Chapter 7
Cohomologie
7.1 Groupes de cohomologie et coefficients universels
Définition 7.1.1. Un complexe de cochaînes C = (C n , δ n ) est une suite de groupes
abéliens C n , n ∈ Z, et une suite de morphismes δ n : C n → C n+1 , vérifiant pour tout n:
δ n+1 ◦ δ n = 0.
Etant donné un complexe de cochaînes (C n , ∂ n ), on définit sa cohomologie:
Z n (C)
H n (C) = ,
B n (C)
où Z n (C) = Ker(δ n ) est le sous-groupe des cocycles, et B n (C) = Im(δ n−1 ) est le sous-
groupe des cobords.
La dualité permet de construire un complexe de cochaînes à partir d’un complexe
de chaînes: si C = (C∗ , ∂∗ ) est un complexe de chaînes et G un groupe abélien, alors les
groupes C n = Hom(Cn , G) forment un complexe de cochaînes avec le cobord δ n f (z) =
f (∂n+1 z)
La cohomologie singulière relative à coefficients dans le groupe abélien G est obtenue
avec les complexes de cochaînes C ∗ (X, A; G) = Hom(C∗ (X, A), G)).
Coefficients universels
On peut restreindre cette section au cas des groupes abéliens, qui sont les modules sur
Z. On rappelle que tout sous-module d’un module libre sur un anneau principal est libre.
Il en résulte que tout module M sur un anneau principal k a une présentation libre: il
existe une suite exacte
i p
0 −−−→ R −−−→ L −−−→ M −−−→ 0 ,
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avec L et R qui sont des modules libres. On a alors une suite exacte
Hom(i,G) Hom(p,G)
coker(Hom(i, G)) ←−−− Hom(R, G) −−−−−→ Hom(L, G) ←−−−−− Hom(M, G) ←−−− 0
Lemme 7.1.2. Soient k un anneau principal, f : M → M ′ une application k-linéaire,
et des présentations libres:
i p
0 −−−→ R −−−→ L −−−→ M −−−→ 0 ,
i′ p′
0 −−−→ R′ −−−→ L′ −−−→ M ′ −−−→ 0 ,
il existe une application linéaire fonctorielle entre les conoyaux:
coker(Hom(i′ , G)) −→ coker(Hom(i, G)),
définie par passage au quotient de la transposée de la restriction à R d’un relèvement de
f ◦ p à L.
Théorème 7.1.3. Avec les notations précédentes, le groupe
Ext(M, G) = coker(Hom(i, IdG ))
est canonique et Ext s’étend en un bifoncteur, contravariant dans la première variable
et covariant dans la seconde. On a alors pour toute présentation libre
i p
0 −−−→ R −−−→ L −−−→ M −−−→ 0 ,
une suite exacte:
0 −−−→ Hom(M, G) −−−→ Hom(L, G) −−−→ Hom(R, G) −−−→ Ext(M, G) −−−→ 0 .
Exercice 7.1.4. Calculer Ext(Z/nZ, Z/mZ).
Exercice 7.1.5. Montrer que pour G fixé, Ext(., G) commute avec les sommes directes.
Proposition 7.1.6. Pour un groupe abélien M , Ext(M, Z) est égal au sous-groupe de
torsion (éléments d’ordre fini).
Théorème 7.1.7 (Coefficients universels). Etant donné un complexe de chaîne libre
C = (C∗ , ∂∗ ), pour tout groupe abélien G il existe une suite exacte naturelle
0 −−−→ Ext(Hn−1 (C), G) −−−→ H n (Hom(C, G)) −−−→ Hom(Hn (C), G) −−−→ 0 .
De plus la suite est scindée, mais ne l’est pas naturellement.
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7.2 Anneau de cohomologie
On commence par définir le produit cup au niveau des cochaînes à coefficients dans un
anneau Λ. Pour α ∈ C p (X, Λ), β ∈ H q (X, Λ), σ un p + q-simplexe singulier dans X:
< α ∪ β, σ >= (−1)pq < α, p σ >< β, σq > .
Ici, p σ(t0 , . . . , tp ) = σ(t0 , . . . , tp , 0, . . . , 0) et σq (t0 , . . . , tq ) = σ(0, . . . , 0, t0 , . . . , tq )
Le produit tensoriel C ∗ ⊗ C ′ ∗ de deux complexes de cochaînes est un complexe de
cochaînes avec la différentielle d définie par:
d α ⊗ β = (δα) ⊗ β + (−1)deg(α) α ⊗ (δ ′ β) .
Proposition 7.2.1. Le produit cup est un morphisme naturel de complexes de cochaînes.
On peut exprimer cette proposition en disant que le cup est une transformation
naturelle entre le foncteur C ∗ ⊗C ∗ et le foncteur C ∗ . Le théorème des modèles acycliques
permet de démontrer l’unicité à homotopie naturelle près si on initialise avec le produit
sur H 0 (X).
Théorème 7.2.2. Le produit cup induit sur la cohomologie une opération, qui munit
H ∗ (X, Λ) d’une structure d’anneau.
Cas relatif
Définition 7.2.3. Soient A et B deux sous-espaces de X. On dit que (A, B) est un
couple excisif dans X si et seulement si l’application donnée par les inclusions de
C(A) + C(B) dans C(A ∪ B) induit un isomorphisme en homologie.
C’est le cas si A et B sont ouverts dans A ∪ B.
Théorème 7.2.4. Si (A, B) est un couple excisif dans X, alors le produit cup est défini:
H p (X, A; Λ) ⊗ H p (X, B; Λ) → H p+q (X, A ∪ B; Λ) .
Propriétés du produit cup
1. Fonctorialité.
2. Supersymétrie: α ∪ β = (−1)deg(α) deg(β) β ∪ α.
3. Relation avec l’exactitude.
Pour i : A ,→ X, α ∈ H p (A, Λ), β ∈ H q (X, Λ),
δ(α ∪ i∗ (β)) = (δα) ∪ β .
Ici δ est le connectant H ∗ (Y, Λ) → H ∗+1 (X, Y ; Λ) dans la suite exacte longue de
la paire (induit par le cobord).
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7.3 Action sur l’homologie
Le produit cap sur les chaînes est l’homomorphisme
∩ : C p (X, Z) ⊗ Cp+q (X, Z) → Cq (X, Z) ,
défini pour une p-cochaîne α et un (p + q)-simplexe σ par
α ∩ σ = ⟨α, p σ⟩σq .
Théorème 7.3.1. Le produit cap induit un homomorphisme fonctoriel
∩ : H p (X, Z) ⊗ Hp+q (X, Z) → Hq (X, Z) ,
qui munit l’homologie H∗ (X, Z) d’une structure de module sur l’anneau de cohomologie.
Cas relatif
Théorème 7.3.2. Si (A, B) est un couple excisif dans X, alors le produit cap est défini:
H p (X, A; Λ) ⊗ Hp+q (X, A ∪ B; Z) → H q (X, B; Z) .
Dualité de Poincaré
Théorème 7.3.3. Soit M une variété compacte connexe orientée de dimension n, et
[M ] ∈ Hn (M, Z) sa classe fondamentale, alors, pour p + q = n, le produit cap avec la
classe fondamentale définit un isomorphisme:
D : H q (M, Z) → Hp (M, Z)
α 7→ α ∩ [M ]
Dans la cas à bord:
Théorème 7.3.4. Soit M une variété compacte de dimension n à bord,alors, pour
p + q = n, le produit cap avec la classe fondamentale définit un isomorphisme:
D : H q (M, ∂M ; Z) → Hp (M, Z)
α 7→ α ∩ [M ]
7.4 La cohomologie de De Rham
On appelle variété différentiable, ou variété lisse, une variété munie d’un atlas dont
les changements de cartes sont C ∞ (à équivalence près). Pour les variétés lisses M , on
définit le complexe des chaînes singulières lisses, librement engendré par les simplexes
σ : ∆n → M lisses: chaque point de ∆n a un voisinage ouvert dans Rn+1 sur lequel σ a
une extension C ∞ . On obtient alors un sous-complexe C ∞ (M ).
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Théorème 7.4.1. Pour les variétés différentiables, l’inclusion du sous-complexe
C∗∞ (M ) dans C(M ) est une équivalence d’homotopie naturelle.
On peut démontrer ce théorème avec une variante du théorème des modèles acy-
cliques. On pourra trouver une preuve directe dans le livre de Lee: Introduction to
smooth manifolds, Theorem 18.7.
Corollaire 7.4.2. Pour M variété différentiable, les homologies H ∗ (M ) et H∗∞ (M ) sont
naturellement isomorphes.
On note Ωp (M ) l’espace des p-formes différentielles (à coefficients réels) sur la variété
lisse M . Avec la dérivée extérieure d : Ωp (M ) → Ωp+1 (M ) on obtient un complexe
de cochaînes qui définit la cohomologie de De Rham HDR ∗
(M ). La formule de Stokes
démontre que l’intégration sur les simplexes lisses
Z Z
ω 7→ ω = σ∗ω ,
σ ∆p
définit un morphisme de complexes de cochaînes
F : Ω∗ (M ) → C∞
∗
(M, R) ,
qu’on appelle morphisme de De Rham.
Théorème 7.4.3 (De Rham). Pour les variétés lisses, la cohomologie de De Rham est
naturellement isomorphe à la cohomologie singulière à coefficients réels.
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