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Altérité - Wikipédia

L'altérité est un concept multidisciplinaire qui désigne la caractéristique de ce qui est autre par rapport à un soi ou une réalité de référence. Ce terme a des racines anciennes et a été exploré par divers penseurs, notamment Emmanuel Levinas, qui a mis l'accent sur la relation avec autrui et la responsabilité qui en découle. Dans le contexte du tourisme et de la médiation professionnelle, l'altérité est essentielle pour comprendre les interactions humaines et les dynamiques sociales.

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L'altérité est un concept multidisciplinaire qui désigne la caractéristique de ce qui est autre par rapport à un soi ou une réalité de référence. Ce terme a des racines anciennes et a été exploré par divers penseurs, notamment Emmanuel Levinas, qui a mis l'accent sur la relation avec autrui et la responsabilité qui en découle. Dans le contexte du tourisme et de la médiation professionnelle, l'altérité est essentielle pour comprendre les interactions humaines et les dynamiques sociales.

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Altérité

L'altérité est un concept utilisé dans de nombreuses disciplines comme la


philosophie, l'anthropologie, l'ethnologie et la géographie. Selon Angelo Turco, mais
aussi suivant le dictionnaire de Lévy et Lussault, l'altérité est :

« la caractéristique de ce qui est autre, de ce qui est extérieur à un « soi » à une


réalité de référence : individu, et par extension groupe, société, chose et lieu1,2.
(Elle) s'impose à partir de l'expérience (et elle est) la condition de l'autre au
regard de soi3. »

Le mot provient du bas-latin alteritas, qui signifie différence ; l'antonyme d' « altérité »
est « identité »4 ou la reconnaissance de l’autre dans sa différence, aussi bien
culturelle que religieuse5. La question de l'altérité s'inscrit dans un large espace
intellectuel qui va de la philosophie, de la morale et du juridique, jusqu'aux sciences
de l'homme et de la société. Cette question a particulièrement interrogé plusieurs
sciences sociales, souvent depuis leur fondation, comme en anthropologie, ou
depuis leur période classique, comme en sociologie. Elle n’est pas non plus étrangère
au champ esthétique qui avec les œuvres littéraires, plastiques, musicales, fournit
une ample matière pour étudier le rapport à l’autre et ses représentations,
particulièrement sous leurs formes imaginaires. On peut citer comme exemple les
œuvres du théoricien littéraire Edward Saïd, qui s'intéresse surtout à l’Orient, ou les
œuvres de Tzvetan Todorov à propos de la réflexion française6.

Le concept a aussi été développé par le philosophe Emmanuel Levinas dans une
série d'essais écrite entre 1967 et 1989, collectés dans le recueil Altérité et
transcendance publié en 1995. Il y voit une recherche sur la relation avec autrui. Pour
sortir de cette solitude qu'il décrit comme désespoir ou isolement dans l'angoisse,
l'être humain peut emprunter deux chemins, soit de la connaissance, soit de la
sociabilité. Cependant, la connaissance est vue comme insuffisante pour rencontrer
le véritable autre et ne peut en aucun cas remplacer la sociabilité qui est, elle,
directement liée à l'altérité et permet une sortie de la solitude7. Levinas s'est
longuement intéressé au type de relation que la sociabilité offrait avec l'altérité dans
Éthique et Infini, ce recueil publié en 1982 qui rassemble des dialogues entre
Emmanuel Levinas et Philippe Nemo. Il y défend que l'Autre est visage et qu'il faut
l'accueillir. Le regard apporté à ce moment créait la véritable rencontre avec cet
Autre. Dans une relation d'altérité, il y a engagement réciproque, responsabilité l'un de
découvre qu'on est responsable de lui : il existe donc une nouvelle proximité avec
autrui8.

Historique du concept
La conceptualisation de l'autre a des origines antiques, le commencement peut se
situer dans le Parménide de Platon – qui traite du rapport entre le soi unique et
identique et la pluralité des autres – ainsi que dans la Métaphysique d'Aristote, où
l'auteur s'interroge sur le fait que « les relations de l'être sont multiples, et non pas
une seule »9. On retrouve l'intérêt pour l'autre aussi dans les écrits d'Homère, qui a
beaucoup travaillé sur le « lointain », qu'il décrivait comme des lieux oniriques.
Hérodote était également fasciné par la société perse ; tandis qu'Hippocrate, dans
ses récits, a essayé d'expliquer la diversité des sociétés à travers l'influence de
l'environnement10. Cependant, les Grecs ont toujours perçu l'étranger comme un non-
citoyen. Quant à celui qui ne parle pas le grec, il est nommé « barbare »11.

Des avancées ont lieu au cœur du processus politique antique. Ainsi, l’Empire romain
donne des droits aux étrangers, jusqu’à en faire des citoyens en 21211.

Dans l'époque moderne, la découverte des Amériques par Christophe Colomb a mis
les sociétés occidentales en contact avec d'autres sociétés qui ont été jugées
complètement différentes. Les explorateurs de la Renaissance étaient étonnés par
les particularités des nouvelles civilisations qu'ils ont découvertes10. C'est en effet à
la Renaissance, et notamment avec Michel de Montaigne, que certains penseurs
commencent à réfléchir à celui qui est différent. On peut citer comme exemple la
controverse de Valladolid qui se cristallisa sur le statut des Indiens à partir de 1550,
combat qui opposa le dominicain Bartolomé de Las Casas et le philosophe Juan
Ginés de Sepúlveda11.

À partir du xixe siècle, avec l'institutionnalisation de la géographie coloniale en


Europe, les géographes ont commencé à documenter les caractéristiques physiques
de l'environnement et des sociétés tropicales qu'ils ont découvertes. Le but de ces
approches était d'expliquer l'hétérogénéité spatiale des sociétés dans la planète ;
bien qu'elles prétendaient être plus ou moins objectives, le but de ces recherches
était de démontrer que la société occidentale est supérieure à toutes les autres10.

Ce n'est que dans la deuxième moitié du xxe siècle que le rapport à l'autre trouvera
une place politique dans les sciences humaines. On trouve peu à peu des
intellectuels voulant construire le champ d’une anthropologie moderne proposant
une place inédite qui puisse rendre possible une véritable réflexion culturelle sur le
rapport à l’autre. Deux personnages clés s’imposent dans cette nouvelle
construction : Claude Levi-Strauss et Marcel Mauss11.

Avec le développement de la géographie radicale, et de la pensée féministe, dans les


années 1960, les géographes ont commencé à s'intéresser aux groupes minoritaires,
qui étaient différents de la norme (homme, blanc). Cependant, il s'agissait davantage
de dénoncer des systèmes d'oppression plutôt que de s'interroger sur l'altérité de ces
groupes. C'est seulement à partir des années 1980, avec le développement des
approches post-modernes, post-coloniales, et analyses queer, que l'altérité de ces
groupes est devenue un véritable objet d'étude10.

Ambivalences du terme
Selon Angelo Turco dans sa définition de l'altérité publiée en 2003 dans le
Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, plusieurs ambivalences
apparaissent lorsque l'on regarde l'altérité dans une perspective sociétale2 :

Celle entre hostis (https://www.lexilog


os.com/latin/gaffiot.php?
q=hostis) [archive] et hospes (https://w
ww.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=
hospes) [archive] qui détermine le type
de relation que l'individu ou la société
mènera avec l'autre. Dans un cas, elle
sera positive, basée sur la
coopération et dans l'autre négative,
basée sur le conflit. Dans le
phénomène touristique, l'autre est vu
comme hospes : celui avec lequel on
a des relations de coopération.
Inversement, l'histoire coloniale
notamment donne un exemple d'une
relation conflictuelle. L'autre est
souvent un hostis : ceux avec qui on
entretient une relation conflictuelle.
Dans une conception évolutionniste
des sociétés, l'autre serait celui d'une
société différente qui n'est pas au
même stade que la nôtre. La
hiérarchisation peut aller dans les
deux sens : de l'infériorité à la
supériorité de l'autre. Des exemples
de ces deux cas de figures peuvent
se retrouver dans l'Histoire coloniale
hispanique. Lors de l'arrivée de
Christophe Colomb, les amérindiens
ont considéré les Espagnols, ces
autres, avec admiration, comme des
divinités en raison entre autres de
leurs armes à feu, de leur pilosité et
de leurs chevaux ; trois éléments
qu'ils ne connaissaient pas.
Inversement, les colons ont considéré
les peuples autochtones comme
inférieurs : des « sauvages » ou des
« primitifs ». Ainsi, dans cet exemple,
on retrouve la hiérarchisation dans la
conception de l'autre décrite par
Angelo Turco.
Celle entre diversité et différence :
« l'autre comme totalité irréductible
au même ou l'autre comme écart plus
ou moins mesurable au même »2.
Dans la géographie du tourisme, où
une des motivations du déplacement
peut être la rencontre avec l'altérité,
cet autre entre clairement dans la
catégorie « différence ». L'autochtone
est différent, à un degré plus ou
moins grand, par rapport au « nous »
qui représente la société occidentale
dont est issu le touriste.

Dans le contexte de la
géographie du tourisme
L'altérité est liée à l'espace et c'est pour cette dimension spatiale qu'elle entre dans le
domaine d'étude de la géographie du tourisme. Le déplacement induit des rencontres
et donc un rapport à l'autre par la combinaison de deux phénomènes, la récréation et
le déplacement12. Il y a donc une confrontation avec l'altérité en voyageant puisque
c'est à ce moment-là que la personne sort de notre quotidien. La rencontre de l’autre
est une des raisons du tourisme : « voyager c’est partir à la rencontre de l’autre »13.
Toutefois, ces catégories sont construites socialement ; elles n'existent pas
intrinsèquement. Ce ne sont pas « des catégories humaines uniformes et immuables
dans le temps comme dans l'espace »14. Selon Jean-François Staszak, qui partage
cette vision constructiviste, l'autre est issu du point de vue et des discours des
personnes qui perçoivent l'autre comme tel, plutôt que par ces différences réelles ou
objectives10.

Selon Rachid Amirou, le tourisme repose sur l'altérité puisqu'il « exprime une triple
quête : quête d'un lieu, quête de soi, quête de l'autre »15. Ainsi, l'altérité modifierait
aussi la personnalité du touriste16. La géographie du tourisme, selon ces deux
définitions, ajoute donc la quête de soi-même et l'altérité d'un lieu, à la définition plus
générale de ce terme. L'intérêt d'étudier ce concept dans la géographique d'un point
de vue touristique ne s'arrête pas à cet apport. Selon Giorgia Ceruani et son équipe,
l'étude de ce concept et des relations qu'il induit, permet de complexifier des
situations que l'on tend à trop simplifier et qui conduisent à l'uniformisation des
postures, des pratiques et des échanges12.

Dans le contexte de la
médiation professionnelle
Selon Jean-Louis Lascoux, auteur du Dictionnaire encyclopédique de la Médiation,
l'altérité est une attitude développée en médiation professionnelle, impliquant la
réciprocité : "l’altérité est indissociable de la rationalité : l’autre est un autre, pas un
« alter ego », à moins de se dire que c’est un « autre moi » en tant que tel. Cette
conception va avec une communication structurée, méthodique, rigoureusement
tenue par l’observable et l’expression logique. L’altérité n’est ni l’empathie ni le
respect, c’est le constat que l’autre est différent et aussi involontairement lui-même
que l’on est soi-même."17.

Pour lui, la médiation professionnelle se réfère à l'altérité et pose cette distinction


fondamentale18 :

avec la tolérance, ma liberté s'arrête là


où commence celle des autres -
justifiant le regard qui se détourne au
nom de l'idée que je ne dois pas me
mêler des affaires des autres ;
avec l'altérité, ma liberté s'étend au
travers de celle des autres - impliquant
l'attention aux autres, le respect
fondamental et l'ingérence dans les
situations identifiées comme portant
atteinte aux droits fondamentaux des
humains d'être eux-mêmes et chacun
différent.

Notes et références

1. Angelo Turco (https://www.cairn.info/publi


cations-de-Angelo-Turco-
-61176.htm) [archive]

2. Définition de Turco. Lévy et Lussault,


2003, p. 58-59.

3. Définition de Turco. Lévy et Lussault,


2003, p. 58
4. « Altérité dans la base du Centre
national de ressources textuelles et
lexicales (http://www.cnrtl.fr/antonymi
e/alt%C3%A9rit%C3%A9) [archive] »,
sur cntrl.

5. Grollet, 2005.
6. Jodelet, 2005.
7. Levinas, 1995.
8. Levinas, 1982.
9. Définition de Turco. Lévy et Lussault,
2003.

10. Staszak, 2008.


11. Bailblé, 2010.
12. Giorgia et al., 2005.
13. Giorgia et al., 2005, p. 71.
14. Équipe MIT, 2005,p. 72.
15. Amirou, 1995.
16. Équipe MIT, 2008.
17. Jean-Louis Lascoux, 2019,
Dictionnaire encyclopédique de la
Médiation - ESF Sciences Humaines

18. Lascoux, 2008.

Voir aussi

Bibliographie

Amirou Rachid, 1995, Imaginaire


touristique et sociabilité du voyage,
Paris, Presses universitaires de
France.
Badinter Elisabeth, 1986, L’Un et
l’autre, Paris, Odile Jacob.

Bailblé Eric, 2010, La notion de


l'altérité dans l'histoire de la France,
Synergies « Pologne » no 7, p. 27-40.
Ceriani Giorgia, Duhamel Philippie,
Knafou Remy, Stock Mathis, 2005, “Le
tourisme et la rencontre de l’autre.
Voyage au pays des idées reçues” in
L’autre. Critiques, cultures et sociétés,
Vol. 6, p. 71-82.
Équipe MIT, 2008, Tourismes : tome 1,
lieux communs. Paris, Belin.

Équipe MIT, 2005, Tourismes : tome 2,


moments de lieux. Paris, Belin.

Jodelet Denise, 2005, Formes et


figures de l'altérité, in "L'Autre :
regards psychosociaux" dirigé par
Margarita Sanchez-Mazas et Laurent
Licata, chapitre 1, p. 23-47, Les
Presses de l'université de Grenoble,
Grenoble.
Lévinas Emmanuel, 1982, Éthique et
Infini, Fayard, France.

Lévinas Emmanuel, 1995, Altérité et


transcendance, Fata Morgana, Paris.

Gilles Ferréol (dir.) et Guy Jucquois


(dir.), Dictionnaire de l'altérité et des
relations interculturelles, Paris, A.
Colin, coll. « Dictionnaire », 2003,
353 p. (ISBN 978-2-200-26343-0,
OCLC 300214551 (https://worldcat.org/fr/title/300214551)
)

Grollet Philippe, 2005, Laïcité : utopie


et nécessité [archive], coédition des
Éditions Labor & Espace de Libertés.
Jean-Paul Jacquet, Altérité et
performance, Nantes (2 rue Crucy,
44005 Cedex 1, Amalthée, 2005,
271 p. (ISBN 978-2-350-27241-2,
OCLC 470448484 (https://worldcat.org/fr/title/470448484)
)

Lascoux Jean-Louis, 2008, Et tu


deviendras médiateur et peut-être
philosophe, Bordeaux, Médiateurs
éditeurs.
Lévy Jacques et Lussault Michel,
2003, Dictionnaire de la géographie et
de l'espace des sociétés, Paris, Belin.
Lombard Jean et Vandewalle
Bernard, 2012, Philosophie de
l'altérité, Paris, Éditions Seli Arslan,
172 p. (ISBN 978-2-84276-184-4)
Sanchez-Mazas Margarita et Licata
Laurent, 2005, L'Autre : Regards
psychosociaux, Saint-Martin d'Hères :
Presses Universitaires de
Grenoble.ulb.ac.be (http://www.ulb.a
c.be/psycho/psysoc/Autre.htm) [arch
ive]

Staszak Jean-François, 2008,


"Other/otherness" in International
Encyclopedia of Human Geography,
Elsevier.
Sarah Mazouz, La République et ses
autres. Politiques de l'altérité dans la
France des années 2000, ENS
Éditions, 2017, 300 p.

Articles connexes
Autrui
Subjectivité

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