Université de M’sila Département de chimie UF06 Revêtements électrolytiques et corrosion
Chapitre VI. Protection contre la corrosion
VII.1. Introduction
Afin de limiter la dégradation des métaux et alliages en service, des traitements de surface sont appliqués. En
matière de protection contre la corrosion, il possible d’agir sur (figure 1):
- le matériau lui-même (domaine d’utilisation, formes adoptées, contraintes en fonctions des applications, prix et
disponibilité des matériaux…),
- la surface du matériau (revêtement, peinture, tout type de traitement de surface, …) ou,
- l’environnement avec lequel le matériau est en contact (inhibiteurs de corrosion).
Figure 1. Les moyens de protection contre la corrosion
VII.2.1. Protection anodique et cathodique
Ces deux types de protection impliquent la modification du potentiel du métal. Dans ces méthodes, le
potentiel du métal à protéger est décalé, par application d’un à partir d’une source d’énergie.
VII.2.1. La protection anodique: la protection anodique est contrôlée par la formation d’un film passif
protecteur sur la surface du métal ou l’alliage en utilisant un potentiel externe appliqué. La protection anodique
est basée sur l’imposition d’un potentiel dans la zone de passivité comme le montre la figure 2a.
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Fig. 2a. Concept de protection anodique. (a) diagramme tension-pH, (b) courbe de polarisation.
Fig. 2b. Concept de protection cathodique. (a) diagramme tension-pH, (b) courbe de polarisation.
VII.2.2. La protection cathodique : La protection cathodique d’un matériau en contact avec un électrolyte
consiste à placer ce matériau à un potentiel électrique négatif où la corrosion devienne thermodynamiquement
impossible (figure 2b). Comme valeur de potentiel, au-dessous duquel l’acier ne peut se corroder dans un milieu
ayant un pH compris entre 4 et 9, on admet le critère de – 850 mV, mesuré par rapport à l’électrode
impolarisable au sulfate de cuivre en solution saturée.
VI.3. Protection cathodique avec anode sacrificielle
Contrairement à la protection par imposition d’un potentiel externe, l’utilisation d’anode sacrificielle ne
demande pas l’utilisation d’une source d’énergie externe. Une cellule galvanique est formée entre le matériau à
protéger et l’anode sacrificielle dans laquelle les électrodes passent spontanément de cette dernière vers la
première (figure 3). Donc, la source des électrons (l’anode sacrificielle) aura un potentiel plus négatif que celle
du matériau à protéger.
La protection cathodique par anodes sacrificielles a pour but de mettre à profit l’effet du couple galvanique
(pile) crée par l’association, dans un même électrolyte, de deux métaux différents (le métal à protéger et un métal
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moins noble qui constitue l’anode). Dans ce type de protection, l’anode se consomme par dissolution en portant
la surface du métal à protéger au-delà de son potentiel d’immunité.
Pour que la protection existe, il faut :
▪ que la pile débite, donc que l'anode soit reliée électriquement au métal,
▪ que la surface à protéger et l'anode soient plongées toutes dans le même milieu électrolytique,
▪ que l'installation soit adaptée à la surface à protéger (dimensions, nombre, répartition des anodes).
La protection par anodes sacrificielles n'a pas une durée indéfinie. Elle s'arrête avec la disparition du matériau
sacrificiel ou par blocage électrochimique.
Exemple : L’anode sacrificielle de l’acier :
Il existe plusieurs types d'anodes dont les caractéristiques et les applications sont différentes. Dans le cas de la
protection de l’acier, les anodes utilisées sont à base de zinc, d’aluminium ou de magnésium. Des études et
l’expérience ont permis de déterminer, pour chacun des métaux les seuils d’impureté admissibles ainsi que les
éléments d’alliage complémentaires nécessaires pour obtenir les meilleures performances. De nombreux alliages
spécifiques pour la protection cathodique existent aujourd’hui sur le marché.
Figure 3. Schéma de protection cathodique avec anode sacrificielle
VII.4. Protection par revêtements
VII.4.1. Protection par revêtements métalliques
Les métaux sont recouverts d’autres métaux de différentes manières. Les revêtements métalliques sont
couramment employés pour protéger l’acier, notamment contre la corrosion atmosphérique. Outre leur effet anti-
corrosion, remplissent souvent une fonction décorative. On les utilise aussi comme protection contre l’usure.
Différentes techniques servent à fabriquer des revêtements métalliques. Voici les plus importantes :
- l’électrodéposition,
- la déposition chimique,
- l’immersion dans du métal liquide,
- la déposition par phase gazeuse (PVD, CVD),
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- la déposition par projection au pistolet.
Mécanismes de protection par revêtements métalliques Selon leur comportement, il existe deux types de
revêtements métalliques:
-revêtements nobles ou cathodiques ;
-revêtements moins nobles anodiques ou sacrificiels.
a) Revêtements nobles ou cathodiques
Le métal à protéger est moins noble que le revêtement. C’est le cas par exemple d’un revêtement de nickel ou
de cuivre sur l’acier (Fig.4a). En cas de défaut du revêtement, la pile qui se forme peut conduire à la perforation
rapide du métal de base, celui-ci se corrode localement et joue un rôle d’anode. Les revêtements plus nobles que
le substrat ne doivent donc contenir aucun défaut.
b) Revêtements anodiques ou sacrificiels
Le substrat est plus noble que le revêtement, c’est le cas du procédé de galvanisation (revêtement de zinc)
(Fig.4b). Le phénomène s’inverse, le dépôt joue le rôle de l’anode et se détériore, alors que le substrat cathode
reste protégé. Dans ce cas, la durée de vie du revêtement est proportionnelle à son épaisseur ce qui implique très
souvent l’augmentation de l’épaisseur du revêtement.
Fig. 4a. Revêtement cathodique (cas du nickel sur fer) Fig. 4b. Revêtement anodique (cas du zinc sur fer)
VII.4.2. Revêtements inorganiques
Parmi les revêtements inorganiques; on distingue deux types:
-les couches de conversion,
-les couches étrangères au substrat.
Les couches de conversion sont obtenues par une réaction du métal avec un milieu choisi. Elles contiennent
donc toujours des ions provenant du substrat. Les couches étrangères au substrat sont, en revanche, fabriquées
par des procédés de déposition qui n’impliquent pas une réaction du substrat, tels les procédés PVD et CVD ou
l’émaillage. La composition des couches est alors indépendante de celle de substrat.
VII.4.2. Revêtements organiques
Les revêtements organiques forment une barrière plus ou moins imperméable entre le substrat métalliques et
le milieu.
On classe les revêtements organiques pour la protection des métaux contre la corrosion en trois familles:
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- les revêtements en bitume
- les revêtements polymériques,
- les peintures et vernis.
VI.5. Les inhibiteurs de Corrosion
Un inhibiteur de corrosion est un composé chimique qui, ajouté à faible concentration au milieu corrosif,
ralentit ou stoppe le processus de corrosion d’un métal placé au contact de ce milieu.
D’une manière générale un inhibiteur doit:
- abaisser la vitesse de corrosion d’un métal, sans en affecter les caractéristiques physico-chimiques, en
particulier la résistance mécanique,
- être stable en présence des autres constituants du milieu, en particulier vis-à-vis des oxydants,
- être stable aux températures d’utilisations,
- être efficace à faible concentration,
- être compatible avec les normes de non-toxicité,
- être peu onéreux.
On peut classer les inhibiteurs de plusieurs façons :
· par domaine d’application ‘milieu acide, milieu alcalin, phases gazeuses, etc..),
· par réaction partielle anodique, cathodique, mixte),
· par mécanisme réactionnel (adsorption, passivation, précipitation, élimination de l’agent corrosive).
a. Domaine d’application
Souvent les inhibiteurs sont classés selon leur domaine d’application :
- En milieu aqueux, les inhibiteurs pour milieu acide sont employés, entre autre, pour éviter une attaque
électrochimique de l’acier lors du décapage. Dans l’industrie pétrolière, on les ajoute aux fluides de forage. Les
inhibiteurs pour milieux neutres servent surtout à protéger des circuits de refroidissement.
- En milieu organique, de grandes quantités d’inhibiteurs de corrosion sont utilisées dans les lubrifiants pour
moteurs et dans l’essence. Ces liquides contiennent souvent des traces d’eau et des espèces ioniques qui
peuvent provoquer la corrosion.
- Enfin, les inhibiteurs pour les phases gazeuses sont généralement employés pour une protection temporaire de
différents objets emballés pendant le transport et le stockage.
b. Influence sur les réactions électrochimiques partielles
On différencie trois types d’inhibiteurs, selon leur influence sur la vitesse des réactions électrochimiques
partielles:
· les inhibiteurs anodiques,
· les inhibiteurs cathodiques,
· les inhibiteurs mixtes.
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La figure 5 montre schématiquement l’influence de ces trois types d’inhibiteurs sur les courbes de
polarisation, dans un système où la cinétique des réactions partielles suit l’équation de Butler-Volmer. Quand la
corrosion est sous contrôle cathodique (la polarisation des cathodes est plus importante que celle des anodes) et
quand l’inhibiteur est cathodique, la surface des cathodes diminue quand la concentration en inhibiteur augmente
tandis que celle des anodes reste inchangée. Même si la quantité d’inhibiteur ajoutée est insuffisante pour
recouvrir toutes les cathodes, l’intensité du courant de corrosion diminue (Fig.5.a). Si l’inhibiteur est anodique
(Fig.5.b), la surface des anodes diminue quand la concentration en inhibiteur augmente. Si la concentration en
inhibiteur est insuffisante, c’est-à- dire si une partie des anodes reste nue, la densité de courant sera très élevée
sur ces anodes et engendrera une corrosion par piqûres. Un inhibiteur mixte diminue la vitesse des deux réactions
partielles, anodique et cathodique, mais il modifie peu le potentiel de corrosion.
2.4.2. Nature des molécules de l’inhibiteur
2.4.3. Les inhibiteurs organiques
Les molécules organiques sont promises à un développement plus que certain en terme d’inhibiteur de
corrosion : leur utilisation est actuellement préférée à celle d'inhibiteurs inorganiques pour des raisons
d’écotoxicité essentiellement. Les inhibiteurs organiques sont généralement constitués de sous-produits de
l’industrie pétrolière [FIA-02]. Ils possèdent au moins un centre actif susceptible d’échanger des électrons
avec le métal, tel l’azote, l’oxygène, le phosphore ou le soufre. Les groupes fonctionnels usuels,
permettant leur fixation sur le métal, sont :
► Le radical amine (-NH2),
► Le radical mercapto (-SH),
► Le radical hydroxyle (-OH),
► Le radical carboxyle (-COOH). [34].
2.4.4. Les inhibiteurs minéraux
Les molécules minérales sont utilisées le plus souvent en milieu proche de la neutralité, voire en milieu
alcalin, et plus rarement en milieu acide. Les produits se dissocient en solution et ce sont leurs produits de
dissociation qui assurent les phénomènes d’inhibition (anions ou cations). Les principaux anions
inhibiteurs sont les oxo-anions de type XO4n- tels les chromates, molybdates, phosphates, silicates,… Les
cations sont essentiellement Ca2+ et Zn2+ et ceux qui forment des sels insolubles avec certains anions tels
que l’hydroxyle OH-. Le nombre de molécules en usage à l’heure actuelle va en se restreignant, car la
plupart des produits efficaces présentent un côté néfaste pour l’environnement.
2.4.5. Mécanismes d’action électrochimique
Dans la classification relative au mécanisme d’action électrochimique, on peut distinguer les
inhibiteurs anodique, cathodique ou mixte (regroupant alors les deux premières propriétés). L’inhibiteur
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de corrosion forme une couche barrière sur la surface métallique, qui modifie les réactions
électrochimiques en bloquant soit les sites anodiques (siège de l’oxydation du métal) soit les sites
cathodiques (siège de la réduction de l’oxygène en milieu neutre aéré ou siège de la réduction du proton
H+ en milieu acide), voir les deux figures 6.
(a) (b)
Figure 6. Formation des couches barrières a) cathodiques et b) anodiques interférant avec les réactions
électrochimiques, dans le cas d’une étude en milieu acide
Les inhibiteurs anodiques doivent être utilisés avec précaution. En effet, si le film protecteur est altéré
par une rayure ou par une dissolution, ou si la quantité d’inhibiteur est insuffisante pour restaurer le film,
la partie exposée se corrode en piqûre profonde. En matière de corrosion localisée, la corrosion par piqûre
est une forme particulièrement insidieuse : l’attaque se limite à des trous, très localisés et pouvant
progresser très rapidement en profondeur tout en conservant le reste de la surface indemne.
2.4.6. Adsorption des molécules inhibitrices à la surface métallique
L’adsorption est un phénomène de surface universel car toute surface est constituée d’atomes n’ayant
pas toutes leurs liaisons chimiques satisfaites. Cette surface a donc tendance à combler ce manque en
captant atomes et molécules se trouvant à proximité. Deux types d’adsorption peuvent être distingués :
la physisorption (formation de liaisons faibles) et la chimisorption. La première, encore appelée
adsorption physique conserve l’identité aux molécules adsorbées ; trois types de forces sont à distinguer :
► Les forces de dispersion (Van derWaals, London) toujours présentes,
► Les forces polaires, résultant de la présence de champ électrique,
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► Les liaisons hydrogène dues aux groupements hydroxyle ou amine.
La chimisorption, au contraire, consiste en la mise en commun d’électrons entre la partie polaire de la
molécule et la surface métallique, ce qui engendre la formation de liaisons chimiques bien plus stables car
basées sur des énergies de liaison plus importantes. Les électrons proviennent en grande majorité des
doublés non appariés des molécules inhibitrices tels que O, N, S, P,… (tous ces atomes se distinguant des
autres de par leur grande électronégativité). L’adsorption chimique s’accompagne d’une profonde
modification de la répartition des charges électroniques des molécules adsorbées. La chimisorption est
souvent un mécanisme irréversible.
- L’effet d’inhibiteurs de corrosion sur les réactions électrochimiques peut être classé suivant plusieurs
critères :
* les inhibiteurs anodiques, généralement sous forme anionique, ralentissent la vitesse de la réaction
anodique d’oxydation par formation de composés insolubles avec des ions métalliques produits sur les
sites anodiques. Ces inhibiteurs provoquent l’augmentation du potentiel de corrosion (figure 7.a).
* les inhibiteurs cathodiques ralentissent la vitesse de la réaction cathodique de l’oxydant (oxygène, ou H+
de l’eau). Ces inhibiteurs causent la diminution du potentiel de corrosion (figure 7.b).
* les inhibiteurs dits mixtes agissent à la fois sur la réaction anodique et cathodique. Ils modifient peu le
potentiel de corrosion (figure 7.c).
Figure I.7: Modes d’action électrochimique des inhibiteurs