dernière phase de production de synapses est moins
chimio-attractifs ou de chimiorépulsifs, molécules de gui-
importante en termes quantitatifs, elle permet néanmoins
dance axonales, vont interagir avec les récepteurs présents
une certaine plasticité des réseaux neuronaux tout au cours
sur le cône de croissance et induire l’attraction ou le retrait
de la vie. Expérimentalement, ces deux premières phases
du cône de croissance. L’interaction entre ces différents
ne sont pas influencées par la déprivation en stimuli senso-
ligands et leurs récepteurs conduit à des modifications cal-
riels. La troisième phase est en partie dépendante de l’input
ciques au niveau du cône de croissance, jouant un rôle clé
sensoriel tandis que la quatrième phase est fortement sous
dans la motilité et l’orientation du cône de croissance. Cette
le contrôle des stimuli sensoriels et de l’expérience.
étape ontogénique survient largement, mais pas exclusive-
ment, durant la deuxième moitié de la grossesse et s’étend
dans la période postnatale. Prolifération gliale, différenciation et
Les projections corticospinales naissent précocement de myélinisation
la sous plaque et ensuite des neurones qui vont être ame-
nés à peupler les couches profondes (V, VI). Les projections Astrocytes
corticothalamiques apparaissent à partir également de la
sous-plaque et des couches profondes du cortex. Les pro-
Les astrocytes néocorticaux ont deux origines [27]. À la
jections corticocorticales apparaissent plus tardivement.
fin de la migration neuronale, les cellules gliales radiaires
Il a été démontré qu’un certain nombre de facteurs
(cellules souches neurales et jouant également un rôle
de transcription régulait les projections commissurales,
dans le guidage des neurones en migration) se transforment
corticothalamiques, et corticospinales du cortex. Bien
en astrocytes, qu’on retrouvera essentiellement dans les
que les programmes géniques contrôlent les mécanismes
couches corticales profondes et la substance blanche. En
moléculaires de croissance axonale et dendritique et déter-
contrepartie, les astrocytes des couches corticales superfi-
minent le patron initial des connections, l’expérience et
cielles dérivent principalement de précurseurs gliaux qui se
l’environnement vont ensuite sculpter les connections défi-
multiplient dans la SVZ et ensuite migrent dans le cortex.
nitives au départ de ce patron global (plasticité cérébrale).
Dans le néocortex humain, la prolifération astrocytaire
commence probablement aux alentours de la 24e semaine
Synaptogenèse de grossesse, avec un pic vers 26 à 28 semaines. La date
exacte de la fin de production des astrocytes n’est pas
Le concept de stabilisation synaptique (avec l’élimination connue, mais on peut supposer que la majorité de la pro-
des synapses non stabilisées) a été proposé par Chan- duction astrocytaire est terminée à la fin de la grossesse
geux et Edelman [24]. De façon schématique, au cours normale. Ce pic de production astrocytaire aux alentours
du développement cérébral, il y a des phases successives de 26—28 semaines peut être particulièrement important
de surproduction de synapses labiles, aboutissant à des pour les nouveau-nés prématurés. En effet, les astrocytes
connexions redondantes et ce de façon assez aléatoire. jouent plusieurs rôles importants, incluant la guidance
Cette étape est largement contrôlée par des facteurs géné- axonale, la stimulation de la croissance des neurones, la
tiques. Chaque vague de surproduction est suivie par une formation synaptique, le transfert de métabolites entre
période de stabilisation des synapses qui ont une valeur les vaisseaux sanguins et les neurones, l’établissement du
fonctionnelle et une élimination des synapses redondantes patron de certaines structures cérébrales, la production de
ou inutiles. Cette période de stabilisation et d’élimination composants de la matrice extracellulaire, la production de
est fortement influencée par les stimuli environnementaux facteurs trophiques, la survie neuronale, la myélinisation,
et l’expérience. Dans ce modèle, un accroissement modéré et la participation à la barrière hématoencéphalique. Par
du nombre de gènes impliqué dans la synaptogenèse au cours exemple, le blocage expérimental transitoire de la produc-
de l’évolution aboutit à un substrat plus riche sur la base tion astrocytaire dans le néocortex des rongeurs induit une
duquel l’environnement et l’expérience pourront produire augmentation de la mort cellulaire programmée des neu-
un réseau plus complexe. rones et des changements à long terme dans l’équipement
Au niveau du néocortex occipital du singe, cinq vagues synaptique néocortical [28].
successives de synaptogenèse ont été décrites [25]. Sur Des données récentes issues d’études transcriptomiques
base de données obtenues dans le cortex occipital humain et fonctionnelles suggèrent que les astrocytes peuvent
[26], la chronologie suivante est proposée pour le cortex acquérir différents phénotypes (beaucoup plus complexes
humain : (i) une première phase débutant aux environs et diversifiés que la description initiale, sur base de leur
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morphologie, des astrocytes fibreux et protoplasmiques), amniotique et envahissent à partir de ce pool le cerveau
qui dépendent des contextes physiologiques et patholo- en développement [37]. Durant le premier trimestre de la
giques auxquels ils sont confrontés [29]. Ces différents grossesse chez l’homme, les microglies qui pénètrent dans le
phénotypes peuvent être soit bénéfiques, soit toxiques pour cerveau ont une morphologie amiboïde. Cette morphologie
les cellules neurales avoisinantes. évolue progressivement vers un phénotype intermédiaire,
puis mature, avec un petit corps cellulaire et de longs pro-
Oligodendrocytes et myélinisation longements. À la moitié de la grossesse, les populations de
microglies sont principalement détectées au niveau des fais-
ceaux de substance blanche, tels les capsules internes et
Les oligodendrocytes peuvent être divisés en quatre types
externes, le corps calleux et les carrefours de faisceaux
de cellules en fonction de leur degré de maturation :
axonaux [38]. C’est précisément au niveau de ces régions
à forte densité microgliale que les grands prématurés pré-
• les précurseurs proviennent de la ZSV et sont bipolaires et
sentent le plus de lésions de la substance blanche [13]. Les
mitotiquement actifs. Ils sont produits durant les derniers
données neuropathologiques et expérimentales supportent
mois de la gestation et dans la période postnatale pré-
l’hypothèse que ces microglies jouent un rôle important
coce. La différenciation en préoligodendrocytes survient
dans la genèse de ces lésions [39]. L’inflammation systé-
pendant la migration dans la substance blanche ;
mique fréquemment observée chez les grands prématurés
• ces derniers sont des cellules multipolaires gardant une
va se propager au niveau du cerveau via les microglies.
capacité proliférative. Ce second type de cellules est pré-
Ces microglies ont en fait deux rôles : i) protéger le cer-
dominant dans la substance blanche périventriculaire au
veau contre les virus et bactéries ; ii) participer de façon
cours de la seconde moitié de la grossesse ;
centrale à l’élimination des neurones, neurites et synapses
• l’oligodendrocyte immature est une cellule multipolaire
excédentaires (phénomènes physiologiques de remodelage
qui apparaît au cours du troisième trimestre et qui
synaptique et neuritique) au cours du développement céré-
entoure les axones en préparation de leur myélinisation ;
bral et donc moduler le fonctionnement cérébral [40]. En
• la dernière étape est la différenciation en oligodendro-
cas d’inflammation importante, ces microglies vont, d’une
cyte mature, myélinisant, très multipolaire.
part, produire des molécules toxiques (qui visent à tuer des
bactéries ou virus qui en fait ne sont pas présents dans le
Les précurseurs des préoligodendrocytes, variété pré-
cerveau) pour les neurones et oligodendrocytes et, d’autre
dominante dans le cerveau des nouveau-nés prématurés,
part, « oublier » de jouer leurs rôles neurodéveloppemen-
sont très vulnérables au stress oxydatif, à la cascade exci-
taux et, en particulier, leur apport clé dans la mise en place
totoxique et aux agressions hypoxiques-ischémiques [30].
des connections entre neurones. Cette « double peine »
Cette mort des préoligodendrocytes a été impliquée dans
pour le cerveau en développement contribue, par exemple,
les lésions de leucomalacie cavitaire périventriculaire. Ce
de façon importante à la survenue ultérieure des déficits
type de lésion sévère a progressivement diminué pour laisser
cognitifs et comportementaux (type troubles du spectre
place à des lésions plus diffuses [31]. Des données neuro-
autistique et troubles de l’attention) observés chez nombre
pathologiques et expérimentales récentes suggèrent que,
d’anciens grands prématurés [41].
dans ce nouveau type de lésions de la substance blanche du
Tous comme les astrocytes, les microglies peuvent acqué-
prématuré, le phénomène à l’avant plan est un blocage de
rir divers phénotypes, en fonction des régions cérébrales
la maturation des cellules oligodendrocytaires [13,32,33],
et des conditions pathologiques [42]. Certains phénotypes
avec un rôle potentiel de la voie HIF [34] et de la voie Wnt
seront bénéfiques pour le cerveau en développement alors
[35].
que d’autres phénotypes seront délétères et participeront
La myélinisation survient sur une période prolongée, se
de façon importante à la physiopathologie des lésions céré-
terminant longtemps après la naissance. La chronologie et
brales du prématuré. Il faut aussi noter la présence de
le degré de myélinisation varient avec la structure céré-
macrophages périvasculaires, dont les caractéristiques sont
brale étudiée. La myélinisation débute dans les hémisphères
plus proches des macrophages périphériques mais qui, étant
cérébraux aux alentours de la naissance et est largement
donné leur position à l’interface avec les vaisseaux, doivent
complétée à l’âge de 2 à 3 ans. Il n’y a pas de myélini-
jouer un rôle très important dans les échanges entre le cer-
sation détectable dans le prosencéphale avant le septième
veau et le sang.
mois de grossesse et ce processus continue en partie jusqu’à
l’âge de maturité. La myélinisation est plus intense dans le
télencéphale pendant le troisième trimestre et en postnatal. Environnement et épigenèse
Les voies de l’olfaction, de l’audition, et le cortex sensori-
moteur sont les premières à être myélinisées, alors que les
Les différentes étapes du développement cérébral sont fine-
voies de projection et association (en particulier le cortex
ment contrôlées par divers programmes génétiques [43,44].
préfrontal) le sont en dernier [36].
Cependant, l’expérience, l’environnement et la stimulation
pourront moduler, adapter et raffiner le patron initial pour
Microglie rendre le cerveau adapté à l’environnement. Ces processus
adaptatifs sont l’expression de la grande plasticité du cer-
La microglie constitue 5 % à 15 % du nombre total des cellules veau en développement et permettent l’apprentissage de
cérébrales. Des travaux récents chez le rongeur suggèrent nouvelles compétences tout au cours du de l’enfance et de
que les microglies cérébrales dérivent d’un pool de pré- l’adolescence. Plus encore, la fonctionnalité et l’intégrité
curseurs monocytaires qui envahissent précocement le sac des programmes génétiques gouvernant le développement
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cérébral sont étroitement contrôlées par des mécanismes [2] Gressens P, Evrard P. The glial fascicle: an ontogenic and phy-
dits « épigénétiques » : c’est-à-dire, des mécanismes molé- logenic unit guiding, supplying and distributing mammalian
culaires qui contrôlent l’expression des gènes, sans que des cortical neurons. Brain Res Dev Brain Res 1993;76:272—7.
modifications de la séquence de l’ADN n’interviennent. De [3] Haydar TF, Ang Jr E, Rakic P. Mitotic spindle rotation and mode
façon remarquable, ce contrôle épigénétique s’exerce à of cell division in the developing telencephalon. Proc Natl Acad
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drites, la synaptogenèse et, comme mentionné ci-dessus, [5] Marin-Padilla M. Dual origin of the mammalian neocortex
la plasticité neuronale. L’importance de ce contrôle épigé- and evolution of the cortical plate. Anat Embryol (Berl)
nétique est reflété dans le grand nombre de maladies du 1978;152:109—26.
neurodéveloppement associées à des mutations ou variants [6] Rakic P. Neuronal migration and contact guidance in the pri-
de gènes codant des acteurs épigénétiques, que l’on tend mate telencephalon. Postgrad Med J 1978;54(Suppl 1):25—40.
à présent à regrouper sous le terme de « chromatinopa- [7] Rakic P. Neuron-glia relationship during granule cell migration
thies » (tels qu’observées dans les syndromes de Rett et in developing cerebellar cortex. A Golgi and electronmicro-
scopic study in Macacus Rhesus. J Comp Neurol 1971;141:
Rubinstein—Taybi ou les troubles du spectre autistique). Par
283—312.
exemple, alors qu’initialement on pensait que la proliféra-
[8] Nieuwenhuys R, Voogd J, Van Huijzen C. The human central
tion des précurseurs neuronaux était quasi complètement nervous system: a synopsis and atlas. Heidelberg: Springer
contrôlée génétiquement, des travaux expérimentaux ont Science & Business Media; 2007. p. 7—59.
montré qu’un facteur maternel (le peptide vasoactif intesti- [9] Angevine JB, Sidman RL. Autoradiographic study of cell migra-
nal ou VIP) pouvait changer de 20 % la capacité proliférative tion during histogenesis of cerebral cortex in the mouse. Nature
de ces précurseurs [45]. 1961;192:766—8.
La plasticité neuronale, l’apprentissage et la mémoire [10] Sidman RL, Rakic P. Neuronal migration, with special reference
reposent sur l’établissement d’événements épigénétiques, to developing human brain: a review. Brain Res 1973;62:1—35.
et l’activité neuronale modifie, en particulier, les patrons [11] Xu G, Broadbelt KG, Haynes RL, Folkerth RD, Borenstein NS,
Belliveau RA, et al. Late development of the GABAergic system
de méthylation de l’ADN et l’accessibilité de la chroma-
in the human cerebral cortex and white matter. J Neuropathol
tine [46]. De manière parallèle (et parfois combinée à des
Exp Neurol 2011;70:841—58.
susceptibilités épigénétiques), l’environnement peut aussi [12] Leviton A, Gressens P. Neuronal damage accompanies perinatal
avoir des effets délétères sur la maturation cérébrale. En white-matter damage. Trends Neurosci 2007;30:473—8.
particulier, le nouveau-né prématuré est exposé à de nom- [13] Verney C, Rees S, Biran V, Thompson M, Inder T, Gres-
breux stimuli qui n’existent peu ou prou chez un fœtus sens P. Neuronal damage in the preterm baboon: impact of
de même âge, telles des stimulations sensorielles exces- the mode of ventilatory support. J Neuropathol Exp Neurol
sives et répétées, des stimulations douloureuses, le stress, 2010;69:473—82.
de multiples médicaments neuroactifs, ainsi que la perte [14] Diaz AL, Gleeson JG. The molecular and genetic mechanisms
brutale des facteurs d’origine maternelle et placentaire. of neocortex development. Clin Perinatol 2009;36:503—12.
[15] Gressens P. Pathogenesis of migration disorders. Curr Opin Neu-
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rol 2006;19:135—40.
effet cérébral est susceptible d’altérer certaines ou plu-
[16] Bhutta AT, Rovnaghi C, Simpson PM, Gossett JM, Scalzo FM,
sieurs étapes du développement cérébral. Les mécanismes Anand KJ. Interactions of inflammatory pain and morphine
majeurs par lesquels ces facteurs d’environnement (posi- in infant rats: long-term behavioral effects. Physiol Behav
tifs ou délétères) peuvent agir sur la maturation cérébrale 2001;73:51—8.
reposent sur des événements épigénétiques qui contrôlent, [17] Polleux F, Dehay C, Goffinet A, Kennedy H. Pre- and post-
entre autres, l’organisation et la compaction du génome et mitotic events contribute to the progressive acquisition of
donc l’expression des gènes. area-specific connectional fate in the neocortex. Cereb Cortex
Sur base de premières études de jumeaux, les don- 2001;11:1027—39.
nées, qui restent à confirmer sur de plus grandes études, [18] Turski CA, Ikonomidou C. Neuropathological sequelae of deve-
lopmental exposure to antiepileptic and anesthetic drugs.
suggèrent qu’environ 20 % des séquences codantes ou
Front Neurol 2012;3:120.
régulatrices identifiées du génome ont leur marques épi-
[19] Kostovic I, Judas M. Correlation between the sequential
génétiques potentiellement modifiables par des facteurs ingrowth of afferents and transient patterns of cortical lami-
d’environnement, alors que les 80 % restant ont leur épi- nation in preterm infants. Anat Rec 2002;267:1—6.
génome très largement dicté par la séquence de leur ADN. [20] Sarnat HB, Flores-Sarnat L. A new classification of malforma-
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