Traitement catalytique de l’eau
L’eau douce liquide est une ressource vitale mais rare réaction, en conduisant à une élimination plus
qu’il faut protéger. Avec le développement et la efficace des polluants et en utilisant de façon plus
concentration de la population, les pollutions rejetées sélective l’agent oxydant.
représentent un problème très important Les efforts se L’oxydation des polluants sera d’autant plus
sont donc mobilisés pour le développement de facile que le pouvoir oxydant de l’agent chimique
traitements efficaces d’élimination des polluants des sera important. Les différents oxydants usuels
eaux usées. La catalyse constitue une voie nouvelle et classés en fonction de leur potentiel d’oxydation
prometteuse face aux traitements classiques. E0 sont :
HO° (2,8 eV) > O3 (2,1 eV) > H2O2 (1,8 eV) > O2
L’eau, une situation préoccupante (1,2 eV)
En photocatalyse, lors de l’irradiation UV en
Les chiffres font peur : la consommation d’eau a milieu aqueux d’un catalyseur semi-conducteur
augmenté deux fois plus vite que la croissance de avec des photons d’énergie suffisante, il y a
la population au cours du siècle dernier. Des absorption de ces photons et création de paires
chiffres d’autant plus alarmants que seule une électron-trou qui sont capables d’initier des
infime partie de l’eau totale de la planète peut réactions chimiques. Le pouvoir réducteur des
être consommée (14 000 km3 sur les 1 400 électrons formés leur permet de réduire O2
millions de km3). En effet, les mers et les océans dissout avec formation d’ion radiacal superoxyde
constituent 97,5% de l’eau sur terre. La banquise O2-°, alors que les trous sont capables d’oxyder
et les glaciers représentent plus des 2/3 du reste. H2O adsorbé en radicaux OH°. Le dioxyde de
L’eau douce liquide, celle dont les hommes titane s’est révélé le solide le plus performant en
pourraient théoriquement disposer pour photocatalyse.
satisfaire tous leurs besoins, représente moins de La photocatalyse pour la dépollution d’effluents
0.7% de l’eau totale et l’essentiel se trouve dans aqueux parvient au stade de la réalisation
les nappes souterraines profondes. industrielle. Plusieurs réacteurs sont
Les ressources en eau douce sont de plus réduites expérimentés utilisant la lumière solaire. Les
par la pollution qui augmente sensiblement : facteurs limitants sont la puissance nécessaire
matières organiques plus ou moins pour la source, les transferts de masse, la fixation
biodégradables issues de la chimie, la pharmacie, du photocatalyseur, la géométrie du réacteur…
les textiles, les papeteries, l’agroalimentaire….,
éléments minéraux nutritifs (nitrates, Catalyseur + O3 Oxyde de titane + UV
phosphates), ou métaux lourds. Les eaux usées Catalyseur + H2O2 Catalyseur + O2
ressortent polluées et nécessitent un traitement
avant d’être recyclées ou rejetées en milieu
naturel. Selon le type de pollution, un traitement
catalytique oxydant ou réducteur peut être
utilisé.
Dans les procédés d’oxydation avancés (POA)
Pollution organique : oxydation mettant en jeu le peroxyde d’hydrogène ou
catalytique l’ozone à température proche de l’ambiante et
pression atmosphérique, le but recherché est de
La pollution organique est habituellement favoriser la formation de radicaux hydroxyles
éliminée par traitement biologique classique. OH° fortement oxydants par l’ajout d’un
Mais pour des polluants de plus en plus catalyseur par exemple.
spécifiques et complexes, correspondant souvent Le peroxyde d’hydrogène possède un pouvoir
à de la pollution dure qu’il est difficile d’éliminer oxydant fort (E0 = 1,8 V), mais qui pour générer
par les filières de traitement classiques, la des radicaux hydroxyles plus réactifs (E0 = 2,8 V)
photocatalyse ou d’autres procédés utilisant des nécessite une activation par des espèces
oxydants propres comme l’eau oxygénée, l’ozone métalliques ayant des propriétés oxydo-
ou l’air offrent des alternatives. Très souvent, réductrices comme le fer ou le cuivre. Le système
l’utilisation de catalyseurs améliore les Fenton utilise par exemple des sels de fer en
performances et diminue le coût de ces combinaison avec le peroxyde d’hydrogène.
technologies, en augmentant les vitesses de Fe2+ + H2O2 Fe3+ + OH- + HO°
Traitement catalytique de l’eau 1/2
Bien qu’il soit efficace, il nécessite la séparation métaux nobles supportés sur un oxyde
du sel de fer soluble à la fin de la réaction. Des (stables dans les conditions de pH et de
systèmes catalyseurs solides/H2O2 dits de type température utilisées).
Fenton ont donc été évalués du point de vue
performances dans des réactions modèles, et Hydrogénation catalytique
caractérisés pour optimiser leur formulation
(zéolithes échangées au Cu ou au Fe, argiles L’hydrodéchloration catalytique pour des
naturelles échangées au Cu ou pontées par des effluents industriels contenant des composés
piliers mixtes Al-Fe ou Al-Cu…..) aromatiques halogénés, toxiques et non
Historiquement, l’ozone puissant oxydant (E0 = biodégradables peut remplacer les technologies
2,08 V), a été utilisé pour son action sur la d’oxydation. La réaction s’effectue à température
désinfection de l’eau potable vis-à-vis des virus proche de l’ambiante sous pression. Différents
et bactéries. Mais les applications en traitement métaux nobles supportés ont été testés pour
d’effluents sont également en progression et divers composés aromatiques chlorés. Le
développement. L’ozone réagit soit directement palladium et le ruthénium apparaissent les plus
sur le polluant organique, soit par une réaction actifs. Par exemple, l’hydrodéchloration de
radicalaire impliquant un radical HO° obtenu par chlorophénol conduit à la formation de phénol,
décomposition de l’ozone dans l’eau. puis de cyclohexanol, moins toxique que le
Mais l’ozonation seule conduit à une polluant de départ et plus biodégradable que ce
minéralisation limitée des composés organiques. dernier ou le phénol.
L’ozonation catalytique permet la dégradation de La pollution par les nitrates est désormais bien
polluants réfractaires à l’ozone seul. Différents connue (eutrophisation des rivières et des zones
catalyseurs solides à base d’oxydes métalliques maritimes littorales, transformation en nitrites et
(CeO2, MnO2, TiO2), de métaux de transition (Fe, en nitrosamines). Elle a démarré à la fin des
Cu) imprégnés sur différents oxydes (alumine, années 1950 et n’a fait qu’augmenter depuis
oxyde de titane, zircone, argile), puis à base de (autour de 1 mg/L d'accroissement de
métaux nobles supportés (Ru), des carbones ont concentration en nitrates en moyenne chaque
été proposés. Pour une même concentration année dans les eaux naturelles). Elle provient
d’ozone, l’efficacité de l’abattement de la DCO pour une grande part de l’épandage massif
peut être multipliée par deux ou trois. d’engrais azotés et de lisier. Les eaux dépassant
L’Oxydation Voie Humide Catalytique (OVHC) la norme retenue pour les eaux potables de 50
utilisant l’oxygène moléculaire (oxygène pur ou mg/L doivent subir un traitement spécifique.. Là
air) en présence d’un catalyseur, est également aussi, le traitement par voie catalytique,
une bonne alternative pour la dégradation des permettant l’hydrogénation des nitrates en
polluants organiques toxiques et non azote gazeux ouvre une voie alternative aux
biodégradables contenus dans les effluents techniques physicochimiques ou biologiques
industriels. La réaction s’effectue à température classiques. Des catalyseurs bimétalliques
et pression élevées (120-320 °C, 20-140 bar) afin constitués d’un métal noble (Pd) et d’un
d’optimiser la concentration en oxygène dissout promoteur facilement oxydable (Cu, Sn, In ou
dans la phase aqueuse pour ainsi améliorer encore Zn) dispersés sur un support permettent
l’efficacité du procédé. L’introduction d’un la réduction à température ambiante en présence
catalyseur permet d’abaisser considérablement d’hydrogène, principalement en N2 inoffensif,
les conditions de réaction. tout en évitant la formation d’ions ammonium.
Cette technique d’OVH est connue depuis un
siècle et la première application à l’échelle Références :
industrielle d’un tel procédé concerne le - site web:
traitement des boues de station d’épuration et www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/accueil.html
remonte au début des années 1960. On peut
principalement distinguer deux grandes classes Contact
de catalyseurs : les catalyseurs dits solubles, à Michèle Besson
savoir les sels des métaux de transition (surtout IRCELYON, Institut de recherches sur la catalyse
au cuivre), qui doivent impérativement être et l’environnement de Lyon, UMR5256, 2 av.
séparés de l’effluent traité en fin de réaction, et Albert Einstein, 69626 Villeurbanne cedex
les catalyseurs hétérogènes, à base d’oxydes Tel 04 72 44 53 58
simples ou mixtes de métaux de transition (CuO-
[email protected]ZnO-Al2O3, oxydes Cu-Ce, Mn-Ce, Co-Bi), ou de
Traitement catalytique de l’eau 2/2
