Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
Diagnostic et conduite à tenir devant une hyperéosinophilie
sanguine d’origine parasitaire
Actualités 2019
Professeur Pierre Aubry, Docteur Bernard-Alex Gaüzère. Mise à jour le 13/02/2020
www.medecinetropicale.com
1. Généralités
L’hyperéosinophilie (HE) sanguine est définie par l’augmentation permanente de la valeur de
la numération des polynucléaires éosinophiles (PE) supérieure à 0,5 G par litre de sang. Elle
est souvent découverte par un hémogramme systématique. Une étiologie parasitaire, en
règle curable, est fréquente en zone tropicale.
Les granules des PE exercent des propriétés cytotoxiques sur différents allergènes de
grande taille, dont les helminthes, mais aussi sur les tissus sains. L'IL-5 est la cytokine
majeure de la production, de la maturation, de la migration et de la dégradation des PE.
L'hyperéosinophilie sanguine parasitaire est majoritairement due à des helminthes à
passage tissulaire ou sanguin.
On distingue les hyperéosinophilies sanguines légère (< 1,5 G/L), modérée (entre 1,5 et 5
G/L) et massive (> 5 G/L).
2. Diagnostic étiologique
Seuls les helminthes (métazoaires) sont susceptibles de générer une HE sanguine et
tissulaire. Les protozoaires, pathogènes ou non, ne peuvent pas générer d’HE : il n’y a donc
pas d’HE au cours du paludisme et de l’amibiase.
Lorsque l'isolement du parasite est impossible (phases d’invasion et de migration larvaire,
impasses parasitaires où le taux d'éosinophile est le plus élevée), l’apport de la clinique et
surtout de l’immunologie sont essentiels.
Les méthodes immunologiques sont basées sur l’utilisation :
• d'antigènes figurés (antigènes complets ou coupes de parasites) dans la réaction
d'immunofluorescence (IFI),
• d'antigènes solubles dans les réactions d'hémagglutination (HAI), d'électrosynérèse
(EIS), d'analyse immunoélectrophorétique (AEI), d'ELISA ou de Western blot,
• AIE et Western blot sont des tests de confirmation, les autres ne sont que des tests
de dépistage.
Au stade adulte, après la ponte, le bilan d’une HE est parasitologique (selles, urines, sang,
peau).
Le diagnostic des impasses parasitaires repose également sur l’anatomopathologie.
La détection des parasites peut nécessiter tant à l’état larvaire qu’à l’état adulte des
techniques sophistiquées, dont l’amplification d’acides nucléiques (PCR).
Le tableau I résume les principaux helminthes et helminthiases cause d'HE sanguine
d'origine parasitaire.
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Tableau I - Principaux helminthes et helminthiases, cause d’HE sanguine
Parasites Parasitoses
Nématodes intestinaux (vers ronds)
Ascaris lumbricoïdes Ascaridiose
Trichuris trichiura Trichocéphalose
Strongyloides stecoralis Strongyloïdose ou anguillulose
Ankylostoma duodenale, Necator americanus Ankylostomose
Enterobius vermicularis Oxyurose
Cestodes (vers plats et segmentés)
Taenia saginata Taeniose (viande de bœuf)
Taenia solium Taeniose (viande de porc)
Hyminolepis nana Hymenolépiase
Diphylobothrium latum Bothriocéphalose
Trématodes (vers plats non segmentés)
Schistosomes
Schistosoma haematobium, Schistosomoses ou bilharzioses
S. mansoni, S. intercalatum,
S. japonicum, S. mekongi
Distomes
Fasciola hepatica, Fasciola gigantica Fasciolose
Clonorchis sinensis Clonorchiase
Opistorchis viverrini, Opistorchis felineus Opistorchiase
Fasciolopsis buski Distomatose intestinale
Paragonimus westermani, P. africanus. P. kellicoti Paragonimose
Filaires
Wuchereria bancrofti Filarioses lymphatiques
Onchocerca volvulus Onchocercose
Loa-loa Loase
Dracunculus medinensis Dracunculose
Mansonella perstans, M. ozzardi, M. streptocerca Mansonelloses
Helminthiases larvaires
Angiostrongylus cantonensis Angiostongyloïdose nerveuse
Angiostongylus costaricensis Angiostongyloïdose abdominale
Anisakis simplex Anisakidose ou anisakiase
Ankylostoma braziliensis Larbish
Capillaria hepatica Capillariose hépatique
Cysticercus cellulosae Cysticercose
Dirofilaria repens, Dirofilaria immitis Diriofilariose
Diphylobothrium latum Bothriocéphalose
Echinococcus granulosus Hydatidose
Echinococcus multilocularis Echinoccose alvéolaire
Multiceps multiceps Cénurose
Gnathostoma spinigerum Gnathostomose
Armillifer sp. Porocéphalose
Spirometra sp., Sparganose
Toxocara canis,Toxocara catis Toxocarose
Trichinella spiralis Trichinose ou trichinellose
3. Principales helminthiases au stade larvaire et/ou au stade adulte.
Elles sont étudiées selon leurs facteurs d'exposition et leurs modes de contamination. Les parasitoses
qui font l’objet de questions de cours ou de cas cliniques sont seulement citées.
L'HE sanguine est à son maximum en phase larvaire, comme le montre la courbe en «coup d’archet»
de Lavier dans l’ascaridiose de primo-invasion.
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Tableau II - Facteurs d'exposition et modes de contamination des principales helminthiases au stade
larvaire et /ou au stade adulte.
Facteurs d'exposition Modes de contamination
Contamination par voie orale
Transmission directe (intermédiaire des ongles) Oxyurose*
Aliments et eaux de boisson souillés Ascaridiose
Trichocéphalose
Hyménolépiase*
Plantes immergées Fasciolase
Distomatoses intestinales (F. buski)
Viandes consommées crues, mal cuites ou fumées Taeniose à T. solium*
Taeniose à T. saginata*
Poissons ou crustacés crus ou mal cuits Clonorchiase
Opistorchiases
Paragonimose
Bothriocéphalose*
Contamination par cyclops Dracunculose
Contamination par pénétration cutanée
Eaux boueuses Ankylostomose
Strongyloïdose ou Anguillulose
Eaux douces et stagnantes Schistosomoses ou bilharzioses
Contamination par piqûre d'un insecte vecteur
Moustiques Filarioses lymphatiques
Simulies Onchocercose
Taons Loase
Culicoïdes Mansonelloses*
Seules les parasitoses marquées d'une * sont étudiées.
3.1. L’oxyurose à Enterobius vermicularis
- nématodose cosmopolite extrêmement fréquente (un milliard d’individus atteints dans le
monde).
- l’éosinophilie sanguine est toujours modérée, souvent inférieure à 500/mm3
- seul réservoir de parasite : l'homme.
- atteint surtout les enfants.
- cycle strictement intraluminal : les femelles gravides pondent au niveau de la marge anale
des œufs embryonnés. Il existe trois modes de transmission : direct de l’anus à la bouche
(rôle des ongles), indirect par des objets ou aliments contaminés, par inhalation d’œufs en
suspension dans les poussières (literies, vêtements…).
- le plus souvent asymptomatique. Si la charge parasitaire est importante (en particulier par
auto-infection), il existe un prurit anal maximum le soir et la nuit : c’est le signe essentiel.
Des douleurs abdominales et une diarrhée faite de selles molles, enrobées de mucus sont
parfois associées au prurit. Chez l’enfant, des signes extradigestifs sont toujours cités :
instabilité, agitation, insomnie. Le prurit vulvaire avec vulvo-vaginite est fréquent chez la
fillette pré-pubaire.
- diagnostic parasitologique : visualisation des vers adultes dans la région péri-anale, œufs
recueillis par la méthode du scotch-test de Graham.
- traitement de l’oxyurose : pamoate de pyrantel (COMBANTRIN®) 10 mg/kg en prise unique
; benzimidazolés : mébendazole (VERMOX®) 100 mg, flubendazole (FLUVERMAL®) 100
mg ou albendazole (ZENTEL®) 400 mg quel que soit l’âge ; embonate de pyrvinium
(POVANYL®) 5 mg/kg.
Une deuxième cure est prescrite à J 15.
- prévention : traiter non seulement le patient, mais tous les membres de la famille ou de la
communauté, lutter contre l’auto-infection : changement de literie, de linge, de sous-
vêtements le jour du traitement, lavage régulier des mains, coupure des ongles très courts,
port de pyjama fermé aux extrémités (mains) pour éviter le grattage anal et la transmission
anus - doigts - bouche pendant la nuit.
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3.2. L'hymenolépiase à Hymenolepis nana ou petit taenia
Elle est très répandue dans le monde, touchant essentiellement l’enfant, souvent
asymptomatique.
L'HE est modérée. Le cycle est double : transmission directe d’homme à homme par le péril
fécal, et transmission indirecte par un insecte - le ver de farine - ingéré accidentellement par
l’homme avec de la farine mal cuite. En cas de charge parasitaire élevée, le sujet infecté
présente : douleurs abdominales, diarrhée, perte de poids, irritabilité.
Le diagnostic est basé sur la mise en évidence d’œufs très caractéristiques dans les selles.
Le traitement fait appel au praziquantel (BILTRICIDE®) 25 mg/kg en prise unique, avec
comme alternatives : niclosamide (TREDEMINE®), nitazoxanide (CRYPTAZ®).
3.3. La tæniose à Tænia solium
- HE sanguine modérée et inconstante.
- mode de contamination : la viande de porc mal cuite, fumée ou salée.
- habitat, l'intestin grêle et le colon.
- clinique : limitée à des troubles digestifs et neurovégétatifs.
- diagnostic : basé sur l'examen microscopique des selles (état frais, concentration), la
détection des antigènes dans les selles (copro-antigènes) ou encore la détection des
anticorps et antigènes sériques spécifiques.
- traitement : praziquantel (BILTRICIDE®) 10 mg/kg en prise unique ; alternatives
thérapeutiques : albendazole (ZENTEL®) 400 mg/j x 3, nitazoxanide (CRYPTAZ®) prise
unique de 3 g, niclosamide (TREDEMINE®).
3.4. La taeniose à Tænia saginata
Mêmes remarques que pour Tænia solium.
- mode de contamination : la viande de bœuf.
- diagnostic basé sur la mise en évidence des anneaux dans les selles et/ou les sous-
vêtements et sur le scotch-test de Graham ;
- traitements : mêmes traitements que pour le tæniasis à T. solium.
3.5. La bothriocéphalose
Cestodose adulte due à Diphyllobothrium latum, commune dans les régions à climat froid
avec de grandes étendues d'eau, elle n'est que citée. L'hyperéosinophilie sanguine est
inconstante. La consommation de poissons crus est le plus souvent en cause.
3.6. Les mansonelloses
Elles sont dues à M. perstans (Afrique, Amérique) - M. ozzardi (Amérique) - M. streptocerca
(Afrique)
- épidémiologie : transmission par des culicoïdes femelles ou des simulies.
- clinique : en règle asymptomatique, manifestations allergiques rapportées.
- diagnostic : mf sanguicoles (M. perstans et M. ozzardi) - mf dermiques (M. streptocerca)
- traitement : activité nulle ou discutée de la diéthylcarbamazine (NOTEZINE®) et de
l’ivermectine.
4. Principales helminthiases en impasses parasitaires.
Elles sont étudiées selon leurs facteurs d'exposition et leurs modes de contamination. Les
impasses parasitaires qui font l’objet de questions de cours ou de cas cliniques sont
seulement citées. L'HE sanguine est un signe de grande valeur qui peut persister toute la
vie.
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Tableau III - Facteurs d'exposition et modes de contamination des helminthiases en
impasses parasitaires chez l'homme
Facteurs d'exposition Modes de contamination
Contamination par voie orale
Plantes, végétaux ou eaux souillées immergées Angiostrongyloïdose abdominale*
Cysticercose
Echinococcose alvéolaire*
Cénurose
Capillariose hépatique
Viandes consommées crues ou mal cuites ou fumées Trichinellose
Oesophagostomose ?
Sarcocystose
Poissons ou crustacés consommés crus ou mal cuits Angiostrongylose nerveuse
Anisakidose*
Gnathostomose*
Sparganose*
Chair de serpents ou aliments souillés par les serpents Porocéphalose
Contamination par insectes vecteurs
Moustiques ou simulies Dirofilarioses*
Contamination par terre souillée
Sol contaminé par les déjections d'animaux Larva migrans cutanée
Toxocarose
Contamination par les animaux
Chiens Hydatidose
Seules les parasitoses marquées d'une * sont étudiées.
4.1. L’angiostrongyloïdose abdominale
- épidémiologie : due à Angiostongylus costaricensis, nématode parasite des rongeurs, sévit
en Amérique (du sud des Etats-Unis au nord de l‘Argentine et du Chili) et dans les Caraïbes,
transmise par l'ingestion de végétaux crus et la manipulation de limaces, hôtes
intermédiaires.
- impasse parasitaire : les larves éclosent dans la muqueuse intestinale mais ne peuvent
gagner la lumière intestinale et dégénèrent sur place au sein de granulomes à éosinophiles.
- plusieurs tableaux cliniques : appendicite aiguë, tumeur iléo-cæcale ou syndrome
hémorragique intestinal.
- diagnostic immunologique, mais les réactions croisées sont fréquentes avec les autres
nématodoses.
- traitement chirurgical, mais l’évolution spontanée est en principe favorable et peu de cas
requièrent la chirurgie.
4.2. L'échinococcose alvéolaire
Il s'agit d'une cestodose larvaire, due à Echinococcus multilocularis, maladie de l'Eurasie
centrale et du nord (c'est un problème de santé publique en Chine), qui n'est que citée. Elle
est due à l'ingestion de fruits ou végétaux sauvages souillés par les déjections de renards
parasités.
4.3. La cénurose
- cestodose larvaire rare, due à la forme larvaire de taenidae (Multiceps multiceps, Multiceps
serialis), l'adulte parasitant les canidés (chiens), la larve les herbivores. La plupart des cas
rapportés proviennent d'Afrique noire et d'Amérique du sud.
- contamination de l'homme par voie digestive : la larve se localise au niveau du cerveau,
parfois en sous-cutané ou au niveau de l'œil.
- traitement chirurgical.
- prévention identique à celle de l'hydatidose.
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4.4. L’anisakidose ou anisakiase à Anisakis spp.
- nématodose larvaire cosmopolite, plus fréquente dans les régions tempérées et froides du
monde.
- mode de contamination : ingestion de poisson cru parasité par les larves d’un nématode de
mammifères marins, Anisakis spp.
- cycle : les œufs d’ Anisakis spp. éliminés non embryonnés dans la mer avec les selles des
poissons ou des céphalopodes, deviennent des larves qui contaminent des crustacés, eux-
mêmes absorbés par des poissons ou des céphalopodes. C’est la consommation de ces
poissons (morue, hareng, lieu noir) crus ou faiblement fumés qui est la cause de cette
parasitose. Les larves pénètrent dans la paroi du tube digestif et s’y enkystent, réalisant un
granulome éosinophile. Les larves sont en impasse parasitaire.
- clinique : la symptomatologie varie selon la localisation des larves, syndrome douloureux
épigastrique aigu ou manifestations digestives à type de douleurs et de syndromes sub-
occlusifs entraînant une intervention chirurgicale.
- diagnostic par l'interrogatoire à la recherche de consommation de poissons,
l'hyperéosinophilie (10 à 50 %), l'examen anatomopathologique des biopsies ou des tumeurs
prélevées : granulome à corps étranger ; par l'immunologique : test ELISA, Western blot
(réactions croisées fréquemment observées avec les autres parasitoses à vers ronds).
- traitement : exérèse endoscopique de la larve à la pince (formes gastro-duodénales,
coliques ou iléales basses) ou chirurgie; traitement médicamenteux non codifié,
l’albendazole (ZENTEL®) à la posologie de 10 mg/kg/j pendant 5 à 7 jours a donné de bons
résultats.
- prévention : Aanisakis spp. est détruit par l’ébullition (température à 60 °C) ou la
congélation (24 heures à moins 20 °C).
4.5. La gnathostomose
Elle est due à un nématode du genre Gnathostoma, il y a une dizaine d'espèces de
gnathostomes dont quatre sont pathogènes pour l'homme : G. spinigerum présent chez le
chat et le chien en Asie du sud-est, en Chine, au Japon et en Inde, G. hispidum chez le porc
en Europe, en Asie et en Australe, G. nipponicum chez la belette au Japon, G. dolorosi chez
l'ours.
Cycle de G. spinigerum : les hôtes définitifs sont les félidés et les canidés. Les œufs rejetés
dans le milieu extérieur donnent des larves avalées par un premier hôte intermédiaire (HI)
qui est un crustacé microscopique (cyclops). Les larves sont ensuite ingérées par un
deuxième HI (poisson, amphibien, reptile, oiseau). L’homme se contamine en consommant
crus ou peu cuits ces HI, essentiellement des poissons.
Le cycle de G. hispidum : les vers adultes vivent dans l'estomac du porc et du sanglier, les
oeufs sont éliminés dans les selles. Les HI sont des crustacés d'eau douce (cyclops). Il y a
de nombreux hôtes paraténiques où la larve est ré-enkystée (batraciens, poissons, reptiles).
La clinique de la gnathostomose est due à la migration des larves dans l’organisme avec des
signes cutanés : œdèmes sous-cutanés migrateurs, cordon sous-cutané serpigineux ou bien
signes viscéraux, en particulier neurologiques (encéphalite éosinophilique d'évolution fatale)
ou des signes oculaires : atteinte unilatérale avec une larve mobile dans la chambre
antérieure de l'oeil.
Le diagnostic repose sur l'hyperéosinophilie sanguine, l'immunodiagnostic par ELISA et
Western blot, le diagnostic de certitude est apporté par l'identification à l’anatomie
pathologique des larves (ou des adultes immatures).
Le traitement est l'albendazole (ZENTEL®) 400 mg une à deux fois par jour pendant 21 jours
ou l'ivermectine 200 µg/kg/j. L'efficacité serait de 95 %.
La prophylaxie repose sur l'éducation sanitaire, le contrôle vétérinaire, la congélation à moins
20 °C pendant 5 jours qui détruit les larves. Le changement des habitudes alimentaires est
difficile à obtenir.
On observe, depuis 1980, une augmentation des cas de gnathostomose chez les voyageurs.
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4.6. L’oesophagostomose (ou nodular worm)
- parasitose animale liée au développement de strongles (les strongles gastro-intestinaux
sont des vers ronds parasites du tube digestif présents chez tous les bovins ayant accès au
pâturage : dès lors que les bovins pâturent, ils sont infestés), Oesophagostomum spp.
adultes,
- chez les bovins : Oe. radiatum,
- rapportée chez l’homme en Afrique subsaharienne,
- deux présentations cliniques : une forme uni-nodulaire ou « helminthome » ou « tumeur de
Dapaong » et une forme multi-nodulaire. Les vers se localisent à la paroi iléo-colique ou
colique entraînant souvent une déformation de l’abdomen par une masse douloureuse.
L’éosinophilie est fréquente. L’échographie abdominale montre une lésion anéchogéne
intrapariétale dans la forme uninodulaire ou des lésions en cible ou en « pseudo-rein » dans
les formes multinodulaires. La détection des larves dans les selles est possible. La chirurgie
est réservée aux formes compliquées.
4.7. La sparganose
- cestodose larvaire, due à la larve de Spirometra sp.
- connue en Asie du sud-est, en Afrique, à Madagascar, en Amérique du sud, au sud des
Etats-Unis, au Japon, en Chine.
- les hôtes définitifs sont des carnivores (chiens, chats) ou des insectivores (hérissons) ; les
œufs émis dans l’eau libèrent une larve qui est ingérée par un crustacé (cyclops), premier
HI, qui est avalé par un amphibien ou un poisson d’eau douce, deuxième HI. L'homme
s’infecte en consommant cru ou peu cuit le 2ème HI (poisson).
- un mode de contamination se fait par contact direct : l’utilisation thérapeutique de peaux de
grenouilles fraîches appliquées dans la région oculaire.
- on décrit des formes sous-cutanées (œdèmes migrateurs), des formes oculaires et
neurologiques qui en font la gravité.
- diagnostic évoqué sur l'hyperéosinophilie sanguine et la sérologie, confirmé par l'anatomo-
pathologique.
- traitement : excision chirurgicale.
4.8. Les dirofilarioses
Les diriofilarioses sont dues à Diriofilaria immitis et D. repens, deux filaires pouvant infecter
le chien et le chat, plus rarement l'homme. Elles sont transmises par des moustiques. Après
être devenues adultes, les filaires produisent des larves qui sont libérées dans la circulation
sanguine de l'hôte, vont être ponctionnées par les moustiques, vont continuer leur
développement chez les moustiques et devenir des larves infectantes L3. Cette phase
nécessite une température supérieure à 14 °C, ce qui explique que le réchauffement
climatique a conduit à des cas de plus en plus fréquents dans des zones jusqu'à présent
indemnes, en particulier en Europe.
Les larves infectantes migrent chez le chien et le chat jusqu'aux artères pulmonaires et au
cœur droit pour D. immitis, dans les tissus sous-cutanés pour D. repens, où elles deviennent
adultes. La diriofilariose à D. immitis peut être fatale chez l'animal, à l'origine d'une
insuffisance cardiaque et de la mort subite. C'est la diriofilariose cardiopulmonaire ou
« maladie du ver du cœur ».
D. immitis peut être responsable d'une atteinte pulmonaire chez l'homme avec la formation
de granulomes visibles à la radiographie ou au scanner. D. repens se présente chez
l'homme sous forme de nodules sous-cutanés, mous, non douloureux. L'atteinte oculaire est
possible avec des nodules sous-conjontivaux. Elle se manifeste aussi parfois sous forme de
plaques érythémateuses inflammatoires et est dès lors difficile à diagnostiquer, pouvant se
présenter sous la forme d’une piqûre de moustique.
Les dirofilarioses existent dans le bassin méditerranéen, en Asie et en Afrique. En Europe,
l'infection à D. repens est la plus fréquente. L'infection à D. immitis est endémique dans le
sud de l'Europe, en particulier dans l'ouest de l'Espagne.
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Le diagnostic s'appuie sur l'hyperéosinophilie et la biopsie d'une lésion en cas de nodules
sous-cutanés. Si la lésion est isolée, la biopsie exérèse constitue le traitement curateur.
Sinon, un traitement par l'albendazole ou l'ivermectine parait utile si les lésions sont multiples
ou si l'excision est incomplète.
La prévention repose sur la lutte contre les piqûres de moustiques et sur le traitement
prophylactique antiparasitaire des animaux de compagnie, chiens et chats. L'ESCCAP
(European Scientific Counsel Companion Animal Parasites) a émis, en 2017, des
recommandations sur la vermifugation des chiens.
4.9. La capillariose hépatique à Capillaria hepatica
La capillariose hépatique est une zoonose grave due à un nématode des rongeurs de 3 à 7
cm, Capillaria hepatica. Les vers adultes sont situés dans le foie des mammifères, où la
femelle pond ses œufs. Les œufs restent viables dans le parenchyme hépatique et sont
transmis à un nouvel hôte par ingestion du foie ou libérés dans la nature après la mort du
rongeur. Ces œufs ne font que passer dans le tube digestif et sont éliminés dans les selles.
Ils s'embryonnent dans la nature et deviennent infectants en 2 à 6 semaines. L'homme est
un hôte accidentel qui s'infecte par ingestion d'eau ou d'aliments souillés par des œufs.
La maladie se révèle par de la fièvre, des douleurs abdominales, une hyperéosinophilie
sanguine. A l'examen, on note une hépatomégalie. L'échographie abdominale ou le scanner
montrent une image nodulaire. La biopsie du nodule hépatique montre un granulome
éosinophilique centré par un œuf de Capillaria.
La capillariose hépatique est cosmopolite, mais prédomine au Brésil, au Mexique, en Inde,
en Chine. Le diagnostic est difficile, car ni les vers adultes, ni les œufs ne passent dans les
selles chez l'homme. La seule possibilité diagnostique est la biopsie. Le traitement fait appel
à l'albendazole (ZENTEL®) et à la prednisolone pendant plusieurs semaines.
4-10. La sarcocystose
La sarcocystose est une protozoose due à un protozoaire intracellulaire de l’ordre des
coccidies. La sarcocystose est répandue en Afrique, en Europe, en Amérique latine, en Asie,
en particulier en Malaisie (prévalence de 20 %).
Il existe environ 130 espèces de Sarcocystis selon les espèces hôtes. L’homme est l’hôte
définitif de Sarcocystis hominis et de S. suihominis. L’infection humaine est due à l’ingestion
de viande de bœuf ou de porc, peu ou pas cuite. D’autres espèces peuvent
exceptionnellement parasiter l’homme, comme S. nesbitti identifiée chez les singes
macaques, mais les hôtes définitifs semblent être des serpents.
Chez l’animal infesté, les parasites, dans leur phase de migration dans l’organisme, peuvent
rester latents ou provoquer des troubles variés (myosite, myocardite…), puis aller se
localiser dans les muscles striés et cardiaque pour former des kystes contenant de très
nombreuses formes infectantes pour l’hôte définitif.
Chez l’homme infecté, la maladie entraîne dans les semaines qui suivent la contamination,
de la fièvre suivie de myalgies, symptôme majeur observé chez tous les patients, d’une
asthénie, de céphalées, d’arthralgies. Le bilan biologique révèle une hyperéosinophilie
sanguine et une élévation des enzymes musculaires (CPK).
La biopsie musculaire met en évidence une myosite et des kystes avec la présence de
Sarcocystis. Le sérodiagnostic est positif en ELISA. La PCR confirme le diagnostic.
Aucun traitement n’a prouvé son efficacité. Sont associés albendazole et corticoïdes.
Bien qu’il s’agisse d’une protozoose, l’hyperéosinophilie sanguine est comprise entre 1 000
et 2 000 /mL
La sarcocystose est une maladie parasitaire émergente qui doit être évoquée chez les
voyageurs au retour de Malaisie, lors d’un état fébrile associé à des myalgies et à une
éosinophilie sanguine.
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5. À part, les hypodermoses humaines
Elles sont dues au développement dans l’organisme de larves de mouches du genre
Hypoderma ou varons qui parasitent habituellement les bovins. L’hypodermose humaine est
rare et accidentelle, touchant accidentellement les jeunes enfants en zones rurales ayant eu
des contacts avec les bovins. Les manifestations cliniques sont essentiellement cutanées,
mais des formes neuro-méningées, pleuro-péricardiques et oculaires ont été rapportées,
faisant toute la gravité de la maladie. L'hyperéosinophilie est un bon signe biologique de
présomption. Le diagnostic sérologique par immunoélectrophorèse est spécifique. Le
diagnostic de certitude est apporté par la mise en évidence de la larve après expulsion
spontanée ou exérèse. Le traitement est chirurgical.
6. Conduite pratique en présence d’une hyperéosinophilie sanguine > 500 éléments
par mm3
L'allergie médicamenteuse, l'atopie et l'helminthose sont les causes bénignes les plus
fréquentes. En cas de notion de séjour à l'étranger, l'étiologie helminthique est la plus
fréquente chez le voyageur. La difficulté d'identification de l'helminthe peut justifier la
prescription d'un traitement anti-helminthique d'épreuve.
6.1. Eliminer une cause médicamenteuse
En cas d'HE isolée > 1 500 éosinophiles/mm3 et en l'absence de modifications
thérapeutiques récentes, la responsabilité des médicaments ne doit pas conduire à des
évictions systématiques.
6.2. Eliminer une atopie
Le diagnostic d'atopie devant une HE > 1 000 / mm3 ne doit pas être retenu sans examen
complémentaire.
6.3. Suspecter une helminthiase
- surveiller l’hémogramme : la croissance de l’éosinophilie est un bon indicateur d’une
helminthiase en phase d’invasion.
- rechercher un syndrome inflammatoire (VSH et CRP) : si positif, penser à trichinellose,
filariose lymphatique à son début, schistosomoses en phase d’invasion,
- demander une enzymologie musculaire (trichinellose),
- demander un dosage des IgE totales : si > 500 UI/L fortement évocateur d’une helminthiase
tissulaire,
- demander des sérologies orientées par la clinique et l’origine géographique :
- parasitoses pour lesquelles il existe une sérologie fiable : anguillulose, schistosomoses,
distomatose à Fasciola hepatica, filarioses, toxocarose, trichinellose, cysticercose,
- parasitoses pour lesquelles il n’existe pas de sérologie fiable : ascaridiose,
ankylostomose, oxyurose, distomatoses biliaires et intestinales, tæniasis, trichocéphalose.
- demander un dosage de l’antigènémie Og4C3 spécifique de Wuchereria bancrofti
- demander un bilan parasitologique :
- examen parasitologique des selles (3 selles successives) : examen direct et après
concentration, scotch test de Graham (tænia du bœuf, oxyure), méthode d’extraction de
Baermann (larves d’anguillules)
- examen parasitologique des urines (œufs de bilharzies)
- B.M.R (œufs de bilharzies)
- examen du liquide recueilli par tubage duodénal (œufs de distomes)
- examen de l’expectoration (œufs de distomes)
- recherche de microfilaires sanguicoles (périodicité)
- suc dermique, biopsie cutanée exsangue (mf d’O. volvulus).
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Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
6.4. Si le bilan est positif (immunologie ou parasitologie) : traiter suivant le parasite en
cause
6.5. Si le bilan est négatif : traitement probabiliste, suivant la géographie et la clinique.
- nématodes, cestodes : albendazole (ZENTEL®)
- trématodes, cestodes : praziquantel (BILTRICIDE®)
- filaires : ivermectine (SROMECTOL®, MECTIZAN®).
L'ivermectine est efficace en particulier dans les filarioses. Elle est également efficace dans
d'autres parasitoses : helminthiases, anguillulose, gnathostomose, larva migrans, tungose, ...
ainsi que dans la gale et dans le traitement des pédiculoses et de la démodécidose
(folliculites à Demodex chez les immunodéprimés).
6.6. Contrôle après traitement probabiliste
Question : l'hyperéosinophilie persiste-t-elle ?
- Non : traitement efficace, fin des investigations,
- Oui : poursuite du bilan étiologique : atopie, allergie, helminthiase, hémopathie, éosinophilie
satellite (néoplasie, maladie dysimmunitaire, éosinophilie clonale ou paraclonale, traitement
ciblé et dépistage de l'éosinotoxicité viscérale).
La négativité des recherches étiologiques doit faire rechercher en particulier le Syndrome
hyperéosinophilique idiopathique (SHE-I) décrit par Chusid en 1975, qui comporte 4
critères : hyperéosinophilie > 1 500 / mm3, évoluant depuis plus de six mois, avec des
atteintes multiviscérales (pulmonaires, cardiaques, gastro-intestinales, musculo-
squelettiques, neurologiques ou cutanées) qui en font toute la gravité, sans étiologie
décelable.
Le traitement du SHE-I a pour but de faire baisser le taux d’éosinophiles à < 1 000/mm3.
Toutes les formes symptomatiques, la découverte échocardiographique d’une fibrose
endomyocardique doivent être traitées. Le traitement repose en particulier sur la
corticothérapie au long cours. Le SHE-I est un diagnostic d’exclusion.
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