Leschantsdelavie00kast 0
Leschantsdelavie00kast 0
3m
J&J Lubrano
RARE BOOKS AND MANUSCRIPTS SPECIALIZING IN MUSIC, DANCE AND THEATRE ARTS
Folio. Paper boards (tear to head of spine), with original pink publisher's wrappers bound in. If.
(décorative lithographie tide printed in colours), [iv] (tide, table of contents), v, lf., 110 (text),
lf., [iv], 112 (music) pp. (creasing to upper outer corners, minor foxing). A good copy overall.
"Considered to be one of the most distinguished works of its kind published in France. " Fétis.
$ 250.
https://archive.org/details/leschantsdelavieOOkast_0
V
LES
CHANTS DE LA VIE
CYCLE CHORAL
OU
RECUEIL
DE VINGT-HUIT MORCEAUX A QUATRE, A CINQ, A SIX ET A HUIT PARTIES
POUR
TÉNORS ET BASSES
VVKC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO AD LIBITUM
PRÉCÉDÉS DE
PAR
GEORGES KASTNER
PARIS
BRANDUS ET C
,E
, ÉDITEURS
103, RUE RICHELIEU
LONDRES , LEIPZIG
WESSEL ET C» e , 229, REGENT-STRRET
SAINT-PÉTERSBOLKG
ROTMEISTHR
(T\ MAISON BRANDUS, PERSPECTIVE DE NEVSKI
six et à huit p artie
libitum-
accompagnement de Piano ad
4%, Précédés de
CHANTS DE LA VIE
CYCLE CHORAL
OU
RECUEIL
DE VINGT-HUIT MORCEAUX A QUATRE A . CINQ, A SIX ET A HUIT PARTIES
POUR
TÉNORS ET BASSES
AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO AI) LIBITUM
PRÉCÉDÉS DE
GEORGES SASTNER
PARIS
BUAND US ET C
,E
, EDITEURS
103, RUE RICHELIEU
1854
TABLE DES MATIERES.
Préface
Chapitre II. — De la formation des sociétés de chant choral les chœurs d'hommes sans accompagnement 74
pour voix d'hommes Chapitre III. — De la manière d'écrire les chœurs pour voix
Chapitre III. —
Des sociétés de chaut choral pour voix
d'hommes sans accompagnement, sous le rapport de l'har-
monie, et des moyens d'y répandre de l'intérêt et de la
d'hommes, sans accompagnement, fondées en Allemagne.
variété 78
Chapitre IV. — Des sociétés de chant choral pour voix d'hom- Chapitre IV. — Des différentes formes et des différentes
mes, sans accompagnement, créées en différents pays, à
coupes employées dans la composition des chants pour voix
l'instar de celles qui existent en Allemagne 26
d'hommes sans accompagnement 90
Chapitre JVr — Des réunions de sociétés chorales et des fêtes
Chapitre V. — De l'organisation des chœurs d'hommes sans
données par ces sociétés de l'exécution des morceaux de chant
accompagnement, et
Chapitre VI. — Des morceaux de musique d'ensemble pour destinés à ces sortes de chœurs 09
voix d'hommes sans accompagnement , et des compositeurs Chapitre VI. — De quelques mesures à prendre pour assurer
ijui ont écrit des morceaux de ce genre la prospérité dos chœurs d'hommes sans accompagnement. 108
Pag. 4, lig. 1011, fondation Rome, lisez : fondation de Rome. Pag. 78, — 4 4, dont les compositeurs, peu familiarisés, lisez : dont
— 5, — 10-11, l'inventdes, Usez : l'invention des. les compositeurs peu familiarisés.
— 5, de citer les sources, lisez : d'indiquer les sources, — 80, — 2, un plus grand nombre vide, lisez : un plus grand vide.
— 18, — un nombre considérable de Licder cependant, lisez : — 82, — 16, qui distingue ces œuvres et qui contraste, Usez : qui
un nombre considérable de Lieder ; cependant, distinguent ces œuvres et qui contrastent.
— 22, — 1, dans leur origine, lisez : dans l'origine, — lbid., — 17, témoigne hautement, témoignent hautement. lisez :
— 28, en remontant : des quatuor, lisez : des quatuors. — Ibid. — l'exécution, 2, l'exécution. lisez :
— 38, — 4, ou un quatuor pour quatre voix d'hommes, lisez : ou — 85, 14, vice versa,
lig. vice versâ. lisez :
— Ibid..,—20, permettaient aux convives, lisez: permettait aux con- — 91, — 22, antus fîrmus, cantus firmus. lisez :
— lbid. ,
— 32, quelques quatuors solo, lisez : quelques quatuors solo.
C'est le frère du célèbre auteur de la Création, Jo-
— 46, note 1, Gesang-Feste. Den, lisez : Gesang-Feste den. nesse la musique d'ensemble pour voix d'hommes.
— 71, — 18, sous le rapport du, lisez : sous le double rapport du. ses instances auprès du jeune compositeur, pour
— 78, — 6, d'hommes et de femmes, faut, lisez : d'hommes et de le décider à écrire sur-le-champ un opéra.
femmes, il faut. — 95, lig. 6, en remontant : Neithards, lisez : Neilhardt.
PRÉFACE,
Un fail caractéristique se rattache au mouvement musical de notre époque : c'est l'extension et la popu-
larité données au chant d'ensemble pour voix d'hommes ; d'où la formation, dans un grand nombre de pays,
de sociétés chorales uniquement occupées à cultiver et à propager cette espèce de chant. Que prouve cette
nouvelle tendance de l'art, de quelle cause émane-t-elle et qu'en résultera-t-il? L'esprit d'association, se
détournant des voies politiques, où il a si souvent erré , où il a tant de fois engendré de funestes discordes,
envahirait-il le royaume de l'harmonie , non plus pour diviser les cœurs , mais pour les rallier, comme il
rallie aussi les voix, et pour réaliser de la sorte, au point de vue moral et au point de vue artistique, un
double progrès? Désirons qu'il en soit ainsi. Au surplus, de pareilles questions méritent un long et sérieux
examen; elles ne sont pas de celles qu'on agite, en passant, dans une simple préface. Je me bornerai donc ici
à dire que le fait auquel elles se rattachent a fortement attiré mon attention, et qu'il m'a suggéré l'idée
le principe, les Allemands, les Suisses et les Belges, les Français pourtant montrent un sincère désir de se
mettre, sous ce rapport, au niveau des autres nations en profitant de l'exemple qui leur a été donné. Ce qui
leur a manqué jusqu'à présent pour y parvenir comme ils le souhaitent, c'est d'avoir étudié à fond le carac-
tère , les propriétés et les ressources de ce genre de musique. Si l'on était tenté de révoquer en cloute cette
assertion, il suffirait, ce me semble, de comparer entre elles les publications dont le chant pour voix d'hommes
a été l'objet en France et celles qu'il a produites en Allemagne. On ne tarderait pas à reconnaître, à la suite
de cet examen, que la manière de traiter cette espèce de chant n'est pas du tout la même dans les deux pays.
Sous le rapport théorique, les résultats d'une telle comparaison nous seraient encore moins favorables qu'ils
ne pourraient l'être sous le rapport pratique. En effet, où trouver des ouvrages français dans lesquels on ait
étudié à fond, ou seulement abordé autrement que sous forme de généralités insignifiantes, les questions assez
nombreuses qui se rapportent à cette intéressante matière? D'un autre côté, quels sont les recueils conte-
nant des productions où la musique pour chœurs d'hommes présente le caractère sérieux, mâle et accentué
qui doit être son partage? A-t-on toujours parfaitement compris le style propre à ce genre de musique, et
surtout la manière d'y traiter les voix , afin d'obtenir non seulement l'ensemble pur et harmonieux que pres-
crivent les règles de la composition vocale, mais encore un tout homogène et d'un équilibre satisfaisant sous
le rapport de la sonorité? Enfin, a-t-on songé que là comme ailleurs, et plus qu'ailleurs peut-être, il convient
d'avoir égard aux lois de l'esthétique musicale? Il n'est que trop vrai, rien de tout cela n'a été strictement
observé ; non pas parce que les hommes de talent ont manqué à cette tâche, mais parce qu'ils n'ont eu ni le
chanteurs formés dans les premières écoles orphéoniques, fut une cause de dégoût et d'éloignement pour un
grand nombre de compositeurs accoutumés à des succès certains, et peu jaloux cette fois de livrer des œuvres
ij PRÉFACE.
importantes à l'inexpérience des commençants. Il est vrai que tout a bien changé de face depuis quelques
années, grâce aux constants efforts de professeurs habiles et d'amateurs zélés, dont l'utile concours est enfin
parvenu à doter la France d'institutions chorales dignes de lutter avec celles d'outre-Rhin.
Frappé des améliorations apportées à l'exécution de la musique d'ensemble pour voix d'hommes, j'ai eu,
pour ma part, le désir de répondre à ce progrès, et même, si cela m'était permis, de l'étendre encore, en composant
avec le soinetla conscience qu'un musicien vraiment amoureux de son art doit apporter dans l'accomplissement
delà lâche qu'il s'impose, une collection complète de morceaux à plusieurs parties destinés aux meilleurs chan-
teurs de nos réunions orphéoniques. Ces morceaux, écrits pour la plupart sur des poésies inédites, présen-
tent une série de sujets relatifs aux principales circonstances de la vie de l'homme. De là ce titre : Les Chants
de la vie, que je leur ai donné. J'ai eu, je crois, le premier, l'idée de former une sorte de cycle choral dans
lequel se trouvent réunis à dessein des chants pieux et des chants profanes, des chants d'amour et des chants
d'hymen, des chants de guerre et des chants funèbres; puis d'autres compositions de différentes sortes qui célè-
brent quelques uns des plaisirs de l'homme, quelques unes de ses occupations favorites et quelques uns de ses
passe-temps. Au nombre de ces dernières, figurent les Chants imitatifs et pittoresques, sans paroles, que j'ai
écrits dans un genre tout à fait nouveau, et pour être exécutés soit dans une fête, soit pendant une prome-
nade, soit même -dans un concert comme divertissement vocal. Je n'ai pas seulement cherché à mettre de la
d'interpréter, il y en a toujours quelques uns pour lesquels il ressent une certaine prédilection. Ce sont
précisément ceux-là qui d'ordinaire l'inspirent le mieux. Je ne me flatte donc pas d'avoir réussi au même
degré dans toutes les compositions de ce recueil ; mais j'ose croire qu'il n'en est aucune dans laquelle j'aie mé-
connu le caractère du sujet que j'avais à traiter. Quant à la facture même de mes chœurs, j'ai dû m'en préoc-
cuper d'autant plus que je connais toutes les difficultés que présente la composition des morceaux d'ensemble
pour voix d'hommes. L'expérience m'ayant depuis longtemps démontré que le choix des intervalles et la
manière de les distribuer dans les différentes parties, est en cela de la plus haute importance, non seulement
pour ce qui est de la facilité d'exécution , mais encore pour ce qui est de l'éclat de la sonorité, j'ai tenté de
mettre à profit les découvertes que des études suivies et une longue pratique m'ont donné lieu de faire re-
lativement à cet objet. Toutefois, après avoir satisfait aux minutieuses exigences de la composition vocale pour
voix d'hommes, quant au détail de l'harmonie, j'ai cru pouvoir innover en beaucoup de points quant à la
coupe, à la dimension, au plan et même au style de mes morceaux. Les raisons qui m'y ont déterminé ont
été exposées par moi dans l'avertissement qui précède les Chants de la vie. Là je dis à ce sujet : « J'ai tâché
» de saisir le véritable caractère des chants pour voix d'hommes, j'ai tâché d'atteindre au degré d'élévation
» et de valeur artistique que les Allemands regardent avec raison comme obligatoire dans toute musique de
» chœurs virils. J'ai pareillement essayé d'introduire dans la coupe rhythmique de mes morceaux, des divi-
» sions et des formes nouvelles. J'ai pensé que le goût plus exercé du public, et l'aptitude plus prononcée des
» chanteurs, me permettaient à présent de hasarder quelque chose de moins insignifiant qu'un simple placage
» d'accords en contrepoint de note contre note, roulant sans cesse des harmonies de la tonique à celles de la
» dominante. En cherchant à donner du mouvement aux parties par la variété des dessins et des rhythmes,
» de la couleur à l'harmonie par le choix des accords et des modulations, de l'intérêt à la composition tout
» entière par l'emploi d'idées mélodiques exemptes de vulgarité, j'ai fait en sorte de ne point multiplier inu-
» tilement les difficultés d'exécution, et d'observer les lois prescrites par l'expérience pour assurer le bon effet
» de la musique d'ensemble. Je n'ai pas oublié surtout que chaque voix, jusque dans les remplissages et les
» accompagnements, doit présenter un tour mélodieux, facile et naturel. Toutefois, je ne dissimule pas que
PRÉFACE. iij
» la facture de mes chœurs el de mes quatuors est plus compliquée que celle des productions du même genre
» qui ont paru en France dans ces derniers temps. Jusqu'ici, en effet, vu l'inexpérience des exécutants el la
» marche encore hésitante des ensemhles, on a pensé qu'il était prudent de s'en tenir à une imitation des
» chœurs d'opéras, non dessinés et syllahiques, dans lesquels toutes les parties, cheminant à pas égaux, sans
» dessin et quelquefois sans mélodie, laissent le plus souvent à l'orchestre le soin d'entretenir l'intérêt que
» leur harmonie seule ne pourrait soutenir. On conçoit sans peine que, privées d'un accompagnement instru-
» mental, de telles productions fassent peu d'effet. Les ressources de la mélodie et les procédés du style concer-
» tant, sont donc très nécessaires dans la musique d'ensemhle, quand on se résout à n'y point faire intervenir
» les instruments. C'est une vérité que les grands maîtres de l'ancienne école ont parfaitement reconnue.
» Seulement, usant d'un style trop recherché, trop travaillé, ils ont souvent étouffé l'idée mélodique sous les
» développements mômes de cette idée. A force de s'engager dans les complications ardues du contrepoint
» double, ils ont insensiblement alourdi leur plume, refroidi leur imagination, et quelquefois, comme on a osé
» le dire, entièrement dépassé le but. Ce n'est pas d'ailleurs dans le style trop savant des anciens morceaux
» de musique d'ensemble que doivent être conçus les chœurs, les trios, les quatuors modernes pour voix
» d'hommes. A ce genre, tout à fait nouveau, il faut des formes tout à fait nouvelles, et ces formes se trou-
» vent déjà en partie fixées dans les compositions des meilleurs maîtres allemands de notre époque. Ce que la
» fantaisie peut encore y ajouter, nul théoricien n'a le droit de l'enchaîner à ses règles. Je crois donc qu'ici,
» plus que partout ailleurs, les innovations doivent être bien accuellies, pourvu qu'elles soient conformes aux
» principes de la musique vocale. » Une des innovations que je puis m'attribuer, c'est l'emploi alternatif du
chant avec paroles, et du chant sans paroles; ce dernier conçu de manière à remplir dans la musique profane
à peu près le même rôle que remplissent les neumes dans la musique sacrée. Sons qui s'échappent librement
du cœur et que la parote ne retient plus enchaînés au sens précis des mots, ils ont un caractère intime et
profond qui répond à la délicate et vive sensibilité de l'âme humaine. Tantôt ils éclatent comme des cris de
joie; tantôt ils s'échappent comme de tendres soupirs. On a tout dit, on a tout exprimé, et cependant la mé-
lodie erre encore sur les lèvres comme un écho de la pensée. Les périodes et les refrains sans paroles sont
assez fréquents dans les Chants de la vie; mais, ainsi que pour le Chant de fête ( n° 1 du Cycle choral), j'ai
toujours eu soin de n'en faire usage que dans les cas où l'emploi en est parfaitement motivé.
M'étant proposé de publier un livre qui répondît de tous points au besoin du moment dans la question du
chant choral pour voix d'hommes, j'ai fait précéder le recueil dont je viens d'indiquer le contenu, d'un texte
assez développé renfermant des recherches historiques et des considérations générales sur le genre de musique
auquel j'ai consacré mon ouvrage. Ce texte est divisé en deux parties, composées chacune d'un certain nombre
de chapitres.
Dans la première partie, je remonte aux temps les plus reculés pour trouver, chez les anciens, des preuves
de l'existence des chœurs d'hommes, et surtout des chœurs d'hommes purement vocaux, c'est-à-dire rejetant
gique, ainsi qu'en France el dans d'autres pays. Je fais voir que peu nombreuses et peu considérables dans le
principe, elles ne tardent pas à se multiplier et à prendre un accroissement remarquable ; il en surgit de tous
côtés et principalement en Allemagne, qui ont leurs statuts , leur règlement, leurs séances périodiques.
Non seulement chacune à part soi rivalise de zèle et d'efforts pour atteindre à la perfection, mais bientôt elles
v PRÉFACE.
desquelles des milliers de voix, formées par l'étude et guidées par de hons directeurs, parviennent à se jouer
de toutes les difficultés du chant choral, Alors s'organisent des concerts, des fêtes, des promenades, de courtes
excursions ou de lointains voyages dont la musique d'ensemble vocale fait tous les frais. J'ai pensé qu'un tableau
du mouvement musical des sociétés de chœurs d'hommes en Allemagne, en Belgique et dans d'autres con-
trées, ne serait pas dépourvu d'intérêt pour des lecteurs français qui n'ont eu de tout cela, jusqu'à présent,
qu'une très faible idée. Je donne donc une sorte de statistique générale des fêtes de chœurs d'hommes célébrées
à l'étranger, et bientôt après j'entreprends un travail spécial du même genre pour la France, dont les pre-
mières tentatives dans cette nouvelle voie ne sauraient être passées sous silence. C'est là qu'on apprend à juger
de la part que l'Orphéon de Wilhem, et plus tard l'Association des Artistes musiciens, présidée par M. le baron
Taylor, ont eue aux progrès réalisés depuis peu dans la musique chorale en France. Le chapitre V de la première
partie est tout entier consacré à cette matière. Dans le chapitre qui vient ensuite, je parle en détail des mor-
ceaux d'ensemble pour voix d'hommes sans accompagnement, et je cite les compositeurs les plus connus qui
Les détails historiques qu'elle contient sont puisés à des sources authentiques, et offrent la révélation de
certains faits qu'on avait ignorés jusqu'à ce jour, bien qu'ils soient de nature à jeter un grand éclat sur l'origine
des sociétés de chœurs d'hommes, tant en Allemagne qu'en France. Ainsi l'on verra, dans l'un et dans l'autre
pays, des hommes illustres présider à la formation de ces sociétés. Ici, c'est Béranger, qui s'unit pour cette
œuvre à son ami Wilhem ;
là, c'est Gœthe, qui fonde avec Zelter la première Liederlafel allemande. Poètes et
musiciens se sont donné rendez-vous au banquet; ils ont pris leur lyre, et ils ont redit avec Pindare : <c Au
milieu des coupes, nos voix prendront un essor plus libre. Qu'on verse à l'instant la douce liqueur qui doit
préluder à nos hymnes!... » (Pind., Nem., ix.) Charmée des harmonieux accents qui venaient frapper son
oreille, la cour de Berlin, protectrice déclarée des beaux-arts, voulut accorder à l'œuvre de Zelter un témoi-
gnage de sa faveur. Elle assista à l'une des séances de la Liederlafel, qui se tint, pendant un grand repas, chez
l'un des hommes les plus illustres de cette société, chez le prince Radziwil. A celte séance furent chantés des
chœurs d'hommes sans accompagnement, la plupart sur des poésies de Gœthe ; et le roi Guillaume III, qui
prenait un vif plaisir à ce divertissement, se fit expliquer par Zelter lui-même le but et les usages de celte
institution. De même que l'auteur de Faust protégea la première Liedertafel instituée en 1808, à Berlin, ainsi
notre immortel poêle Béranger protégea l'Orphéon, qui fut l'œuvre de son ami Wilhem, et d'où sont sorties
nos premières sociétés de chœurs d'hommes. Ce curieux rapprochement, sur lequel j'ai plusieurs fois insisté
dans le courant de mon ouvrage, en l'appuyant de documents authentiques, intéressera, je le pense, non seu-
Quant à la seconde partie du texte des Chants de la vie, elle est consacrée tout entière à la théorie du chant
choral pour voix d'hommes. J'examine d'abord la nature des voix d'hommes en elles-mêmes; leur étendue et
leurs propriétés ;
j'indique ensuite les diverses manières de les réunir, de les grouper et d'en former ainsi les
différentes parties d'un chœur, d'un trio, d'un quatuor, etc. J'aborde enfin les questions relatives aux moyens
de donner à un chœur, à un morceau d'ensemble conçu de la sorte, non seulement une harmonie pure et
correcte, mais encore une harmonie bien disposée pour les voix et susceptible d'une belle et franche sono-
rité. En dernier lieu, j'indique les principaux procédés dont on peut faire usage pour varier les formes du
style dans les compositions de ce genre, et, de plus, les différentes coupes qu'on leur a jusqu'à présent le plus
généralement assignées, mais auxquelles chacun demeure parfaitement libre d'ajouter celles que sa propre fan-
taisie lui suggère, pourvu qu'il n'oublie point de satisfaire aux exigences particulières de la musique pour
PRÉFACE. v
voix d'hommes. Je me suis flatté de l'espoir qu'en recueillant ici les observations que j'ai faites moi-même à
ce sujet, je rendrai service à ceux qui n'ont ni le loisir ni la patience d'entreprendre des études semblables à
celles auxquelles je me suis livré. Ce qui m'a confirmé dans cette opinion, c'est qu'aucun ouvrage spécial
n'a encore été publié sur cette matière, de telle sorte que j'aurai peut-être la satisfaction d'avoir comblé
conseils sur les mesures à prendre pour organiser de bonnes sociétés de chœurs d'hommes et pour en assurer
l'existence et la prospérité.
tages sociaux des réunions où il est cultivé, puissé-je avoir aplani les difficultés qu'il présente sous le rapport
des détails matériels de la composition, et avoir ainsi débarrassé de tous les obstacles qui s'y rencontraient,
cette voie nouvelle où les Français ne sont pas moins appelés à se distinguer que les Allemands! Puissé-je aussi
être parvenu à répandre dans mes Chants de la vie le charme et la variété dont ce genre de musique est
susceptible! Puissé-je enfin avoir doté mon pays d'une œuvre d'imagination digne du suffrage des amateurs
éclairés, en même temps que d'un bon livre également digne de l'approbation des savants et des artistes !
GEORGES KASTNER.
Paris, ce 3 janvier 1854.
b
RECHERCHES HISTORIQUES
ET
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
SUR
LE CHANT EN CHOEUR
POUR VOIX D'HOMMES.
Hie kann nieht seyn cin boeser Mulli,
Wo da singen Gcscllcn Gui ;
Bérangku.
{L'Orphéon, lettre a B. Wilbem.)
Herder.
RECHERCHES HISTORIQUES
ET
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
SUR
LE CHANT EN CHOEUR
POUR VOIX D'HOMMES.
Hier»
PREMIÈRE PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.
DES CHOEURS D'HOMMES EN GÉNÉRAL
ET DES CHOEURS D'HOMMES SANS ACCOMPAGNEMENT INSTRUMENTAL EN PARTICULIER.
Le chant est inhérent à la nature humaine comme l'expression la plus riche, la plus nohle et la plus fidèle des mou-
vements du cœur et des aspirations de l'âme. Si le langage des mots permet à l'homme de communiquer avec ses
semblables, de leur faire connaître ses désirs et ses besoins matériels dans le monde fini , le langage des sons semble
plus particulièrement l'aider k se mettre en rapport avec les régions supérieures , avec ce monde infini et immatériel
concerts de voix humaines et considérées toutes deux comme chant, la poésie et la musique eurent pour premier objet
la prière. Dans l'enfance des peuples, au berceau de la civilisation , comme aujourd'hui chez les sauvages , il est bien
peu de mélodies nationales et populaires qui ne soient revêtues d'un caractère religieux et mélancolique, même parmi
celles qui n'appartiennent pas précisément au Pour en expliquer que dans
culte. la raison, ne faut-il pas admettre les
temps d'épreuves où il semble essayer la vie , l'homme est constamment dominé par un sentiment que l'on pourrait
qualifier de piété craintive, sentiment qui le porte k voir en toutes choses , en lui et hors de lui, la présence et l'action
d une divinité redoute ou qu'il aime? Sous l'empire de cette croyance superstitieuse
qu'il , le moindre phénomène de
la nature provoque son effroi ou encourage son espérance murmure dans la
: l'oiseau qui fend l'espace , le vent qui
l
2 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
forêt, le torrent qui roule ses ondes, le tonnerre qui gronde, la foudre qui éclate, sont pour lui autant d'heureux ou de
sinistres présages. Voyez-le, il n'est occupé qu'à prier, qu'à adorer, qu'à invoquer et à conjurer. Mais à mesure (pie la
réflexion et l'expérience l'aident à combattre ses appréhensions et ses chimères , il ne soumet plus aussi facilement le
jeu de sa destinée aux influences surnaturelles. Détachant ses regards du ciel où il les tenait presque toujours fixés
lité , et, par les entreprises hardies du raisonnement, il arrive bientôt à posséder entièrement son libre arbitre. Dès
lors ce n'est plus que par intervalles et pour ainsi dire à ses heures — et volontairement plutôt que par instinct — qu'il
paie un tribut au sentiment religieux auquel il s'abandonnait auparavant d'une manière irréfléchie. Fixant le temps
de la prière, il se crée un culte régulier ;
il
y joint la pompe des rites et institue des chœurs de danse pour accompa-
gner les sacrifices accomplis sur l'autel. A côté de ces soins pieux , il se consacre à des devoirs sociaux. Il forme des
triomphes, d'être la confidente de ses peines et la conseillère de ses travaux. 11 entonne des chants qui expriment ses
vœux, ses espérances ;
qui peignent sa gratitude et sa joie. Mais ces chants, qui parlent de combats à soutenir et de
victoires à célébrer, ne sont déjà plus des chants religieux dans toute la force du terme. Les intérêts de l'humanité
y
tiennent pour le moins autant de place que les intérêts du ciel. Les hymnes de guerre et de triomphe ont donc un ca-
ractère mixte, et sont les premiers où nous voyons l'élément profane pénétrer dans le domaine de la musique sacrée.
Vainqueur, l'homme veut jouir des fruits de sa victoire ;
il veut prospérer dans l'état de repos et de tranquillité
qu'il a su conquérir. Son instinct civilisateur lui permet de se maintenir en société par des lois ;
d'y être utile à lui-
même et à ses semblables par le noble exercice de ses facultés intellectuelles. Appliquant ces hautes facultés à la
Bientôt il s'attache au sol où il a trouvé un asile. 11 éprouve une sorte de tendresse filiale pour les lieux où il vit, où
il aime, où il est aimé, et quelquefois aussi pour ceux où il souffre. Le culte de la patrie , celui du foyer domestique,
deviennent l'objet de ses soins et s'unissent dans son âme comme dans sa religion, au grand culte primitif. Non con-
tent d'invoquer la Divinité pour lui-même, il l'invoque pour son pays, pour sa famille, pour ses concitoyens. Il institue
des fêtes publiques et commémoratives qui sont à la fois des fêtes religieuses et des fêtes patriotiques. Il y fait retentir,
en signe de deuil ou d'allégresse , suivant l'événement qu'il célèbre, des chœurs solennels qui réunissent les deux
éléments du chant et de la danse, et sont à la fois des chœurs profanes et des chœurs religieux.
Enfin ,
après avoir rendu un culte à la Divinité, à la patrie , à la famille ,
après avoir été le représentant des senti-
ments généraux de l'humanité, l'homme s'occupe de l'expression de ses sentiments individuels, c'est-à-dire des senti-
ments particuliers à son sexe, à son âge, à ses goûts, à sa profession, aux différentes conditions où il est placé dans la vie,
Cette fois encore il sent le besoin de trouver un écho fraternel, d'entendre des voix amies répéter les accents de sa voix.
Delà des chants d'une couleur particulière, d'un caractère nouveau, qui, en acquérant un certain degré de perfection
et de raffinement à la faveur des progrès de l'art musical, finissent par constituer un genre de musique tout à fait
propre au sexe masculin, et dont je me propose de traiter spécialement dans cet ouvrage.
La part échue à l'homme dans la musique vocale a nécessairement varié suivant les mœurs et les institutions de
chaque peuple. En tout cas il importe de diviser les chœurs d'hommes en plusieurs classes et de les considérer sous
divers aspects. On doit distinguer :
1° Les chœurs d'hommes mêlés à des chœurs de femmes, d'enfants ou de jeunes garçons ;
2° Les chœurs d'hommes employés seuls, mais soutenus par un accompagnement instrumental plus ou moins
important ;
Toutefois, avant de m'y arrêter, et pour mieux éclaircir ce qui les concerne, je donnerai un court aperçu de la nais-
sance et du développement du chant pour voix d'hommes, soit avec accompagnement d'instruments, soit sans accom-
pagnement.
SUU LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 3
Dès la plus haute antiquité on trouve des traces de réunions chorales entièrement masculines ou composées de telle
*o>te que les hommes, quoique mêlés a des femmes, exécutent des chœurs séparés de J'enscmblc général. Mais dans
l'un et dans l'autre cas, rarement les voix se font entendre sans être soutenues ou guidées par quelque instrument de
musique. Rarement aussi la danse cesse d'être partie intégrante du chœur. Si l'on voulait remonter très haut dans
l'histoire de la Grèce, on pourrait citer avec quelque probabilité les Homérides (1) comme ayant donné un des plus
anciens exemples de l'usage des poésies chantées en commun. Il n'est pas impossible que plusieurs rapsodes aient
exécuté de la sorte des fragments épiques, et l'on serait d'autant plus tenté de se prononcer pour l'affirmative, comme
le fait judicieusement observer l'auteur des Oingines du théâtre moderne (2), que, par une rencontre peut-être fortuite,
Quoi qu'il en soit, si les rapsodes ont formé des chœurs, il est k peu près certain que ces chœurs étaient à l'unisson
ou à l'octave. On ne peut rien dire non plus de très précis sur l'importance du chant choral des hommes dans les rites
secrets des mystères de Samothrace, des mystères phrygiens et des mystères de Bacchus (5). Ceux des hymnes sacrés
qu'on exécutait sans le concours des voix féminines dans les cérémonies religieuses ou dans les fêtes publiques appar-
tiennent naturellement à la seconde classe de chœurs d'hommes dont j'ai parlé ci-dessus. Il en est de même des
chœurs scéniques de la Grèce que l'on croit avoir été chantés par des hommes seulement (6). Il en est 'peut-être aussi
de même des chants que les disciples du philosophe Pythagore entonnaient le soir avant de se coucher et le matin
en se levant, afin de conjurer les mauvaises influences terrestres. Au surplus, dans ces temps reculés comme à présent,
il y a toujours eu des circonstances où les femmes ont dû cesser de prendre part à la formation des ensembles de
musique vocale et céder entièrement le rôle actif aux personnes du sexe masculin. On conçoit que des hymnes guer-
riers entonnés en marchant au combat, que des chansons de table exécutées par de joyeux buveurs, n'aient eu,
communément, que de mâles interprètes. Tout ce qui célébrait les particularités de l'existence masculine, tout ce qui
concernait des professions exercées uniquement par des hommes, dut se trouver dans le même cas.
A l'imitation de l'antique Égypte, la Grèce possédait des chants populaires et traditionnels à l'usage de chaque
circonstance et de chaque métier. Sans doute les artisans, lorsqu'ils étaient réunis, se plaisaient à répéter ces airs
favoris en chœur, ainsi que font de nos jours les ouvriers dans les ateliers, dans les rues ou bien dans les lieux de
plaisir où ils s'assemblent. Parmi ceux de ces chants dont le souvenir est resté, on remarque le chant des baigneurs (7),
celui des tisserands (8), celui des tisseurs de laine, celui des meuniers (9), celui des puiseurs d'eau (10), comme aussi
(1) Les Homérides accompagnaient au son de la lyre leur chant et (6) M. Magnin n'est pas tout à fait de cet avis; on voitmème qu'il penche
leur récitation épique ; on croit même qu'ils y ajoutaient le prestige pour l'opinion contraire: «Les femmes, dit-il, faisaient-elles partie
du geste et rimitalion du personnage qu'ils faisaient parler. Avant » des chœurs scéniques? Le doute que j'émets ici pourra surprendre. Je
Thespis et la LXP olympiade, ils luttaient dans les concours, et, vain- • n'ignore pas que l'on est à peu près d'accord pour admettre la néga-
queurs, rece\ aient pour prix un agneau. » tive; je sais fort bien que les femmes ne montaient pas sur la scène
(2) Ch. Magnin , Les origines du théâtre moderne, ou histoire » grecque proprement dite, et que leurs rôles dans les tragédies, les co-
du génie dramatique depuis le I" jusqu'au XVI' siècle. Paris, » médies et les drames satiriques, étaient remplis par des hommes; mais
L. Hachette, 1838, t. I, p. 17. » étaient-elles également exclues des chœurs, c'est-à-dire, des danses re-
(3) Hesych., voc. (j^/jperv. » ligieuses du thymélé et de l'orchestre ? A cet égard je n'ose rien
(à) Cependant le passage ci-après du Pseudo-Platon donne à en- » affirmer. » Plus loin M. Magnin, s'appuyant de l'autorité du sco-
tendre que ce n'était pas précisément ensemble, mais l'un après l'autre liaste d'Aristophane ,
parle des chœurs comiques composés de
et en se relayant, que les rapsodes ou arnodes exécutaient les chants danses et de ch ::nts, où il y avait à peu près autant de femmrs que
d'Homère, o Hipparque, fils aîné de Pisistrate, entre autres preuves d'hommes. Enfin il pense que les besoins de la composition musicale
» qu'il a données de sa sagesse, obligea les rapsodes à réciter aux Pa- faisaient presque une nécessité du mélange des voix. Les Romains, qui
» nathénées les poésies d'Homère, en se relayant et sans interruption. i> ont à peu près tout pris de la Grèce , reconnurent l'utilité des voix de
(Pseudo-Plat. Hipparch., p. 228.) Il y a d'ailleurs ici réciter, et non femmes dans les chœurs. C'est ce qui parait résulter d'un passage de
chanter, bien qu'il soit prouvé que les rapsodes ont réellement chanté Macrobe ainsi conçu a Un chœur ne se forme-t-il pas de plusieurs
:
les poésies et ne les ont pas seulement déclamées ou récitées. » voix? Toutes cependant semblentn'en faire qu'une : au ton aigu se joint
(5) Dans quelques-uns de ces mystères on supposait que les Cory- » le ton grave; tous deux s'unissent au médium. La voix des hommes se
bantes, les Dactyles et les Curètes, fondateurs du culte célébré, étaient » marie à celle des femmes et la flûte forme l'accompagnement^aucune
présents à toutes les fêtes mystiques, mais sans être vus, et qu'ils ne » de ces voix n'est distincte, l'ensemble seul arrive à l'oreille, et de la
s'annonçaient aux initiés que par leurs chants et par le cliquetis des » dissonance naît l'harmonie. » (Macrob., Saturn., lib. I, proam.)
armes qu'ils agitaient dans leurs danses convulsives (Freret, Acad. des (7) Athen., lib. XIV.
inscript., t. XXIII). Ce chant et la danse des prêtres étaient ordinaire- (8) On les appelait elinos. 11 en est fait mention dans les Alalantes
ment accompagnés par quelques instruments, comme les flûtes, les d'Epicharme. (Voy. Athen., lib. XIV.)
tambours, et quelquefois par des instruments d'airain, comme dans le (9) Athen., lib. XIV. — Hesych., voc. i^aXo;, ij.*o~io;.
culte de Cybèle. (10) Aristophan., Ran,, v. 1332.— Schol., ibid., ex Callim.
4 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
celui des bateliers et des rameurs (1). Dans les fêtes rustiques retentissaient les chansons traditionnelles des moisson-
neurs (2), des laboureurs (3), des journaliers (U). Dans les rues et sur les places publiques, à Athènes, le petit peuple
redisait la sienne en dansant au son de la flûte (5). Enfin, les citoyens désignés pour remplir les fonctions de juges, se
rassemblaient avant le jour, au son de certains vieux cantiques, et se rendaient au tribunal, appuyés sur leurs bâtons,
en chantant les anciens airs des Phéniciennes de Phrynicus (6). On peut raisonnablement supposer que la plupart de
ces morceaux étaient presque toujours dits à l'unisson et sans accompagnement, quand on y avait recours dans les
heures laborieuses de la journée, pour alléger les fatigues et tromper les ennuis d'un travail plus ou moins rude et
ingrat. Comme tels nous pourrions les ranger dans la troisième classe de chants en chœur pour voix d'hommes.
Les Romains firent usage de la musique vocale a peu près dans les mêmes circonstances que les Grecs. Ils avaient des
hymnes religieux et des hymnes patriotiques appropriés aux diverses solennités. Dès les premiers temps delà fondation
Rome, on rencontre des institutions sacerdotales où la musique et la danse tiennent une place importante. On peut
citer comme ayant eu un caractère essentiellement viril, le chant des frères Arvales (7), et, dans la suite, sous le règne
de Numa, celui desSaliens. Je mentionnerai aussi, en passant, et comme n'ayant pour nous qu'un inlérêtsecondaire,
les complaintes des prêtres isiaques, prêtres mendiants qui joignaient aux accents de leurs voix les sons du sistre, et se
livraient à toutes sortes d'étrangetés pour attirer les curieux et se procurer des aumônes. C'est pareillement dans les
collèges sacerdotaux que nous voyons se former, chez les Israélites, des réunions chorales, la plupart très considé-
rables, mais admettant presque toujours le mélange des voix et des instruments.
Le corps des lévites chanteurs, placé sous la direction de trois chefs principaux (8), était divisé en plusieurs classes
ou chœurs particuliers, dont le total, au dire du Livre des chroniques (9), n'allait pas à moins de quatre mille individus.
Ces masses de chantres exercés exécutaient, au son des instruments, les poésies réunies sous le nom de David,
lesquelles forment un corps d'ouvrage appelé en hébreu le Livre des célébrations, des louanges (Sepher Tehilirn). De
ces poésies nommées psaumes en français, la plupart sont de David lui-même; d'autres, k ce qu'on croit, viennent des
chefs de musique qui dirigeaient de son temps les chœurs du temple (10) ; enfin quelques unes ont été attribuées à
Samuel ou au collège des prophètes chantants cités dans le premier livre de ce juge (11). « Le peuple juif, dit Spinoza,
avait coutume de chanter en psaumes les antiquités de sa race (12).» Or, le chant des psaumes, qui fut dès l'origine,
comme on vient de le voir, un chant national et un chant collectif, fut précisément celui qui donna lieu, parmi les
chrétiens, aux premières sociétés de chœurs d'hommes régulièrement constituées pour l'exécution des morceaux de
musique sacrée à plusieurs parties. C'est ainsi qu'il produisit, entre autres, les réunions chorales des Laudisti, en
Italie, et celle des Currende, ou écoliers chanteurs, en Allemagne. A ces institutions se rattache aussi, ainsi que je le
ferai remarquer plus tard, la confrérie lyrique des Meistersaenger, ou maîtres chanteurs.
Les hymnes des anciens Gaulois, des Scandinaves, des Germains, des Bretons, et, en général, ceux de tous les
peuples du Nord, prenaient le caractère de vrais chœurs d'hommes, quand ils retentissaient dans les camps et sur les
champs de bataille, solennellement attaqués par les prêtres, scaldes, druides ou bardes, et par la masse des soldats.
Quelquefois l'accompagnement des instruments à cordes, chers à ces peuples, se joignait à ces belliqueux accents.
(1) Ascon. Paedian., Divinat. contr. Verr., p. 29. — Quintil., lib. I, chapelle, si l'on veut bien les appeler ainsi, étaient Assaph, Heman et
cap. x, § 16. — C. F. Villoteau, Mémoires sur la musique de l'antique Jedilhun, tous les trois musiciens-prophètes. Us eurent une nombreuse
Égyple, p. 387, note 7. lignée qui fut partagée en vingt-quatre classes de lévites chanteurs.
(2) Athen., loc. cit. — Pollux, lib. IV, cap. vu, §§ 54, 55. Voy. en- Chaque classe se composait de douze individus, ce qui présentait une
core ïheocrit., Jdyll. réunion de deux cent quatre-vingt-huit maîtres chantres, après lesquels
(3) Atlien., loc. cit. on comptait encore trois mille sept cent neuf disciples.Le chapitre xxv
(à) KL, ibid. — Mian., Var. hisl., lib. VII, cap. iv. — Plularch., du livre I
er des Chroniques contient ledénombrement de ces masses
Septem. sapient. conviv. Cf., Prrctorius, Syntagma musicum, t. I, chorales, où nous ne voyons pas qu'il y eût des femmes, mais où l'on
p. Zli&de musica vocali, cap. xxii, Variœ veterum cantiones. a différentes raisons de croire qu'il se trouvait déjeunes garçons, sortes
(5) L'exécutant chantait : « Où est ma rose, où est ma violette, où est d'enfants de chœur, dont les accents féminins se mêlaient aux voix vi-
mon beau persil. » (Athen., lib. XIV.) riles des autres chantres. (Voy. Lunduis, Die alten judischen Hcilig-
(0) Idem, ibid. thûmer, 1. IV, chap. v, Hamburg, 1738, in-folio.)
(7) Us étaient au nombre de douze et faisaient dans les villes et dans (9) I Chroniques, xxm 5, xxv.
;
les campagnes des luitra lions accompagnées de sacrifices, de danses et (10) Ibid., xxv, 1, G.
de chant. (Magnin, Orig. du théâtre mod., 242.)
p. (11) Sam., chap. x, 5.
(8) Du temps de David , ces trois chefs principaux ou maîtres de (12) Traite théologico-poUtiquc.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 5
Cependant il est probable que les chants en chœur des soldats étaient assez rarement accompagnés de la sorte, et que le
seul bruit des armes et le cliquetis des boucliers en composaient d'ordinaire bipartie instrumentale. Tels les Germains
entonnaient le bardit en rugissant comme des lions ou en grognant comme des ours. Tacite (1) rapporte qu'ils usaient
en pareil cas d'un artifice qui n'est pas sans analogie avec celui que l'on a
introduit de nos jours dans la musique
chorale pour voix d'hommes. Cet artifice consistait à tenir leurs boucliers serrés contre leurs lèvres quand ils com-
mençaient à chanter, afin de produire un formidable murmure, une sorte de grondement sourd, mais terrible. C'était
bien là, on en conviendra, une manière de chanter con bocca chiusa, à bouche fermée, ou du moins à bouche demi-close.
En exagérant l'effet des Brummstimmen (2), dont nous tenons l'usage des Allemands, on pourrait obtenir quelque
chose d'analogue à ces sons brisés, sourds vagissements de colère qui servaient de prélude à l'antique bardit.
D'après cela, il serait en quelque sorte plus équitable d'attribuer aux anciens guerriers des peuples du Nord l' inven-
des Brummstimmen que d'en gratifier certains compositeurs modernes qui, tout en empruntant cet artifice vocal à
nos voisins d'oulre-Rhin, ont bénévolement laissé croire au public français, dans de complaisantes réclames, qu'ils
en avaient eu l'idée première. Était-ce donc la peine de faire tant de bruit, fût-ce même con bocca chiusa, pour une inven-
tion renouvelée... des Germains?
Lorsque le christianisme ou les sectes qui préparèrent son avènement commencèrent de se substituer aux institutions
païennes, les concerts virils de musique vocale furent appliqués à un nouvel ordre de faits, à un nouveau culte et à de
nouveaux rites. Les thérapeutes et les esséniens partageaient le chant religieux en deux choeurs, celui des hommes et
celui des femmes, qui se faisaient entendre simultanément ou bien se succédaient en se répondant.
Les chrétiens eurent aussi cet usage. Le chant alternatif fut confié parmi eux tantôt aux prêtres et au peuple, tantôt'
hvmnes et ces psaumes furent aussi entonnés par les confesseurs, par les martyrs, et l'on doit supposer qu'ils le furent
quelquefois dans des assemblées où le hasard voulait qu'il n'y eût point de femmes.
Les chants religieux se transformaient aussi en chœurs d'hommes et même en chœurs guerriers, lorsque l'invocation
du prêtre passait dans la bouche du soldat, et qu'ils étaient redits avant ou après la bataille au milieu des armées. Il
en était nécessairement ainsi, je le répète, toutes les fois que les femmes, pour divers motifs, cessaient de concourir à
l'exécution des différentes parties musicales de la liturgie. Des témoignages que l'on pourrait citer (h) semblent établir
<pie l'autorité ecclésiastique, ayant accusé les femmes de dénaturer le caractère de la musique d'église par des orne-
ments déplacés, se décida quelquefois à leur interdire toute participation publique au chant des offices (5].
On ne croit pas cependant que cette mesure fut générale. Quoi qu'il en soit, la prière n'en resta pas moins très sou-
vent confiée aux voix masculines. Il est vrai que le rôle des laïques dans la liturgie s'amoindrit et perdit toute son im-
portance, dès que le clergé eut pris soin de suppléer le chœur des fidèles, trop peu familiarisé avec les règles du chant,
par un chœur de chantres ecclésiastiques, plus habile sous ce rapport. Celui-ci se recrutait dans desécoles spéciales,
écoles furent divisées en plusieurs chœurs, et qu'il y eut, fort anciennement, parmi les chantres du culte chrétien, une
hiérarchie assez semblable à celle qui existait, chez les anciens, dans les collèges hiératiques de chanteurs (6). Anastase,
dans la Vie du pape Hilaire, cite une école fondée à Rome par ce pontife. Elle était composée de clercs appelés minis-
trales. Ces clercs devaient chanter dans les processions et dans les offices solennels (7). Il y a donc lieu d'admettre que
(1) Tacit., De morib. Germ., cap. in. » quis erant, primus, secundus, teî'lius et quarlus scholœ vocati.
(2) Voy. plus loin l'explication que je donne de ce mot. » Quorum très primi paraphonislae, quarlus vero archiparaphonisla
(3) « De bymnis et psalmis canendis ,
ipsius Domini et aposlolo- » dicebatur, cujus officium crat, ponlifici de canloribus, cum quidopus
» vum habemus documenta exempta , et pracepla. » ( S. August., » erat, nunciare. » (JoannesDiac, Vita Gregorii magni, lib Al, cap. \i,
le chant choral florissait dès les premiers temps du christianisme ; du moins voit-on de tous côtés des Pères et des chefs
de l'Église en prescrire l'usage et s'occuper des matières qui le concernent. Saint Isidore se charge de nous apprendre
ce que c'est qu'un chœur et d'où ce nom dérive. D'après son témoignage, on a donné le nom de chœur à une réunion
de personnes qui chantent, parce que, dans le commencement, elles étaient placées pour chanter autour de l'autel de
manière à présenter la figure d'une couronne (coronœ). On doit à saint Bernard des préceptes pour l'exécution de la
musique vocale d'ensemble. Ces préceptes, consignés clans un ancien statut de Cîteaux, étaient destinés aux religieux
de son ordre (1). Des ouvrages fort anciens paraissent avoir été écrits sur celte matière. Un petit traité de chant choral,
imprimé en lUlk avec quelques autres puhlications monacales, nous en fournit la preuve. 11 a pour titre : De modo
bene cantandi choralem cantum in multitudinc personarum. Opuscul. rarissimum novissime collectum anno Do-
mini \klh (2).
Durant le moyen âge et même antérieurement, les religieux ont, à n'en pas douter, formé des chœurs d'hommes.
Déjà saint Chrysostôme, dans une de ses homélies, parle avec enthousiasme du chant des moines. « Ni les sons de la
» cithare, ni ceux des flûtes, ni ceux d'aucun autre instrument, ne pouvaient, selon lui, produire un effet comparable à
» l'harmonie de ces belles voix d'hommes qui, un peu avant l'aube, s'élevaient majestueusement au milieu du calme
» et du silence profond de la nature, faisant entendre successivement des hymnes d'adoration et des hymnes prophé-
» tiques (3). »
C'est ainsi que la récitation en commun des heures canoniales, et en général celle des prières dans les églises, dans
les couvents de moines et dans les universités, donnaient lieu à la formation de chœurs d'hommes composés tantôt
d'ecclésiastiques, tantôt de laïques, ou bien réunissant les uns et les autres en même temps.
Les chœurs religieux n'étaient pas toujours consacrés a leur objet primitif; ils recevaient diverses applications. On
ne se contentait pas de chanter certaines hymnes à l'église, ou clans les chapelles ; on les chantait aussi en se livrant
aux travaux de l'agriculture et de la navigation (k). Les anciennes chansons de métiers, dont nous avons rencontré
des exemples chez les païens, n'étaient, la plupart du temps, chez les chrétiens, que des mélodies empruntées au culte.
« En quelque lieu que vous alliez, écrivait saint Jérôme à sainte Marcelle, vous entendez des voix qui bénissent le Sei-
» gneur. Le laboureur, en conduisant sa charrue, entonne de joyeux alléluia ; le moissonneur, en recueillant ses gerbes
s sous les feux du soleil, se soutient par le chant des psaumes, et celui qui cultive la vigne en émondant et en redres-
» sant les tiges d'un arbuste insensible, redit au loin les phrases sublimes du roi-prophète (5). » Saint Jean Chrysos-
tôme, cjue je citais tout à l'heure, nous apprend aussi que les femmes, les laboureurs et les matelots avaient des chants
pour soulager les fatigues d'un long et pénible exercice corporel ; il donne à entendre que l'usage des psaumes rem-
plissait merveilleusement cet objet (6). Du reste, par psaume, on entendait ordinairement tous les cantiques religieux
en général.
Si la musique d'église fournissait un grand nombre de chansons de métiers et de chansons de guerre, elle se prêtait
à un emploi plus bizarre encore. 11 est prouvé que des proses et des séquences qui faisaient l'édification des fidèles
furent souvent converties en satires , en chansons de fête et en chansons à boire. Toute une jeunesse malicieuse
moines, clercs et étudiants, en répétaient à l'envi les refrains licencieux et moqueurs. Quelquefois, non contents de
parodier des cantiques déjà connus, ils en composaient de nouveaux sur le patron des chants d'église. De nos jours un
grand nombre de chansons d'étudiants portent encore l'empreinte de ce hardi mélange du profane et du sacré. Soumis
à une transformation analogue, les cantiques de la Nativité, cantiques vulgaires et populaires, il est vrai, mais cepen-
dant pieux dans l'origine, inspirèrent des chansons de buveurs. Les chansons de buveurs furent en majeure partie des
c hœurs d'hommes. On peut même les regarder comme rentrant dans la classe de ceux que nous nous proposons d'étu-
(1) VcV. le texte de ce document au dernier chapitre de la seconde n décantant. Stant bymnos cantantes propheticos, multa cum vocis con-
partie de cet ouvrage. » sonantia, cum apte composilis concentibus. Neque cithara, neque Ds-
(2) Ce petit traité, considéré à celte époque comme une rareté, est » tute, neque ullum aliudmusicura instrumentum talem emittit vocem,
encore bien plus rare de nos jours. On en cite un exemplaire conservé » qualem audire licet in profunda quiete et solitudine sanctïs can-
dans la bibliothèque publique de Dresde. » tanlibus illis. (S. Cbrysost., Homil. lix ad populum Antiock.)
(3) « Anle diem, cum g.illus vocem dederit, omnes statira cum reve- (li) S. Clément. Alexand., Stromata, li>. VII, cap. vu.
» rentia déponentes exsurgunt excitante eos prœlato, et constituunt sanc- (5) S. Hieron., epist. xvn, ad Marcel!..
» tum consliluente chorum et slalim mnnus extendentes sacros bymnos (6) S. Chrysost., in psalm. xu, Op., t. V.
/
SUR LE CHAÏST EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 7
dier, le choc des verres ayant presque toujours été à peu près le seul accompagnement dont on se soit servi pour sou-
tenir leurs accents ébriaques. Dans l'antiquité, pendant les repas, on se passait la lyre pour dire une chanson.
Musiciens moins habiles, nos pères, dans leurs festins, n'ont souvent eu pour fêter Bacchus que l'unique accord de
leurs voix. Le frou-frou d'une guitare, le crin-crin d'un violon, ta turelure d'un flageolet, s'ils y ont été joints quelque
fois, n'ont certainement pas accompagné en toute circonstance les chants des buveurs.
De même les chœurs guerriers parmi les modernes n'ont d'ordinaire emprunté que le secours des voix confondues
en un formidable unisson. J'ai fait voir plus haut qu'ils se composaient souvent d'hymnes, de psaumes et d'autres
cantiques religieux.
Les guerres civiles , notamment les guerres de religion , donnaient ordinairement ce caractère aux chansons de
soldats. Les troupes de Cromwell chantaient des psaumes en faisant l'exercice. Un soir, auprès d'York, tandis qu'une
bande de cavaliers répétait, en suivant sa marche, des couplets satiriques, un corps de puritains qui passait à peu de
distance, chantait sur le même air un cantique du roi David. Une autre fois, Cromwell, pour célébrer un avantage qu'il
venait de remporter sur les troupes de Lesley, général de l'armée écossaise, ordonna à son armée d'entonner le psaume
cent dix-sept, et douze mille hommes de répéter aussitôt avec lui en chœur :
Indépendamment des cantiques entonnés comme chants de guerre , il y avait aussi , dans les armées, des hvmnes
spécialement composés en l'honneur des preux. Ces hymnes célébraient des faits d'armes et des combats. Telle fut la
chanson de Roland dont les soldats français, au moment de l'attaque, redisaient en chœur les épisodes favoris. La plu-
part de ces chants émanaient de l'inspiration épique et lyrique des ménestrels qui faisaient l'office de bardes auprès
des nations converties au christianisme. Ces ménestrels ne tardèrent pas à former des sociétés ou confréries , les unes
réunissant un certain nombre de poctes-musiciens qui chantaient leurs vers en s'accompagnant de la harpe ou de
quelque autre instrument, les autres comprenant tous ceux qui se livraient principalement à la musique instrumentale,
aux récits et aux contes, ainsi qu'aux tours d'adresse et de passe-passe.
Parmi les chants des poëtes-musiciens, nommés en France trouvères et troubadours, en Allemagne Minnesaencjer
et Meistersaenger, il y en eut sans doute qui, dans plusieurs occurrences, furent entonnés en chœur par des voix
d'hommes; mais pourtant rien ne permet d'affirmer qu'ils aient été expressément composés en vue d'une exécution de
ce genre (1). C'est aussi dans des corporations ouvrières et dans quelques sociétés secrètes, comme, par exemple, celles
des francs-maçons, que le chant choral pour voix d'hommes, tel que nous devons l'étudier ici, commença à prendre la
forme, la couleur et le caractère qui lui sont propres. Il est certain que la découverte de l'harmonie et du chant à plu-
sieurs parties influa considérablement sur cet objet, et amena une révolution dans le chant choral. Déjà il semble naturel
de penser que les religieux dans les cloîtres exécutaient des chœurs à deux ou à trois parties appropriés à différentes
circonstances, à différentes pratiques de la vie monacale. D'un autre côté, on sait positivement que, dès la fin du
e
xv siècle, de savants docteurs en us écrivaient à plusieurs parties, pour l'usage des étudiants, c'est-à-dire pour des
exercices de piété ou des solennités universitaires, non seulement le chant des prières de chaque jour de l'année, mais
encore des morceaux de musique contenant des préceptes de religion et de morale, par exemple les enseignements du
catéchisme, ou même des fragments de haute latinité et surtout des odes d'Horace. Enfin les chœurs ajoutés aux tragé-
dies et aux comédies jouées longtemps avant la création de l'opéra dans les universités par des écoliers dont le plus
grand nombre avaient atteint l'âge viril, de même que les chansons à une ou à plusieurs parties, mais presque tou-
jours chantées en chœur, que ces écoliers se plaisaient à imaginer pour parodier les coutumes universitaires, ou bien
pour célébrer les goûts, les plaisirs et les passions de leur jeunesse, tout cela concourait à préparer insensiblement
l'usage d'un genre particulier de musique vocale où l'homme, cessant d'être l'interprète de sentiments généraux, allait
Si l'on jette un coup d'oeil sur les productions dramatiques les plus connues et les plus estimées, on verra crue les
compositeurs ont été pénétrés, dès les premiers temps, du bel effet qui résulte de l'union des voix masculines dans les
chœurs. Toutefois les morceaux pour voix d'hommes qu'ils ont placés dans leurs opéras n'ont qu'un rapport indirect
avec ceux qui sont destinés à être chantés , non pas au théâtre, mais dans la vie réelle; Je ne laisserai pas, malgré
cela, de citer les sources les plus pures et les meilleures en ce genre. Ce sont Mozart, Winter, Spohr, C. M. deWeber,
Marschner, Beethoven, Mendelssohn-Bartholdy, Meyerbeer, Rossini, Cherubini, Spontini, Halévy, Méhul, Lesueur,
Auber, Adolphe Adam, Onslow, Ambroise Thomas et quelques autres.
Les hymnes et les chants religieux écrits pour voix d'hommes sont aussi assez nombreux, et l'on pourrait citer ceux
de G. Schicht, F. Schneider, C.-G. Reissiger, Bernhard Klein. Des compositions plus importantes et plus développées
ont encore donné lieu à l'emploi des mêmes éléments chorals, comme le prouvent les messes de Cherubini et le Requiem
de G. Weber. Au nombre des oratorios écrits pour voix d'hommes, on remarque les Apôtres de Philippi, le Serpent
d'airain de Loewe et la Sainte Cène de Wagner. Au reste, la plupart de ces productions présentent la réunion des
instruments et des voix. C'est ailleurs que je parlerai de celles qui forment des chœurs et des morceaux d'ensemble
sans accompagnement.
CHAPITRE II.
Le goût du chant en chœur dont les anciens comme les modernes ont donné d'incontestables preuves, l'importance
que cette espèce de chant avait acquise dès les premiers temps au point de vue religieux, l'application qui en était faite
en quelque sorte chaque jour aux cérémonies du culte, enfin le besoin de tout perfectionner dans les arts, qui est une
conséquence naturelle de l'instinct de civilisation, firent naître de bonne heure des institutions ayant spécialement
pour objet la culture du chant choral et la formation régulière de chœurs d'hommes. Ces institutions eurent presque
toutes, dans les commencements, un caractère sacerdotal. Les prêtres entre eux fondaient des écoles où ils venaient
puiser tous les genres de talents et de connaissances dont ils avaient besoin pour exercer convenablement leurs
fonctions.
Indépendamment de ces sociétés artistico-religieuses qui ont laissé de nombreuses traces dans l'histoire des Egyp-
tiens, des Grecs et des Latins, et dont l'institution des Druides, ailleurs, peut encore fournir un exemple, il existait
presque aussi anciennement et aussi généralement des confréries d'artistes ou de citoyens qui, sous la direction du
sacerdoce et à son instigation, étudiaient et cultivaient les arts dont les religions empruntent le secours pour embellir
leurs rites et pour orner les édifices construits en leur honneur. Parmi les confréries de ce genre existant en Grèce, il
y en avait une spécialement chargée de la composition des hymnes et de l'exécution des danses en chœur autour des
victimes. Plus tard, nous en rencontrons une autre à Athènes qui avait pour but la formation des chœurs scéniqucs
mêlés de danses et de chant. Cette institution, qui s'appelait choragie, rentrait pour les citoyens d'Athènes dans les
conditions d'un devoir religieux et national, car la tragédie et la comédie, sorties des anciens chœurs cycliques et des
mystères, conservaient un caractère sacré aux yeux de la foule, et n'étaient pas moins en vénération que le culte même
d'où elles tiraient leur origine. Aussi, quand venaient les Panathénées, les Éleusinies, les Dionysies et les autres fêtes
qui demandaient des représentations scéniques, l'usage voulait que l'on formât, dans chaque tribu, un chœur composé
de citoyens, dont la direction et les frais de costumes et autres dépenses (1) tombaient h la charge du chorége.
Celui-ci n'était ordinairement lui-même qu'un simple particulier choisi à l'avance parmi les plus riches habi-
(1) Dans l'origine, les citoyens aimaient a faire partie des chœurs et peuple se faisait payer pour chanter, ayant à cela le triple plaisir de
se montraient sans doute fort désintéressés; dans la suite, ils paraissent s'amuser, de s'enrichir et d'appauvrir les riches. (Xenoph., De republ.
avoir exigé et reçu un salaire en argent. Xénophon parle des riches que ath., cap. i, § 13. — Magnin, Les origines du théâtre mod., t. I,
ruinaient les dépenses des chœurs et du service maritime, tandis que le p, 124.)
y
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 9
tants de la tribu (1). Le chorége s'occupait à réunir les éléments de l'ensemble choral et a faire exercer les chorcutes
danseurs ou chanteurs. Cette charge était onéreuse et obligeait à des sacrifices d'argent assez considérables pour qu'on
en vînt à ranger la chorégie parmi les accidents funestes qui amènent inévitablement la perte des plus belles for-
tunes (2).
Des sociétés du même genre, fondées pour les besoins du culte, ont existé à peu près chez tous les peuples où la
musique se trouvait intimement liée aux cérémonies religieuses. On a déjà vu que les Israélites possédaient une
école de prophètes (3) instituée par Samuel, et dans laquelle le chant, la musique et la poésie étaient enseignés {h).
Au temps de David, il y avait des lévites remplissant des fonctions analogues à celles de nos maîtres de chapelle.
Sous leurs ordres étaient placés vingt-quatre sous-chefs commandant à quatre mille chanteurs et instrumentistes. Une
des branches de l'institution des druides, les bardes, qui veillaient à la conservation du dépôt des chants sacrés et des
traditions poétiques et musicales, formaient eux-mêmes un collège de poêles chanteurs partagé en trois classes : les
bardes aspirants, les simples bardes et les chefs des bardes. Les premiers, les bardes aspirants, constituaient diverses
catégories et subissaient pendant plusieurs années des épreuves devant un chef des bardes qui, selon le plus ou
moins de génie poétique et musical des candidats, prononçait leur admission ou les déclarait exclus pour toujours.
Dès les premiers temps du christianisme, au sein môme du clergé, il se forma un orare de chanteurs ecclésiastiques
admettant aussi plusieurs grades (5). Plus tard, il y eut une école de chant spécialement destinée à fournir le personnel
ordinaire des chœurs religieux pour les processions et pour les autres solennités et cérémonies de l'Église. Ce per-
sonnel eut pareillement sa hiérarchie (6). Il en fut de même de celui qui fut formé dans d'autres écoles de chant plus
complètement et plus régulièrement organisées que la précédente en divers lieux du monde chrétien (7).
Mais, à côté de ces institutions purement sacerdotales, ne tardèrent pas à s'établir de toute part, en dehors de
l'Église, des sociétés libres de chanteurs dont les membres appartenaient le plus souvent à la bourgeoisie ou bien à la
classe ouvrière, quelquefois aussi au clergé. Ces sociétés cultivaient le chant comme un accompagnement obligé de
certaines pratiques de dévotion. Si les pèlerins qui psalmodiaient des cantiques et s'arrêtaient dans les rues pour
raconter les épisodes de leur voyage à Jérusalem, mêlant à leurs chants et à leurs récits certaines fables auxquelles le
peuple donnait le nom de visions (8), ne nous offrent pas encore le type d'une véritable société de chant choral, peut-
être trouverons-nous ce type à peu près formé dans l'association des laudisti ou chanteurs de psaumes de Florence.
Cette confrérie, dont l'origine remonte, à ce que l'on croit, au xiv c siècle, si elle n'est même plus ancienne, se compo-
sait de simples amateurs, bourgeois, marchands et artisans qui, mus par des sentiments de piété, et probablement
aussi par l'amour du chant en chœur, allaient en grande procession, vêtus de blanc et tenant des cierges allumés, par
les rues de la ville de Florence. De temps en temps, ils s'arrêtaient devant les églises ou chapelles pour exécuter des
hymnes et des psaumes en l'honneur de Dieu, de la Vierge et des Saints. Cette institution ou compagnia subsistait
encore vers la fin du xviu c siècle, et Burney nous apprend qu'il entendit plusieurs fois dans les rues ces pieux chan-
teurs redire ensemble leurs cantiques ou laudi sinrituali, qui étaient à trois parties (9). « C'est de cette manière,
(1) Liban., Argum. in Mid. — Anonyra., in ejusd. Argum. » autres lieux de piété, composaient des cantiques sur leurs voyages,
y
(2) On lit dans une des comédies d'Antiphane intitulée le Soldat : » mêlaientle récit de la mort du (ils de Dieu ou du jugement dernier
<t Vous êtes dans une grande illusion si vous croyez posséder quelque » d'une manière grossière, mais que le chant et la simplicité de ces
chose d'assuré dans la vie. Un impôt vous enlève toutes vos épargnes, ou » temps-là semblaient rendre pathétique, chantaient les miracles des
bien un procès inopiné les dissipe nommé stratège, vous êtes abîmé de
; » saints, leur martyre, et certaines fables a qui la créance du peuple
dettes; chorége, il ne vous reste que des haillons, pour avoir fourni au » donnait le nom de visions et d'apparitions. » (Le père Ménestrier,
chœur des habits couverts d'or. » [Athen., lib. III.) Des représentations en musique anciennes et modernes, p. 152 153.)
(3) Chez les Israélistes, le nom de musicien fut synonyme de prophète (9) » Le lendemain de mon arrivée à Florence, entre les six et les
et de sage. » sept heures du matin, ils passèrent devant l'auberge où j'étais logé, en
(Il) Les prophéties étaient toujours proclamées unies à la musique. » grande procession, habillés d'un uniforme à peu près blanc, portant
(5) Dans les constitutions apostoliques, iib. III, cap. u, on voit que » à la main des cierges allumés. Us s'arrêtèrent près du dôme ou de la
l'ordre des chanteurs ou chantres faisait partie des ordres mineurs du » grande église exprès pour chanter un hymne assez gai, en trois par-
clergé. » lies, qu'ils exécutèrent très bien. » Un peu plus loin, Burney dit en-
(6) Onuph., De interpret. vocum ecclesiast, core : o Je rencontrai dans les rues une compagnie delaudisti. Us avaient
(7) U.,ibid. » été à Fiesola et marchaient en procession à leur petite église. J'eus la
(8) o Ceux qui revenaient de Jérusalem et de la Terre sainte, de Saint- b curiosité de les suivre et me procurai un livret des paroles qu'ils al-
» Jacques de Compostelle, de la Sainte-Baume de Provence, de Sainte- » laient chantant. Us s'arrêtèrent à chaque église qui était sur leur route
» Reine, du mont Saint- Michel, de Notre-Dame du Puy, et de quelques » pour chanter un couplet en trois parties, et lorsqu'ils arrivèrent à leur
2
10 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
» ajoute Burncy, que les dimanches et les fêtes, les marchands et les artisans se forment eux-mêmes en différentes
» compagnies pour chanter dans les rues en allant à l'église, Ceux de la paroisse Saint-Benoît, à ce que dit Crescembini,
» sont les plus fameux de l'Italie. Au grand jubilé du commencement de ce siècle (le xvnr), ils parcouraient les rues
« de Rome, chantant d'une manière à charmer et à étonner tout le monde (1). » On peut donc considérer la société
des laudisti comme une des plus anciennes sociétés chorales de chant religieux pour voix d'hommes qui aient existé,
Quant aux sociétés chorales de chant profane, on ne peut pas dire, je crois, qu'elles naissent avec les réunions et
les associations partielles de trouvères et de troubadours, ni même qu'elles s'apparentent avec celles des Minnesaenger
allemands, car rien n'indique que l'objet principal de ces réunions et de ces associations, ou tout au moins de quel-
ques unes d'entre elles, ait été la pratique du chant simultané. Il est même douteux que le principe des sociétés
chorales pour voix d'hommes réside dans l'institution des Meistersaenger, que l'on prétend dater aussi du xiv e siècle,
bien que quelques unes de leurs annales aient la prétention de reporter leur origine dans le x s Les statuts
. et les règle-
ments des artisans poètes devenus célèbres sous le nom qui précède, font bien voir que le chant comme la poésie était
l'objet d'une extrême sollicitude de la part des maîtres; mais ces documents n'établissent point que ce fût du chant en
chœur qu'il s'agissait. Ils se réfèrent, au contraire, à l'exécution de certaines cantilènes assez semblables à du plain-
chant, ou à des psalmodies hébraïques que les membres de l'association faisaient entendre tour à tour dans leurs
exercices solennels, et qu'ils chantaient isolément, ou bien tout au plus, dans certains cas, deux à la fois. Au reste,
d'après la forme des morceaux, il est facile déjuger qu'on les destinait à être chantés de la sorte et non pas en chœur.
J'avoue néanmoins que les Meistersaenger ont dû puissamment contribuer à faire sentir le charme et l'utilité des
réunions d'hommes consacrées aux nobles travaux de l'esprit et à la culture des beaux-arts. Us semblent avoir, les
premiers, cherché à répandre le goût de l'étude en commun du chant et de la poésie, pour adoucir les mœurs et
inspirer aux citoyens de toutes les classes des sentiments fraternels. Wagenseil (2), s'attachant à faire connaître le
but moral de cette institution , dit positivement qu'elle tendait à détruire le principe d'antagonisme inhérent
au partage des artisans en différentes corporations. Comme l'a fort bien démontré M. Jules Simon, dans un travail
historique des plus remarquables, où le mérite du style égale celui des recherches (3), et qui, sous le titre modeste de
Compte rendu, présente tout l'intérêt d'un savant Mémoire, les corporations, les confréries, les maîtrises et les
jurandes du moyen âge, loin de rester fidèles à l'esprit de charité qui les avait inspirées, étaient pour la plupart
dégénérées rapidement en instruments de privilège et de tyrannie ; les professions associées étaient autant de castes
exclusives où les moins habiles n'obtenaient plus le droit de cité ; elles intervenaient dans toutes les affaires de la vie ;
tout acte du compagnon ou de l'ouvrier était soumis à leurs contrats, et l'on ne voyait plus en elles que l'organisation
de l'arbitraire et du monopole, qu'une consécration nouvelle des vieilles inégalités sociales. Ce fut au nom sacré des
Muses secondées par les inspirations fécondes de la morale et de la religion évangéliques, que les maîtres-chanteurs
s'adressèrent aux membres des corporations ouvrières et quelquefois à ceux des corporations rivales, les appelant à
contracter au milieu d'eux une alliance fraternelle et indissoluble. Il y avait sans doute quelque chose de vraiment
noble et touchant dans les mœurs de ces ouvriers-poètes qui, pour se débarrasser de leurs fatigues journalières et
trouver une compensation à de prosaïques labeurs, s'abandonnaient à l'ivresse des plaisirs intellectuels, aimant mieux
dérober quelques gouttes de nectar à la coupe des dieux que d'aller s'abreuver de cervoise dans quelque bouge immonde.
» propre église, dans laquelle j'entrai avec eux, il y avait une troupe » de la respectable confrérie de S. Magdelaine des Foux à S. Marie du
» d'instruments pour les recevoir, et qui jouèrent quelques morceaux » Capitale, Flor., 1770.» (Burney, De l'état présent delà musique en
» de symphonie entre chaque stance. Ils chantèrent les vêpres en plain- France et en Tt'aïie, dans les Pays-Bas, etc., ou Journal des voyages
» chant, assistés par leur chapelain. Tout se passa avec beaucoup de faits dans ces différents pays, trad. de l'anglais par Ch. Brack, Gênes.
» décence; c'était un amusement très innocent. Quelques unes de ces 182S, t. I, p. 199 et suiv., p. 213 et suiv.)
» compagnies de laudisd établies à Florence y subsistent depuis près de (1) Id., ibid.
a cinq cents ans. J'ai trouvé un manuscrit in-folio de audi Lspivituali, (2) Johann Christof WagenseWs Buch von der Meister-singer
,) avec des notes, dans la bibliothèque de Magliabecchi, composé par une goldseligen Kunst ; ap. Joh. Christoph. Wagenseil, De civiiate Norim-
» compagnie de frères de l'ordre des Umiliati, et que l'on chantait ù bergensi commentatio. Altdorf, 1697, ouvrage du même.
» l'église de tous les Saints, à Florence, en 1336. Le litre de ces hymnes (3) Voy. Compte Rendu des travaux du comité de l'association dej
le
« commence ainsi: Laudi da cantarsi da Fratclli délia venerabile com- artistes musiciens, par M. Jules Simon, dans V Annuaire de l'association
» pagnia di S. M. Maddalcnadei Paiiiin S. Maria in Campidoglio, in des artistes musiciens, huitième année (1851).
» Firenze, 1770, vu. Hymnes écrites pour être chantées par les frères
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 11
Jaloux au plus haut point de l'importance et de la dignité de leur art, ils évitaient avec soin de rien faire qui pût le
déflorer et l'avilir. Ils s'engageaient donc, par une clause expresse de leur règlement, à ne point répéter dans les rues,
dans les tavernes, dans les lieux publics et mondains, les chants qu'ils avaient composés, de peur de les rendre com-
muns et vulgaires. Dans les commencements, ils s'obligeaient, en outre, à ne traiter, pour ainsi dire, que des sujets de
piété tirés de l'Ancien ou du Nouveau Testament ; enfin ils bannissaient de leurs élucubrations poétiques tout ce qui
aurait pu porter atteinte aux bonnes mœurs, ou du moins détruire les sentiments de concorde que l'institution avait
pour but de développer et d'entretenir. C'était par ce motif qu'ils s'interdisaient les chants satiriques et que, différant en
cela des Minnesaenger, ils célébraient les charmes innocents de l'amitié plutôt que les dangereux plaisirs de l'amour.
Il a existé pendant plusieurs siècles à Nuremberg, à Augsbourg, à Strasbourg, à Colmar, des sociétés de maîtres-
chanteurs qui s'honorent d'avoir compté parmi leurs membres un Hans Sachs. Celle de Strasbourg, qui s'est conservée
jusqu'à une époque assez récente, fut particulièrement célèbre. On possède encore des documents fort curieux sur son
organisation et sur les individus qui en faisaient partie dans les derniers temps.
D'après ce qu'on vient de dire , il est facile de voir que l'institution des Meistersaenger eut un caractère plus reli-
gieux encore que profane, du moins dans le principe ;
je dis dans le principe, parce qu'à une certaine époque ce carac-
tère se modifia sensiblement et finit par s'altérer tout à fait. Qu'elles fussent composées d'ecclésiastiques ou seulement
de laïques , les premières sociétés de chant pour voix d'hommes furent généralement dans ce cas. On verra tout à
l'heure ce qui réussit à y faire prédominer l'élément mondain. Jetons d'abord un coup d'oeil sur les ensembles de
musique chorale qui prirent naissance dans les collèges et dans les universités.
Déjà les établissements pédagogiques fondés par le sacerdoce offrent très anciennement des exemples de l'enseigne-
ment du chant polyphone. Il eu était où l'on avait coutume, à différentes époques de l'année, pendant les repas, d'exé-
uter en chœur et de mettre en scène, d'une manière dramatique, certains psaumes, certains cantiques, certains épisodes
tirés des livres saints. De petits drames complets avec chœurs furent même exécutés dans des monastères d'hommes et
de femmes (1). Du reste, on enseignait dans la plupart de ces maisons religieuses le chant choral avec un soin parti-
culier. Ainsi, dans un ancien statut deCiteaux, dont j'ai déjà parlé, saint Bernard indique la manière dont les moines
devaient unir leurs voix, alterner et se répondre pour célébrer dignement les louanges du Seigneur. Les mêmes usages
passèrent des cloîtres dans les universités. Le chant y fut enseigné aux étudiants et la musique mise au rang des
sciences les plus importantes (2). En accomplissant les actes de dévotion journalière qui leur étaient prescrits , les
élèves s'exerçaient à la pratique du chant simultané. Us avaient, pour leur usage spécial, des cantiques spirituels et
des chansons morales composées par leurs professeurs, ou par ceux d'entre eux qui cultivaient avec le plus de succès la
musique et la poésie. Il fut un temps où l'on eut l'idée d'en former des recueils ; chacun de ces recueils avait d'ordinaire
les commodes dimensions d'un volume de poche , afin que les étudiants pussent les porter partout avec eux. Ce vade
mecum qui contenait les prières du matin et du soir, le benedicite, les actions de grâce ,
etc., était placé le soir à leur
chevet avec les autres ouvrages de piété à leur usage. Mais on conçoit aisément qu'une jeunesse vive et mutine, pétu-
lante et goguenarde, ne puisse s'accommoder longtemps de la retenue qu'on lui impose. Ces chants universitaires,
empreints d'une certaine morgue doctorale, d'une certaine gravité académique, finirent par ennuyer les écoliers.
Comme à force de les redire ils en retenaient les formules par cœur, ils imaginèrent d'appliquer ces formules à la
parodie mordante et spirituelle de tout ce qu'on leur faisait chanter de sérieux. Donnant bientôt pleine carrière à leur
verve, ils composèrent des chansons satiriques et licencieuses sur toutes sortes de sujets (3). Bien plus, sous l'influence
de l'esprit d'association, qui fut pour ainsi dire universel au moyen âge, ils formèrent des corporations joyeuses dont
l'organisation burlesque parodiait aussi la hiérarchie, le cérémonial et les usages universitaires, réceptions officielles,
épreuves, examens, admissions aux divers grades, banquets, etc. Chacune de ces corporations avait son code , son
règlement, ses séances, ses insignes d'honneur et ses chants favoris (h). D'ordinaire le lieu de réunion était une
(!) Gerbert, Mart., De cantu et munca sacra, t. II, p. 82. — nière suivante : Astronomie, musique, géométrie, rhétorique, logique
D r
Alt, Theater und Kirche. Berlin, 1846, p. 459. ou dialectique, physique et grammaire.
(2) Elle faisait partie du quadrivium, avec l'arithmétique, l'astro- (3) Les moines eux-mêmes et les élèves des écoles qu'ils dirigeaient
nomie et la géométrie. La réunion de toutes les sciences comprises dans avaient donné les premiers l'exemple.
le quadrivium et dans le trivium, prenait le nom de clergie ou les sept (4) Tous ces usages sont encore en vigueur dans la plupart des uni-
arts libéraux. Vers le milieu du xni" siècle, on les classait de la ma- versilés allemandes; il s'en est même conservé quelques uns rarmi le»
12 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
brasserie ou une taverne. C'était là que les écoliers venaient boire, manger, faire des armes, se battre en duel et
repéter en chœur des chansons à boire (1). Souvent à la suite de leurs folles orgies , ils se réunissaient par bandes et
parcouraient la ville en chantant. Souvent aussi, à l'occasion de certaines fêtes, ils se livraient à un redoublement de
bravades et d'excentricités, dansant la nuit dans les rues, donnant des sérénades aux jeunes filles , des charivaris aux
vieilles gens, et entonnant à qui mieux mieux des chansons obscènes et impies. Ces petites saturnales ,
plusieurs fois
interdites sans succès par l'autorité, exposaient les délinquants à de sévères remontrances , sinon à de fortes amendes
et à des incarcérations temporaires quelquefois ;
même elles occasionnaient leur renvoi des écoles. Alors ceux qui avaient
été chassés rejoignaient les troupes faméliques de clercs , de moines et de prêtres errants auxquels on donnait autre-
fois le nom de gogliardi. Les gogliardi , moitié histrions et moitié chanteurs , fêtaient le dieu de la bonne chère et
célébraient les délices de la vie matérielle. Leur influence dut se faire principalement sentir sur les chœurs de buveurs.
De là des compagnies d'une nouvelle espèce qui semblent avoir été la contre-partie des compagnies religieuses du
genre de celle des laudisti dont j'ai parlé plus haut. Mais leurs chants convivales, loin d'être des psaumes de l'Église
comme ceux qu'on exécutait autrefois dans les monastères et dans les collèges , consistaient en productions grivoises
et erotiques, souvent calquées, il est vrai, sur quelque cantique pieux (2), mais fourmillant d'allusions païennes et
d'équivoques licencieuses. Il se peut que l'on doive à la singulière transformation que je signale l'acception toute lu-
ronne du mot frère et du mot compagnon pris dans le sens de bon vivant et de joyeux buveur; et qu'il en soit résulté
aussi l'expression à double entente familière et même un peu triviale d'entonner, de même que le nom de Liedertafel,
table à chansons, par lequel les Allemands désignent aujourd'hui une société d'hommes réunis pour se donner le plaisir
d'exécuter en chœur à plusieurs parties, pendant le repas, des morceaux de musique vocale sans accompagnement, bien
qu'une société semblable n'ait pas pour unique mot d'ordre le fameux Trink de l'oracle de la dive bouteille.
S'il faut imputer en grande partie à l'intervention des étudiants les tendances mondaines du chant choral , et jus-
qu'à la formation dans un but profane de sociétés de chœurs d'hommes, ce serait une erreur de prétendre borner cette
intervention à l'introduction de l'élément satirique et passionné, contrairement à l'esprit moral et religieux qui avait
prédominé jusque-là dans l'espèce de musique dont il s'agit. Sans doute la jeunesse est parfois portée à la licence par
la fougue de ses passions et par la puissance même de ses facultés , mais elle est douée d'instincts généreux : elle a
une sincérité, une franchise, une noblesse d'âme et une richesse d'imagination, en somme, si je puis m' exprimer
ainsi, une vitalité qui ne pouvait manquer de profiter au chant choral. Il y devait puiser la variété , le charme et l'in-
térêt qu'engendre la libre manifestation des sentiments naturels et caractéristiques de l'homme; sentiments que le
rigorisme ecclésiastique ou le pédantisme académique se fussent toujours efforcés de retenir dans des limites de con-
vention, d'où la production d'oeuvres sans caractère et sans originalité, d'une couleur fausse et monotone, d'une allure
lourde et empruntée, pâles, mortes, manquant de cette chaleur féconde de l'âme qui est la seule vraie poésie.
D'ailleurs, les mœurs du moyen âge une fois adoucies et réfrénées par le progrès des lumières et l'action civalisa-
trice des réformateurs du xvi e siècle, le peuple et les étudiants adoptèrent une ligne de conduite plus sage; ils renon-
cèrent à un grand nombre de leurs vices et de leurs excès. La religion évangélique eut soin de multiplier de tous côtés
les écoles et les séminaires. Elle organisa sur de larges bases un système régulier d'enseignement pour la jeunesse
studieuse. Elle prit surtout des mesures efficaces pour faire participer les classes pauvres aux bienfaits civilisateurs de
l'instruction ;
enfin, elle joignit étroitement à la culture des diverses branches des connaissances humaines celle de la
musique, notamment la pratique du chant en chœur, regardant cet objet comme éminemment propre à seconder ses
vues et à décider le succès des nouvelles doctrines. Luther faisait grand cas de ce mode de prosélytisme et recom-
mandait d'y avoir recours.
Lui-même donna plus d'une fois l'exemple. Il voulait que la musique fût mêlée aux pratiques du culte comme aux
étudiants de la ville de Strasbourg. On peut consulter, sur les coutumes (2) Différentes versions d'une parodie bachique d'une hymne à la
bouffonnes et l'argot des étudiants, un curieux petit ouvrage intitulé Vierge ont été très en vogue pendant lemoyen âge. On connaît aussi une
Burschicoscs Woertcrbucli, von J. Volmann. Schaffhouse, 1846, 2 vol. autre parodie bachique du psaume XCV, en allemand et en latin, pu-
in-1 2, ou Dictionnaire burchique (de Bursch, étudiant), par J. Volmann. bliée d'après un manuscrit du xv e siècle par Lassberg, Liedersaal, t. II,
(1) L'une des branches les plus importantes et les plus complètes du p. 677-079. (Voy. Édelestand du Méril, Poésies populaires du moyen
répertoire lyrique des étudiants ; les Allemands les appellent Commers- âge, Paris, 1847, p. 204.)
tieder.
SUa LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX. D'HOMMES. 13
différents actes de la vie privée. Le savant Mathesius nous apprend que, lorsqu'il était à table, entouré de ses amis
et de ses disciples, il se plaisait à entonner avec eux des chants en chœur, non seulement d'austères chorals, mais de
gracieux motets, ainsi que les compositions en vogue des Senfl, des Josquin et d'autres maîtres du temps. Mathesius
ajoute qu'il lui arriva plus d'une fois d'assister à ces réunions où l'on remarquait également la présence de Philippe
Mélanchlon. Tous les deux unissaient leurs voix à celle de Luther, non seulement pour répéter avec lui quelques
pieux cantiques, mais aussi pour redire des vers de Virgile si doux aux lèvres même du chrétien. De gais propos alter-
naient avec ces chants (1). D'après de tels usages, on serait tenté de considérer les festins lyriques de Luther comme
une sorte de Liedertafel dont l'illustre réformateur aurait été le président. Du reste, ces habitudes convivales furent
celles de beaucoup de familles protestantes qui eurent à cœur de suivre ce grand modèle. Martin Luther faisait de
l'étude de la musique dans les familles et chez les prêtres du nouveau culte comme une obligation de sa doctrine. Ne
perdant aucune occasion de soutenir et de vanter à ce point de vue son art favori, il ramenait souvent la conversation
sur cet objet. On lit dans les Tischreden : « Le 17 décembre 1538, le docteur Luther invita les chantres et les musi-
» ciens à un souper où ils chantèrent de belles et douces antiennes, et le docteur dit avec admiration : Puisque le
» Seigneur Dieu nous accorde des dons aussi précieux durant cette vie (qui n'est qu'un véritable cloaque), que sera-ce
» donc dans la vie éternelle où tout sera disposé de la manière la plus parfaite et la plus accomplie ! J'ai toujours aimé
» la musique, la connaissance de cet art est bonne et elle sert à toutes choses ;
il nous faùt absolument encourager
» cette étude dans les écoles. Un maître d'école doit être un habile musicien, autrement, je ne ferai nul cas de lui, et
» nous ne devrions pas conférer à des jeunes gens le grade de prédicateur, si d'avance ils ne sont pas bien exercés et
» instruits dans la connaissance de la musique. La musique est un don de Dieu et elle est alliée de près à la théo-
» logie (2). » Les instructions de Luther ayant été religieusement suivies, la musique sacrée et surtout le chant d'en-
semble n'eut bientôt pas de meilleurs soutiens que les jeunes élèves des écoles et des séminaires protestants. Aussi
sera-ce dans la classe des pasteurs et des maîtres d'école que nous verrons tout à l'heure se former en Allemagne
d'excellentes sociétés de chœurs d'hommes.
Eisenach fut une des premières villes où s'établit parmi les protestants l'usage de chanter dans les rues des chants
figurés (figural-Gcsaengè) les jours de fêtes religieuses. D'abord il n'y eut que quatre élèves chanteurs qui parcouru-
rent ainsi la ville ; mais comme ces processions chorales plurent beaucoup aux habitants et intéressèrent même les
étrangers , comme les fils des premières maisons bourgeoises s'empressèrent de participer volontairement à ces
ensembles, le nombre de chanteurs alla toujours en augmentant, et il y en eut bientôt environ une quarantaine.
L'exemple donné par Eisenach fut suivi par d'autres villes allemandes. En même temps, une institution antérieure a
la réforme, celle des Currente (3), enfants pauvres élevés aux frais du clergé ou des familles pieuses dans des écoles spé-
ciales où ils apprenaient, sous la direction d'un maître appelé Caritôr, tout ce qu'il fallait savoir pour chanter au
chœur, quelquefois aussi pour se préparer à la carrière des lettres et à celle de l'église; cette institution, dis-je, étant
de catholique devenue protestante, contribua d'une manière remarquable à la propagation du chant à plusieurs parties
dans toute l'Allemagne. On pense même généralement que ces écoliers ont facilité les progrès rapides de la doctrine
de Luther en Saxe. Comme il n'y avait pas originairement de fondation régulière pour pourvoir à leur entretien, les
familles qui favorisaient le mouvement de la réforme remplirent cet objet par des dons volontaires ;
lorsque tout le
peuple fut devenu protestant, ces charités s'accrurent et donnèrent à l'œuvre une grande importance.
Au nombre des obligations imposées aux jeunes chanteurs était celle de parcourir les différents quartiers de la
ville, et de s'arrêter devant les portes des maisons pour chanter des psaumes ou des cantiques spirituels comme les
laudisti de Florence. Ils devaient aussi, moyennant une légère rétribution, prêter leur concours aux fêles de famille et
aux funérailles des gens riches. Ils étaient obligés en outre d'aller chanter dans les églises pendant le service divin.
Ceux qui savaient les langues anciennes assez bien pour les enseigner, devenaient maîtres d'école dans différentes
paroisses, et inculquaient à leurs élèves le goût de la musique d'ensemble qu'ils avaient pendant longtemps cultivée {h).
(1) On en a recueilli un certain nombre qui ont élé publiés sous le mission de courir de rue en rue en chantant des psaumes. On croit
litre de Tischreden de Martin Luther. qu'ils furent régulièrement institués en 1450 par Scipion Damianus,
(2) Tischreden, trad. de M. Gustave Brunet. Paris, Gai nier fKres, évêque d'Asie.
1844, p. 211-212. (4) Dans la relation de son voyage en Allemagne, le docteur Burney
(3) Ou Currende, du latin currere, parce que ces écoliers avaient parle plusieurs fois des bandes d'écoliers chanteurs qu'il avait ren-
1/, RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GENERALES
C'est ainsi qu'aujourd'hui les collèges et les séminaires protestants d'où sortent chaque année des instituteurs primaires,
des ministres du saint Évangile et un grand nombre de jeunes gens qui embrassent la carrière des lettres ou celle des
arts, sont encore de véritables pépinières de chant choral. Non seulement les élèves s'exercent assidûment à la pra-
tique de ce genre de musique pendant toute la durée de leurs études, mais dès qu'ils ont quitté ces établissements, ils
fondent de tous côtés des sociétés particulières pour exécuter en chœur des morceaux composés pour voix d'hommes.
Cet usage a produit en Allemagne, comme nous le verrons bientôt, les sociétés de chant religieux, ou sociétés des maîtres
d'école, qui exécutent des morceaux à plusieurs parties pour vojx d'hommes, d'ordinaire sans accompagnement
A partir du e
xvi siècle, il est souvent fait mention d'exercices et de solennités universitaires à la pompe desquels les
étudiants et les professeurs contribuaient par des chants et des hymnes à plusieurs parties. L'usage des tragédies et
des comédies d'école n'avait pas cessé, et l'on avait l'habitude d'exécuter, k la fin ou au commencement des actes,
quelquefois même dans le courant de la pièce, des chœurs de musique vocale : c'était principalement pendant les fêles
du carnaval ou à la Saint-Jean qu'avaient lieu dans les écoles ces représentations dramatiques (1). Celles que l'on
Des hommes célèbres comme savants et comme musiciens ne dédaignaient pas de composer les morceaux de musique
que l'on devait y faire entendre. Walliser, qui est un des plus renommés en ce genre, en écrivit un grand nombre
pour les ouvrages scéniques représentés sur le théâtre de l'Académie de Strasbourg (2).
Chacune des principales circonstances de la vie d'étudiant était à cette époque célébrée par des chants en chœur.
Pendant le service divin, les jeunes gens mêlaient les doux accords de leurs voix aux sons majestueux de l'orgue; ils
exécutaient des chorals d'une harmonie riche et suave. Quand venait la fête de leurs parents, de leurs camarades et de
leurs professeurs, ils chantaient des hymnes joyeux et se réunissaient pour donner des sérénades aux flambeaux ; aux
enterrements, ils exécutaient des chants funèbres. Dans leurs réunions de plaisir et banquets solennels appelés
Commcrs-Kreism, ils répétaient les anciens refrains traditionnels ou bien ils en improvisaient de nouveaux. Variant
les accents de leur muse, ils faisaient alterner les chants sérieux et enthousiastes, et les chansons bouffonnes et comi-
ques où le latin se mêle facétieusement a la langue vulgaire. Que de fois les échos paisibles et rêveurs de la poétique
Allemagne n'ont-ils pas été brusquement interpellés par les accents ironiques de la muse juvénile ! Que de fois n'ont-
ils pas été forcés de redire ces lieder si connus : Was kommt von der Hohe; Bekràntzt mit Laub, Vom hoh'n Olymp,
ça ça Geschmauset , Dus Crabambuli, des Johres letzte Slunde, Lasst die Politiker nur sprechen, et surtout le Gau-
deamus, l'antique Gaudeamus, pieuse invocation empruntée par la volupté au chant du culte, et qu'elle a si bien détourné
de son application première, que l'humoristique Brandi n'a pas hésité à lui donner place sur le drapeau de la Nef des
fous. Gaude, Gaudeamus, tel est le cri de ralliement de la jeunesse des écoles d'un bout du monde à l'autre, et la
France, comme l'Allemagne, sait ce qu'il signifie : Si mortui non resurgunt, manducemus et bibamus, cras enim ma-
ri emur (3),
contrées à Berlin, à Francfort, et 5 Vienne: « Voici, dit-il, la méthode (1) Dans le xv c siècle, on voit les écoliers jouer des comédies deTé-
n qui leur est prescrite. Ils commencent a chauler, par exemple, le pre- rence; Ileuchlin est un des premiers qui ont illustré, en Allemagne, le
» jusqu'à ce qu'ils aient fait successivement et en chantant le tour de la sence de l'évèque de Worms. La plupart des œuvres dramatiques de
>' ville. Ils recommencent ensuite dans le même ordre de rotation, Il Reuchlin contiennent des chœurs; il en est de môme de presque toutes
» faut observer qu'indépendamment de la corvée laborieuse et pénible les pièces de théâtre des xv, xvr et xvir siècles.
« d'aller chanter ainsi dans les rues, durant l'hiver, dans un climat si (2) La plupart de ces compositions ont été publiées ; je citerai entre
» dur, ces pauvres écoliers sont encore obligés d'aller chauler dans les autres les deux recueils suivants : Walliser (Chr.-Fh.), Chori musici quos
» églises tous les dimanches et fêles. Ils sont eu général partagés en liarmonicis III, IV, V et VI, vocum numeris exornavit, et in Andromède
» troupes de seize à dix-huit ensemble. Ceux de ces écoliers qui mon- tragëdia secundiim Argentoratensis Academia theatro frequentissima
» trent du goût et des dispositions particulières pour les sciences sont exhibita introduxit, etc. Iîxcudebat Carollus Kiefer VI Caleud. Septemb.
» envoyés aux Universités de Leipsick ou de Wurtemberg. Ces deux 1612 ;
in-4 contenant six chants. — Chori musici novi liarmonicis
» Universités entretiennent ainsi plus de trois cents étudiants. Quand quatuor, quinque et sex vocum numeris exornale et in Charielis Ira-
» ceux-ci ont achevé leurs cours ordinaires de philosophie, ils sont maîtres gico-comœdia in argentoratensis Academia theatro exhibitj. Argent,,
» de s'adonner, suivant leur goût, ou ix la théologie ou à la médecine, ou 1614, in-i°.
» à l'élude de la jurisprudence, et deviennent ainsi très utiles aux dilfë- (3) Ce sont les termes dont se sert ironiquement saint Paul dans son
• rentes branches scientiliques, etc. » Aujourd'hui il n'y a plus que quel- épîtreaux Corinlhiens. (I Corinth., cap. XV, V. 32.)
ues pays du nord de l' Allemagne qui aient conservé l'usage des Cur reniai.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 15
Toutes les circonstances que je viens d'indiquer ayant donné au chant choral une extension et une popularité rapides,
on vit bientôt se former en tous lieux des sociétés de musique vocale dont plusieurs eurent exclusivement pour objet
l'exécution des morceaux destinés aux voix d'hommes sans accompagnement d'instruments. C'est à ces dernières que
le chapitre suivant est consacré. Après avoir parlé des plus anciennes sociétés chorales fondées en Allemagne, je
m'occuperai de signaler les tentatives du même genre faites ailleurs ultérieurement, et surtout, dans ces derniers temps,
en France.
CHAPITRE III.
La première mention d'une société de chant pour voix d'hommes régulièrement constituée, en Allemagne, remonte
à l'an 1673. On sait positivement qu'il existait à cette époque dans la ville de Grciffenberg, en Poméranie, une réunion
chorale composée de seize personnes appartenant les unes à la bourgeoisie, les autres à la noblesse, d'autres au clergé,
mais placées les unes et les autres sur un pied d'égalité et d'union fraternelle par leur commun amour de la religion, de
la musique et de la poésie. Les membres de cette petite société que dirigeait un jeune étudiant en théologie, nommé
Benedict Lisiccus, composaient eux-mêmes les chœurs qu'ils exécutaient (1). On possède un recueil de leurs productions
en quatre parties in-folio, lequel fut publié à Alstetten sous le titre suivant : Greifenbergische Psaller-und Harfenlust
wider aUeflei Unlust, welche unter Gottes mœchtigem Scliutze und Churfurstlich Brandenburgischem Gnadenschaften
vertrauliclien Zusammenkunften , durch zioeyer Gesellschafter Joli. Moellers Geistliche Lieder und Thomas Hoppen
ISeue Melodeyen, zu sonderbaren Gemuths Ergoezungen ordentlich angesiellt wird und bewahrt erfunden ist.l — h Theile
Alienstettin. 1673-1675. Ainsi que le donne à entendre le titre prolixe qu'on vient de lire, le texte de ce recueil avait
pour auteur Jean Mceller et la musique Thomas Hoppe, qui mourut pasteur et membre du consistoire, à Colberg,
en 1703. Du reste, il ne s'agit encore cette fois que d'une édition des psaumes poétiquement traduits en langue vul-
gaire et arrangés à plusieurs parties (2), en sorte que la réunion chorale des honnêtes citoyens de Greiffenberg revêt à
peu près le caractère des institutions que fit éclore, longtemps avant la réforme, l'usage universel des psaumes et le
goût dominant de leur exécution en chœur dans les moments de loisir dévotement sanctifiés. Aussi, quoique la société
de Greiffenberg soit généralement regardée comme la première et la plus ancienne association chorale uniquement
composée d'hommes que l'Allemagne ait eue, et qu'elle soit même citée habituellement comme cas unique de l'origine
des Liedertafeln et des Liederkraenze , il ne serait probablement pas impossible, en cherchant bien, de trouver à la
même époque et autre part qu'à Greiffenberg, des institutions du même genre qui, n'ayant pas publié, comme celle
blit graduellement par les causes que j'ai déjà signalées, et surtout par cette circonstance qu'elles étaient souvent sui-
vies de repas en commun. Il est facile de concevoir que, dans ces modernes agapes, la liberté des chants augmentait
ou diminuait, selon le diapason de la gaieté des convives. Si l'on commençait par quelques psaumes en guise de béné-
dicité, on devait bien souvent finir par quelque gaudriole en guise d'invocation bachique. Célébrer Dieu dans les
bienfaits qu'il nous octroie, mêler ses louanges à celles des jouissances convivales, n'a certainement rien de blâmable
en soi. C'est une coutume très ancienne, presque patriarcale, et qui ne saurait être taxée d'irrévérence ou d'impiété
qu'autant qu'on la transforme en abus. Les religieux eux-mêmes ont souvent toléré pendant les repas des divertisse-
ments plus ou moins modestes, des récits instructifs, des lectures amusantes, des chants en chœur, des concerts de
(1) Allgem. musik. Zeitung [Gazette musicale de Leipzig). Jalir. de psaumes ainsi arrangés pour les voix et destinés à être chantés sans
i832, n" 43, p. 716. accompagnement.
(2) Il a été publié dans les xvr et xvn- siècles près de cent recueils
16 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
musique instrumentale et jusqu'à la représentation de petits drames bibliques. De temps immémorial les francs-maçons,
après avoir chanté les louanges de la Divinité, ont pareillement célébré les biens de la terre, parce que ces biens ont
été donnés à l'homme en cette vie pour le soutenir et le fortifier au physique, comme les biens spirituels sont destinés
Toutefois, un goût trop vif pour les plaisirs sensuels ayant souvent prédominé chez les convives qu'un but pieux
avait d'abord réunis, il s'ensuivit un retour païen de Noé à Bacchus qui exerça une grande influence sur la nature
des compositions poétiques et musicales chantées par des chœurs d'hommes, aussi bien que sur le caractère des asso-
ciations vouées à la culture du chant choral sans accompagnement. Ce résultat est clairement indiqué par le nom
même que ces associations ont reçu en Allemagne. Le nom de Liedertufeln, par lequel on les désigne, signifie littéra-
lement, comme je l'ai déjà dit plus haut, tables à chansons, c'est-à-dire tables ou plutôt repas et banquets où l'on
chante. Hâtons-nous de dire, cependant, que la gravité et la dignité naturelles au caractère des Allemands, le tour
sérieux et mélancolique de leur esprit, les tendances morales et artistiques dont ils font preuve jusque dans leurs
moindres plaisirs, ont eu pour effet de donner et de conserver aux Liedertafeln une physionomie à part dont les Fran-
çais ne sauraient se faire sur-le-champ une juste idée, mais qui distingue entièrement ces réunions chantantes de ces
banales sociétés d'épicuriens toujours prêts à fêter Momus avec un robuste appétit et de maigres chansons. Reposant
sur un principe plus solide et plus élevé, les chœurs d'hommes en Allemagne ont un but social et humanitaire. Si d'un
côté ils servent à répandre le goût de la musique d'ensemble par des concerts publics et des fêtes attirant la foule et
réunissant un grand concours de chanteurs, d'un autre côté ils tendent à propager l'amour de l'ordre et le besoin d'une
union fraternelle, non seulement entre tous les enfants d'une même patrie, mais entre tous les hommes indistincte-
ment. Les Allemands se font honneur de cette destination de leurs Liedcrtafelu. Remarquons qu'il est dans la nature de
leur esprit de ne point aimer les amusements qui n'ont pas un côté sérieux et utile, partant qui demeurent sans profit
pour leur pays et pour leurs concitoyens. C'est pourquoi ils ennoblissent et agrandissent les moindres choses et donnent
aux institutions même consacrées au plaisir une valeur et un relief qu'on ne leur connaît pas ailleurs. Au nombre
des résultats avantageux qu'il est permis d'attribuer à l'organisation régulière des sociétés de chœurs d'hommes au
point de vue des mœurs et de la sociabilité, il faut mettre en première ligne l'habitude que l'on prend volontairement
de se soumettre à un règlement fixe, habitude d'autant plus facile à contracter qu'elle tend à procurer des jouissances
dont on profite personnellement en même temps qu'on en gratifie tout le monde. D'ailleurs, imposée par l'amitié, une
pareille obligation n'a plus rien de la contrainte pénible du devoir. En second lieu, et tel est l'avis des Allemands, les
relations fréquentes que les membres des Liedertafeln entretiennent réciproquement à titre de collègues et puis bientôt
d'amis, sont peut-être de nature à favoriser la pratique des vertus sociales. Enfin, l'amour-propre ne trouvant guère
son compte que dans l'exécution des solos, et se complaisant beaucoup moins à celle des morceaux à plusieurs voix,
où chaque concertant n'a personnellement pas à briller et n'agit que comme partie du tout, il se peut que la pratique
du chant d'ensemble soit tout à fait propre à chasser l'égoïsme du cœur des hommes et surtout du cœur des artistes,
parce qu'elle les oblige à rechercher les succès collectifs et non pas seulement les succès individuels. De même, il ne
faut pas faire de doute que l'émulation qui naît d'un continuel échange de sentiments vraiment nobles et virils ne
prépare merveilleusement l'âme et l'intelligence humaine à l'intuition de tout ce qui est bon et utile, de tout ce qui
est grand et beau.
Les circonstances assez remarquables qui ont accompagné la fondation des Liedertafeln en Allemagne semblent,
du reste, attester le mérite et l'importance de cette institution. Un musicien de talent comme Zelter, un poëte
illustre comme Goethe, une notabilité princière comme Radziwill (1), un roi éclairé comme Guillaume III, ne se seraient
certainement pas intéressés à une œuvre ou médiocre ou frivole. Or, ils ont été précisément les hôtes et les soutiens
déclarés de la première société de chœurs d'hommes régulièrement instituée en Allemagne sous le nom de Liedertafel.
Ce fut à Berlin, vers la fin de 1808, que l'excellent professeur de musique Zelter eut l'idée de créer une Liedertafel
sur des bases tout à fait artistiques. On a voulu que ce projet lui eût été suggéré comme une réminiscence des heures
(1) Passionné pour les arts, le prince Radziwill les cultivait lui-même avec succès. Il était parfait musicien, chanteur distingué, violoncelliste
habile et bon compositeur. Il a mis en musique le Faust de Goethe.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 17
joyeuses de la vie d'étudiant. Le souvenir des plaisirs goûtés en commun dans les réunions et banquets appelés
Commers, k celte heureuse époque de l'existence humaine où l'enthousiasme déborde a (lot des cœurs, comme la bière
mousseuse s'échappe impétueusement des hanaps argentés ; ce souvenir, qui évoquait encore une fois les gracieuses
fantaisies de la muse, les refrains poétiques, les chants harmonieux, pouvait effectivement lui avoir inspiré, comme k
beaucoup d'autres, le désir de retrouver quelque chose d'analogue parmi les distractions et les passe-temps que se per-
mettent encore, dans l'âge des affaires et des soucis, les hommes appartenant aux classes instruites de la société.
Quoi qu'il en soit, Zelter a dit en propres termes qu'il fonda sa Liedertafel pour célébrer le retour du roi de Prusse à
Berlin. Une société de vingt-cinq hommes, dont le vingt-cinquième exerçait les fonctions de président (c'était Zelter
lui-même), se rassemblait une fois par mois à un souper pendant lequel on se plaisait k exécuter de belles chansons
allemandes. Les membres devaient être ou poètes, ou chanteurs, ou compositeurs. Celui qui avait écrit les paroles ou
la musique d'une chanson nouvelle la lisait, ou la chantait lui-même k table, ou bien il la faisait chanter par d'autres.
Si elle avait eu du succès, on faisait circuler une boîte parmi les convives; chacun y mettait quelque argent quand la
chanson lui avait plu. L'argent était compté séance tenante. La recette était-elle suffisante pour subvenir aux frais d'exé-
cution d'une médaille d'argent de la valeur d'un bon thaler, le président, au nom de la Liedertafel, remettait la mé-
daille au lauréat (1) ;
on buvait k la santé du poëte ou du compositeur, et l'on discourait sur le mérite de la chanson.
Lorsqu'un membre de la société pouvait présenter douze médailles d'argent obtenues de cette manière, il était
un jour fêté officiellement aux frais de la petite association. Ce jour-lk on lui mettait une couronne, on l'autorisait
a boire le vin qu'il préférait, et on lui faisait hommage d'une médaille d'or du prix de vingt-cinq thalcrs. Celui qui,
hors de la société, tenait quelque propos équivoque et inconvenant sur le compte d'un de ses collègues ou de la société
entière, était condamné kune amende. Les chansons satiriques, contenant des personnalités, étaient sévèrement inter-
dites. En général, tous les articles du règlement devaient être scrupuleusement observés ;
Zelter, dans le projet qu'il
fit circuler lors de l'organisation de la Liedertafel, donna connaissance des dispositions auxquelles chaque membre
serait tenu de souscrire. Un des articles fondamentaux de ce règlement statuait que rien ne pourrait être chanté qui
n'eût été composé par un membre de la Liedertafel. Les morceaux proposés d'après cette condition sine qua non, pour
être admis dans le répertoire, étaient essayés au commencement de chaque séance, et s'ils n'avaient pas été bien compris
et bien exécutés sur-le-champ, le poëte et le compositeur avaient le droit d'exiger qu'ils fussent répétés autant de fois
que bon leur semblait. Ces morceaux étaient écrits d'ordinaire pour quatuor d'hommes, deux ténors et deux basses,
avec chœurs et solo alternatifs. Cependant on s'écartait quelquefois de cette forme et l'on écrivait aussi des Lieder
k trois, k six voix, k double chœur, etc. La plupart de ces productions, notamment celles de Zelter et de Flemming,
acquirent, hors du cercle où elles avaient vu le jour, un immense succès. Les chants que les convives de la Liedertafel
répétaient le plus fréquemment et avec le plus de plaisir, dans leurs premières réunions, étaient les suivants : Bas
Bundeslied ; die Generalbeichte ; Herr Urian; Freude schoener Goetterfunken ; Fin Musicant
1
Les membres de la Liedertafel étaient convenus de jouer tour k tour le rôle d'amphitryons ;
ils admirent peu k peu
k leur table un certain nombre d'invités étrangers, et comme on exécutait dans ces séances festivales les meilleurs
chants du répertoire, ces chants ne tardèrent pas k être connus du public allemand qui les adopta, et qui en possède
encore de nos jours un grand nombre parmi ses Lieder favoris. Zelter avait pour ce genre de musique un talent
particulier; il en connaissait k fond les ressources. Cependant on peut conjecturer que le génie du poëte qu'il s'était
associé ne contribua pas peu k augmenter l'éclat et le succès de ses œuvres. Quand un musicien a le suprême avantage
(1) On voit dans la correspondance de Zelter et de Goethe, dont je parle plus loin, que Goethe fut chargé de fournir le dessin de cette
médaille.
i8 RECHERCHES HISTORIQUES ET CORS IDÏ RATIONS GÉNÉRALES
d'avoir pour collaborateur et pour ami un poète tel que Goethe, il serait le plus médiocre des artistes et le plus
malheureux des hommes, si le contact d'un tel génie, d'un esprit aussi émineut, ne faisait pas jaillir de son âme
l'étincelle créatrice. Zelter fut intimement lié avec l'auteur de Faust, et la mort seule put rompre cette liaison, qui
avait duré pendant une longue suite d'années (1). Goethe descendit le premier dans la tombe; Zelter, inconsolable
de la perte de son ami, lui survécut à peine deux mois. De ce commercé si touchant et si sincère, il est résulté une
volumineuse et intéressante correspondance epistolaire où. le caractère, les goûts, les habitudes, les relations, les
jugements et les travaux de ces deux hommes célèbres sont mis au grand jour et éclaircis par une foule de détails
neufs et piquants (2). On y voit surtout combien l'habile directeur de l'Académie de chant de Berlin avait su intéresser
le grand poëte allemand à la Liedertafel qu'il avait fondée. Je commence par citer un fragment d'une lettre qu'il lui
écrivait le h avril 1810. La traduction suivante reproduit autant que possible le sens du texte original :
« Déjà depuis plusieurs semaines l'état de ma santé laisse à désirer. Je ne sais si c'est l'air rude du mois de mars ou quelque autre
» influence extérieure qui me rend je ne dirai pas malade, mais maussade et souffrant. Je u'ai pas d'appétit, et la vie, à laquelle je ne laisse
» pourtant pas de tenir, me devient en quelque sorte pénible. •
» C'est ainsi qu'hier à midi je ne bus pas devin, parce que je n'en avais pas le moindre désir. Après le dîner, je m'endormis sur mou
» sopha. C'est alors que mon intelligent facteur plaça sur ma poitrine votre lettre que je reconnus à ma grande satisfaction, lorsque je
» rouvris les yeux. Avant de la déplier, je me fis apporter du vin pour me ranimer entièrement. Pendant que nia fille m'en versait, je rompis
» le cachet, et je m'écriai à haute voix : Ergo bibamus! L'enfant, saisie de frayeur, laissa échapper le flacon que j'attrapai, et bientôt rede-
» venu dispos et joyeux, j'éprouvai les salutaires effets du vin qui, sans doute, était reconnaissant de ce que je ne l'avais pas laissé perdre!
« Je me fis apporter une plume; je voulais profiter de la première impression et mettre sur-le-champ le poëme en musique. Ensuite,
» quand je regardai l'heure, je vis qu'il était temps de me rendre à l'Académie, dont la séance aujourd'hui a été suivie d'une réunion de la
» Liedertafel. Il hommes assis au banquet. Je leur lus votre poésie. A la fin de chaque
y avait quarante strophe, tous crièrent à l'unisson,
» et en formant d'eux-mêmes comme un double chœur Bibamus! Ils accentuaient la voyelle longue : d'une manière si formidable que le
» plancher en retentissait, et que le plafond de l'immense salle semblait se soulever. La mélodie s'est retrouvée là tout entière, et vous la
» recevez ici telle qu'elle s'est créée en quelque sorte d'elle-même. Si cela vaut quelque chose, je n'y suis pour rien : vous seul en avez
» l'honneur.
» L'intérêt que vous prenez à la Liedertafel doit infailliblement porter ses fruits. Les chants allemands d'un caractère -énergique ont
» une influence de plus en plus marquée. Au lieu de favoriser une manière de vivre languissante et débile, ils engendrent une vivacité et
» une force d'esprit que personne n'était capable de montrer auparavant. On sent mieux ce que l'on vaut (3); la démarche devient plus
» assurée sous l'impression d'une joie pure. Ce qui n'était qu'un sujet de langueurs et de vaines paroles prend le caractère d'une action
« fermement résolue, et l'ennui des banquets, où il n'y a que le voisin qui, tout en ruminant, s'entretient avec son voisin de son petit
» commerce, si ce n'est de la mangeaille elle-même, est inconnu là où tous fixent leur attention sur une seule et même chose, où une
» seule et même chose a été conçue et faite pour tous.
» Nous possédons un nombre considérable de Lieder cependant on s'en tient aux meilleurs, et l'on ne répète que ceux dont le sujet
» se prête bien à l'expression, dont les paroles conviennent à la situation, et qui ne renferment que ce qui doit y être. Le désir et
» l'empressement d'avoir du nouveau se modèrent d'autant plus qu'on a du nouveau tant qu'on en veut. Cela est d'un bon augure.
(1) Sorti pour ainsi dire des rangs du peuple, Zelter, dans sa jeu- causer avec lui de beaucoup de choses : Vm mick mit ihm ûber Manches
nesse, avait d'abord exercé la profession de maître-maçon qui avait été zu unterhalten. Tels furent l'origine et le point de départ de la liaison de
celle de son père; mais l'excellente éducation qu'il avait reçue, sa Zelter et de Goethe ; ces deux hommes se virent, se convinrent et s'ai-
haute intelligence et son goût pour les arts, l'éleVèrent bientôt à une mèrent. Toutefois, comme je l'ai dit plus haut, ce ne fut qu'à dater de
condition plus brillante. Ayant fait de la musique une étude approfondie 1799 qu'Us eurent ensemble des rapports suivis, et ces rapports ne de-
sous la direction de Fach, fondateur de l'institut de chant de Berlin, il vinrent tout à fait intimes que vers la fin de 1812, lors du tragique
obtint bientôt de grands succès dans la composition vocale, et devint en événement qui vint enlever un fils à Zelter, mais qui lui valut, comme
ce genre l'émule , sinon le rival de ses contemporains Reichardt et il le dit lui-même, de trouver, dans la personne de Goethe, mieux qu'un
Schullze. Zelter parait n'être entré en relation directe avec Goethe que ami, un tendre frère. Ce fut en effet dans la lettre de condoléance que
vers l'année 1799, mais tous les deux, avant de s'écrire, s'étaient déjà le grand poëte écrivit à ce père désolé, lettre admirable et qui mériterait
vus plusieurs fois et avaient conçu l'un pour l'autre beaucoup d'estime. d'être plus connue, que, par une tendre et délicate inspiration du cœur,
Zelter s'était posé en partisan déclaré du poëte allemand à une époque il commença, le premier, de substituer au mot vous, dont ils s'étaient
où celui-ci avait encore besoin de zélés défenseurs. Comme il admirait servis tous les deux jusqu'alors, le mot tu, qui, dès cette époque, vint
tout ce qui sortait de celte plume illustre, il se lit honneur de mettre modifier le ton de leurs entretiens pour y répandre un caractère d'af-
plusieurs de ses poésies en musique. Au mois de mai 1796, il envoya fectueux abandon et de douce familiarité.
à madame Unger un nouveau recueil de Lieder qu'il avait composé (2) Cette correspondance, qui a été recueillie par M. F.-W. Riemer,
sur des paroles de Goethe. Il la priait d'en garder un exemplaire pour conseiller et bibliothécaire du grand-duc de Saxe-Wcimar, forme la
elle et d'en offrir un autre de sa part à l'auteur de Wilhem Meister, matière de 6 volumes in-8, publiés sous le titre suivant : Briefwecksel
ne dissimulant pas la crainte qu'il éprouvait de n'avoir été qu'un in- zwischen Goethe und Zelter in den Jahren 1796 bis 1832. Ber-
digne interprète des inspirations de ce grand génie. Goethe fut très lin, 1838.
flatté de cette attention et très satisfait de l'œuvre du musicien. Il (3) Littéralement : On est plus capable de porter sa peau, Man wird
écrivit à madame Unger en la chargeant de ses rcmercîmenls pour schon foehiger seine Haut zu tragen.
Zelter, qu'il manifestait le désir de connaître personnellement, afin de
SUR LE C A NT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES.
» La joie de voir que vous avez encore pensé à nous a mis tout en train ; on a bu à votre santé comme on n'avait encore bu à la santé
» de personne. Le Aechzelied a été redemandé; on l'a chanté avec plus d'animation que la dernière fois; on l'a déjà mieux compris aujour-
» d'nui. Entre chaque strophe, on trinquait, on s'écriait: Vive le devoir! Es lebe die Pflicht, et la dernière strophe a été répétée d'une
» manière ferme et vigoureuse. «
Ici Zeltcr parle à Goethe de son dessein d'aller aux eaux de Tœplilz pour rétablir sa santé chancelante, et pour se
guérir d'une affection goutteuse dont il était atteint. «Si les eaux ne me font pas de bien ,
ajoutc-t-11 ,
j'aurai du
» moins la consolation de vous voir souvent, puisqu'en tout cas je serai plus près de vous. » Il prie en outre Goethe
de lui faire parvenir son Traité des couleurs dès que le premier exemplaire de cet ouvrage sera dans le commerce ;
puis il finit par ce compliment : • Actuellement je suis occupé de mes concerts de Pâques qui ne me sourient pas
» beaucoup cette fois. Si j'étais assez heureux pour vous avoir au nombre de mes auditeurs, tous les autres pourraient
» aller se promener. »
C'est sur le même ton de familiarité amicale que Goethe répond à Zelter :
« Je vous remercie mille fois de votre prompte réponse. Malheureusement je suis séparé de mon chœur de chanteurs : je ne puis donc
« fêter le Ergo bibamus que des yeux et du gosier. Écrivez-moi le plus tôt possible quels sont proprement les Lieder que l'on redit le plus
» souvent dans votre cercle, afin que j'apprenne à connaître le goût de vos convives, et que je sache le genre de poésies qui leur convient
» le mieux. Une fois fixé sur ce point, on pourra composer toutes sortes de choses amusantes {allerlei Spaesse) pour les amis.
» Ne manquez pas de persévérer dans votre dessein d'aller à Tœplitz. .Je crois que je ferai bien moi-même de visiter ces bains après
» ceux deCarlsbad. Mais, vu mon désir de ne pas abandonner une condition qui ne me déplaît nullement, je ne puis m'éloigner de l'Eger
» sans motif péremptoire. Mettons que vous soyez rendu à Tœplitz, que vous me disiez comment on s'y trouve, que vous m'y arrêtiez un
» logement, et le voyage projeté ne tardera pas à se faire. Comme dispositions préparatoires, je ne vous dirai que ceci : Vos lettres me
» trouveront encore ici jusqu'au jubilé. De votre côté, vous recevrez avant mon départ une lettre et un exemplaire du Traite' des
» couleurs (1). S'il vous plaisait alors de m'écrire à Carlsbad, poste restante, j'y trouverais votre billet à mon arrivée, et je saurais déjà
» mieux si nous réussirons à nous rencontrer cet été. Aujourd'hui je n'ajoute rien de plus pour ne pas mettre de retard dans l'envoi de
» la présente.
» Tâchez seulement, mon bon ami, d'aller à Tœplitz. Si nous nous y trouvons ensemble, je pourrai vous venir en aide. Nous sommes
» à présent, il est vrai, tous tant que nous sommes, de pauvres diables, et nous ne savons comment nous tirer d'embarras. Cependant, à
» fin de compte, on trouve toujours un expédient. Je n'en dis pas davantage. Un tendre adieu et mes vœux bien sincères pour notre
» prochaine entrevue. »
Non seulement Goethe avait été nommé membre honoraire de la Liedertafel, mais encore, comme le prouvent les
lettres qui précèdent, il se plaisait à composer tout exprès, pour les réunions lyriques de cette société, des poésies de
circonstance, des chants comiques, des refrains à boire, que son ami Zelter s'empressait de mettre eu musique. Redits
par les plus belles voix de la capitale berlinoise, la plupart de ces Lieder obtinrent une vogue que le temps n'a pu
détruire. Le nom de Goethe fera sans doute éternellement revivre celui de Zelter, en même temps qu'il rehaussera
Avec les éléments et les ressources dont elle avait pu disposer dès son origine, la société chantante de Berlin était
assurée d'unbel avenir. Devenue promptement célèbre, elle vit de jour en jour s'accroître le nombre de ses membres.
Ainsi cette œuvre isolée, loin de rester stérile, fut la cause et le point de départ d'une immense innovation dans
les mœurs musicales de l'Allemagne. Elle fut si bien accueillie, que des hommes du plus haut rang tinrent a honneur
d'y participer. Un jour, à la table où Zelter n'avait d'abordfréuni que des intimes, toute une famille souveraine vint
s'asseoir. C'est à la cour de Prusse, cette cour si brillante par l'esprit et si généreuse parle cœur, qu'on s'est toujours
rappelé ces belles paroles attribuées à Luther: « Les rois et les princes devraient favoriser et encourager la musique,
» car les souverains sont tenus de protéger les arts libéraux et les sciences utiles, et quoique les simples particuliers
» aient du goût pour les arts et y prennent plaisir, ils n'ont point les ressources nécessaires pour les faire fleurir (2). »
Aussi Guillaume 111 accorda-t-il à la Liedertafel de Zelter une distinction flatteuse dont Zelter fut très honoré, et
(1) C'est l'ouvrage que Zelter avait demandé à Gœthe dans la lettre (2) Tischreden, traduction de G, Brucet (Paris, Garnier), p. 367.
« Hier, le roi a entendu notre Liedertafel avec une visible satisfaction, et contre son habitude, il est reste à table depuis neuf heures
)) jusque passé minuit.
» Le prince Radziwill, membre de notre Liedertafel, avait réuni tous les invités chez lui.
» Dans une vaste salle, une longue table était préparée pour trente chanteurs.
» Au bout de celle-ci, à une table ronde servie à part, avaient pris place la maîtresse de la maison, la princesse Radziwill, avec le roi,
« les princes du sang et les autres princes et princesses de la maison royale, le grand-duc de Mecklenburg-Strœlitz et son épouse.
» A trois autres tables rondes se trouvaient des généraux, des officiers d'état- major, des dames et des demoiselles.
)> Entre les services, on chanta successivement douze chansons différentes. Les Trois Rois et la Consolation du soldat produisirent
« particulièrement beaucoup d'effet.
» A table, le roi se fit apporter notre Wilkommen (c'est une grande coupe de bronze servant en même temps de diapason). Il s'en fit
j> expliquer par moi l'usage, et se fit expliquer aussi le but et les règles de l'institution tout entière.
y> Ce qui me fait plaisir dans tout cela, c'est que la chose a pris consistance, et que la mode n'en a pas été éphémère ; car nous sommes
» sur le point de célébrer notre troisième lustre. Comme cela s'est propagé de chez nous dans toutes les directions, jusqu'au delà de la
» Vistule, du Mein et du Rhin, on peut bien voir par là qu'il y a des poissons dans la Sprée (1). A Leipzig, où il n'est rien qu'ils ne
» sachent, ils ont fait les modestes, malgré la conduite de leurs correspondants.
» Le comte de Biihl est tout à fait rétabli, et assistait aussi au banquet où le prince Radziwill s'est comporté en hôte très gracieux.
» Est-ce que votre charmante demoiselle n'est pas de retour chez vous? On manque de nouvelles, et Doris est dans l'inquiétude.
» N'omettez pas de me faire savoir comment se porte votre généreuse grande-duchesse.
)> La duchesse de Cumberland n'a cessé de parler de toi et de s'informer de l'état de ta santé; elle enviait le bonheur que j'ai eu
» de te voir en automne.
» Tu auras sans doute la bonté d'expédier à Francfort la lettre ci-jointe. » Ton Zelter (2). »
Après les événements politiques de 1815, lorsque la paix fut rétablie en Allemagne, des essais analogues k celui
dont on vient d'entretenir le lecteur se multiplièrent généralement. La ville de Francfoit-sur-l'Odcr fut surtout
jalouse d'imiter Berlin. Elle eut une excellente réunion de chant choral pour voix d'hommes, calquée sur celle
qui avait été fondée dans la capitale du royaume prussien. D'autres petites villes se piquèrent aussi d'émulation,
mais à défaut d'éléments créateurs, elles formèrent des concerts de chant viril où l'on se bornait à exécuter des Lieder
empruntés au répertoire des sociétés chorales les plus importantes. A Berlin, vers 1819, une seconde Liedertafel
s'organisa sous les auspices de Bernhard Klein et de Louis Berger, compositeurs de mérite, auxquels s'adjoignit
L'esprit de celte nouvelle institution tenait si peu de l'envie ou de la jalousie, que l'on commença par inscrire comme
premier et alors unique membre honoraire le bon Zelter, fondateur de la première Liedertafel. Cette société enfanta
un grand nombre de chants qui eurent aussi beaucoup de succès, notamment ceux de Louis Berger.
Peu d'années après, Berlin vit naître une troisième Liedertafel, fondée par un jeune compositeur plein de talent,
Julius Schneider. Ces Liedertafeln existent encore et se partagent les suffrages du public allemand. Comme Berlin,
Leipzig tint à s'illustrer dans le même genre. Dans cette ville se forma la société des Douze, ainsi nommée du nombre
primitif de ses membres. Elle n'admettait que des personnes capables de coopérer à ses travaux, comme chanteur»,
poètes ou compositeurs. Les assistants oisifs en étaient exclus. Après une mûre délibération, elle termina la rédaction
de ses statuts et publia son règlement. Cette société, qui existe encore et pour laquelle ont été composés un grand
nombre des excellents chœurs de Fink et surtout ses Haeusliche Andachten, a le caractère tout à fait intime d'une
réunion d'amis. En cela, elle diffère un peu des Liedertafeln qui tiennent leurs séances dans des lieux publics, en
cercle privé, il est vrai, mais où chaque sociétaire toutefois est autorisé à conduire des hôtes étrangers, et où chacun,
d'ailleurs, paie son écot. Au contraire, la société de Leipzig s'assemble une fois par mois, dans la maison d'un de ses
membres, au jour fixé pour l'année courante. Les sociétaires remplissent tour à tour et se distribuent d'avance les
fonctions hospitalières qu'ils ont à exercer. Quand vient la belle saison, on se rend de préférence chez ceux qui ont des
jardins ou des maisons de campagne, afin de jouir des charmes de la nature et des agréments d'un beau site. Dans
C3tte saison, les réunions ont ordinairement lieu pendant le repas de midi, c'est-à-dire pendant le dîner (3). L'ordre
observé dans ces réunions de convives chanteurs est presque toujours le suivant. Après avoir pris le thé et s'être
(1) C'est une plaisanterie dont se sert Zelter pour exprimer celte (3) On sait que l'usage s'est généralement conservé en Allemagne de
idée que l'entreprise, ayant du bon, avait dû nécessairement réussir. dîner à cette heure. Les Français, dans quelques provinces, en font au-
(2) Briefuechsct zwischen Goethe und Zelicr, 111 Theil., 229. tant.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 51
entretenus amicalement, on ouvre la séance par la lecture du procès-verbal de la séance précédente. Ensuite tous les
sociétaires réunis exécutent les nouveaux morceaux présentés par quelques uns des leurs ou bien offerts à l'association
par des compositeurs qui n'en font pas partie. Lorsqu'on a chanté ces productions dans trois séances différentes, afin
de les bien connaître et de les bien juger, on décide s'il convient de les admettre au répertoire. Le 24 octobre de chaque
année, la Liedcrtafel de Leipzig fête l'anniversaire de sa fondation (1). On regarde comme nées directement de celte
société celle de Dessau et celle de Gœttingen, créée par A. Wendt. Cependant les circonstances ne permirent ni à
Au nombre des Liedertafeln les plus célèbres, dont la création date à peu près du même temps, figurent celles de
Magdebourg, de Breslau, de Koenigsberg, etc. Il faut citer encore la société dite de Sainte-Cécile, fondée par Schcble
à Francfort-sur-le-Mein.
A partir de 1818, les institutions chorales devinrent très nombreuses. L'élan des grandes cités gagna les petites
villes et jusqu'aux humbles bourgs. On ne pouvait sans doute espérer de rencontrer partout les mêmes éléments de
succès et les mêmes résultats. Cependant les généreux efforts d'un homme entreprenant et habile, d'un esprit original
et actif, ont suffi maintes fois pour faire naître et pour faire prospérer, jusque dans les localités les plus modestes, des
sociétés chorales qui, pour être peu nombreuses, n'en ont pas moins leur mérite propre et leur importance relative. En
effet, en réunissant et en agglomérant leurs forces éparpillées, on est en mesure de former ces grands ensembles
d'harmonie vocale dont les fêtes musicales des Allemands retirent un immense éclat, et qu'il serait impossible, même
à une ville du premier ordre, d'organiser avec les seules ressources puisées dans son sein. Les associations mutuelles
de sociétés chorales, dont il sera bientôt question, ont donc l'avantage de révéler au grand jour, dans une audition
solennelle et devant un public éclairé, le zèle et le talent d'une humble réunion de chanteurs qui, dans quelque petite
-ville ou dans quelque bourg à peine connus, s'exercent toute l'année, par pur amour de l'art, à exécuter consciencieu-
Hanovre, exigent des candidats qu'ils soient soumis aux chances de l'élection ;
d'autres, comme à Stuttgard, admettent
sans difficulté des personnes qui, n'étant pas musiciennes, se bornent à écouter et à prendre part au repas, n'ambi-
tionnant d'autres titres que ceux d'auditeurs et de convives. Il y en a aussi quelques unes qui permettent aux filles
et aux femmes des sociétaires d'assister à leurs réunions, tandis que le plus grand nombre n'y reçoivent que des
hommes. 11 y en a d'autres qui organisent des Provinzialliedertafeln, sortes d'assemblées générales de chant auxquelles
participent toutes les -sociétés chorales d'une contrée, d'un district, afin de lancer des circulaires, des annonces, des
prospectus, dans le but d'agrandir de tous côtés, c'est-à-dire parmi les amateurs comme parmi les artistes, le cercle
de l'union musicale. Les Liedertafeln de Magdebourg, de Dessau et de Leipzig ont formé des réunions semblables à
Kœthen en 1831 et en 1832. Du reste, la plupart de ces sociétés ont des règlements et des statuts qui diffèrent plus
ou moins les uns des autres. On conçoit que cet objet soit subordonné aux conditions mêmes de leur formation, aux
ressources dont elles disposent, au nombre des individus qui en font partie, enfin au but principal qu'elles veulent
atteindre. C'est pourquoi l'on ne peut donner à cet égard que des renseignements généraux. La suite du présent travail
Aujourd'hui, il n'existe peut-être pas en Allemagne une seule ville de moyenne importance qui n'ait sa Licdertafel,
et quelquefois, indépendamment de celle-ci, des sociétés de. chœurs d'hommes d'un genre quelque peu différent. C'est
ainsi qu'à Dresde il s'en est formé successivement quatre : la Licdertafel, fondée en 1829; YOrphe'e, fondée en 1834 ;
Ces sociétés fournissent ensemble un contingent de plus de deux cents chanteurs. A la première grande fête de chant
qui eut lieu à Dresde, on compta dix-huit sociétés chorales appartenant au seul royaume de Saxe, et à la seconde fête
donnée en 1843, il y en eut trente. L'union des chanteurs thuringeois comptait, dans son grand festival du mois
d'août 1843, dix-neuf sociétés.
On voit quelle importance avaient acquise peu à peu le senscmbles de musique vocale, par suite de l'augmentation du
(1) Voy. Universal Lexlcon der Tonkunst, von docteur G. Schilling und And., t. IV. Stuttgard, Kœhler, 1837, art. Liedertafel.
22 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
personnel des sociétés de chanteurs, si peu nombreux dans leur origine, si considérable dans la suite. D'ailleurs, comme
je viens de le dire, les Liedertafeln ont pour auxiliaires des associations de musique vocale qui, dans une autre
sphère
que la leur, et quelquefois dans un autre but, développent aussi l'amour du chant à plusieurs parties ce sont les :
sociétés de chœurs religieux ou sociétés des maîtres d'école (Schullehrer-Vereine) et les Liederkraenze. Les premières
se rapprochent beaucoup plus que
secondes des Liedertafeln, en ce qu'elles sont entièrement composées de per-
les
sonnes du sexe masculin, mais elles en diffèrent par leurs tendances exclusivement religieuses, en quoi elles rappellent
les premières sociétés chorales dont j'ai parlé, et dont l'objet dans le principe fut, comme on sait, le chant des psaumes.
C'est en Prusse qu'elles sont particulièrement florissantes, ce qui tient à la protection éclairée que le gouvernement ac-
corde aux séminaires destinés à former les organistes, Cantors et maîtres d'école. Dans ces séminaires, auxquels on a
donné la plus grande extension possible, les jeunes gens reçoivent une instruction appropriée à la carrière qu'on leur
destine. Ils sont surtout exercés dans la musique chorale. C'est pour eux que Bernhard Klein, compositeur renommé
en ce genre, a écrit un grand nombre de ses morceaux religieux pour voix d'hommes avec accompagnement d'orgue.
Les excellentes productions de ce maître et celles de plusieurs autres compositeurs également habiles ne laissent pas de
contribuer à former le goût de ces jeunes gens et à leur inspirer le désir de cultiver le chant choral pendant toute leur vie.
îl s'ensuit d'ordinaire qu'à chaque nouvelle promotion, lorsqu'ils sont près de se disperser dans les villages, les bourgs et
les petites villes où ils ont des places à occuper et des écoles de chant à conduire, ils conviennent d'organiser entre eux
des sociétés particulières et de se retrouver à jour fixe, avec leurs élèves les plus avancés, dans des localités de leur
choix, afin de s'exercer tous ensemble à l'exécution des grandes compositions de musique religieuse. Quelquefois ces
petites sociétés chorales se forment déjà dans les couvents et dans les séminaires où les jeunes gens ne laissent pas
de se livrer aussi à des divertissements dont le chant en chœur des Lieder anciens ou nouveaux sur toutes sortes de
sujets, fait très souvent partie. Cette coutume a depuis longtemps donné naissance à des associations chorales dont les
membres se réunissent tous les ans dans une ville de quelque importance pour interpréter en commun, dans la princi-
pale église de l'endroit où même en plein air, des chants religieux et des psaumes qui forment alors des concerts de plus
de trois ou quatre cents voix. En d'autres circonstances, ces mêmes associations prêtent leur concours intégralement ou
partiellement aux fêtes musicales organisées sur une vaste échelle et avec la coopération d'un grand nombre de sociétés
chorales et philharmoniques de différentes espèces. C'est ainsi qu'en 1835, à la seule fête de l'association de Brandebourg,
on vit se réunir dans la petite ville de Potsdam plus de quatre cents chanteurs du sexe masculin, tous maîtres d'école,
organistes et Cantors des petites villes, bourgs, villages, à douze lieues à la ronde (1). Ils exécutèrent, presque tou-
jours sans accompagnement, des compositions religieuses spécialement écrites pour voix d'hommes, telles que chorals,
psaumes, motets, etc. Il y avait là sans doute plus d'un pauvre instituteur de bourg ou de village forcé de vivre
d'épargnes pendant tout le reste de l'année, pour supporter les frais d'un voyage de huit ou dix lieues au rendez-vous
de la fête musicale. Mais que ne peut l'amour de l'art! D'ailleurs compte-t-on pour rien les délicieux souvenirs que ce
court moment d'enivrement musical et de gloire artistique procure à l'homme sorti tout à coup de sa modeste sphère
pour prendre part à un grand événement et jouer son rôle dans une solennité brillante! Ce jour de fête n'est-il pas
le fiât lux de sa monotone et obscure existence, c'est-à-dire, le rayon de lumière perçant les ténèbres du décourage-
Les Liederkraenze (cercles de chant) que j'ai nommés après les sociétés de chœurs religieux, et dont j'ai cité un
exemple à propos des associations lyriques de Dresde, ne se rattachent qu'indirectement aux Liedertafeln ; car si l'on
y exécute quelquefois des morceaux de musique vocale sans accompagnement, il arrive presque toujours que la
réunion chorale s'y trouve composée d'exécutants des deux sexes. Ce n'est pas seulement en admettant la présence
et la participation des femmes à leurs concerts, que les Liederkraenze se distinguent d'avec les Liedertafeln ; ils s'en
distinguent aussi sur ce point qu'ils sont composés en majeure partie d'amateurs. Mais ces causes mêmes les rendent
plus nombreux et plus faciles à former. On a constaté, en outre, qu'ils exercent une action très étendue, et qu'ils sont
(1) J'ai dit plus haut que l'on trouvait aussi en Alsace une assez les œuvres des bons maîtres. A Bouxwiller, j'ai assisté à une séance de
grande quantité de sociétés chorales de maîtres d'école : ceux-ci ayant musique vocale à plusieurs voix, sans accompagnement, où j'ai compté
reçu une éducation analogue à celle qu'on donne en Allemagne aux une \inglainc de maîtres d'école, dont quelques uns avaient fait jusqu'à
personnes destinées à la même carrière, ont contracté de bonne heure douze lieues pour venir prendre part à ce concert. Ils chantaient des
le goût de la musique d'ensemble, et ne sont pas inhabiles à interpréter chansons religieuses et des chansons profanes avec beaucoup d'ensemble.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 23
surtout favorables aux progrès du chant populaire, tandis que l'influence artistique des Liedertafeln, sous ce rapport,
est beaucoup plus limitée. La Bavière et le grand-duché de Bade possèdent une foule d'associations de cette nature.
Dans la Souabe et dans laFranconic, cette patrie de la muse lyrique allemande, chaque cité, chaque bourg, chaque
village un peu considérable a son Liederkranz. On rapporte même comme un fait curieux, qu'une institution de ce
genre a recueilli l'héritage des derniers ménestrels. En effet, jusqu'à la fin de l'empire germanique, ces poètes
musiciens eurent pour lieu de réunion {Schaustv.be) l'hôtel de ville d'Ulm. Là, pendant une suite de plusieurs siècles,
ils tinrent école chaque dimanche, conviant le public à leurs séances au moyen d'une sorte de cartel , de pancarte
officiellement exhibée et appelée Schultafel. Plus tard, ils continuèrent ces exercices poético-lyriques à la Herberge.
En 1836, ifs étaient encore au nombre de douze; mais ces derniers enfants de la muse naïve du moyen âge pliaient
sous le poids des années; c'est à peine si leurs voix chevrotantes pouvaient redire les chants entonnés avec une mâle
énergie par leurs ancêtres. De ces douze vieillards, quatre seulement existaient encore en 1839, et représentaient
le Ehrbare Gewerk : ainsi s'appelait la société de ces vieux ménestrels. Ceux-ci, dans un acte signé par eux à Ulm,
prirent les dispositions suivantes : La Schultafel, les représentations originales du drapeau de la société, le drapeau
et les objets précieux y annexés, entre autres les tablatures et les livres de chant, seront offerts et passeront en toute
propriété aux membres des Liederkraenze d'Ulm, considérés comme les successeurs naturels des anciens ménestrels
allemands. Les auteurs de ce legs se bornaient à demander que leur drapeau fût porté dans les solennités musicales
avec celui du Liederkraenze par un des leurs jusqu'au dernier survivant (1).
Les sociétés dont je parle ont acquis, en plusieurs régions de l'Allemagne, un caractère très remarquable de
consistance et de stabilité. Il en est un grand nombre qui ont leurs archives, où elles recueillent des documents non
moins intéressants que ceux dont le Liederkranz d'Ulm a hérités. Chaque jour on imagine quelque ingénieux moyen
de perpétuer le souvenir des relations et des communications artistiques et tout amicales que provoquent l'organi-
sation des fêles chorales et les diverses excursions des sociétaires. On frappe des médailles, on fait des dons honori-
fiques, on échange des lettres de crédit. En 1841, un membre de la réunion de Schweinfurt, se proposant de faire
un voyage, obtint de la société à laquelle il appartenait une lettre de recommandation pour les réunions chorales des
villes où il devait s'arrêter. Cette lettre était rédigée en style humoristique et sous forme de passeport. Bientôt un
autre membre de la même société, mettant à profit cet exemple dans une circonstance toute semblable, se munit
d'un sauf-conduit du même genre qu'il rapporta enrichi d'apostilles données successivement par plusieurs associations
chorales avec lesquelles i! était entré en relations, notamment celles de Bambcrg, de Baireuth , de Culmbach, de
Hildburghause, de Suhl, de Meinigen, de Gotha et de Gœgenthal. Ce mode de correspondance fut trouvé très ingénieux
et des plus utiles pour se procurer des nouvelles des sociétés étrangères, pour mettre en bonne voie de relations les
Liederkraenze et les Liedertafeln des différentes contrées ; enfin pour donner à chaque sociétaire individuellement
l'occasion de tirer un parti avantageux de ses voyages, soit dans son propre intérêt, soit dans celui des associations,
par conséquent de l'art même.
En réunissant les Liedertafeln, les Liederkraenze et les sociétés de chœurs religieux, on a trouvé le moyen d'aug-
menter la pompe des solennités chorales. De grandes fêtes données à Mayence, à Heidelberg et dans plusieurs autres
localités, ont prouvé l'avantage d'une pareille combinaison. L'alliance contractée par plusieurs sociétés lyriques de la
même zone, dans le but d'organiser entre elles de semblables fêtes, ou de se rendre en commun h quelque séance générale
et solennelle de musique et de chant, prend le nom de Saengerbund Le Saengerbund. organise des concerts monstres
et des caravanes musicales. Les excursions agrestes des touristes chanteurs se nomment Saen(jerfahrten.
Tout ce qui rappelle les usages et le cérémonial des temps chevaleresques ayant un certain attrait pour les
Allemands, les associations chorales, comme toutes les associations en général, ont des pratiques, des cérémonies,
des insignes et des symboles particuliers. Chaque Liederkranz promène triomphalement un drapeau orné de ses
armoiries et de figures symboliques. Chaque Liedertafel a une grande coupe avec des ornements d'argent, qui
s'emplit les jours de fête solennelle des vins les plus généreux. Sur celle de la société de chant de Leipzig sont gravés
les noms des douze fondateurs, suivis des noms des individus qui ont successivement remplacé les membres défunts. Le
(1) AUgem. Wiener Musik- Zeilung herausgcgeben von August. Yoy.Zj»- geschichte des Macnncrgesanges
ann ée, 1844, n" 21 et 27. :
couvercle est orné d'une lyre et d'un cygne. On se rappelle que la première Liedertafel de Berlin possédait un Wil-
kommen, ou vase à porter les santés, qui, par suite de son ingénieux mode de fabrication, pouvait servir de diapason aux
chanteurs. Zelter, connaissant le goût sûr de Goethe dans le choix des antiquités dont le grand poëte se plaisait à faire
collection, lui en avaitdemandé ledessin, et il est probable que Goethe s'était empressé de répondre au désir de son ami.
Lorsqu'un sociétaire vient à mourir, les derniers devoirs lui sont religieusement rendus par les membres survivants.
Somme toute, dans les principaux détails de leur cérémonial, les associations de chant choral imitent en grande partie
les usages et les coutumes des anciennes compagnies ou corporations.
L'importance acquise en Allemagne par les réunions du genre de celles dont on s'occupe ici a motivé la création
d'un journal spécialement affecté aux objets qui peuvent intéresser les membres de ces réunions. Ce journal, rédigé
par Jul. Otto et le docteur Jul. Schladebach, parut pour la première fois à Dresde au commencement de l'année 1846
sous le titre suivant : Teutonia. Il contient des articles pleins d'intérêt sur les questions théoriques et pratiques
relatives à l'organisation, à la direction et à la propagation des sociétés de chœurs d'hommes; il fournit aussi des
renseignements précieux sur les diverses sociétés connues, ainsi que des notices historiques et biographiques sur les
hommes qui ont le plus contribué à répandre le goût de la musique d'ensemble d'un caractère viril. Il faut y ajouter
des correspondances concernant les sociétés de chant qui existent aujourd'hui en Allemagne ou dans les pays où la
langue allemande est encore en usage ; ensuite des rapports détaillés sur les fêtes musicales célébrées par les
Licdertafeln ; enfin des annonces et des articles critiques ayant trait aux compositions et aux ouvrages spécialement
consacrés à la musique chorale pour voix d'hommes. Ce qui donne beaucoup de valeur à tout ce que l'on possède de
cette utile publication, que les événements de 1848 ont malheureusement forcé d'interrompre, c'est que les rédacteurs
de la Teutonia ont parfaitement compris l'importance morale et humanitaire des sociétés de chant choral pour voix
d'hommes. Ils ont prouvé, en effet, qu'on devait y reconnaître un des moyens les plus efficaces d'améliorer les rapports
sociaux auxquels ces institutions ne sauraient manquer de communiquer tôt ou tard l'esprit de bienveillance,
d'ordre et de fraternité qui les anime (1).
D'après les renseignements fournis par la Teutonia, le nombre des sociétés allemandes de chant choral pour voix
d'hommes s'élevait, en 1847, à plus de mille (2); mais le mouvement progressif qui s'était opéré jusqu'en 1848
dans la formation de ces sociétés et dans leurs tentatives artistiques semble s'être un peu ralenti depuis cette époque.
Quoi qu'il en soit, l'Allemagne continue de soutenir avec éclat la réputation qu'elle s'est acquise dans le domaine du
chant choral. Ce qui contribue à en faire un pays exceptionnel sous ce rapport, c'est que l'instinct de l'harmonie et
l'amour de la bonne musique d'ensemble n'y est point le privilège exclusif des classes élevées. Tout le monde paie un
tribut à ce goût dominant, et chacun veut honorer par un son tiré de son âme le dieu de l'harmonie. Il se passe là des
choses qui nous paraissent surprenantes, et qui ne sont rien moins que très naturelles pour des Allemands. Vous assistez
à une réunion de soldats, de paysans, d'ouvriers. Vous n'entendez que le bruit des groupes qui causent, celui des
armes que l'on agite, ou bien le choc sourd des pots de bière sur les tables rustiques de la taverne. Puis il se fait un
moment de silence, et tout à coup un flot d'harmonie vous inonde; autour de vous retentissent des voix mâles et
pures soutenant avec un merveilleux ensemble les accords d'un hymne lent et grave auquel succédera souvent un
morceau vif et joyeux, quelquefois même une composition musicale de l'ordre le plus élevé, un chant de Weber ou de
Beethoven. Et ces chanteurs capables de charmer ainsi votre oreille, quels sont-ils? Les mêmes hommes que ceux que
vous voyiez là tout à l'heure : des soldats, des paysans, des ouvriers. En 1829, on écrivait de Berlin à la Revue musi-
cale de Paris : « Nous avons entendu, le vendredi saint, au collège de Mildenberg, près Zehdenik, d'excellente musique
» religieuse exécutée par soixante-dix chantres des deux sexes, tous paysans. Nous avons été surtout émerveillés de la
» sûreté avec laquelle ils ont chanté une fugue de Graun sans accompagnement. Tous ces braves gens ont été formés
» par le prédicateur Fink, qui les fait exercer depuis leur enfance, et ne leur a jamais demandé plus de deux heures
» de travail par semaine. Ceux des hommes qui furent depuis appelés au service militaire furent placés, en raison de
» leur facilité à lire la note, dans le chœur de chanteurs des régiments dont ils faisaient partie, et y profitèrent beau-
» coup. Bentrés dans leurs foyers, ils font de nouveau partie de la société de leur village (3). »
(1) Voy. suiïoul Pavant-propos ou préface de la première année, qui (2) Teutonia, 1847, p. 263.
a pour titre: Ce que nous voulons. (3) Revue musicale, troisième année, t. V, Paris, 1829.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 25
pour chanter non seulement des Lieder à plusieurs parties, mais une fugue sans accompagnement! Quelle est celle de
produire une semblable merveille? Nos paysans savent-ils
nos communes rurales où nous verrions aujourd'hui se
d'une voix, rauque et inculte, la mélodie du chant des bœufs?
faire autre chose qu'entonner à tue-tète,
Ce qui a beaucoup contribué, chez les Allemands, au succès de la musique chorale dans les campagnes, c'est, comme
je l'ai déjà donné à entendre, l'excellente institution des maîtres d'école, des cantors et des organistes de la religion
luthérienne. Il faut y ajouter l'élément dont on a parlé plus haut, c'est-à-dire les ressources que viennent offrir à la
commune pour ses modestes concerts de musique religieuse, le retour et la résidence au village des soldats qui ont fait
partie des chœurs de régiment. Ceci nous amène à dire quelques mots d'une institution musicale dont il n'a pas
encore été question, mais dont on ne saurait se dispeuser de parler ici, parce qu'elle rentre dans le domaine du
chant viril sans accompagnement.
La formation des chœurs d'hommes dans l'armée n'est pas à beaucoup près aussi récente en Allemagne qu'elle l'est
parmi nous. Depuis de longues années plusieurs États de la confédération germanique ont pris l'initiative de cette
excellente mesure. La Prusse est un de ceux qui ont obtenu sous ce rapport les résultats les plus avantageux : les
chœurs d'un grand nombre de ses régiments méritent d'être cités comme des modèles du chant militaire à plusieurs
parties.
Souvent morceaux sont chantés sans qu'on y joigne un accompagnement instrumental. C'est de la sorte que les
les
soldats prussiens exécutent non seulement des Lieder composés exprès pour eux et relatifs aux différentes particula-
rités de la vie militaire, mais des compositions tirées d'ouvrages célèbres, d'opéras connus, par exemple la Prière de
la Muette de Portici. Nés avec le sentiment de l'harmonie et surtout parfaitement exercés, ils atteignent bientôt à un
degré de réputation et de talent qui fait rechercher leur concours pour les festivals et autres solennités où la musique
joue le principal rôle. Sans former, à proprement dire, ce qu'on appelle une société chorale, ils ne constituent pas
moins un noyau de chanteurs bien disciplinés et capables souvent de lutter avec les meilleurs champions des Lieder-
tafeln. Les armées allemandes possèdent presque toutes aujourd'hui des chœurs militaires dont l'organisation ne laisse
presque rien à désirer. Là, comme ailleurs, l'étude de l'harmonie vocale sert puissamment à l'amélioration des mœurs
et à l'éducation dés individus. C'était ce remarquable exemple qui occupait ma pensée lorsque, dans mon Manuel
général de musique militaire, j'invitais l'autorité compétente à rendre obligatoire l'étude du chant en chœur dans les
régiments français, m'attachant à démontrer qu'un pareil usage devait avoir une grande efficacité morale, et que nous
avions tout profit à l'adopter (1). Je disais donc : « Que le soldat prenne une fois le goût du chant, qu'il se plaise à
» répéter en chœur dans les loisirs du corps de garde ou de la chambrée les exhortations au courage, à la vaillance,
» les protestations de fidélité au souverain, à la patrie, comme aussi les doux chants qui célèbrent l'union et la frater-
» nité, ou bien encore ceux qui lui rappellent sa famille, le lieu où il vit le jour, sa maîtresse et sa fiancée; et
» combien d'heures passeront ainsi qui seront dérobées à l'ennui, aux mauvaises passions, à l'ivresse et à la débauche,
» ces fléaux meurtriers de l'âme et du corps. Mais à cela seulement ne se borneront pas les heureux résultats d'une
» si louable habitude, et la question, qu'on y songe, devient quelque chose de plus qu'une simple question de mora-
» lité. Les bonnes mœurs ne font pas seulement les hommes de bien, elles font aussi les hommes forts ;
partant les
» habitudes salutaires que l'amour du chant peut faire contracter contribuent nécessairement à donner au pays de
(1) Manuel général de musique militaire à l'usage des armées fvan- dans ce but, la commission chargée, en 1845, par le ministre delà
raises. Paris, Firmin Didot frères, 1848, p. 348. guerre, de réorganiser les musiques régimentaires en France, commis-
(2) L'autorité ne tarda pas à tenir compte de ces instances et à sion dont je faisais moi-même partie en qualité de secrétaire-rappor-
CHAPITRE IV.
En Suisse, comme dans le Tyrol, et dans quelques contrées de la Bavière et de l'Autriche, il existe une sorte de
chant simple et primitif d'une nature à part et d'une indicible mélancolie. Ce chant, que l'on a lieu de croire inspiré
par l'émotion intérieure qui naît en nous à la vue du spectacle grandiose de la nature dans les pays de montagnes,
consiste dans une manière particulière de produire les sons, en chantant tantôt de tête, tantôt de gorge, et en vocali-
sant sur des syllabes qui facilitent l'émission de la voix, mais qui n'ont pas proprement de signification. Cette manière
de chanter s'appelle en allemand iodeln, et les mélodies pour l'exécution desquelles on l'emploie, iodler. Les Français
n'ont pas de terme correspondant précisément à ceux-là, ils n'ont que le substantif tyrolienne; mais du verbe iodeln,
ils pourraient former iodler, ou yodler pour exprimer l'action de chanter comme on a coutume de le faire dans les
tyroliennes. Avec ce genre de musique vocale qui semble avoir pris naissance parmi eux, les chasseurs et les pâtres
créent une sorte de chant choral à leur usage. Du haut des rocs escarpés où ils suivent la trace fugitive du chamois,
de la cime aiguë des monts où ils font paître leurs troupeaux, ils s'appellent et se répondent au moyen de quelques
ragments connus de ces douces et mélancoliques cantilènes; quelquefois ils entonnent en chœur une chanson natio-
nale où ils introduisent, après chaque couplet, un refrain sans paroles dont la mélodie accidentée s'échappe en sons
capricieux, roule et tourne sur elle-même, descend, remonte, s'enfle, diminue, bondit, s'arrête, et semble vouloir re-
produire pour l'oreille les surprises qu'une nature agreste et féconde ménage au regard en ses tableaux variés et im-
prévus. Quoique cette espèce de chant choral soit ordinairement exécuté par des gens qui n'ont aucune connaissance
des règles de la musique, il ne manque ni de grâce ni de charme. Quelquefois même il acquiert un degré de perfec-
tion relative dont on aurait lieu d'être surpris, si l'expérience n'avait démontré que les habitants de ces pays de
montagnes ont comme l'instinct de l'harmonie des voix, et naissent avec de grandes dispositions pour la musique
d'ensemble.
Les tyroliennes sont très souvent chantées à quatre voix, soit par des hommes, soit par des femmes, soit par des
hommes et des femmes en même temps. Il se forme aussi parmi les montagnards des réunions où l'on se plaît à répéter
en commun les chants traditionnels du pays. Ceux des chanteurs qui ont les plus belles voix, mais qui appartiennent
à des familles pauvres, organisent de petites sociétés de quatuor et entreprennent des voyages lointains. C'est par eux
que l'on a connu, en France, ce genre de musique. En Allemagne, les Liedertafeln et les Liederkraenze ont mis à profit
cet élément nouveau, ils ont donné place dans leur répertoire aux chants iodlés que les bons musiciens et les bons
chanteurs savent polir et rendre tout à fait dignes de la langue poétique des sons.
Ce chant choral de montagne, pour ainsi l'appeler, n'est pas le seul que l'on cultive en Suisse. Là, comme dans
beaucoup d'autres pays, la musique populaire embrasse l'exécution des psaumes et des cantiques sacrés. Les
enfants, dès l'âge le plus tendre, apprennent à chanter des prières en chœur, et de même qu'en Allemagne, il n'y a
peut-être pas une seule école où le chant ne soit enseigné. L'importance donnée à cette branche de l'instruction
élémentaire dans presque tous les établissements pédagogiques de la Confédération est due en partie à l'influence
propagatrice du système d'éducation imaginé par Pestalozzi, système qui a généralement prévalu dans ces établisse-
ments depuis le commencement du xix e siècle. Pestalozzi n'était pas musicien. Toutefois, dans plusieurs de ses ou-
vrages, par exemple dans Lienhard et Gertrude, et surtout dans l'écrit intitulé : Comment Gertrude instruit ses en-
fants (1), il avait émis, concernant la musique, et plus particulièrement concernant le chant, des idées et des théories
nouvelles qui s'accordaient avec le fond de sa méthode, et qu'il annonçait comme devant produire, par leur application,
des résultats avantageux. Cette affirmation du maître stimula le zèle de quelques musiciens partisans de son système.
On s'appliqua à créer une méthode de chant basée sur les principes de Pestalozzi. Plusieurs y échouèrent, d'autres
furent plus heureux. Michel Traugott Pfeiffer réussit à organiser l'enseignement de la musique pour l'institut d'édu-
cation publique fondé à Yverdun, en 1804, et tint un cours régulier de toutes les parties élémentaires de l'art, lequel
eut beaucoup de succès. Ce succès inspira à un musicien de Zurich, nommé Jean-George Naegeli, un petit écrit inti-
tulé : Laméthode de chant pestalozzienne, d'après l'invention de Pfeiffer (1). L'année suivante, le même auteur donna
un autre ouvrage où les éléments des travaux de Pfeiffer se retrouvaient tout entiers, exposés avec ordre et clarté,
pour l'usage de ceux qui se proposeraient d'adopter et de répandre la méthode pestalozzienne (2). Non content de rédiger
et d'éditer (3) les matériaux que Pfeiffer lui fournissait, Naegeli se fit lui-même le propagateur dévoué de l'œuvre à
laquelle ils s'intéressaient si vivement tous deux. Professeur non moins habile que bon théoricien et bon compositeur,
cet artiste distingué sut imprimer à l'étude du chant choral dans les établissements pédagogiques où s'introduisit le
système de Pestalozzi, un élan et une activité dont l'Allemagne ne profila pas moins que la Suisse (4), et dont le point
de départ fut la ville de Zurich où Naegeli dirigeait lui-même une école de chant.
De cette école sortit bientôt une société de chœurs d'hommes qui s'organisa à peu près en même temps que la Lieder-
tafel de Zelter à Berlin, toutefois sur des bases et avec des tendances qui lui étaient propres. Il en résulta que Naegeli
fut conduit à s'occuper simultanément de la théorie et de la pratique du chant viril. Non seulement il composa un
grand nombre de morceaux de musique destinés à être exécutés par des chanteurs du sexe masculin, mais encore il
publia un ouvrage exclusivement consacré à l'exposé des principes d'après lesquels on doit former et exercer des
chœurs d'hommes. Cet ouvrage porte son nom et celui de Pfeiffer; j'y reviendrai dans le chapitre VI. Les efforts de
Naegeli et le succès de ses publications développèrent généralement en Suisse le goût de la musique d'ensemble, et
l'on vit naître de tous côtés des cercles chorals institués à peu près sur les mêmes bases que ceux des Allemands.
Emportées par l'harmonieux courant, la Hollande et la Belgique instituèrent dans toutes leurs villes un peu lyriques
des réunions semblables qui fonctionnèrent avec une juvénile ardeur et de- mâles accents autour des tables chargées
des villes d'Allemagne, tous les pays que je viens de nommer curent ainsi les leurs à des époques consacrées pour ces
sortes de divertissements artistiques.
Seule la France demeurait comme insensible au mouvement qui se faisait non loin d'elle ; du moins n'y avait-il
encore que ses provinces de l'est et du nord qui parussent jalouses de lui faire entendre comme un écho affaibli des
grands concerts de voix humaines dont les puissants accords retentissaient au delà de ses frontières. Par sa position
géographique, et par le caractère de quelques unes de ses institutions qui ont conservé beaucoup de choses de leur
origine allemande, l'Alsace ne pouvait manquer de professer un goût très vif pour les études musicales, et surtout
pour la culture du chant en chœur. Strasbourg possédait très anciennement des établissements pédagogiques attachés
pour la plupart à des couvents ou à d'autres institutions religieuses, et dans lesquels on enseignait non seulement le
latin et la récitation des prières, mais aussi le chant choral. Lorsque le cours des événements fit substituer à ces écoles
monacales des écoles protestantes, ce dernier objet ne fut pas négligé; il acquit au contraire une nouvelle importance.
Le gymnase de Strasbourg, fondé en 1538, et dirigé d'après les vues élevées de Jacques Sturm, demeura fidèle aux
saines traditions du passé touchant l'efficacité des études musicales et la part qu'elles doivent avoir dans l'éducation
des jeunes gens. Ce fut dans sa section supérieure que la musique fut enseignée concurremment avec le grec, l'hébreu,
la logique, l'éthique, les mathématiques, la physique, l'histoire, la jurisprudence et la théologie. Tous les élèves du
gymnase apprenaient à chanter, et lors de la cérémonie des promotions solennelles, il était d'usage qu'en attendant
l'arrivée des magistrats et des membres de l'université, ils ouvrissent la séance par l'exécution de morceaux de
(1) Naegeli, Die Pestalozzicke Gesangbildimgslelirc nach Pftiffers (3) Naegeli était éditeur de musique à Zurich.
Erfindung, etc. Zurich, 1809, in-8. (4) Naegeli, en 1824, fit un voyage en Allemagne. Il s'y occupa de
Gesangbildungslehre nach Pestalozzichen Grundsaetzen paeda-
(2) propager les idées de Pestalozzi dans leur application à la musique. Il
gogisch begrùndet, von Michael Traugott Pfeiffer ; Metltodiscli bear- publia divers écrits sur cet objet qui soulevèrent des discussions assez
beiiet, von Hans Georg Naegeli. Zurich, 1810, in-4. vives: néanmoins il n'échoua point dans la mission qu'il s'était imposée^
28 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
musique k cinq,, à six et à huit voix. C'était en outre comme pratique symbolique que les étudiants qui subissaient les
épreuves bizarres imposées par le rit de la déposition, et qui étaient appelés en pareil cas béjaunes, d'un nom emprunté
à l'art de la vénerie (1), devaient mêler leurs accents à ceux de leurs camarades, et entonner un chant harmonieux
destiné à leur apprendre qu'ils devaient vivre les uns et les autres en bonne intelligence, et fermer leur oreille k la
voix de la séduction. Je n'ai pas besoin de rappeler ici toutes les circonstances de la vie scolaire, où l'emploi
de la musique d'ensemble était presque de rigueur. Je dirai seulement que, comme une conséquence naturelle de ces
anciens usages, on a vu de notre temps les élèves du gymnase de Strasbourg et les étudiants de la faculté de théologie
protestaute, suivre avec ardeur les errements artistiques des sociétés chorales d'outre-Rhin. Un peu avant la révolution
de 1789, il s'était déjà formé parmi eux des réunions intimes dans lesquelles les jeunes amateurs exécutaient des
chorals et d'autres morceaux de musique vocale sans accompagnement. Ces sociétés, qui devaient naturellement se
dissoudre par suite des événements politiques ou bien à cause de la dispersion des candidats en théologie, qui,
nommés à des places vacantes de pasteurs ou de vicaires, se rendaient chacun à leur poste, firent place à d'autres
plus récentes et aussi plus nombreuses. Ainsi au séminaire protestant, dans l'ancien couvent de Saint-Guillaume, on
trouve encore aujourd'hui des sociétés chorales de douze à vingt jeunes gens. Ces sociétés ont leurs statuts, leur
règlement, leurs séances à jour fixe, ainsi qu'un répertoire lyrique emprunté en grande partie à celui des Liedertafeln
allemandes, ou bien alimenté par les productions de quelque jeune compositeur attaché à la société. Des amateurs
de tout rang, de toute condition, riches et pauvres, nobles et bourgeois, artisans et ouvriers, se réunirent souvent k
ces petites troupes chantantes et en organisèrent aussi entre eux. D'un autre côté, des fêtes musicales eurent lieu à
l'instar des festivals allemands. Celles qui furent organisées par les soins et sous la direction de M. Kern, amateur
aussi zélé que bon musicien, entretinrent pendant longtemps, en Alsace, une émulation artistique qui profita surtout
k la musique d'ensemble. Malheureusement depuis plusieurs années ces fêtes, si utiles aux progrès de l'art, ont cessé.
Toutefois le chant choral compte encore de fidèles adeptes. Ce sont les étudiants et les ouvriers qui aujourd'hui montrent
le plus d'empressement pour cet objet. La seule ville de Strasbourg a vu naître plusieurs sociétés de chœurs d'hommes,
notamment la Société chorale et la Société Orphée. Les autres villes d'Alsace et les petits bourgs même ont aussi
les leurs. A Bouxviller, par exemple, qui fut pendant longtemps le rendez-vous favori des musiciens de ville ou
Stadtpfeiffer (2), ont lieu de temps en temps des concerts d'harmonie vocale donnés par une société d'instituteurs
primaires (3). Je pourrais citer d'autres exemples de la prédilection toute particulière que les Alsaciens ont pour ce
genre de divertissement, mais l'espace me manque, et je m'en tiendrai en dernier lieu au fait suivant.
11 y a quelques années, quatre jeunes gens de Strasbourg, nommés Ludwig, Lenz, Wein et Ehrhardt, ayant tous les
quatre de belles voix et un penchant prononcé pour la musique, formèrent une société de quatuor. Lorsqu'ils se
furent suffisamment exercés, et qu'ils eurent composé un répertoire k leur usage, ils entreprirent un voyage d'agrément.
Revêtant le costume national des paysans d'Alsace, ils se rendirent k Paris où ils consentirent k se faire entendre
dans plusieurs concerts sous le nom des quatre chanteurs alsaciens. Le public les accueillit très favorablement, et nos
premiers maîtres les encouragèrent de leur suffrage. Cherubini, k qui je les avais présentés, les écouta avec beaucoup
d'attention et les invita k une de ses soirées. Il ne cessait de répéter, en formulant son opinion sur leur compte, qu'il
était impossible d'exécuter des quatuor de musique vocale avec plus d'ensemble, de netteté, d'expression, et surtout
avec un sentiment plus exquis des grâces du style et de l'art des nuances. Berton et Paer ne se lassaient pas de les
entendre, et l'auteur de Montano et Stéphanie composa un morceau exprès pour eux [h). La mort est venue rompre
(1) Le rit du la déposition (rilus deposidonis) est for t ancien dans lemagne et à l'Alsace. Les Pfcijfcr ou ménétriers de ce dernier pays
les écoles et dans les universités. Il avait pour but de purifier l'écolier, se réunissaient aussi à Ribeauwillé. Ils avaient leur fête annuelle, qu'ils
et de marquer le passage des idées puériles de l'extrême jeunesse aux célébraient avec une grande pompe et toutes sortes de divertissements,
préoccupations plus dignes et plus importantes de l'adolescence. Cet comme les ménétriers de Paris la Saint-Julien.
usage, dont on trouve déjà des traces au iv c siècle, à l'université (3) Voy., chap. III, la note qui concerne cette société.
d'Athènes, ne fut entièrement aboli, au gymnase de Strasbourg, (4) J'ai aussi publié à Paris un recueil de quatuor sans accompagne-
qu'en 1792. Toutefois les examens grotesques et les vexations de ment que je leur avais destiné et dont ils ont chanté les morceaux dans
lout genre que les anciens, dans nos collèges, font subir aux nou- plusieurs concerts, entre autres dans une séance musicale donnée chez
veaux, sont bien certainement des restes de cette singulière coutume. Cehrubini, qui voulut bien comprendre le compositeur dans les éloges
(2) L'institution des Stadipfciffer est une des plus anciennes et des qu'il accordait aux exécutants.
plus curieuses que l'art musical ait possédées. Elle futeommune à l'Al-
—
celte douce harmonie; elle a enlevé à ce charmant quatuor son second ténor et sa première hasse. La seconde hasse,
Ehrhardt, dessinateur et lithographe distingué, est aujourd'hui membre d'une autre société chorale également
composée d'amateurs.
À l'époque où je terminais mes études et où je suivais les cours de l'université dans ma ville natale, j'eus aussi
l'occasion d'organiser et de diriger une petite réunion semblable qui faisait partie d'une société de musique que j'avais
fondée avec le concours de plusieurs artistes et étudiants. Elle portait le nom d'Futerpe. Peu de temps après mon
arrivée à Paris ,
j'essayai de renouveler cette tentative sur des bases plus larges , mais je n'y pus parvenir. Le
tourbillon des affaires et des plaisirs était pour les amateurs un obstacle insurmontable à la régularité des séances.
D'un autre côté, la plupart d'entre eux n'avaient aucune idée de ce genre tout nouveau, et manquaient de l'aptitude
nécessaire pour en acquérir promptement l'usage. Je renonçai donc à mon projet. À cette époque, la musique de
théâtre et la musique de salon, protégées par la faveur d'un public élégant, mais un peu exclusif, régnaient en
souveraines; elles entravaient plutôt qu'elles ne favorisaient le développement du chant choral, qui ne devait puiser
ses éléments de vitalité, en France, que dans la musique religieuse et dans la musique populaire. Un homme fortement
pénétré des hautes destinées de l'art, et qui a laissé comme artiste et comme professeur une réputation honorable
et un nom célèbre, Choron, après avoir fondé une école de chant religieux dont les avantages furent généralement
reconnus, eut un des premiers l'idée de faire quelquefois exécuter par ses élèves, jeunes filles et jeunes garçons, dans
des exercices publics, des morceaux sans accompagnement. Auparavant quelques compositeurs avaient déjà essayé
d'écrire pour l'église ou pour des fêtes nationales des productions destinées à être dites de la sorte. On doit à
Gossec un 0 salutaris à plusieurs parties qui se chantait aussi sans accompagnement. Mais ce n'étaient là que les
signes précurseurs de la naissance du chant choral parmi les populations de l'intérieur de la France. Pour parvenir
à l'y acclimater, pour en répandre le goût et pour en assurer le succès, il fallait un concours de circonstances bien
autrement efficaces; il fallait surtout que la musique fût de nouveau comprise dans l'enseignement public donné par
régions de la société, de reconnaître l'influence morale qu'un art quelconque exerce sur les moeurs, attendu que les
beaux-arts, en général, paraissaient exclusivement destinés à fournir des aliments nouveaux au plaisir. Il suivait de là
que la culture de la musique était considérée comme un passe-temps pour les classes élevées et naturellement oisives,
comme une partie agréable de l'éducation de cour et de salon ; on ne se figurait pas qu'elle pût être bonne à quelque
chose dans les professions sérieuses ;
on n'aurait point songé à en tirer parti dans l'intérêt des mœurs et de la civili-
sation. Cet état de choses trouvait malheureusement un point d'appui dans les doctrines erronées de plusieurs écri-
vains du temps, entre autres de Jean-Jacques Rousseau, qui, par esprit de paradoxe plutôt que par conviction, prit
ouvertement parti, dans un discours devenu fameux (1), contre les hautes facultés de l'intelligence et les heureux
efforts de l'imagination. Tentative indigne d'un génie comme le sien, il essaya de prouver que le progrès des sciences
et des arts corrompait les mœurs ! Selon la Harpe, Rousseau, dans cette occasion, se jeta dans le paradoxe pour éviter
le lieu commun. Hélas ! dans sa définition de la musique, il est resté fidèle au lieu commun sans éviter le paradoxe.
C'est Rousseau, en effet, qui, flattant les idées du vulgaire au lieu de les combattre, a défini la musique: « l'Art de
combiner les sons d'une manière agréable à l'oreille. » Que dirait-on, je le demande, d'un écrivain, d'un critique, qui
définirait la peinture : « l'Art de marier les couleurs d'une manière agréable à l'œil ? » On dirait qu'il est apte tout au
plus à juger du mérite des œuvres d'un peintre en bâtiments. Rousseau, en donnant de la musique une définition si
puérile et si inexacte, semblait avoir à cœur de prouver qu'il faisait bon marché de cet art. Et cependant tel n'était
pas le fond de sa pensée. Une remarquable étude du caractère et des œuvres de ce grand philosophe, publiée récem-
(1) Ce discours conlre les sciences et les arts le mit à la mode et Dijon : « Quel parti allez-vous prendre? dit Diderot a Rousseau/
fonda sa réputation : une circonstance fortuite lui en fournit le sujet. Je vais prouver, répond Rousseau, que le progrès des sciences et des arts
Un jour, en feuilletant le Mercure de France, il tomha sur cette ques- épure les mœurs. — Eh ! c'est le pont aux ânes! s'écria Diderot ;
prenez
lion, proposée par l'Académie de Dijon : Si la progrès des sciences et le parti contraire, et vous ferez un bruit du diable. » On voit par là que
des arts a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs. Selon la Rousseau cherchait seulement un thème pour briller et qu'il n'avait
Harpe, il paraît que Rousseau eut alors occasion de voir Diderot à Vin- aucune opinion arrêtée d'avance,
cennes, et qu'il lui parla de la queslion proposée par l'Académie de
30 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDERATIONS GÉNÉRALES
ment par M. Saint-Marc Girardin, dans un recueil littéraire universellement estiméet universellement répandu, la Revue
des deux mondes (1), fait connaître à quel point Rousseau jouait avec ses propres idées et se complaisait à les tourner
alternativement vers le pour et le contre. Ainsi un passage d'une lettre qu'il écrivait à M. Lesage, qui, en sa qualitéde
mathématicien, croyait que la musique était une science exacte ou bien une sensation seulement dont le goût indivi-
duel déterminait le prix, nous le montre très jaloux de revendiquer les droits de cet art et d'en proclamer la valeur.
« Il y a, dit-il, des règles pour juger d une pièce de musique aussi bien que d'un poème ou d'un tableau. Que dirait-
» on d'un homme qui prétendrait juger de X Iliade d'Homère, ou de la Phèdre de Racine, ou du Déluge du Poussin
» comme d'une oillc ou d'un jambon ? Autant en ferait celui qui voudrait comparer les prestiges d'une musique ravis-
» sante — qui porte au cœur le trouble de toutes les passions et la volupté de tous les sentiments — avec la sensa-
» tion grossière et purement physique du palais dans l'usage des aliments (2). » Si je cite ces paroles de Rousseau,
c'est pour mieux faire ressortir le tort que l'auteur a eu de donner de la musique une définition qui les rappelle si
peu, et qui a eu le fatal inconvénient de faire considérer, en France, l'art musical comme un art complètement fri-
vole, parlant inutile, nuisible même à l'éducation de la majorité des citoyens. Un pareil préjugé devait retarder indé-
finiment les progrès du chant d'ensemble dans les masses. Il fut cependant combattu par d'autres encyclopédistes,
notamment par d'Alembcrt, qui faisait grand cas des études musicales, et, chose assez étrange, par les jésuites eux-
mêmes, qui ont toujours mis la musique sur un très bon pied dans leurs collèges , où elle contribue à entretenir la
pompe des exercices de piété, aussi bien que celle des représentations scéniques dont les maisons d'éducation fondées
sous les auspices de cet ordre n'ont jamais tout à fait abandonné l'usage. Enfin, dans les dernières années du
0
e
xviu siècle et tout au commencement du xix ,
parut une suite de dissertations traitant de l'influence respective de la
musique, de la morale et de la législation. Ce travail, intitulé X Esprit d'Orphée (3), était l'œuvre d'un écrivain nommé
Olivier, juge d'appel à Nîmes. Il était conçu en vue des améliorations que réalisa plus lard l'Orphéon de Wilhem,
c'est-à-dire qu'il enseignait l'art d'améliorer les hommes, et surtout le peuple, par l'étude de la musique en commun.
L'auteur insistait sur la nécessité de considérer cette élude comme un des éléments essentiels de l'enseignement pri-
maire. L'ouvrage d'Olivier ne fit pas grand bruit; mais les excellentes idées qu'il contenait étaient de celles que
l'avenir recueille et qu'une circonstance propice fait fructifier. Pendant son court ministère (du 20 mars au 22 juin
1815), le célèbre Carnot ayant porté toute sa sollicitude sur les améliorations à introduire dans l'éducation donnée au
peuple au moyen des procédés du mode mutuel, reconnut qu'il était utile d'enseigner d'après cette méthode les élé-
ments de la musique dans les écoles populaires. Il eut à ce sujet plusieurs conférences avec Choron ;
mais, les événe-
ments politiques ayant mis tout en suspens, le généreux projet du ministre fut écarté. Par bonheur, il se forma bientôt
une société destinée à répandre l'instruction dans les classes pauvres. Le 23 juin 1819, M. de Gérando fit à cette
société la proposition formelle d introduire l'enseignement du chant dans les écoles ouvertes depuis peu dans Paris
aux enfants du peuple, sous les auspices même de la société et à l'aide de la protection du préfet de la Seine Cha-
brol de Volvic. Cette proposition fut sur-le-champ comprise et adoptée; il ne s'agissait plus que d'en effectuer la réa-
lisation. A quelques jours de là, son auteur rencontra Réranger : « Nous nous occupons d'introduire le chant dans les
écoles, lui dit-il ; connaissez-vous un musicien? — J'ai votre homme, » répondit Réranger, et, le soir même, il pré-
vint son ami R. Wilhem. Wilhem, compositeur et professeur de musique, était en effet l'ami intime et le collabora-
teur du poète frauçais. Les circonstances de sa liaison avec cet homme illustre rappellent exactement celles qui éta-
blirent les rapports de Zelter avec Goethe. Réranger avait composé ses chansons sur des airs connus, à la coupe des-
quels il avait approprié sa pensée et ses vers ; mais Wilhem, inspiré par le génie du grand poète comme Zcller l'avait
été par celui de Goethe, ne put se refuser au désir de mettre en musique plusieurs de ces poëmes, si bien que
Réranger, enchanté à son tour des inspirations du musicien , voulut apprendre ces airs nouveaux et oublier les
anciens, afin que les productions de son ami se répandissent en même temps que les siennes. Quelque pénible que
fût pour lui cette tâche, par rapport aux difficultés de l'exécution musicale, Réranger ne se rebuta pas. « L'élève,
(1) Voy. les livraisons du l ,r janvier, du 15 février, du XV mai, du la législation, par le citoyen Olivier. Paris, Charles Pougens, an vi-xin.
1 er août et du 15 novembre 1852. Cet ouvrage est la réunion de plusieurs dissertations séparées dont la
(2) Lettre à M. Lesage, OEuvr., t. III, édit. Fume, p. 582. première parut en 1798, la seconde en 1802, et la troisième en 1804.
dit un biographe de Wilhem (1), était aussi patient que le maître, et ils riaient ensemble de bon cœur du mal qu'ils
se donnaient l'un et l'autre.... avec tant de plaisir. » Les mêmes scènes d'amitié, basées sur un échange semblable
d'idées et de sentiments lyriques et poétiques se renouvelaient fréquemment entre Goethe et Zelter, et si l'auteur de
Faust s'est vivement intéressé aux travaux du professeur de l'institut de chant de Berlin, Béranger n'a pas été moins
jaloux de fonder la réputation de son ami Wilhem. Nous avons vu plus haut qu'il s'était empressé de le désigner pour
l'œuvre de la propagation du chant scolaire en France. C'était lui rendre un éminent service, mais un service qui
devait en même temps profiter au pays. On peut donc attribuer tout d'abord à Béranger la gloire d'avoir créé
l'Orphéon et d'avoir donné au peuple français le moyen de former de bonnes masses chorales, sinon précisément dès
aujourd'hui, du moins dans un temps peu éloigné. Pour répondre au vœu qui l'appelait à compléter l'enseignement
élémentaire en y joignant l'étude de la musique, B. Wilhem, après de mûres réflexions et quelques essais pratiques,
créa sa méthode, dont nous n'avons ici qu'à apprécier les résultats. Adoptée par la Société pour l'instruction élémen-
taire, cette méthode fut d'abord iutroduite dans ses écoles, dans celles de la ville de Paris, et peu après dans celles
des principales villes de France. L'université l'approuva, la recommanda et en prescrivit l'usage dans les écoles nor-
males primaires. Enfin, comme pour combler l'espoir de ceux qui ont foi dans les destinées du chant choral en
France, le ministre de l'instruction publique arrêta, en conseil royal, le 5 octobre 1838, que désormais l'étude régu-
lière du chant serait ajoutée aux autres études classiques des collèges. Quelques années plus tard, en avril 1846,
l'autorité compétente prononça l'admission de la méthode Wilhem dans nos armées, afin de pourvoir chaque régi-
ment d'un bon chœur de chanteurs. Les résultats obtenus dès le principe par B. Wilhem furent tellement avantageux,
qu'ils donnèrent lieu, en 1820, au choix que l'on fit de cet excellent professeur pour enseigner le chant aux élèves de
l'école polytechnique. La même année, le ministre de l'intérieur chargea Wilhem d'organiser et de diriger une école
normale de musique- A dater de cette époque, le nombre des écoles élémentaires confiées à ses soins alla toujours en
augmentant. En 1830, il avait atteint un chiffre assez élevé ; on comptait alors dix écoles de ce genre, et des mesures
étaient prises pour en organiser douze autres. Wilhem surveillait aussi l'enseignement de la musique dans plusieurs
établissements particuliers, notamment dans l'école ou cours de chant sacré fondé par le consistoire de l'Église réformée
de Paris, en vue d'améliorer l'exécution chorale des psaumes parmi les jeunes protestants de cette communion. On
voit quelle activité dut déployer l'inventeur de l'Orphéon, en présence d'exigences si multiples. Encore sa tâche ne se
bornait-elle pas aux travaux du professorat ; elle s'étendait aussi à la préparation des matériaux nécessaires pour les
besoins de l'enseignement ; à la rédaction des ouvrages de théorie, à la composition des morceaux de musique em-
ployés dans les cours dirigés par le professeur ou par les répétiteurs de sa méthode.
Cependant, jusqu'en 1835 (2), celle-ci était presque exclusivement demeurée affectée aux établissements destinés à
l'enfance. Aux séances périodiques du chœur général des élèves que le professeur avait désigné sous le nom d'Or-
phéon (3), on ne voyait encore figurer que les jeunes enfants des écoles primaires, ceux du moins qui étaient assez
avancés dans leurs études musicales pour pouvoir y prendre part. Il en résultait que l'on n'y pouvait exécuter et que
l'on n'y exécutait effectivement que des chœurs pour voix de soprano et de contralto ; en un mot, pour voix d'enfants
exclusivement. Ces jeunes chanteurs, après avoir quitté l'école, étaient perdus pour l'Orphéon. L'un des meilleurs
élèves de Wilhem, celui qui plus tard fut appelé à lui succéder, lorsqu'il n'était encore que répétiteur dans les écoles
confiées aux soins de son maître, résolut d'obvier à, cet inconvénient et de donner une extension plus générale à l'étude
et à la pratique du chant en chœur. En conséquence, il ouvrit, en 1835, rue Montgolfier, à Paris, le premier cours
élémentaire de musique vocale pour les adultes, fondé d'après les principes de la méthode Wilhem.
A la fin de l'année, sur une centaine d'ouvriers qui recevaient ses leçons, cinquante ou soixante parvinrent à
chanter des chœurs avec ensemble. Ce premier succès provoqua, en 1836, avec l'approbation de l'autorité, l'ouverture
de plusieurs cours semblables, tels que celui de la halle aux draps, celui de la rue de Fleurus, celui de la rue d'Argent
(1) Adrien de la Fage. Voy. Notice sur BocquiUon -Wilhem, Paris, de la musique dans les écoles d'enseignement mutuel. Quant à la troi-
18A4. siôme, où le chant devint un enseignement universitaire, elle date de
(2) Ce fut en 1835 que, par une salutaire extension de la loi de 1833, l'année 1838 et dure encore;
le conseil municipal de Paris vota l'adoption du cliant dans toutes les (3) La première de ces réuuions de chant d'ensemble eut lieu au nrois
écoles communales. Ce fut la seconde phase scolaiie du chant orphéo- d'octobre 1833.
nique. La première remonte au 1" octobre 1818, lors de l'introduction
32 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
teuil, etc. Aujourd'hui, à Paris seulement, il y en a quatorze ou quinze. Des répétiteurs de la méthode Wilhem y diri-
gent les études des élèves. Ces cours d'adultes fournissent à l'Orphéon les ténors et les basses au moyen desquels se
complètent et se fortifient ses grandes masses chorales. En 1846, sur seize cents membres dont se composait cette
grande institution, on comptait sept ou huit cents orphéonistes du sexe masculin. A présent, il y en a environ
cinq cents. Les cours d'adultes, dont les meilleurs élèves deviennent membres de la société chorale nommée Orphéon,
réunissent une moyenne de douze à quinze cents individus. La séance générale des élèves hommes se tient le jeudi à
la halle aux draps, et celle des hommes et des enfants réunis, le premier dimanche de chaque mois, dans le même
local (1). L'inspection et la direction supérieures de tous les cours de l'Orphéon ont passé, en 1852, à M. Gounod,
nommé en remplacement de M. Hubert.
On voit, d'après ce qui précède, quel pas immense l'enseignement de Wilhem a fait faire parmi nous au chant
choral; il y aurait de l'injustice à ne pas le dire et de l'ingratitude a l'oublier. Si les efforts d'un homme actif et per-
sévérant n'ont pu suffire pour surmonter tous les obstacles qui s'opposaient au progrès du chant choral en France, si
l'action de la méthode Wilhem dont je ne veux examiner ici ni les avantages ni les inconvénients, n'a pas été aussi
prompte qu'on eût été en droit de l'espérer, le résultat, quel qu'il soit, n'en a pas moins fait reconnaître la possibilité
de créer parmi nous des institutions capables de lutter avec celles dont l'Allemagne se glorifie. Aussi Wilhem n'est-il
pas indigue du suffrage qui a pour toujours sauvé son nom de l'oubli et immortalisé son œuvre. Ce monument impéris-
sable élevé à sa gloire, c'est la chanson de Béranger qui a pour titre Y Orphéon. Écrite par le poëte après la dernière
séance de l'Orphéon de 1841, et un an seulement avant la mort du musicien, elle contient à la fois une touchante apo-
logie de Wilhem et un magnifique éloge de la musique. Des sept couplets dont elle se compose, on aime surtout à re-
produire les suivants :
Si l'Orphéon a puissamment contribué à propager le goût de la musique d'ensemble dans les classes populaires eu
France, il n'a pas été non plus sans influence sur la formation régulière des chœurs d'hommes non accompagnés d'in-
struments. Depuis 1 836, il est peu de réunions orphéoniques où l'on n'ait pas appris et répété des morceaux d'ensemble
composés pour des chœurs de cette espèce ou pour des chœurs d'hommes et d'enfants réunis. Ajoutons que Wilhem a
lui-même formé un recueil de morceaux sans accompagnement (2). Toutefois on ne peut s'empêcher de reconnaître que
l'exemple et le concours des ouvriers allemands et alsaciens établis eu grand nombre dans la capitale, et dont le fau-
bourg Saint-Antoine est en partie peuplé, ont puissamment secondé, dès l'origine, les enseignements de la méthode
Wilhem. Quelques progrès que l'Orphéon ait fait faire au chant choral, il n'a pu complètement détruire ce préjugé que
(1) Une fois par an, au mois de mars, il y a une réunion publique de (2) Orphéon, répertoire de musique vocale sans accompagnement, a
tous les orphéonistes, soit au cirque des Champs-Élysées, soit à la Sor- l'usage des élevés adultes, composé de pièces inédites, par B. Wilhem,
bonue. Il serait à désirer que la ville de Paris rendît ces réunions plus fré- cahiers in-8. Paris, Colas et Hachette.
quentes et y consacrât un emplacement plus vasleet plus avantageux. Les
élèves el le directeur de l'Orphéon l'ont souvent demandé avec instance.
SUR LE CHANT EN CHŒUR POUR VOIX D'HOMMES. 33
des Allemands seuls sont en état de faire entendre une harmonie irréprochable lorsqu ils unissent leurs voix sans le
Il y a quelques années, quand venaient à passer, le soir ou la nuit, dans les rues de la capitale, de petites bandes
d'ouvriers chantant ensemble harmonieusement à deux, à trois ou à quatre parties, les gens du monde, les artistes
eux-mêmes, frappés de la justesse et de la précision de ce chœur vocal, manquaient rarement de s'écrier : « Ah! voilà
des Allemands! » tant était générale encore la conviction que le peuple français ne pouvait entonner autre chose qu'une
bachique chanson à boire en un unisson débraillé! Mais une pareille conviction, grâce aux progrès toujours croissants
de nos légions orphéoniques, fera bientôt place sans doute à un sentiment tout contraire, et il y a lieu de penser que
si jamais quelques uns de nos compatriotes de la classe ouvrière viennent à se trouver au milieu des populations ger-
maniques, les Allemands, en les écoutant chanter, tout émerveillés du fini de leur exécution, du timbre agréable de
leur voix, et des grâces de leur style, s'écrieront à leur tour, par un mouvement d'enthousiasme involontaire : « Ah!
ce sont des Français! »
Jaloux de propager des institutions auxquelles ils devaient des jouissances toutes nouvelles, les ouvriers qui avaient
suivi les cours de Wilhem et de ses répétiteurs fondèrent entre eux plusieurs sociétés particulières qui prirent différents
noms, comme la Société Wilheminienne, les Enfants de Paris, Y Union chorale, les Enfants de Lutèce, les Montagnards,
les Enfants de la Seine, etc. La plupart de ces sociétés existent encore, et quelques unes d'entre elles, notamment les
musique comme branche de l'éducation populaire, fit naître parmi les professeurs de chant une grande émulation.
Plusieurs résolurent d'appliquer leurs propres théories à l'enseignement de la musique d'ensemble. De là des tenta-
Une de ces tentatives fut l'ouverture du cours de Mainzer, place de l'Estrapade. Pendant un an ou deux, cinq
ou six cents ouvriers en suivirent les leçons, et parvinrent à des résultats dont la presse rendit compte et félicita le
professeur. Le départ de Mainzer pour l'Angleterre mit fin à cette entreprise. Un second essai du même genre a eu
lieu plus récemment. M. Émile Chevé, docteur en médecine, chirurgien de marine et beau-frère de M. Aimé Paris,
l'un des propagateurs de la méthode Galin, fit lui-même, de 18^2 à 1843, un cours de musique à la caserne des
e e
Collinettes, à Lyon, pour des militaires du 13 léger, du 16 et du 19° régiment de ligne. La première leçon fut
er
donnée le 1 octobre 18/i2, et l'année suivante les soldats chanteurs de M. Chevé exécutèrent, dans des exercices
publics, des chœurs d'hommes à plusieurs parties. Les études ayant cessé le 30 septembre 1843, le professeur vint se
fixer à Paris. Aujourd'hui il
y donne, d'après sa méthode et la notation par chiffres, des séances gratuites de mu-
sique vocale pour les ouvriers. Ces séances ont lieu dans la salle de l'amphithéâtre de l'École de médecine. M. Chevé
a aussi ouvert des cours pour les artistes et pour les amateurs des deux sexes. Enfin, il publie des collections de mor-
ceaux à plusieurs parties tirés de différents auteurs, traduits en chiffres et destinés à être exécutés sans accompagne-
ment par ses élèves ou par les partisans de sa méthode. Dans ce répertoire figurent quelques chœurs pour voix
d'hommes.
Enfin, je dois encore signaler la classe populaire de musique d'ensemble tenue au Conservatoire de Paris par
M. Édouard Batiste. Ce cours fut ouvert au mois de septembre ou d'octobre 1850. Au bout de quelques semaines,
115 élèves venaient déjà y assister. Ce qui peut paraître assez bizarre, c'est que ce cours destiné aux classes ouvrières
n'était pas suivi, à cette époque, par des ouvriers, mais bien par des employés, par des étudiants et même par des
rentiers. Du reste, cette apparente singularité s'explique par l'heure des leçons, fixées à sept heures du soir ,
tandis
que les ouvriers prolongent ordinairement leur veillée jusqu'à huit heures et quelquefois au delà. Dans la classe
populaire du Conservatoire, le mode d'enseignement adopte par le professeur est à peu près le même que celui de
l'Orphéon. Il a produit d'heureux résultats, car, au bout d'un an, les élèves de la classe de M. Batiste remportaient
5
34 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
ture du chant choral, soit d'après les principes de la méthode Wilhem, soit d'après quelque autre système particulier,
ils ne sont pourtant pas, en général, assez hons musiciens pour former des sociétés d'harmonie vocale. D'ailleurs les
mille distractions de la vie parisienne, qui les occupent si agréablement à ne rien faire, leur dérobent les moments de
calmes loisirs qu'il leur faudrait consacrer à cet objet, eussent-ils le moins du monde l'envie d'y songer quelquefois,
On peut en dire autant de la jeunesse du quartier latin, quoiqu'elle ait montré quelque velléité d'imiter l'Allemagne
en plusieurs choses, par exemple dans son costume et dans ses moeurs tabagiques. Mais ce qu'elle a été impuissante à
reproduire, ce sont les concerts de musique vocale si habilement organisés par les étudiants des universités alle-
mandes. Jamais elle n'a su former, à leur imitation, des sociétés de musique pour voix d'hommes ayant, comme les
Liedertafeln, une certaine valeur artistique. Je ne dis pas que l'avenir ne nous promette pas des institutions de ce
genre; il est probable, au contraire, qu'il s'en formera. Les fraternelles relations qu'entretiennent depuis longtemps
les classes ouvrières et la jeunesse des écoles engageront vraisemblablement celle-ci à fonder des cercles lyriques aussi
régulièrement institués que les sociétés orphéoniques de prolétaires. Si cela se réalise, comme on a lieu de l'espérer,
la musique cessera d'être pour les étudiants français un art d'agrément presque aussi futile que l'est la danse. Ils
y découvriront, au contraire, une source de jouissances de l'ordre le plus élevé, répondant à la dignité du caractère
de l'homme, et offrant aux sentiments qui font palpiter leurs jeunes cœurs un mode d'épanchement plein de charmes.
Plus tard, lorsqu'ils auront embrassé les diverses carrières auxquelles ils se destinent, et qu'ils occuperont chacun un
rang important dans le monde, ils se rappelleront avec délices les douces émotions que la musique d'ensemble leur
aura procurées; ils puiseront dans ce souvenir mille autres souvenirs de jeunesse où ils se sentiront revivre. Loin
d'imiter ces gens dépourvus de goût et de sensibilité qui, pour prétendre à la réputation d'hommes graves, affichent un
dédain systématique pour les arts d'imagination, et surtout pour la musique, ils proclameront hautement les avan-
tages que cet art procure à une nation civilisée, lorsqu'on ne le dépouille pas de son caractère sérieux et qu'on n'en
fait pas un pur objet de mode. Ils n'oublieront pas que les plus célèbres philosophes de tous les temps ont constaté ces
avantages, que les magistrats de plusieurs nations les ont reconnus publiquement, et que l'Allemagne, dans ses mœurs
et dans ses institutions, nous en fait encore apprécier aujourd'hui la réalité.
En attendant, secondés par l'intelligence du peuple, les artistes cherchent depuis quelques années à entraîner les
amateurs et les gens du monde dans le mouvement qui se fait en faveur du chant choral et de la musique d'ensemble.
Les Allemands qui sont à Paris ont pris, à cet égard, l'initiative. 11 y a quatre ou cinq ans, un jeune compositeur de
Berlin, M. Julius Stem, étant venu habiter la capitale pendant quelque temps, y fonda une société de chant pour chœurs
d'hommes, dont les membres se sont fait entendre avec succès dans plusieurs concerts. Depuis 1848, il n'y a guère
de fêtes musicales un peu importantes où l'on n'entende des chœurs d'hommes exécutés sans accompagnement par des
membres de l'Orphéon ou de quelque autre société du même genre. L'exemple de la province entretient cette émula-
tion. Si l'Alsace a formé des réunions chorales à l'imitation de l'Allemagne, nos départements du Nord ont eu aussi les
leurs à l'imitation de la Hollande et de la Belgique. Enfin, les populations du Midi ont trouvé dans leurs dispositions
naturelles pour la musique vocale, qu'ils cultivent sous l'influence ausonienne, les éléments d'un chant choral tout à
la fois naïf et harmonieux comme celui des montagnards de la Suisse , du Tyrol et de la Styrie, ou bien comme les
chœurs de gondoliers qui chantent, en Italie, les poésies du Tasse. Il y a quelques années, le public parisien a été à
même d'apprécier la physionomie pittoresque, mais aussi la couleur un peu monotone de l'harmonie vocale des méri-
dionaux, en assistant aux concerts donnés sur le théâtre du Palais-Boyal (depuis théâtre Montansier), par une troupe
de chanteurs béarnais qui, au nombre de douze ou quinze, exécutaient sans accompagnement des chœurs pour voix
d'hommes dans le dialecte des Pyrénées.
Quoique principalement doué d'instincts mélodiques, et beaucoup moins porté pour le chant à plusieurs parties, le
peuple du Midi dut à son vif amour de la musique de n'être point complètement distancé par les autres provinces
dans la formation des sociétés consacrées à la culture du chant choral avec ou sans accompagnement. Le cadre que je
me suis prescrit ne me permet pas de faire connaître toutes les institutions de ce genre qui ont vu le jour dans ces
contrées ou ailleurs ; le nombre s'en est tellement accru depuis plusieurs années, grâce au zèle et au dévouement de
quelques artistes, et surtout d'un certain nombre d'orphéonistes, parmi lesquels s'est particulièrement distingué
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 35
M. Delaporte, qu'il faudrait au moins un volume pour donner sur celte matière des détails complets. Je me conten-
terai de citer quelques essais qui me paraissent avoir directement influé en France sur le développement du genre de
Parmi les sociétés chorales de province qui ont fait preuve, dès l'origine, de zèle et d'aptitude, il faut citer la
Société Trottebas, à Marseille, et la Société Sijlvain Saint-Etienne, à Aix. La première fut formée en 1833, sous la
direction du chef qui lui a donné son nom. A cette époque, elle ne comptait encore qu'une douzaine d'amateurs, mais
le nombre des sociétaires s'accrut rapidement, et, en 1835, elle se composait de 32 jeunes gens dévoués, a qui leur
chef fit exécuter plusieurs sérénades qui commencèrent à populariser son nom et son talent. On dit qu'ayant fêté
Nourrit lors du passage de cet artiste à Marseille, en 1835, elle excita 1 étonnement du célèbre chanteur, qui ne s'at-
tendait pas à trouver en province une société chorale aussi bien disciplinée.
Les élèves de cette société conservèrent l'habitude de fêter ainsi tous les artistes qui venaient à Marseille. Non
contents de leur rendre cet hommage, ils se mettaient à la disposition des virtuoses et des chanteurs qui donnaient des
concerts, offrant en toute circonstance leur concours avec un zèle et une obligeance tout à fait désintéressés.
Les progrès des élèves du chœur Trottebas et la réputation brillante que ces jeunes chanteurs s'étaient acquise, leur
attiraient chaque jour de nouveaux adeptes. Bien qu'il fît un choix minutieux et intelligent de voix parfaitement justes
et de sujets capables, le chef de cette phalange harmonieuse eut bientôt sous sa direction près de soixante amateurs.
C'est alors que, voulant augmenter ses ressources chorales et donner plus de variété à son répertoire, cette société
eut recours à la coopération des voix de femmes et cessa de se renfermer dans les limites du chant choral pour voix
d'hommes sans accompagnement. Ce changement, qui eut lieu avant 1837, nous oblige dès ce moment à la perdre de
vue (1) et à reporter notre attention sur l'heureuse tentative de M. Sylvain Saint-Élienne. Étant encore à Aix, sa
ville natale, ce jeune artiste, doué de l'initiative et de la persévérance nécessaires pour mener à bien les entreprises
utiles, fonda une société chorale dans le but d'inspirer aux masses le goût de la musique, et de fournir des éléments
plus puissants et plus variés aux concerts de la ville d'Aix. Plein de zèle et de courage, M. Sylvain Saint-Étienne eut
bientôt réuni une soixantaine d'amateurs de toutes les opinions et de toutes les classes, depuis le simple ouvrier
jusqu'à l'avocat, depuis l'individu sachant à peine lire jusqu'à l'homme instruit.
L'aptitude et l'activité du chef, le bon vouloir et l'instinct musical de ses élèves, produisirent en peu de temps les
meilleurs résultats. Cet amalgame d'éléments si divers se fondit dans un ensemble parfait où l'harmonie des voixriva-
lisait^avec l'esprit de concorde dont les membres de la Société Saint-Étienne étaient animés. Sur les soixante indi-
vidus qui constituaient cet ensemble choral, deux ou trois seulement étaient musiciens; tous les autres ne connais-
saient pas une note; il y avait même des ouvriers qui ne savaient pas lire et auxquels on apprenait les paroles
d'avance. Cependant, grâce aux efforts de tous habilement dirigés par un seul, on parvint, en moins d'un an, et sans
plus de deux répétitions par semaine, à apprendre plus de trente chœurs, parmi lesquels se trouvaient des morceaux
très difficiles, des messes, des motets; bref, des ouvrages de longue haleine et tout à fait importants. Au commence-
ment, cette réunion ne donnait que des sérénades (2) ; ensuite elle offrit son concours aux artistes qui venaient se
faire entendre à Aix. C'est ainsi qu'elle a figuré sur le programme des séances musicales de Liszt, de Doehler et de
quelques autres célébrités. Tous les ans, elle s'imposait la tâche de chanter des messes solennelles et des motets des
grands maîtres. On assure qu'elle brillait surtout dans l'exécution de la messe du sacre de Cherubini.
Le départ de M. Sylvain Saint-Étienne pour la capitale priva naturellement cette société chorale de son chef et de
son appui. Cela fut d'autant plus à regretter qu'elle promettait de se placer au rang des meilleures institutions que la
France possède à présent en ce genre. Au surplus, le dévouement de M. Sylvain Saint-Étienne ne deviendra pas, il
(1) Consultez, sur les travaux ultérieurs de cette société, les articles » Étienne, qui avait eu l'heureuse idée de donner une sérénade à une
publiés dans la Revue musicale de 1846, par M. Sylvain Saint-Étienne, » de nos illustrations locales, madame Charles Raybaud, la spirituelle
sous le titre suivant: De l'état de la musique en province, notamment le » et féconde romancière. Cet hommage a été digne de celle à qui il
quatrième. (Revue musicale,!" novembre 1846, treizième année, n° 44.) «était adressé. Le dernier chœur surtout a été admirablement choisi
(2) On lit dans VEcho de province du 24 septembre 1842 : « Ven- » pour la circonstance, et ce refrain Honneur aux enfants du génie,
:
o dredi soir, vers minuit, le quartier de Lacépède a été agréablement » qui revient de temps en temps dans cette délicieuse composition de
i> éveillé par des chants harmonieux auxquels le silence de la nuit prê- » Félicien David, notre compatriote, était parfaitement à l'adresse de
» tait encore plus de charme et de mystère: c'est le chœur Saint- » madame Raybaud. •
36 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
faut l'espérer,complétemeiit inutile, et il est à présumer que le séjour de cet estimable artiste à Pans sera marqué par
quelque création également favorable au développement de la musique d'ensemble, et plus particulièrement à celui du
chant choral. Comme musicien-littérateur, M. Sylvain Saint-Étienne a pu faire connaître au public tout ce que l'ex-
périence lui avait révélé concernant le caractère et les propriétés de cette espèce de chant ; il a pu dire aussi ce qu'il
pensait relativement à l'aptitude des amateurs qui le cultivent en province. Quelques réflexions que j'emprunte à un
des excellents articles qu'il a publiés sur ce sujet, en 1846, dans la Revue et Gazette musicale de Paris, vont servir à
prouver qu'à cette époque la culture du chant choral dans le Midi laissait à désirer, et qu'elle rencontrait des obsta-
cles qui, à la vérité, existent encore à peu près partout dans les petites villes où le mouvement orphéonique ne s'est pas
fait sentir. « Les choristes de province (c'est-à-dire les membres des sociétés chorales), dit M. Sylvain Saint-Étienne,
» ne sont rien moins qu'initiés à la science vocale ; c'est à peine si l'on compte parmi eux quelques musiciens exercés.
» De là l'impossibilité où ils se trouvent d'interpréter convenablement les œuvres qui portent l'empreinte du talent et
» de la science. Si parfois ils cherchent à se réunir, c'est plutôt pour roucouler une sérénade facile de Carulli ou de
» Clapisson que pour aborder les compositions sérieuses de Haydn, Mozart ou Meyerbeer. C'est ce qui les empêche de
» concourir avec succès aux concerts et aux grandes fêtes religieuses dans lesquelles la partie chorale joue un rôle si
» important. Admettons un moment que leur éducation musicale puisse leur en fournir le moyen , il est certain que
» leur caractère léger, insoucieux, leur peu de goût pour le travail, les empêchent d'arriver à la perfection nécessaire
» à cet effet. Ils ne voudront jamais s'imposer des répétitions assez nombreuses et prétexteront mille excuses dans le
» but d'esquiver une tâche toujours onéreuse pour celui qui n'a pas dans son cœur le sentiment profond de la belle et
Cependant, à voir les choses d'un œil moins sévère, on peut dire que les tentatives dont le chant choral est l'objet
depuis plusieurs années, quel que soit le résultat de chacune d'elles en particulier, n'en ont pas moins puissamment
contribué, en général, à propager et à vulgariser le goût de l'harmonie vocale parmi les Français. Aussi ces derniers
commencent-ils à saisir le caractère et à connaître les charmes de la bonne musique d'ensemble, tandis qu'il y a
environ une vingtaine d'années ils étaient à cet égard entièrement dépourvus d'aptitude et de goût. D'ailleurs, les
N'est-ce pas, je le demande, un immense progrès que toutes les villes de France et même de simples bourgs aient
des réunions chorales et organisent des concerts de chant à plusieurs parties? Que ces essais avortent quelquefois,
qu'ils demeurent infructueux ou n'égalent pas à beaucoup près ceux de nos rivaux d'outre-Rhin, n'en sont-ils pas
moins la preuve frappante et irrécusable du désir généralement éprouvé d'atteindre au but artistique où les habiles,
les privilégiés ont déjà trouvé la récompense de leurs efforts? On conçoit aisément qu'un sentiment de cette nature
soit fait pour aviver de plus en plus le goût des études sérieuses dans le domaine de l'art musical, en sorte que bientôt
la France tout entière sera prise elle-même dans le vaste réseau d'harmonie qui enveloppe déjà plusieurs nations, et
dans lequel ses cordes sympathiques vibreront à l'unisson des ravissants accords de la muse allemande. Tel est le
résultat que les incontestables progrès d'un grand nombre de sociétés chorales instituées tant à Paris que dans les
villes des départements, comme à Lille, à Arras, à Lyon et à Marseille, donnent lieu de considérer comme imminent.
Les relations artistiques que ces sociétés ont entre elles et même avec les cercles lyriques des pays les plus voisins,
par exemple avec ceux de la Hollande, de la Belgique et de l'Allemagne, relations qui s'étendent chaque jour davantage
et deviendront de plus en plus efficaces à mesure que l'achèvement et la correspondance des grandes lignes de che-
mins de fer ouvriront de nouvelles voies de communication entre les diverses contrées du monde ;
les réunions par-
tielles ou générales que ces associations organisent avec un grand retentissement et auxquelles elles convient un public
connaisseur ; les concours officiels et les luttes de chant où elles font l'essai comparé de leurs forces, non par esprit de
rivalité, mais par esprit d'émulation, tout cela présage une ère nouvelle, une ère de concorde et de fraternité où
Ainsi qu'on l'a vu jusqu'à présent, bien que les sociétés chorales existant en France exécutent quelquefois des mor-
ceaux de musique sans accompagnement et prennent part à des banquets après des exercices publics de chant, il n'en
est cependant pas parmi elles qui aient précisément le caractère des Liedertafeln allemandes, c'est-à-dire qui aient
été fondées tout exprès pour tenir des séances de musique vocale pendant un festin égayé par d'aimables discours et
d'harmonieux accents. On peut donc en conclure que nous ne possédons rien d'analogue aux réunions convivales des
musiciens allemands. Toutefois, nous avons les Caveaux et les Goguettes. En effet, les goguettes et les caveaux ont été
jiistitués pour cultiver l'espèce de poésie nationale appelée Chanson, de même que les Liedertafeln ont été consacrées
dans le principe à faire fleurir une autre espèce de poésie nationale qui tient à peu près le même rang dans la littéra-
ture allemande que la chanson dans la littérature française, je veux dire le Lied. Mais comme les Français ont plutôt
'e sentiment de l'harmonie poétique que celui de l'harmonie musicale, il en est résulté que les goguettes et les caveaux,
très intéressants à étudier sous le rapport littéraire, ne méritent pour ainsi dire aucune attention au point de vue de
l'art du chant. Il faut donc bien se garder de les placer sur la même ligne que les Liedertafeln, avec lesquelles ils
n'ont point d'affinité artistique. Ces sociétés chantantes, qui se sont fait connaître sous différents noms, comme Dîners
du Vaudeville, Soupers de Momus, Déjeuners des garçons de bonne humeur, Société des enfants du Caveau, etc., ont
compté parmi leurs membres des poètes, des philosophes, des dramaturges, des vaudevillistes, des chansonniers, des
peintres et des acteurs très célèbres de la fin du xvm e siècle et du commencement du xix% mais peu ou point de mu-
siciens. Cependant, aux séances de la plus ancienne de ces réunions lyrico-bachiques, fondée dans l'arrière-boutique
de l'épicier Gallet, vint assister régulièrement le célèbre compositeur et théoricien Rameau. Il s'y trouvait en bonne
compagnie : Saurin, Duclos, la Bruyère, Gentil-Bernard, Moncrif, Helvélius, Favart, le peintre Boucher, le ministre
Maurepas, etc., étaient ses collègues et trinquaient avec lui en échangeant une bonne parole et un bon refrain.
Ce furent là les fameux dîners du Caveau, de l'ancien Caveau, ainsi nommé du nom de l'établissement du restaurateur
Landelle, au carrefour Bucy, où ces dîners avaient lieu tous les mois. Vingt ans plus tard un second caveau s'établit
chez le fermier général Pelletier; Marmontel, Boissy, Suard, en faisaient partie, et Slern et Garrick le visitèrent
à l'époque de leur séjour dans la capitale. D'autres sociétés, fondées ultérieurement, ont aussi compté des hôtes illus-
tres. Les noms de Désaugiers, de Piis, de Dupaty, de Philipon de la Madeleine, de Ducray-Dumesnil, d'Armand
Gouffé, d'Eusèbe Salverte, d'Étienne, de Martainville, etc. ,
figurent dans leurs annales. La société du Caveau moderne,
dont les statuts furent votés en 1806 au Rocher de Cancalc, a vu quelques musiciens et quelques chanteurs fréquenter
ses réunions gastronomico-ïittéraires. Frédéric Duvernoy, Lafont, Doche, Batiste, Chcnard, Piccini et d'autres dont
les noms m'échappent, venaient embellir les dîners périodiques de cette société chansonnière. Mais la présence des
musiciens ne rendit pas celle-ci plus musicale au fond, du moins quant à la connaissance et à la pratique du chant
d'ensemble. Comme je l'ai dit plus haut, ce dernier objet n'a jamais été pris en considération dans les séances lyriques
des goguettes et des caveaux. Aussi n'exige-t-on des personnes qui tiennent à s'y faire remarquer qu'un certain talent
pour la poésie, loin de les obliger à faire preuve de dispositions pour la musique. Il n'est même pas nécessaire de
posséder une voix agréable ; il suffit de savoir prononcer convenablement et de déclamer avec esprit. Les membres de
ces sociétés se contentent généralement d'ajuster les vers qu'ils ont composés à une mélodie connue, air populaire,
ariette d'opéra ou pont-neuf de vaudeville. Ils exécutent ensuite leurs chansons ainsi préparées musicalement au plus
prochain banquet en solo à une voix, ou bien en solo doublé par plusieurs voix avec les reprises obligées en chœur gé-
néral, à l'unisson, dans les bis de rigueur et dans les refrains. L'essentiel, en pareil cas, est que le rhythme de la mu-
sique convienne à la mesure des vers, que le chant ne maltraite pas la prosodie et qu'il soit conçu dans le goût fran-
çais. L'essentiel aussi est que la musique soit facile à retenir et facile à chanter, afin que l'on n'ait à faire pour
(1) C'est un des couplets de la chanson de Béranger citée plus haut, forme affirmative, parce que tout fait présumer que le vœu du grand
Je le reproduis ici en prenant la liberté d'en varier les termes sous une poëte sera rempli.
3& RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
n'est donc pas du tout l'objet qu'on se propose dans les sociétés dont je parle, et si quelque membre
Le chant choral
de la confrérie épicurienne, un peu musicien en même temps que littérateur, sé pique d'imaginer un air nouveau pour
sa chanson, il se borne à trouver une jolie mélodie, une mélodie qui s'adapte bien aux paroles, mais il ne songe nulle-
ment à forger un morceau d'ensemble, par exemple un chœur ou un quatuor pour quatre voix d'hommes avec ou sans
accompagnement. Ce n'est pas que dans ces réunions,— de même que dans les banquets franc-maçonniques qui seraient
aussi des espèces de Liedertafeln, si le chant d'ensemble y était plus sérieusement cultivé, — on n'ait par hasard
occasion d'entendre certains passages des airs qu'on y chante exécutés à plusieurs parties distinctes, mais on s'aperçoit
aisément, à la manière dont ces passages sont rendus et plus encore à la manière dont ils sont écrits, que l'art d'unir
harmonieusement les voix demeure un arcane pour les chansonniers français habiles seulement à trouver les paroles,
et quelquefois comme Debreaux, Pierre Dupont et plusieurs autres, la simple cantilène de la chanson. D'après cela, il
est hors de doute que nos sociétés chantantes, nos Liedertafeln, si l'on veut bien les appeler ainsi, n'ont rien de
commun avec les sociétés chantantes , les Liedertafeln de l'Allemagne , du moins en ce qui tient à la musique.
Elles ne leur ressemblent que dans quelques détails d'organisation relatifs à la distribution des travaux, à la tenue et
au règlement des séances. Ainsi, les convives des Dîners du Vaudeville, lorsqu'ils fondèrent leur association, le 2 fruc-
tidor an IV, avaient nommé des commissaires chargés de rédiger les bases de la société et de donner en même temps
chacun un sujet de chanson. Tous ces sujets, mêlés ensemble, tirés au sort et remplis par ceux à qui ils étaient échus,
furent rapportés et examinés au dîner du 2 vendémiaire suivant, le premier de la fondation. De même les membres
de la Liedertafel, créée par Zelter à Berlin, s'étaient imposé l'obligation de fournir chacun leur contingent poétique,
afin d'avoir le droit de s'asseoir au banquet. Ajoutons qu'une autre société, celle du Caveau moderne, comme quel-
ques Liedertafeln et quelques Liederkraenze d'Allemagne, permettaient aux convives sociétaires d'inviter chacun à
leur tour une personne de leur choix; excellente mesure a laquelle celle Société dut l'honneur de voir figurer à
quelques unes de ses séances des hommes politiques du plus haut rang, des savants et des littérateurs renommés,
par exemple le géographe Mentelle, l'abbé Delille, le chevalier deBoufflers et jusqu'au célèbre docteur Gall. Enfin,
comme une dernière possibilité de rapprochement entre nos institutions chansonnières et les associations chorales
d'outre-Rhin, on pourrait rappeler la réception de Béranger au nombre des membres delà Société du Caveau et celle
de Goethe au nombre des membres de la première Liedertafel de Berlin. N'est-ce pas en effet une chose digne de re-
marque que le patronage accordé par ces deux grands poètes à d'aussi modestes réunions? N'est-il pas curieux de les
rencontrer là tous les deux animés du même esprit, et soulevant la coupe pour proclamer au nom d'une douce et con-
solante philosophie la puissance du chant comme soutien moral de l'homme en cette vie d'épreuves? N'est-il pas inté-
ressant de les voir accomplir une œuvre vraiment nationale au milieu de ces plaisirs innocents, c'est-à-dire agrandir
et perfectionner l'un le cadre du Lied, l'autre celui de la Chanson? Aux. banquets où on les convie, leur muse s'exalte;
elle produit des chants populaires dont les générations gardent le souvenir. La lyre de Wilhem accompagne ceux de
Béranger ;
la lyre de Zelter redit les accents du poète de Weimar. Toutefois, si la tâche des poètes est à peu près égale,
celle des musiciens diffère. Zelter, pour former sa Liedertafel, rencontre partout de bons chanteurs; Wilhem, pour
former son Orphéon, trouve généralement des voix défectueuses. Le premier obtient tous les résultats qu'on peut attendr
de l'excellente éducation musicale des Allemands ; le second est sans cesse rebuté par toutes les difficultés qui provien-
nent de la mauvaise éducation musicale des Français. Zelter a trouvé immédiatement le moyen de composer une société
chantante; pour parvenir à fonder une société de ce genre en France, il fallait que Wilhem créât d'abord l'Orphéon,
il fallait qu'il rendît le peuple musicien et lui apprît à chanter. C'est en unissant, en confondant les éléments littéraires
et l'esprit des anciennes sociétés chansonnières de notre pays, et l'esprit nouveau, les éléments artistiques des sociétés
chorales instituées sous la bannière de l'Orphéon ou sous le drapeau particulier de quelque maître habile, qu'on pour-
rait arriver, ce me semble, à créer des institutions capables de rivaliser avec les meilleures Liedertafeln et Liederkraenze
d'outre-Rhin. Que les ouvriers, que les étudiants qui ont appris à chanter à deux, à trois et à quatre parties trans-
portent le goût et l'exercice de l'harmonie vocale dans leurs goguettes et ils formeront ainsi naturellement des
(1),
(1) Il
y a longtemps que les vieux soldats, que les jeunes artisans frains patriotiques ou des chants plaisauls etjoyeux. La chanson u'a donc
français sont dans l'usage de se réunir
pour répéter eu chœur des g* pas seulemeut fleuri dans les cercles gastronomico-littéraires nommés
SUR LE CHANT EN CHOEUR FOUR VOIX D'HOMMES. 30
Liedertafeln, des banquets de chant; d'un autre côté, que les réunions franc-maçonniques accordent une place plus
importante a la musique d'ensemble, et leurs festins prendront également une physionomie artistique analogue à
celle des sociétés convivales de chœurs d'hommes. Par là, les progrès du chant choral en France seront plus rapides
et plus généraux ;
par là aussi on commencera de tonte part à sentir plus vivement les beautés de la musique. Cet art
sera mieux compris, mieux étudié dans son application et dans son but ;
on en retirera des jouissances pins nobles et
moins éphémères ; on saura enlin que ces jouissances ne se bornent pas à ce qu'on veut bien appeler, suivant la défi-
Avant de terminer ce chapitre, il me reste à examiner brièvement si d'autres nations que l'Allemagne, la France,
la Hollande et la Belgique, possèdent des sociétés de chœurs d'hommes. L'Angleterre compte aujourd'hui quelques
sociétés de ce genre ; une des plus renommées est celle de Manchester. Du reste, il est probable que la population de
la Grande-Bretagne connaîtra bientôt les douceurs de l'harmonie des voix. On s'est occupé, dans ces derniers temps,
de former aux mâles beautés du chant choral l'oreille jusqu'à présent un peu rebelle du peuple anglais. Dès 18^0,
M. Hullah, membre délégué du conseil d'éducation de la Grande-Bretagne, visita à Paris les écoles d'adultes de l'Or-
phéon, et il fit imprimer, en 1841, à Londres, la traduction des tableaux et du corps de préceptes de la méthode
Wilhem. Une classe fut en même temps ouverte à Exeter-Hall, et cette école ne comptait pas moins de dix-sept cents
de la France et de l'Allemagne que la Grande-Bretagne tend aussi à organiser des sociétés de chœurs d'hommes et des
concerts de musique vocale auxquels ces sociétés participent. Dans plusieurs de ses régiments le chant est cultivé, et
le dimanche les psaumes sont exécutés par des milliers de voix. Au camp de Cobham, en 1853, les soldats firent choix,
dans chaque bataillon, d'excellents chanteurs qui exécutaient des chœurs. On entendait au loin, dans la campagne,
ces chants religieux qui ne manquaient pas de solennité. Je crois que s'il existe aujourd'hui en Italie des réunions
chorales, elles sont en petit nombre et dues à la présence ainsi qu'à l'initiative des Allemands. Le peuple italien reste
ordinairement fidèle à ses anciennes amours, au chant monodique. Cependant il n'est pas tout à fait insensible aux
charmes d'une polyphonie savante, témoin ce récit tracé jadis par un musicien que je nommais tout à l'heure dans
une relation de son voyage en Italie que publia, en 1853, la Revue des deux mondes. « J'ai souvent, dans une belle
nuit d'été, dit Mainzer, suivi les chanteurs allemands au Colosseo, tant pour voir ce monument gigantesque éclairé
par la lumière sr pittoresque de la lune, que pour entendre retentir dans ces chants les sons harmonieux de ma langue
maternelle. Entre les arcs de triomphe, auprès des temples de la Paix, de Bomulus et de Rémus, chantaient mille
voix du peuple (1), qui toutes se taisaient lorsque les Allemands descendaient du Capitole pour traverser le Forum,
et faisaient entendre leurs chants et leurs chœurs si cadencés et rhythmés d'une manière si précise ; mais à peine
ceux-ci avaient-ils cessé que, de tous côtés, recommençaient les chansons du peuple, belles sans art, justes sans
règles, puisées dans la nature. Les Allemands, suivis d'une foule déjeunes gens, étaient ainsi accompagnés jusqu'au
Colosseo. Là, sous les voûtes ruinées de ce monument colossal de la force et de la grandeur romaine, s'engageait la
lutte entre la nature et l'art. Après ce chant exécuté par les artistes allemands : Salut, belle Italie, pays de mer-
veilles, etc., des Anglais, placés à l'extrémité opposée, commençaient l'hymne si simple, si admirable, si sublime des
pêcheurs siciliens en l'honneur de la Vierge : 0 sanctissima, opiissima dulcis virgo, etc. Si d'un côté la combinaison
harmonique et le nombre des voix paraissaient devoir enlever les suffrages, de l'autre la palme était vivement disputée
par la simplicité et la naïveté des tons, par une expression toute naturelle d'un véritable et pur amour. Mais bientôt
Caveaux, elle a trouvé des assemblées vouées à son culte jusque dans les Gais lurons , les Bergers de Syracuse, les Troubadours, la Cho-
les plus humbles sanctuaires bachiques de la grande cité. A côté des pinette, les Écureuils déchaînes, etc. Toutes ces sociétés, malgré lears
sociétés aristocratiques de la chanson, on a vu naître les sociétés plé- noms burlesques, ont contribué à moraliser le peuple, parce qu'elles
béiennes de la chanson, on a vu naître les goguettes du peuple, celles lui ont fourni le moyen d'ennoblir ses jouissances matérielles, en y mê-
qu'ont célébrées Debreaux, qu'ont protégées Béranger I De toutes, la plus lant des idées d'ordre, de sociabilité, et d'élévation intellectuelle.
illustre a été, dit-on, la respectable Mire Goguette, dont la réputation Presque toutes ont eu leur règlement particulier, leur président et leur
commença de se répandre en 1818. Après elle doivent être cités les : bureau. Il existe encore aujourd'hui des sociétés semblables, mais elles
Amis de l'entonnoir, les Joyeux, les Lapins du Nord, les Lapins du ont très peu profité des progrès réalisés par l'Orphéon-
Midi, la Société du gigot, les Francs gaillards, les Enfants de la gloire, (1) Mainzer parle ici du peuple de Rome.
40 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
l'hymne de la Vierge était repris en quatre parties et en chœur par les Allemands eux-mêmes ; et quel triomphe alors
pour l'art venant prêter son secours à la nature (1) ! »
De même aux Etats-Unis, il existe d'assez nombreuses sociétés de chœurs d'hommes composés en partie d'Alle-
mands ou de chanteurs d'origine allemande. Partout l'influence de la nation qui revendique légitimement la gloire
d'avoir produit Mozart et Beethoven détermine la création de sociétés semblables. Aussi n'est-on pas étonné de trouver
des réunions de chœurs d'hommes en Pologne et en Russie, deux pays voisins de la Prusse, où ces réunions ont com-
mencé de se former, où elles sont devenues de plus en plus nombreuses et où elles jettent à présent tant d'éclat.
On peut donc dire avec certitude que la noble et mâle harmonie des voix viriles formera bientôt un concert universel
destiné à peindre les sentiments, les transports du cœur de l'homme, et à répéter dans tous les modes et avec mille
accents divers ce chant alternatif de joie et de douleur qui est l'hymne éternel de l'humanité.
CHAPITRE V.
Nous avons vu plus haut que les Liedertafeln et les Liederkraenze de l'Allemagne, ainsi que les sociétés chorales
fondées en divers pays à leur imitation, communiquent les unes avec les autres, soit par voie de correspondance épis-
tolaire, soit au moyen de visites qu'elles se rendent mutuellement ou qu'elles se font rendre par quelques uns de leurs
membres. Ces rapports pleins d'aménité ne tardent pas à faire naître des projets de fêtes musicales et de voyages artis-
tiques. Les jeunes gens ont beaucoup de goût pour ces sortes de divertissements ; ils recherchent les occasions de s'y
livrer et n'y apportent pas des dispositions vulgaires. La manière dont ils satisfont ce penchant est de tout point
conforme aux mœurs, aux habitudes, aux souvenirs traditionnels, en somme au génie national du peuple allemand.
Qu'ils soient émus à la vue d'un beau site, ils entonnent aussitôt des chants fraternels où se peint leur pieuse et juvé-
nile exaltation. Tantôt c'est l'enthousiasme patriotique qui se réveille en eux et qui fait naître leurs transports cheva-
leresques; tantôt c'est un sentiment d'admiration pour les œuvres du Créateur qui imprime à leur voix le doux accent
de la prière; tantôt c'est le souvenir des joies intimes de l'amour ou de l'amitié qui règle la mesure de leurs chants
d'après les battements de leur cœur. Sans doute le vulgaire en France ne s'explique pas bien ces impressions soudaines
qu'une organisation de poète ou d'artiste est seule capable de comprendre et de ressentir.
Pour donner une idée de l'effet que produisent sur les Allemands les promenades musicales qu'ils organisent, j'em-
prunterai quelques détails a une relation de Saengerfahrten ou excursions de chanteurs touristes de la Société vien-
noise en \%kk. L'auteur de cette relation cite comme ayant été la plus agréable et la plus belle de toutes ces
excursions lyriques, celle qui eut lieu le dimanche 22 septembre, c'est-à-dire la troisième. Ce fut, selon lui, une fête
musicale dans toute la force du terme. Le public s'en montra d'avance non moins préoccupé que les membres de la
société chorale qui devaient y prendre part directement. Le jour de la solennité, longtemps avant l'arrivée des chan-
teurs, la foule empressée des curieux stationnait au lieu de réunion. De là, elle ne cessa de les accompagner en gros-
sissant toujours, partout où ils portèrent leurs pas. Du village de Dornbach, où ils s'étaient rassemblés dès neuf heures
du matin, les chanteurs se rendirent dans le parc du prince de Schwartzenberg. Là, ils firent une première halte et
chantèrent sur l'une des rives de l'étang des Cygnes le beau chœur de Kreutzer : Le jour du Seigneur (Der Tag des
Herrn). Ce morceau produisit un effet si grandiose et si imposant, que les exécutants eux-mêmes en furent vivement
impressionnés. Cette impression se faisait encore lire sur leur visage, quand de la rive opposée un doux et harmonieux
quatuor de cors de chasse leur envoya ses fanfares romantiques, comme pour répondre à leurs chants. La surprise fut
générale; personne ne se sentait la force de proférer une parole, tout le monde était ému: on écoutait silencieusement
(1) Revue den deux mondes, t. I, W série. Voy. Les chants populaires de l'Italie.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 41
ces accords qui saluaient en cette belle matinée le majestueux réveil de la nature. A peine le morceau fut-il terminé,
que l'on entendit des cris de joie éclater de toutes parts. Il faut dire que ce petit incident ne figurait point au pro-
gramme : c'était une surprise gracieusement ménagée aux membres de la société chorale par leur directeur Storch, qui
avait organisé en secret cette fanfare. Remarquons ici en passant qu'il est assez d'usage en Allemagne d'ajouter au
piquant d'une fête par quelque surprise semblable; il n'est guère d'excursions pittoresques dans les ruines et de voyages
sur l'eau qui n'aient leurs salves de coups de canon et leurs fanfares inattendues : nous en aurons une nouvelle preuve
tout à l'heure. Après avoir quitté la rive de l'étang des Cygnes, la Société viennoise gravit, en chantant alternativement
des quatuor solo et des chœurs, une montagne connue sous le nom de la Sopkien-Alpe (alpe de Sophie). Dans ce
parcours, on fit une seconde halte pendant laquelle on exécuta encore un morceau d'ensemble. « C'est se priver d'une
» des plus belles jouissances que l'on puisse goûter en cette vie que de ne pas voir une fête semblable ! » s'écrie dans
son enthousiasme le narrateur que nous avons cité, au souvenir des ineffables accords qui tout à coup enveloppèrent
comme d'un nuage d'harmonie la montagne dont les chanteurs touristes avaient presque atteint le faîte. Là, en vue
de la magnifique chaîne des montagnes autrichiennes, derrière une forêt grave et silencieuse, environ cent choristes
aux voix mâles, sonores et puissantes, entonnèrent spontanément ce chœur de Mendelssohn : Qui fa placée là si
haut, belle forêt (Wer hat dich du, schœner Wald, aufgebaut so hoeh dort oben), et celui de Reichardt, la Patrie
allemande (Bas deutsch Vaterland). Le caractère de ces chants, qui s'accordait si bien avec celui du lieu où l'on se
trouvait, fut considéré avec raison comme un à-propos plein de grandeur et de poésie. Une fois parvenue sur la crête
de la montagne d'où le regard plonge dans la vallée de Haimbach, la troupe chantante fit entendre le Lied du chasseur
{Iaegerlied) de Mendelssohn, pour annoncer en quelque sorte son arrivée. Le silence était à peine rétabli que, de la
montagne opposée, partit une salve de trois coups de canon qu'un écho multiple répéta dans les alentours, en même
temps que s'élevaient du fond de la vallée les harmonieux accords d'un quatuor solo, chanté par quelques membres de
la Société chorale qui, ayant pris les devants, avaient imaginé cette gracieuse façon de surprendre leurs collègues.
En reconnaissance de cet aimable procédé, la masse des chanteurs répéta immédiatement le Jaegerlied, mais cette
fois en y joignant l'accompagnement des cors de chasse. Ensuite tout le monde redescendit et se dirigea vers la salle
du festin richement ornée de drapeaux, de guirlandes et de fleurs. La gaieté la plus vive et la plus franche cordialité
régnèrent parmi les convives. Aux trois toasts que portèrent le secrétaire et le président du comité : A notre patrie
V Autriche! A la famille impériale, protectrice des arts! A la prospérité de la Société! on répondit par un vivat
[lebehoch) unanime. Après le repas, on se dirigea vers une colline des environs pour y chanter quelques chœurs qui, à
la demande générale, furent ceux-ci: la Patrie allemande (deutsche Waterland), de Reichardt ;
le Chant allemand
(Pas deutsche Lied), de Kalliwoda; le Chœur des bohémiens (Zigeunerchor) , de Storch. Ensuite, pour achever les
divertissements de cette journée si bien remplie, la société chorale, suivie d'une foule immense, alla se placer sur la
hauteur de Steinbach ; elle y fit entendre, à l'ombre des arbres, quelques quatuor solo. La fête fut couronnée par des
chœurs et le départ annoncé par la reprise du Jaegerlied, dont les accords ne tardèrent pas à se perdre mystérieuse-
ment dans le silence et l'obscurité de la forêt. L'auteur de l'article d'où sont extraits les détails qui précèdent finit en
disant que cette société chorale avait bien mérité du public de Vienne pour lui avoir procuré une distraction qui forme
Je pourrais citer un grand nombre de descriptions de fêtes musicales d'outre-Rhin conçues à peu près dans les
mêmes termes. Toutes témoignent de l'enthousiasme professé par les Allemands pour les beautés de l'art et pour les
merveilles de la nature ; elles établissent aussi qu'il y a une grande uniformité dans le mode d'organisation de ces so-
lennités musicales. Les choses s'y passent toujours à peu près comme on vient de le dire. Le plan du programme varie
peu, si ce n'est dans le choix des compositions que l'on y admet. Quant aux autres détails d'organisation et à l'itiné-
raire suivi par les chanteurs touristes, ils sont quelquefois modifiés d'une manière imprévue par les chances diverses
de la pluie et du beau temps. La différence des lieux que l'on visite, la variété des tableaux qui s'offrent aux regards
durant le cours des excursions, les incidents de toute sorte qui accidentent le voyage d'une façon plus ou moins
agréable, enfin les dispositions particulières de chaque individu et l'intimité plus ou moins cordiale qui s'établit entre
(1) Allgem. Wienermvsikzeilung, von A. Scbmidt. Yiertev Jahrgang (1834), à' année, n» 117 {september}.
42 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
les invités, tout cela empêche les Soengerfakrten de se ressembler exactement et de paraître monotones à ceux qui vont
y chercher leur amusement favori. A présent que j'ai donné un exemple des Saengerfahrten et des Landparthien (par-
ties de campagne) que les sociétés chorales organisent pour se divertir, je parlerai des associations de plusieurs so-
ciétés philharmoniques formant chacune ce qu'on nomme un Saengerbund (1).
Ces associations, comme celles de Hambourg, Rostock, Weimar, etc., comme l'association musicale de l'Elbe et
celle de la Marche de Brandebourg, ont été imaginées pour régler et utiliser les forces des masses chorales éparpillées
en plusieurs villes, pour les exercer et les réunir dans un but très important : l'exécution solennelle des grands
On conçoit qu'une seule société chorale, fût-elle extrêmement nombreuse, ne pourrait encore atteindre aux pro-
portions formidables d'une agglomération de cette nature. C'est habituellement vers la Pentecôte que se tiennent les
réunions des sociétés chorales du Saengerbund. Ces fêtes colossales, qui attirent de tous les points environnants, et
même de localités fort éloignées, une affluence considérable d'amateurs et de curieux, durent ordinairement trois
jours. Dans la première journée, il est assez d'usage d'exécuter une grande symphonie et un oratorio. Cette audition
musicale a presque toujours lieu dans la plus vaste église de l'endroit. Le second jour, on a coutume de faire entendre,
soit dans cette église, soit ailleurs, des morceaux d'une certaine étendue, tant du genre vocal que du genre instru-
mental, tels qu'ouvertures, symphonies, psaumes, etc. Le troisième jour est plus particulièrement consacré à la mu-
sique de concert proprement dite; aux quatuor, quintetti, morceaux de chant à une ou à plusieurs voix, airs d'opéras,
solo d'instrumentistes célèbres, harmonie vocale ou instrumentale pendant les repas, etc. Pour que de telles solen-
nités puissent avoir lieu, il faut que les sociétés respectives des villes et des localités dépendantes du Saengerbund
étudient séparément les grands ouvrages désignés pour être entendus dans une des séances dont on a parlé ci dessus.
Ces études préparatoires se font de tous côtés avec une ardeur, un zèle incomparable. Les chanteurs qui prennent
part a des fêtes organisées par le Saengerbund ont soin de se tenir constamment en haleine et d'assister régulièrement
aux travaux de leurs sociétés respectives; il en résulte, comme on l'a fort bien observé, cet immense avantage qu'il
existe à peine dans toute l'Allemagne une ville de cinq à six mille habitants qui n'ait pas une bonne société de chant
composée de vingt, de trente, de cinquante membres le plus souvent dirigés par l'organiste ou le eantor de l'endroit.
LAssociation musicale de Rostock, Weimar, Stralsund et autres villes, passe pour être l'une des plus anciennes de
l'Allemagne et pour avoir commencé à donner de grandes auditions musicales il y a près de quarante ans.
Je n'ai pas encore dit que le Saengerbund comprend non seulement des Liederkraenze et d'autres sociétés philhar-
moniques, mais aussi des Liedertafeln et des sociétés de chant religieux pour chœurs d'hommes. Ainsi il y avait
en 1835, à la fête solennelle de l'Association de Brandebourg, dans la petite ville de Potsdam, plus de quatre cents
chanteurs du sexe masculin, tous maîtres d'école, organistes et cantors des petites villes, bourgs et villages a douze
lieues a la ronde. Ils firent entendre, presque toujours sans accompagnement, des compositions religieuses telles que
chorals, psaumes, motets, spécialement écrites pour voix d'hommes. On saura en outre que l'Allemagne possède égale-
ment des associations de sociétés chorales uniquement composées de Liedertafeln, partant d'individus du sexe mas-
culin. Il existe entre les villes de Barby, Berlin, Koethau, Dessau, Halle, Leipzig, Magdebourg, Zerbs, un Saengerbund
de ce genre. Les institutions chorales qui en dépendent tiennent leur séance générale chaque année, huit jours après
la Pentecôte, sous la direction du maître de chapelle Fr. Schneider. Cette séance a lieu dans celle des villes dont le
tour a été réglé selon l'ordre alphabétique. Ainsi qu'il est prescrit par les statuts, cette ville est tenue d'adresser,
dès le commencement de l'année, aux autres sociétés coopérantes, une invitation pour la fête, avec prière de déterminer
les chœurs qui seront exécutés par l'association. Chaque Liedertafel en doit indiquer trois, dont deux déjà connus et
un nouveau. Ces chœurs sont envoyés à la direction, qui les classe et les fait imprimer. Vers Pâques, les sociétés par-
ticulières reçoivent les parties séparées de ces chœurs et les distribuent pour les mettre à l'étude. Quand 1 époque de
(1) En France, depuis une vingtaine d'années, nous avons eu quelques delà Vienne, delà Charente-Inférieure, delà Charente et de la Vendée,
exemples d'associations semblables formées entre des sociétés de musique Cette association, fondée à Niort, en 1835, a donné, dans l'espace de
de province, non pas des sociétés de chœurs d'hommes, mais des sociétés plusieurs années et dans différentes villes, un certain
nombre de con-
diles philharmoniques, lesquelles disposent de ressources tant vocales en rendant compte des travaux de celle association
certs. J'en ai parlé
qui
qu'instrumentales. De ce nombre était l'association formée par la réu- etde quelques autres sociétés de province, dans une suite d'articles
Revue musicale du docteur Gassner, à Carlsrulre.
nion des sociétés philharmoniques des départements des Deux-Sèvres, ont paru dans la
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 43
la fête approche, chaque Liedertafel choisit son Reisemarsckal, ou ordonnateur (maréchal) de l'expédition, chargé de
recueillir les fonds et de les adresser au comité de la fête. Ou nomme aussi, depuis quelques années, un commissaire
spécial qui reçoit les hôtes arrivants et remplit officieusement auprès d'eux les fonctions de cicérone, les conduisant
quet. Le repas commencé, on entonne par intervalles des chœurs chantés en commun, puis chaque société se fait en-
tendre l'une après l'autre. A minuit, on se sépare pour se revoir le lendemain vers six heures du matin à un endroit con-
venu. Si le temps est favorable, cette seconde réunion a lieu en plein air ; toutes les masses vocales y exécutent des
morceaux d'ensemble. Cette séance d'harmonie se prolonge jusqu'à neuf heures ; à dix heures et demie, pendant
un déjeuner confortable, on procède à l'ouverture de la troisième et dernière séance, qui ressemble à celle que l'on a
tenue la veille en dînant. Il est inutile d'ajouter que ce Saengerbund joint aux agréments des collations lyriques les
distractions de la promenade et des chants en plein air. Ce sont là des habitudes communes à toutes les associations
chantantes. Pour compléter les notions que j'ai déjà présentées sur cet objet, je terminerai ce qui regarde les fêtes
musicales des sociétés chorales d'outre-Rhin par quelques détails sur une réunion assez récente de Liedertafeln, où
l'intervention gracieuse du roi de Prusse actuel, Guillaume IV, comme auditeur, prouve que les souverains eux-mêmes
continuent de porter un vif intérêt à la prospérité de ces sortes d'institutions. En 1851, à l'époque fixée pour cette réu-
nion, on vit un grand nombre de chanteurs arriver, le samedi, à Berlin ; la plupart d'entre eux furent reçus chez leurs
alliés. Par extraordinaire, il vint aussi des amateurs de Lubeck et de Riga. Trois sociétés berlinoises prirent égale-
ment part à cette fête ;
parmi ces sociétés se trouvait celle que fonda, il y a plus de quarante ans, le digne Zelter, et
qui fut, comme on sait, la souche artistique de toutes celles qui existent aujourd'hui. A cinq heures du soir, la fête
commença dans de vastes jardins où les chanteurs se saluèrent cordialement et essayèrent quelques Lieder nouveaux.
A huit heures on se mit à table ; il y avait en tout deux cent cinquante chanteurs. Le compositeur Schneider, de Dessau,
auteur de l'oratorio le Jugement dernier et d'autres ouvrages très estimés, dirigea l'exécution des morceaux de mu-
sique chorale destinés à embellir cette séance de convives chanteurs. A côté de lui se trouvaient des compositeurs et
des artistes renommés de Berlin ; le premier toast fut porté en son honneur. On ne saurait décrire l'effet puissant et
merveilleux de ces deux cents voix d'hommes si vigoureuses et si bien exercées attaquant spontanément un morceau
d'ensemble. Les chants, les conversations, les vivat ne cessèrent d'alterner de la sorte jusques après minuit avec une
expression toujours croissante de verve joyeuse. Du reste, cette partie de la fête ressemblait aux Liedertafeln ordinaires ;
doyante, entourée de charmants jardins. Au débarcadère, dans des salles spacieuses, on prit le café et l'on entonna
le premier chant du matin ;
chacun à part soi y mit une prière dans la pensée de demander à la Providence un
temps propice pour cette journée de fête et d'harmonie. Ce vœu fut exaucé. Bientôt le cortège se remit en marche,
non sans avoir dit encore quelques Lieder tour à tour graves et joyeux. Il traversa les rues de Potsdam en recueil-
lant sur son passage les saluts et les marques de sympathie des habitants accourus en foule aux fenêtres, et bientôt
il arriva à Sans-Souci, où résidait en ce moment la cour. Par ordre du roi, l'intendant des jardins vint le re-
cevoir. Quand les chanteurs eurent attentivement examiné les merveilles du jardin , les statues et les jets d'eau , ils
montèrent à la fameuse terrasse où s'élève l'habitation de Frédéric le Grand. Arrivés tout en haut, ils se rangèrent
de manière à former un demi-cercle devant le portail du château , et saluèrent par un chant unanime et mélodieux la
demeure et le souvenir de l'illustre monarque. Là, au milieu du doux et fluide bruissement des jets d'eau retenti-
rent leurs suaves accords portés comme un hymne national sur une tiède brise. Bientôt le roi parut et s'approcha
d'eux. Il écouta le Lied du printemps dans lequel le ténor de Berlin , Mantius , exécuta la partie solo pendant
que les autres chanteurs formaient un accompagnement bien nuancé con bocca chiusa. Quand le Lied fut terminé,
le monarque adressa aux artistes quelques paroles flatteuses; il salua en particulier M. Schneider qui se faisait re-
marquer au milieu d'eux par sa belle chevelure argentée. Après un vivat en harmonie très ingénieusement rendu
M RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
au moyen d'une série d'accords improvisés, l'orchestre allait s'éloigner lorsqu'il fut rappelé sur la demande de la
reine, qui manifesta le désir de l'entendre. Leurs Majestés s'entretinrent ensuite quelque temps avec les artistes;
puis elles se retirèrent en leur faisant un gracieux salut. A ce moment tout le monde se dispersa dans le parc dont on
ne pouvait se lasser d'admirer la magnificence. Cependant il fallait songer au retour et se rendre à Wilpark, station
du chemin de fer. Là, on chanta de nouveau, puis on remonta dans les wagons et l'on revint à Potsdam. Un déjeuner
confortable préparé dans la grande salle du Schùtzen- Haus attendait les voyageurs. Tout se passa comme la veille,
avec cette différence toutefois qu'on avait fait plus ample connaissance et que les événements de la matinée avaient
éveillé les esprits. Bientôt retentit le fameux chant d'Arndt : la Patrie allemande, accompagné des détonations du
vin de Champagne. La journée se termina par une excursion en bateau à vapeur sur le Havel. Enfin les chanteurs tou-
ristes durent se séparer, n'ayant dans un pareil moment, pour adoucir l'amertume de leurs regrets, que l'échange de
On conviendra qu'il est impossible de se livrer à des plaisirs plus purs et plus innocents. Le même ordre, la
même décence, la même simplicité de mœurs, les mêmes tendances chevaleresques, le même esprit de sociabilité
et d'union artistiques distinguent la plupart des fêtes musicales de l'Allemagne, de la Suisse, des États néerlandais et
de la Belgique, qu'il ne s'y trouve que des hommes ou bien que l'on y remarque des hommes et des femmes réunis.
De pareils divertissements ont un caractère qu'il est impossible de méconnaître : ils donnent une haute idée du
degré de civilisation et d'éducation morale auquel les populations qui s'y complaisent sont déjà parvenues. Ils
prouvent en dernier ressort que la race humaine est au fond meilleure qu'elle ne le paraît. Poursuivre un but sé-
rieux au milieu de certains amusements réputés d'ordinaire mondains et frivoles, consacrer dans le cours prosaïque
de la vie des moments de repos et de loisir à la culture d'un art appliqué au perfectionnement des mœurs, ennoblir
jusqu'aux plaisirs des sens et aux jouissances matérielles de la table, en y mêlant les glorieuses préoccupations de
l'esprit ou les pures émotions de l'âme, n'est-ce pas là réaliser l'œuvre de la philosophie antique? n'est-ce pas là s'as-
seoir au banquet des sages, le front couronné de fleurs, la coupe pleine jusqu'au bord, l'œil brillant et radieux, le
sourire sur les lèvres et la bouche murmurant les doux refrains des muses? On ignore peut-être jusqu'où va le pouvoir
de ce mode puissant de civilisation ; on ignore que, réussissant à développer parmi les hommes des sentiments de
concorde et de fraternité, il tend non seulement à effacer les inégalités blessantes de la hiérarchie sociale, mais encore
à éteindre les haines religieuses et à opérer la fusion des croyances au nom de l éternelle harmonie qui règne dans les
1
cieux.
La relation d'une fête de chœurs d'hommes célébrée en 1829 à Baden, dans le canton de l'Argow en Suisse, nous
en fournit une preuve. Fondée en présence et pour ainsi dire sous les auspices de Pestalozzi, par des instituteurs
primaires, la Société de chant argovienne, après avoir donné une première fête à Brugg, laquelle avait réuni cent
cinquante de ses membres, puis une seconde à Lenzburg, où il s'en était trouvé jusqu'à trois cents de sept différents dis-
tricts, réussit à en organiser une troisième, cette fois avec la coopération de neuf districts au lieu de sept. Sur ces neuf
districts, quatre appartenaient au culte catholique et cinq au culte réformé, de sorte que l'on pouvait compter parmi
Pentecôte. Le calme riant d'une matinée sereine disposait les cœurs à la célébration de la double fête religieuse et
artistique qui allait avoir lieu. Un premier chant, un hymne de joie signala l'arrivée des membres du Saengerbund.
Ceux-ci essayèrent d'abord entre eux quelques uns des morceaux qu'ils devaient exécuter devant le public. Cette
courte répétition fut suivie d'un repos de quelques instants. Ensuite ils se rassemblèrent à l'hôtel de ville, se
parèrent des bouquets que les dames avaient préparés pour eux, se donnèrent le bras, et laissant flotter leurs
bannières, entrèrent processionnellement au son des cloches et à travers les rangs d'une foule compacte, dans
l'église du culte réformé dont le portail était décoré de fleurs et où l'on avait eu soin de disposer une tribune spé-
ciale pour les recevoir. Un témoin oculaire raconte avec quelle émotion et quel intérêt les assistants virent entrer
ce corps de chanteurs composé d'individus pris dans toutes les classes de la société, appartenant à des religions
SUR LE CHANT EN CHOEUK POUR VOIX D'HOMMES. Z,5
différentes et cependant réunis là dans un même but, celui d'honorer le Très-Haut par des accents pieux qui semblaient
dire : « Seigneur, nous sommes tous égaux, nous sommes tous frères, nous sommes tous tes enfants. » On ne peut nier
que ce ne fut là, au point de vue de la tolérance religieuse, un grand et noble enseignement. L'esprit le plus prévenu,
le cœur le plus insensible, n'aurait pu se soustraire à l'influence généreuse de ce moment solennel où plusieurs cen-
taines de catholiques et de protestants, abjurant devant Dieu les sentiments de haine religieuse que l'intérêt humain
Des chœurs, des motets et d'autres morceaux d'ensemble de Nacgeli, C.-M. de Weber, Kreuzer, Théodore Froehlich,
Elster et Gerson, contribuèrent tour à tour à faire briller les voix mâles et sonores des exécutants. Cette fête intéres-
sante du Saengerbund argowien fut terminée par un banquet qui eut lieu le soir à l'hôtel de ville. On y tint un dis-
cours qui fut un nouvel appel à l'esprit de tolérance et de fraternité. En voici la substance en quelques mots : « Frères,
» disait l'orateur, nous sommes dans la même salle où nos ancêtres, il y a près d'un siècle, aveuglés par de funestes
» passions, engagèrent de déplorables luttes au nom de leur foi religieuse. Aujourd'hui, après bien des vicissitudes,
» après de longues années passées dans l'erreur, voici des citoyens de presque tous les districts de ce canton, des
» membres des deux confessions qui pour la première fois, dans la même enceinte, mus par le plus touchant accord,
» oublient les haines du passé et entonnent non plus un chant de guerre, mais l'hymne de la fraternité. » Des vivat
unanimes répondirent à ce discours. Ou chanta ensuite un Lied d'Emmanuel Froehlich sur une mélodie de Naegeli et
Naegeli lui-même, qui assistait à ce banquet, reçut de l'un des membres du Saengerbund un poétique hommage. Dans
la pièce de vers qui lui fut adressée, et que l'on trouve à la source que j'indique plus bas, il est proclamé et re-
connu le créateur du chant d'ensemble en Suisse et le père de toutes les institutions chorales des différents can-
tons. Naegeli, ou comme on se plaisait à l'appeler, le père Naegeli [der Vater Naegeli), n'avait point usurpé cette
réputation; nous avons vu plus haut qu'il fut le premier et le plus actif propagateur de la musique chorale d'après
la méthode d'enseignement fondée par Pestalozzi. Cependant des Tafellieder, ou refrains de Liedertafeln , des
quatuor de différents caractères, et le Lied particulier des chanteurs argowiens, avaient succédé aux toasts et aux
discours. Le repas terminé, les membres de la société chorale de Baden accompagnèrent en chantant leurs hôtes
et alliés jusqu'à leurs voitures ; le signal du départ fut donné et les hourras d'adieux se perdirent dans le lointain (1).
Une seule chose serait peut-être assez puissante pour troubler la paix des cœurs et l'harmonie des voix dans les
réunions des sociétés chorales. C'est l'institution des concours et des distributions de prix qui ont pour but de sti-
muler le zèle des chanteurs et des directeurs de ces sociétés, mais qui, par des blessures plus ou moins profondes
faites à l'amour-propre individuel ou à l'esprit de corps, seraient dans le cas, si l'on n'y prenait garde, de susciter
des haines et des rancunes très funestes à la bonne organisation aussi bien qu'à la prospérité des associations cho-
rales. 11 est vrai que l'Allemagne n'a pas ce résultat à craindre, parce que les intérêts personnels des amateurs et
des artistes y sont généralement subordonnés aux intérêts généraux de l'art. Mais dans des pays comme la France,
où l'éducation musicale est peu avancée et où l'amour du chant est encore tiède, les conflits et les rivalités sont
beaucoup plus à redouter. Quoi qu'il en soit, on doit considérer comme une preuve de la bonne harmonie qui existe
tant au delà du Rhin qu'en Suisse, en Hollande et en Belgique, parmi les musiciens de toutes les classes, le nombre
extraordinaire de fêtes de musique vocale et instrumentale données depuis un certain espace de temps avec le con-
cours des sociétés lyriques et philharmoniques de tout genre. Le nombre de ces fêtes est vraiment considérable.
(1) Eulonia, eine hauptsaechliche paedagogisehe Musikzeitschrift hcruusgegeben, von J.-G. Hienlzsch. Breslau, 1829. Zweilen bandes,
drilles hefi, p. 288 et suiv.
/j 6 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
v
J ai sous les yeux une brochure (1) qui en contient une nomenclature assez étendue ;
mais cette nomenclature est
3° Depuis 1813 jusqu'à nos jours, les fêles musicales célébrées avec la participation des Liedertafeln.
4° Depuis 1826 jusqu'à nos jours, les fêtes musicales uniquement formées par la réunion des sociétés de chant, des
Cette dernière espèce est la seule qui se rapporte directement à notre sujet. Elle a revêtu quatre formes spéciales :
A. Depuis 182G jusqu'à nos jours, les fêtes de chant choral avec le concours et la réunion générale des sociétés
B. Depuis 1841 jusqu'à nos jours, les fêtes de chant choral avec distribution de prix pour les sociétés chorales
C. Depuis 1842 jusqu'à nos jours, les fêtes de chant accompagnées d'exercices gymnastiques.
D. Depuis 1833 jusqu'à nos jours, les fêtes de chant données par les choristes d'une même localité avec invita-
tions officieuses aux sociétés des autres localités d'y prendre part.
Un grand nombre de fêtes mentionnées dans cette brochure ont eu lieu dans de petites villes, dans des bourgs,
dans des ruiues de châteaux féodaux , sur un fleuve ou sur un lac, et généralement dans les contrées les plus pitto-
resques de la Suisse et de l'Allemagne. Quelques unes ont été célébrées pour une solennité populaire ou nationale,
comme la fondation ou l'inauguration d'un monument destiné à consacrer la mémoire d'un grand homme. C'est ainsi
qu'à Zurich les vivat et les chants des sociétés chorales des divers cantons de la Suisse ont salué le buste et le mo-
nument de Naegeli, le jour où le public a été admis à le contempler : touchant hommage qui rappelle que Naegeli fut
l'un des plus actifs propagateurs de l'enseignement de la musique dans les classes populaires (2).
Pour avoir une idée approximative du mouvement toujours plus actif et plus étendu qui s'opéra dans une période de
quelques années en faveur de la culture du chant d'ensemble, il n'est peut-être pas inutile de jeter un coup d'œil sur
les listes suivantes, lesquelles concernent l'espèce de société de chant choral dont nous nous occupons.
(1) Celte brochure a pour litre : Verzeichniss deutscher Musik und la grande fête chorale allemande donnée à Lubeck du 26 au 29 juin 1847.)
Gesang-Feste. Den beim grossen deustchen Saengerfesle in Lubeck am (2) Le monument porte l'inscription suivante : Die scliuieizerischen
26 bis 29 juni 1847 versammelten Liedertafeln gcwidmet. Schleu- Saenger Vereine ihrem Vater Naegeli (Les sociétés de chant de la
singen, 1847, Conrad Gtaser, br. in-4. (Liste des fêtes allemandes de Suisse à leur père Naegeli),
musique et de chant, dédiée à la réunion des Liedertafeln présentes à
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 47
Par les listes qui précèdent, par d'autres qui ne peuvent trouver place ici, et par des documents de différente na-
ture, tels que programmes, annonces et comptes rendus de concerts, on arrive à établir approximativement que le
nombre des fêtes données en Allemagne par des sociétés de chœurs d'hommes dans une période de vingt années a suivi
la progression suivante :
1838, 11; 1839, 23; 1840, 19; 1841, 18; 1842, 20; 1843, 30; 1844, 36; 1845, 47; 1846, 74 : ce qui donne un total
de 355 réunions musicales de chœurs d'hommes; chiffre que de nombreuses omissions dans les calculs que l'on a pu
faire jusqu'à ce jour rendent sans doute bien inférieur à celui que la réalité pourrait exactement fournir. Toujours
est-il que c'est là un résultat considérable d'après lequel on est conduit à penser que le chant pour voix d'hommes
deviendra l'une des branches les plus importantes de l'art, et l'un des éléments de moralisation et de civilisation les
plus puissants que l'on ait jamais employés. Voici a présent une nomenclature de quelques unes des fêtes de chant
les plus remarquables qui ont eu lieu en divers pays depuis 1821, et qui sont destinées par les circonstances intéres-
santes qui s'y rattachent, ou bien par le mode grandiose de leur organisation, h faire époque dans les annales de
Nature
particulière
Années. Dates du mois, de la fêle. Endroits où elle a Ueu. Détails particuliers.
1821. 25 décembre. . Berlin (Prusse) Féte des chœurs de soldats de l'armée prussienne.
1826. Birr (Suisse) Première réunion des chanteurs de l'Argow aux funérailles de Peslalozzi.
1829. Pentecôte .... Baden (Suisse) Troisième réunion des chanteurs de l'Argow, comprenant les sections cho-
rales de quatre districts catholiques et de cinq districts réformés.
1829. 15 juillet .... Grceditz (Silésie) Fête annuelle de chœurs d'hommes, donnée par les écoles de chant de
Haynau et de Goldberg. On y exécute des morceaux spécialement écrits
pour voix d'hommes.
1832. 29 mars Meiningen Fête de chant de l'association chorale dirigée par Elster et Hummel. 500 in-
dividus du sexe masculin y chantent des Lieder à plusieurs parties.
1832. d Nuremberg Féte de chœurs d'hommes célébrée le jour de naissance, de Louis I er .
1843. 25 juillet. Zurich (Suisse) Deuxième fête de chant de l'Union helvétique. Dix-neuvième fête de la So-
ciété du lac de Zurich (1). Concours de chant. 2,000 chanteurs de onze
cantons.
1844. 10 février. ... Manchester (Angleterre). . . Fête musicale à laquelle participe une société de chœurs d'hommes fondée
à Manchester en 1841.
— 7 juillet.... Lubeck (Allemagne) Fête de chant de l'Allemagne septentrionale. 400 chanteurs, ou réunion de
vingt et une Liedertafeln.
— 7 juillet. Gand (Belgique) Concours de chant. La société de Cologne remporte le prix.
— 7 juillet. Freising Première fête de chanteurs bavarois. 400 chanteurs, ou réunion de quinze
Liedertafeln.
— 6 août , Meissen Fête de chant de la Saxe. 1,000 chanteurs.
— 1
er
octobre . . Fondation de la première société autrichienne de chœurs d'hommes par le
docteur Schmidt, rédacteur de la Gazelle musicale de Vienne.
1845. 24 juin Herrenberg Fête générale de chant du Wurtemberg. 1,000 chanteurs.
— 19 juillet . . . Marburg Fête et concours de chant.
— août Wûrzbourg Première fête générale des chanteurs allemands. 1,900 chanteurs de cent
huit sociétés.
— 15 septembre Gotha Troisième fête des chanteurs thuringiens. 1 ,000 chanteurs. La reine —
d'Angleterre, Victoria, y assiste.
— 15 septembre Bruxelles Fête et concours de chant. Le premier prix est remporté par la Société des
chœurs d'hommes de Cologne.
1846. l"juin Baltimore Concert de chanteurs allemands.
Philadelphie Fête des chanteurs allemands.
— 9 août Neustadt sur la Haardt. . . . Fête chorale. On y remarque des paysans qui chantent une composition
en style fugué.
difficile
1847. 27-28 juillet.. Naumburg Deuxième fête annuelle de l'alliance (Saengerbund) des sociétés chorales de
la Saale.
— 23-24 août. . Eisenach Grande fêle de chant de l'alliance des chanteurs thuringiens. Réunion de
vingt-six sociétés de chœurs d'hommes.
1848. 13-14 août... Berne Grande fêtede l'association des chanteurs réunissant près de 2,500 cho-
ristes. Concours de chant entre dix-huit sociétés de chœurs d'hommes
de huit cantons.
1849 Vienne Grand concert de la Société de chœurs d'hommes de Vienne.
1850. 18 août. Anvers (Belgique) Fête communale d'Anvers. Concours de chant ouvert par l'Association
royale des sociétés lyriques d'Anvers. Plusieurs sociétés étrangères y
prennent part. La Société de la Grande-Harmonie de Bruxelles obtient
un prix; la Société de chant de Cologne {Maennergesang-Verein) rem-
porte deux prix.
1851. 9 juin. Heilbronn Deuxième fête de l'Association {Saengerbund) des chanteurs souabes, à la-
quelle participent soixante sociétés chorales.
— 3 août Neustadt-Eberswalde Cinquième fête chorale de l'Association de chanteurs. Trente et une Lie-
dertafeln fournissent leur contingent à cette fête, à laquelle participent
en outre 1,000 chanteurs amateurs.
1852. 26 septembre Bruxelles Grand concours de chant d'ensemble entre toutes les sociétés belges par-
tagées en deux catégories : d'un côté les sociétés des communes rurales,
au local de la Grande-Harmonie; de l'autre, les sociétés d'ouvriers,
ainsi que celles des villes de premier et de second rang, au Temple des
Augustins. Des prix sont décernés après le concours.
1853. juin. Londres Arrivée et séjour à Londres, pendant vingt jours, de la Société des chœurs
d'hommes dite Maennergesang-Verein de Cologne. Dix concerts environ
sont donnés par cette société au profit de l'œuvre de la construction du
dôme de la cathédrale de Cologne; ils rapportent 25,000 thalers. ht Maen-
nergesang-Verein est reçu un lundi, à 9 heures du matin, par la reine
Victoria et sa famille, dans le vestibule du palais de Buckingham. —
Retour de la société à Cologne le 25 juin. Elle reçoit en présent de la
reine Victoria, par l'intermédiaire du consul Curtis, une cruche d'ar-
gent ciselé avec des ornements en or et cette inscription Presenled by :
(1) C'est celle dont il a déjà été question dans la nomenclature des Zeilung, publié par B.-A. Marx (ann. 1805 et suiv.); Wiener allgem.
fêtes de Zurich. musik. Zeilung, publié par F.-A. Kanne (ann. 1817 et suiv.); Eutonia,
(2) On trouve des articles détaillés sur toutes ces fêtes, de même que publié a Bieslau par Hientzsch (ann. 1825 et suiv.); Cœcilia, publié
sur les grands festivals et concerts monstres donnés chez différentes na- par les frères Scholl, à Mayence (ann. 1824 et suiv.); Neue Zeilschrifi
tions, dans les revues périodiques et journaux de musique de l'Alle- fur Musik., publié à Leipzig par Robert Schumann (ann. 1832 et suiv.);
magne, entre autres dans les suivants : Leipziger allgem. musik. Zeits- Neuc allgemeine musik. Zeilung, publié à Vienne par le docteur Aug.
chrift, publié parBreilkopf (ann. 1799 et suiv.); Berliner allgem, musik. Schmidt (ann. 1841 et suiv.); Karlsruher musikalische ZcVschrift, pu-
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 49
Il résulte des documents qui précèdent, et qui ne sont cependant autre chose qu'un simple aperçu, que des sociétés
de chœurs d'hommes établies dans des pays étrangers à l'Allemagne, ainsi qu'à la Belgique et même à notre continent,
par exemple à Manchester dans la Grande-Bretagne, à Archangel en Russie, à Philadelphie et à Baltimore en Amé-
rique, instituent des réunions et donnent des fêtes de chant à l'instar de celles qui se célèbrent au delà du Bhin avec
tant d'éclat et une pompe si pittoresque. On va se demander pourquoi je n'ai pas encore cité la France, et si la France
doit toujours être nommée la dernière quand il s'agit d'efforts tentés en faveur du progrès de l'art. A vrai dire,
jusqu'à une époque assez rapprochée des temps actuels, il semble que la France ait ignoré la manière de former de
grandes réunions musicales sur le plan des concerts monstres d'Allemagne et des festivals ou meetings d'Angleterre.
Toutefois, sous la première république, elle avait réalisé quelque chose d'analogue dans les ensembles de musique
vocale et instrumentale qui concouraient à l'exécution des hymnes et des chants patriotiques les jours de grandes cé-
rémonies nationales. C'est ainsi que la fête de X Etre suprême, au champ de Mars, fut conçue d'une manière tout à fait
grandiose; un chœur nombreux de chanteurs s'y fit entendre sous la direction de Gosscc. Cependant il n'est rien ré-
sulté de là pour l'objet dont nous nous occupons. Plus tard, on rencontre quelques tentatives isolées de concerts mons-
tres ; mais le charlatanisme mettait souvent dans le programme des promesses que l'on n'avait pas la loyauté de
remplir. Les moyens matériels d'exécution laissaient d'ailleurs presque toujours à désirer ; l'art d'exercer les masses,
de les faire manœuvrer avec ordre, d'en obtenir un ensemble satisfaisant, restait inaccessible aux directeurs de ces
entreprises. 11 appartenait à une association de bienfaisance qui dispose à peu près aujourd'hui de toutes les forces
musicales du pays, de concevoir la possibilité de ces grandes solennités artistiques et d'y faire régner un éclat qu'elle
On a compris que je veux parler de Y Association des artistes musiciens, fondée en janvier 18/i3, par un ami éclaire
des lettres, des arts et de l'humanité, M. le baron Taylor, avec le concours de quelques personnes au dévouement des-
quelles les circonstances m'ont accordé l honneur de pouvoir joindre mes propres efforts. Celte association a déjà
donné au bénéfice de sa caisse de secours plusieurs fêtes qui ont obtenu un immense succès et dont les excellents ré-
sultats ont servi à la fois les intérêts de l'art et ceux de la charité. A ces diverses fêtes ont participé la fleur des musi-
ciens de France, les sociétés chorales les mieux organisées ;
quelquefois des musiques de régiments, ainsi que les chœurs
des braves orphéonistes de l'armée. La description de ces fêtes ne rentre pas dans le cadre que je me suis tracé ;
mais
je ne puis passer sous silence celles qui ont contribué aux progrès du chant choral, et qui, pour la plupart, sont dignes
d'être comparées à un grand nombre des festivals d'Allemagne et de Belgique. Je commencerai par la fête de l'alliance
des Lettres, des Arts et de l'Industrie, organisée par les comités des six associations de littérateurs, d'artistes (1) et
d'industriels. Elle fut donnée au parc et château d'Asnières, le 25 août 1850. Au nombre de ses éléments figurait une
partie chorale de la plus grande richesse. Cette partie chorale ne se composait pas seulement des orphéonistes de
Paris, des Enfants de Paris, des Enfants de Lutèce, des Orphéonistes de Caen, Rouen, Troyes, Auxerre, Beauvais,
Saint-Florentin, Orléans, Melun, Montargis, Sens, Tonnerre, Arcis, elle réunissait encore toutes les sociétés chorales
étrangères qui avaient pu se rendre à l'appel des membres de l'Association des artistes musiciens.
Ceux-ci, en effet, non contents de s'adresser à leurs confrères de la province, étaient entrés en relation avec un assez
grand nombre de cercles lyriques et philharmoniques des nations belges et allemandes, tels que : h Société des chœurs
de Buerle, h Société royale de Mêhul, de Bruxelles: la Société Philomèle, de Louvain ; la Société philharmonique
de la Fraternité, de Deguze (Belgique) ; la Société Willems genostscheap, de Gand ; la Société des mélomanes, de Gand ;
blié a Carlsruhe par feu le docteur F.-S. Gassner (ann. 1842 et suiv.); allemande de Lubek, par A. Galhy; Hambourg, 1840, avec pl.).
7
50 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
la Société Méhul, d'Anvers; la Société lyrique des artilleurs bourgeois, d'Ath ; la Société musicale des amis réunis, de
Waeringhem ; la Société de Saint-Grégoire, de Louvain ;
la Société Rolland de Latre, la société dite de Y Echo de l Es-
caut; la Société de Gauthier, de Soignies ; la Société des amis réunis, de Gand ; la Société lyrique, de Synghen ; la Con-
cordia, de Bonn (Prusse) ; la Société d'Orphée, de Liège (1). Ainsi, pour la première fois, et grâce aux facilités accordées
par les directeurs de chemins de fer, les sociétés lyriques de la Belgique et de !a Prusse rhénane fraternisèrent avec les
nôtres. Sur quel nohle et utile appui n'avons-nous pas lieu de compter quand la grande ligne de Strasbourg, mettant les
chemins de fer d'outre-Bhin en correspondance avec les nôtres, les artistes de l'Association française pourront inviter
leurs confrères des contrées les plus recalées de l'Allemagne à venir embellir nos fêtes de bienfaisance (2).
Les masses chorales réunies pour la solennité du 2 août 1850 étaient dirigées par un de nos plus habiles ordonnateurs
de fêtes de chant d'ensemble, M. Eugène Delaporte, assisté de ses collaborateurs les plus actifs et les plus dévoués. Elles
formaient une réunion totale d'environ deux mille voix. Les orphéonistes exécutèrent différents morceaux et remportèrent
tous les suffrages dans la Cantate de l'alliance. En cette circonstance, d'ailleurs, ils se distinguèrent sous plusieurs
rapports, c'est-à-dire non seulement par leur manière de chanler, mais encore par leur esprit de concorde et par
leurs sentiments hospitaliers. Les orphéonistes de Paris, entre autres, de leur propre mouvement et sans y avoir été
obligés par les conditions réglementaires du programme, allèrent se placer en députation aux embarcadères des che-
mins de fer pour recevoir leurs confrères de la province et de la Belgique, et pour les conduire dans les logements
qu'ils avaient retenus et préparés pour eux. Quelque temps après cet heureux commencement de nos rapports frater-
nels avec les artistes des autres pays, un grand concours de chant d'ensemble fut ouvert à Bruges. Toutes les sociétés
chorales de la Belgique s'y disputèrent la palme. Le comité de l'Association des artistes musiciens, dans le but de
rendre de plus en plus intimes les bonnes relations qui existent déjà entre les musiciens belges et l'association fran-
çaise, décida à l'unanimité, sur la proposition de son honorable président, M. le baron Taylor, qu'une médaille d'or
de la valeur de cent francs serait offerte en prix par l'Association des artistes musiciens de France à l'une des sociétés
victorieuses. Celte médaille, désignée au programme du concours sous le titre de Prix d'honneur, fut décernée par le
jury de Bruges à la Société des chœurs de Gand. A la suite de cet événement, M. Vakenoerc, président du concours,
fut délégué auprès du comité de l'Association des artisîes musiciens, afin de lui apporter l'expression verbale des senti-
Ayant entrepris de relater les principaux faits qui ont contribue depuis peu parmi nous au développement du chant
d'ensemble, je ne saurais me dispenser de parler encore ici d'un festival donné à Strashourg le 27 novembre 1850.
avec le concours des soldats chanteurs de la garnison, sous les bienveillants auspices de l'autorité militaire, notamment
du général Magnan, qui commandait alors les troupes de la division de l'Est. Les chœurs qui s'y firent entendre furent
très applaudis, et ce fut justice, car ils firent preuve d'une grande sûreté d'attaque et d'une grande précision dans
l'exécution de plusieurs morceaux chantés sans accompagnement (3). Ce sont là des progrès qui méritent d'être
signalés et dont la France déjà peut s'enorgueillir. Mais ce qui assure de la manière la plus positive un avenir de
splendeur à nos réunions de chant, c'est le rôle important assigné aux sociétés chorales dans le congrès musical orga-
nisé par les soins de l'Association et tenu à Troyes les 1 er , 2 et 3 juin de l'année 1851. Jamais imagination d'artiste
ne rêva une fête plus belle. La première journée de ce festival fut remplie par des concours de chant d'ensemble et de
musique militaire ; la deuxième par l'exécution de la messe de Y Orphéon et par un concert de musique religieuse ou
concert spirituel; enfin, la troisième par un grand concert vocal et instrumental. Les armées chantantes qui figuraient
de la Société de l'Orphéon de Troyes, de Y Ecole normale; des élèves du collège et des élèves de l'école de chant des
(1) Toutes ces sociétés ont cordialement répondu à l'appel de l'Asso- et celles qui n'ont pu y assister en corps se sont fait représenter par un
dation des artistes musiciens. Elles seraient toutes venues à la fêle si certain nombre de délégués,
les inondations de la Belgique et les sinistres qu'elles occasionnèrent (2) Ces lignes étaient écrites avant 1852.
n'eussent été, pour quelques unes d'entre elles, un insurmontable dans Revue Gazette musicale, 22 décembre 1850,
(3) Voy. la et
obstacle. Néanmoins presque toutes ont pris part à cette grande solennité, l'article où j'a! rendu compte de cette solennité.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 51
écoles communales. Après leur réunion dans la salle du concours disposé dans l'inlérieur de la halle au blé de Troyes,
les membres du jury prirent place sur les bancs qui leur étaient réservés, et la musique du 8 e hussards, placée au-
dessus des gradins occupés par les orphéonistes, joua un morceau pour annoncer l'ouverture du concours. L'école
normale de Troyes entra la première en lice; elle fut suivie des élèves du collège qui chantèrent un chœur, puis des
élèves des écoles communales qui exécutèrent aussi un morceau. Les élèves du collège et des écoles communales furent
suivis à leur tour par l'Orphéon de Sens et celui-ci par les Orphéons de Nemours et de Troyes. Vint ensuite l'Association
des enfants de Paris, laquelle succéda à l'Orphéon de Lille, et finalement les chanteurs de Gand. Les résultats de ce
concours donnèrent lieu à la distribution des récompenses suivantes, distribution qui se fit le deuxième jour du congrès.
PREMIÈRE DIVISION.
Premier prix. Une médaille d'or et un tableau donné par M. le ministre de l'intérieur à la Société des chœurs de Gand, dirigée par
M. Chariot.
DEUXIÈME DIVISION.
Premier prix. Une médaille d'or à la Société des orphéonistes Lillois, dirigée par M. Ferdinand Lavainne. — Deuxième prix. Une
médaille d'or à la Société des enfants de Paris, dirigée par M. Devin. — Troisième prix. Une médaille de vermeil à l'Orphéon du Conser-
vatoire de Paris, dirigé par M. Batiste.
TROISIÈME DIVISION.
Premier prix. Une médaille de vermeil à la Société de l'Orphéon de Troyes, dirigée par MM. Arnaud et Uff'oltz. — Deuxième prix. Une
médaille d'argent à la Société de l'Orphéon de Nemours, dirigée par M. Senglet.
QUATRIÈME DIVISION.
Prix unique. Une médaille d'argent obtenue par les élèves des cours de musique vocale des écoles communales de Troyes, dirigés par
M. Arnaud.
Peu de temps après, le dimanche 28 septembre de la même année, eut lieu dans la ville de Melun le premier con-
cours annuel ouvert d'une part entre les Orphéons du département de Seine-et-Marne et ceux des départements limi-
trophes, et, d'autre part, entre les corps de musique militaire des mêmes départements. Ce double concours fut encore
organisé par le comité central de l'Association des artistes musiciens, conformément à la décision du conseil général
et sous les auspices de M. de Vincent, préfet de Seine-et-Marne. Dès huit heures du matin arrivèrent à Melun, par le
chemin de fer, des musiques de la garde nationale et des groupes d'orphéonistes accourus de trente lieues à la ronde pour
entrer en lice. A neuf heures, M. le baron Taylor, membre de l'Institut, président fondateur de l'Association des artistes
musiciens, accompagné des membres du comité désignés pour composer les jurys spéciaux, était reçu officiellement
par une députation de l'autorité. La ville était en émoi, et des visiteurs arrivaient de toutes parts. La foule se pressait
surtout aux abords de la vieille église de Saint-Aspais, où les orphéonistes de la province étaient réunis pour chanter
l'office divin. Après la messe, qui fut exécutée par une centaine de voix, sous l'excellente direction de M. E. Delaporte,
les corps de musique et les Orphéons, bannière en tête, se réunirent à l'embarcadère du chemin de fer dans l'ordre qui
leur avait été préalablement indiqué. Quelques instants après, une salve d'artillerie annonçait que le cortège se mettait
en marche, se rendant à l'hôtel de la préfecture, où l'attendaient, pour le passer en revue, le préfet, M. le prési-
dent Taylor, M. le général de Rillette, commandant le département, M. Drouin de l'Huys, représentant de Seine-et-
Marne, le conseil général, les autorités municipales et les membres du jury. La revue terminée, les corps de musique
militaire se dirigèrent vers la grande place et les corps d'orphéonistes vers le théâtre, lieux qui leur avaient été respec-
tivement désignés pour les concours. Nous ne suivrons pas les premiers dans la lice, nous n'avons pas ici à nous oc-
cuper d'eux. Les seconds seuls nous intéressent en ce moment, et nous allons faire connaître les résultats de leur bril-
lant tournoi. Après une lutte qui n'avait pas duré moins de qualre heures, le jury, présidé par M. Prumier, professeur
Prix d'honneur. Médaille d'or offerte par le président de la république à celui des Orphéons de Seine-et-Marne qui se distinguerait le
52 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
plus dans le concours à l'Orphéon de Meaux, dirigé par M. Torchet. — Pbemikr prix. Médaille de vermeil à l'Orphéon de Nemours, dirigé
par M. Langlet. — Deuxième prix. Médaille de vermeil à l'Orphéon de Melun, dirigé par M. Rerthet. — Troisième prix ex œguo. Mé-
daille d'argent aux Orphéons de Sens dirigés par M. Courageux, et à ceux de Fontainebleau, dirigés par M. Duquat. — Prix d'encouragement.
Médaille de bronze à l'Orphéon deLagny, dirigé par M. Desaint. En dehors du concours, une médaille d'argent fut accordée à l'Orphéon
de Villeneuve-l'Archevêque.
SECTION DES SOCIÉTÉS DE PARIS.
Premier prix. Médaille d'or aux Enfants de Lutèce, dirigés par M. Gobert. — Deuxième prix. Médaille de vermeil ù la classe populaire
de chant d'ensemble du Conservatoire, dirigée par M. Ratiste. — Troisième prix. Médaille d'argent aux élèves de M. Foulon, sous la
direction de leur professeur. — Quatrième prix. Médaille d'argent offerte par le jury aux Enfants de la Seine, dirigés par M. Étiard.
A cinq heures, une nouvelle salve d'artillerie annonçait la distribution solennelle des prix. Les Orphéons étaient
venus se joindre aux musiques. Sur l'appel de l'un des membres du jury, les chefs des corps lauréats vinrent successi-
vement recevoir des mains de M. le préfet, aux applaudissements d'une foule sympathique, les récompenses qu'ils
avaient méritées. Après la distribution des médailles, M. le président ayant adressé aux concurrents une courte et
chaleureuse allocution, la fête se termina, comme elle avait commencé, dans l'ordre le plus parfait (1).
Rien n'est plus beau, plus touchant que ces pacifiques démonstrations à ciel ouvert, dit M. Jules Simon, notre
confrère de l'Association des artistes musiciens, dans un intéressant article consacré k la relation de la charmante fête
de Melun. Puis il ajoute : « Un jour viendra où chaque ville de France aura son orphéon particulier et sa société
« philharmonique ; alors les arts offriront à l'activité du peuple un aliment plus sain et plus choisi. Sous leur influence,
» les mœurs publiques se modifieront et s'amélioreront; une noble émulation tiendra l'intelligence en éveil, et l'en-
» seignement sera puissamment secondé par l'appât de ces récompenses publiques devenues l'objet de la louable ambi-
» tion publique des artistes. Les concerts, les festivals, les concours, les messes, se multiplieront de toutes parts, sous
» les auspices de l'autorité, et ces solennités brilleront d'un éclat dont il est facile de se faire une idée, lorsqu'on songe
» à la richesse et au nombre des éléments dont l'Association pourra disposer. Par ces faits, l'art prendra des propor-
» lions dignes de lui et de sa mission dans le monde; il resserrera les liens sociaux en apprenant aux hommes à se
» connaître et à s'aimer, et ainsi s'accomplira l'œuvre de la musique considérée au point de vue supérieur de la mo-
» raie et de la législation. »
Oui, sans doute, l'élan est donné, nous voulons marcher sur les traces de l'Allemagne; nous voulons, par notre zèle
et nos efforts, l'égaler sur le terrain de l'harmonie. C'est k l'Association des artistes musiciens qu'il appartient de
pousser l'art dans cette voie glorieuse. On ne saurait donc trop vivement l'engager a donner annuellement, avec la
coopération de toutes les sociétés lyriques de la France et des pays étrangers qu'elle pourra réunir, des fêtes sembla-
bles au congrès de Troyes ou même entièrement consacrées a la musique vocale d'ensemble sans accompagnement.
Je terminerai ce chapitre par une liste des assemblées musicales qui ont eu lieu en France a différentes époques et
dont il nous importe de prendre date, parce qu'elles marquent les premiers pas que nous avons faits dans la culture
du chant choral. Or, en toute chose, les commencements ont un degré particulier de mérite et d'intérêt. La raison en
est simple, c'est que les difficultés y abondent et qu'ils coûtent beaucoup, ainsi que le donne k entendre le vieil
1 836. 18 décembre. . Paris Première réunion publique des Orphéouistes, et première exécution en public d'un
chœur pour voix d'hommes sans accompagnement Le retour dans la pairie, de :
Spaeth.
1837 Paris Fête donnée à Wilhem par les Orphéonistes. Exécution d'une cantate pour voix
d'hommes, à trois parties, sans accompagnement, composée par M. Hubert. On
chante aussi la Marche allemande, d'Eisenhofer.
1838 Paris Réunion des Orphéonistes et exécution publique de la cantate de M. Hubert.
1 842. 26 avril Mort de Wilhem. — (M. Joseph Hubert, jusqu'alors répétiteur en chef, succède à
son maître dans les fonctions de directeur de l'Orphéon.)
I8i5 Paris Grande réunion publique des Orphéonistes dans la salle du cirque des Chainps-
Élysées. Les choristes hommes y exécutent, pour la première fois, le chœur de
Grétry La garde passe.
:
(1) Revue et Gazette musicale de Paris, 18 e année, n° 40, 5 octobre 1851, p. 325, art. de M. Jules Simon.
SUR IM CHANT EN CHOEUR POUl'. VOIX D'HOMMES. 53
1846 Paris Grande réunion publique des Orphéonistes dans la salle du cirque des Champs-
Elysées. Exécution du chœur des Soldats parGrisar.
1847 Paris Grande réunion publique des Orphéonistes dans la salle du cirque des Champs-
Élysées. Exécution du Chant de guerre par Thys, et du chœur des Enfants de
Paris par Adolphe Adam.
1848 Paris Grande réunion publique des Orphéonistes dans la salle du cirque des Champs-
Elysées. Exécution de deux morceaux pour voix d'hommes sans accompagne-
ment la Républicaine par Lysberg, et le Vengeur par Dancla.
:
1849 Paris Grande réunion publique des Orphéonistes dans la salle du cirque des Champs-
Elysées. Exécution du Chant des forgerons, composé pour l'Orphéon par Halévy,
et chanté par les choristes hommes; on exécute aussi la Marche républicaine
d'Adolphe Adam.
1850 Paris Grande réunion publique des Orphéonistes dans la salle du cirque des Champs-
Elysées. Exécution de trois chœurs pour voix d'hommes le Commencement du
:
D'après une statistique que j'ai sous les yeux, l'augmentation progressive du nombre des orphéonistes de Paris aux réunions générales,
de 1836 à 1846, c'est-à-dire dans une période de dix années, a été la suivante :
1849 Auxerre Premier festival d'Auxerre donné au bénéfice de la caisse de secours et dé pensions
de l'Association. Les orphéonistes de l'Yonne, ouvriers pour la plupart, con-
courent à l'exécution des chœurs, et font une collecte entre eux dont ils offrent
le produit à l'Association.
— Auxerre Second festival d'Auxerre. Les orphéonistes de diverses localités du département y
chantent des morceaux d'ensemble.
1850. 25 août Vsnières Fête de VA Uiance des lettres, des arts et de l'industrie par les associations réunies.
Des sociétés chorales de Paris, des départements et de l'étranger y participent;
elles font entendre des morceaux pour voix d'hommes sans accompagnement.
— 29 septembre . Fontainebleau Grand concert donné dans le palais de Fontainebleau, où se rendent des orphéo-
nistes de Paris et de la pro\ince.
— 20 octobre. . . . Melun Grand Concert vocal et instrumental auquel concourent des députations des Orphéo-
nistes de la capitale, les Enfants de Lutèce et des sociétés chorales de plusieurs
localités.
— 27 novembre. . Strasbourg Grand festival militaire organisé par le comité de l'Association de Strasbourg, dans
lequel les chœurs de soldats de la garnison font entendre avec succès des mor-
ceaux à plusieurs parties pour voix d'hommes sans accompagnement.
1851. 1,2, 3 juin . . Troyes Congrès musical réunissant les musiciens de plusieurs théâtres de Paris, du Con-
servatoire, les musiques des gardes nationales de l'Aube et de l'Yonne, les sociétés
d'Orphéons français et des cercles chorals de l'étranger. Concours entre les dif-
férentes sociétés de chant. La société des chœurs de Gaud et celle des Orphéo-
nistes lillois obtiennent chacune une médaille d'or.
— 28 septembre . Melun Premier concours annuel des corps de musique militaire et des sociétés orphéo-
niques de Paris et de province. Prix décernés à ces sociétés.
1852. 27 juin Mcaux Deuxième concours annuel des corps de musique militaire et des sociétés chorales
de Paris et de province. Prix décernés a ces sociétés.
Depuis trois ou quatre ans, les fêles de l'espèce de celles qui figurent dans les tableaux précédents se multiplient de
tous côtés en France, et l'on conçoit que nous ne puissions les citer toutes avec les détails qu'un pareil sujet comporte.
Aujourd'hui il est bien peu de concerts et de réunions musicales où l'on n'ait pas occasion d'entendre quelques
sociétés orphéoniques exécutant des chœurs sans accompagnement. C'est un mouvement qu'entretiennent avec zèle
un grand nombre d'artistes et d'amateurs de Paris et de la province. Il n"y a pas longtemps (1) que l'Association
musicale de Lille organisait, pour la cérémonie traditionnelle appelée les Fastes de Lille, un concours de chant
d'ensemble auquel ont été conviées les sociétés chorales de la France, de l'Allemagne et de la Belgique. Par
son programme aussi bien que par toutes les circonstances qui en ont accompagné la célébration, cette belle fête
a rappelé les grands festivals d'outre-Rhin. Après les luttes artistiques, après les différentes épreuves du concours,
toutes les sociétés réunies ont manifesté leurs sentiments de concorde en formant un chœur général et en chantant
avec une noble et joyeuse exaltation, sur la musique de notre excellent compositeur Ambroise Thomas, les beaux
vers du Chant des amis, écrits pour la circonstance par notre jeune poêle Alfred de Musset, qui, lui aussi, a com-
CHAPITRE VI.
Dès que le contre-point fut délivré de la lourde étreinte de Ymgmum ainsi que des capricieuses privautés du chant
sur le livre, il étendit rapidement ses conquêtes sur toutes les formes poétiques que la musique vocale animait et em
bellissait. 11 commença par les compositions religieuses et par quelques chansons vulgaires. Pendant les xvi e et
xvne siècles, l'Italie, la France et l'Allemagne furent en quelque sorte inondées de messes, de motets, de psaumes, de
litanies, d'hymnes, de converti, de.symphonies, de dialogues spirituels, decantiones sacrœ, de faux-bourdons, de can-
tiques et d'autres chants sacrés appelés moduli, modulations cl concentus, dont on publiait recueil sur recueil, et que l'on
écrivait à deux, à trois, à quatre, à cinq, à six et encore à un plus grand nombre de voix. Vers la fin du xvr siècle,
cette rage de contre-point vocal lit mettre au jour des messes et des psaumes à trois, à quatre, à cinq, à six et jusqu'à
neuf chœurs, chacun de quatre parties, tour de force qui prouvait l'habileté du maître sans être d'un grand profit pour
l'art. Les meilleurs compositeurs qui vécurent durant cette période attachèrent leur nom et leur gloire à des œuvres
de musique d'ensemble. Au nombre des plus anciens et des plus renommés, on doit citer Josquin Desprès, Brumel,
J. Obrecht, H. Isaac, Sébastien Wirdung, de la Rue, Agricola, Jean Mouton, Goudimel, Clément Jannequin, Orlando di
Lasso, Palestrina, etc. Mais il est bon de dire que la musique des offices ou des solennités religieuses ne fut pas la
seule à participer aux avantages des combinaisons harmoniques. Celle qui jouait un rôle dans la vie de famille ou de
communauté eut aussi ce privilège. .
Les chants de table qui maintes fois n'étaient eux-mêmes que des psaumes ou des prières ; les chants d'écoles, les
uns religieux, les autres profanes; les madrigaux, comme toute autre pièce du genre érotique; les qwdlibets, où l'on
mettait un peu de tout; enfin les chansons, les chansonnettes, les odes classiques et les intermèdes de tragédies, étaient
écrits ou arrangés pour un certain nombre de voix, et communément depuis trois jusqu'à huit parties (1). Comme les
œuvres de musique religieuse exécutées dans les églises, la plupart de ces morceaux étaient conçus de manière à pou-
voir être chantés, selon le bon plaisir de chacun, avec ou sans accompagnement, et exécutés tantôt par les voix sans
instruments ou seulement accompagnés par l'orgue, tantôt par un concert d'instruments joints aux voix, tantôt par les
instruments seuls. C'est ce qui résulte clairement de l'emploi de certaines expressions dont on se servait pour les an-
noncer et pour en faire connaître la nature au public. Les Français, en pareil cas, mettaient sur le titre : convenable tant
(1) Il y avait en outre les bicinia et les tricinia, ou compositions à deux el a trois parties dont on formait des recueils spéciaux. Ce sont ordi
nairement des chansons, des villanelles.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 55
zu singen und auf allerley Instrumenten zu gebraucken, ou bien vocaliler und inslrumentalitcr zu gebrauchen; c'est-à-
dire littéralement, bon à chanter et à pratiquer sur toutes sortes d'instruments. Cela n'empêchait pas que l'on n'en
écrivit aussi quelques uns pour les voix exclusivement. Entre autres exemples de cette nature, on peut citer
un recueil
publié en 168k sous un nom d'ailleurs assez obscur. Le titre fait voir que ce recueil contenait des chants ou concerts
de musique vocale à deux et à trois voix composés pour être exécutés sans instruments :
Musicœ gcnialis latino-germanicœ. Classis II oder neur laleinisch und teutscher weltticher musikalischer Concerten.
Anderer Theil, von zwei, drei Stimmem ohne Instrumente. Authore Johanne Melchior Gleltle Baumgaertens, eccles.
cathedr. Augustanœ olim capellœ mayistro. Op. VIII Posthumvm II. Avgust. Vindel., 1684, in-k" ('2).
Dans les compositions que l'on pouvait interpréter des deux façons, il n'y avait pas de parties d'orchestre distinctes,
mais les instruments jouaient ce que les voix chantaient, soit qu'ils accompagnassent celles-ci, soit qu'ils formassent
seuls l'ensemble. C'est dans ces conditions que furent publiés en Allemagne, depuis le commencement du xvi c siècle
jusqu'à la fin du xvm e
,
un grand nombre de collections de pièces de musique vocale, les unes destinées au peuple, les
autres au monde de cour et de salon, d'autres aux buveurs et aux bons vivants, d'autres encore aux écoles et aux
universités, d'autres enfin aux francs-maçons. Suivant les occasions dans lesquelles on faisait usage des pièces de ces
recueils, celles-ci pouvaient revêtir le caractère de morceaux de musique d'ensemble pour voix d'hommes. Il suffisait,
pour cela, qu'elles fussent interprétées sans le secours des instruments par des étudiants, des ouvriers ou des francs-
Les curieux échantillons de musique universitaire que nous ont légués le xvi e et surtout le xvn e siècle prouvent que
des motets, des psaumes, des Lieder, des odes, en un mot toutes sortes de chants sacrés et profanes à plusieurs parties,
sur des sujets tirés des auteurs classiques ou des saintes Écritures, étaient appropriés aux différentes circonstances de
la vie scolaire, exercices journaliers de dévotion, prière du matin et du soir, prière avant et après le repas (3), prière
du dimanche, des jours fériés et de chaque jour de la semaine, fêtes de professeurs, solennités académiques, enterre-
ments, distribution de prix, réceptions, promotions, représentations dramatiques, etc. (k). Voici le titre d'un ouvrage
qui me paraît réunir la plus grande partie de ce que l'on faisait chanter habituellement aux écoliers. On aura par là
une idée du contenu de tous les autres recueils du même genre : Libellus scholasticus pro senatoriœ Numburgensium
scholœ pueris, in quo continentur : I. Odœ spiritualis responsoria, nonnullœ etiam antiphonœ usitatiores. — II. Die
Gesaenge, ivelche man bei christlichen Begracbnissen allhier gebrauàht. — III. Etliehe Gesaenge, die beides in der
Kirchen und Schulen, auch nach einer jeden Gelegenheit, vor und nach Tische koennen gesungen werden. — IV. Har-
momœ ad omnes odas quibus Q. Horatius Flaccus in suis quatuor Carminum libris (5) et in suo Epodon libro
usus accommodatœ. — V. Monnaie quoque cantoris locis illius accessit, quod index est germanicarum cantionum atque
multorum quœ quolibet die Dominico singulisque festis per totius anni spatium possunt decanturi. In usum et gratiam
nostrœ studiosœ juventutis jam publicatus studio et opéra Laurentii Stiphelii , cantoris ISumburgensis. lenae, typis
(2) Par la même raison que l'on publiait des morceaux de musique nombre de chœurs spécialement écrits pour les tragédies ou les comédies
exclusivement destinés aux voix, on en publiait aussi que l'on consacrait jouées dans les universités et communément désignées sous le nom de
spécialement aux instruments. On eut même quelquefois l'idée de con- Faslnachtspiele.
fieraux instruments seuls l'exécution de certaines productions qui d'or- Les odes d'Horace ont été très fréquemment mises en musique
(5)
dinaire étaient confiées aux voix. Ainsi, parmi les symphonies exécutées pendant les xvi" et xvn' siècles, tant en France qu'en Allemagne. Leur
à une fête donnée à Florence au xvi" siècle, on fit entendre des motets vogue le disputait à celle des psaumes dans les écoles et les universités.
sans texte chantés sans accompagnement de voix humaines, par des in- 11 en fut publié de nombreux recueils un entre autres, de Goudhnel,
;
Les écoles les plus importantes des divers États d'Allemagne eurent pour la plupart des recueils de chants a leur
usage formés à peu près des mêmes éléments que celui dont on vient de lire le titre. Des hommes plus ou moins célè-
bres comme musiciens, et quelquefois même très renommés comme savants, les enrichissaient de leurs productions.
Tels furent, entre autres, Martin Agricola, Goudimel, Graefinger, Praetorius, Gumpelzheimer, Cruger, Wolckenstein,
Calvisius, Chytraîus, Magdeburg, Bodenschatz, Walliser (1), etc , etc. Du reste, ils ne travaillaient pas seulement
pour la jeunesse des écoles, ils écrivaient aussi des ouvrages de musique de différents genres sur toutes sortes de sujets
pour le public, pour les amateurs et pour les artistes. De leur côté, les étudiants possédaient, outre leur répertoire de
musique sérieuse et académique, des collections de Lieder, de parodies, de rondes bachiques et de chansons d'amour
qu'ils entonnaient unâ voce, c'est-à-dire tous ensemble à l'unisson, ou hien qu'ils chantaient en duo avec des reprises
générales en chœur à deux, à trois ou à quatre parties et des solo alternatifs exécutés tantôt par une seule voix, tantôt
par plusieurs voix à l'unisson. Les chants professionnels d'artistes et d'artisans sont généralement conçus de la même
manière (2). On en peut dire autant de ceux des francs-maçons dont il existe en Allemagne de volumineuses collec-
tions, formées les unes sur des mélodies originales, les autres sur des mélodies connues, d'autres avec ces deux éléments
reunis. Quelques unes de ces mélodies sont arrangées entièrement ou partiellement pour deux, trois ou quatre voix;
mais le plus grand nombre n'a qu'une partie solo avec quelques reprises en chœur, notamment la reprise finale. On
rencontre des collections de ce genre depuis la première moitié et le commencement du xviir2 siècle, c'est-à-dire depuis
une époque de beaucoup antérieure à l'apparition de la première Liedertafel, fondée, comme on sait, en 1809. C'est
probablement à cette source que furent puisés un certain nombre des premiers éléments qui servirent à composer le
répertoire lyrique des sociétés de chœurs d'hommes. Empreints d'une gaieté douce et sage, consolante et fraternelle,
les textes des chants de francs-maçons présentaient d'excellents modèles à imiter pour la partie sérieuse, morale et
humanitaire de ce répertoire, tandis que les chansons des étudiants, et plus particulièrement celles que l'on désigne
sous le nom de Commerslieder, vives, folâtres et mordantes, devaient plutôt alimenter la veine hadine et satirique à
D'un autre côté, les mélodies connues et traditionnelles que l'on avait insensiblement pris l'habitude d'écrire en
harmonie, comme les cantiques, pour les chanter dans les cercles de famille, dans les réunions d'ouvriers et dans
d'autres occasions, constituaient sous celte forme des morceaux faciles et agréables, présentant une certaine valeur
artistique et venant fournir de nouvelles ressources aux chœurs d'hommes dans lesquels elles transportèrent l'allure
libre, naturelle et dégagée de la musique populaire, en même temps que certains traits caractéristiques de la nation
allemande. De tout cela, les poètes et les compositeurs tirèrent un parti avantageux dès que la fondation des deux
premières Liedertafel, de Berlin et de Zurich, leur eut démontré la nécessité de créer un genre de musique en rapport
avec le caractère et les besoins des sociétés chantantes qui venaient de s'organiser.
Les plus habiles et les mieux inspirés d'entre eux s'appliquèrent à perfectionner l'expression des chants pour voix
d'hommes, soit dans le texte, soit dans la musique. Ils s'appliquèrent surtout h eu écarter les germes de frivolité et de
puérilité féminines qu'y avaient implantés certains poètes et quelques musiciens partisans du style troubadour dont on
était si fort engoué vers la fin duxviu» siècle. Cependant, de 1780 à 1790, Claudius, Schiller, Stolberg,Woss et plusieurs
autres, fournirent des poésies auxquelles on ne pouvait refuser d'être parfaitement appropriées au génie masculin ;
seuls,
les compositeurs de cette époque n'arrivaient pas aux mêmes résultats et n'affectionnaient que les plaintes élégiaques des
chants d'amour. Pour se convaincre de cette vérité, il suffit d'examiner la riche collection de chants maçonniques édités
en 1794 par Bohmein à Berlin. Michel Haydn (3), ainsi que le compositeur de musique vocale Hacker (4), ont été
accusés (5) d'avoir mis en honneur, notamment à Salzburg, ce genre de musique chorale à l'eau de rose, en publiant des
(d) Walliser a principalement écrit ses chœurs pour les ouvrages re- (3) J.-M. Haydn Gésange fur U maennerstimmen ohne instrum. De-
présentés sur le théâtre de l'Académie de Strasbourg ; on en a publié gleit., n° 1-4. Salzb., Mayr., 1810.
dans celle ville un certain nombre. (4) Hacker, Gesellschaftslieder in Vierstimm. Singcchcercn ohne
(2) Les Allemands en forment souvent des recueils complets, et de- instrum. Beglcit., n° s 1-14. Salzb., 1798-1808.
puis le xvnr siècle il s'en publie annuellement des collections pour (5) Gesangbildungskhrc fur den Mœnnerchor, von Pfeifler und Nae-
divers arts et pour divers métiers. Les architectes, les peintres, les mi- geli. Zurich, Naegeli, 1817.
neurs, etc., ont les leurs.
SUK LE CHANT EN CHOEUR POUK VOIX D'HOMMES. 57
chants langoureux que l'on dirait avoir été imaginés pour les menus plaisirs de quelques jeunes élégants. C'est
principalement l'Allemagne méridionale qui paraît avoir favorisé le développement de ces Tonnes sans caractère.
Les œuvres de Léonard de Call en avaient répandu le goût dans cette contrée, et surtout à Vienne et à Munich où
elles parurent (1). Ces productions, d'un style facile et léger, mais fade et monotone, penchaient pour l'imitation
du genre italien et quelquefois même se réglaient sur les allures sautillantes de la musique de danse. Suivant les au-
teurs de la Méthode de chant d'ensemble pour voix d'hommes (Gesangbildungslehre fur den Maennerchor), ce ne fut
vraiment qu'à dater environ de 1817 qu'un musicien peu connu, nommé Krafft, opéra un changement satisfaisant à cet
égard en mettant autant de sagacité dans le choix des textes dont il voulait s'inspirer qu'en déployaient alors pour le
même objet les trois compositeurs du nom de Weber qui enrichissaient alors l'Allemagne du nord de chants pour voix
d'hommes conformes à leur destination. Les agitations politiques ne furent pas étrangères à la réhabilitation du carac-
tère viril dans la composition du répertoire lyrique destiné aux réunions du sexe masculin. De 1806 à 1813, les poètes
Arndt et quelques autres donnèrent fortement le branle aux inspirations guerrières et patriotiques.
Vers 1814, c'est-à-dire à une époque où les sociétés de chœurs d'hommes commençaient de se multiplier, les
chants du soldat poète Koerner , mort pour son pays en 1813, eurent à leur tour une vogue immense. Ceux du
recueil intitulé Leier und Schivert (Lyre et glaive), firent un effet extraordinaire. Exécutés avec la belle musique de
Cari Maria de Weber, l'un des trois compositeurs du nom de Weber cités plus haut, ils s'emparaient d'autant plus
vivement de l'imagination, que beaucoup de gens parmi ceux qui les chantaient avaient eux-mêmes pris part aux
guerres qui venaient de s'éteindre, et trouvaient ainsi dans ces hymnes des images et des souvenirs liés aux circon-
stances de leur propre vie. Les Allemands regardent encore ces morceaux comme des chefs-d'œuvre de vigueur et
d'originalité. Le Chant du glaive, composé par Koerner huit jours avant sa mort, est principalement l'objet de leur
admiration. Il est à leurs yeux la manifestation la plus vraie et la plus éclatante du courage et de l'énergie des défen-
seurs de la liberté. Quoique la musique de C.-M. de Weber, écrite sur ce chant, ne soit composée que d'un petit nombre
de mesures , ils la proclament digne à tous égards de la poésie de Koerner. Enfin les autres créations de ces deux
génies n'excitent pas moins leurs transports. C'est là un enthousiasme qu'il nous est difficile de partager; du moins
tout en reconnaissant le mérite des œuvres du Tyrtée allemand, ne pouvons-nous oublier qu'elles ont servi à fomenter
des passions hostiles à la France. Nous n'insisterons pas davantage sur ce point délicat auquel Se rattachent des sou-
venirs également pénibles à deux grandes nations. Hélas! si les chants de Koerner ont été agressifs et souvent meur-
triers, la balle de nos soldats a brisé sans pitié la lyre du grand poète. Moins renommés que les chants guerriers de
Weber, ceux d'Albert Methfessel, également au nombre de six, n'en obtinrent pas moins, grâce aux mêmes circon-
stances, un succès assez éclatant.
Outre les hymnes et les chansons patriotiques des Arndt, des Koerner , des Scheuckendorf et de quelques autres
qu'elles s'étaient appropriés et qu'elles répétaient à l'envi, les premières Liedertafeln eurent dès le commencement,
pour leur propre usage, un certain nombre de recueils contenant des morceaux de différent caractère, recueils qui
avaient été spécialement composés pour les chœurs d'hommes ou pour les quatuors de musique vocale de ces sociétés
chantantes. Vers 1817, le fondateur de la Liederlafel de Berlin, Zelter, se mit lui-même à l'œuvre et publia des Lieder
à quatre parties qui sont encore très estimés. A peu près dans le même temps le docteur Flemming et quelques autres
suivirent son exemple. En 1817, Pfeiffer et Naegeli s'occupèrent plus directement de ce genre de productions et
cherchèrent à créer le véritable chœur d'hommes avec ou sans solos, distingué d'avec le quatuor pour quatre voix
seules, quatuor qui a été nommé depuis Solo-Quarlett ou qaatuor-solo. Ils en exposèrent la théorie dans un ouvrage
didactique qu'il faut considérer comme le premier traité de chant d'ensemble exclusivement consacré aux voix mascu-
lines. Cet ouvrage, qui est peu volumineux, mais rédigé d'une manière claire et méthodique, est celui que j'ai déjà
cité plusieurs fois : c'est la Méthode de chant pour chœur d'hommes.
De 1818 à 1823 parut en quatre livraisons la Liedertofel de Leipzig (Leipziger Liedertafel), ou collection de mor-
ceaux à quatre parties pour voix d'hommes, sans accompagnement, par Fr. Schneider, L. Spohr, F. Rochlitz et quel-
(1) L. von Call, Gesaenge fur 2 Ténor und 2 Busslimmen. Wien, Riedl, 1803 ; el beaucoup d'autres recueils auaiogues qui parurent à
V ienne comme le précédent, ou bien à Munich.
8
68 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
ques autres. De 1823 à 1826 des recueils semblables virent le jour à Leipzig, à Berlin, àZittau. Dans le nombre, figure
une collection de chansons de table [Tafellieder) composées pour la Liedertafel de Berlin par F. Wollank, F. Run-
genhagen, Hellwig, Flemming, Zelter et Lauska (1). Elle fut publiée à Berlin, chez Trautwein en 1827. Dans ce der-
nier recueil figure déjà un Lied (2) pour premier ténor solo avec accompagnement de trois Brummstimmen. En même
temps, on continuait partout d'écrire des morceaux de chant d'ensemble pour voix d'hommes qui n'étaient pas pré-
cisément destinés à telle ou telle société, mais que beaucoup de Liedertafeln s'approprièrent pour enrichir leur réper-
toire. Parmi ces productions, on remarque des chants originaux (Originalgesaengc), des mélodies nationales harmo-
nisées [Nationallieder), des airs (Arien) et des arrangements de morceaux d'opéras, des scolies ou chansons de table,
(Scolien, oder Tischlieder), des chansons à boire (Jrinklieder), des chansons militaires (Soldatenlieder), des chansons
d'étudiants (Studcntenlieder ou Commersliedcr), des chansons de chasseurs (Jargerlieder), enfin des quartettes de diffé-
rents genres et surtout des canons. Les canons, l'une des formes scientifiques les plus anciennes de l'art et dont il
existe même des exemples remontant au xiv e siècle, étaient encore très cultivés il y a trente ou quarante ans dans
les réunions de chanteurs du sexe masculin. Sans vouloir faire un mauvais jeu de mots, on pourrait dire qu'ils étaient
particulièrement chers aux buveurs. Un grand nombre de chansons bachiques, érotiques, satiriques et épicuriennes,
sont coulées dans ce moule, que nos plus grands maîtres n'ont pas dédaigné. Mozart et lïaydn ont formé des collec-
tions de canons où se trouvent les modèles du genre. A l'époque de la plus grande vogue de ces productions en Alle-
magne, quelques compositeurs français écrivirent aussi des canons, et l'on put croire un instant que cette nouveauté
répandrait dans nos sociétés lyriques et chansonnières le goût de la bonne musique d'ensemble, surtout des quatuors
vocaux. Il n'en fut pourtant rien : cette mode n'eut qu'une influence passagère et n'opéra aucun changement notable
dans les habitudes musicales de ces sociétés. Les voix fausses et les petits airs y reprirent bien vite le dessus ; on se
remit à chanter de plus belle sans accord, à l'unisson.
Dans les temps de paix qui suivirent les années orageuses, où la voix des bardes guerriers de la jeune Allemagne
retentissait comme le roulement continu du tonnerre de manière à couvrir tous les autres bruits, les chansons à boire
et les chansons d'amour affluèrent de nouveau dans le répertoire des Liedertafeln, ramenant avec eux la gaieté épi-
curienne et les grâces voluptueuses dont Naegeli condamnait sinon l'usage, du moins l'abus, bien qu'elles ne puissent
porter atteinte au caractère viril et à la dignité des chœurs d'hommes, quand elles ne dépassent pas les bornes fixées
Par le goût et qu'elles se combinent dans une juste proportion avec les autres éléments du répertoire.
Pour contre-balancer ces tendances mondaines, on vit paraître de 1822 à 1829 un certain nombre de publications de
musique vocale d'un style grave et religieux. A celte classe appartiennent les recueils particuliers de Liedcr, de mo-
tets, de psaumes et de chorals à trois et à quatre parties, etc., tels que ceux deHientzsch (en trois livraisons publiées
de 1822 à 1828), deK.-G. Hering, de J. Schnabel, de Naegeli et de Bernhard Klein, le plus renommé de tous ceux qui
ont spécialement écrit des œuvres de musique sacrée pour voix d'hommes. Né à Cologne, mais fixé à Berlin, Bernhard
Klein, comme professeur de chant religieux à l'université et à l'Académie de cette ville, était chargé de former des
cantors et des organistes pour les églises, aussi bien que des maîtres de musique pour les écoles et pour les sémi-
naires. Cela l'engagea naturellement à fournir lui-même les éléments pratiques nécessaires pour exercer convenable-
ment ses élèves. Il remplit cette tâche avec d'autant plus de succès que l'expérience du professorat lui avait révélé
toutes les ressources du genre auquel il s'était voué. Ses compositions religieuses pour voix d'hommes ont donc
fait en quelque sorte le tour de l'Allemagne. Étudiées et chantées fréquemment dans tous les gymnases et dans tous les
séminaires protestants, elles ont été adoptées aussi par un grand nombre de sociétés de chant choral et surtout par
les sociétés dites Sociétés de maîtres d'école ou de chant religieux. Dans les premières réunions musicales de chanteurs
du sexe masculin, principalement en Saxe et enSîlésie, elles avaient toujours sur le programme une place d'hon-
neur. D'autres maîtres ont également abordé le genre qui a fondé la réputation de Klein. 11 faut citer, entre autres,
A. -F. Haeser, C. Karow, J.-F. Naue, etc., dont les productions ont été bien accueillies du public.
Licier de
(1) Voici les litres de quelques uns de ces recueils : Deutsche Liedcr- fûr Maennerstimmen, Berl., Laue. 1825. (Contenant des
tafel,6Gess. f. U Maennerstimmen ohne beghit., par F. Schneider. L. Berger et G. Reichardt.) Gesaenge fûr Maennerstimmen herausgc,
Leipz., Hafmeister, d825. — Tafellieder fûr Maennerstimmen fûr die von K. Hering. Zeltau und Leipsig, Fleischer, 1821.
Liedertafel zu Berlin. Berl., Trautwein, 1824-1826.— Tafelgcsaenge (2) Amour et amitié: Liebe und freundschaft, par Fr. Wollank.
,
Vers 1830, la commotion donnée par la France à l'Europe mit quelque interruption dans les passe-temps idylliques
de l'Allemagne. Les chants populaires reprirent immédiatement faveur. Silcher en arrangea un grand nombre à quatre
parties sur des airs connus, et en créa d'autres tirés de son propre fonds. C. Kreutzer mit principalement en musique
les poésies d'Uhland. Cependant le cours variable des événements politiques ayant fait succéder le calme à l'orage, les
accents pacifiques semblèrent devoir remplacer les refrains agresseurs des partis. Mais un incident imprévu ralluma
tout à coup l'ardeur belliqueuse des Allemands. A des paroles mal interprétées répondit le trop fameux : Sie sollen
ihn nicht haben de Becker, dont s'emparèrent les cercles lyriques, et qui fut chanté dans des réunions d hommes sur les
airs que différents compositeurs avaient essayé d'y ajuster dans le vain espoir de créer un chant national et populaire.
D'humeur passablement guerroyante, 1848 coupa tout à fait court aux rêveries champêtres ; le fusil et la lyre s'associè-
rent de nouveau, et de cette alliance résulta un concert charivarique d'hymnes belliqueux. On mit en musique les
poésies de Herweg et de Hoffmann von Fallersleben. La plupart des Liedertafeln devinrent de petits clubs politiques,
les uns regardés comme très innocents, les autres réputés dangereux et surveillés de près par l'autorité. Dès lors les
chœurs pour voix d'hommes ne firent plus que servir de cadre aux professions de foi patriotiques, aux manifestes et aux
En retournant vers les oasis de la paix, les poètes, les musiciens et les chanteurs retrouvèrent la source des inspira-
tions douces et joyeuses ; ils retrouvèrent les accents qui mêlent au souvenir de la patrie les émotions intimes du cœur;
ils retrouvèrent enfin les chants qui célèbrent, sous la forme idéale d'un culte épuré, les charmes de la nature, ainsi que
le répertoire de nos sociétés de chœurs d'hommes ne comporte rien de semblable, ou, pour mieux dire, il n'est pas
rencontrent çà et là dans des ouvrages dramatiques. Salicri fut un des premiers, sinon le premier, qui porta cette inno-
vation au théâtre. Dans un de ses opéras italiens, il introduisit un long morceau à quatre voix sans accompagnement.
On assure que ce morceau ainsi exécuté fit une grande impression sur les auditeurs. Reicha, à qui ce fait était connu
et qui le rapporte, voulut sans doute imiter ce grand maître, et composa pour son opéra, Sapho, qui fut représenté avec
assez peu de succès à l'Académie royale de musique, un chœur de matelots sans accompagnement d'instruments.
D'après le témoignage même de l'auteur, on goûta peu cette nouveauté, et le directeur, avant la première représenta-
tion de cet ouvrage, l'obligea à joindre l'orchestre au chant là où il avait cru pouvoir se passer de l'orchestre.
Quoi qu'il en soit, les deux exemples que je viens de citer ne sont, à vrai dire, qu'une fantaisie de compositeur; ils
n'impliquent nullement l'existence, à cette époque, d'un genre de musique tout formé, constituant une branche spéciale
de l'art cultivée pour elle-même dans la vie réelle comme l'est aujourd'hui le chant en chœur dans les réunions d'or-
phéonistes. Les opéras ne présentaient donc pas une mine à exploiter au profit des collections musicales de chœurs
d'hommes. Ils ne pouvaient être de quelque utilité, sous ce rapport, qu'à la condition de subir un arrangement qui
permît d'approprier à l'objet dont je parle ceux de leurs airs qui s'y prêtaient le mieux.
La musique d'ensemble pour voix d'hommes sans accompagnement n'ayant été au théâtre qu'une apparition anor-
male, une exception aux procédés ordinaires de l'art dramatique, elle n'a rien produit sur ce terrain qui puisse nous
intéresser, du moins à l'époque où nous nous reportons. Là n'était pas encore son domaine ; là n'étaient pas ses ri-
chesses. Comment d'ailleurs y eût-elle fait éclore des créations dignes d'elle dans un temps et dans un pays où les ama-
teurs et les artistes n'avaient à peu près aucune idée de ses propriétés et de son importance, allant même jusqu'à igno-
rer qu'elle pût fleurir chez d'autres nations?
On va peut-être m'objecter qu'il existait dès lors en France un assez grand nombre de sociétés chantantes. Oui
sans doute, mais n'ai-je pas dit en quoi elles consistaient? Si les esprits s'y mettaient d'accord, les voix avaient beau-
coup de peine à en faire autant. Cependant, lors de la première république, et même sous l'empire, des musiciens
de profession, jaloux de répandre la pratique de la bonne musique jusque dans les divertissements et les parties de
OJ RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
plaisir, composèrent des canons à deux, à trois et à quatre voix. Mais, à moins que les interprètes ne fussent des ar-
tistes, il leur arrivait bien rarement, k cause de leur hésitation et de leur inexpérience, de pouvoir se passer d'un ac-
compagnement de piano. 11 y avait pourtant des cas où l'on renonçait à ce commode auxiliaire, par exemple ,
quand
l'exécution atteignait à un degré de sûreté tout k fait rassurant pour les auditeurs; ou bien que la circonstance ne
permettait absolument pas d'y recourir. C'est ainsi que beaucoup de canons écrits k cette époque , entre autres ceux
que nous devons à la verve enjouée et badine de l'auteur de Montano et Stéphanie, furent longtemps chantés dans des
sociétésd'artistes ou d'amateurs, tantôt avec accompagnement de piano, lantôt sans accompagnement. Par conséquent, ily
a lieu de considérer l'espèce de morceau de musique nommé canon comme le premier essai qu'on ait fait, parmi nous, du
genre décomposition dont je traite ici. Le canon, en effet, devait nous amener au quatuor vocal sans accompagnement, k
présent si connu. Voici une anecdote assez singulière qui prouve que l'art d'écrire et d'exécuter des canons sans accom-
pagnement n'a jamais été, même en France, un secret pour les bons musiciens. C'est Berton lui-même qui raconte
cette anecdote : « En l'an iv de la république, dit-il, nous fîmes avec les élèves de ma classe, au Conservatoire de mu-
» sique , la partie d'aller visiter en son ermitage de Montmorency, le Molière de la musique française (1). Nous nous
» mîmes en marche le 19 fructidor. Notre petite caravane avait cheminé gaiement jusques k Saint-Denis ,
lorsqu'en
» passant devant la municipalité, l'un des membres m'invita fort poliment k y entrer; mais n'ayant pas trouvé mon
» portefeuille suffisamment garni de papiers civiques, il me déclara qu'il me mettait provisoirement en arrestation ;
» mes élèves vinrent aussitôt me réclamer, et comme on paraissait douter qu'ils fussent musiciens de profession, ainsi
» que moi, et que l'on en demandait des preuves, l'un d'eux , M. Potier, improvisa le canon ci-dessus (2) ,
qui fut à
» l'instant chanté par MM. Pradcr, Quinebeaux, Berteau, Courtin et lui. Nos juges, qui dans le fond étaient de bons
» diables, furent sensibles aux accents de ces jeunes Orphées, et nous permirent de continuer notre route, ce que nous
» fîmes encore plus gaiement qu'avant notre mésaventure, improvisant et chantant des canons k qui mieux mieux.»
Par malheur, bien que les canons de Berton et ceux de plusieurs autres maîtres aient eu longtemps une assez grande
vogue, l'usage de chanter des morceaux de ce genre ne put devenir populaire ; il ne put même s'introduire dans les
cercles lyriques, où l'on n'eût pas été assez bon musicien pour exécuter sans de longues études préparatoires ces
œuvres de musique vocale k plusieurs parties. Il suit de là qu'à l'époque de l'ouverture des cours populaires d'adultes
tenus d'après la méthode Wilhem ,
époque de beaucoup postérieure k celle que je viens d'indiquer, on ne possédait k
peu près rien qui fût vraiment approprié aux chœurs d'hommes. Pour combler celte lacune , on fut obligé de recourir
aux arrangements ; mais ce procédé ne remplit nullement l'objet qu'on s'était proposé. Les morceaux arrangés pour
voix d'hommes sont généralement peu avantageux et d'une harmonie pauvre et pâle. Il fallait donc trouver quelque
autre manière plus satisfaisante de résoudre le problème. On en vint bientôt a écrire, pour les élèves hommes des
différents cours de l'Orphéon et pour les réunions du même genre qui s'étaient formées, un petit nombre de morceaux
spécialement destinés aux voix d'hommes. Les professeurs qui avaient ouvert ces cours de chant se mirent les premiers
k l'œuvre. Il faut nommer, entre autres, M. Hubert dont les orphéonistes exécutent encore aujourd'hui les productions.
Un artiste allemand qui tenait aussi des séances de musique chorale k l'usage des ouvriers, Mainzer, essaya pareil-
lement de former pour ses élèves une collection de chants faciles k deux, k trois et k quatre parties ,
aujourd'hui oubliés
et dont il ne parut que quelques cahiers. Enfin les progrès toujours croissants des élèves de l'Orphéon et des sociétés
chorales fondées tant k Paris qu'en province appelèrent l'attention de plusieurs compositeurs renommés sur le nouveau
genre de musique qui venait de s'introduire en France, pour ainsi dire k leur insu.
Depuis quelques années, et surtout depuis 1848 , on a écrit pour les orphéonistes une assez grande quantité de
chœurs k trois et k quatre parties, qui ont été gravés séparément par différents éditeurs. Il a été publié tout récemment
Comettant. Quant k la propre collection de l'Orphéon, sur 315 ou 320 morceaux dont se composent actuellement ses
dix volumes, on ne trouve qu'une très faible quantité de chœurs spécialement écrits pour voix d'hommes.
Quoique l'Allemagne soit aussi riche en publications de ce genre que la France l'est depuis longtemps en romances
(2) Rerton a donné place, dans un de ses recueils de canons, à cet chapitre V, où je parle en détail des charmants canons de Berton.)
et en chansonnettes, le répertoire de l'Orphéon n'a pu jusqu'à ce jour s'enrichir en puisant à cette source, par la raison
toute simple qu'il faudrait adapter aux chœurs et aux quatuors allemands un texte français, ce qui occasionnerait des
frais que la ville de Paris n'est peut-être pas disposée à supporter. Il en résulte qu'aujourd'hui encore il arrive maintes
fois que l'on est obligé de recourir aux arrangements quand on veut gratifier de quelques éléments nouveaux les col-
musique vocale d'ensemble, plus les compositeurs seront eux-mêmes à l'abri des craintes que l'inexpérience des exé-
cutants leur avait d'abord fait concevoir. Il est donc à présumer que le nombre des morceaux de musique pour voix
d'hommes va s'augmenter de jour en jour ; il est même prohahle qu'on n'hésitera plus à leur donner une forme entiè-
rement digne de l'art , et propre à seconder l'influence civilisatrice des institutions auxquelles on les destine. Ayant
étudié particulièrement cet objet, j'ai voulu offrir à mon pays un recueil où l'on pût trouver des chants applicables
aux principales circonstances de la vie de l'homme. C'est celui qui fait suite au texte de ce livre. Cette collection sera,
je crois, la première que l'on ait publiée en ce genre. Je ne pense pas qu'il soit possible d'en former une plus complète,
plus variée, et, j'ose le dire, répondant mieux aux besoins du moment. Mon plus ardent désir est qu'elle contribue à
faire sentir au public français les charmes d'un genre de musique auquel il ne saurait demeurer insensible. Je serais
heureux de pouvoir seconder ainsi, autant qu'il est en moi, les compositeurs distingués qui depuis peu ont ajouté à
l'importance réelle de la musique vocale d'ensemble , sans accompagnement , en plaçant dans leurs ouvrages drama-
tiques, là où la situation leur permettait de le faire , des chœurs pour voix d'hommes seules écrits avec un soin parti-
culier. Il n'est presque plus d'opéras nouveaux où l'on ne cherche à produire quelque effet de ce genre. Dans ffaydée
d'Auber, dans le Juif Errant d'Halévy, il y a des chœurs chantés con bocca chiusa, à l'imitation des Brummlieder des
Allemands. Au nombre des compositeurs qui se sont occupés les premiers , en France, du chant viril polyphone sans
accompagnement, je citerai, indépendamment de ceux qui viennent d'être nommés, Berton, Meyerbeer, Wilhem,
Hubert, Adam, A. Thomas, This, Grisar, Lysberg, Mainzer, Dancla, Carulli, Félicien David, de Saint-Julien, Henri
Blanchard, Maurice Bourges, Léon Kreutzer, Georges Bousquet, A. More], Elvvart, C. Maury, Panseron, Oscar
Comcltant, et quelques autres dont les noms m'échappent.
Quant aux musiciens allemands qui, depuis le commencement du xix* siècle, se sont distingués dans cette nouvelle
branche de l'art et ont mis au jour des œuvres de musique chorale pour voix d'hommes , ils sont tellement nombreux,
qu'il est impossible de les citer tous. Je nommerai seulement Bernhard Klein, Haydn, F.-W. Berner, Krafft, Zelter,
Naegeli, L. de Call, l'abbé Vogler, Jos. Schnabel, F. Flemming, C.-L. Hellwig, F. Wollank, Fr. Lauska, J. Mueller,
And. Bombcrg, F. Schneider, F.-X. Eisenhoefer, Alb. Methfessel, C.-M. de Weher, K. Blum, F. Dbrn, Karow, And.
Muehling, Hienlzsch, Klage, Gebhardi, J.-P. Schmidt, Conr. Kreutzer, L. Spohr, Berger, Fink, Bergt, Harder, C.-Chr.
Schullz, Fesca, Kchlau, Panny, Pohlenz, Bungenhagen, X. Schnyder de Wartensee, Lindpaintncr, Winter, B.-A Weber, .
Silcher, Mendelsohn-Barlholdy, H. Marschner, Loewe, Beichardt, Zoellncr, F. Hiller, Anacker, Kuhmstedt, Mangold,
Neithardt, Beissiger, J. Stern (de Berlin), Esser, Kunz, Fischer, Pauer, Schladcbach, Julius Otto, Kiicken, etc.
Les plus volumineuses et les plus intéressantes collections de chœurs d'hommes, publiées de nos jours en Alle-
magne, ou en cours de publication, sont celles d'A. Zoellner (1) et de Julius Otto (2). Elles contiennent chacune un
grand nombre de livraisons et plusieurs centaines de Liedet. Julius Otto, que je viens de nommer, est l'auteur de la
première composition pour chœurs d'hommes, conçue sous une forme scénique, Die Mordgrundbruck : c'est une sorte
d'opéra facétieux dont tous les rôles sont chantés par des hommes avec accompagnement de chœurs formés également
d'une réunion de chanteurs du sexe masculin. Cette singulière production a déjà été exécutée avec costumes et décors
traité en détail cette matière, combien elles sont susceptibles de variété, malgré l'apparente monotonie qui semble
devoir résulter d'un ensemble choral formé d'une seule espèce de voix.
(1) Ernst lnd Schei'.z., Original Composilionen fur grosse und (2) Der Deutsche maennercuor, leicht ausfuehrbare Original Corn-
Heine Liedertafeln., redigirt von Jul. Otto in Dresden. Sdileusingen, posilionen fût- 4 Maennerstimmen. Sclileusingen, Conrad Glaesor.
Conrad Glaeser.
RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
SECONDE PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.
DE L'ÉTENDUE ET DES PROPRIÉTÉS DES VOIX D'HOMMES.
L'étude du mécanisme de la voix humaine, en général, est de la plus grande importance pour quiconque veut acqué-
rir une parfaite connaissance de l'art du chant. C'est une étude qui intéresse à la fois l'élève, le maître et le composi-
teur. Les défauts sans nombre que l'on remarque dans la plupart des chanteurs de l'un et de l'autre sexe, dans les pro-
fesseurs même qui les instruisent, et dans les musiciens qui leur donnent des ouvrages à interpréter, prouvent qu'en
affirmant une telle proposition, on ne commet point une erreur. Combien de voix ruinées, flétries, gâtées avant le
temps pour avoir été le jouet de l'esprit de système, de la routine, de l'ignorance ! Tantôt on force les moyens d'un
chanteur en exigeant de lui ce qu'il est incapable de faire ; tantôt on lui laisse prendre une mauvaise direction, une
manière de chanter arbitraire et défectueuse qui, si elle n'opère la ruine complète de sa voix, finit du moins par le
conduire insensiblement à la perte des qualités les plus précieuses qu'il pouvait devoir à la nature. Les compositeurs
rent l'art d'écrire convenablement pour les voix, ou que, possédant cet art d'une manière trop superficielle, ils négli-
gent d'en appliquer toutes les règles et surtout de les appliquer a propos. Quelques uns, par exemple, se contentent
de connaître les limites assignées au grave et à l'aigu dans l'échelle vocale à tel ou tel genre de voix. Pourvu qu'ils
s'abstiennent de faire un trop fréquent usage des notes extrêmes de chaque genre, ils croient avoir satisfait à toutes
les obligations auxquelles ils sont tenus envers le chanteur, et ils ne doutent pas un seul instant que leurs romances,
leurs airs, leurs chœurs et leurs morceaux d'ensemble ne laissent rien à désirer, quant à la facilité d'exécution. On
saura tout à l'heure en quoi ils se trompent. Mais comment reconnaîtraient-ils leur erreur, quand les traités spéciaux,
voix des castrats. Résultat de la négation la plus complète de la puissance virile, elle ne fait point partie des
c'est la
Outre cette classification qui se présente pour ainsi dire d'elle-même k la pensée, il en est une plus compliquée et
plus systématique que l'on prend pour base des principes de l'art du chant. En considérant les divers genres de voix
que l'on vient d'indiquer dans leurs rapports respectifs, ou bien en les étudiant chacun séparément,on reconnaît que,
et à l'étendue, ils sont susceptibles de certaines divisions et subdivisions. Or, actuellement ces divi-
quant au timbre
pour femmes, le soprano, le mezzo soprano et le con-
sions et ces subdivisions sont établies de la manière suivante : les
tralto pour les hommes, le ténor, le baryton et la basse. Quant aux voix des enfants et des castrats, elles ne forment
;
pas une catégorie spéciale; on les fait rentrer dans la classe des voix féminines , bien qu'elles n'aient point une com-
C'est généralement d'après leur étendue que l'on classe les divers genres de voix ;
il y a cependant tel cas où cette
seule considération serait insuffisante et même erronée : lorsque, par exemple, le baryton a la même étendue que le
ténor, ce qui arrive plus souvent qu'on ne pense. On est donc obligé, en pareil cas, d'observer la position de la canti-
lène et surtout la nature du timbre pour déterminer exactement le classement de telle ou telle voix.
On entend par position delà cantil'ene l'espace dans lequel la voix se meut avec le plus d'aisance et de liberté; les
voix les plus belles comme les plus ingrates ont ainsi une certaine quantité d'intervalles favorables qui ne forment ja-
mais qu'une portion, souvent assez restreinte, de leur étendue. Ce sont ces intervalles que le compositeur doit s'appli-
quer à connaître dans l'intérêt du chanteur comme dans l'intérêt même de l'effet qu'il veut produire.
Quant au timbre, il est difficile d'en donner une définition bien satisfaisante, car il est de sa nature tellement va-
riable et complexe, qu'on peut dire sans exagération qu'il y a autant de timbres que d'individus. Il en est de la voix
comme delà parole. Sur vingt, cent, mille personnes du même âge et du même sexe, vous n'en trouverez pas deux qui
aient le même accent (abstraction faite de la prononciation). Aussi bien, si vous réunissez une certaine quantité de
chanteurs, toujours en observant les mêmes proportions d'âge, de sexe, et qui plus est de genre de voix, vous n'en
trouverez aucun dans le nombre qui présente avec les autres une parfaite analogiede timbre. Le timbre est donc ce qui
différencie le plus sûrement les voix. Non seulement il marque fort bien des divisions de même classe, telles que
soprano et contralto, ou bien ténor et basse; mais lorsqu'il s'agit de voix d'hommes et de voix de femmes, comme de
soprano et de ténor, il offre des dissemblances tellement caractéristiques qu'elles n'échappent à personne, même aux
organisations les moins exercées (1).
A la vérité, il en est tout autrement lorsque les chanteurs, au lieu d'être de sexe différent, sont du même sexe, et
surtout lorsqu'ils possèdent le même genre de voix. Ainsi de soprano à soprano, de ténor à ténor, etc., les dissemblan-
ces dont on parlait tout à l'heure dégénèrent en nuances d'une appréciation plus difficile, par la raison toute simple
On a remarqué que l'influence du climat agit d'une manière sensible sur la qualité du son; il semble que chaque
peuple ait dans le timbre de la voix une sorte de nationalité, comme il en a une dans les mœurs et dans le langage.
Ce fait singulier est peu frappant lorsqu'on va de l'est à l'ouest; mais, lorsqu'on va du nord au midi, il acquiert une
réalité incontestable. En général, le timbre de la voix chez les peuples du Nord est clair, fort, pénétrant, mais un peu
sec et un peu froid ; chez les peuples du Midi, au contraire, il a plus de douceur, de charme, d'expression, mais sou-
vent aussi il est mou et sans relief.
(1) Il est rare que des voix appartenant a des individus de sexe dif- Mariana Bianca, que de trompeuses réclames faisaient passer pour être
férent produisent le même effet à l'oreille et puissent se remplacer mu- douée de la faculté de chanter a volonté avec une voix d'homme et une
tuellement, lors même qu'elles ne diffèrent point par l'étendue. Il y a voix de femme. Outre les morceaux de son répertoire, composés pour
toujours dans la nature du timbre quelque chose qui révèle les conditions les chanteuses de son sexe, elle exécutait des airs de ténor, entre autres
sexuelles du chanteur. Aussi a-t on vainement tenté, après avoir sup- une cavaline de BeU'mv.I Moiitecchi ediCapulelti (Quesio acciaro, elc),
primé les castrais, de donner la partie qu'ils chantaient à des coniralii ainsi que des duos où elle se servait alternativement des deux genres de
du sexe féminin. L'effet n'était plus le même. C'est ainsi qu'un chœur voix. Or, cette cantatrice phénoménale n'était autre chose qu'un mezio
de jeunes garçons se distingue d'un chœur de femmes, bien qu'il soit au soprano qui , pour se transformer de la sorte, usait d'un procédé très
même diapason. Il paruit donc impossible que les voix de femmes, et les grossier, lequel consiste d'une part a grossir autant que possible les
voix d'hommes puissent faire l'échange de leurs propriétés quant au notes de poitrine en leur imprimant un timbre guttural assez prononcé,
timbre. Aussi doit-on considérer comme des jeux puérils, comme des d'autre part à amoindrir dans la même proportion les notes aiguës et
tours de force d'acrobates, les tentatives de certains chanteurs, si toute- les notes du médium. Les hommes qui veulent donner l'exemple inverse
fois on peut leur donner ce nom, qui ont essayé, en dissimulant la nature ne sont pas plus heureux el produisent un effet tout aussi ridicule. De
de leur voix, d'emprunter la voix d'un autre sexe. On se rappelle avoir tels essais ne sont lolérables que dans le genre comique, ce sont de vraies
entendu à Paris, il y a quelques années, dans un concert donné par le parodies. Quant aux ténors doués d'une voix de tête très élevée et du
célèbre Strauss, de Vienne, un homme et une femme qui exécutaient timbre particulier aux iodleurs, ils peuvent facilement donner des sons
un duo de Rossini, l'homme en chantant la partie du soprano, la femme qui appartiennent au registre de la voix de femme; mais ces sons de
en chantant celle du ténor. Plus récemment, en 18/18, dans l'un des fausset ont un caractère qui leur est propre, et qui ne tend nullement
cafés-concerts établis aux Champs-Élysées, le Café de la nation, les pro- à l'imitation de l'organe féminin.
meneurs désœuvrés allaient entendre une prétendue cantatrice nommée
U RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Le timbre et l'étendue de la voix humaine tiennent à des causes morales ou à des conditions d'organisation physique
qu'il est inutile de déduire ici. Tel individu embrasse deux octaves, tel autre n'en peut guère chanter qu'une. Celui-ci
se distingue par une qualité de timbre pleine de charme, celui-là ne laisse échapper qu'un son rauque et disgracieux
Il y a des voix qui se font remarquer par leur plénitude et leur rondeur, en même temps que par leur belle sonorité
et leur timbre, pour ainsi dire, métallique. D'autres, avec beaucoup de force et de volume, ont beaucoup de souplesse
et de douceur; d'autres encore sont particulièrement nobles, énergiques, majestueuses; d'autres enfin, commecellesde
Hubini, de Nourrit, de notre excellent chanteur Roger, ont cette propriété d'aller à l'âme qui leur vaut à bon droit le
nom de sympathiques : mais de telles voix sont des voix privilégiées et malheureusement assez rares. Quel charme ne
inégales, dures, roides, paresseuses, criardes, glapissantes, chevrotantes, etc. Ces défauts et ces qualités sont com-
muns aux deux sexes, mais il en est qui semblent appartenir beaucoup plus à l'un qu'à l'autre. Quelquefois même ce
qui est une qualité chez l'un devient chez l'autre une imperfection. Ainsi, en thèse générale, la force et l'énergie
conviennent surtout aux voix d'hommes ; la douceur et la grâce aux voix de femmes. Trop de mollesse dans les pre-
mières tend à rendre l'exécution pâle et efféminée, ce qu'il faut surtout éviter dans les chœurs d'hommes. Au surplus
le timbre et l'étendue peuvent être modifiés par l'étude, mais non se transformer complètement, comme l'ont prétendu
quelques professeurs. Ils demeurent, en définitive, le signe distinctif et le caractère essentiel de chaque voix, le cachet
indélébile que la nature, en créant l'individu, a imprimé dès sa naissance à son organe vocal.
Indépendamment du timbre général et caractéristique de chaque genre de voix, il y a dans la même voix des nuances
de timbre, ou, si l'on veut, des timbres particuliers résultant du caractère spécial de certains sons, eu égard à la po-
sition que ces sons occupent dans l'échelle vocale et aux différents modes d'émission dont ils sont susceptibles. C'est
pourquoi on dira timbre de la voix de poitrine ou timbre de poitrine, timbre de voix de tête et encore timbre clair
timbre sombre ou sombré. La plupart de ces objets sont propres aux voix masculines comme aux voix féminines d'au-
;
tres ne concernent que les premières qui vont désormais nous occuper exclusivement.
Les études théoriques concernant l'art du chant ont eu pour effet d'établir que l'échelle des sons propres à la voix
de l'homme embrasse dans ses résultats généraux l'étendue suivante avec les divisions que celte étendue comporte,
savoir :
Fausset.
Poitrine..^
t P- ^ ^=
—
-r) j
On n'a pas besoin de rappeler ici qu'un des effets de la mue sur les voix d'hommes consiste à les faire baisser d'une
octave entière, tandis que dans l'enfance elles sont à l'unisson des voix de femmes (1).
La voix dite de poitrine constitue la partie principale de l'organe vocal chez les personnes du sexe masculin ; elle se
distingue naturellement de la voix aiguë, qui a reçu le nom de voix de fausset. La différence qui existe entre ces deux
familles de sons vocaux, nommées aussi registres, peut être comparée à celle que l'on remarque entre les sons naturels
du violon et ceux que l'on appelle sons de flageolet ou sons harmoniques. Vulgairement, on confond comme synonyme
la voix de fausset et la voix de tête, que quelques uns qualifient aussi de voix mixte (2).
Cl) La crise de la mue apporte un grand changement dans l'économie ordinairement ténor, celui qui chantait l'alto devient ordinairement
vocale des individus maies. Ce changement a lieu vers le temps où basse.
l'adolescent se fait homme. Pendant la mue la voix perd une grande (2) Les professeurs de chant emploient celle expression dans différents
quantité de son élendue; elle est en outre vacillante, mal posée et su- sens : il y en a, comme M. Dupiez, qui distinguent la voiv mixte de la
jette à octavier. Mais quand la mue est achevée, la voix reprend toute série vocale qu'ils appellent fausset. D'autres, comme M. Panseron,
sa sûreté et sa force ; seulement elle se trouve plus basse d'une octave donnent à entendre que la voix de poitrine est une portion de la voix de
environ qu'auparavant : ainsi l'enfant qui chantait le soprano, devient tête. De son côté, Garaudé, dans sa méthode, dit que les ténors, afin de
— ,
Mais quelles que soient les distinctions qu'on ait cru devoir faire dans les méthodes de chant pour expliquer cer-
taines particularités du phénomène de l'émission vocale, et quels que soient les termes qu'on ait employés à cet égard,
le fondement de tout système, de toute théorie, aussi arbitraire qu'on le veuille supposer, ne réside pas moins dans la
notion essentielle de l'existence de deux registres principaux et fondamentaux, lesquels partagent les sons de la voix
humaine en deux classes ou familles douées de propriétés spéciales, savoir les sons de poitrine et les sons de tête ou de
fausset. Ce n'est pas ici le lieu de faire connaître les causes physiologiques de la production de ces deux registres; il
suffit de constater qu'ils diffèrent entre eux tant par leur origine, c'est-à-dire par le mécanisme de leur formation et par
la sensation particulière qui accompagne l'émission des sons dans chacun d'eux, que par leur timbre et par le rang
qu'ils occupent dans l'échelle musicale. Le passage de la voix de poitrine à la voix de tète, et de celle-ci aux sons de
poitrine, forme une transition, un contraste qui serait très désagréable à l'oreille, si le chanteur ne mettait tous ses
soins à en prévenir le mauvais effet. Pour cela, il faut qu'il s'applique à lier les deux registres de telle sorte que la
différence des timbres devienne à peine sensible. Les traités spéciaux de l'art du chant contiennent des règles et des
exercices pour cet objet. Toutefois il est des chanteurs qui ne réussissent qu'imparfaitement à s'assimiler les deux
registres fondamentaux, et surtout à marier les sons de tête avec les sons de poitrine. Comme les notes ingrates ou
faibles de la voix sont ordinairement celles qui se rencontrent sur la limite commune des deux registres, on conçoit
qu'il faille user de ménagements lorsqu'on emploie cette partie faible ou défectueuse de l'organe vocal ; car si le chant
reposait sur ces notes, il en résulterait pour l'artiste une gêne, une fatigue aussi grandes que s'il devait donner les sons
les plus aigus de sa voix de tête. La connaissance générale des sons intermédiaires ou de passage, dans les divers
genres de voix, peut s'acquérir; mais il est impossible de déterminer le point de jonction des deux principaux
registres.
Ce n'est pas que la différence de timbres ne soit assez sensible entre eux pour offrir le moyen de reconnaître leurs
limites ordinaires. En général, les notes de poitrine les plus élevées sont fortes et perçantes, mais elles sont produites
avec difficulté et manquent souvent de timbre; les notes graves du registre de fausset sont faibles et voilées, quelque-
fois même elles pèchent par la justesse et la pureté d'intonation. Ainsi, étant donnée comme limite approximative de ce
registre au grave la note suivante : &~ — jfc , les sons de la série ne pourront guère être utilisés d'une
on ~<?
mnatere avantageuse qu a partir de 7fo -
'
la commodité de la classification, on est obligé de désigner par le même nom, c'est aussi par rapport aux fluctuations
et aux modifications nombreuses qui résultent delà souplesse de l'organe vocal. Les divers procédés d'émission qui jet-
tent dans le chant une si grande variété sont précisément ce qui empêche les principes de cet art d'être absolus. Ainsi
haut, ou pour mieux unir celle-ci avec la voix de tête, emploient souvent
une qualité de son factice qu'on nomme voix mixte, en ce qu'elle par-
ticipe un peu de l'une et de l'autre. Selon lui, elle se prend sur le der- > el même jusqu'à '
; en sorte
-^fo
nier son de poitrine et peut s'étendre ordinairement plusieurs demi-tons
au delà des bornes de celle-ci. Telle est la confusion d'idées que l'on que le fausset proprement dit a pour étendue principale
remarque dans la plupart des méthodes de chant relativement à la
voix mixte. Dans sa méthode de chant, M. Garcia fds appelle voix de -C — : .
fausset-tête toutes les séries de sons que comprend le second registre :fe „. -
fe^— ,
et ce qu 'ji a pp e lie la voix de fausset-iête [ou
-&
ft
—
-O
principal de la voix humaine, ù partir de M-—-;^ jusqu'à
ou
9
66 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
quelques uns des Ions placés sur la limite respective des deux registres peuvent être interprétés de deux façons, et
par conséquent appartenir à l'un et à l'autre de ces registres parla faculté que les chanteurs possèdent de les donner
tantôt en voix de poitrine, tantôt en voix de tête. D'après cela, lorsqu'on apprécie l'étendue des voix d'hommes, il faut
presque toujours supposer un enjambement réciproque de deux ou de trois tons d'un registre sur l'antre. C'est là d'ail-
leurs un point que j'éclaircirai, quand j'expliquerai ce qui concerne chaque espèce de voix d'homme en particulier.
Le mode d'émission alternative dont je parlais tout à l'heure, et qui s'opère en vertu d'un changement de position très
sensible du larynx, est praticable sur divers degrés, et l'on peut s'y exercer delà manière suivante :
Poitrine.
r-
Fausset
—
— Poitrine Fausset. Poitrine.
_|
s
Fausset. Poilrine.
1
Fausset.
Au moyen d'une étude semblable, on apprend à bien marier les deux registres. On apprend aussi à se servir à vo-
lonté, pour l'exécution de certains traits, soit de la voix de poitrine, soit de la voix de tête, suivant le caractère d'ex-
C'est en passant rapidement du registre de poitrine à celui de fausset, mais en accusant la différence des timbres au
lieu de l'affaiblir, qu'on réalise un artifice d'émission vocale proscrit jusqu'à ce jour par les règles du chant ordinaire,
et dont l'imitation sous une forme artistique n'est guère admise que dans l'espèce de composition musicale qu'on ap-
pelle en français tyrolienne. Cet artifice, pratiqué de temps immémorial par les habitants du Tyrol, de la Styrie, de la
Suisse et de quelques autres contrées, lesquels semblent en être les inventeurs, est le résultat d'un goût naturel et do-
minant, mais non celui d'une conformation particulière (l'influence du climat, et plus encore peut-être celle de la dis-
position topographique des lieux où il est en usage, sont pour beaucoup sans doute dans les causes qui l'ont produit).
Toujours est-il qu'il s'harmonie parfaitement avec le calme mélancolique d'une nature agreste et les mœurs champê-
montagnards. Les Allemands, comme je l'ai dit ailleurs, nomment cette manière de chanter iodlen, et
tres des pâtres
les chants où on l'emploie Iodler (1). Elle consiste, ainsi que je l'ai déjà expliqué, à passer brusquement des sons de
poitrine aux sons de fausset, et de ceux-ci aux premiers, en vocalisant avec un accent guttural assez prononcé sur des
syllabes formées tout exprès pour faciliter ce mode d'émission. Il résulte de là une sorte de hoquet qu'on a soin d'évi-
ter dans le chant ordinaire, mais que l'on ne fait pas difficulté d'employer dans des compositions destinées à rappeler
naissance, le iodler tend à devenir une des formes vocales les plus usitées du chant pittoresque pour chœurs d'hommes.
L'aversion que certains musiciens témoignent pour ce procédé vocal est plutôt affectée que réelle. Je conviens qu'il
n'a pas été imaginé par des professeurs de chant, et que l'instinel a eu plus de part que
l'intelligence à sa découverte;
mais quelles sont les sources que l'art doive dédaigner! N'a-t-il pas le privilège de tout perfectionner, de tout enno-
blir? Or, le iodler dans sa rusticité première, ne vaut-il pas mille fois
mieux pour des artistes sensibles aux charmes
in- un son aigu, ou bien un son donné dans le timbre clair, et o un son
(1) Les mots iodlen et loàler peignent la nature, des articulations
grave ou bien donné dans le timbre sombre. On a, du Tyrolien Edouard
troduites dans les airs chantés par les Suisses et les Tyroliens pour
faci-
accouplées de diffé- Waldinger, trois jodler originaux que l'auteur a publiés avec quelques
liter l'émission de certains sons ; les voyelles i, o,
entendre très fréquemment. remarques, comme théorie de l'art de iodler. (Berlin, Trautwein ;
rentes manières aux consonnes d, l, s'y fout
subite de la
produit par
syllabe io est à elle seule
le
\oix de tête à
chant tyrolien, car
i
la
une excellente ono-
elle semble exprimer
voix de poitrine, à laquelle ce
représente plus particulièrement
r,>
(m*
1? §
rf
tio roi tio tio roi
m
.
tio
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. [67
de la nature, que certaines formes factices, certains cris et certains fredons que l'on enseignait autrefois, que l'on en-
seigne encore de nos jours dans les écoles? Au berceau du style figuré ,
il était reçu de pratiquer le trille en brodant
en dessus et en dessous, comme on voulait, la note principale. Il était pareillement reçu de l'exécuter sur la même
note. Que diraient aujourd'hui nos puristes de ce trille sur la même note qui devait ressembler au cri de la chèvre !
Cependant nombre d'agréments et de coups de gosier du style moderne paraîtront un jour tout aussi ridicules que
celui-là, bien qu'ils soient préconisés à l'heure qu'il est comme le fruit des meilleures traditions. Pourquoi le iodler,
avec ses indexions variées et piquantes, avec ses intonations mâles et ses sons de fausset mélancoliques, serait-il rejeté
du chant aristocratique, quand de pareilles choses y ont été reçues? Pourquoi serait-il indigne de passer du domaine
de la musique populaire dans celui de l'art proprement dit? Ne suffirait-il pas que de bons chanteurs ,
que de bons
musiciens l'élcvassent à la hauteur de cette nouvelle destination en le transformant de telle sorte qu'il pût satisfaire
les oreilles les plus délicates, et plaire aux gens même dont le système nerveux s'offense des anomalies qu'il présente,
quand on le compare au chant ordinaire? Entraîné par ces considérations qui ne me paraissent pas dépourvues de
justesse, je me décide à placer ce mode d émission vocale parmi ceux qui sont particulièrement propres aux voix
d'hommes (1), et qui résultent d'une combinaison spéciale du registre de poitrine et du registre de fausset. J'aurai
d'ailleurs plus d'une fois l'occasion, dans le courant de cet ouvrage , de revenir sur les avantages qu'il présente et
sur l'emploi qu'on en fait actuellement dans les compositions pour voix d'hommes.
Le timbre naturel de chacun des registres fondamentaux de la voix humaine, le registre de poitrine et le registre
de fausset, comporte deux nuances principales, deux sortes de coloris : l'un se nomme timbre clair ; l'autre timbre
sombre ou sombré. On peut se faire une idée du caractère propre à chacun d'eux , si l'on compare l'émission naturelle
du son avec la modification qu'elle subit, lorsqu'on parle ou qu'on chante, en approchant de la bouche un objet creux
quelconque où la voix va se réfléchir. Dans ce dernier cas, celle-ci semblera plus grosse, plus volumineuse, mais aussi
moins perçante.
Le volume de la voix augmente aux dépens du brillant et du mordant du timbre. Or, c'est exactement ce qui a lieu
pour la voix claire et pour la voix sombre, à cause de la disposition momentanée des organes vocaux , et surtout des
mouvements en sens inverse du larynx et du pharynx. Des circonstances secondaires facilitent en outre plus ou moins
la production de ces timbres et contribuent à marquer la différence qui existe entre eux. Le choix des syllabes, le degré
de force de l'exécution, le but que se propose le chanteur (2), contribuent précisément à ce résultat.
Les deux modes d'émission dont il s'agit peuvent être pratiqués par toutes les voix (3); seulement il y a des voix
qui sont naturellement plus portées à se servir de l'un que de l'autre; il y en a aussi qui affectionnent exclusivement
tel ou tel timbre et vont jusqu'à en faire abus. H en résulte presque toujours une perturbation plus ou moins grave
dans l'économie vocale. En effet, l'abus du timbre clair rend la voix maigre, niaise, criarde et glapissante ; au con-
traire, l'abus du timbre sombre la rend sourde et lui fait perdre à la longue sa pureté, son brillant , voire sa justesse.
Il n'est pas rare de trouver des chanteurs qui, usant trop fréquemment du timbre sombre, dans le but de donner plus
de volume et de moelleux à leur voix , finissent par la gâter, au point de chanter faux presque toutes les fois qu'ils
montent dans le tiers supérieur de leur étendue. Ce sont là des inconvénients que le goût et la prudence conseillent
d'éviter en faisant de ces deux nuances d'exécution un emploi qui, loin d'être arbitraire , soit toujours dicté par le
Puisque je passe en revue les principales manières de modifier les sons de la voix humaine ,
je ne dois pas omettre
(1) Bien que les chanteurs de l'un et de l'autre sexe prennent part à signer spécialement les voix de femmes. A proprement parler, l'applica-
l'exécution des Iodler, il est de fait que les voix d'hommes y sont plus tion du terme de blanc est plus juste dans le premier cas qu'elle ne l'est
propres que les voix de femmes, parce que la distinction entre les dans le second ; car entre le timbre clair et le timbre sombre, l'opposi-
registres est plus tranchée dans les premières que dans les secondes. tion est à peu près la même qu'entre la couleur blanche et la couleur
(2) Maintenant le lecteur comprendra facilement que ce qu'on ap- noire, que voix blanche pour voix de femme, opposé à voil
tandis
pelle vulgairement voix blanche n'est autre chose que la voix claire, et grave pour voix d'homme, ne donne pas, à beaucoup près, une antithèse
quand on dit qu'une voix est trop blanche ou qu'un son est trop satisfaisante.
blanc, cela signilie tout simplement que celte voix a un timbre trop (3) De même que les nuances intermédiaires qui existent entre le
clair ou que le son est trop clair. Il est vrai que la dénomination de timbre le plus clair et le timbre le plus sombré, et qui parlicipent plus ou
voix blanche ou aiguë s'emploie aussi dans un autre sens, et pour dé- moins du premier ou du second.
68 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
de prier ici d'un mode d'émission très en vogue aujourd'hui dans la musique chorale, sous le nom de chant k bouche
fermée (con bocca chiusa). C'est un procédé très simple consistant à retenir les sons captifs dans la cavité buccale , de
manière à tempérer leur éclat et à leur imprimer un cachet mystérieux. Le rapprochement des lèvres qui empêche
leur libre émission opère un effet analogue à celui qui résulterait de l'application près de la bouche d'un objet creux
où la voix irait se réfléchir. Il y a donc quelque analogie entre cet artifice et le procédé qui donne naissance au timbre
sombre ; mais ce qui distingue particulièrement le chant con bocca chiusa, c'est l'espèce de bourdonnement qui raccom-
pagne: voilà pourquoi les Allemands donnent aux parties d'un morceau de musique vocale que l'on exécute de cette
manière le nom de Brummstimmen, de Brumm qui, dans leur langue, entre dans la composition de plusieurs mots
exprimant soit au propre, soit au figuré, l'action de bourdonner, de gronder, de murmurer et même de mugir. Il est
inutile de dire que toutes les voix peuvent s'approprier cette façon de chanter dont les méthodes spéciales du reste ne
parlent pas. Il y a très longtemps qu'elle est connue en Allemagne et qu'il en est fait usage dans la musique chorale
pour voix d'hommes. J'ai déjà parlé d'un quatuor vocal de Fr. Wollank, publié en 1827, dans lequel trois parties de
Brummstimmen accompagnent une partie principale de ténor solo. On n'emploie ce procédé en France que depuis un
très petit nombre d'années. On s'en est servi avec succès dans quelques opéras nouveaux ;
mais comme on n'en avait
jamais entendu parler, on s'est figuré un instant que cela était tout à fait neuf (1). Cependant la vérité a été bientôt
reconnue , et personne aujourd'hui , à moins de vouloir surprendre effrontément le public , n'oserait plus s'en dire
l'inventeur. Les Brummstimmen, autrement dit le chant con bocca chiusa , est d'un effet délicieux dans les accompa-
gnements ; mais il exige de la part des chanteurs plus de pratique et d'habileté qu'on ne pense. Chaque voix y doit
conserver son timbre particulier, ses qualités essentielles, et briller encore sous le voile qui la couvre. Pour y mettre
une sourdine, on ne change ni la nature ni le caractère propre d'un instrument; or le chant con bocca chiusa est
en quelque sorte un chant avec sourdine, ou, si l'on peut dire ainsi, chant-sourdine.
Il me faut à présent rapporter les notions qui précèdent aux diverses espèces de voix d'hommes. Celles-ci se divisent
en voix hautes et en voix graves, ou absolument en basses et en ténors. Ensuite les différences plus ou moins tranchées
dans le diapason, le timbre et la position de la cantilène, nécessitent le partage de chacun de ces genres en plusieurs
La basse haute, plus communément appelée baryton, qui se subdivise elle-même en baryton grave et en baryton aigu ;
Le ténor grave ;
magne sous le singulier nom de Judenbass (2), ne saurait être prise pour un genre de voix particulier. C'est tout sim-
plement un registre artificiel de la voix d'homme composé de sons
,
fort bas et même un peu rauques ,
lesquels pro-
duisent un ronflement fort et soutenu , assez semblable au trémolo de l'orgue (3). Ce registre comprend. les notes les
plus graves de la contre-basse de nos orchestres, et peut s'étendre depuis ^5ET H josqa'ài là quinte ou à I
La voix de contre-basse est très rare en France, ou, pour mieux dire, elle y est négligée, car il est certain qu'elle
(i) Déjà le passage que dit Papageno, un cadenas sur la bouche, (3) Ce qu'il y a d'étrange, c'est que l'exercice finit par le donner à
lians la Flûte enchantée, de Mozart, n'est pas autre chose qu'un passage toute sorte de voix : ainsi le chanteur russe Ivanoff, qui remplissait, il
chanté en réalité con bocca chiusa. y a quelques année?, au Théâtre-Italien, les rôles de ténor, chantait
(2j Littéralement basse de juif, a cause des grosses voix assez com- la basse grave, et même la contre-basse, avant d'être attaché à ce
munes chez les israélistes, et peut-être aussi à cause de la gravité ordi- théâtre.
naire de leur chant psalmodique.
SUR LE CHAjST EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 63
s'y rencontre k l'état brut comme partout ailleurs'; mais les compositeurs français n'ayant pas encore songé à en tirer
parti, les chanteurs ne la cultivent pas. En Russie et dans le nord de l'Allemagne elle est assez commune. Les musi-
ciens qui ont visité Saint-Pétersbourg parlent avec enthousiasme de la puissance qu'elle communique à l'ensemble
choral des morceaux de musique religieuse chantés sans accompagnement, selon les usages du rite grec , dans la cha-
pelle impériale par des hommes et par de jeunes enfants. On assure que l'effet des contre-basses russes doublant à
l'unisson les basses, est vraiment prodigieux, et qu'il faut l'avoir entendu pour s'en faire une idée. Je n'ai pas été en
Russie et je n'ai pas assisté aux pieux concerts de la chapelle impériale , mais je puis dire qu'à Strasbourg il m'est
arrivé plusieurs fois d'entendre des choristes contre-basses, notamment ceux qui faisaient partie de la société de chant
que dirigeait, vers , M. Freydinger. C'étaient pour la plupart des ouvriers. Je me souviendrai toujours de (a
justesse, de la rondeur et de la plénitude des grosses notes au moyen desquelles ils suppléaient les sons des voix
graves de l'orchestre dans plusieurs morceaux de musique instrumentale arrangés pour chœurs d'hommes, par exemple,
dans l'ouverture de la Dame blanche, que les membres de la société Freydinger ont souvent exécutée avec succès. II
n'est pas rare d'ailleurs de voir des individus possédant une grande étendue vocale descendre facilement jusqu'aux
dernières notes de ce registre. J'ai connu un professeur de chant nommé Baumann, qui donnait le contre ut sans le
moindre effort. Je cite ce fait uniquement pour prouver que la voix de contre-basse n'est pas une voix exceptionnelle,
qu'elle existe chez beaucoup de chanteurs, quoiqu'ils n'en fassent point habituellement usage, et que la Russie et le
nord de l'Allemagne ne sont pas les seules contrées qui aient le privilège d'en fournir. Bien que l'on ne puisse contester
les avantages des sons du registre ultra-grave comme accompagnement des autres voix, il y a des motifs qui semblent
s'opposer à son adoption comme l'un des moyens usuels de l'art du chant.
D'abord, pour les voix ordinaires, on remarque toujours une fâcheuse lacune entre les notes de poitrine et les
notes de contre-basse. Seules les basses- tailles profondes auraient la faculté de lier les deux genres de voix et de
donner des notes communes aux deux registres. Outre l'inconvénient que l'on vient de signaler, il en est un autre,
plus grave qui réside dans l'altération que l'exercice de la voix de contre-basse fait subir aux autres parties de l'éten-
due vocale. Les basses russes elles-mêmes en sont un exemple. Au bout d'un certain temps, il ne leur reste que leur
voix artificielle de contre-basse jointe à une très minime portion de leur voix de poitrine. Cette détérioration est la
conséquence nécessaire de l'effort inévitable qu'exige la production des sons ultra-graves. En effet ,
pour les ohtenir,
il faut remonter complètement le larynx et gonfler la cavité pharyngienne , exercice qui dessèche le gosier et déter-
mine des accès de toux. 11 est donc à craindre que la voix de contre-basse ,
peu agréable à cultiver, ne fasse encore
longtemps défaut à nos ensembles de musique chorale; bien qu'une organisation exceptionnelle , une étude assidue ,
les soins d'un professeur intelligent, et le tact d'un bon compositeur soient de nature à faciliter les moyens d'écarter
ces obstacles. Ce qui donnerait lieu de le penser, c'est le fait assez peu connu de l'usage qu'on faisait autrefois , en
Italie, de cette espèce de voix pour chanter dans les églises. Ce fait curieux nous est révélé par le docte Raini dans
une note de ses Mémoires critiques et historiques sur la vie et les œuvres de Palestrina. Les maîtres italiens des xv e et
xvi
e
siècles, jusqu'au temps même de Pierluigi, eurent souvent coutume d'écrire leurs messes et leurs motets à quatre
et à cinq parties pour soprano, contralto, ténor, basse et contre-basse. Il existe encore des monuments de ce genre k
la bibliothèque de la chapelle de Sainte-Marie Majeure k Rome. Les archives de cette chapelle contiennent aussi un
renseignement précieux relativement au même objet ; elles font mention d'un certain Paolo di Macerata engagé en
15i0 comme chantre pour la partie de contre-basse (1). Il y eut, assure-t-on , non moins anciennement, des chantres
contre-basses dans la chapelle apostolique. Vu l'état du diapason à cette époque , ces voix graves descendaient plus
bas que ne le ferait supposer la notation de leur partie. Ils pouvaient chanter la basse dans les cordes du médium et
dans les cordes aiguës (2). C'est pour ce motif qu'on les appelait souvent basses, car elles servaient à deux lins. Baini
cite, entre autres, un chanteur nommé Caraceni ,
qui fut attaché au service de l'église de Sainte-Marie Majeure en
qualité de contre-basse, et k celui de la chapelle Apostolique en qualité de basse. Il parle aussi d'un certain Guiseppe
Vizzardelli, homme tout velu, tutto peloso, qui fut engagé simplement comme basse, en 1729, dans l'église de Saintc-
(1) On se servait, pour écrire leur partie, de la clef de fa sur la ci n- (2) G. Baini, Mcmorie storico-cridche délia vita e cldle opère di
(fuième ligne de la portée. G. P. da Palestrina. Roma, 1828, t. I, p. 67, note lOi.
70 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Marie Majeure, bien que l'étendue de sa voix, au dire même de Baini , ne pût jamais être mesurée dans le grave. En
effet, si ce chanteur ne dépassait pas à l'aigu le si bémol sur les lignes de la clef de basse, une fois arrivé au sol placé
au grave sur ces mêmes lignes , non seulement il descendait encore une octave plus bas , mais il continuait de des-
cendre d'une manière pour ainsi dire illimitée, donnant les sons ultra-graves avec une telle force et une telle clarté
d'émission, que l'air en était ébranlé, que les assistants eux-mêmes en éprouvaient de l'effroi, et qu'il fallait absolument
La voix grave la plus commune et la plus usitée parmi nous est la voix de basse moyenne. Quelques voix excep-
nore est en quelque sorte de rigueur. Du reste, pour cette espèce de voix comme pour toutes les autres sans exception,
il est impossible de fixer mathématiquement la note qui forme la limite de l'étendue vocale à l'aigu ou au grave,
ou seulement d'une partie déterminée de cette étendue, c'est-à-dire d'un registre.
J'ai déjà dit qu'il fallait en chercher la raison dans une certaine diversité qui existe entre des voix dont on faisait
pourtant une seule catégorie, afin d'obtenir un classement général plus facile et plus méthodique, comme aussi dans
les fluctuations temporaires et accidentelles occasionnées par la souplesse de l'organe vocal. Tout cela fait qu'une li-
mite fixe est aussi impossible à établir pour cet objet que pour la force musculaire en général. Telle basse, par
XL
- n'abuse pas de cette note et
exemple, montera sans un effort sensible jusqu'au gpj , si l'on si l'on n'y
vient de faire ; enfin elle donnera peut-être le ^ =; avec plus de peine, il est vrai, mais cependant d'une
manière satisfaisante, si le compositeur a bien ménagé l'attaque de cette intonation et s'il ne l'a point rendue
trop fréquente. L'octave aiguë du fa de la portée ^ ~~ est une note qui n'appartient guère qu'aux basses
solo. Il en est de même du jrzr . Ces deux notes peuvent se rencontrer dans de grands airs d'opéras,
mais très rarement dans des chœurs. Cependant on a prétendu, de nos jours, que Gluck avait employé très à propos ce
fa dièse dans le chœur des Scythes du premier acte à'Iphigénie en Tauride, et qu'il en avait éludé la difficulté par une
préparation ingénieuse : les basses, pour le donner, s'unissant aux ténors, et l'exécutant con portamento en partant d'un
ré placé immédiatement avant la note scabreuse, afin d'en faciliter l'attaque. Tout cela est fort bien , mais on n'a pas
fait attention que l'ancien diapason étant différent du nôtre et beaucoup plus bas, le fa dièse représenté sur la portée
n'était pas l'intonation dont cette note est le signe représentatif de nos jours , et que, moins élevée peut-être de plus
d'un demi-ton , elle n'offrait pas aux choristes les périls dont on leur attribue la gloire d'avoir triomphé.
Une remarque qu'il ne faut pas négliger, c'est qu'il dépend souvent du chanteur d'augmenter l'étendue de sa voix,
ou d'un de ses registres dans le haut, au moyen d'un effort plus ou moins considérable. Mais, dans le grave, la même
tentative serait impraticable, ou tout au moins infructueuse. Il n'y a, en effet, qu'une bonne manière d'émettre les
notes graves , c'est de poser doucement et simplement la voix ; le moindre effort nuirait à la pureté du son. Chacun
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 71
peut en faire l'expérience. Il est facile de constater que les dernières notes basses d'une voix quelconque deviennent
de plus en plus faibles et qu'elles ne peuvent être produites convenablement que par un relâchement de plus en plus
complet desmuscles du gosier. Si, par hasard, on veut essayer de renforcer ces notes et de leur donner plus de timbre
et de volume qu'elles n'en ont naturellement, la contraction qui en résulte n'engendre que des sons rauqnes et inad-
missibles dans le chant. C'est pourquoi le chanteur doit, en pareil cas, se contenter de ce que la nature lui donne, au
lieu de chercher à augmenter ses ressources vocales par un effort qui ne produirait rien de bon.
C'est dans cet espace que la voix se meut de la manière la plus naturelle, et, si l'on peut dire ainsi, la plus chan-
tante. Toutefois elle y rencontre quelques intonations qui exigent de la part du chanteur une attention particulière.
Communément, les basses n'emploient que les sons de leur voix de poitrine, bien qu'elles possèdent aussi un registre
—£t
de fausset auquel on peut assigner en général cette étendue ^ — : : . L'opinion que telle ou telle voix
n'a pas de fausset est une erreur complète. Il se peut que, faute d'études préparatoires, tel ou tel individu ne sache pas
produire les sons de fausset; il se peut encore que ces sons soient trop maigreset d'une trop mauvaise qualité pour pou-
voir être utilisés; il se peut enfin que leur timbre fasse une trop grande disparate avec le timbre vigoureux, et même un
peu rude, des sons de poitrine, pour qu'on se décide à en tirer parti dans des compositions d'un style sérieux ; mais cela
ne prouve pas que les voix de basse doivent être privées d'une propriété qui est celle de toutes les voix en général.
L'obligation d'unir les deux registres, de les rendre égaux sous le rapport du timbre et de la force des sons, présente
une difficulté qui demeure souvent insurmontable pour les basses et pour les barytons, et cette raison est venue s'a-
jouter à toutes celles qui ont fait dispenser les voix graves de l'emploi du registre de tête dont les ténors, au contraire,
font un très grand usage. Malgré cela, on conviendra qu'il serait fâcheux qu'un chanteur restât privé de cette res-
source pour avoir négligé les moyens de l'acquérir, quand la nature de sa voix s'y prêtait. Il y a en effet presque autant
de basses que de ténors qui possèdent un bon registre supérieur, et qui, par un travail assidu, réussiraient à le marier
avec le registre de poitrine, de telle sorte que les intonations des deux régions vocales seraient parfaitement en har-
monie. Quant aux individus qui ne sont point dans les conditions nécessaires pour obtenir un pareil résultat, ils feront
On distingue parfois les basses-tailles en basses profondes et en basses chantantes; mais, à vrai dire, cette distinc-
tion n'est pas très rigoureuse. Les basses profondes sont caractérisées par la facilité avec laquelle elles produisent les
notes les plus graves, ainsi que par la force, la plénitude, le mordant et la sonorité de leur timbre. Elles sont les plus
propres à donner un fondement solide et un caractère énergique aux morceaux d'ensemble, et surtout aux chœurs à
voix nombreuses. Les basses chantantes, plus souples, plus veloutées et plus mélodieuses que les précédentes, ont
moins de puissance dans les sons graves, mais plus de facilité pour la production des notes hautes. Elles sont très re-
cherchées dans lessolos et ne sont pas moins utiles dans les morceaux d'ensemble où les parties bien dessinées offrent
chacune un intérêt mélodique qu'il importe de soutenir.
En général, la basse grave proprement dite, ou basse-contre, se distingue par une sonorité puissante, mais tant
soit peu caverneuse et bien moins agréable à l'oreille que celle des autres basses. Elle est fort difficile à former, parce
qu'elle est, par sa nature, lourde et rétive. Il faut presque toujours de longues études pour parvenir à la rendre souple,
égale et docile ; encore ne se prête-t-elle jamais bien à l'exécution des passages un peu rapides et surtout des roulades.
2 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Il est difficile de mettre à profit son registre de fausset qui est généralement défectueux; mais, dans le grave, on aug-
mente parfois son étendue naturelle au moyen des sons artificiels du registre de contre-basse. Il est des contrées où les
basses-contre semblent à peu près exemptes des défauts les plus essentiels qu'on leur reproche ailleurs. Très rares et
très mauvaises en France, elles sont généralement très belles et très communes en Allemagne. On a déjà remarqué,
comme un fait assez étrange, que ce dernier pays a toujours eu le privilège de fournir les voix d'hommes les plus graves
La cantilène de la basse grave est à peu près une tierce au-dessous de la cantilène de la basse moyenne.
La basse haute, que l'on appelait autrefois en France basse-taille, c'est-à-dire ténor bas (1), que l'on a désignée aussi
par le mot de concordant, et qui est pareillement connue depuis plus d'un siècle sous le nom de àaryton (2), tient le
On distingue des barytons graves et des barytons aigus, ou, comme d'autres préfèrent s'exprimer, des barytons basses
et des barytons-ténors; mais ils ne diffèrent les uns des autres que par quelques notes de plus ou de moins k l'aigu ou
au grave.
~Zif
r-
U-GS
, encore ces dernières notes, et
surtout le ^ o
, sont-elles le plus souvent faibles, ou même impraticables. Dans le haut, la limite variable
Une limite rigoureuse n'existe pas entre ces deux voix. En général, les barytons participent du ténor et de la basse,
non seulement pour l'étendue, mais aussi pour le timbre et pour la puissance sonore. C'est une heureuse union de la
force et de la plénitude des basses, avec la douceur et le charme pénétrant des ténors. Ils ont la vigueur mâle et éner-
gique des premières, moins leur rudesse, et le timbre doux et mélodieux des seconds, moins leur sonorité molle, fluette
et quelquefois par trop stridente. Leur voix de fausset est bonne, et ils peuvent s'en servir avec avantage, surtout les
barytons nommés barytons hauts, lorsqu'ils n'ont point négligé les exercices prescrits pour développer ce registre et
pour l'unir au registre de poitrine; exercices qui leur sont bien plus profitables qu'aux basses, mais qui le sont encore
Ceux-ci occupent la région la plus élevée des voix d'hommes. On peut les diviser, si l'on veut, comme les basses, en
trois catégories : les ténors aigus ou haute-contre, les ténors moyens et les ténors graves. Les ténors moyens ou ténors
dits, qui sont les plus usités, ont ordinairement pour limite inférieure s '' s possèdent
proprement jUirm^rz:
—
»
x?
quelques notes de plus au grave, ces notes sont presque toujours tropfaibles pour être d'un bon usage. Le registre de
- Exiger de qu'il
le
H r dans ce registre, et même au besoin, et par exception, le ::g . lui
(1) Comme le prouve la note ci-après, le mot de basse-laille avait (2) « B aritono, en latin Baritonans. C'est ce que nous appelons
jadis une autre acceplion que celle qui lui est donnée de nos jours. Il » basse-taille ou concordant, qui va haut et bas. Ceux qui peuvent
s'appliqua dans l'origine au baryton ou bas ténor (taille et ténor sont » chanter cette partie peuventservir de taille et de basse en un besoin. »
synonymes), tandis qu'on s'en est servi depuis pour désigner la basse (Brossard, Dici. de mus., 2' édition, 1705.)
proprement dite. L'emploi de la dénomination de baryton prévient toute Le mot baryton n'est donc pas nouveau, même dans l'acceplion qu'on
équivoque à cet égard. lui donne aujourd'hui.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 73
aille au delà est une prétention ridicule. Rien n'est plus nuisible d'ailleurs aux intérêts mêmes de l'art du chant. Pour
satisfaire le caprice d'un public amoureux du nouveau et de l'extraordinaire qui l'écoute comme il suivrait de l'œil
un cheval fringant engagé dans une course de haies, tel chanteur s'efforcera d'atteindre jusqu'à Y ut de poitrine qu'un
rival heureux aura déjà risqué. Qu'en arrivera-t-il? Que, s'il a le bonheur de ne se point casser la voix dès la pre-
mière épreuve, il ne pourra manquer de l'altérer sensiblement à la longue par suite du violent effort que lui coûte
l'émission de cette fatale note. Combien d'heureuses organisations en ont déjà fait la triste expérience ! Ce résultat est
d'autant plus à craindre que la voix de ténor est assez délicate, et qu'elle se détériore rapidement si on ne la ménage
pas. Loin de là, certains compositeurs, d'accord avec les chanteurs eux-mêmes, prennent à tâche de la fatiguer et de
la détruire en l'obligeant à dépasser ses limites naturelles, ou bien en lui donnant trop souvent à exécuter des passage»
Chez les ténors, comme chez les basses, il y a une très grande différence entre le registre de poitrine et le registre
de tête. L'art du chanteur consiste à la dissimuler autant que possible et à en pallier le mauvais effet. Les ténors y
réussissent mieux que les basses, parce qu'ils ont, sous ce rapport, moins de difficultés à vaincre que ces dernières.
Un très bon exercice pour cet objet est celui que j'ai indiqué plus haut : il consiste à répéter tantôt en voix de tète,
tantôt en voix de poitrine, lentement d'abord et ensuite de plus en plus vite, les notes communes aux deux registres.
Quand on étudiera séparément les intonations du registre le plus grave, on se tiendra en garde contre les intonations
suivantes :
Elles sont difficiles à rendre avec le timbre clair, le seul pourtant qui fasse valoir l'éclat et la force pénétrante de
l'organe vocal. Il faut donc vaincre cette difficulté et employer d'abord le timbre clair, après quoi on pourra recourir
au timbre sombre, afin de s'habituer à rendre les mêmes notes également bien des deux façons. La voix de poitrine des
ténors se distingue en général par l'énergie et l'ampleur; le fausset présente presque toujours plus de fraîcheur et de
ductilité. Nous verrons plus loin qu'il est d'un grand secours dans toute espèce de composition d'un caractère doux et
affectueux. Au contraire, dans les morceaux d'une couleur très accentuée, sombre ou énergique, les sons doucereux
et flûtés du fausset sont tout à fait déplacés. En pareil cas, les compositeurs et les chanteurs doivent éviter de s'en servir
et ne faire usage que du registre de poitrine. Avec leur voix de fausset, les ténors peuvent facilement atteindre
-G-
Il faut remarquer que ces sons suraigus ont généralement une assez grande sonorité et un timbre agréable ;
tandis
que les premières notes du même registre, dans le grave, sont faibles et ne peuvent toujours être entonnées avec sû-
reté. Les ténors graves ont une étendue plus limitée que la précédente dans la région supérieure de l'échelle vocale ;
en revanche, ils descendent un peu plus bas que les ténors ordinaires. Cette espèce de voix sert rarement pour les
solos, mais on l'emploie dans les chœurs et dans les morceaux d'ensemble pour la subdivision vocale appelée : Second
ténor.
Quant à la haute-contre, c'est un terme moyen entre la voix d'homme et la voix de femme, entre le ténor et le con-
tralto. Elle peut embrasser en voix de poitrine toute l'étendue suivante :
à
et même plus.
Elle donne les notes élevées avec une facilité et une aisance qui manque au vrai ténor. Cependant, sous d'autres
(1) Dans un grand nombre d'opéras, les rôles de ténors sont si élevés, sulter les maîtres classiques, Mozart, Cherubini, C.-M. Weber, etc., pour
qu ils rentrent pour ainsi dire dans la cantilène de l'alto. Il faut con- apprendre à bien traiter ce genre de voix.
10
74 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
rapports, elle lui est inférieure. Ce genre de voix est du reste assez rare. On l'employait autrefois en France dans les
solos (1) et même dans les chœurs pour y tenir lieu dos contralti, qui, en Italie, étaient des castrats (2). Les contrées
méridionales avaient alors le privilège d'en fournir de fort belles, elles n'en possèdent presque plus aujourd'hui. Toutes
ces causes ont fait abandonner l'usage des hautes-contre pour lesquelles les compositeurs n'ont plus rien écrit depuis
longtemps. Il suffit donc de les mentionner ici en passant, afin de compléter les notions relatives à l'étendue et aux
CHAPITRE II.
Après avoir considéré l'étendue et les propriétés des voix d'hommes sous un point de vue général, il convient d'en
traiter aussi par rapport k l'objet dont nous nous occupons. Comme toutes les voix humaines, les voix d'hommes peu-
vent s'employer séparément ou réunies ;
mais, dans l'un et dans l'autre cas, les conditions de leur emploi ne sont pas
tout à fait les mêmes. Lorsqu'on écrit pour une basse, pour un baryton ou pour un ténor un morceau à une seule partie,
on suppose ordinairement que celui qui l'interprétera sera doué des principaux avantages que son genre de voix com-
porte. Dès lors, pourvu que l'on connaisse les principales règles dont j'ai parlé dans le chapitre précédent, on n'est pas
embarrassé pour traiter un solo quant k la partie matérielle de la composition. 11 n'en est pas de même, lorsqu'au lieu
d'employer les voix d'hommes chacune séparément en toute liberté, ou du moins selon l'aptitude quelquefois excep-
tionnelle de certains individus, on les réunit dans des productions musicales à plusieurs parties où il est essentiel
qu'elles se combinent sans se nuire réciproquement et toujours de manière k produire une harmonie satisfai -
santé. Or, les difficultés que l'on rencontre en pareil cas sont d'autant plus grandes que les morceaux k plusieurs par-
ties, et surtout les chœurs, ont très rarement pour interprètes des voix choisies ou des chanteurs doués d'un égal mé-
rite; ils sont presque toujours exécutés par des masses de voix comme la nature en crée le plus souvent, c'est- a-dire
médiocres ou seulement passables, et par des individus n'ayant pour la plupart qu'une très faible notion de l'art du
chant. Afin d'obtenir un effet satisfaisant avec des éléments aussi imparfaits, il convient d'apporter à l'étendue ordinaire
des voix des restrictions qui permettent d'utiliser de la manière la plus favorable les ressources assez bornées dont on
dispose dans la plupart des cas. C'est pourquoi I on a établi entre le diapason des voix dans les solos et le diapason des
voix dans les chœurs, une distinction dont les tableaux suivants feront apprécier les résultats.
Voix de tète
Ténor.
Baryton.
Basse.
(1) Le rôle d'Achille, dans YJphigenie en Aulide, de Gluck, et le rôle été une source d'erreurs de tout genre; quelques uns ont cru y voir
de Renaud, dans YArmide, du même compositeur, ont été écrits pour une traduction exacte du mot italien contralto, et ils en ont inféré que
des hautes-contre. l'étendue du contralto féminin et celle delà haute-contre étaient parfaile-
(2) En France, la haute-contre s'écrivait sur la clef d'tif, troisième ment identiques. Toujours est-il que l'on nomme parfois encore les
ligne, ce qui lit penser, dans d'aulres pays, que cette partie devait être hautes-contre contralti, ou même contraltini, en souvenir des anciens
chantée par des femmes. Cette expression de haute-contre semble avoir contralti, qu'elles remplaçaient, en France, d'une manière toute virile.
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 75
ou b-<
ii
~-
-
- ^-~-v
TÉNOR.
Baryton-.
ou
l r « Basse.
Basse.
Cette dernière étendue est bien plus bornée que celle des voix solo; eh bien , on peut dire qu'eu égard au peu de
moyens des chanteurs choristes, elle est peut-être encore trop développée. On l'admet toutefois dans certains cas et à
de rares intervalles; mais dans la pratique habituelle, et pour ce qui regarde l'ensemble de la composition, on préfère
en retrancher deux ou trois notes à l'aigu ou au grave, afin d'éviter d'un côté les sons trop fatigants et trop criards, de
l'autre les sons trop faibles et trop voilés. Le plus souvent on s'en tient aux noies du médium qui donnent la vraie
cantilène du chanteur. En conséquence, l'étendue qu'on peut employer sans crainte pour les choristes les moins habiles
est celle-ci :
.
'
ÇL ou _
fld 1
TÉNOR. r-^— —
Baryton.
ou
l re Basse.
Basse.
Pour faire une juste application des données qui précèdent aux chœurs d'hommes proprement dits, il est nécessaire
d'observer plusieurs choses et de considérer : 1° que des chœurs de celte nature peuvent être écrits pour le théâtre,
pour l'Église, pour des concerts et d'autres solennités musicales; 2° que, dans ces différents cas, ils peuvent êlreexé.
cutés avec ou sans accompagnement ;
3° qu'ils peuvent avoir des interprètes plus ou moins habiles choisis parmi des
artistes ou parmi des amateurs de différente condition ; h° que le nombre de ces interprètes peut être plus ou moins
considérable.
Toutes ces considérations influent directement sur la manière de traiter les voix dans les compositions polyphones.
Écrit-on pour des choristes de profession, on doit s'imposer toutes les restrictions dont j'ai parlé plus haut, puisque ce
sont principalement eux qui les ont motivées. Qui ne sait que l'éducation musicale des choristes laisse en général
beaucoup à désirer, surtout en France, et que leurs voix, par des motifs qu'il est inutile d'exposer ici, sont générale-
ment d une mauvaise qualité ou du moins très incultes? Les chœurs d'hommes sans accompagnement exécutés au
théâtre exigent donc des précautions particulières. Jusqu'à présent, vu l'inexpérience des chanteurs, ils n'ont pu se
produire avec quelques chances de succès qu'à la condition d'être très simplement écrits et traités comme les chœurs
dramatiques les plus ordinaires. C'est ce qui a pareillement eu lieu pour les morceaux sans accompagnement qui
alimentent le répertoire ordinaire des ouvriers orphéonistes. Destinés à toutes sortes d'individus ayant plus ou moins
de disposition pour le chant, ils ne contiennent aucune difficulté de style ou d'intonation. Les voix y sont maintenues
dans leurs plus étroites limites ; elles osent à peine se mouvoir en suivant une commune marche; elles n'accusent le
dessin mélodique qu'avec timidité et ne modulent pour ainsi dire pas. Point de traits, de passages figurés et en imita-
tions; mais une suite d'accords lourdement plaqués sur les syllabes du texte. La circonstance de l'inexpérience plus ou
moins grande des chanteurs soit parmi les choristes de profession, soit parmi les ouvriers orphéonistes, met donc les
76 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
compositeurs dans l'obligation de s'imposer volontairement toutes sortes d'entraves, mais ils sont toujours libres de
s'en affranchir autant que bon leur semble dès qu'ils rencontrent des interprètes d'un talent éprouvé.
Ainsi, on peut avancer que les sociétés orphéoniques possèdent à présent dans leur sein un noyau de chanteurs
d'élite pour lesquels il serait complètement inutile de réduire l'étendue vocale aux proportions qu'on lui assigne lors-
qu'on écrit pour des choristes vulgaires. Il suffit donc de rester dans les bornes qu'indique le second tableau pendant
la plus grande partie de la durée de la composition ;
mais de temps en temps, et surtout dans les solos, on peut monter
ou descendre davantage, suivant la nature des voix et l'effet qu'on veut produire. Quant aux parties d'accompagne-
ment, elles offrent moins de latitude à cet égard, parce qu'elles sont ordinairement exécutées par un assez grand
nombre d'individus ;
il en résulte qu'on observe, en ce qui les concerne, les limites ordinaires de l'étendue des voix
dans les chœurs. Les passages exécutés en tutti à l'unisson, c'est-à-dire par la masse chorale tout entière, permettent
quelquefois d'employer à l'aigu ou au grave des notes que l'on s'interdirait dans tout autre cas, de peur qu'elles ne
demeurassent inaccessibles a la majorité des chanteurs. La raison en est que, dans les tutti, les voix qui abordent faci-
lement ces intonations venant en quelque sorte au secours de celles qui hésitent à les donner ou qui ne les donnent
qu'avec peine, les circonstances défavorables de l'emploi de ces notes pour telle ou telle voix perdent leur effet, grâce à
Toutes les espèces de voix d'hommes dont on a parlé jusqu'ici peuvent servir à former des chœurs. Ordinaire-
ment, on réunit de préférence des voix de différente nature, tant pour éviter la monotonie que pour se ménager une
étendue vocale moins bornée. Cependant il existe des exemples de chœurs d'hommes composés pour un seul genre de
voix. La musique dramatique en contient plusieurs, et certains opéras nouveaux renferment des morceaux écrits de la
sorte qui produisent un bon effet. Il y a lieu de douter, néanmoins, qu'une pareille combinaison fût vraiment avan-
tageuse dans le cas où l'on en ferait usage sans y joindre un accompagnement d'orchestre. Les chœurs d'hommes à
plusieurs parties sont donc ordinairement écrits pour les deux genres principaux : ténor et basse. Je dis les chœurs
d'hommes à plusieurs parties, parce qu'il existe aussi des chœurs d'hommes à l'unisson, en d'autres termes des mor-
ceaux à une seule partie chantés par plusieurs voix, soit de la même espèce, soit d'espèce différente. Ces morceaux, du
reste, ne sont à proprement parler des chœurs que par rapport à la manière dont on les exécute ; la composition, n'étant
au fond qu'à une pa-tie, ne leur donne point par elle-même ce caractère.
Écrit à deux parties, un morceau d'ensemble comporte ordinairement une partie de ténor et une partie de basse ; à
trois parties, deux parties de ténor et une partie de basse ; à quatre parties, deux parties de ténor et deux parties de
voix extraordinaires pour l'exécution des chœurs d'hommes, mais seulement sur de bonnes voix d'un timbre éner-
gique et d'une étendue convenable (en moyenne deux octaves moins deux ou trois notes, ou même, selon le cas, une
octave et demie seulement), on a imaginé, pour donner plus de facilité aux chanteurs et aux compositeurs dans l'emploi
judicieux des ressources vocales, de scinder les deux parties de basse et de ténor, et d'admettre deux parties secon-
daires du même genre; division d'autaut plus utile et d'autant plus logique, qu'il existe, comme on sait, des basses plus
ou moins graves et des ténors plus ou moins élevés. En conséquence, dans les chœurs d'hommes à plus de trois parties,
on emploie un premier et un second ténor, une première et une seconde basse dont l'étendue reste fixée à peu près de
la manière suivante :
—OwyO — -
Ténor.^ ^ ^ Basse. -^-rr çsvP ^ Basse
Il arrive quelquefois que l'on emploie dans la partie de seconde basse mi ou mi bémol, au-dessous du fa le plus
grave. Cependant, comme peu de basses sont capables de donner convenablement cette note, on fait bien de la laisser
de côté le plus possible , à moins qu'on n'ait soin d'en préparer l'attaque d'une manière très habile, et en l'amenant
ne pouvait s'en passer. N'oublions pas une observation relative au si bémol aigu du premier ténor. Cette note, pour
faire un bon effet, demande à être donnée en voix de poitrine, ce qui oblige le chanteur à de grands ménage-
ments. Il est donc bien de l'employer avec beaacoup de réserve et de circonspection. En somme, l'étendue géné-
- \ 1
— »w
raie -a 1 r ; P eut être utilisée avec succès ,
pourvu qu'on évite de maintenir trop longtemps les voix
o
dans la partie la plus élevée de l'échelle vocale, ce qui ne tarderait pas à fatiguer extrêmement le chanteur (1).
J'ai déjà dit que le baryton, dans les chœurs, fait ordinairement l'office de première basse; c'est en effet comme tel
qu'il rend de très grands services dans les morceaux écrits pour voix d'hommes sans accompagnement. Quelquefois
aussi le baryton fait le rôle de second ténor ; il vaut cependant mieux l'employer comme seconde basse.
Les préceptes que l'on vient d'exposer relativement à l'étendue des voix en général et à celle de chacune de leurs
divisions en particulier, ne s'appliquent proprement qu'au genre de musique le plus ordinaire et le plus usité pour
chorales formées d'éléments très divers et quelquefois très imparfaits , mais pour des réunions d'élite composées de
chanteurs connaissant à fond les secrets, les finesses de leur art, et capables de faire chacun leur partie dans un mor-
ceau d'ensemble avec tout le soin, toute la perfection qu'on pourrait apporter dans l'exécution d'un air, d'un solo. Des
chanteurs de cette espèce sont ordinairement appelés à briller dans les compositions concertantes exécutées sans
doubler les parties sous forme de trios, de quatuors, de quintettes, de sextuors, et principalement dans les tyroliennes
dont quelques passages et surtout les refrains doivent être iodlés avec beaucoup d'art. En pareil cas, on a une partie
de premier ténor ou même deux parties de ténor, lesquelles exigent des interprètes possédant un fausset suffisamment
souple et sonore , en même temps qu'une longue habitude du mode d'émission requis pour ces sortes de chants. Les
barytons peuvent aussi concourir à l'exécution des tyroliennes, attendu qu'il en est beaucoup parmi eux, et surtout
parmi les barytons hauts, qui savent faire un bon usage de la voix de fausset, lorsqu'ils se sont livrés préalablement
aux études nécessaires pour développer ce registre et pour l'unir convenablement au registre de poitrine. Il est évident
que l'on peut étendre en pareil cas les limites ordinaires des ténors et celles de la première basse ou baryton, qui
\>£L
s'enrichissent alors de quelques notes à l'aigu. Ainsi, le ténor peut monter jusqu'à |
g — ; la première
jQ_
basse jusqu'à SE m . L'usage de la voix de fausset est, du reste, plus spécialement consacré aux tyro-
liennes, bien qu'il présente aussi des avantages pour des chœurs d'une expression douce , insinuante , fine et gra-
cieuse. On y renonce toutefois dans les morceaux d'ensemble d'un caractère mâle et vigoureux,- parce que le contraste
îles notes flùtées du fausset, avec les notes pleines et éclatantes du registre de poitrine, serait pour ainsi dire un
(1) Il est à remarquer que la prédominance des noies d'une cer- joie ou de détresse éclatera plutôt en notes aiguës, et un chœur sombre
taine partie de l'échelle vocale est quelquefois nécessaire pour donner et mystérieux, austère et solennel, affectera les sons graves. (Voy. le Sup~
a un chœur son caractère propre. Si les intervalles du médium con- plément à mon cours d'instrumentation considérée sous les rapports
viennent surtout à un chœur religieux doux et calme, un chœur de poétiques et philosophiques de l'art.)
78 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
CHAPITRE III.
Les considérations qui préoccupent un compositeur lorsqu'il crée un chœur pour voix d'hommes sans accompagne-
ment sont de deux sortes : les unes ont pour objet le caractère inhérent à ce genre de musique, ainsi que l'appropria-
tion nécessaire du texte et des formes mélodiques, rhythmiques et harmoniques à ce caractère tout spécial ; les autres
ont directement trait à la manière d'écrire pour les voix d'hommes, eu égard au mécanisme, au diapason et aux
qualités sonores de ces voix. L'étendue dans les bornes de laquelle l'harmonie doit se renfermer en pareil cas étant
sensiblement plus restreinte qu'il n'arrive dans les choeurs mêlés, c'est-k-dire composés d'hommes et de femmes,
faut, par cela même, une certaine habileté pour éviter la monotonie et le vide produits par ce défaut d'espace et
d'étendue. Cette habileté se révèle principalement dans la manière de choisir et de distribuer les intervalles des
accords. Le choix et la distribution des intervalles est, en effet, dans la matière dont il s'agit, un point d'une extrême
importance, et l'on peut dire que le secret de la composition pour voix d'hommes y réside en quelque sorte tout entier.
Déjà il n'est pas inutile de s'en préoccuper en créant le chant principal, car un chant qui aurait trop d'étendue et qui
descendrait trop souvent dans les cordes basses, par exemple, aux notes graves du ténor, courrait le risque de n'avoir
qu'une harmonie pauvre et terne. Ensuite, dans les accords même, le partage des intervalles entre les différentes voix
exige des précautions minutieuses, précautions dont les compositeurs, peu familiarisés avec ce genre de musique, ne
soupçonnent pas l'urgence. C'est pourquoi, dès le début d'un morceau, on peut facilement juger du savoir-faire ou
de l'ignorance d'un musicien en fait de composition vocale, rien qu'à voir la manière dont il a marié les parties et
groupé les intonations de l'ensemble harmonique de ses chœurs. On a cru, mais à tort, que pour donner de l'éclat et
de l'énergie à un morceau de musique chorale, il suffisait d'augmenter le nombre des parties intrinsèques de l'har-
monie, tandis qu'il est prouvé, au contraire, que certains passages écrits seulement à trois ou à quatre parties dans les
meilleures conditions de sonorité des voix, font plus d'effet, et paraissent plus pleins, plus nourris, plus riches et plus
éclatants, que d'autres où l'on en compterait cinq, six, sept, huit et même davantage, mais disposées sans discerne-
ment, et pour ainsi dire au hasard sons le rapport de la répartition des intervalles. L'importance de cet objet et la
différence des résultats qu'il amène, suivant qu'on le néglige ou qu'on en tient compte, s'expliquent en partie par les
entre chaque partie à peu près le même espace, et entre les termes de chaque intervalle place pour d'autres inter-
valles, on établit une sorte d'équilibre plus favorable au développement de la sonorité que quand on tient ces notes
tout à fait rapprochées les unes des autres, ou qu'on écarte celles-ci et qu'on groupe celles-là d'une façon irrégulière.
C'est pourquoi l'accord suivant, par exemple, ne fera pas, à beaucoup près, autant d'effet disposé comme suit :
zzz:
-G-
qu'il en fera s'il est écrit de cette manière
m ZZL.
JtT-
Cette dernière disposition est nommée dans les écoles harmonie large (1), ou plutôt divisée, par opposition au sys-
(1) ISharmonie large, que l'on cultive depuis longtemps en Alle- en outre de combler le vide que ses devanciers laissaient subsister entre
magne, surtout dans la musique religieuse, convient particulièrement la basse et les intervalles confiés à la main droite. Il est donc parvenu
aux chorals et aux pièces d'orgue. De nos jours Thalberg en a introduit à éviter l'effet mesquin que produisait naguère un chant exécuté sans
l'usage dans la musique de piano. Il a su obtenir, au moyen de l'exten- force et sans vigueur dans les régions élevées de l'instrument, tandis
sion des intervalles, une harmonie pleine, égale et sonore dans toute que la basse, qui semblait n'avoir aucune liaison avec ce chant, et qui
l'étendue du clavier. Cette nouvelle disposition d'accords lui a permis s'en trouvait éloignée de plusieurs octaves , faisait entendre tout au
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 79
tèrae qui consiste à superposer les intervalles sans mettre pour ainsi dire d'espace entre eux, surtout dans les parties
supérieures, système qui prend le nom d'harmonie serrée. Le bon effet de la première méthode est surtout appréciable
dans les régions graves de l'échelle où l'harmonie serrée, vu la lenteur des vibrations, paraît presque toujours terne,
lourde et confuse. Elle n'y est point d'ailleurs naturelle, comme nous l'indique le phénomène de la résonnance, lequel
engendre l'accord parfait et l'accord de septième dominante dans la position que voici :
Vfc 1 y.
/ O
Des observations précédentes on peut déduire les préceptes ci-après, touchant la manière de distribuer les inter-
valles dans les morceaux composés pour voix d'hommes. D'abord il faut soigneusement éviter de mettre les deux par-
ties inférieures à la distance d'une seconde ou d'une tierce, lorsque la partie la plus grave donne des notes telles
que Ainsi une disposition d'accords analogue à celle que l'on remarque dans les exemples
ci-dessous est vicieuse, en ce sens qu'elle produit une harmonie lâche, molle, confuse et sourde, qu'on ne parvient
à rendre tolérable que dans quelques cas fort rares. Le mauvais effet qui en résulte presque toujours est d'autant plus
sensible que l'accord est donné avec plus de force ou qu'on s'y arrête plus longtemps.
±22
-G-
f?Tf Y
Au contraire, des accords tels que les suivants, produiront une harmonie pleine et sonore.
MM 3b -Ml
3± •i-J.
1 a m P r jO Q'
-<9~
Q
-0- -0- -0- -0-
a a
-0- -0-
-0-
-0- -o-
~7T
l 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21
rj
grave un insipide bourdonnement de sons confus. Remédiant, par l'em- il s'en est suivi que la musique de Thalberg est réputée d'une interpré-
ploi des sons intermédiaires, à cette ridicule disproportion de sonorité, tation difficile pour quiconque n'a pas une très grande main. La pré-
je célèbre pianiste dont je parle a encore retiré de son système un autre sence des dixièmes qu'amènent très fréquemment les positions d'accords
avantage. Il a imprimé au mouvement des parties une grande souplesse et les mouvements de l'harmonie large est un inconvénient attaché à ce
et une grande aisance pour l'exécution et la reproduction des dessins système, car les pianistes n'ont pas, comme les organistes, la ressource
rhylhroiques et mélodiques, enrichissant ainsi musique de piano des
la d'un clavier de pédales. Cependant laméthode de Thalberg a fait
effets variés du style concerlant et figuré. Malheureusement l'écart des école, et l'on remarque, dans la musique moderne de piano, une ten-
doigU de l'exécutant ne répondant pas toujours à celui des intervalles, dance de plus en plus prononcée à imiter la facture des pièces d'orgue».
80 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Les numéros 1, û, 6 sont défectueux à cause du trop grand rapprochement des deux parties inférieures. Dans les
numéros U et 6, ce défaut ressort d'autant plus qu'il règne un plus grand nombre vide entre celles-ci et les parties
aiguës. Il y a là une disproportion insoutenable. Les autres dispositions sont toutes praticables avec plus ou moins de
succès. Les numéros 2 et 7, par exemple, sont moins sonores que les numéros 3, 8, 9 et 10. Quant aux numéros 13 et
tains intervalles qui doivent marquer fortement la couleur harmonique d'un passage d'après les exigences de la
situation et le sens du texte. Comme il importe que ces intervalles frappent plus particulièrement l'oreille, c'est au
genre de voix le plus capable de les faire ressortir, soit par son degré d'intensité, soit par la nature de son timbre
c'est à ce genre de voix, disons-nous, qu'il est bon d'en confier l'exécution. Un des principaux avantages de l'harmonie
large est de favoriser le mouvement des parties et l'emploi de dessins rhythmiques propres à augmenter l'importance et
l'intérêt de chacune d'elles, en même temps qu'à répandre une grande variété dans la composition. Or, pour con-
server aux parties une marche naturelle et chantante, il est souvent nécessaire de les croiser. On pose en principe à
cet égard qu'il faut presque toujours éviter de faire monter une partie au-dessus du premier ténor, à moins que la
différence du dessin rhylhmique ou mélodique, ou quelque circonstance analogue, ne permette de le faire sans détruire
ou affaiblir la prédominance du chant principal. Le croisement des parties intermédiaires est le plus facile à effectuer;
il est du reste assez fréquent. Une chose à considérer, c'est la différence de timbre et de diapason existant entre les
voix de ténor et les voix de basse. Or tout le monde sait qu'en écrivant un quatuor de violons, la différence de timbre
et de puissance sonore entre l'alto et le violon a des conséquences assez graves relativement à la manière de distribuer
les intervalles des accords; c'est pourquoi, dans le quatuor vocal, il est parfois utile de faire monter une partie inter-
médiaire de basse au-dessus d'une partie intermédiaire de ténor. On y est principalement forcé dans un cas que j'ai
indiqué plus haut, c'est-à-dire quand on a besoin de faire ressortir un intervalle et que cet intervalle est compris dans
la série des sons élevés de la voix de basse. En pareil cas, si l'on confiait cette intonation au ténor, il serait à craindre
qu'elle ne produisît pas assez d'effet. Quant à la partie la plus grave, on la fait rarement monter au-dessus d'une autre-
partie, surtout lorsque l'opération du croisement amènerait le deuxième ténor ou le baryton dans la région inférieure
de cette partie grave. La raison en est que les sons de cette région vocale, pleins et vigoureux dans une voix de basse
profonde, sont faibles et ternes dans une voix de baryton ou de second ténor. L'échange qu'en feraient ces voix serait
donc désavantageux sous le rapport de la sonorité. S'il est des cas où une voix grave dépasse la voix supérieure, sur-
tout dans le chant figuré où chaque partie redit à son tour le motif principal, il est très rare qu'une voix intermédiaire
descende plus bas que la seconde basse , non seulement par la raison que l'on vient de donner, mais parce que cette
licence, si elle se prolongeait, blesserait l'oreille, qui suit toujours en quelque sorte instinctivement la marche de la
basse. Cependant voici un exemple où l'une des voix intermédiaires croise la seconde basse, sans qu'il en résulte un
mauvais effet :
«— 19-
TÉNOK 1.
TÉNOR 2. 77
Basse 1.
3 P n
-&1
Basse 2.
Dans cet exemple, la première basse donne un fa pendant que la seconde basse fait entendre un sol. Toutefois si ce
*
SUR LE CHANT EIS CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 81
passage peut être toléré, il n'est pas moins vrai qu'on fait beaucoup mieux d'éviter de pareilles tournures dans la
réalisation de l'harmonie.
D'ailleurs l'exemple ci-dessus serait facile à rectifier en modifiant la disposition de la basse de la manière suivante :
gg||||j|Ég
=^=P=5 - -3*
Néanmoins, lorsque la parlièNle deuxième basse joue le rôle de partie chantante , ce qui arrive assez souvent, elle
qu'il soit tenu compte, en le pratiquant, des principales circonstances relatives aux divers timbres et aux divers
Les chœurs d'hommes sans accompagnement exigent, sous le rapport de l'harmonie, non seulement un style pur,
élégant et correct, mais aussi une grande variété unie k une simplicité de bon goût. On doit éviter d'y accumuler les
modulations, les dissonances, les combinaisons peu naturelles et les marches d'accords trop complexes. La puissance
de sonorité des voix et les différences de leur timbre suffisent en bien des cas pour donner k un simple intervalle, k
une modulation très ordinaire, un relief et une fraîcheur inattendus.
Ici, le fond de l'harmonie en lui-même importe beaucoup moins que la bonne disposition de l'harmonie eu égard
aux voix. C'est pourquoi un chœur d'hommes, susceptible des plus beaux effets lorsqu'il est interprété par des chan-
teurs, paraît souvent terne et insignifiant, privé de vie et d'intérêt, lorsqu'on se contente de l'exécuter au piano : ce
genre d'épreuve donnera des résultats d'autant moins satisfaisants que le morceau aura été composé pour un plus
grand nombre de voix ; car il est de fait que les productions destinées à de fortes masses chorales sont précisément
celles qui exigent le plus de naturel et de simplicité dans le choix et dans la succession des accords, aussi bien que
dans les modulations et dans la marche des parties. De telles productions renferment peu de dessins, peu de contrastes
mélodiques ou rhythmiques notes d'une assez grande valeur et en suivant
; les voixy procèdent en se reposant sur des
des mouvements analogues , sinon tout k fait identiques. L'hymne du Cycle choral intitulé Chant de victoire, peut ,
en vue d'une exécution à voix très nombreuses. Admettons un instant que tout en le destinant à de grandes masses
chorales ,
je me fusse contenté de l'écrire comme on écrit dans les cas ordinaires, il est certain que le but aurait été
manqué et l'effet nul. Il en serait de même, d'ailleurs si l'on voulait réduire ici le nombre des choristes, car cette
,
chœurs très nombreux. Quelque nourrie que soit cette harmonie, elle ne doit pas offrir une surabondance d'intervalles
qui l'alourdisse sans profit pour sa sonorité. L'harmonie plaquée , dans les chœurs d'hommes , n'est bonne qu'à la
condition d'éviter ce défaut. Elle doit être toujours pure, et, comme on dit en termes d'école , bien réalisée. Dans les
chœurs k plus de quatre parties, et surtout dans ceux k huit parties (doubles chœurs), il arrive souvent qu'on double
quelques parties k l'octave dans l'harmonie pleine ; mais cela ne constitue rien moins que des octaves défendues ,
comme pourraient le croire les ignorants ou les demi-savants, toujours prêts k voir des incorrections 1k où il n'y en a
pas, et jamais assez habiles pour en découvrir là où il y en a. Je pourrais citer une multitude d'exemples tirés des
grands maîtres, entre autres, les doubles chœurs de Haendel, qui prouvent que, loin de rejeter, ces suites d'octaves,
on doit les admettre dans l'intérêt de la plénitude de l'harmonie. Quant aux quintes consécutives, elles suivent
la règle générale sur l'emploi de ces sortes de successions. On sait depuis longtemps que les prohibitions dont
elles ont été l'objet ne sont plus aussi absolues, et que dans beaucoup de cas, notamment dans les accords de quinte
et sixte et de sixte augmentée, les quintes consécutives, ne blessant pas l'oreille, peuvent être admises sans scrupule.
H y a des choses plus importantes k observer relativement k l'application de l'harmonie plaquée aux chœurs d'hommes.
C'est qu'il convient que cette harmonie ait une signification réelle et qu'elle ne soit pas un vain remplissage, une lourde
et grossière marqueterie , comme en présentent ces fastidieux exercices de contrepoint simple que l'on préconise
il
82 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
dans les écoles pour l'étude des premiers éléments du style non fleuri. Ce serait d'ailleurs une erreur de croire que
l'harmonie plane n'est pas admise à profiter des ressources de la mélodie. On peut fort bien , au contraire , donner
aux différentes parties dont elle se compose , sinon une forme mélodique déterminée , du moins un tour chantant et
mélodieux en rapport avec le sens des paroles et l'expression générale du morceau. Du reste, toutes les fois qu'il ne
s'agit pas de chœurs à voix nombreuses, l'harmonie plaquée peut faire place au style figuré , d'où découle tout ce qui
donne du mouvement et de la physionomie à une composition, traits multiples, imitations variées , contrastes de so-
norité, oppositions de rhythmes et autres artifices propres à intéresser l'auditeur. Il est vrai que cette manière d'écrire
n'est pas celle qui a le plus généralement prévalu en France dans la musique chorale ;
longtemps on a cru que l'on
ne trouverait rien de mieux approprié aux voix masculines que l'harmonie plaquée ,
parce qu'elle est simple et d'une
exécution facile. Quoi d'étonnant, après cela, que l'on ait parlé de la monotonie des chœurs d'hommes! Sans doute ,
personne ne contestera que la monotonie ne soit plus difficile à éviter dans des chœurs de cette espèce que dans des
chœurs mêlés, c'est-à-dire composés d'hommes et de femmes ; mais en étudiant à fond les ressources et les propriétés
du genre, on reconnaîtra qu'elle n'y est pas autant à redouter qu'on le pense. Il suffit d'ailleurs de jeter les yeux sur
quelques bonnes collections de chants pour voix d'hommes, telles qu'en ont publié les C. Kreutzer, les C.-M. de Weber,
les Eisenhofer, les Bernhard Klein, les Zoellner et les Otto, pour repousser à cet égard toute insinuation décourageante.
En effet, la richesse et l'originalité qui distingue ces œuvres, et qui contraste d'une manière frappante avec la pauvreté
et la banalité d'un grand nombre de morceaux d'ensemble écrits en France, témoigne hautement des ressources que
présente ce genre décomposition, quand l'étude et l'expérience ont appris à y exceller. Les moyens de variété dont on
dispose pour l'objet qui nous occupe sont en grande partie empruntés à l'art même de la composition , et n'appar-
tiennent pas en propre à tel ou tel genre. Toutefois il en est quelques uns qui sont particuliers aux chœurs d'hommes.
Ces moyens de variété consistent :
1° Bans l'opposition naturelle qu'offrent entre eux les différents genres de voix d'homme sous le rapport du timbre. —
Déjà cette opposition se révèle d'une manière sensible entre la basse et le ténor, non seulement quant au diapason, mais
encore pour ce qui est du caractère intime et de la couleur propre de chacune de ces voix en particulier. Ainsi le ténor ne
laisse pas d'avoir beaucoup d'analogie avec la voix de femme tant par sa douceur naturelle et par sa flexibilité que par
ses ressources spéciales. C'est surtout dans la partie supérieure de son étendue, qu'une jeune et bonne voix de ténor
fait illusion à cet égard, car les notes qu'elle tire de cette région sortent comme si elles étaient entonnées une
octave plus haut qu'elles ne le sont en effet ; il en résulte que le ténor prend en quelque sorte le caractère d'un soprano
par rapport aux autres voix. On observe encore mieux ce fait singulier, lorsque le premier ténor, pendant tout le cours
d'un morceau, ou d'une longue période, se maintient dans les limites des sons : o — H semble
donc qu'un chœur d'hommes acquière par là, sous le rapport esthétique, une valeur dont l'absence totale des voix de
De même qu'il existe une opposition frappante entre les voix extrêmes d'un chœur d'hommes composé de basses et
de ténors, ainsi trouve-t-on incontestablement entre les voix intermédiaires une différence que toute oreille déli-
cate est apte à saisir. Enfin, aux dissemblances générales de timbre que présentent les principales divisions de la
voix humaine, il faut ajouter les modifications particulières qui résultent des nuances et 'des qualités propres à
chaque voix en elle-même , selon l'organisation ou la disposition du chanteur. Ces modifications, quelque légères
qu'elles soient, ne contribuent pas moins à varier les èffets de sonorité, si ce n'est dans les ensembles, du moins dans
ily a des chœurs qui n'ont que deux parties, d'autres en ont depuis trois jusqu'à huit èt davantage. A huit parties les
voix forment ordinairement un double chœur, c'est-à-dire deux chœurs simultanés, composés chacun de quatre parties,
deux de ténor et deux de basse. On peut aussi, dans le même cas, adopter une division semblable à celle que j'ai
employée pour quelques uns des chants sans paroles placés à la fin du Cycle choral; savoir : deux parties de premier
ténor, deux parties de second ténor; deux parties de première basse et deux parties de seconde basse.
,,
Il y a des morceaux ou seulement des passages qui admettent une, deux, trois parties principales et quelques parties
d'accompagnement, ou bien une, deux, trois voix principales et un chœur. Au surplus les arrangements de cette nature
varient à l'infini, et ce serait empiéter sur les droits du compositeur que d'indiquer ici toutes les versions praticables
3° Dans le nombre et la division des parties données à l'harmonie. — On peut donner à un chœur cinq, six, sept,
huit parties vocales, et plus encore, sans être obligé pour cela d'écrire l'harmonie de ce chamr à plus de deux, de trois
et de quatre parties. La somme des intonations nécessaires aux différentes parties vocales se complète alors en dou-
blant, en triplant et en quadruplant les intervalles des accords, en d'autres termes, les parties réelles (1) de l'harmonie.
Le nombre des parties varie pendant la durée d'un morceau d'ensemble. Évidemment, dans un chœur à deux parties
vocales, on ne pourra jamais employer à la fois que deux intervalles différents qu'on sera libre de faire alterner avec
l'octave ou avec l'unisson ; mais dans un chœur à trois voix, on se servira tantôt de l'harmonie à deux parties, tantôt
de l'harmonie à trois parties. Si le chœur est à quatre voix, il s'enrichira de l'harmonie à quatre parties, la meilleure
et la plus usitée dans ce genre de composition. Un morceau d'ensemble à plus de quatre voix admettra l'amalgame
de ces différentes combinaisons, de telîe sorte que certains passages seront à deux parties réelles, d'autres à trois,
d'autres à quatre. Il est rare que ce dernier chiffre soit dépassé. Cependant on emploie quelquefois cinq parties réelles,
mais dans la plupart des cas où il semble qu'on soit allé au delà, le fond de l'harmonie est tel qu'on vient de le dire,
plus les parties de doublement ajoutées aux parties réelles, afin de compléter l'ensemble.
h" Bans le choix, la succession et la position des accords, — Tout bon compositeur doit parfaitement connaître cette
matière, en ce qui touche directement la science de l'harmonie. Je n'ai donc pas besoin de donner à ce sujet des détails
techniques ;
je ferai seulement observer que le désir de produire des effets neufs et variés, de paraître fécond et original
d'émouvoir ou de surprendre son auditoire, n'autorise point à employer, dans le genre de composition dont il s'agit,
des combinaisons incompatibles avec le véritable style de la musique vocale. Des modulations trop fréquentes, des
transitions trop brusques, des progressions trop compliquées, enfin l'abus des dissonances, sont des écueils qu'il faut
éviter avec soin. Si l'on peut impunément innover sur beaucoup de points ,
principalement en fait d'har-
monie, quand on écrit pour les voix factices de l'orchestre, il n'en est pas de même, à beaucoup près, quand on com-
pose pour l'organe humain. Certains procédés, certains effets excellents dans le style instrumental, sont quelquefois
très déplacés dans le chant. Cela nous explique pourquoi tant de compositeurs qui réussissent parfaitement à manier
les forces instrumentales font souvent preuve d'inexpérience, et, qu'on me passe le mot, tâtonnent lorsqu'ils écrivent
pour les voix. Ou leur harmonie est incorrecte, fautive, ou elle manque de caractère et de sonorité. Chefs habiles et
sûrs d'eux-mêmes à la tête de leur orchestre, ils ne sont plus ici que de gauches et timides écoliers. Je pourrais citer
des musiciens d'ailleurs très estimables qui ne savent pas écrire correctement à deux parties, et qui disposent leur*
morceaux d'ensemble de la manière la plus niaise sous le rapport de l'effet vocal. Ce qui leur manque, ce n'est pas le
génie, ce n'est pas le talent, ce n'est même pas l'aptitude nécessaire pour devenir des musiciens complets, c'est uni-
quement l'expérience d'un genre de musique que ne connaît pas assez en France que
l'on et l'on y étudie trop super-
ficiellement. Pour réussir dans ce genre, il faut, de toute nécessité, avoir acquis les connaissances spéciales dont j'ai
5° Dans l'emploi du style figuré ou concertant. — Une suite d'accords constamment assujetis à la même marche
formant une masse compacte sans jours et sans éclaircies, reposant sur une donnée mélodique à peu près insignifiante,
telle est souvent la matière d'un chœur dans la musique française, surtout quand ce chœur est destiné au théâtre, où
l'on a toujours la ressource d'y joindre un accompagnement instrumental dont le style travaillé rachète jusqu'à un
certain point la pénurie de la partie vocale. Dans la musique pour voix d'hommes seules, cette ressource venant
à manquer, il faut bien que l'intérêt tout entier de la composition soit concentré dans le chœur même; il est donc im-
possible, pour peu que Ton ait du goût, de conserver longtemps des formes aussi simples. A la vérité un grand
nombre de morceaux destinés aux sociétés orphéoniques de Paris et de la province ne sont pas autre chose que des
chœurs syllabiques en accords plaqués, mais le peu d'intérêt qu'ils présentent et le peu d'effet qu'ils produisent, lors
même qu'ils sont exécutés par un nombre assez considérable de chanteurs, doit prouver, ce me semble, que l'on ga-
gnerait beaucoup à changer de méthode. Si l'on tient à obtenir un résultat plus satisfaisant, il est facile d'y parvenir
en appliquant aux compositions pour voix d'hommes les ressources si précieuses et si étendues du contrepoint libre,
du style figuré, et principalement de Y imitation (1). Sans doute un pareil système est moins expéditif que celui qui
avait prévalu jusqu'à, présent. Il exige du soin, de la réflexion, du talent, et par-dessus tout le génie ;de la création
mélodique.
C'est ici qu'il convient de distribuer dans les parties des dessins chantants et bien appropriés au caractère du
morceau. C'est ici qu'il faut donner à chaque partie même sa physionomie propre, selon le rang qu'elle occupe dans
l'ensemble et le rôle qu'elle joue vis-à-vis des autres parties. Les différentes voix doivent s'emparer tour à tour des
idées principales et des idées accessoires qui s'y rattachent ; elles doivent les reproduire, les varier, les combiner
et les opposer les unes aux autres, de manière à faire circuler de toute part, dans l'ensemble de l'œuvre, la chaleur
vitale de la mélodie. Ainsi, au lieu de n'être qu'un bloc harmonique fonctionnant lourdement tout d'une pièce,
le chœur, protée harmonieux, aura mille aspects; il se divisera, se fractionnera et se complétera de nou-
veau, tantôt ménageant ses forces sonores elles déployant une à une, petit à petit, tantôt les produisant toutes en
masse et du même coup. Dans ces évolutions successives , il s'identifiera de plus en plus avec le sujet de la
composition; il en développera le caractère, il en fortifiera l'expression, et sans rompre l'unité, il soutiendra l'intérêt
depuis la première note jusqu'à la dernière. Comme ce système permet aux voix de se diviser, d'alterner, de se ré-
pondre, de s'isoler, de se grouper, de former de petits ensembles partiels, et de se réunir ensuite en tutti, on n'a
pas de peine à se faire une idée des immenses ressources dont il est susceptible, pour varier les effets et les nuances
d'expression. Naturellement il importe de choisir des idées mélodiques qui se prêtent à cet intéressant travail, lequel
se fait ordinairement dans le style libre. Ainsi les mots imitation, strette, contrepoint figuré, n'ont point cette fois le
sens rigoureux qui leur est donné dans les études scolastiques, et surtout dans la fugue, si ce n'est quand il s'agit de
morceaux d'ensemble pour voix d'hommes d'un caractère tout à fait religieux, comme les motets, ou présentés sous
forme de canons. Les différents procédés de l'imitation et les différents artifices du contrepoint figuré appartiennent
donc ici, je le répète, au style libre, et nullement au style rigoureux. L'essentiel est de bien faire chanter les parties,
de leur donner une marche facile, coulante et mélodieuse (2). Sur ce point la partie la plus grave (la deuxième basse
(1) Les musiciens savent tous que le genre d'imitation dont on parle il sait que tous les intervalles, toutes les progressions n'ont pas la môme
ici consiste dans la reproduction plus ou moins exacte, entière ou par- valeur et ne présentent pas la même facilité pour le chant. Sans doute
tielle, d'une phrase musicale entendue d'abord dans une partie quel- les successions diatoniques ne sont pas les seules que l'on puisse cm-
conque, et passant ensuite dans une autre partie. Voy. ma Théorie et ployer dans une mélodie; on peut y introduire aussi très fréquemment
abrégé du contrepoint et de la fugue (Paris, Chabal), p. 46. des intervalleschromaliques, mais on n'oubliera pas que plus ces dernier*
,2) Un compositeur qui a fait de bonnes éludes n'est pas embarrassé s'éloignent des proportions diatoniques, plus ils sont difticiles à entonner,
de remplir cet objet ; il connaît les règles de la mélodie et les applique ; Tels sont, par exemple :
Comme la plupart de ces intervalles ne se prêtent pas aux mouve- les admet sans restriction, pourvu qu'elles soient habilement traitées.
ments naturels du gosier, et qu'ils demandent à être préparés par le Toujours est-il que le bon sens commande de n'employer que des inter-
chanteur, il faut éviter d'en abuser, surtout dans les traits rapides. valles qui ne soient pas d'une intonation trop difficile. En serait-il
Dans tous les cas, on cherchera à en faciliter l'exécution en leur assi- autrement, on courrait risque de produire des successions bizarre»
gnant des valeurs rhythmiques d'une assez grande durée. Les théoriciens indignes du litre de mélodies. D'un autre côté , ce serait un grand
considèrent les progressions qui ne sont pas expressément formées de tort de rejeter tout ce qui n'est pas précisément inexécutable,
notes appartenant à l'échelle comme artificielles, et il les désignent par lorsque la circonstance promet d'en attendre un bon effet. C'est aux
ce nom. chanteurs à se prémunir contre les difficultés d'exécution par des lec-
Autrefois certaines de ces progressions étaient sévèrement défendues à tures assidues et de longs exercices sur tous les sauts d'intervalles ima-
dans les quatuors) réclame toute l'attention du compositeur. C'est elle, en effet, qui sert, en quelque sorte, de fonde-
ment à l'édifice vocal, et qui donne le plus de relief à l'harmonie quand elle est traitée d'une manière habile. L'obli-
gation de rendre cette partie aussi mélodieuse et aussi chantante qu'il est possible, se complique ici de la difficulté
que l'on éprouve, par suite de l'étroitesse de l'étendue générale des voix, à former une harmonie suffisamment pleine jet
nourrie dans l'espace assez borné que laissent entre eux la basse et le chant. Toutefois, avec un peu d'étude et d'expé-
On observera que ce système domine surtout dans les Pensées d'amour (voy. n° 14). Comme les morceaux d'ensemble
auxquels on en fait l'application sont plus riches en dessins mélodiques , en traits rapides, en contrastes de rhylhme
et de sonorité que les chœurs ordinaires, il est urgent, dans l'intérêt d'une bonne exécution , de n'employer en pareil
cas qu'un petit nombre de chanteurs , et de réduire l'ensemble choral aux proportions d'un chœur simple , c'est-à-dire
Le compositeur profitera encore de cette circonstance pour obtenir des combinaisons de sonorité au moyen desquelles
il lui soit facile de varier les répétitions d'une idée musicale , selon la couleur propre à chaque genre de voix et à
chaque espèce de registre. Toute partie peut faire son entrée en exposant une phrase, un dessin mélodique quelconque ;
mais si ,
pour l'exposition du motif principal ou d'un passage qui doit plus particulièrement ressortir, on a soin de
choisir une voix dont le timbre et le caractère réponde parfaitement au sens des paroles et à la nature du sujet , on
aura le mérite de produire dans un chœur des effets analogues à ceux qu'on obtient dans l'orchestre par suite du choix
et de l'échange raisonné des instruments eu égard aux propriétés esthétiques de leur timbre. Ainsi reconnaît-on que
tel motif, tel passage est mieux interprété par tel ou tel genre de voix, on fait en sorte, toutes les fois qu'il est néces-
saire de le rendre plus saillant, suivant une intention déterminée , on fait en sorte, dis-je , de laisser prédominer la
voix qui s'y apparente le mieux en employant momentanément celle-ci comme voix solo. Pour tout ce qui demande
une expression grave, austère, énergique ou solennelle, il vaut souvent mieux faire usage des basses que des ténors
et dans le cas contraire des ténors que des basses. Ces considérations s'appliquent surtout au début du morceau, à ce
qu'on pourrait appeler Y exposition. Dans le Chant d'hymen ( n° 9 du Cycle choral ) , c'est la seconde basse qui débute
seule et commence la phrase principale :
Je l'ai choisie de préférence à toute autre, parce qu'elle m'a paru la plus propre par sa gravité et son ampleur à
rendre les idées exprimées dans le texte, à peindre le temple antique où s'accomplit avec pompe et solennité la pieuse
cérémonie de l'hymen. Lorsque le compositeur voudra contier aux voix, de l'aigu au grave, ou réciproquement, une
gamme ou un trait d'une assez grande étendue, il le partagera entre les différentes voix ,
mais en ayant soin de bien
marier les timbres, de façon qu'à l'endroit où une voix cède le pas à l'autre, le point de soudure reste inaperçu. Ainsi,
en passant par chaque genre, ténor, baryton et basse, il aura soin de faire entrer les parties nouvelles sur une note
qui sorte sans effort , et il fera quitter le trait aux anciennes avant qu'elles aient perdu l'éclat de leur timbre. Une
chose en outre non moins utile à observer dans la plupart des cas, c'est qu'à chaque changement il y ait un petit pas-
sage ménagé de telle sorte que les voix qui se substituent l'une à l'autre chantent un instant les mêmes notes, ce qui
Pour donner un exemple de cette manière de répartir un dessin mélodique ascendant ou descendant entre les voix
du chœur, je citerai la phrase suivante que j'ai écrite dans le Chant de baptême (voy. n° 3 du Cycle choral, p. 10 ) :
86 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDERATIONS GENERALES
TÉNOR 1.
TÉNOR 1.
Ténor 2.
Basse 1. elc.
Basse 2.
p^-ft —H— ê— ê— ==ê- f — elc.
A sa vie,
e, heu- reux voy - a - ge ; Dieu juste, é - par - guez.épargnezl'o-ra - ge,
L'opposition des timbres que l'on doit éviter dans les traits continus qui sillonnent pour ainsi dire l'ensemble
choral de l'aigu au grave, et qui contiennent l'exposition d'une seule et même idée mélodique , sont , au contraire ,
d'un très bon effet dans les traits en imitation, qui contiennent la reproduction sous diverses formes d'une idée de ce
genre; ainsi, dans ces sortes de traits, la seconde basse peut fort bien répondre immédiatement au premier ténor, et
il n'est pas indispensable, quoique cette disposition soit une des meilleures et des plus fréquentes, d'employer les voix
du chœur dans leur ordre naturel, c'est-à-dire, supposé que le premier ténor commence , de faire entrer ensuite le
second ténor, puis la première basse, et enfin la seconde basse ; ou , dans le cas contraire , d'observer le même ordre
en sens inverse. Voici pour la manière de disposer les voix, dans l'imitation vocale, quelques exemples que j'emprunte
encore aux Chants de la vie.
Dans la prière n° 2, aux mots : Accorde-nous la foi, j'ai placé une imitation à l'unisson, dans laquelle les voix se
répondent et s'échelonnent de la manière suivante : Seconde basse, première basse ; second ténor, premier ténor. Dans
le chant Sur la mort d'un artiste , la phrase mélodique Repose en paix, noble
,
athlète , est confiée à la première basse ,
puis au second ténor, qui la répète immédiatement à l'unisson, puis encore à la seconde basse, qui l'exécute à l'octave
inférieure. Entre en dernier lieu le premier ténor. Dans la reproduction de ce passage les voix sont disposées de la ma-
nière suivante : Second ténor, première basse ; seconde basse, premier ténor. Voici ces différentes versions :
^0
PRIERE. [Voyez Les Cua>Vts de la Vie, n" 2, page 8.
Té:nor 1. etc.
TÉNOR 2.
335
•lfa m î r etc.
3
Ac cor - de - nous la foi qui sau-ve,qui sau
Basse 1.
es 2L
P ' etc.
Basse 2.
TÉNOR 1./
Re
Basse 2
6>
m - - De
etc.
*3É3Ê
l'art prê
'
- tre
m
glo - ri -
?2r:
eux, De
etc.
etc.
SE
- lè - -
mte, De
etc.
.m;
TÉNOR 1.
Re-
PP
Tékor
4 zr g h h f | ^7:
22;
2.
zz:
Re- pose en paix, noble ath lè - te, De l'art _prê tre glo-ri eux, De
•-
m/t. 1 - U2- PP
Tasse 1. -jf—3-
iêi
n
Re- pose en paix,noble ath lè te, Repose en
mf.
Basse 2. apil -V—
î y?
etc.
|| Cl*
m
- a.
•
H
s
etc.
|
etc. js
— & 2 etc. |
- lè - te, De
38 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
7° Dans l'emploi alternatif des effets de succession et de simultanéité des voix. — Ou les voix d'un chœur se font
entendre toutes ensemble, en suivant la même marche, ou la masse chorale se scinde et se divise par groupes, lesquels
alternent et se répondent ; ou les voix débutent isolément l'une après l'autre, s'échelonnent et viennent se réunir dans
le tutti. Les retours alternatifs d'une harmonie complète et de solos d'une assez grande étendue, ou seulement de
quelques courts passages exécutés solo dans telle ou telle partie, produisent toujours un excellent effet. Ils éveillent
l'attention et empêchent l'intérêt de s'affaiblir. Rien aussi ne contribue davantage au charme et à la variété d'un
chœur que l'usage des formes du duo et du trio venant se mêler à celles du chœur même. Ainsi , pendant que ce der-
nier poursuit doucement son cours en ménageant sa puissance de sonorité, quelques voix solos que l'on peut à volonté
doubler et tripler, se détachent tout à coup de la masse pour former elles-mêmes un tout complet , soit comme trio,
soit comme quatuor. Il arrive assez souvent, en pareil cas, que les voix solo concertent entre elles, tandis que le chœur
exécute des accords plaqués, ainsi que cela se pratique souvent au théâtre dans les morceaux d'ensemble. Quelquefois
aussi les parties principales concertent et dialoguent avec le chœur. Il y a un excellent effet à produire en composant
ce dernier de Brumm&timmen et en l'employant sous cette forme pour accompagner les voix solo. J'ai fait usage de
cette combinaison dans le refrain de la barcarolle, n" 17, p. 71, des Chants de la vie. Là, les deux parties supérieures,
ténors 1" et 2", chantent en duo, tandis que le chœur, composé de Brummstimmen, exécute un accompagnement piano,
Dans cette espèce d'accompaguement, comme dans tout autre accompagnement vocal de quelque nature que ce soit,
il ne faut jamais que les voix prédominantes ou parties principales soient couvertes et étouffées par la trop grande
sonorité du chœur, comme par sa facture trop compliquée et inutilement surchargée d'accords. Jusque dans les pas-
sages où le chœur alterne avec ces voix pour faire diversion et former des contrastes, il est bon que l'on trouve entre
eux des rapports qui les rattachent à l'unité jde conception dont la composition tout entière doit porter l'empreinte.
8° Dans l'emploi de l'unisson mêlé aux effets d'harmonie. — Confié à de grandes masses vocales, l'unisson est quel-
quefois d'un entraînement irrésistible. On peut s'en servir pour des traits fort courts, comme pour des périodes d'une
certaine durée: dans le premier cas, il est surtout de mise quand les accords devraient se succéder trop rapidement,
ou que l'harmonie engendrerait de trop grands intervalles entre les parties eu égard à l'étendue générale des voix; d:ms
le second cas, il s'emploie principalement avec succès lorsqu'un sentiment sympathique vient à éclater tout à coup;
enfin on s'en sert aussi très avantageusement dans les passages qui seraient susceptibles d'offrir des difficultés d'exé-
cution à un grand nombre de chanteurs. Écrits de cette manière, ils sont plus faciles à entonner, et l'on est d'autant
plus sûr de l'effet qu'ils produiront, que l'hésitation ou le défaut de justesse dont pourraient encore faire preuve cer-
taines voix, est complètement dissimulé par la puissance sonore de toutes les voix réunies en masse.
9° Dans les modifications de l'intensité du son. — En thèse générale, un chœur chante fort ou piano; mais ici, comme
dans le quatuor d'instruments à cordes, on fait toujours en sorte, dans le traitement particulier des voix, que celles
qui ont à exposer une mélodie ou un dessin mélodique employé à titre de contre-motif, ou destiné à produire un con-
traste avec une autre voix, prédomine et soit mise en relief par la nuance d'exécution que l'on adopte. Au nombre
des effets qui tiennent aux modifications du son , il faut placer Yécho vocal. On entend par ce mot la répétition d'un
passage donné ordinairement en imitation, ou bien la réponse à une figure mélodique dont l'exécution s'effectue par
une transition soudaine du piano au forte, et vice versa. L'écho vocal est surtout à sa place dans les tyroliennes, et en
général dans les chœurs d'hommes d'un caractère pittoresque. Notre chant sans paroles intitulé la Chasse en contient
des exemples. Il y a une manière très ingénieuse de le pratiquer, c'est celle dont se servit un jour, dans une fête mu-
sicale, à Presbourg, la société hongroise de chœurs d'hommes en chantant le lied de C.-M. de Weber : la Chasse de
Lutzoïv. Pendant un fortissimo exécuté par huit voix, quatre autres voix chantaient pianissimo, afin de préparer l'écho
qui allait suivre. En effet, lorsque les huit voix eurent terminé leur fortissimo , ces quatre autres voix continuèrent
leur pianissimo , comme elles l'avaient commencé, sans la moindre interruption, et formèrent naturellement ainsi
1 écho en évitant la rupture brusque que détermine presque toujours, dans le système ordinaire d'exécution, le passage
du fortissimo au pianissimo. Je crois que ce procédé est susceptible d'une application plus générale. Par exemple, un
accord donné fortissimo par huit voix et en même temps pianissimo par quatre autres voix , ces dernières continuant
quand les autres ont cessé, imprimerait à l'écho vocal quelque chose de vaporeux ,
d'éthéré, dont l'effet ne serait pas
.
sans analogie avec celui que Dreyschock produisait sur le piano par un artifice que j'ai expliqué dans le supplément
à mon Traité général d'instrumentation. Toutefois cet effet de sonorité , transporté aux voix, serait plus fructueux et
Dans les compositions à un grand nombre de voix, on a souvent recours au solo ou bien au tacet d'une partie de la
masse chorale pour rendre certains passages piano. Du reste, toutes ces nuances dépendent du goût et de la volonté du
compositeur, qui ne doit pas négliger de les indiquer minutieusement lorsqu'il écrit la partition d'un morceau, afin
d'obtenir sous ce rapport une exécution de ta plus rigoureuse exactitude.
10° Dans les modifications du mouvement. — Tout le monde sait à quel point le choix du mouvement principal influe
sur le caractère d'une composition ; mais ce qui contribue non moins puissamment à varier les moyens d'expression,
de même qu'à soutenir l'intérêt, ce sont les modifications dontle mouvement est susceptible dans le courant même du
morceau. Un des effets les plus avantageux dont on puisse se servir consiste dans un rallentando bien ménagé, accom-
pagné du crescendo général de la masse du chœur. Rendu avec art, un pareil rallentando fait merveilleusement valoir
la belle sonorité des voix d'hommes. Ces sons virils qui s'éteignent lentement , derniers soupirs de la mâle harmonie
que l'on vient d'entendre, ont la majestueuse et mélancolique sérénité du soleil couchant qui disparaît à l'horizon vers
la tin d'un beau jour. Les morceaux d'un caractère religieux finissent souvent de cette manière ; il n'y a rien de plus
propre à fortifier leur impression sur l'auditoire. On trouvera des exemples pour cet objet dans les Chants de la vie.
Len°2, la Prière, entre autres, se termine par un largo de plusieurs mesures; le Chant funèbre sur la mort
d'un artiste, par un adagio, et la Tempête ,
par une suite d'accords exécutés ahdante sostenuto. On peut aussi placer
quelques accords d'un mouvement lent au commencement du morceau, non seulement comme artifice de composition,
mais encore afin de réunir les voix, de les grouper, de les affermir et de les préparer ainsi à l'attaque du motif principal
(voy. Chants de la vie, n°l). Ces accords, conçus en manière de prélude, ne sont pas toujours exécutés sur des
paroles; on peut simplement les vocaliser ou bien y placer soit des appels, comme je l'ai fait dans la tyrolienne du
Cycle choral, intitulée TAsile, soit des exclamations comme celles dont je me suis servi dans le début de la Tempête
Un temps d'arrêt de toutes les voix sur un ou plusieurs accords, dans un passage d'un mouvement rapide, n'est pas
moins propre à éveiller l'attention. Plusieurs morceaux du Cycle choral en contiennent aussi des exemples.
11° Dans l'emploi du iodler, des Brummstimmen, des vocalises, du chant articulé sur les syllabes tra la la, et de
plusieurs autres effets particuliers. — On a déjà parlé plusieurs fois, dans le courant de ce travail , du caractère et des
propriétés du iodler et des Brummstimmen. L'emploi du iodler est admissible dans un grand nombre de productions
où doit régner un sentiment doux et simple , naïf et tendre. Cette forme est en quelque sorte à la musique vocale ce
que l'églogue est au genre littéraire. Quelque profit que Ton en puisse tirer pour varier l'expression de certains mor-
ceaux, il est bon de n'en être pas prodigue et d'en restreindre l'usage à des circonstances parfaitement bien appropriées.
Quant aux Brummstimmen, ce procédé ne contribue pas moins à varier la couleur des morceaux pour voix d'hommes.
11 convient également aux sujets sérieux et aux sujets de demi-caraclère ; on l'emploie d'ailleurs dans tous les styles.
Les Brummstimmen sont principalement d'un excellent effet dans les accompagnements d'une teinte mystérieuse et
voilée. Une seule partie ou toutes les parties d'un chœur peuvent se chanter de cette manière , soit du commence-
ment à la fin d'un morceau, soit seulement dans quelques passages. Le compositeur a soin d'indiquer cet effet sur sa
partition par les mots con bocca chiusa. Les vocalises se combinent souvent avec les Brummstimmen, c'est-à-dire que
certaines voix du chœur chantent en vocalisant, tandis que d'autres chantent con bocca chiusa. Quelquefois on y mêle
aussi le chant articulé sur les syllabes tra la la. Ces combinaisons se pratiquent surtout dans les refrains , toutes les
Indépendamment des artifices dont il vient d'être fait mention , il existe encore certains effets d'imitation vocale
qui ne laissent pas d'avoir du charme lorsqu'ils sont bien rendus. Ces effets résultent principalement de l'imita-
tion des instruments par les voix. Les chœurs pittoresques qui terminent la collection des Chants de la vie offrent des
exemples de l'emploi de ce procédé. L'espèce d'imitation dont il s'agit n'est point comique , à moins qu'on ne la rende
telle à dessein ou par l'effet d'une exécution inhabile. En Allemagne , et généralement dans tous les pays où la mu-
sique d'ensemble pour voix d'hommes est parvenue à un haut degré de perfection , on en fait surtout usage dans les
12
90 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
chœurs que Ton se plaît à exécuter durant les expéditions terrestres ou nautiques de chanteurs touristes , tels que
marches, chasses, barcarolles, etc. Pour la traiter convenablement, il faut connaître aussi hien les instruments que
les voix.
Tels sont les principaux moyens de variété que l'on peut mettre en œuvre dans le détail d une composition vocale
pour voix d'hommes ; mais il en est d'autres d'une application générale que je n'énumère point ici, et qui ressorlent
naturellement tant de la nature du sujet que du cadre dont on fait choix pour le traiter. Ceci me conduit à parler
succinctement des principales formes que l'on peut assigner aux chœurs d'hommes sous le triple rapport du plan, du
style et de la conduite du morceau. Cette matière sera traitée dans le chapitre suivant.
CHAPITRE IV.
La variété dans la création des chants pour voix d'hommes ne dépend pas seulement des procédés de détail, elle
dépend aussi des divisions générales de l'ensemble, et du caractère spécial du morceau. Les formes à assigner aux
productions pour voix d'hommes sont assez nombreuses; elles comprennent différents genres et différents styles, parmi
lesquels le compositeur choisit selon l'aptitude particulière de son talent et le but qu'il désire atteindre. Il n'entre
pas dans mon plan de passer ici en revue et d'analyser, sous le rapport technique, toutes les combinaisons que l'on
a déjà imaginées. Fort peu de ces combinaisons appartiennent en propre à la musique pour voix d'hommes. On -s'est
généralement contenté de choisir des coupes depuis longtemps connues, et de les approprier à ce genre de musique
en leur appliquant les règles dont celui-ci est particulièrement l'objet, règles qui ont été exposées dans les précédents
chapitres. En Allemagne, où le chant d'ensemble est une des parties constitutives de la musique nationale, nous ren-
controns des psaumes, des motets, des chorals, des cantates, ainsi qu'une foule de lieder et de chants moraux arrangés
ou composés exprès pour chœurs d'hommes. On peut même citer quelques exemples de messes, d'oratorios et d'opérette
servant de cadre à l'harmonieux ensemble des voix masculines. De ces diverses productions, les unes sont traitées
dans le style sévère, les autres dans le style libre ; d'autres dans un style mixte qui participe à la fois des deux pré-
cédents. Il y en a qui sont écrites seulement à deux parties; d'autres à trois, à quatre, à cinq, à six, à sept et à huit
parties, sinon davantage. On en compte un grand nombre conçues de telle sorte, qu'elles peuvent s'exécuter avec ou sans
accompagnement. L'accompagnement ad libitum, que l'on joint souvent à ces sortes de compositions, est uniquement
destiné à soutenir les voix en cas d'hésitation de la part des chanteurs. Cependant il y a des occasions où il a pour but
d'ajouter à la couleur locale et pittoresque du morceau, témoin celui de l'orgue dans les chorals protestants arrangés k
quatre parties pour voix d'hommes, ou bien celui des cors dans quelques lieder et dans quelques quatuors de chasse,
que les musiciens touristes de l'Allemagne se plaisent à exécuter dans leurs excursions. L'accompagnement de piano des
chœurs d'hommes est surtout utile pour les études et les répétitions; mais on fait bien de s'en passer, s'il est possible,
quand le morceau est su, et quand on en vient à l'exécution définitive. Au point de vue de l'esthétique musicale, un
accompagnement de cette espèce nuit au charme de l'harmonie vocale, car le piano, instrument à intonations fixes, a
quelque chose de froid et de sec qui l'empêche d'être entièrement en relation sympathique avec les voix. Néanmoins
des chœurs d'opéras ou d'oratorios écrits d'après les principes de la composition pour chœurs d'hommes seuls peuvent,
quand on en reconnaît l'urgence, être soutenus de temps en temps par l'orchestre ou par quelques instruments qui
jouent piano ou pianissimo, afin de retenir les choristes au diapason, et d'empêcher les voix de faiblir et de baisser.
Un accompagnement de celte nature, doublant seulement les accords du chœur, et pouvant être supprimé quand on
SDR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 91
veut, n'est qu'un guide pour les chanteurs qu'il aide à bien entonner, comme le souffleur aide aux acteurs à bien
réciter leurs rôles. En conséquence, il n'enlève point à la composition son caractère de chœur pour voix d'hommes
seules.
Au nombre des formes musicales les plus usitées jusqu'à ce jour en Allemagne dans le genre dont il s'agit, figurent
les chorals, les psaumes, les motets, les cantiques spirituels ou chants spirituels (religioese Gesaenge), les Lieder ou
chansons profanes, notamment les chansons nationales et patriotiques, et les chansons à boire ou chansons convi-
vales (Trinklieder, Commerslieder, Tafellieder). Celte dernière espèce a formé pendant longtemps la portion la plus
considérable du répertoire des Liedcrlafeln. Ainsi que je l'ai dit ailleurs, elle était souvent traitée sous forme de
canon. On a surtout écrit de cette manière, non seulement des pièces bachiques, mais toutes sortes de chansons
comiques et burlesques. En Allemagne, dans les séances et festins lyriques, le canon alternait avec le Rundgesang
que Naegeli, en le développant et en l'enrichissant des artifices du contrepoint, avait approprié aux chœurs d'hommes.
Le Rundgesang ou ronde vocale qui, dans le principe, n était qu'une sorte de Lied avec un chœur plane de quelques
mesures pour le refrain, s'était transformé, sous la plume de l'habile professeur de Zurich, au point de devenir
assez semblable à une petite cantate; il réunissait des solos alternatifs et des tutti traités dans le style fugué. L'usage
du canon et du Rundgesang semble avoir commencé la vogue des chœurs concertants, mêlés de solos, sortes de compo-
sitions qui, par certains procédés de facture, tiennent du motet et du madrigal, tandis que les chœurs de musique
plane, c'est-à-dire purement en accords et d'un seul et même rbylhme, reproduisent plutôt la marche simple et un peu
monotone du choral, tel qu'il se pratiquait à l'époque où l'on entreprit d'écrire à trois et à quatre parties les prières du
culte évangélique. Les chœurs planes constituent la forme la plus ancienne et la plus populaire du chant pour voix
d'hommes; les chœurs concertants et figurés en sont la forme la plus moderne et la plus artistique. De la façon dont on
écrivait autrefois les chœurs planes , ceux-ci n'étaient, à vrai dire ,
qu'un simple travail harmonique entrepris sur un
antus firmus dans la musique sacrée , sur un Lied dans la musique profane. Pour les compositeurs vulgaires , toute la
difficulté d'un pareil travail se réduisait à la solution de ce problème: Trouver l'harmonie d'un chant donné. Qu'en est-
il résulté? Qu'un grand nombre de chœurs planes du répertoire des sociétés de chant polyphone ne sont pas autre chose
que de mauvais ou de médiocres arrangements d'airs profanes ou de mélodies religieuses. Je n'en excepte pas une assez
grande quantité d'anciens Lieder que l'on chante encore, Lieder que les étudiants,' les francs- maçons, les ouvriers,
les passages donnés comme refrain, jusqu'à ce que la mode étant venue de chanter tout le morceau en harmonie,
on eût enfin une composition musicale qui cessa d'avoir pour fondement le chant solo en chœur et prit le carac-
tère d'un chœur harmonique où le solo n'intervint plus que passagèrement pour faire diversion au concert général
des voix. Les Lieder en chœur, que l'on appelle en Allemagne Chorliedcr, sont généralement conçus dans ce système.
11 en est de même de beaucoup de productions appartenant au répertoire de nos sociétés orphéoniques. Les morceaux
traités de la sorte sont les plus faciles à exécuter, les plus faciles à écrire; mais il faut beaucoup de talent et d'ima-
ginative pour réussir à en déguiser la monotonie et la pauvreté. Souvent ils n'ont pas même de phrases solo, attendu
qu'il y a des morceaux de cette espèce pour ainsi dire entièrement dénués de mélodie ou n'ayant du moins qu'une ac-
centuation mélodico-rhythmique sans caractère. Les voix s'y combinent de telle sorte que la première partie entraîne
tout le reste. Les autres parties règlent leurs mouvements sur les siens et se bornent à une sorte d'accompagnement en
contrepoint de note contre note. Naegeli est un des premiers qui aient senti la nécessité de modifier cette forme; il est
un des premiers qui aient conseillé l'emploi du style figuré et des différents contrepoints, notamment du contrepoint
fleuri, pour répandre quelque variété dans les Chorlieder. C'est lui qui a fait voir l'excellent parti qu'on peut tirer de
l'imitation et du genre fugué dans la musique vocale d'ensemble pour voix d'hommes. De tels principes, de tels
avis devaient insensiblement nous conduire où nous sommes arrivés, c'est-à-dire à une forme de composition qui
contracte de plus en plus les vives allures de la musique concertante. En effet, toutes les parties s'animent , se colo-
rent pour contribuer à augmenter, à entretenir l'intérêt ; elles ont chacune tant pour le rhythme que pour l'harmonie,
une valeur propre, une marche distincte, un caractère individuel, et cependant elles sont toutes reliées entre elles par
les lois immuables de l'unité. Au contraire, dans la musique plane , il y a presque toujours une partie qui l'emporte
en intérêt sur toutes les autres ; celte partie prédominante est ordinairement la première. Or celte prédominance con-
9'2 RECHERCHES HISTOMQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
tinuelle de la partie supérieure est le défaut ordinaire des compositions pour voix d'hommes dont le thème principal
affecte les allures sentimentales delà romance, ou tend à se rapprocher du genre italien. D'anciens maîtres allemands,
entre autres Michel Haydn (1), Call, Schulz et Reichardt, dont les œuvres eurent une grande vogue au delà du Rhin ,
dans les premières Liedertafeln, ont été accusés de nos jours, par leurs compatriotes, de n'avoir pas toujours parfaite-
ment saisi le caractère du genre qu'ils cultivaient, non seulement parce qu'ils ont donné à la plupart de leurs mélodies
des traits trop doux, trop efféminés, mais encore parce qu'il leur est arrivé souvent d'accorder à la partie supérieure
un relief excessif, une prépondérance absolue. Naegcli rattache l'origine de ce défaut à l'influence de Gluck qui, dans
les chœurs de ses opéras , concentrait toute la force , toute la puissance de l'idée musicale dans la partie supérieure.
Quoi qu'il en soit, on reconnaîtra aisément que cette manière de procéder nuit d'autant plus à un morceau de musique
d'ensemble, pour voix d'hommes, que la partie qui domine ainsi présente davantage le caractère puéril et anodin d'un
chant de romance ou d'un air de vaudeville. Malheureusement il y a beaucoup de thèmes de trios, de quatuors et
d'autres compositions pour chœurs d'hommes qui n'ont pas un caractère plus relevé. Ceci peut servir à nous expliquer
pourquoi certains morceaux d'ensemble qui joignent à une facture correcte une mélodie agréable ne font pourtant
aucune impression sur les auditeurs, quand ils ne leur occasionnent pas une sorte de malaise. La raison en est que ces
morceaux ne répondent qu'imparfaitement à l'idée que l'on se fait des traits vigoureux , mâles et accentués d'une
harmonie virile. 11 faut donc en conclure que telles formes, telles tournures mélodiques qui sont parfaitement à leur
place dans une tendre romance, dans une gracieusechansonnette, dans la cavaline, ou l'air brillant d'une prima donna,
doivent être rejetées des productions interprétées par une réunion de chanteurs du sexe masculin. Un compositeur qui
a sérieusement étudié les propriétés esthétiques du chant pour voix d'hommes ne s'y méprend pas. 11 y a loin toutefois
de ce qui précède à des défenses absolues, à des restrictions exclusives, comme voudraient en faire admettre quelques
écrivains didactiques qui ont traité en Allemagne la question que j'aborde ici. À les entendre, pour conserver à la
musique de chœurs d'hommes un caractère d'élévation et de puissance virile, il ne faudrait rien moins qu'en bannir
les inspirations gracieuses et tendres. Ils n'ont pas vu, ou n'ont pas voulu voir à quoi nous réduirait ce puritanisme
exagéré. Pour éviter les lieux communs et les fadaises du style érolique et badin ,
objet de leur légitime censure, il
faudrait se priver, si on les écoutait, du puissaut et généreux concours de cette muse jeune et féconde qui préside aux
plus belles années de l'adolescence virile, qui inspire le poète et qui doit inspirer le chanteur, la muse de l'amour !
Dire que les éléments puisés à cette source sont incompatibles avec la destination morale et civilisatrice du chant pour
voix d'hommes, c'est avancer une absurdité, sinon proférer un blasphème. Le premier des sentiments profonds et du-
rables auxquels l'homme s'abandonne après l'enfance ; celui qui marque pour ainsi dire ses premiers pas dans la vie,
et qui lui ouvre comme les portes de l'existence sociale, celui qui développe dans son âme les instincts généreux, dans
son esprit les grandes idées, celui enfin qui est à la fois le principe et le but de la plupart de ses actions ;
celui-là il
lui serait interdit de l'exprimer dans les chants qu'il consacre à devenir le langage intime de son cœur, l'expression
fidèle de tout ce qui constitue sa noble individualité? Qu'on bannisse les chauts d'amour, quereste-t-il ? Il reste, dira-
t-on, les chants religieux, les chants nationaux, les chants de guerre et les refrains à boire : avec cela on peut encore
alimenter le répertoire des chœurs d'hommes. Et d'ailleurs, il y a tant de choses à chanter! Après avoir célébré les
beautés de la nature, on chantera l'amitié, cette douce sœur de l'amour. Les voix s'uniront fraternellement en invoquant
d'augustes images : Dieu et la patrie. Qui, sans doute, de tels sujets sont faits pour inspirer de majestueux, de pompeux
accents ; mais il est difficile d'admettre qu'ils puissent enfanter des productions exemples de froideur et de monotonie.
Une musique toujours grave, toujours austère, pourrait plaire quelque temps ,
mais elle manquerait d'agrément et de
charme; comme les femmes qui ne sont que belles , elle régnerait sans séduire. Voudrait-on y répandre des teintes
plus vives, plus émouvantes en recourant à l'inspiration guerrière ou à l'élan bachique, on aurait à craindre de la
rendre ou cynique ou brutale. Il y a dans les mœurs, dans les habitudes du sexe auquel est échue la force en partage,
des tendances qu'il faut Modifier, adoucir; il y a des ardeurs, des désirs qu'il faut tempérer : or, si l'amour a quelque-
fois pour effet d'embrasser et d'échauffer le cœur de l'homme, s'il excite souvent ses passions fougueuses et réveille ses
instincts violents, il a aussi le privilège de tout modérer en lui, de tout purifier, de tout ennoblir. C'est donc en vertu de
ce côté moral de son rôle qu'il mérite d'occuper une placeparmi les sujets dont s'inspire le plus fréquemment la musique
vocale pour voix d'hommes. On n'oubliera pas cependant que, dans la joie comme dans la tristesse, en chantant l'amour
comme en chantant la guerre, la condition fondamentale est de conserver des accents qui ne dérogent, point à la dignité
naturelle du sexe viril. Tout ce qui est puéril, fade, efféminé, maniéré, devient ici un contre-sens. La musique de
chœurs d'hommes doit présenter en général un caractère de noblesse et d'élévation, et conserver ce caractère jusque
dans les productions plaisantes et récréatives que se permet la fantaisie du poète, ou celle du compositeur, afin de dé-
lasser l'esprit et de le porter a la gaieté. Pour se complaire à ces innocentes badineries, les gens de goût exigent qu'elles
soient relevées par la valeur musicale de la composition. Ils veulent que les morceaux du genre comique soient le fruit
du savoir uni à l'inspiration. Autrement de pareilles œuvres n'amuseraient que les ignorants , et nuiraient au
progrès de l'art.
Toutes les conditions dont on a parlé ci-dessus étant consciencieusement remplies, il y a lieu de diviser le chant
pour voix d'hommes, au point de vue esthétique , en trois classes principales. Dans l'a première figurent les compo-
sitions dont le caractère est la vigueur, la plénitude, l'énergie, l'élan pompeux ou la solennité majestueuse, telles que
les chœurs religieux , les chants de guerre et les chants patriotiques. Dans la seconde se placent les chœurs dont l'ex-
ainsi que d'autres morceaux récréatifs. On voit que les restrictions dont il a été question plus haut ne conduisent
pas à la monotonie, et que la variété des sujets, aussi bien que la variété des formes, est acquise au chant
choral pour voix d'hommes. 11 suffit, sous ce rapport, que les compositeurs fassent appel à leur imagination,
il n'est pas dit que toutes les formes dont ce genre de musique est susceptible se réduisent à celles dont
on a parlé précédemment. On peut en inventer de nouvelles, on peut en modifier d'anciennes au moyen d'ar-
rangements nouveaux. Quant aux dimensions des morceaux , elles sont facultatives, même à l'égard des productions
dont la coupe est depuis longtemps arrêtée. Il faut en dire autant des divisions intérieures de ces morceaux qui
subissent différents modes d'arrangement au gré du compositeur. Je me contenterai d'indiquer ici les principaux
cadres dont on s'est servi jusqu'à ce jour quant à la manière de réunir les voix; à ces cadres s'appliquent
toutes sortes de combinaisons, entre autres celles dont j'ai déjà dit quelques mots dans le chapitre précédent :
1° le
chœur à voix nombreuses, ou chœur proprement dit; 2° le morceau d'ensemble solo , c'est-à-dire celui dont chaque
partie n'admet qu'un seul chanteur, ou du moins n'en comporte que deux ou trois au plus ;
3° le chœur double, qu'il ne
faut pas confondre avec le chœur doublé; k" le morceau d'ensemble complexe admettant une, deux, trois, quatre voix
principales doubles ou non doublées (en allemand Solo Stimmen) et un chœur. La plupart des chœurs à voix nombreuses
demandent à être écrits simplement, et doivent être assez courts quand ils ne sont pas coupés par des solos. Dans ces
sortes de chœurs, l'ensemble l'emporte sur les détails. Il n'en est pas de même dans les morceaux présentés sous forme
de trios, de quatuors, de quintettes, de sextuors, de septuors solo, c'est-à-dire exécutés par le nombre de voix rigoureu-
sement nécessaires, ou bien par un très petit nombre de voix doublant celles-ci. De toutes ces formes, celle du quatuor
vocal ou quartett est la plus avantageuse pour faire valoir l'harmonie des voix d'hommes dans ce qu'elle a de fin, de
délicat , d'intime et de pénétrant. Le plan général de cette espèce de composition ne rappelle nullement la coupe du
quatuor instrumental ; on remarque néanmoins entre ces deux formes musicales, quant à la manière de traiter et de
gouverner les parties, une certaine analogie de style et de facture. Les dimensions du quatuor varient suivant la nature
du sujet et la coupe du poëme que l'on met en musique. La même chose a lieu pour le quintette , le sextuor et autres
morceaux d'ensemble solo. En général, ces compositions exigent qu'on y déploie les richesses du style concertant ;
elles gagnent à être traitées d'une manière à la fois libre et savante : libre pour la forme, savante pour le fond. Elles
se prêtent merveilleusement au développement des idées piquantes et originales, à l'emploi de toutes sortes d'artifices
et de combinaisons. Pour les écrire, on peut choisir des cadres tout faits ou bien en essayer de nouveaux. Il n'est pas
de règle à donner sur ce point. Dans mes Chunts de la vie, où je me suis proposé la plus grande variété possible ,
j'ai
employé des divisions auxquelles je ne crois pas que personne ait encore songé. Une des combinaisons qui m'a paru
le plus propre à soutenir l'intérêt ou à le ranimer dans beaucoup de situations, consiste à faire alterner des phrases de
texte d'un sens achavéou des périodes entières avec divers chants sans paroles, donnés le plus souvent comme refrains,
94 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
lesquels servent dans ce cas à développer, à compléter le sens de ce qui précède par de nouveaux accents plus vagues,
mais plus intimes que ceux qui accompagnent le texte (1). Ces chants sans paroles doivent être comme le cri du cœur
répondant à la pensée. Je les ai conçus à titre de neumes de la musique profane, mais on tant que le mot neumes est
pris dans la signification qu'on lui attribue, quand on cite le passage suivant de saint Augustin, comme donnant l'ex-
plication de l'origine et de la destination des neumes sacrés. « Ceux qui chantent, est- il dit dans ce passage, lorsqu'ils
» ont commencé à exprimer leur allégresse en récitant d'abord les paroles de quelque air qu'ils chantent, se trouvent
» ensuite comme transportés d'une si grande joie qu'ils ne la peuvent plus exprimer par des paroles ; ils laissent là les
» paroles ne pouvant plus s'astreindre aux syllabes, et ils se répandent librement en cris de joie confus qui n'ont rien
»d'articulé. Ainsi , cette jubilation est comme un soii qui marque que le cœur enfante au dedans ce qu'il ne peut
» produire au dehors. » C'est donc principalement pour peindre les transports de l'âme, l'ivresse des sens, le paroxysme
de la gaieté et de l'enthousiasme que l'on peut employer avec avantage de tels accents. Cette manière de chanter
étant celle qui se rapproche le plus de la nature a quelque chose de naïf, de pittoresque et d'imprévu qui s'éloigne
des formes et des procédés de convention, et qui, par cela même, répand dans la musique vocale d'ensemble une cer-
taine grâce et une certaine fraîcheur.
Si le choix et la création d'une mélodie importent au plus haut point dans la matière dont nous traitons , le choix et
la disposition d'un texte convenable n'influent pas moins sur le mérite des chœurs pour voix d'hommes. La première
chose à observer concernant cet objet, c'est que les paroles, comme tout texte destiné à être mis en musique, se prêtent
aux exigences de la composition vocale. Il est nécessaire, en outre, qu'elles répondent aux propriétés caractéristiques
des chœurs d'hommes. Enfin, il n'importe pas moins qu'elles aient une valeur littéraire et poétique suffisante. Toute
pièce de vers ne saurait donc être convenablement appropriée à cette destination. Cependant on a cru pendant quel-
que temps, surtout en Allemagne, qu'un texte quelconque pouvait s'adapter à un chœur d'hommes, sans qu'une relation
intime entre le sens des paroles et celui de la musique fût d'une absolue nécessité. C'était, en matière littéraire, suivre
les errements vicieux de certains compositeurs italiens, qui forgent pour toute espèce de situation des airs ayant la
même- coupe, les mêmes formes harmoniques , les mêmes dessins et les mêmes fioritures, quelle que soit d'ailleurs la
signification des paroles, tragique ou bouffe, triste ou comique, respirant la haine ou l'amour ; méthode qui consiste à
faire dire à la musique tout ce qu'on veut , si bien qu'à fin de compte , elle ne dit rien qui vaille. Lorsqu'on écrit des
poésies tout exprès pour des chœurs d'hommes, il faut non seulement s'appliquer à trouver un sujet en rapport avec
la forme musicale que le compositeur choisira, cantate, hymne, lied, mais aussi Lenir compte du mode d'exécution du
morceau, et voir s'il s'agit par exemple d'un solo de musique d'ensemble, c'est-à-dire d'uue pièce exécutée par autant de
Dans le premier cas le texte doit être plus intéressant, plus varié, plus soigné en général sous le rapport de la versi-
fication, qu'il ne convient de l'exiger dans le second cas, attendu que des paroles composées, je suppose ,
pour un
quatuor dont les parties sont simples ou seulement doublées, ont plus de chance d'être parfaitement entendues et
jugées par les auditeurs, que n'en a un texte confié à des masses qui d'ordinaire n'en laissent saisir que quelques mots
au passage. Ajoutons à cela que l'exécution des morceaux d'ensemble à un petit nombre de voix se fait presque tou-
jours dans des salles de concert , ou dans des salons d'amateurs , devant une assemblée choisie , tandis que celle des
chœurs composés pour des masses chorales a le plus souvent lieu en plein air, au milieu d'une foule presque unique-
ment occupée de l'effet vocal, et qui, accordant toute son attention à la musique , se montre peu exigeante pour l'intérêt
A l'égard des combinaisons auxquelles l'union des paroles et de la musique peut donner lieu, il existe deux versions
principales : ou des strophes différentes se chantent sur une seule et même mélodie, ou bien un même texte est répété
entièrement ou partiellement avec une musique différente. Dans le style concertant il arrive maintes fois qu'un groupe
de chanteurs isolés se borne à répéter une phrase déjà entendue, ou commence une nouvelle phrase pendant que
d'autres achèvent la phrase précédente. Mais le tutti général ramène ordinairement les mêmes paroles dans toutes les
parties, à moins que le morceau ne soit une de ces productions du style comique ou bouffon dans lesquelles chaque chan-
(1) Voyez les morceaux du Cycle choral intitules : Chant de fêle, Sérénade, Chaut des bateliers, Les matelots, elç.
SU II LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 95
tcur a un rôle particulier et joue un personnage diiïérent. En pareil cas, chacun dit ce qu'il doit dire suivant les senti-
ments qui raniment, ou les conditions particulières dans lesquelles il se trouve placé. Dès lors la musique d'ensemble
expose à la fois des situations et des sentiments divers, quelquefois même contradictoires, que l'on a soin d'amalgamer
de manière à former des oppositions très plaisantes. Pour remplir un pareil cadre avec succès , il est essentiel que la
verve du poëtc excite celle du musicien. Ceci nous amène à dire quelques mots des éléments composant la troisième
classe de chants pour voix d'hommes, c'est-à-dire celle qui renferme des morceaux plaisants, imitatifs et satiriques. Je
ne saurais mieux nv acquitter de ce soin qu'en passant en revue et en citant comme échantillons de style comique
quelques unes des facéties musicales les mieux réussies qui se trouvent dans une assez volumineuse collection de mor-
ceaux de ce genre que j'ai formée sous le nom de Curiosa. La plupart des productions qui présentent sous cette forme
un mérite incontestable au point de vue de l'art sont dues à des compositeurs allemands. Voici d'abord un recueil de
chants hurlesques à quatre parties pour voix d'hommes, publié par Truhn, chez Schlesinger, àBerlin. Le n" 1 du pre-
mier cahier, intitulé Ziegenlied, contient une imitation drolatique du cri de la chèvre :
LU Jl, M JLA U-
Mek, me-rek, mek, mek, mek, mek, mek, me - re-mek, mek.
-|
Le numéro suivant, qui n'est pas autre chose que le Lied si populaire du poète Chamisso, dont le refrain spirituel :
Der zopk de?- haengt ihm hinten, serait difficilement traduit en français, nous offre une autre imitation plus musicale,
celle du rire, que tant de compositeurs ont employée avec plus ou moins de succès, et qui est reproduite ici d'une façon
très heureuse. Dans le second cahier, un morceau intitulé : Der tambur (le tambour) , est combiné de telle sorte
que le premier ténor solo exécute une mélodie sur des paroles burlesques -avec lesquelles le chant est parfaitement en
rapport, tandis qu'un chœur à quatre parties fait entendre un accompagnement imitatif où le roulement du tambour
entremêlé de coups de grosse caisse, dm-.... rataplan, pumdrr-um, produit un tapage martial très amusant. Zeitungs-
Cantate (le Journal -cantate deW. Taubert) est une facétie à quatre parties, dans laquelle les exécutants se mettent en
quatre pour annoncer chacun, à grand renfort de réclames, toutes sortes de marchandises. La Carte du restaurant, de
Charles Zocllner (Leipzig, Fr. Kistner), autre quatuor comique, nous étourdit agréablement du bruit d'un chœur de
garçons de café, énumérant tous les mets en si bémol. Les gastronomes n'auront pas moins de plaisir sans doute à
écouter ladrolatique production de M. Kunz, écrite pour quatre voixd'hommes, et deux voix qui sifflent leurs parties,
afin d'imiter, devinez quoi ? Le petit bruit causeur de l'eau qui, bout brr...., et celui de deux Imoedel, sortes de bou-
lettes, cuisant dans celte eau, zsch... On pourrait croire qu'une pareille idée frise la niaiserie, et cependant rien de
plus sérieusement traite sous le double rapport de l'harmonie et du style que cet ingénieux quatuor. Quoique du bur-
lesque le plus complet (les deux boulettes causent ensemble, se prennent de querelle et s'entament mutuellement), ce
chœur présente un travail de contrepoint très habile, ainsi que des imitations dont l'auteur a tiré un parti non moins
avantageux que piquant. Toutefois ce morceau doit être parfaitement rendu pour produire un effet vraiment co-
mique ; or on ne peut se dissimuler qu'il présente d'assez grandes difficultés d'exécution. Sous le titre de Tabacks-
cantate (Leipzig, Fr. Hofmcister) , Julius Miller a écrit un quatuor dans lequel nous trouvons une fugue, ou plutôt
une parodie de fugue, puis un air de basse solo avec un accompagnement d'orchestre simulé par les voix du chœur,
lesquelles s'escriment à rendre toutes sortes de traits, de dessins, de passages appartenant en propre à la musique
instrumentale. On a de Gruniiaum (Leipzig, Fr. Hofmeister) un trio comique pour deux ténors et une hasse, intitulé :
Die belouschten liebenden , dans lequel les deux ténors chantent un duo sur les charmes de l'amour, tandis que la
basse, de sa voix grave à cheveux blancs, s'efforce de leur enlever leurs douces et trop fragiles illusions. Je citerai
encore Die Vocale (les voyelles) de Neithards, Die vier Temperamente (les quatre tenq éramcnls) de Sehnyder de War-
tenséc, et la plupaitdes morceaux comiques de Julius Otto, si répandus aujourd'hui en Allemagne, dans les Liederta-
feln, comme tout ce que le même auteur a puhlié pour chœurs d'hommes. Acôlé de ces plaisanteries musicales viennent se
placer une grande quantité de chansons plus ou moins divertissantes, et d'autres dont le sujet n'appartient pas préci-
sément au genre comique, mais dans lesquelles se produisent des effets imitatifs dont l'intention se rapporte évidem-
ment à ce genre. Il faut dire que, revenant à une idée dont l'antiquité et le moyen âge ont déjà fait l'application, on
96 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
a composé et publié récemment , tant en France qu'en Allemagne , des chants spéciaux pour différentes professions et
différents corps d'artisans. Sous ce titre : les Métiers, un de nos compositeurs les plus féconds, les plus spirituels et les
plus populaires, Adolphe Adam, a commencé une intéressante série de chants professionnels qu'il a sans doute l'intention
de compléter. Avec son entrain et sa verve ordinaires, il caractérise chaque métier par l'imitation musicale d'un bruit
qui le rappelle. Ainsi il reproduit le gémissement nocturne des boulangers : hein ! hein! le tin tin tin et le tic toc des
horlogers, le ohé des canotiers, des grenouillards, des rivoyeurs et des flambarts de la Seine, le clic clac des postil-
lons (1), le pan pan des charpentiers, ainsi que le bruit de leur scie et de leur rabot. Plusieurs de ces morceaux,
adoptés par des sociétés d'orphéonistes, sont déjà dans toutes les bouches et charment les loisirs de l'ouvrier.
JuliusOl to, dont je parlais tout à l'heure, et dont les Liedertafeln d'Allemagne se disputent les nouvelles productions,
a publié, comme on sait (2), une volumineuse collection pour chœurs d'hommes, intitulée : Ernst und Scherz. Dans
les seizième et dix-septième cahiers de ce recueil, nous trouvons une suite de chants sortis de sa plume et figurant des
scènes de la vie d'étudiant (burehicoses Leben). L'auteur a souvent pris pour thèmes de ses morceaux des Lieder très
connus et chantés par la jeunesse des écoles ; il en a su tirer des effets d'un comique de bon aloi. Dans une fête de
chant vocal donnée à Dresde au mois de mars 18^7, on eut l'idée de mettre en scène ces chœurs d'étudiants avec les
costumes , l'attirail et l'action comico-dramatique qu'ils comportent. A cet effet, on dressa un petit théâtre et l'on se
servit d'un orchestre qui liait par des phrases intermédiaires les divers numéros de chaque chœur (3). Ce fut proba-
blement le succès de cette tentative qui inspira plus tard à J. Otto la pensée d'agrandir ce cadre et de composer tout
exprès pour le personnel des Liedertafeln une opérette comique. Pour cela, il se procura un scénario qui semble devoir
offrir une parodie des gros drames forains du théâtre allemand, dont la donnée principale repose sur quelque tragique
histoire de meurtre et de brigands. Le titre seul de la pièce promet des scènes de Barbe-Bleue à faire dresser les
cheveux d'épouvante {h). L'exécution de cette opérette n'exige que l'emploi d'un chœur de seize à vingt personnes,
plus quatre chanteurs solo. Les rôles principaux ne sont en effet qu'au nombre de quatre : un père noble, un bon vieux,
le chevalier Kunibertdc Drachenfels (de Roche-Dragon), rôle chanté par un baryton ;
sa fiile Amalgunde (voix d'homme
fausset, imitant le soprano); l'amant de cette dernière, Edouard, page de Kunibert, rôle de ténor; enfin, un che-
valier cruel, intrigant et bandit par-dessus le marche ,
lequel a nom Sassafras d'Eulenhort. Ce dernier rôle est une
seconde basse. A ces quatre parties principales viennent se joindre des chœurs soutenus par un accompagnement
d'orchestre ou de piano. Depuis plus d'un an celte opérette a déjà été représentée par une foule de Liedertafeln, prin-
cipalement pendant les fêtes du carnaval. C'est ainsi qu'à Brandenburg, à Hildburghausen , à Rostock , à Rudolstadl,
à Wunsiedel , à Elbing, à Zeilz, à Neustadt, à Loewcnbcrg en Silésie, elle a obtenu, dit-on , un grand succès. C'est le
premier exemple que nous connaissions d'une production scénique expressément composée pour chœur d'hommes. Si
l'on considère que dans un genre tout différent, dans le genre sacré, on a pareillement écrit de grandes compositions
chorales ayant la même destination, on peut se demander si la musique d'ensemble de l'espèce que nous indiquons
n'est pas destinée à devenir, tant au théâtre qu'à l'église, une des formes les plus importantes et les plus complètes
de l'art. Cependant il semble qu'au théâtre le succès en soit au moins aussi douteux que l'est celui d'une tragédie sans
femmes. Qui ne sait que des essais de tragédie semblable ont été tentés sur la scène française et n'ont presque jamais
réussi? A plus forte raison, doit-on redouter le même résultat pour un opéra dont les chanteurs seraient tous du sexe
masculin. Je pense néanmoins qu'une tentative de ce genre n'échouerait peut-être pas tout à fait dans le genre co-
mique ;
je suis même d'avis qu'à l'imitation du drame burlesque de J. Otto, nous pourrions fort bien donner la forme
d'opérette pour voix d'hommes à des espèces de proverbes dramatiques, comme ceux qu'on a coutume d'exécuter dans
les réunions de société. Il en résulterait quelque chose de plus conforme à nos habitudes et à nos goûts. Les Orphéo-
(1) Qu'il a (îéjà su rendre si musicul dans le Postillon de Longjumeau. rentismus, Grosses IHut-Trauer-und-Thruenen-Spiel in drei jam-
Voyez ce que j'ai dit, ace sujet, dans un article du Supplément a mon mervollcn, miscrablen Acten mit vollslaenàiger Vernachlaessigung
Traité général d'instrumentation. der afistotelischen Einheiten und colossal fabelhaften Anachronismen,
(2) Je l'ai déjà citée au chapitre sixième de la première partie. jeduch tiicht ohne cinige obligette accorde aus der Harmonie der
(3) Voy. Teutonia, 4 847, p. 139. sphaercn und sicherc Aussicht auf pyramidale Tantiemen, von Julius
(4) Uiilerhallung ûber die MordgrundbrucTc bei Drcsdcn , oder Otto, in Diesden.
Liebe, Verzweiflung, llass, Reuc, Plaisir vergnuglichkèit und Indijfe-
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. H7
oistes exécuteraient ces proverbes dans les fêtes qu'ils organisent ou dans celles auxquelles ils sont invités de
prendre part. Deux ou trois bons solistes et quelques choristes habiles suffiraient dans la plupart des cas, car on ferait
en sorte de n'avoir qu'un petit nombre de rôles principaux et d'ailleurs d'une médiocre difficulté. L'idée que j'émets ici
d'airain que les directeurs de nos théâtres lyriques ferment sur eux avec tant d'opiniâtreté pour se mettre en garde
contre les solliciteurs; elle leur offre, dis-je, un nouveau moyen de se produire au grand jour et d'obtenir une publicité
toute populaire, qui ne manquera pas d'aider au développement de leur renommée naissante.
Les compositions du genre comique que l'on a écrites en France pour voix d'hommes sont en petit nombre. Elles
sont généralement satiriques, bachiques ou érotiques ; les meilleures ont la forme de canons ;
quelques unes ont une
tendance politique dissimulée sous une forme badine. Un musicien, littérateur d'esprit et de goût, élève et ami du
célèbre Méhul , M. Henri Blanchard ,
qui tourne une épigramme aussi bien en musique qu'en vers, en a composé plu-
sieurs de cette espèce. Je citerai, entre autres, celui qui a pour titre : Les débats parlementaires de Pékin. C'est un
canon à huit voix, qui présente une satire spirituelle des séances politiques : le désordre se mettant dans le parlement,
le président agite sa sonnette pour réclamer le silence. Gredin gredin, gredin, fait la sonnette railleuse au sujet
de Y honorable préopinant. Mais l'auteur du canon a soin de prévenir les chanteurs qu'ils peuvent dire : Drelin, drelin,
drelin, afin d'éviter toute fâcheuse allusion au caractère des députés chinois. M. Henri Blanchard a pareillement
composé les Artilleurs, autre canon qui prouve encore combien cette forme lui est familière. En général, les Français
ont mieux réussi dans les canons du genre comique pour voix d'hommes que dans toute autre coupe musicale destinée
à être exécutée par le même genre de voix. L'auteur de Montano et Stéphanie, feu Henri Berton, et quelques uns de ses
élèves, en ont donné d'excellents modèles. Tous les canons que je possède de ce grand maître se font remarquer par
l'intérêt de la mélodie ,
par la verve piquante des idées, par la facilité et la clarté du style. Le compositeur en a sou-
vent écrit du même jet, du même trait de plume les paroles et la musique. Un simple bonjour à dire, un petit événe-
ment de famille à célébrer, un ami à fêter ou à gronder, une plaisanterie à relever , une riposte à faire , tout cela lui
fournissait les sujets de ces jolies bluettes qu'il se plaisait à chanter avec ses amis. Quelquefois, sous l'inspiration ba-
chique d'un festin joyeux, il laissait échapper de sa plume quelques propos rabelaisiens. J'avoue que les canons conçus
par lui dans ce goût ne sont pas précisément ceux qu'il faut chercher à imiter, du moins quant aux paroles ; car pour
la musique, elle est charmante de tout point. Au nombre des pièces les plus curieuses qui figurent dans les divers
recueils de canons publics par Berton à différentes époques, on remarque X Amphigouri, qui ressemble beaucoup à l'es-
pèce de morceau que les Allemands nomment quodlibet. C'est un mélange des premières mesures de différents thèmes
ou timbres d'airs très connus, choisis, réunis et enchaînés avec art de manière à former des phrases musicales com-
plètes et d'un sens satisfaisant (1). D'autres canons du même auteur contiennent des effets de musique imilative , tels
que le bruit du tambour, celui d'une fanfare, le carillon des cloches, etc. 11 y en a trois qui méritent surtout de fixer
l'attention à cause de la manière originale et ingénieuse dont ils sont combinés. Les deux premiers, les Héraclites et
les Démocrites sont à quatre voix et à l'unisson ; le troisième est un double canon formé par la réunion des deux premiers
avec une basse chantante d'accompagnement sur les paroles : De profundis clamaviad te, Domine. L'auteur avait donné
(1) Le texte, étant formé cIps premiers mots de chaque air u chan- Quel déshonneur pour le couvent,
•on, présente au contraire un véritable amphigouri. Voici le timbres Mesd'moisell'voulez-vous, danser
choisis par Berton : A la fête du village.
Rlan tan plan lire lire. Mon pantalon, ma fanchon, n'a plus d'fond.
C'est bien fait pour nous. Je ne vous dirai pas j'aime.
Enfant chéri des dames. Femme voulez-vous éprouver.
Armez-vous d'un noble courage. Peut-on être pjus à plaindre.
Je l'ai planté. Une amante dans sa flamme.
Je l'aime tant. Quand on fut toujours vertueux.
Poursuivons. On va lui percer le flanc.
Allons, enfants de la patrie. Je suis encor dans mon printemps.
Ah! quel scandale abominable, Il faut garder votre savoir.
98 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Liedertafeln. Les Héraclites devaient se placer d'un côté de la table , et les Démocrites de l'autre ; les Héraclites avaient
en main des bouteilles vides et le verre renversé ; les Démocrates avaient des bouteilles pleines et le verre en main. Le
reste de la société accompagnait le De profundis , en chantant la mème'aote un ut grave qui contribuait à
, faire res-
Cette espèce de parodie ressemble à celle que pratiquent les étudiants d'Allemagne dans les Lieder où ils se
plaisent à reproduire d'une façon bouffonne des chants d'église. Les parodies, du reste, ne sont pas toutes comi-
ques ; il y en a aussi qui appartiennent au genre sérieux : car une parodie, en termes de musique, c'est ou la substi-
tution d'un texte à un autre, ou l'adjonction de paroles à un morceau instrumental , ou la transformation d'un morceau
instrumental en composition vocale. On peut donc ranger au nombre des parodies la transcription des morceaux de
musique instrumentale pour voix d'hommes. C'est ainsi que l'ouverture de la Flûte enchantée, de Mozart , celle de la
Dame blanche, de Boieldieu, ont été converties en quatuor de musique vocale, et exécutées comme tels par des Lieder-
tafeln ou des sociétés orphéoniques. Bien qu'ils ne soient pas destinés a paraître comiques, de pareils arrangements
ne laissent pas quelquefois de produire cet effet, soit que l'arrangeur ait la main malheureuse et y altère le caractère
primitif de l'harmonie, soit qu'il fasse choix d'un texte qui ne s'accorde pas avec la musique. En général, pour appro-
prier convenablement aux chœurs d'hommes des morceaux créés en vue d'un autre mode d'exécution , il ne faut pas
procéder à la légère. Certaines compositions ne se prêtent nullement à une transformation de ce genre; d'autres ne
s'y prêtent qu'avec peine ou à la faveur d'accommodements qui sont presque toujours des sacrifices. Pour éviter les
inconvénients qu'entraîne d'ordinaire une pareille entreprise , il faut mettre tous ses soins à conserver autant que
possible l'harmonie essentielle, les principaux détails, le caractère et la couleur de la composition originale, tout eu
appliquant à celle-ci les règles qui concernent le genre de musique dans lequel on la transporte. II faut en outre
choisir un texte qui s'accorde avec le caractère d'expression de la musique. Malgré cela, comme toute modification
apportée à la pensée première d'un compositeur est plutôt dans le cas de lui nuire que de lui être avantageuse , on a
toujours à craindre par là de défigurer, de profaner les meilleures créations. Quand on veut arranger pour les voix un
morceau de musique instrumentale, il vaut mieux le faire exécuter comme tel par les chanteurs , c'est-à-dire comme
morceau de musique instrumentale. Dès lors, on le chante sans paroles en imitant les instruments. C'est ainsi que la
société Freydinger exécutait autrefois à Strasbourg l'ouverture de la Dame blanche , et la perfection de son imitation
dans ce morceau était telle, que le colonel e
du 2 ou du 7
e
d'artillerie, après l'avoir entendu, ne put s'empêcher de s'écrier
avec enthousiasme : J'aime mieux cela que la musique de mon régiment ! Aujourd'hui cet art d'imiter les instruments
par les voix est très répandu en Allemagne. Les meilleurs chanteurs des sociétés chorales de ce pays s'y exercent, et
jamais il n'en est résulté un effet étrange, choquant ou même comique, du moins dans l'acception ordinaire du mot.
Aussi ne fait-on pas difficulté d'introduire ce genre d'imitation dans les morceaux d'un caractère grave et sérieux. Il
faut donc reconnaître qu'il s'agit cette fois de productions d'une nature à part. Faute d'un nom spécial pour les dési-
gner, on peut les qualifier de chants suns paroles imitalifs et pittoresques. C'est dans ce genre que j'ai traité plusieurs
parties du chœur intitulé Sérénade, et que j'ai écrit en entier les six derniers numéros du Cycle choral. Les chants sans
harmonieux des fanfares. De même, une marche que les chanteurs interpréteront chacun en imitant un des instruments
employés d'ordinaire dans la musique d'harmonie, produira une illusion complète, et ne sera pas moins entraînante
que si elle était effectivement rendue par les instruments auxquels se substituent ici les voix.
SU1\ LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 09
CHAPITRE V.
Il n'y a pas de règles fixes à donner touchant l'organisation des chœurs d'hommes et la formation des sociétés musi-
cales qui les concernent. Cet objet dépend d'une foule de circonstances, de dispositions de lieu et de personne telle-
ment susceptibles de varier, qu'il est impossible de les indiquer d'avance. Cependant, comme il
y a en toute chose des
principes généraux dont on doit tenir compte, je ne laisserai pas de fournir quelques notions sur cette matière.
La première question qui se présente est celle du choix et du recrutement des individus aptes à faire partie d'une
société de chœurs d'hommes. Les jeunes gens qui ont traversé la période critique pendant laquelle s'opère la transfor-
mation naturelle de l'organe vocal , et dont la voix est par conséquent définitivement formée, sont propres à être admis
dans une société de ce genre, pourvu qu'ils montrent du goût pour la musique, et qu'ils sachent au moins lire les
notes. S'ils ignorent encore les éléments de l'art du chant, ce n'est pas un motif pour les exclure ;
des études ultérieures
les amèneront peu à peu à exécuter leur partie dans les ensembles, sinon d'une manière satisfaisante, du moins d'une
façon passable. A ce compte, quoique chanteurs médiocres, ils sont encore utiles , ne fût-ce que pour doubler les voix
accompagnantes et augmenter ainsi la sonorité des niasses. Outre les jeunes gens, le personnel des sociétés chorales
admet des adultes de différents âges qui doivent, autant que possible, posséder de bonnes voix et présenter les
autres qualités requises pour profiter de l'enseignement que tout membre d'une société de chœurs d'hommes est ap-
pelé à recevoir, enseignement dont je parlerai plus bas. Jeunes gens ou hommes faits, les personnes qui composent
une réunion de chant viril sont souvent placées dans des conditions très diverses : ou elles appartiennent aux classes
aisées de la société, ou elles sont prises dans les rangs du peuple; ou elles ont de l'éducation, ou elles n'en ont pas;
ou elles connaissent la musique à fond, ou elles n'en ont qu'une teinture imparfaite. Il peut même se faire qu'elles ne
soient pas musiciennes du tout. Eh bien! qu'on y songe, de l'amalgame de ces éléments hétérogènes qui se rencon-
trent souvent dans le même ensemble, doit résulter un tout parfait où chacun ait la place qu'il est digne d'occuper, le
rôle que son talent lui permet de remplir. La détermination du degré d'aptitude de chacun en particulier, le choix et
le classement des voix, la manière de les distribuer et de les exercer, soit partiellement, soit collectivement, enfin
l'éducation physique et morale des chanteurs, sont l'affaire de celui qui entreprend de former et de diriger une
société chorale de l'espèce de celles dont on parle ici. En Allemagne, une pareille entreprise est facile; en France,
ce n'est pas une petite tâche, et nous savons pourquoi. En Allemagne, on naît pour ainsi dire musicien, ou du moins
l'instruction élémentaire que l'on reçoit est si bonne, qu'on ne tarde pas à le devenir. L'oreille se forme aux combinai-
sons de l'harmonie en même temps que le cœur s'ouvre aux sentiments et l'esprit aux idées. Ainsi que dans la Grèce
antique, il est peu d'hommes distingués de la nation allemande qui ne se fassent gloire de cultiver la musique et d'en
sentir les beautés. Des généraux, des diplomates, ont pris à tâche de l'étudier dans son essence, comme ils auraient
pu faire des objets les plus sérieux (1). Si, métaphore à part, tous les grands poètes de l'Allemagne n'ont pas chanté,
il en est beaucoup, du moins, qui ont écouté avec délices, qui ont jugé, en connaissance de cause, les chants qu'ils
inspiraient. Ce fut ainsi que Gœthe encouragea de ses éloges et de ses conseils non seulement son fidèle ami Zelter,
mais encore plusieurs autres compositeurs distingués de son temps. Dans sa curieuse correspondance avec le directeur
de l'Académie de chant de Berlin, on le voit passer des considérations esthétiques les plus élevées à l'examen ap-
profondi des procédés matériels de l'art musical ; on le voit, dis-je, traiter de la science des accords, des artifices du
contrepoint; on le voit même s'occuper à corriger de sa propre main des épreuves de morceaux de musique qui lui
avaient été envoyées pour qu'il les examinât. De tous côtés, dans toutes les classes, en Allemagne, les hommes instruits
(1) Ailleurs j'ai parlé du prince Radiiwil ; ici je cite encore le général Radowitz, qui a publié des écrits estimés sur diverses questions musicales»
100 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
ont des goûts, des habitudes semblables, hommes de cour, hommes de science, hommes d'Église ou simples bourgeois.
Les artisans eux-mêmes mêlent la musique à leurs travaux journaliers comme à leurs divertissements favoris. On
peut donc dire que les bases du chant d'ensemble existent à priori dans un grand nombre d'institutions du peuple
allemand, universités, séminaires, loges de francs-maçons, ateliers d'artisans; il suffit de leur appliquer un mode
régulier d'organisation pour qu'il en dérive sur-le-champ des réunions de chant viril polyphone, Liedertafeln,
Maennergesangvereine, etc. En pareil cas et dans de telles conditions, la tâche d'un fondateur de sociétés chorales
est facile; mais, je le répète, en France, les choses se passent différemment. D'abord ce n'est presque jamais sur un
même point que l'on trouve les éléments nécessaires pour composer une bonne société de chœurs d'hommes ; ensuite
on est presque toujours obligé d'en amalgamer de très disparates, de très imparfaits, d'associer des individus qui savent
la musique avec des gens qui souvent en ignorent les premières règles , d'unir de bonnes voix à des voix défectueuses,
de placer des amateurs qui ont du savoir et du goût auprès de gens qui quelquefois n'ont ni goût ni intelligence. Bien
plus, à la difficulté de trouver de bons chanteurs se joint encore celle de les rassembler dans la proportion voulue,
afin d'équilibrer les forces sonores. S'agit-il d'un chœur complet, ici on a plus de basses qu'il n'en faut, et l'on
manque de ténors ; là les ténors sont au complet, mais les basses sont peu nombreuses ou beaucoup trop faibles. Il est
encore mille autres difficultés qui surgissent comme autant d'obstacles imprévus dans le travail d'organisation d'une
société de chœurs d'hommes en France. Et cependant je ne fais pas entrer en ligne de compte toutes celles qui pour-
raient provenir du caprice, de la paresse, de la négligence, de l'amour-propre et des bizarreries de chaque individu
briguant l'honneur d'appartenir à une association chorale. Aussi, parmi nous, n'est-on parvenu à quelques résultats
satisfaisants qu'en s'appuyant sur une institution pédagogique comme celle de l'enseignement mutuel du chant d'après
les principes de l'Orphéon. Offrant des éléments homogènes quant à la position sociale des chanteurs, soumises à un
mode d'enseignement et d'organisation à peu près uniforme, composées d'ouvriers ayant presque tous suivi les cours de
la méthode Wilhem, les sociétés orphéoniques sont les premières qui aient fourni, chez les Français, des exemples de
sociétés de chœurs d'hommes régulières. Il n'entre pas dans mon plan d'examiner la route a suivre pour organiser,
par les mêmes moyens, des sociétés semblables. Comme je l'ai dit en commençant, il me suffit de donner ici quelques
préceptes généraux qui puissent s'accorder avec l'application de n'importe quelle méthode on voudra.
Celui qui désire former une société de chœurs d'hommes considérera d'abord de quelle nature sont les éléments qu'il
peut réunir ; il verra ensuite dans quelle proportion il conviendra de les marier; il décidera en dernier lieu quelle est
l'espèce de musique d'ensemble à l'exécution de laquelle ils se prêteront le mieux. Il examinera donc si le chœur sera
composé d'individus de même condition ou de condition différente, de bons musiciens ou de musiciens médiocres, ou
même d'individus qui savent la musique et de gens qui ne la savent pas. Dans tous les cas, il importe de faire subir
a. chaque chanteur proposé comme candidat un examen préalable: il est des individus qu'il ne faudrait recevoir à
aucun prix; il en est d'autres, au contraire, qu'il ne faudrait pas sur-le-champ rejeter, bien qu'ils ne présentent pas
toutes les qualités requises pour être admis sans conteste.
Les principales conditions imposées d'ordinaire à quiconque veut faire partie d'une nombreuse société de chœurs
d'hommes sont celles que tout bon choriste est tenu de remplir : Avoir assez de voix, s'être préalablement livré aux
éludes destinées à faire acquérir la sûreté d'intonation et la souplesse vocale nécessaires; connaître les principes géné-
raux de la musique, enfin être assez bon lecteur pour chanter sa partie sans avoir besoin de l'étudier longuement. Quant
a cette dernière obligation, elle est toute naturelle. On conçoit en effet que s'il était urgent, chaque fois que le chœur
aurait à exécuter une nouvelle composition, de faire apprendre d'abord péniblement à chacun sa partie, de la lui
seriner pour ainsi dire; on conçoit, dis-je, que la société mettrait beaucoup trop de temps à retirer quelques fruits de
ses réunions et de ses travaux. Cependant il ne faut pas toujours être sur ce point d'une extrême rigueur. S'il se pré-
sente, par exemple, un individu qui soit doué d'une très belle voix, mais qui ne sache pas la musique, on aurait tort
de renoncer à une acquisition aussi précieuse, car une belle voix n'est point une chose tellement commune qu'on ne
doive pas chercher à en tirer parti par tous les moyens possibles. Or, dans une telle occurrence, pourvu que l'on ait
affaire à quelqu'un d'intelligent, on ne perdrait ni son temps ni sa peine si l'on prenait à tâche de l'instruire en particulier,
et c'est ce qu'il faudrait certainement faire dans l'espoir de le rendre, autant que possible, et bon lecteur et bon musi-
cien. Par contre, si la personne qui prétend au titre de membre d'une société chorale a peu de voix ou une voix d'une
SDH LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 101
qualité médiocre, mais qu'elle soit parfaitement versée dans la connaissance des règles de la musique vocale, il ne
serait pas moins absurde de repousser son concours, attendu qu elle peut rendre de très grands services en ce qui
touche l'ensemble et l'organisation du chœur. Pour ce qui est de la médiocrité de sa voix, il n'en résulterait aucun
inconvénient, car on ne lui donnerait k exécuter que des parties secondaires, ou bien on l'emploierait seulement dans
Dèsque le fondateur d'une société chorale a formé son personnel, il doit s'occuper de l'ordonnance générale du chœur.
C'est alors qu'il distribue les parties suivant le nombre, le genre de voix et le talent des chanteurs, aussi bien que
suivant la nature des morceaux k exécuter. 11 est évident que pour un chœur à l'unisson, cette opération ne présente
aucune difficulté; chacun chante la même partie conformément à son diapason, c'est-à-dire les ténors telle qu'elle est
écrite (en clef A'ut, quatrième ligne), et les basses une octave plus bas que les ténors. Dans un chœur a l'unisson, le
nombre des chanteurs est illimité; il comporte des masses d'une sonorité formidable. Le chœur k l'unisson, composé
de milliers de voix, peut devenir la voix de tout un peuple, cette redoutable et imposante voix dont on a osé dire : Vox
populi, vox Dei.
En général, plus l'ensemble est nombreux dans un chœur à l'unisson, plus l'effet est satisfaisant, k moins que ce
chœur n'intervienne comme tutti dans un morceau k plusieurs parties ayant des proportions arrêtées. Dès lors il ne
peut dépasser le nombre de voix que ces proportions exigent.
Dans un morceau ou dans un passage de chant d'ensemble écrit seulement k deux parties, il faut ordinairement
employer un chœur divisé en deux groupes qui, suivant le cas, ne renferment qu'une seule espèce de voix : par exemple,
des premiers et des deuxièmes ténors seuls, ou bien des ténors et des basses réunis.
Pour composer un trio, il faut au moins trois chanteurs, dont deux ténors et une basse , ou bien un ténor et deux
basses, et pour un quatuor, il faut au moins deux ténors et deux basses. Ces proportions s'observent dans les morceaux
d'ensemble simples, comme dans les morceaux d'ensemble doublés, triplés, etc. Ce serait une faute, ou du moins une
imperfection dans les morceaux d'ensemble simples (c'est-k-dire dans ceux qui ne doivent avoir qu'un chanteur par
partie), de doubler une partie ou deux parties seulement. Deux voix faibles ne peuvent convenablement s'équilibrer
avec une voix forte, la somme des deux premières donnant un ensemble dont l'effet sonore est tout autre que celui d'une
voix puissante, pleine et d'un bon timbre. Les personnes les plus expérimentées relativement k la pratique du chant
choral en ont conclu qu'on ne saurait doubler une partie sans les doubler toutes, en sorte qu'après le trio et le quatuor
simple, la combinaison la plus rationnelle, c'est le trio k six voix, et le quatuor k huit. Mais quand on veut faire
chanter plus de huit personnes ensemble, on peut employer différentes combinaisons qui, toutefois, seront plus ou
moins avantageuses, selon les circonstances, c'est-a-dire selon la nature de l'organe vocal de chaque chanteur, la dis-
position du local où l'on chante et le caractère du morceau choisi. La distribution et le partage des voix avec neuf
Ou bien :
Lorsque les chanteurs sont réunis au nombre de onze a seize, on les partage dans la même proportion que ci-dessus,
c'est-k-dire en renforçant de préférence les parties extrêmes. Comme règle générale, il est bon d'observer que le pre-
mier ténor doit être la partie la plus forte; vient ensuite la seconde basse, puis le second ténor et la première basse.
Celle-ci est, de toutes les parties, celle qui a le moins besoin d'être nourrie. D'après cela, dans un chœur k voix de
force égale, la meilleure proportion, supposé vingt-six chanteurs, serait la suivante :
Mais comme la plupart des voix, sur une masse donnée, diffèrent entre elles, sous le rapport de la puissance de so-
norité, il faut, autant que possible, compenser cette différence par le nombre. Ainsi il peut arriver que deux bonnes
basses profondes égalent en force trois voix des autres parties, et que, par contre, on ait des ténors tellement faibles,
qu'il en faille une dizaine ou une douzaine pour obtenir la proportion demandée. Il est donc indispensable de répartir
les voix fortes et les voix faibles de manière à obtenir le plus d'égalité possible dans l'effet que l'on doit produire.
Par exemple, supposez que l'on ait seize ténors, on fera bien de les diviser comme suit : 3 forts et 6 faibles ténors I,
Mais tout en procédant de la sorte, on se rappellera que les parties extrêmes doivent être renforcées de préférence.
Lorsqu'on organise, dans un chœur nombreux, des parties de satGS chantées par des coryphées, on doit naturellement
agir d'après les mêmes considérations.
Il est inutile de dire que chaque partie réclame le genre de voix indiqué par le compositeur. Cependant , comme il
arrive quelquefois accidentellement que l'on n'a pas à sa disposition les moyens de former un chœur complet , force
est en pareil cas de recourir à des expédients qui , à la vérité, alleignent bien rarement le but. Un de ces expédients
consiste à faire exécuter la partie des premiers ténors, quand les voix de ténors manquent ,
par des contralti graves
déjeunes garçons. Si celle partie descend trop bas, on trr.nspose le morceau d'un ton au-dessus du ton primitif, ou
bien on donne des pauses à compter aux jeunes garçons. Ce dernier moyen toutefois n'est qu'un pis-aller. Il faut en
dire autant d'une combinaison analogue que l'on a conseillée pour les cas où, n'ayant à disposer que d'un très petit
nombre de voix d'hommes, on voudrait néanmoins exécuter des chœurs complets. On transposerait donc un certain
nombre de morceaux, une tierce ou une quarte plus haut ; on donnerait les parties de premier et de second ténor à de
jeunes garçons contralti, la partie de première basse aux voix de ténors , et la partie de seconde basse à toutes les
basses. On choisirait toutefois des morceaux où la seconde basse ne monterait pas trop haut , car dans l'hypothèse
contraire, toute tentative de ce genre serait impraticable. Au surplus, ce ne serait pas précisément une chose fâcheuse,
les combinaisons que l'on vient d'indiquer n'étant guère admissibles que dans des cas tout à fait exceptionnels. On
conçoit, en effet, qu'il soit aussi peu rationnel et aussi peu avantageux de confier des parties de ténor à des voix de
femme ou de jeunes garçons, qu'il le serait de donner à chanter des parties de soprano à des ténors en sons de fausset.
A vrai dire, ce ne sont plus là des chœurs d'hommes , ou du moins un pareil arrangement suffit pour en dénaturer
complètement le caractère. Comme ce sont toujours les ténors qu'il est plus difficile de réunir dans la proportion de-
mandée, on peut , comme dernière ressource , donner la partie écrite pour cette espèce de voix au baryton ,
quand
cette partie ne monte pas trop haut. Cependant toutes les voix de baryton ne supportent pas bien l'effet d'un tel dé-
placement. Il y en a qui deviennent promptement criardes, par suite de l'attaque fréquente des notes les plus hautes,
de même qu'elles se fatiguent aisément en prenant des notes trop basses. C'est du reste un défaut commun à beaucoup
de chanteurs de se croire des ténors ou de chercher à devenir tels ,
lorsque la nature ne leur a donné qu'une voix de
baryton plus ou moins élevée. Il faut que le directeur d'une société de chant sache bien reconnaître d'avance, nonob-
stant les prétentions personnelles, le véritable caractère de l'organe vocal chez tous les individus recrutés pour former
l'ensemble (lu chœur, afin que chacun dans cet ensemble ait la place et le rôle qui lui conviennent. Si l'on n'acceptait
pour chanter la première partie que des voix comme celles dont il a été question tout à l'heure, c'est-à-dire de mé-
diocres barytons transformés en mauvais ténors, il s'en faudrait de beaucoup qne le résultat fût satisfaisant. En tout
cas, il vaut mieux utiliser la voix de baryton pour chanter la partie de second ténor que pour exécuter la première
partie. On a quelquefois besoin de s'en servir quand il importe d'équilibrer les forces vocales. Supposez, par exemple,
neuf chanteurs formant un ensemble établi sur des bases aussi inégales que les suivantes : trois ténors, deux basses
graves et deux basses élevées, on pourrait à la rigueur employer une des premières basses ou barytons pour renforcer
la partie du second ténor, et prendre l'autre pour renforcer la seconde basse. Cependant ,
je le répète, ce sont là des
combinaisons auxquelles on ne doit recourir que quand on ne peut pas faire autrement.
Après avoir distribué les voix conformément à la nature de leur timbre, à leur degré de force ou de faiblesse, en vue
d'obtenir les meilleures proportions, on devra s'occuper à classer les individus composant la société de chant d'ensemble
suivant les qualités qui leur sont propres comme musiciens et comme chanteurs. Les moins habiles seront destinés h
former la masse des choristes chargée de l'exécution des* tutti , des ripieni et des grands chœurs ;
les plus expéri-
,
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 103
mentes auront à se distinguer dans les morceaux d'ensemble concertants, tels que trios, quatuors, quintettes, etc.,
ainsi que dans les solos de toute nature, et principalement dans ceux des grands chœurs. C'est pourquoi on les désigne
plus particulièrement sous les noms de concertants, solistes et coryphées. Ce sont les hommes d'élite de la troupe chan-
tante. Il n'est pas de bonne société chorale où il ne doive s'en trouver un noyau, sinon dès les premiers temps, du moins
au bout de quelques mois d'études. Toute production d'une valeur réelle , sous le rapport de l'art, exige le concours
de semblables interprètes. Il y a donc toujours certains membres des sociétés chorales qui, en dehors des études col-
lectives , sont tenus de faire quelques études particulières, ayant pour but de les familiariser de plus en plus avec le
mécanisme du chant, et en général avec les principaux arti lices de l'art vocal.
Quoique le style propre de la musique d'ensemble pour voix d'hommes rejette les embellissements de convention et
surtout les fades fioritures, il admet pourtant, dans certains cas, quelques ornements de bon goût en même temps que
l'emploi de certains procédés d'exécution destinés à rendre la phrase musicale et plus souple et plus expressive. Ces orne-
ments sont ordinairement placés dans les parties confiées aux solistes on coryphées. Il n'y a que les chanteurs les plus
hebiles qui puissent les rendre convenablement Des individus tirés de la masse des choristes ne réussiraient qu'à les tra-
vestir d'une façon ridicule et grossière. On ne saurait prétendre d'ailleurs qu'il en soit autrement. N'est-ce pas assez
déjà que la majorité des exécutants dont celle masse se compose ne soit pas tout à fait étrangère à ce qu'on entend par
mise de voix, port de voix , bonne manière de respirer, uniformité de registre ; faudrait-il encore exiger que les ama-
teurs aient le gosier souple comme des virtuoses, et que les ouvriers attachés à nos institutions orphéoniques fassent
le trille et la roulade comme des chanteurs d'opéra? De pareilles études sont complètement inutiles dans les sociétés
de chœurs d'hommes, si ce n'est pour faciliter l'interprétation des morceaux d'ensemble concertants d'une difficulté su-
périeure. Mais daus ce dernier cas les exécutants sont presque toujours ou des amateurs ou des artistes qui se livrent à
des études spéciales pour se perfectionner dans l'art du chant. Ce qui précède nous amène naturellement à traiter des
qualités relatives à l'exécution ,
objet qui intéresse à la fois le directeur d'une ^société de chant d'ensemble et les
essentielles du chant viril : «Évitez de chanter, dit saint Bernard d'après un ancien statut de Cîteaux, d'une manière
» molle, efféminée, négligée et nasillarde ;
mais prononcez d'un ton mâle et avec affection les paroles du Saint-Esprit.
» // convient à des hommes de chanter d'une voix pleine, et de ne pas imiter les chantres de théâtre par une voix aiguë
» et contrefaite, qui ressemblerait à celle des femmes. »
A ces règles concernant l'expression générale de l'exécution , se joignent des observations de détail : « N'affectez
» point un air paresseux, endormi ou nonchalant, ne chantant qu'à demi-voix : donnez-vous garde de couper les mots
» ou de n'en prononcer que la moitié, ou d'en passer d'entiers... Que personne ne commence avant les autres ou
» semper auscultando. »
Des règles analogues ont été développées dans des ouvrages spéciaux , mais au point de vue du chant sacré; elles
sont d'ailleurs applicables pour la plupart au chant profane. Les écrivains modernes n'ont donc eu que peu de chose
à ajouter aux leçons de leurs devanciers concernant la manière d'unir les voix pour former des chœurs harmonieux.
Les anciens, comme je viens de le dire, ont parfaitement saisi la beauté et l'effet grandiose de la musique d'ensemble
exécutée selon les règles de l'art. On doit admettre avec eux que, pour obtenir un résultat satisfaisant, la jus-
tesse d'intonation est une des qualités les plus nécessaires ; malheureusement c'est précisément celle qui est la plus
rare, surtout dans les chœurs composés d'un nombreux personnel. En général, ce sont les parties moyennes qui laissent
le plus à désirer sous ce rapport, soit à cause du resserrement des parties si difficile à éviter dans des chœurs d'hommes,
soit par l'effet produit par ce resserrement même dans la marche de ces parties, laquelle n'est pas toujours, quoi qu'on
104 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
fasse, aussi naturelle et aussi coulante qu'on le voudrait. Il est doue essentiel de placer un bon coryphée parmi les
seconds ténors et les premières basses. On fera bien aussi de faire étudier ces parties séparément, atin de ne pas
retarder la marche des études du chœur entier. Malgré cela, on aura lieu de remarquer plus d'une fois que les parties
moyennes ne sont pas encore sûres de leurs intonations quand les voix extrêmes le sont déjà. Pour obvier autant
que possible à cet inconvénient , il est nécessaire d'exercer la première basse comme partie supérieure, en faisant
taire les deux ténors, et de même le second ténor comme partie supérieure, en faisant taire le premier ténor ;
après
quoi, on exercera simultanément les quatre parties. La sûreté d'intonation qu'il faut exiger des chanteurs avant
de commencer les études collectives est une chose d'autant plus importante que, lorsque les voix ne sont pas soutenues
par le son d'un instrument , elles sont sujettes à baisser peu à peu hors du diapason , en sorte qu'il n'est pas rare
d'entendre un chœur sans accompagnement finir un demi-ton et même un ton plus bas qu'il n'a commencé. Il suffit
qu'une seule voix hésite et fasse entendre une mauvaise intonation pour entraîner et dérouter sur-le-champ toutes les
autres. A la vérité, les exécutants ne s'aperçoivent presque jamais du danger qu'ils courent, et font fausse route avec
la plus imperturbable assurance. Cependant, à force de descendre, ils s'enfoncent tellement (qu'on me passe la vulgarité
du terme en faveur de l'image), qu'ils ne peuvent plus avancer et restent court , tout stupéfaits de ce qui leur arrive.
Cela est surtout fort plaisant au théâtre, quand l'orchestre, après l'exécution d'un morceau vocal sans accompagnement,
fait sa rentrée en attaquant un accord qui rappelle brusquement les chanteurs au sentiment de la tonalité. Il faut voir
dans ce cas leur air ébahi, consterné, leur surprise et leur embarras. Rien n'est plus fâcheux pour les exécutants ni
plus désagréable pour les auditeurs que de pareilles mésaventures. On mettra donc tous ses soins à les éviter.
Il est des causes particulières qui peuvent faire détoner accidentellement les meilleurs chanteurs. Ainsi , on est
principalement exposé à l'inconvénient que je signale dans certains états de l'atmosphère , ou bien quand on est à
jeun, souvent même, au contraire, quand on sort de table. C'est à quoi il faut surtout prendre garde dans les Lieder-
tafeln , où l'on chante et où l'on mange pour ainsi dire alternativement. Là, il n'est pas impossible que la justesse
d'intonation ne soit quelquefois compromise par l'influence du repas; et surtout par les suites des toasts, où l'on
s'enroue à force de s'enthousiasmer. Un écrivain allemand pourrait seul traiter en connaissance de cause des rapports
intimes de la musique et de la gastronomie, des avantages et des inconvénients qui en résultent au point de vue des
Liedertafeln, etc. Toujours est-il que si les chanteurs franchissent les bornes d'une sage modération , ils se placent
dans des conditions totalement défavorables au succès des morceaux qu'ils exécutent. Je n'insiste pas sur ce point, qui
est ordinairement réglé par le directeur ou le président de toute société bien organisée de chœurs d'hommes.
Il serait à désirer que les chanteurs fussent préparés par une connaissance préliminaire des accords aux combinai-
sons harmoniques de la musique d'ensemble. Quand ils ne sont pas du tout musiciens, ou qu'ils n'ont du moins
aucune idée des lois régissant l'harmonie, il y a telles agrégations de notes qui font sur eux un effet si nouveau et si
étrange, que le résultat de cette première impression est de les troubler au point de ne savoir plus ce qu'ils font. Per-
suadés qu'ils n'ont pas attaqué jusle ou qu'ils ne se suivent plus, ils finissent par détoner et par se perdre effective-
ment. Les accords dissonants, tels que les accords diminués, et en général les accords de septième, après celui de domi-
nante, les modulations un peu éloignées des relatifs naturels, aussi bien que les changements enharmoniques ;
enfin,
les retards, les suspensions, les tenues et les pédales, sont des causes fréquentes d'hésitation et de désarroi dans l'exé-
cution d'un chœur. Il n'en serait pas de même si l'oreille des choristes était familiarisée d'avance avec la sonorité des
principales combinaisons harmoniques. Voilà pourquoi un bon directeur de société chorale doit s'attacher à faire
exécuter dans les exercices préparatoires toutes sortes d'accords et d'intervalles dissonants, y compris ceux qui n'in-
terviennent que rarement dans la musique vocale, mais qu'il importe néanmoins de connaître pour se former l'oreille
tion exacte ; c'est à lui aussi à désigner toutes les modifications qu'il conviendra d'y apporter dans le cours de l'exé-
cution du morceau pour répondre aux intentions du compositeur. Cet objet, du reste, rentre dans le domaine de l'ex-
pression, dont je parlerai tout à l'heure. Remarquons ici que les jeunes gens ont une tendance générale à presser le
mouvement, et que cette tendance est surtout naturelle aux choristes qui savent parfaitement leur partie, tandis que
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 105
ceux qui n'en sont pas tout à fait sûrs sont aussi sujets à ralentir le mouvement que les autres à le presser. Ce dernier
inconvénient est surtout à craindre pour les morceaux un peu vifs contenant des traits où les syllabes et les sons se
marient rapidement. Dès lors, indépendamment des difficultés vocales, il faut encore triompher des difficultés d'arti-
culation et de prononciation ; or ceux qui ont de la peine k prononcer et à articuler les mots avec volubilité en émet-
tant les] sons, rendent bientôt l'exécution lourde et traînante, parce qu'ils sont toujours enclins à ralentir le mouve-
ment. La prononciation et l'articulation sont deux choses qu'il ne faut pas confondre. Bien prononcer, c'est donner à
chaque lettre, voyelle ou consonne, et à chaque syllabe le son que prescrit l'usage; bien articuler, c'est prononcer les
consonnes avec la force qu'exigent et le sens des paroles et l'étendue du lieu où l'on parle. Sous le rapport de l'étendue du
lieu, la prononciation est toujours la même ; mais l'articulation varie suivant la grandeur et les proportions acoustiques
du local. C'est surtout en plein air que les chanteurs parviennent le moins aisément à faire entendre aux auditeurs les
paroles de la musique qu'ils exécutent. Ordinairement dans les opéras on ne comprend à peu près rien de ce que disent
les choristes, ce qui n'est pas toujours à regretter, car le texte des chœurs d'opéras est généralement composé de lieux
communs et de mauvais vers. Quelques phrases banales tournées et retournées en tout sens, beaucoup plus pour les
exigences de la rime que pour l'intelligence de la situation , défraient ce texte dont la musique rachète seule la pau-
vreté. A cet égard, les paroles des morceaux destinés aux sociétés de chœurs d'hommes doivent être tout autre chose ;
elles doivent avoir, comme on l'a dit plus haut, une certaine valeur littéraire et un intérêt réel , abstraction faite du
chant. 11 faut donc qu'on les entende et qu'on les comprenne bien. D'après l'observation d'un partisan enthousiaste de
la musique destinée aux sociétés de chant, viril, l'homme, tenant de la nature une articulation plus vigoureuse que la
femme, et les voyelles ressortant mieux lorsqu'elles sont unies à des sons graves que quand elles accompagnent des
sons aigus, il y a plus de chance pour que l'on saisisse mieux les paroles dans des chœurs d'hommes que dans des
chœurs tout féminins. Le désir de prononcer et d'articuler nettement et convenablement les mots, en même temps que
celui d'imprimer aux sons de la langue parlée des inflexions conformes à l'idée qu'ils expriment , ne doit pourtant pas
engager les chanteurs à faire usage d'une déclamation outrée, comme celle que certains virtuoses ont portée de nos
jours au théâtre. Rien ne serait plus ridicule dans des chœurs qu'une pareille affectation. D'ailleurs, en supposant
qu'elle pût y être admise, on remarquerait bientôt que le moindre de ses inconvénients serait d'autoriser les chanteurs à
employer chacun ,
d'après sa manière propre de sentir, un mode d'accentuation particulier, ce qui nuirait à l'unité
d'expression. Or, c'est précisément l'unité d'expression qui, après l'unité d'intonation et l'unité de mesure, est une des
conditions fondamentales d'une bonne exécution. On n'oubliera pas, en effet, qu'en prenant dans un ensemble le rôle
de concertant, on perd le droit de briller seul et de fixer sur soi l'attention du public. Ici chaque chanteur n'agit plus
que comme partie du tout et prête son concours dans le but d'aider au succès commun. Il ne s'abandonnera donc pas
à sa manière habituelle de sentir et d'interpréter ;
il s'unira d'intention à tous ceux qui chantent avec lui ; il réglera son
expression sur la leur, ou, pour mieux dire, il se conformera sur ce point aux instructions générales données par le di-
recteur, relativement à la meilleure façon de rendre la pensée du musicien. Si un concertant ne doit pas chercher à briller
individuellement, sauf le cas où il aurait à interpréter un solo, il ne doit pas non plus , en faisant sa partie ,
paraître
s'écouter chanter, soit qu'il le fasse par crainte et défiance de lui-même , c'est-à-dire par peur, ou que, dans l'hvpo-
thèse contraire, il y soit porté par l'espèce de satisfaction qu'il pourrait ressentir de sa manière de chanter ou du ca-
ractère de ce qu'il chante. Il ne doit pas non plus dans le piano, comme dans le forte, essayer de dominer ses collègues,
à celte fin que sa voix fixe particulièrement l'attention de l'auditeur; par la même raison, il se gardera bien d'engager avec
l'un ou l'autre des concertants une sorte de lutte à qui chantera de la façon la plus brillante. Dans cet assaut d'amour-
propre, on ne tarde pas à perdre de vue le point principal qui est la perfection de l'ensemble , cl l'on fait si bien que
certaines parties finissent par dominer tout le reste au détriment de l'unité. Je vais me servir d'une comparaison vul-
gaire. N'a-t-on pas vu maintes fois sur une grande route deux conducteurs de diligence engager une lutte de vitesse, non
pour arriver plus tôt à leur destination et satisfaire ainsi les voyageurs, mais pour faire briller leur talent d'automédons et
humilier un rival? Qu'en est-il le plus souvent résulté? qu'au lieu d'arriver à bon port, l'un a fait culbuter sa voiture et n'a
pu continuer sa route, tandis que l'autre, en s'arrêtant à la première étape, a trouvé la sienne hors de service et toute
démantelée. Ainsi des chanteurs, l'un est resté court au milieu du morceau, l'autre l'a chanté de la sorte tant bien que
mal d'un bout à l'autre ;
mais il a fatigué son organe , et souvent, qui pis est, indisposé son auditoire. Telles sont les
14
106 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDERATIONS GÉNÉRALES
conséquences ordinaires de l'esprit de rivalité. C'est au directeur qu'il appartient de surveiller les choristes sous ce
rapport, comme il lui appartient aussi de tenir à l'observation rigoureuse des nuances , soit d'après les indications
nuances, et surtout les nuances principales de piano, de forte, de crescendo, de diminuendo,... sont d'une extrême im-
portance ;
aucune modification arbitraire n'y peut être apportée. Ce sont ces nuances qui contribuent à faire ressortir
les idées musicales, à donner de la force et de la vérité à l'expression. L'expression , c'est-à-dire l'art de rendre de la
manière la plus fidèle et la plus vraie le sentiment qui domine dans les vers du poète et dans la musique du compo-
siteur, est, par rapport aux chœurs d'hommes, ou directe ou relative. Elle est lé plus souvent directe dans les tutti et
relative dans les réponses des tutti aux solos , et vice versa. Il y a des rentrées dont l'expression est homogène ,
par
exemple, quand il s'agit de la répétition de la même idée musicale ; il y en a d'autres dont l'expression change et qui,
à un piano ou à un pianissimo, opposent un forte ou un fortissimo. La distinction des idées principales d'avec les idées
accessoires est souvent marquée par une opposition de ce genre, comme aussi par des nuances ad hoc qui demandent
une grande habitude du style concertant. Que l'expression soit directe ou relative , les rentrées exigent de la part des
choristes autant d'attention et d'intelligence qu'il en faut mettre aux acteurs dans leurs répliques. Rien n'est plus ri-
dicule qu'un chanteur faisant sa rentrée sans être pénétré du sens de la phrase musicale qu'il entame ou qu'il achève :
on dirait d'un intrus qui ne sait ni où il va , ni ce qu'il veut. Se souvient-on d'être resté un jour à contempler dans
quelques fêtes de la banlieue ou sur un champ de foire ,
des villageois dansant une contredanse, et ne les voit-on pas
encore levant brusquement le pied par un soubresaut grotesque au premier coup d'archet ,
signal de l'avant-deux ?
C'est ainsi que maints choristes attaquent leurs rentrées en y mettant une telle étourderie, une telle précipitation et
morceaux en imitation et dans loute production appartenant au style fugué. Les fugues vocales sont l'écueil des chan-
teurs concertants, et il n'est pas de meilleur exercice pour ceux qui se destinent à l'emploi difficile de coryphée ,
que de s'habituer à vaincre toutes les difficultés que renferme ce genre de composition. C'est en chantant des fugues ou
des morceaux fugués d'un style clair et mélodieux qu'ils s'accoutumeront à bien faire les rentrées, à établir la distinc-
tion des idées principales et des idées secondaires; c'est par cette fructueuse étude qu'ils apprendront à indiquer d'une
manière fidèle et saisissante toutes les parties, tous les contours d'une œuvre musicale, rapportant au premier plan
tout ce qui doit y être, laissant au second plan tout ce qui doit y rester, passant des teintes fortes au demi-teintes, et
de plus acquérant pour l'exécution des solos ou des passages dans lesquels telle ou telle voix doit faire ressortir un
motif thématique, la sûreté d'attaque et l'intelligence d'expression si nécessaires à la perfection du chant d'ensemble.
Le directeur ne méconnaîtra donc pas l'utilité des fugues, des canons et des imitations comme moyens d'étude ;
aussi
les proposera-t-il à ce titre aux chanteurs d'élite dont il désire former un noyau d'habiles coryphées spécialement
chargés d'exécuter les morceaux concertants à un petit nombre de voix, tels que trios ,
quatuors ,
quintettes , etc. Ces
morceaux demandent, comme on sait, à être interprétés d'une façon délicate, minutieuse et tout artistique. Ce sont les
pièces ciselées , les joyaux du chant choral ; ils contiennent mille détails brillants qu'il faut apprendre à mettre dans
leur vrai jour. On y parvient le mieux en se livrant au genre d'exercice dont il a été question plus haut.
Puisque j'ai parlé de plusieurs objets subordonnés au jugement, à l'expérience et au savoir du directeur d'une so-
ciété de chant choral pour voix d'hommes, je ne laisserai pas de direaussi quelques mots touchant les qualités par-
ticulières que l'on exige de celui qui exerce de pareilles fonctions. Et d'abord, tout directeur de société chorale, soit
artiste, soit amateur, doit être foncièrement musicien. Il doit avoir une.connaissance exacte de tout ce qui concerne
l'art du chant, et pouvoir, au besoin, enseigner cet art, car s'il en connaît à fond les règles, il saura fort bien, à dé-
faut ou en l'absence d'un professeur spécial, guider ceux des chanteurs qui auraient besoin de quelques conseils par-
ticuliers a côté des leçons collectives. On exige avec raison qu'il soit bon harmoniste et parfaitement initié aux secrets de
la composition musicale. On demande aussi qu'il ait une oreille fine et exercée, un goût sûr et délicat, afin qu'il discerne
parfaitement les bonnes et lesmauvaises qualités de l'exécution, et qu'il fasse un choix judicieux de morceaux à chanter.
On a prétendu qu'il devait connaître un instrument et savoir jouer du piano ou du violon pour soutenir au besoin, dans
les répétitions , les intonations encore douteuses et mal affermies du chœur. A vrai dire, cela n'est pas absolument
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 107
nécessaire, surtout s'il est appelé à diriger une société chorale entièrement composée d'individus déjà bons musiciens,
et que, possédant lui-même une voix juste, il soit en état de s'en servir comme d'un utile auxiliaire pour aider aux
autres à bien entonner. J'ai dit qu'il devait avoir l'oreille fine etexercée. Cette précieuse faculté lui estsurtout d'un grand
secours dans les études d'ensemble pour reconnaître quelle est la voix qui s'égare ou qui faiblit. Il est encore plusieurs
qualités qui ne lui sont pas moins indispensables, ce sont une activité stimulée par un zèle ardent, une persévérance
à l'épreuve des dégoûts et des obstacles, enfin une supériorité avouée et incontestable qui le place au-dessus de tous
ceux qu'il dirige et lui procure la considération et le respect nécessaires pour être obéi. Plus il sera jaloux de main-
tenir son autorité et d'user de son prestige, plus il imprimera aux travaux de la société une direction avantageuse
et féconde en bons résultats. Les études doivent être commencées et suivies en vertu d'un plan régulier et arrêté
d'avance. Procéder au hasard ou par des essais, des tâtonnements successifs, c'est ne tendre à rien de bon. Le direc-
teur est libre d'imaginer le système d'enseignement qu'il applique, ou d'en choisir un tout fait qu'il peut au besoin
modifier à son gré, afin de mieux l'approprier aux éléments dont il dispose. Si ces éléments sont avantageux et bien
choisis, quatre heures par semaine ou deux leçons de deux heures chacune suffisent en général pour exercer un chœur.
Naturellement, cet objet ne -saurait être rigoureusement déterminé, puisqu'il dépend beaucoup de la difficulté des
morceaux que l'on étudie et du plus ou moins d'aptitude des chanteurs. Pour ce qui est de la manière de réunir
ces derniers, on choisira un local d'une étendue proportionnelle à leur nombre, et où les voix puissent se
développer librement, c'est-à-dire où elles soient placées dans les meilleures conditions acoustiques, tant à cause du
mode de construction de l'édifice même qu'en raison de l'absence des objets qui. contribuent ordinairement à diminuer
la puissance de sonorité, tels que rideaux, meubles, tapis, tableaux, etc. Lorsqu'on chantera en plein air, on recher-
chera de préférence des endroits où il se rencontre des arbres, des édifices, des rochers propres à former de bons ré-
flecteurs sonores. Si l'on fait usage d'un instrument pour soutenir les voix ou seulement pour leur donner le ton, on
le choisira d'une parfaite justesse. Les chanteurs seront disposés en rond ou eu demi-cercle, de telle sorte qu'il n'y
en ait pas un seul parmi eux qui ne puisse voir le directeur et en être vu. Il est bon que tous se tiennent debout pour
chanter, et qu'il n'y en ait jamais plus de deux chantant sur le même cahier. Lorsque le nombre des exécutants est
considérable, chaque partie doit avoir son coryphée. Ce coryphée sert d'intermédiaire entre le directeur et les différents
groupes de la masse chorale. Il convient que les chanteurs chargés des parties solo soient placés ensemble au même
endroit et le plus près possible les uns des autres. On aura soin, comme je l'ai dit au début de ce chapitre, de
placer quelques bons chanteurs parmi les plus faibles, et quand ceux-ci sont très nombreux, de les exercer d'abord seuls
jusqu'à ce qu'ils sachent parfaitement ce qu'ils ont à chanter. En général, quand on met à l'étude des chœurs nou-
veaux, on procède de la manière la plus rationnelle, en commençant par faire répéter chaque partie isolément ce n'est ;
qu'après cette première étude individuelle, et lorsqu'on a la certitude que toutes les parties sont parfaitement sues sous
le double rapport de l'intonation et de la mesure, qu'on s'occupe à réunir les chanteurs et à les exercer collectivement.
Si l'on n'observe pas cet ordre et qu'on fasse chanter, dès le principe, tous les choristes ensemble, on court risque de
perdre beaucoup de temps et de se donner beaucoup de peine avant d'obtenir un résultat passable. Pour faciliter la
lecture des parties, il est permis, dans les premières répétitions, de ralentir le mouvement, surtout quand c'est un
mouvement vif comme Y allegro. Par cette méthode, on réussit mieux à obtenir de la perfection et de la netteté dans
l'ensemble, lors de l'exécution définitive.
Les études relatives à l'intonation et à la mesure étant terminées, on entreprend celles qui ont pour objet la stricte
observation des nuances. Je vais répéter ici ce que j'ai dit plus haut, que la stricte observation des nuances est d'au-
tant plus nécessaire que beaucoup d'effets recherchés avec soin par le compositeur en dépendent absolument. Ainsi,
négiige-t-on ce point essentiel, on efface les traits de l'œuvre qu'on interprète, on en rend la physionomie et le carac-
tère méconnaissables ; encore un peu, et les sons qui devaient vous charmer, privés de vie et de couleur, vont devenir
un bruit importun. Sans nuances, toute musique est un non-sens. Un morceau vociféré d'un bout à l'autre ne mérite
plus le nom de chant. C'est encore bien pis si par hasard une portion seulement des chanteurs s'applique à observer
quelques nuances, car dans certains passages, la disproportion des piano et des pianissimo avec le forte non interrompu
des autres voix produit un effet des plus choquants. Il faut donc apprendre à fond cet art de nuances sans lequel il
n'est pas de bonne exécution, je dirai mieux, sans lequel il n'est pas de musique. Une attention continuelle aux mou-
108 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
vemenlsdu bâton de mesure et aux signes particuliers du directeur est ici particulièrement recommandée aux choristes.
Néanmoins on ne peut toujours se flatter de vaincre les difficultés que cet objet présente dans certains morceaux de
chant choral, et surtout dans les chœurs à voix nombreuses. Quelquefois même, dans ces derniers, pour obtenir quelques
nuances bien marquées, il faut recourir à des procédés matériels où le talent d'exécution des chanteurs n'est pour rien.
Ainsi les piano s'obtiendront en distrayant de la masse chorale un certain nombre de voix, et les forte en introdui-
sant, au contraire, dans celle-ci, des forces sonores habilement ménagées jusque-là par un tacet d'une certaine durée.
Un directeur, en examinant le morceau de musique d'ensemble qu'il va mettre à l'étude, doit savoir reconnaître les
endroits où il faut diminuer et augmenter ainsi les proportions de l'ensemble, afin de varier les effets de sonorité
selon la pensée du maître. Cet art de répandre le coloris de l'expression sur une grande composition vocale ne s'ac-
quiert que par une longue expérience. Il en est du reste à peu près de même touchant plusieurs autres matières im-
portantes que j'ai seulement effleurées dans ce chapitre, et sur lesquelles il est d'ailleurs impossible de donner des
préceptes arrêtés. Comme je l'ai fait observer en commençant, l'application des règles générales implique de nom-
breuses modifications déterminées par des mesures prises en vue des circonstances. A tout ce que je n'ai pas dit, a tout
ce que je n'ai pu dire, tout musicien capable et intelligent suppléera. Ce qu'il faut, en résumé, pour la bonne orga-
nisation d'une société de chœurs d'hommes, ce sont des chanteurs bien exercés, un directeur habile, et chez tous l'amour
CHAPITRE VI.
En France, on a remarqué que des masses chorales, uniquement composées d'individus du sexe masculin, ne peu-
vent se faire entendre longtemps de suite sans causer aux auditeurs une certaine fatigue, quelles que soient d'ailleurs
les qualités qu'elles déploient dans l'exécution des morceaux qui leur sont confiés. Il est donc nécessaire, toutes les fois
que les chœurs ne sont pas eux-mêmes coupés par des solos, de les faire alterner avec des productions interprétées
par des solistes, c'est-à-dire avec des trios, des quatuors, des quintettes, etc., pour trois, quatre, cinq voix seules
ou bien doublées. De celte manière on évite la monotonie, et l'on peut former des concerts entièrement défrayés par
l'harmonie des voix d'hommes, surtout si, indépendamment de cela, on prend la précaution de varier, le plus qu'il est
possible, la forme et le caractère des morceaux inscrits sur le programme, de telle sorte que les uns soient tirés du genre
religieux, d'autres du genre profane, et que ceux qui sont écrits dans le style grave et sérieux alternent quelquefois
avec des productions du style comique et léger. Jusqu'à présent, en France, nous avons eu fort peu de fêtes musicales
dont le chant viril ait fait à lui seul les honneurs. Presque toujours il a dû se mêler à quelques morceaux de musique
instrumentale ou d'airs chantés par des solistes des deux sexes. En Allemagne, au contraire, il défraie souvent un
concert, voire un festival tout entier. Il ya même des exemples de réunions chorales où l'on n'a pas exécuté autre chose
que des airs nationaux, tels que des Lieder et des ballades interprétés sous forme de chœurs et de quatuors pour
voix d'hommes. Ces sortes de fêtes de-chant ont lieu presque tous les ans dans quelques contrées de l'Allemagne, sous
le nom de Volksliederfeste. Elles sont organisées par des associations chorales comprenant un grand nombre de Lie-
derlafeln et formant quelquefois un ensemble de plus de mille chanteurs. Pour nous, qui ne professons pas autant
d'amour pour nos chants nationaux, nous ne prendrions pas un plaisir bien vif à écouler pendant près d'une journée ,
et même deux jours de suite , environ une trentaine de Lieder et de ballades, la plupart connus de longue date et se
succédant sans autre interruption que les moments de repos accordés aux chanteurs. Il est vrai que les airs populaires
allemands en vogue sont toujours variés et ennoblis par l'harmonie si riche et si pittoresque que des compositeurs
en renom se font gloire d'y ajouter, quand ils n'ont pas eux-mêmes le mérite d'en avoir écrit la mélodie. On sait
SUR LE CHANT EN CHOEUR POUR VOIX D'HOMMES. 103
en effet l'importance qu'ils attachent à ce genre de composition et la satisfaction qu'ils éprouvent à enrichir cette
branche impérissable de leur musique nationale. C'est encore là, il faut le dire, une preuve du respect des Allemands
pour tout ce qui tient aux antiquités de leur race et aux traditions de leur pays. A leurs yeux, le Lied est la mani-
festation la plus vraie et comme l'essence de l'esprit germanique sous une forme artistique à la portée de tous. Cette
forme est essentiellement allemande ; en s'apparentant au quatuor d'hommes , elle a pénétré plus avant dans les
niasses, elle a augmenté ses moyens d'action, elle s'est soustraite aux variations de la mode. Il a été constaté en effet,
par les Allemands eux-mêmes, que c'est seulement dans le quatuor d'hommes que les musiciens, leurs compatriotes,
sont restés de tous points fidèles au génie de leur nation. Dans les autres formes musicales, au contraire, ils ont subi
plus ou moins l'influence des maîtres italiens ou français. Quoï qu'il en soit, en suivant leur exemple, c'est-à-dire en
traitant la chanson française d'une manière artistique tout à fait appropriée à des chœurs d'hommes, on trouverait
encore un nouveau moyen de varier à peu de frais le répertoire de nos sociétés orphéoniques. En même temps on
habituerait le peuple à répéter ses airs de prédilection bien harmonisés à plusieurs parties. Puisque je parle ici du
répertoire des sociétés de chant viril, il est temps de compléter ce que j'ai dit ailleurs touchant cet objet.
C'est au directeur d'une société de ce genre qu'il appartient d'en former un qui réponde non seulement aux condi-
tions matérielles du chant d'ensemble, mais aussi au but moral qu'on se propose en tâchant de le propager. Il apportera
donc une égale attention aux qualités des morceaux qu'il doit faire chanter et à celles du texte adapté à la musique
de ces morceaux. Il évitera avec soin d'arrêter son choix sur des paroles et des sujets trop libres ; rien ne serait plus
préjudiciable à la dignité et à la gloire artistique d'une société chorale que l'abus des chansons grivoises et égrillardes
trahissant une effervescence érotique et bachique. On doit les interdire non moins sévèrement que certains abus aux-
quels pourraient donner lieu l'abandon et le laisser-aller habituels des réunions de plaisir organisées entre hommes.
Ainsi de même que les repas d'uue société de chant ne doivent en aucun cas dégénérer en orgie, de même les senti-
ments de fraternité dont les chanteurs se montrent animés réciproquement ne sauraient devenir pour eux le prétexte
d'une familiarité et d'un sans-façon de mauvais goût. S'il en était autrement, on verrait bientôt les disputes, les
brouilles et les haines succéder à cette familiarité même. Aussi un directeur expérimenté prendra-t-il toutes les pré-
cautions nécessaires pour qu'on n'ait rien à reprocher à la société qu'il dirige sous le double rapport de la moralité et
de la bonne tenue.
Une des mesures les plus efficaces à cet égard, c'est de faire souscrire un règlement sévère, et de veiller, en toutes cir-
constances, à sa rigoureuse et stricte application. Sil'on met tous ses soins à conserver la bonne harmonie des voix, on ne
sera pas moins attentif à conserver labonne harmonie des cœurs. Or, dans certains temps et dans certaines occurrences,
il faut s'interdire d'aborder, fût-ce indirectement, les questions délicates auxquelles la conscience de chacun est plus
ou moins intéressée. Les entretiens et les chants relatifs à des événements politiques présentent en général beaucoup
d'inconvénients et ne sont même pas sans danger pour l'existence et la prospérité des réunions de chœurs d'hommes.
En effet, ou ils excitent les défiances et les soupçons de l'autorité, ou ils jettent dans le sein même delà
société un levain de discorde. Les chansons nationales qui respirent l'amour de la patrie et la gloire des
armes sont elles-mêmes susceptibles de produire des effets analogues ,
quand elles ont été tracées sous l'in-
fluence d'un sentiment trop exalté, trop exclusif et trop hautain. Il faut en dire autant à l'égard de certains chants
religieux conçus en haine des autres religions. Dans les grandes fêtes musicales qui souvent mettent en présence des
chanteurs de différentes nations et de différents cultes, il y a des allusions historiques présentées d'une manière lière
ou dédaigneuse qui pourraient être fort mal reçues et qu'il faut prudemment écarter. Somme toute, il importe au
plus haut point que les sociétés de chœurs d'hommes ne soient jamais exploitées au profit d'un parti politique ou d'une
secte religieuse.
Je ne crois pas qu'il soit inutile d'ajouter en dernier lieu que la plupart des inconvénients que je viens de signaler
sont attachés aux chants de compagnonnage des corps de métier. Personne n'ignore que ces sortes de chants, que les
ouvriers et les artisans se plaisent à redire en chœur, ont maintes fois donné lieu à ;des rixes sanglantes. Aussi ne
saurait-on trop recommander aux hommes sensés de ne les chanter qu'entre amis ou compagnons du même bord, afin
qu'ils ne prennent jamais un caractère de révolte et de défi. C'est par des chants pacifiques, qui font appel aux senti-
ments généreux, qu'il faut d'abord chercher à triompher de ses ennemis. Rappelons à ce sujet un fait très honorable pour
110 RECHERCHES HISTORIQUES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE CHANT EN CHOEUR.
les Orphéonistes de la classe populaire. C'étaitenaoùt 1848, une colonne d'ouvriers destinés à être employés aux travaux
de canalisation de la Marne fut envoyée dans une commune du canton de Lagny. Les nouveaux venus furent peu
fraternellement accueillis , une sorte de suspicion armée les tint à distance , et nulle communication ne paraissait
vouloir s'établir entre eux et les habitants. Les ouvriers , voyant qu'il fallait en prendre son parti, supportèrent assez
philosophiquement la mauvaise grâce de cet accueil. Cependant se trouvait parmi eux un certain nombre d'Orphéonistes
qui, le second jour, s'avisèrent de se réunir le soir sur la place, et de chanter quelques uns des chœurs qu'on leur avait
enseignés dans les écoles gratuites de chant à Paris. L'effet de ces chants sur les indigènes fut, à ce que l'on rapporte,
vraiment magique. Ils sortirent de leurs maisons et d'abord écoutèrent de loin ; enfin , l'un d'eux s'approcha , un
autre le suivit, puis un troisième, puis d'autres encore', si bien que, séduits, subjugués, ils vinrent tous former un
cercle épais autour des chanteurs. A peine les cbants eurent-ils cessé, que chacun s'empara du bras d'un exécutant et
Outre les rivalités de différente nature que je viens de signaler, il en est d'autres qui naissent de chanteur à chan-
teur, et même de société à société. Celles-là éclatent ordinairement à la suite des distributions de prix qui terminent
les fêtes musicales admettant des concours de chant d'ensemble. Rien ne serait plus à craindre, dans l'intérêt de la
ne jamais s'enorgueillir des succès, conservant dans le premier cas l'espoir de faire mieux à l'avenir, et, dans le
FIN.
LES
CHANTS DE LA VIE
CYCLE CHORAL
OU
RECUEIL ;
GEORGES KASTNElt
AVERTISSEMENT.
Dans le recueil que je viens offrir aujourd'hui au public, j'ai tâché de saisir le véritable caractère des chants pour voix
d'hommes, j'ai tâché d'atteindre au degré d'élévation et de valeur artistique que les Allemands regardent avec raison
comme obligatoire dans toute musique de chœurs virils. J'ai pareillement essayé d'introduire dans la coupe rhyth-
mique de mes morceaux, des divisions et des formes nouvelles. J'ai pensé que le goût plus exercé du public et l'apti-
tude plus prononcée des chanteurs, me permettaient à présent de hasarder quelque chose de moins insignifiant qu'un
simple placage d'accords en contrepoint de note contre note, roulant sans cesse des harmonies de la tonique à celles de
la dominante. En cherchant à donner du mouvement aux parties par la variété des dessins et des rhythmes, de la couleur
à l'harmonie par le choix des accords et des modulations , de l'intérêt à la composition tout entière par l'emploi
d'idées mélodiques exemptes de vulgarité, j'ai fait en sorte de ne point multiplier inutilement les difficultés d'exécution,
et d'observer les lois prescrites par l'expérience pour assurer le bon effet de la musique d'ensemble. Je n'ai pas oublié
surtout que chaque voix, jusque dans les remplissages et les accompagnements, doit présenter un tour mélodieux ,
facile et naturel. Toutefois je ne dissimule pas que la facture de mes chœurs et de mes quatuors est plus compliquée
que celle des productions du même genre qui ont paru en France dans ces derniers temps. Jusqu'ici , en effet, vu
l'inexpérience des exécutants et la marche encore hésitante des ensembles, on a pensé qu'il était prudent de s'en tenir
à une imitation des chœurs d'opéras non dessinés et syllabiques , dans lesquels toutes les parties cheminant à pas
égaux sans dessin et quelquefois sans mélodie , laissent le plus souvent à l'orchestre le soin d'entretenir l'intérêt que
leur harmonie seule ne pourrait soutenir. On conçoit sans peine que, privées d'un accompagnement instrumental, de
telles productions fassent peu d'effet. Les ressources de la mélodie et les procédés du style concertant, sont donc très
nécessaires dans la musique d'ensemble, quand on se résout à n'y point faire intervenir les instruments. C'est une vérité
que les grands maîtres de l'ancienne école ont parfaitement reconnue. Seulement , usant d'un style trop recherché,
trop travaillé, ils ont souvent étouffé l'idée mélodique sous les développements mêmes de cette idée. A force de s'en-
gager dans les complications ardues du contrepoint double , ils ont insensiblement alourdi leur plume, refroidi leur
imagination, et quelquefois, comme on a osé le dire, entièrement dépassé le but. Ce n'est pas d'ailleurs dans le style
trop savant des anciens morceaux de musique d'ensemble que doivent être conçus les chœurs , les trios, les quatuors
modernes pour voix d'hommes. A ce genre tout à fait nouveau , il faut des formes tout à fait nouvelles , et ces formes
se trouvent déjà en partie fixées dans les compositions des meilleurs maîtres allemands de notre époque. Ce que la
fantaisie peut encore y ajouter, nul théoricien n'a le droit de l'enchaîner à ses règles. Je crois donc qu'ici plus que
partout ailleurs les innovations doivent être bien accueillies ,
pourvu qu'elles soient conformes aux principes de la
musique vocale. Les connaisseurs apprécieront celles que j'ai tentées; mais, je le répète, les Chants de la vie récla-
ment des interprètes exercés, de bons chanteurs, et non des choristes médiocres ou des commençants. Je les ai composés
pour le noyau d'habiles coryphées qui existe au sein de nos meilleures sociétés chorales. C'est pourquoi on peut les
considérer comme des chants de concours et de perfectionnement. Tous les préceptes relatifs à l'exécution des chœurs
d'hommes, préceptes exposés dans le texte dont j'ai fait précéder le Cycle choral, y reçoivent naturellement leur appli-
cation. Ce qu'on entend dans le chant par style, expression, y est de rigueur, et quiconque ne serait pas doué de cette
haute faculté que les artistes appellent avoir de l'âme, devra renoncer à y faire sa partie.
Pour mieux indiquer la manière dont je désire que les différents numéros du Cycle choral soient exécutés ,
j'ai
placé en tête de chacun d'eux des notes explicatives. Je me bornerai donc ici à donner quelques conseils généraux. Je
15
ij AVERTISSEMENT.
commencerai par dire qu'il convient, pour la plupart des morceaux de ce recueil , de faire alterner les voix et d'éta-
blir, en scindant les différents groupes de la masse chorale, des tutli et des soli , afin de ménager les forces des chan-
teurs ou de les utiliser de la manière la plus favorable. Cela sera surtout nécessaire à l'égard des ténors. Ainsi , dans
les passages élevés et dans les piano , ou divisera ceux-ci et l'on n'en laissera chanter qu'une moitié. De même, aux
endroits qu'il faut chanter piano ou pianissimo, les personnes qui donnent aisément les notes élevées en observant cette
nuance d'exécution , se feront entendre seules ; les autres se tairont. I! sera bon , en général ,
que les ténors prennent
la voix de tête à partir de :
-, ^ -û. b± te
Les six derniers numéros du Cycle choral sont des chants sans paroles et d'une nature à part. Pour ceux qui ne
liraient pas les Recherches historiques placées en tête de cet ouvrage, il est nécessaire de répéter ici ce que j'ai déjà dit
au chapitre V de la seconde partie concernant ces sortes de chant sans paroles qu'on exécute pour la plupart en imi-
tant les instruments : « L'art d'imiter les instruments par les voix est très répandu en Allemagne. Les meilleurs
* chanteurs des sociétés chorales de ce pays s'y exercent, et jamais il n'en est résulté un effet étrange, choquant ou
» même comique, du moins dans l'acception ordinaire du mot. Aussi ne fait-on pas difficulté d'introduire ce genre
» d'imitation dans les morceaux d'un caractère grave et sérieux. Il faut donc reconnaître qu'il s'agit cette fois de pro-
» ductions d'une nature à part. Faute d'un nom spécial pour les désigner, on peut les qualifier de chants sans paroles
» imitât ifs et pittoresques. C'est dans ce genre que j'ai traité plusieurs parties du chœur intitulé : Sérénade, et que j'ai
» écrit en entier les six derniers numéros du Cycle choral. Les chants sans paroles se prêtent d'ailleurs à différents
» d'un très bon effet en plein air; une chasse vocale bien exécutée au milieu d'une forêt, donnera complètement le
» change : à une certaine distance, on croira entendre les sons du cor, l'éclat harmonieux des fanfares. De même une
» marche que les chanteurs interpréteront chacun en imitant un des instruments employés d'ordinaire dans la musique
» d'harmonie, produira une illusion complète, et ne sera pas moins entraînante que si elle était effectivement rendue
» par les instruments auxquels se substituent ici les voix. » Ce qui m'a déterminé à joindre des morceaux semblables
aux Chants de la vie, c'est le succès qu'obtinrent il y a quelques années auprès de nos grands maîtres, Berton, Che-
rubini, Meyerbeer et Halévy, ceux que j'avais composés dans le même genre pour les quatre chanteurs alsaciens,
Ludwig, Lenz, Wein et Ehrhardt. J'ose espérer que ce nouvel essai ne sera pas moins favorablement accueilli.
Il existe peu de chœurs d'hommes ayant plus de quatre parties ; l'immense majorité de ceux qu'on a publiés jusqu'à
présent n'en ont que trois ou quatre. Mais si l'harmonie à quatre parties jouit de certains avantages que n'offre pas
celle qui a un nombre moindre ou plus considérable de parties réelles, ce n'est pas une raison pour que cette dernière
ne soit pas susceptible d'un bon effet, quand elle est bien traitée. Ne sait-on pas que dans un chœur à cinq ,
six, sept
ou huit parties, rien n'oblige d'écrire continuellement une harmonie à autant de parties réelles; au contraire, par la
faculté que l'on a de faire compter des pauses pendant un certain temps à une ou à plusieurs parties, et d'autres fois
de les doubler l'une par l'autre , on peut obtenir une grande variété, surtout si l'on emploie alternativement d'une
manière habile l'harmonie à deux, à trois, à quatre, à cinq, à six, à sept et à huit parties réelles. D'ailleurs un pareil
système donne une plus grande latitude quant à la manière de faire sortir ou rentrer les parties , de pratiquer des
imitations de dessins mélodiques, etc. Naturellement pour être traités avec succès , les chœurs à un grand nombre de
parties exigent plus de soiu et d'étude que n'en demandent des productions moins compliquées. Us obligent surtout à
une parfaite et entière connaissance de l'art d'écrire pour les voix.
On trouvera dans les Chants de la vie un certain nombre de morceaux à cinq, à six et à huit parties. Dans ces mor-
ceaux la dénomination de ténor : I, II; basse, I, II, etc., se rapporte plutôt aux genres de voix nécessaires pour l'exé-
cution qu'à la classification des parties en i
TC
,
2 e
, 3% etc. C'est ainsi que dans le chœur à six parties, Sur la mort d'an
(juerrier, il est demandé 2 premiers ténors, 1 second ténor ; 2 premières basses et 1 seconde basse. Dans cet autre, au
AVERTISSEMENT. jjj
contraire, Pendant la tempête, écrit pareillement à six parties, 2 premiers ténors, 1 second ténor, i première, basse et
2 secondes basses. De même, pour le Chant des bateliers à cinq parties, il faut 1 premier ténor, 1 second ténor, 2 pre-
mières basses, 1 seconde basse; et, pour le Chant bachique, 1 premier ténor, 1 second ténor, 1 troisième ténor, 1 pre-
basses, on comprendra, au seul examen de ces chœurs, la raison de ces diverses distributions.
Je dois faire observer en outre que j'ai employé dans la partition des Chants de la vie, la clef de sol (2" ligne) pour
les parties de ténor, quoique cette notation ne soit pas exacte. Les musiciens savent que les parties de ténor devraient
proprement s'écrire sur la clef (Xul (k° ligne), comme je l'ai fait dans les exemples joints au texte de ce livre; mais ils
savent aussi que l'ignorance de la plupart des chanteurs, en même temps que la répugnance des simples amateurs pour
une étude approfondie des principes généraux de la musique, met ordinairement les compositeurs dans la nécessité
e e
d'employer la clef de sol (2 ligne), au lieu de la .clef d'itf (4 ligne!, en sorte que ce que chante le ténor est noté une
octave plus haut que l'effet rée! ;
ainsi, par exemple, au lieu de
Désirant épargner aux amateurs une élude qui pourrait leur paraître pénible, je me suis conformé à l'usage, et
j'ai adopte le même système de notation.
CHANT DE FETE
Paroles de I.EOX MALHERBE. Musique de Georges KASTNER.
Ci- chant de fête ex^ge une exécution dégagée et brillante; une expression le même rôle que les Neumes dans la musique sacrée; elles sont la libre uian,
tendre et enjouée. li doit présenter un caractère depanchemenl et d'allégresse. festation des élans, des transports du cœur qui, fortement ému, renonce a pein-
On se rappellera que l'amour ou 1 amitié' en font les frais. Le premier motif _dre ce qu'il sent autrement que par des sons -Ecrit pour 2 premiers ténors,
en La majru* Rixnluto consenve la même expression pendant toute lu durée 2 seconds ténors, 2 premières basses et 2 secondes basses, le Clumi' rfe ftle
du morceau. Il reparaît chaque fois sur un texte nouveau exprimant des idées est conçu de telle sorte qu'on peut l'exe'cuter a huit voix seulement d'après le
joyeuses et imitant à la gaieté. Les reprises s ans paroles qui xiennent ensuite nombre rigoureusement nécessaire, ou doubler et tripler les parties de ma-
sont comme le développement intime et musical de ce texte; elles jouent ici -nière a obtenir un ensemble beaucoup plus considérable.
PP
C ,S
1 . -TE\0BS
m -m
Osé
L„ w a tem P-p -
i —J -*
H*— — «—
r
L
P
£ _
Qne nos chants dalle Era-Veiitie sort .la loui Disons" Plus detris.
±-
y
-^hr— ) _
— -U
f Qnenoschants dalle'- gres
-Y
Bra -
r
vent
~r~r
ort ja - loux îoux.
=7T .
l * —-#- —m—
ê # -£-Ê—p-
"
9-^ m-
Que nos chants dalle'. gres Se Bra - vent sort ja loifX Ja 1(!UX. Disons Plus detris.
Qnenoschants
•t.
^e-t —— k
e-t-
3P
Qnenoschants dalle'- gres _ - se Era_ventle sort ja - Imrx Disons'Plus detris-
— — —
'
t «H i
£ 1 £
«T:
m
:
>'
l#J-i —
Fâtei'oerocqiielon ai - me T)anslesmomentsheu_renx
ï\° 2.
PRIÈRE
Paroles de LEOIV MALHERBE. Musique de GEORGES KASTNER
Ce morceau est à quatre parties et conçu de tellé«orle qu'il p'fst être conserver une parfaite justesse d'intonation dans les passages qui uiodulenT,OJl
dit coxume quatuor Suto par quatre interprètes, ou Jbien comme inorceau den_ bien qui présentent quelques uns des artifices harmoniques principalement
.semble a voix nombreuses par autant personnes que '
<le 1 on voudra. Il exi*eun ad-mis dans le style religieui^lels que les retards et les' suspensions.il serait
style large et soutenu. Toutes les parties vont une égale importance et deman- à désirer que la seconde Basse fut un chanteur doué d'un bel organe, et que tous
_Hent à être étudiées avec soin. Les chanteurs devront surtout s'observer pour ceux,en général, qui eiécuteront ce mor.ceau,eussent des voixjustcs,pleires et sonores.
PP
m
O Dieuxon ser - venons la flam De ton di Tin so leiT, Sou. tiens être. chauffe notre â me
TEYORS.
m m p sanienuio.
0
r
Dieu,con ser- Te nous !a
n t
De ton di Tin so _
iP
1. BASSES.
P so&tenulo.'
m P
<>des
BASSES
O Dieti.con ser- Te nous la
m De
Tf
' '•
ton
=3»
di -
*=f
~ 7)
—
leit-,Sou_ tienset hauffe notre à
m
O i)feu,coh_sër_ fenHàs la flam - me De ton di _ vin so _ leil;Sou_tiens et ré- chauffe notrelTT - me
^X Adagio-
f m -m f
PIANO
m w w
Pour le temps du re veil.
PP
m
•
5/ *f if If
P Pour le temps du re veil. en corde nous la foi qui sauve Qui sau - re qui sau _ ve par la _
*f f '-
';/' strivqnuin.
É fa
Pour le temps du ré_ veil. , .. \c- [do nous la foi gui sau _ ve uni sauve par 1 a
«/ -f. ^Irinijnulo X
Pour le temps du ré _ veil. Accorde nonsla foi . qui sau - veQni sau _ - ve par l'a.
- mourçChasse
a tempo.
la hai _ ne au regard fan _ ve Du ter
pp
es_ tre se- jour
m
du tfi res - tre sé jour
t*
i
- mour;Chasse la hai. ne au regard au re gard fan Du ter es - tre se îour duterrestresé. jour
a tempo. L _ pp
19 ^r±r
i
monr Chassela
;
ne au ï égard fan _ -ve Du ter _ restreséjour du terrestre se. joui
pp
-
a tempo.
nom ;
_
m
g 0
j 1 1@:
=
fan .Te du ter res-tre se. joui- du te'- res-tre se _ jour Ouvre a nos yeux le sa m ! u
-gard an regard
.
fan
JT
m mm
a -
>> —
m
fan' - Te du tei- res-tre se. jour du tel res-tre sé_ joui Ouvre a nos yeux lesanetu
jÉE-
9= -±z F-
fan - ve du tei' _ res-„tre se - juir du ter - res-tre se" _ joni Ouvre a nos yeux lesanctn - ai
0m » (t
3 ^ I
#5
Dans la première partie,en sol majeur, doit régner une certaine expression -cond ténor, et bientôt après descend de celui-ci a la seconde basse. On ob-
de simplicité et de grâce affectueuse. Dans la seconde partie,en Si bémol, l'es servera qu'il y a plusieurs passages dans la partie du premier ténor où l'ein-
eiérutantsauront soin de bien marier les rentrées pour faire ressortir le des. .ploi de la voix de ttte est indispensable. L'exécution de ce morceau peut èlre
— sin mélodique qui,des la deuxième mesure, passe des premiers ténors au se. confiée à un nombre illimite de chanteurs.
Andantino.( M. M. J.-.'O)
I
e
." TE\0RS
Pour cet en-fant qui re po
m
Doux ange à la lèvre ro _ se,
-r—y-
Soyezeïément,oSei _
S
d5
.
'fÉïfûRS
9 W V V
m
Pour cet enfant qui re po . _ se, Doux auçe à la lèvre ro _se. So_ yez clément, o Sei
P
1
r " BASSES
KISSES
asj—^
Pour cet enfant qui re - po - se qui re_po_ seqtii re _ pose, Soyez dément o Sei
Andantino
-y-; r
nf
- gneur, n Sei-gnenr so yez clément, ô Sei-gneur.
*
qu'en cette â_me vir _ gi-na _ le Coule de l'eau baptis _ ma.le le flot régénéra _ teur A sa rie, heu - reuxvo_ya - ge,
PP
g f if-
Dieu Juste,epar - gnez l'o ra _ ge et pvn_ «liguez le so leil Et pro- di _ guez le so leil
PP
m 4- h
m
rie,
Dieu
Reurenx
juste,epar
vq ya-ge,
gnez, Dieu
Pieu juste, epar gnez
lo_ra-ge
ra _
m
ic^
et
t-t
prodi -
pro _ di -
guez le soleil
guez le so - leil
Et prodiguez
v PgÉiÉp
Dieu juste epar.guez épargnez l'orage et prodiguez le so _ leil
- g
et prodiguez le sn_ leil Et
i i
te 5 f—
y/
pro- diguez
et prodiguez
le
le
so leil.
so _ leil.
Par-mi nos tîon. leurs sans tre_ve
fa
Par_ mi nos dou-J leurs sans trè-VeT
Que sesjours soient un beau
re
_
_
ve
ve
par. mi nos don.
PP Et prodiguez le so
m
îif.
le so leil. Par_ mi nos dou leurs sans tre_-ve Que ses jours soient un beau re - re par.mi' nos df
f
m t r f r m
pro _ «liguez le so leil: Par- mi nos don -leurs sanstrê_ve Que ses jours soienl un beau rê _ ve par_m'i nos don.
* —r~- r-
le est bien frè _ le, est bien fi-è-îe, Et lèvent fait plier l'ai _ le
mm
-
n i
a
rr.
. ralleni mull
F!
f y/
m,
TOCS près de Teil _le pour vous Teille pour tous près de l.li
mm TOUS
=Ê
pr, ^luT
y
Teil
i
_
s
./
— —pour
le
-
P
ma
tous Teille pour
frallrmo\lo.Jf
tous
fralbmollojf
près de lui
7?T
-PPP
-/>/?/>
F
j
près de veil _ le pour tous Teille pour tous près de lui
-PPP
tous près Teil _ le pour tous Teille pour tous près de lui
fralLmolto.jy
-s i f É
i
suivez, ff
m
14 W? 4.
SERENADE
Paroles do LEON MALHERBE. Musique de GEORGES KASTNER.
En composant te morceau, l'auteur s'est représenté une fête de famille cé- musique instrumentale. Cette imitation des instruments dé cuivre par les voix
lébrée à l'occasion des fiançailles <>u du mariage. Une sérénade est donnée a a pour but d introduire dans la sérénade un élément de variété, mais comme
la jeune épouse-, tout le monde y participe. En conséquence le morceau se elle v produirait un effet tout contraire à celui que l'auteur en attend, si elle
divise en plusieurs parties d'un caractère différent. Dans l Andanlino en Fa était rendue dune façon médiocre, il serait urgent que les chanteurs peu fa-
majeur que premier chœur exécute en imitant les instruments de cuivre,
le miliarises avec ce genre d imitation v suppléassent soit en vocalisant, soit en
on neut voir des musiciens iouant un morceau d'harmonie; dans la partie chantant sur les syllabes Ira la la les passageis où elle est indiquée. Quoique
suivante avec paroles, des parents, des amis exécutant en 1 honneur de la bien- Ge mode d'exécution ne réponde pas tout à
. fait aux intentions du composi_
aiinée un chant d'amour, sorte de berceuse anacréontique. Enfin l'AlléareHp teur, il vaudrait mieux y recourir que de s'exposer à dénaturer le carac-
'
D Si bémol majeur place au milieu de la composition et chante par le pre- tère du morceau. Pendant les huit premières mesures de l'Alleyretla, la
mier chœur, peut passer pour l'expression de la joie commune dont les élans seconde Basse exécutera sa partie à bouche fermée, cvn bueea chiusn. Dans
se traduisent en gais refrains et en vives cantilènes. Le second couplet du le second couplet du chant d'ainour, sur les mots Déesse de la nuil t la par_
chant d'amour est immédiatement suivi de la reunion des deux chœurs qui tie du premier ténor doit être vocalisee en sons de tête, et celle de la secon_ <
redisent ensemble le premier motif, el simulent la reprise du concert de (fe Basse également chantée en vocalisant.
1?' CEŒUE.
(imitant les instruments de cuivre.)
Andaiitiuo. (M. M. J . = W) placide.
1 TENORS
mes
2 TENORS
15
CHOEUR
rs
l? TEIÎOBS
g t f g i i i f
Ë « P g
Que les divins ae. cordsd'une tendre harmo Ber.cent dans son sont, uieil u_ ne femme ehé-
ppsempre legaio.
2 ds TEXOHS h I É J'
Que les divins ac. cords d'une tendre haro _ ni _ Ber.cent dans son sot uteil n _ ne le m me ehé.
sempre lega
4_
s
t" BASSES.
es
2? BASSES
PIAIVO,
f
Bercent dans son som .meil u_ne femme ché _ ri _ e;Qu'aux ac.ceus de l'a.mour, les rè.ves du bojj_Heur Viennent flatter ses
«la
16
r
i? CHOEUR
1?
M TENOBS. M ff.:*f 1
—^ •
rr# ?
ffpff
<~m
f
Ti A 1a 1; l lal a la
P .
—-—f h-
l
m —
t e i 5
£
g
—
H
'J"
1" 6
TENOBS. •
-
f r
i
Y
L1
«i
Ta
p -
la la la
rfr' —
f-
3™ es TENORS.
*== V F #±
i
res
BISSES.
r
—*
la la la
—# 7
la
f>
yy
la
f.
—f~n —— f
>
p
la la la la la la la
n ^ Lout h s fit ruiee)
— i
mes
2 BASSES.
La la la la la
p A
3!° es BASSES. L.
# <i J. J J J
a la 1
PIANO.
» •
7
=r
>
S
m— j 7 *J
^
j
j- s -
±£
k : —
£-
v
#^
7 ^7
#=
£ js
—
3 3 i3 ? è 7 J
I pi
5= 1
P1É
PPJk
m PPP
ppp
pup
f i
É
«4
i 4—
ail
Jlp
-4- PPR
ppp
m
i_
.
rall.moUo, a tempo
mplo
.plo
netnpre legafo.
Por_te
Por_te la
la dou _ ce
don _ ce
ment dans le sein de
de l'an
es _ se
S de la 'puitqu e pour elle on im plo Porte la don _ ce ment dans le sein de l'an.
m
sempre
_es
legalo.
_ se de la
H g i P
nuit que pour elle on im.
r
plo Porte la dou _ ce _ ment dansle sein de l'au_
m j. j
T
m 4=j=
sT y" >:<: 1>F
—i
y née.
m # /
if / Sec.
?jp
i— (- «S
J J
>/
J
^ 1
m m
J s'a • a .
S"
J ;
"2
. i
I
20
N? 5.
SUR LA MORT DIN ARTISTE.
Paroles de Francis MAILLAN Musique de GEORGES KASTNER.
Pour produire tout l'effet que l'auteur en attend, il serait a désirer genre d'expression qu'il faut employer ici. C'est un morceau qui de_
que celte composition fut exécutée par un jnombre assez considérable mande a être bien dit, bien déclame et chante avec àme. Les exé_.
de chanteurs. Cependant quatre belles voix, à la rigueur, peuvent cutants s'y pénétreront du sens des^_p_aroles et ne se contenteront pas
suffire. La nature du sujet indique clairement par elle-même le de faire seulemenl la noie.
,
1
,
If,
En
f-
ir
S
BASSES.
Ê
En. core une lyre a Qui se brise engémis saot, Et dont ta fuu_le /a vt _ e
o des
BASSES.
mm 1 i iJ
r
J I i M
En _ core une lyre a _ mi _ e Qui se bri se en gemissantEt dont la fou _ _ le ra _ vi _ e
Andante sostenitto.
PIARO.
ÉmÉ
mf
mm
pins le doux l'haut He_ las! sur la tombe sain_te Duu artiste créa teur Que defois,stéri_le
m plain_ te, Ecla.
N'entendra plus
m
le doux : ha nt Helas! sur la
m
tombe sain_te D'un artiste créa teur Que de
m
fois,ste_ri
m _ le
I
plain_ te,Écla_
m
if
r m
N'entendra plus
4^ — le
jq
doux chant Helas! sur la tombe satn_te D un artiste
mf
créa teur Que de
m m
fois,sté_ri _ le plain_ te, Ëcla
i
JJ7
N'entendra
i
plus le doux chant
r r
Helas! sur la tombe sain_te
"9
m
D'an artiste créa _ teur Que 'de fois stéjfi _ le plain_ te, Ecla
-M
m f p r
/»/>
_.ta no_tre dou_ leur, E_cla _ ta no_tre dou leur- E_cla ta neutre d<; _ letir É _ cla_ ta no_tre dou leur! ^
Que de
IL P PP
P ta /
ua.tre dou. leur, É_ cla ta no_tre do leur E_cla ta
'
no-tre dou leur É _ cla. ta no-tre dou leur! Que de
P m. PP
L « *• m ST.. i2
». _ ta QOjfcre doiL leur, E_cla. ta nojre dou leur E_ela ta ne_tre dou leur É _ cla. ta no_tve dou .leur! Que de
E_cla ta
-M-n+f no_tre dou_ leur
le
P
i
* JC.
-S-
ff P '
m
fois, stéi'i_ le plain _ te, É_cla _ ta notre douleur 1 C'est en _ core un no_Me fre _ re Dont il faut menerle deuil-C'esteu-
i m 11
w m mm
P
p f
i
mm \ ,
mf
C'est
3*1
en _ core une pn è _ re  di_ve sur un eer _ cueil À dLve sur nu eer cueil!
più lento.
C'est en _ core une pn e _ re di _ re sur un eer. cueil A di_re sur un cer. cueil! Re
s-
i
,
u o
I
m
mm m
C'est
"£
eo
en _
_
core une pri
;
re n _ ne pri_
e _ re
fe
A
A
di _ re
di _ re
sur
sur un
il A
^
A
di _ re
di _ re
sur un cer_ cueil!
mf
Mm piu lento,
e_
m PP
Ee po_se en paix noble al'n _ le_te
m Dt l'art prêtre glo ri _ eux De
' _post paix no _ Lie ath te De l'ait p»'ê_treg]orï : eux De l'art prêtre glori eux De
L
i f 4%
le te, Df l'art prêtre ïb.ri enxj^ Re_pose eu paix, n<> _ ble ath le _ te, De
TOr
l'art prêtre glori _
r
eux De
te De
m
l'art prêtre glori _
m
eux De
mm f
l'art prêJre glo_ ri eux; Re _ po _ se: ton œuvre est fai_te,Et ton
PS
as _ tre brille aux
r p r. y
if-
É
m
r l'art prêtre glo _ ri _ eux; Ee po _ se ton œuvre est fai_te, Et ton as _ tre brille aux cieux Re po atC_
paix, no _ ble at
l'art prêtre glo_ri _ eux; Re po _ se: ton oeuvre est fa Lté, Et ton as _ tre brille aux cieux Re.
P i
4,
l'art
t-
prêtre glo_ri _
'
"
M
eux; Re po _ se: ton oeuvre est fa Lté, Et ton as _ tre brille aux cieux
w
mm OJ J a i
J
»lf
00
lart prêtrëglo_ri eux-Ke po_ se: ton ;of-ii_vre estfaite,Etton as_tre brille aux mort n'a ouei bîimtle ar s 1
i
9 v — —— ; ;
lart pretregio_n etix,-Re po _ se: ton œuvre est faite, Et ton as_tre brille au; eieux La mort d'<!
^
unelhniiilleaï » - le
0' '
0U&
1 art prètreglo_ri _ eux;Re po _ se: ton œu_vre est faite, Et ton as_tre brille aux cienx La n'a
m
que 1 humble ai' gi le
— —k ni'.H't
m * * rail. f
a temp
— —
GlITAKE
Pan de V. HUGO. Musique de GEOUGES KASTNER.
Bien qu'elle puisse être confiée a quatre personnes seulement, lexertilion de -vent sur l < m t v être observées avec un snùi scrupuleux, afin qu aucune des
ce morceau «affierait a reunir un plus grand nombre d interprètes. Elle exi^e intentions piquantes du dialogue n'échappent a I auditeur.
1 . T3EWOBS.
TENOHS.
TASSES.
i: \ sses.
foui _ ment, disaienûls, \ _ Teo nos na _ cel - liés Fuir les ALgna _zils? Raméz rainez disaientelîêVramez ramez
Allegretto moderato ,
PIANO.
"
r f Y V —tf— 1 ;
±==L m. m p
1
_ rils?— DormeZjdormez dormez dovmezdisaientjf '.les dormez dar_ tuez dor _ mez dor
disaieuLflîes ïz
^ gomment, disaieiitjls, Enchanter les
^= —«^T^f—
: r-i j ê k>'
bel _ lesSans h il _t r es su b _ 1 1 ls?_ A i- im-z^anue z
'
1
v * y j
disaient_elles,aimez
> i
y u
aimez
p disaient.elles ai- mèz ai _ mez aLjnez ai _ niez!
24
LV: 7.
Ce morceau peut être exécute par quatre solistes; mai-- il vaudrait _reuse, un style brillant et animé, de la vigueur et de ta , sur été d'ans
mieux qu'il le fut par seize chanteurs au moins, ou même par un les attaques, sont les conditions ~a observer pour rendre convenable.
plus grand nombre de -voix. Les parties du premier Ténor el de la _ment ce chœur selon le caractère qui lui est propre. Toutefois il
'seconde Basse étant les plus importantes, exigent des interprètes qui faudra bien se garder de chanter en criant les passages qui demandent
les fassent bien ressortir. En général une exécution ferme et e.haleu. de la force et de l'énergie.
ribvulo. mlirato.
,Allegio moderato. (M. M. # = 1 1/>
er s
l . TE M) US.
2 a? ; ÏE"\0BS.
f? 5 BASSES.
2 d ; 5 liASBES.
Debout, amis! debout, amis! Hors des ten _ tes! A _ 1er te a _ 1er _ te sous les dra _ peaux!
kllegro moderato
PIANO.
Pour aos colonnes erran.tes La ttUJt meTiKH'st sans re _ pos pour nos colntmes errantes la mut même est sans re _ pi
idlpvtnndo, a tempo. ,
m . ,c\ bien accentue
- cades, Des no(vtiir_nes . ces À traders bojs et Ta .tons a tra .Ters bois et Tal. Ions De bout,marchons!dp.
ttllr-titaml accentué
cades, Des nnr _tur_nes ca des Atràjvers bois et Tal a tra vers bois et Tal. Ions De. bout, maivhons'.de
rivfnrmvd ralle.nlando.
_ ca des, Dp.shoi _tur _ nés ca _ Tal _ ca - des A t ravers bois et val Jous a tra bois et Tal. l< >ns De. bi rtrt, marcbons'.da
rinfovzavao. rinfortavdo raUeniando.
C'est l'heure des embus_cades Des nocturnes cavaLca _ des A travers Lois et Talions atraTers bois et Talions De_bon.t,marchons!de_
^ Al egret to
i ( M M J. = 104)
m
bout, marchons! de bout, mai- _ hons! Quaud re_ten tit le cri d'a_ lar_mes, Pas de pitié pour 1 ensneifli! IVïal ..heur a qui brave
bout, marchons! d» :
bout , mar _ thons! Oiiaud i'e_ten tit le en «i. ar_nie», Pas de pLtie-joiir l'eu-Benii! Mal L'heur "a qui brave
bout, marchons! de _ bont, mar _ ehons! Quand rejen _ tit le cri d'à _ lar_ nre s, Pas de piJtie pour l*en_nemi! Mal_heur a qui brave nos
g o- /S k Allegretto
É s
i
f
ai _mes! Hur ra! Frappons sans nier ci quand reten tit te on d'à _ lar_nies pas pijie: pour len_nemi! Mal_'heur à qui brave u-
tit
v-
le cri d'i lar._nies pas de pi_tie!
P mm
pour L'en_nemi! Mal_|h.eur a qui brave nos
r-
ar _ mes! Hur _ ra! Frappons sans nie ci quand rc _ ten tit le cri d'a_ pas de pLtit ! pour l'en_nemi! Mal_|lreui' a qui brave nos
-..mes'. Hur _ ra: Frappons sans nier_ci quand reten _ tit le cri d'à _ lar _ mes pas de pLtie! pour Yen. Béni! Mal- heur a qui brave nos
'
W^ 1 m f f- S-f—r
ar_mes!;Hn.ï..ra? frappons sans sier_ i! hui ra'.frappons sans mer- ci! sans merci Jo_ •yeuse nuit! Joyeuse
S7s mf
ar_mes: Hnr_rai frappons sans mer_ ci! bnr_ra! frap pons sans mer_ci!.sans mer. ci Jo - yeiuse nuit! joyeuse nuit! le sol trem _
b'e: sous lé Toi dés es,_ca - drons, sons le vol des esca _ drons, Et la foudre là haut semble uu é_cho. de nôs-eanons F.t la fondre là haut
21j
m
*eni_bleun e cho de nos ca nous, Sninbreest
reest le riel sur
ciel s nos têtes nous i l _ pe _ tes,L'o
<\[
sem_ bleun eî_eho [
? r
de nos ca _ nous,
m fif.r. r p.
• /' J'
Sombre est le fiel sur nos tetes-.Mais nous rions des tem
1
e _ tes, L'o _
i iÉ
mm hants lo _ ra _ se em_por_te nos hauts Marchons, enfants! niai hons, enfants! îiiar chons, en. fants! Oiiand reten tit le cri d'à
atem^ofi'iV» urveniué
É
chants lo ra ._ ge em _ poiite jo« c ants^\Jaii'hons, ^if '^it 1
s . l'ai* | ohHtns, enfants chons, fants! Quand reten tit le cri da
ridtfnkindo.
chaSÎS l'o ra _ ge em _ poi-te nos hauts Marchons, enfants! niai chons, enfants! mai' choiis.,en fants! Quand reten tit le cri d'à.
rflUdttqtttfo. a tempo bien' accentué
~. ^^ -^T"!
ra"e emporte nos chants l'orage emporjte noscBairts Maroho'JS, enfants! ni,i:'_chons, enfants! marchons, en _ fants! Quand reteii . tit le cri d'à.
AgegrettQj
„ ^
larmes, Pas de pLtié pom- l'ennemi! Mal . heur a qui brave nos ar _ m es! Hur. l'a!' frappons sans mei*_ ci Quand reten -tit le cri d'à _ larmes Pas
v a
LE COMMENCEMENT ï)l VOYAGE
Paroles tic BERANGER. Musique de GKOWJES KASTNER.
dispositions suivantes: Uia_ plu- ou inouïs considérable de chanteurs, selon tes ressources H.nit "ii
F.n exécutant ce morceau, on observera les
chant flëranger sera dit coiuuie quatuor Solo ou tout disposera. Pendant l'exécution du Tutti, les solistes pourront se reposer.
jque eoupk't «lu «le
au plus comme quatuor doublé, c'esUVdirë a Lui» voix. Le refrain Toutes les parties de celte composition doivent être nuancées arec gout.
sera au contraire entonné par la masse qui s,, composera dMi n'ombre
Allegro moderato. (M
,-soi,o.
1"!" TEXOItS.
l'T BASSES
tient geu t il _ 1 e passa Ah! soyons es premiers mate. lots I)e_ ja les eaux ten lèvent an ri. va . ge,
vvv sfmp
—M-
ME
j
wm
m ——
tient gen _ til _ le passa _ ge _ re; Ah', soyons en les premiers mate _ lots. I)e_jales eaux l'en _ lèvent an ri _ va _ ge,
9 j y i w m
? REFRAIN
t3
Que dou_ce_ment el_le fuit pour ton -jours . Nous qui vo _ yons commen _ cer le voy _ a _ ge, Par nos chansons e'_ gayons-
De _ jà le sovt a souf_f le trustes voi - les; De _ ja l'es-poir pre _ pa_ré les a _ ijres, Et nous pi'o_met, a le.
— .
Bar 'nos êhan _ sons ega\ons en le cours An mat pn>_ piee attachant" leurs guirlandes, Oui, lés A _uioiirs prennent part an ti"a_
suivez; î 5 •
tempo 1
rr
I
T •
as:
45-
vail . Aux
fcfc
;'ha> _ tes
mm
Soeurs on a
Ui
{'ait
1>
des
F
of_ frai) _des,
if—
mt
Bacchns nu
''
£=4
_ va il. Aux :'has _ tes Sœurs on a fait des nf. fran_des, F.t l'A-ini tie se place au gouver _ Bacchns lui.
« >4t± f t.
i
.
n rail . Anx
n
elias_tes Sœurs on a fait des of _ fian _des, Et lk_mi _ tie' se place an gouver _ nail. Bacchns lui
30
a leoipo.
rilemi,U'. TUTTI
"cm
1 -h Y~T 4*
Qui des PlaLsirs in vo.que le se cours Nous qui vo . vu us connue; Par nos chansons e-gayojijg
a tempo.
rittjutio. , «TUTTI. ,
S 5E
Qui des pla i . sirs m vo_<jne le se cours Nous qui vo .50ns coin m en cer le vo ya _ ge Par nos ehan|sons e_gayons
a tempo.
wm
ritenulô. ..TUTTI.
É
Oui des Plai SUS 11! _ To_qne le se cours Nous oui VO .vous comuien Cei le • vo _ Par nos chansons e_gayons
a tempo.
..TUTTI.
m E
Ont des Plai_siis in _ vo_queHe se .cours. Nonsqui vo _yons comme ni- cei- le vo _ ya _ ge Par nos chansons e_gayons
f *
9:
— — -5
? --f- -t—
J J]
1
^
-M*
Adagio molto. ^
tempo'
g0I(l
ut en _ cor sa_ln _ er fa na _ cei _ ie? C'est le^lalLheiir be'iis _ sant la Ver _ tu, Et demandant que du bien fait pa'
el _ le Sur cet en _ faut le prix soit repan du. A tant de rctx, dont re_ten_tit la pla _ ge, Surs qut- ja
mf ï ITT I
'
si 'J
É
m
Nous uni to vous commun Ser le to _ 3a - g»", rat u> i'han sons e _ gavons
vf TUTTI
F
_ niais lés dirnx ne seront sourds Nous (jui vo_ yons commen le vo
ya - s0 '
Par les efc sous e_gay>ns - en le
^ TUTTI — #-
i • k
7=F
maLs les dieux ne seront Nous qui vo yons commen cer le to .
3™ - ge» Par les oha jsons e_ gavons
,if TUTTI
V 1 ±E5
lais lesdieux ne seront sourds Nous uni vo_yons commen _ cer le fo _ ya _ ge, l'ai- les uhan.sons e_gayons - en le
É 1 i ï
i
3 mm
*3 3*
Vdaïio niolto.
cours Nous (jin vo _ yons commen _ cer le to _ ya _ ge, ar nos chan _ sons e_jgayons_un le cours!
Y.' 9
Cil A M D'HllIE^
Paroles de FKAMÎIS MAIL LA IV . Musique de GEoilGFS KASTNEB
Le Ghaul d'rhinen doil être exoeule par un chœur complet qui, clans >.a plus Le Tulli rentrera au /ortissimo: (Ju il es/ ,lmi.r lv serment »»ji»tw< Il faudra
faible proporti'ran, comprendra pour !<- moins seize chanteurs- seuftinent le passage que les chanteurs s'appliquent a rendre par une dégradation hin, ménagée
Suivant; f)r l'Hymni fjrurii ii.r symhutè sera donne en quatuor simple nu double. lelTet He itim t ndu et de valltnxlando des s> ize dernières mesurer
T r s TEJVOBS.
.
d«.
JtTTT
1™ liAbSES.
-e — —0
J'IAM).
Allegro nmllo moderato
mm 4
i
1
—
33
tel de fleurs pa_re'l'e_pouse a re^eujrbiigis-san -te la main de l'e - poux a _do_re la main aç 1 e _ p< iiï a _ 01 > _ ce
De l'hymen graci_eux sym_bo _ le, De_ja l'an ..neau s'est e_ chaiï_ge; Du pi-e _ tie dc_ja U pa ... ro .. îe A be _ ni la_
3 te:
S
TUTTI
m
^ _ mour parJa _ ge' Qu'il est doux, le ser_ment su _ pi ème, Sous oe do_nie,pi_euïa _ bri, sous ce dôme, pi
> _ eux a _ bri, Prononce par la robe qu'on ai , Et par les an _ ges re_eneil_li! et par les an_ges re _ cueil _li! Qu'il
k
1 JL
m
mm qu'on aime, qu'on aime. Et par les recueil li! et par les re - cneil li qu'il est d'uixle serment suprême
m
voix qu'on me Et par les recueil li! et par re^ _
£
u
eneil Ji ffli'il
—-M
est doux le sei lient suprême
r
voix won ai _ me qui amie Et par les li! et pal- an ges re cneil Qu'il est
P §
voix qu'on ai . nie Et par !es an _ ges re _ cueiLIi! et par les ru ges re . cneil li Ou' il est
deux ce ser_ ment su-pre me sons ce do _ me pi _ eux a _ Lri, qu'il est doux ce ser.ment su pre me sous ce do _ me pi _ eux a_
mm
-
n
i
_bri, pro _ non _ee par la voix qu'on ai _ nie par la voix qu'on ai_me et par les an _ ges et parles anges recueil!
—
10
CHANT DES BATELIERS
Paroles de FBAKt;is MAIL LAN. Musique de G70H-KS ÏASTNEK.
Le vhwl dit» Bateliers, ecril a cinq parties, pourrait fort bien être exécuté d'organe ainsi que l'habitude des traits .et des passades rapides.En gênera]
par cinq vok- seulement} mais il faudrait ici cinq voix sympathiques, flexibles IVnsemMe vocal devra être bien fondu, et les suix se suivre <le front avec
« t légères, d'un timbre pur et brillant. Toutefois les sociétés ehi «raies qui comp- le même élan et lu même légèreté. Cette dernière, observation s'applique
étent dans leur sein un plus grand nombre de solistes doues de voix sembla. principalement au tra la la qui termine chaque couplet. On fera bien res_
_bles, pourront doubler,; ou tripler les parties de cette composition comme -sortir le contraste de ce. dernier avec le thème Sur ces eaiu tranquille*
bon leur semblera. Une exécution tantôt douce et suave, tantôt pleine de et a\ec le passage chante très pianissimo .-fVr.s de chaque rire, lesquels
'brio et d'entrain, est nécessaire pour interpréter convenablement le Glimtt doivent eire dits en sons lies et soutenus, avec un profond sentiment île
des Bateliers La partie du premier Ténor exige surtout une grande souplesse calme, et de sérénité.
ds
2 . TENONS.
F? BASSES.
Sï
4 " BASSES.
Sur ces eaux tranquilles, Hardis cjm?_pa - ginoris, Aux échos do _ ci les l)Ltes Vos chansons sur ces eaux tranquil -les,
gflAndatitino
PIANO.
sr
*———— ~ ' — \
171 r — 1
~
Y
—
hardis eom_pa _' gnons, aux échos do _ ci _ les di^ tes vos chao_s<)iis la t la la
a tempo.
mon _ de Ou cou _ lent nos jours; Que de fois cette on_de ' une de fois cette un _ de Ber _ câ" ber-ça nos amunrs! Ce
3B
8$:
fleuve est le mon _ df^ Où cou _ leut nos joui s-. Que de fois cette onde que de fois cette on _ de ber _ ça nos. a-mours
7 v 7
y,
-
.•i d :
i i i
— i
—
-# # «
r
«
^^E5
f
[Y.' H 39
Pli I M AVERA
TYROLIENNE.
Parûtes de LEON MALHERBE. Musique de GEOKGeS KASTNEB
C.i-Ur Tyrolienne est écrite pour cinq voix. En tout cas la première doublées, si on le désirait, mais alors il faudrait les gouverner de telle sorte
partie confiée au premier Ténor, doit cire chaulée par une seule personne qu'elles ne couvrissent jamais le chant principal . Pour cela il serait indispensa,
avant a:«- belle voix et sachant bien iudler. Les autres parties pourraient cire ble çlobserver tris rigoureusement les nuances indiquées par le compositeur.
t. TENOlt
. jet qui un us plait. Mais pouiwfa-t-ou nous di _ re !Je qui nous ian pu rer, Ce uni nous fait sou i'i ~ re,Lors- qu'on parle tf^"_
ciel tout d a . zuv Ren dons-nous à la fè .. te ÇcHi'.ronsvers le »; hem'; Un doux es_ poil" en te .. te, Un tendre amour au
Huiviiz •
É PP
la la la h la la (a la ta la la . ta la la
nuirez •
la la PP h [a I: .a ta la la li
t suivez •
la la la la
W la la la l« la la ta la la
- - N -»
1 h
*-
-4 — 5
— -
— i»
f
t — *J
—h tî—
^ 7
1
f
ateuipu.
-p
ji ^
"1 r
la Qîle la na ^ ture est belleQuand le printemps re- uait Quand le désir appel_le
à teûjpi M Ions par la cain pagne Chercher un air plus pur La haut sur la monjaghe
-jV—^ e*=h= r-
É
la One
Al
la
Ions par
na_ture est
la oain
a
pa-ïne
i -le Quand
Cher. cher
le pria -
ira
temps re
air plus
.
J
naît
pur
,
Quand
Là
le
haut sur la
delsir ap
mon
. ppel _
pet
ta _
le
£ne
Un
Brille
la Que la ua - tuve est bel le Quand le printemps re naît Quand le de'_sir ap _ pel - le Un
Al . Ions par la cain pa-gne Cher cher un air plus pur Là haut sur la mon'. ta _ «rue Brille
tuf-
—
Mais
#
pourra-t -on nous di Ce qui
m
nous
Ren ions nous a la fè Cou", rons vers
a tempo
1 ÏÏTi Ê
Un ob-jet qui lions plait Mais Sour_ra-t-oB nous re Ce qui nous fait pieu Cè qui nous fait sou.
Brille un niel tout d'à zitr Ren ofis nous a ta te Cou ions vers le bou henr Lu doux es - poir en
1 É
ob-jet qui nous plait Mais pour _ ra-t-on nous ÎT _ re Ce qui nous fait pieu rer Ce qui nous fait sou -
uu ciel tout d'à jur Iten J dons nous à la fè _ te Cou rous vers le bon heur Un doux es_poir eu
fait pieu _ _ rer Ce qui nous fait sou _ ri _ re Ce qui nous Tait sou _ ri _ re Lorsqn'oii
la bon - - heur Un doux es_poir en tè - te Un doux es - poir en tè te Un
. , . . 1
'.
1 . L
. , ,
N? 12.
CHANT D HYMEN
Paroles de FRANCIS MAILLAN. Musique de GEORGES KASTNEB.
Le Chant d'Hymen réclame un style d'eiéculion large et soutenu qui réponde 11 pour dire convenablement ce morceau. Plus le nombre de ceux qui 1 interprète-
earactère religieux et solennel du sujet. 11 faudrait seize chanteurs au inoins || ront sera considérable, plus il produira d'efiet.
1
And .'
ma non troppo. (m.M.
re
V. TENORS.
Pourquoi ces coiucerts, Mon_te dans les airs.'
mf /
2* TENORS.
Pourquoi ces cou. oerts, Et qiieldotrx< antique Monte dans les airs.
f > f—p-
r." 5
t BASSES.
Pourquoi ces cou. certs Etqiieldonxcantiqire Monte dans les airs?
m 3^
. J / ±
^BASSES.
Dans ce temple an_ti_que Pourquoi ces con_certs,Ponrquoi ces con_certs,Et quel doux eau _ ti - qn Mon te dans les airs?
e
Aud'. ma non troppo. mf
pu mf ~i -à 'mm
PIANO
/ f I
»/
'mm mm
HÉ
§ BP P4^- {J
ÉËËÉÈ i
C'est un chant de jci _ e, C'est un ?hantde joie C'est un (>hanl d'Irymen, Que l'éLglise en- voi Vers ie ciel se
s _ rem
De la jeujie fil _ le Qui prie a ge_rioux Le regard qui brille Son- rit a le_poux» De la jeu _ ne fil _ le Qui
Pi t
pp r r
PS
^
prie à ge _ notix Qîu prie à ge*-nouxLe regard qui bril _ le Sou - rit a le'-poux. Et l/e-glise aus r te< _ re,Le fo_yer poudreux Le fb.
.yer poùdreux/Tout rit tout s'e'_ clai re D'un ra_yqn des cieùx.Qiie le temple an- ti- que S'ouvreà^iosccrLoertsSouvreànoscon..
f f- r
1
M-F—M
f-
-9
'
— km
1
i I
Monte danslesairsMontedansl.es Monte dans
m
4-
11 11' ;* iwtc
S'ouvre à nos conjeerts S'ouvre a nos concerts
te
airs le . i 11
Monte danslesUirs Monte dans les airs Moule dans tes airs S ouvre a noscon eerfs S'ouvre à nos coiîcerts
certs,Et qu\m doux can 11 - qu 8 Monte dans les airs S'ouvre a nos eon_eertsS'ouvreanosTV>ncerts ,
43
jv: 15.
L ASILEv
TYROLIENNE.
Ce morceau étant un véritable quatuor ne peut être bien dit que par C'est ce que les chanteurs eux-mêmes appr écieront. Il importe essentiellement
quatre bons solistes. Si l'on en doublait les parties, l'effet en serait man- ici que le premier et le second Te'nor sachent parfaitement iodler,sui lout le
que. Cependant, à la rigueur,on pourra doubler la seconde basse ? lorsque la Ténor principal. Les personnes qui^sous ce rapport ne seraient pas assez sû-
nature des voix paraitra l'exiger pour que certains passages reportent mieux. res d'elles-mêmes, feraient bien de renoncer à exécuter ce morceau.
A ho a
m
ho tra la tra la la
3E
tra
mla la
É
la.
P P PP
2? TENOH.
l
e
.
r
BASSE.
P
A ho
P
a ho
f
tra la tra
m tra
i
la la
PPÏ
la la.
P P f
j4 e BASSE.
l
3ê 3F
T A ho hi a h ho hi ho tra la tra ta la tra la la a (a.
a a la l
mm
PIANO. PP
f ^ /TV
i
Al!egi'etto.(M.M. J =92.)
JL m.
Frais jar-dio.-fo _ yer tran -quille, Tout y parle de bon_heur! De _heur! Heu - reux qui,sous tes om_ bra_ges, Beau rai.
iPiu lento.
-Ion, peut s'abri Ecou- tant, loin des o seau qui vient y chan ter. Chaque heure en ce doux si _
doive rail.
PP a tempo
=F
l
_lou,peut s'abri ter, Ecou- tant, loin des o - ra_ges, L' oi. seau qui vien t y chan ter. Chaque leure en ce doux si
~ jjj» a tempo
.Ion, peut s'abri _ ter, E . cou tant,îoia des o ra..ges, L'oi- seau qui vie»t y chan ter. Chaque heure sa ce doux si
dette vall.
^ _lon, peut s'abri _ ter, E _ cou _ taut, loin des o _ ra_ges, L'oi_seau qui viwnt y chan -ter. Chaque heure en ce doux
m m ^ empo
m
suivez. a t
pi _ leu Passe
r~rft
et fuit vers l'ave_ «ir, Fraiche comme une espe' Belle comme un souve . nir. Tra
_P_._p_|_l_fLO_ r::
- lea _ ce. Passe et fuit vers lave_ Fraîche comme sine espe -
- Ipu _ ce Passe et fuit vers 1' are. air, Fraiche couimeunees _ pe _ -l'ance. Belle comme un souve
^
t comme un souve Tra
_ I e ii - ce Passe et fuit vers l'ave_nir, Fraiche comme une espe - rance. Belle _ nir.
bas c'est la mer pro _ fon _ _de, I _ ei c'es^t le port bé _ ui. He _ las! niais an plus doux rê_ _ ve Trop
J S '
saiVf:. a tempo.
i > >
pp
I
due
m
tôt il faut a dieu, il faut dire adieu . Il faut par_ tir et sans tre- _ Te Mai". cher sous la uiain de Dieu.
tôt il faut dire a dieu. II faut par _ tir et sans tre_ _Te Mar cher sons la main de Dieu.
ff
ÉÊ
tôt il faut dire a - dieu. Il faut par _ tir et sans trê_ ..Te Mar_cher sous la main de Dieu.
/2s
Adagio.
^mZ
46 lv: 14
PENSEES D'AMOLR.
Paroles de i,eon MALHERBE Musique de GEOBGES KASTNEK .
Le compositeur désirerait que ce morceau fut exécuté tel qu il est écrit, cestr douze, mais il serait qu'on s'en tint là. De grandes masses ne vau-
a désirer
à-ilire ccliune sextuor et que les parties n'y fussent point doublées.Six« «anteurs pos_ draient rien ici, sauf dans quelques passages qui doivent être donnes fortis-
sédànt de belles voix, connaissant à fond la pratique de leur arl, excellant pour le fini simo et que tout directeur de société chorale saura facilement trouver lui-mê-
des nuances et phrasani avec goût sauraient le mieux rendre ici ses intentions. me. Dans ces passages on sera libre de renforcer plus ou moins lensembleendoiiblant
Toutefois, si les voix n'avaient pas assez de volume et d éclat ;jour que 1 ensemble ou même en triplant les par lies. Le style de cette composition est tout à fait concertant;
fut 'nlfisaniment nourri, on pourrait élever le chiffre des exécutants de six a il reclame delà part des chanteurs une exécution bien sentie et pleine d homogénéité.
Andante.(M.M. J. = 60.)
lVTENOB.
II est si doux dé soupi _ rer en sem_l)le Dans un re gar< de met _ tre t jut son
2d? tÉnobs
Il est si deux. 1e soupi- rer en _ sem-bïe Dans un regard de m ettre tout son
H
de
. BASSE.
f f f
PIANC IFI
cœur; Et de près
m
lablanehemain qui tremble Audouxcon tact. d'une a .. mou _ reuse ar. fleur. Il est SL
ét
cœur; Et de près ser lablanehemain qui tremble Audouxcontact d'une a - mou - re use a r deur.
3 S "if
:
"!/
•-
\
v cœur Et de près .ser la blanche main qui tremble Audouxcontacid 'uneamoureusear deur.
J P mf
£8=
cniu 1 ; Et de presser lablanehemain qui tremble Audouxcontact d'une a _ mou _ reuse ar.
cœur • Et de près ser la blanche main qui tre:nble Audouxcontact dun e a _ mou - reuse a r. deur.
J..
'
* *
cœur; Et de pres_ser lablanehemain qui tremble An doux contact dune amoureuse ardeur.
Il est sidouxde mur _ mu _ rer, «je tai_ _me!» Ou, sans par.ler, de se dLre des riens,-
Et dereprendreen son- ri - ant son Pour obtenir le plus sacré des biens.
rallenfando a tempo.
»y
•ff-i?. r -g—
Et de reprendreen sou _ ri _ ant son th.' Pour obtenir le plus sacre des bien
rallrnltindo .
a tempo.
Et de reprendreen sou -ri _ ant son thé_me Pour obtenir le plussacre'des biens le plus sacré des biei:
mf rail i nliindo. m m a tempo.
Et d» reprendreen sou _ ri - ant son thé _ me Pour ob tenir '« plus sacre des biens. Il est si
mm
.
sutves.
1 a tempo.
- 'fi-
43
44
3e*
prendre un souriant
m son thè
-0- (f
Pour
nn.
ob
—
_ te
i
_ nir pour ob _
crescendo. _
tenir le plus sacre' des
-
~
biens
y/
If
Et de re-
J
p j j j \ t
i
I F
_ pren dre en souriant. thê Pour ob _ te nir pour ob _ tenir le plus sacre des biens Et de re
crescendo. - -
M
m
dim . ,
I tJJ-UJ-
- prendre en souriant son thê Pour ob _ te .
nir pour ob _ tenir le plus sacre des biens Et de re
dim escendo. - „ - //
SE 1 Ii ê r i
prendre en souriant son_ thè . Pour ob _ te nir pour ob _ tenir le plus sacre des biens Et de re.
crescendo.
/f
|B§fe
prendre en souriant son thè - Pour ob _ te „ nir pour ob - tenir le plus sacre des biens
mm
Et de re
II est si
i?
doux
PPP
tempo.
des_pe_rer et de
_ prendreensouriant son. thê_ me Pour obtenir pour obtenir .le plus sacredes biens Il est si doux d'espérer et de
-prendreensouriant son j
thè -me Pour obtenir pour obtenir
mm
le plus sacredes biens
PPP
Il est si
PPP
doux d espérer et de
.prendreensouriant son. thé - me Pour obtenir pour obtenir le plus sacré des biens Il est si doux d espérer et de
cresc. .. _
m&— —
_ prendre en souriant son thé., me Pour obtenir pour obtenir le plus sacre des biens
~+
.prendreensouriant son thê me Pour obtenir pour obtenir. le plus sacredes biens Il est si doux d es _ pe.
suivez. 1? tempo.
.
49
4S:
f fein _ _ dre D'un noble a _mour le gé - néreux par- don. II est si doiix_ le soupi - rer en-
m
Il est si doux
mm
de sonpi _ rer en
i fein _ dre Dun noble amour lege- néreux parJdon. Il est si doux. de ipi - rer en
feia - dre Dun noble amour , le eé - néreux par don le ge _ néVeux par_ don. Il est si doux de son _ pireren
m PPP
c
feindre
f f
D un nobleamour le généreux par le ge _ néreux par don. Il est si doux de soupi _ rer en.
P
voix qui veut fein - dre D'un noble amour le ge_ néreux par- don. Il est si doux de sou _ pirer en-
m 5^
J7]J i
mf
k k 1
k
tremble Au doux contact d'une amoureuse ar_ deur. Il est si doux d'espérer et de
50
4 il
craiD - di*e
%
D'attendre un oui, d'appréhender
m f
un_
pfff
Et d'arracher
f
a 1
r
nanl..—
m
Etdarra-
eraia _ dre
Pi
D attendre un ou?',d'appré' ippr f
non.'..
ai p F p r
Ilestsidoui d'es _ pe_rer et de dru Et d arracher à la voix qui vient
dre D'attendre uu oui, d'appréhender uu non!..—. Etdarra. cher a la voix qui veut
voix qui veut f'eiu _ dre, Dsib no - ble amour le généreux par don D un noble amour le
voix qui veut feici _ dre, D'un noble a_mour le ge _ nereux pai don D nu noble amour le
L'her a la voix qui veut feindre d'un noble amour le généreux par don D'un noble amour le
Ji-
Et d arracher a la voix qui veut feindre d'un noble amour le généreux par _ don Duu noble amour le
fein. _dr< D'un noble amour le gé - nereux par don d'he noble amour le
fein. _ dre D'un noble a _ mn'ur le ge' _ néreux par _ don Dun noble a _ mouf- le
.
N? 15.
LES MATELOTS
Paroles de THEOPHILE GAUTIER Musique de GEORGES RASTNER
Le nombre des voix à employer dans ce morceau est facultatif; il peut de chanteurs dont on disposera-. 11 faudra observer très soigneusement les
être de quatre, ou tien atteindre un chiffre beaucoup plus e'Ievc. On par_ nuances, et mettre de l'aisance, de la grâce et de la légèreté dans les pas-
tagera 1 exécution en Soli et en Tuili, suivant le goût et suivant la masse sages chantes sur les svllabes Ira la lu
e
I ." TENORS.
2. TENORS
r s
l ! RASSES.
^ Sur l'eau bleue et pro _ fon _ de Nous allons vo_ya _ géant, Environnant le mon _ de D'un silla_ge d'ar
Allegretto moderato.
i'IANO.
-0 é - " pv*
m m
jusqu'au pôle ge _ le jusqu'au pôle ge _ le... jusqu'au pôle ge _ le... Tra lalalala la la la la
—i^i
SÊ
fn — pp Piu moss
-9-0-
i
m éhéëê m
mf a tempo
Les petites e _ toiles Montrent-dé leur doigt dor De quel vote' les Toi -les Doivent prendrel'es_sor;
tempo
ai _ les de toi-tes Comme de Mânes oi seaux, Nous effleurons les eaux nous effleu _rons 3=f es
les eaux nous
f w W M
—
t
Sur nos
os ailes de toi-les Comme de blancs oi seaux, ÎSous efflecrousles eaux nous effleu _rons lt eaux nous
ftHs_ P.ï .h
4
Sur nos ailes de toiles Comme de Manesoi _ seaux, Nous effleurons les eaux nous efflen_ mus les eaux nous
mi
effleurons nous effleurons nous
Tra
PP
la la
Più mosso.
a la la
Più mosso
la la la
ai
effleurons nous effleurons nous ef- fleurons" les eaux Tra la la la lalala
PP Più mosso
É
53
la la ia
5 ÎVous pensons à la ter _ ve ouo nous f'uyous tou jours,
m
PPl>r\ >»./'a tempo. |
I
p ÈEt 7
F F
Nous pensons a la ter _ re One nous fuyons tou jours,
ppj*r\ '"/"a tempo .
Î ÊË
fVous pensons à ld ter_ Que nous fuyons tou _ jours,
la la la Le la_boureur de_chirt;t'n sol aràreet di
do poco n poco /T\ C\ a temp o
m
m
L'eperon dit
L'eperon du ua
Da . ri
ri
^
_
r
te
Ouvre nos champs d
a J zur,
Et
Et la
la mer
mer
sait
sait
pi
pro
duiro,
dtiii-e,
Sans
Sans W
pei
peTL
pêr- ne
ne
«.
ni
g3É
ni
tra
vtca
Tail,
vaii,
La
La
r ; mer sait
v t
'v
I
L éperon da na tï ... î'e_, j
Ôu-TïffHOS champs d a Et la pro duire, Sans pei - ne m tra rail, La
mm. s
L'epei'oridji na _ ri ... re . Ou-vre-na's champs d'à _z«j > -
Et ïamersait produire Sar.s peine nitra- rail, La
mm
m
et le co _ rail
f
la p«r_
mm
le la per_ le
i
la perle etleco_rail Tra la
Piùmosso.
pp
*
m la
PPpfS a tempo.
7"777
la tri lala lalala la t L. tra la lala la la la lalala lalala Existence su hli-me!
ppp' J7s a tempo
0
te
mm #P3 Existence su Mi.
4 PPP^Z. a tempo.
/Tv /TV
Existence su
a tempo.
m
bli_me!
mm PPP
ppp
Wî m m
Existence su_ bit- me!
/Tv a tempo
—
=S0
mm m m-
.
i flots rasant la cî _ me, Dans le grand dessert M Nous marchons arec Dieu! nous marchons arec Dieu
/>/»Piu mosso.
pjtPiu mosso
Nous marchons arec Dieu nous marchons arec Dieu! Tra la la la la la la-
ppPiu mosso. .
S Nous marchons avec Dieu nous marchons avec Dieu! Tra. la lala la ,
s
I r
I'iu mosso
mm
CHANT DE VICTOIRE
Paroles d' A. DSI CHAUT Musique dv GEORGES KASTNER.
Le Chani cfV Victoire a ete composé pour de grandes masses que le chant puisse mieux ressortir. Ainsi il suffirait de n'y ad_
chorales, par exemple pour une réunion d'environ six cents chanteur'-. mettre que quatre personnes pour chaque partie, soit en tout seize
Le choeur général, écrit à huit parties, ne produira d'effet qu'autant chanteurs. Inutile de dire qu'en interprétant cette composition, on de_
qu'il sera exécuté par un nombre considérable de voix. Le choix de vra^sc conformer aux refiles établies pour l'exécution des grands mor_
l'harmonie, la suite et l'enchaînement des accords, enfin la distribution ceaux d'ensemlile . Quant au caractère particulier d expression qu'elle
même des intervalles, tout est calculé dans ce but. Il n'y a que laccom_ exige, la nature même du sujet 1 indiquera. Ce ne sont pas des Français
pagnemen! non bocoa c/iiusa ou vocalise du solo de ténor et du solo de qui pourraient demeurer froids et sans enthousiasme en glorifiant leurs
basse, qui permette d'employer un nombre de voix assez restreint, afin compagnon 1 d armes et leur « hère patrie.
e rs
« J- •
—m — f-
-i- 0 .
l . TERONS.
Far nos chants célé brous la France trioui ;. ph te! Ses ar _ mes ont Tain.
TEiVOMS. se
Par nos chants celé. brons la France trio m .. phsn te! Ses ar_ mes ont vain _ ii l Afri_que rugis.
1T BASSES.
Par nos chants celé brous la France triom phan te! Ses ar_ mes ont vain l'Afr t_que rugis.
"liASSES. 5p JJÊ-
Par nos chants cele_ brons la France triom _ phan _ te! Ses armes ont vain _ en l'Afri-cnte mgîS.
=0
1
PI 4M».
f
-M
abe ou Toit fuir les es_cadrous é_pars De l'A rabe on voit fuir les es_eadrons é _ pars les es _ ca _drous e
mr
De i'A _ rabe on voit
3 i
fuir les es _ _ ca_drons é
f f H
parsles es.cadrons épars les
r r-
^
es _ ca .droits e _
S-
J J
:
g* 4 i i i
i i 1 / 1
57
.pars les escadrons e _ pars les escadrons é _ pars; Il se sauve au dé .sert pour é_viter nos chaî
6,
jgN
^
TIC to ri _enx plajpent nos é _ teii dards pla _ lient nos e_ten_ dards
P e _ ten_dards pla uent nos e _ ten _ dards pla _ nent nos e _ ten _ dards pla nent nos e _ ten dards.
* Éh* 0— '
fis
§ÊÊÊ=t
e ten_dards pla nent nos e _ ten dards pla_neiit nos ten _dards pla nent nos e , ten dards.
y
_ ,
-rs
_
fc» — P4#
e _
5f
rs
_ dards pla _ nent -> nos é _ ten _ dards pla.nent nos é _ ten_ dards pla _ nent nos é ten _ dards.
m
56
Mouvement de Marche (pas trop vite) CM. Vj. o = 76)
rs
f. TEKOHS.
BASSES.
m
Gloire à notre héro _ ï „ que Fran_çe, Gloire aux son _ tiens de sa puis_ san_ _ ce, Gloire à notre héro_
Mouvement de Marche.
3=S Si
m
PIAMl. f!
if
59
il
i
$ aux morts morts. morts,
aux bles ses^ aux morts, aux bles. ses, aux uiorts, aux bles. ses, aux morts
Q- _Q pp.
Y
morts, morts, bles. ses. aux morts, aux morts, aux morts,
0—
/ s • PP
.queurs, aux bles _ sés, bles ses, aux morts, aux morts aux bles
mm
ses, aux morts,
4- 2 *g
É
aux vain.queurs, auxbles.s&s, aux morts, aux morts,.
F? "3"
Aux
îteefs qui marchaient leur tè te A nos guer_riers que rie h nar le;
m
:
-
r
4
Y m*>
jhefs qui marchaient p leur te te. A nos guer.rrers que rien nar. te;
PP
à î-r-
\uxchefsquimarchaiem' a leur tè _ te. À nos^iiei'iiersqiie riei % n'ai' te;
PPCbien marqué.
"if IL
a leurs su bli . mes ef. forts Gloire a leurs su Mimes ef. forts Gloin a Leurs su bli.. mes ef_
m/
a leurs su. bli _ mes ef. forts <il(.ire_ià_ leurs n6U bli mes ef. forts Gloire aie bli _ mes ef _
É
à-leurs su. bli.. mes ef forts I Gloir e a
m.
blimes ef. forts Gloire a leu re su bli _ mes ef.
forts Gloire a
mm
leurs sublimes ef_.for.ts Gloire à leurs su _
m
Mimes effortsGloire à le» rssublimesef forts Gloire à
^ _ forts Gloire a leurs sublimes eLforts Gloire a leurs su _ blimes effortsGloire à leurs sublimes ef_ forts Gloire a
-ïï
nf
m te -P
m. I te
.forts Gloire ^ leurs sublimes eLforts Gloire à leurs su _ blimes efforts Gloire à leurs sublimes ef_ forts Gloirt
m,
t: f#*
\é - è é ê
61
r-* -f -r g g
te
iip
.forts a leurs su bli . es ef forts a leurs su _ bli ef forts
Ê
.forts a le bli es ef forts a bli forts
libitum.)
2—^
y-- !
V
'-
itintmtamw.
letiï'S sublimes ef_ forts a leurs su _ bli forts a eurs su. bli ef forts. (a butu hei'erineï
ou vocalise ad
! i hitum.)
leurs sublimes ef_ forts à leurs su bli _ forts bli ef _ forts - (à bouche fermée
ou vocalisé ad
libitum.)
pianissimo.
leurs sublimes ef_ forts a leurs su bli torts a leurs su _ bli orts. (a bouche l'ermée
ni vocalisé ad
libitum.)
1 tr-
pituiiMiimo.
ieurs sublimes ef-forts à leurs su_ bli _ _ mes ef_ _ forts a leurs su bli ef 1 forts.
i
I
9 8>
PI
Allegretto uiolto moderato. (M. M. ci =.-84)
TÉSOB SOLO
t i y v
Partout l'ouse di sait: la France est eu _ <îoi'_ Loin des ehanipsde ba i taille eLle trai ne sa
m
La snenreet le>
ttvissimo.
3ÊE
m
y 1 _
~~
=*==sf -r
—— k i{-
JîtfOHSSl'rtlO.
n i V T F
—
sempve pianu
sempré pianissimo.
rallentando. ttd tiln'i. ^
^"lf"
fout desjuurs se Laseience et les arts lui fout des jours se _ rems, Mais au jeu de l'es, prit s'épui _ se
f.
±2
"f
P F— m
m
J. J
5
7f
i f r
m
endo.
<M —* *
F
, it'iL les _ se, El_le s'éteint dans la mol. El_le s'éteint dans la mol, les_se. Et la ouille a ronge le glaOe dans ses mains Et la
~\ r
jflT
-H>-
ff
rouille a rongé le glaive dans ses uiains Et la rouille a ronge le glaive dans ses mains Et la •ouille a ronge le glaLve dansses
Cs
Mouvement de Mai
l r"
i l TEJVOHS.
es
2f TBIfOBiS.
es
l': BASSES.
2™ es BASSES.
e rs
l . TENORS.
mcs
ti TENORS.
71
Il" BASSES.
' BASSES.
Gloire à notre hero/_ ï _ que Fran_ce, Gloire aux sou _ tiens de sapuis_ san Gloire à notre liera
Mouvement de Marche.
PIAMi m
l _ que Fran _ ce Gloire aux sou_tiensde sapuis_san . 1 ce f Aux blessés. ai'ix morts,
ï<p
; que irai" _
m
2>
Aux
hefs qui marchaient l'en t te te A nos gner_ii«i's tjiie •!ell liai' te;
:
• -
•
; : ; ••
ir
Vuxehefequiniarehaie pt a leur A nus guerriers que rien n ar. te ; Aux
:hefs qui marchaient leur te _ nos guer_rier> que rien n'ar te;
Aux chefs qui marchaient aleui'têlte À nos guerriers que rien n'ar_rè _ te
II.
.. .
".'/'
p JU
bli_mes ef forts (Sloire a eurs si! _ for! GrloïlM a leurs su. bli_me»ef _
Vf JÏL
m
a leurs su. bli_ mes ef_ forts Glu i i l- a leurs su Mimes ef_ forts Gloire bli_ mes ef_
mf
£É=É
a leurs su. bli _ mes ef_ forts .Gloir e „a eurs Sii _ blimes ef. feVts Gloire a leurs su. bll _ lues ef
P If ^—
I te
leurs; bli_ mes ef fo rts Gloire a leurs su _
f=ff
jlimes ef. forts Gloin a len rs su_ bli_ lues ef
te #-
forts Gloire a leurs sublimes eO'orts Gloire a leurs su bliuies effortsGloire à leurs sublimesef _ forts Gloire a
P forts Gloire a
— {^-#
-
leurs sublimes eflforts Gloire a leurs su blimes effortsGloire a leurs sublimes ef_ forts Gloire a
I — g S:
. forts Gloire a leurs sublimes effort» Gloire à leurs su _ blimes effortsGloire à leurs sublimes ef_ forts Gloire a
IL
T . forts Gloire ia leurs sublimes eLforts Gloire à leurs su _ blimes efforts Gloire à leurs sublimes ef_ forts 7f-
Gloire
— *
a
iii PU
mm
leurs sublimes efLforts À leurs su. bli _ mes éf _ forts À leurs su . bli _ ef _ forts!
mm T T
3 9 f
7T 7T 7
Moderato
^^^^Gloire a notre hero. i _ que - Fran - Gloire alix sou. tiens de sa puis. s an _ Gloire à notre hero.
g
=F=n
Gloire à notre héro_ que Fran _* ce, Gloire aux sou. tiens de sa puis Gloire à notre héro .
é
Gloire à notre héro_ ï _ que Fran Gloire aux sou tiens de sa puis san _ Gloire à notre héro_
Gloire à notre héro_ i que Fran Gloire aux sou tiens de sa puis san
-î
Gloire à
m
notre héro
Gloire à notre héro. i _ que Fran Gloire aux sou tiens de sa puis Gloire à
P
notre héro
Gloire à
m
notre héro. i _ que Fran Gloire aux son. tiens de sa puis Gloire à notre héro_
1?
Gloire à
Mouvement
notre hero . i' _ que Fran _ ee^ GtiTÎre aux sou tiens de sa puis san . ce Gluire à
m
notre héro
5 * ^ *
m 1 _ que Frau. Gloire
m £1-
Aux
mf
morts,
- l _ que Fi'an. Gloir e aux sou tieiis de sa puis_ san ee \ux UiOl'tS,
"'/
Lî f 0 a
Aux mmts,
mm
1 _ que Fran_ Gloire aux sou_ tieus de sa puis. ce Aux vain. queur
ÉÉË 3=£
_ 1 _ que Fran_ Gloire aux sou. tiens de sa puis . ce 4ux morts,
1 _ que
i3
Fran.
mm
Gloire
00
—
Aux
I
rz
bles aux morts
„ g00\
1
i _ que Fran_ ce Gloire aux sou_ tiensde sa ptiis_ san \ux bles_ses, aux morts,
I . o
Aux chefs qui marchaient aleurtê_te nos guerriers oiie rien n'ar_ re _ te
m É
rr—rr
chefs qu marchaient
83^
a leur te te. A nos guer r:ersque rien n'ar Gloire
o f f f
f-
* JL
Aux chefs qui marchaient à leur te te. A nos guer _ riersque rien n ar teGloire a surs sublimes ef_
P
Aux :hefs qui marçhaienta leur te_te. 4 nos ïuer _ riersque rien nar_re_ te Gloire a leurs sublimes et
—
v ts-
f f
70
pip a leurs su bli_uies ef. forts Gloire a blimes ef forts Gloire bli . mes »f_
mm
m à leurs su^bli..
i leurs :
mes ef. forts
Gloire à
leurs su
eurs
_ bliines ef.
su _ blimes ef.
forts
forts
Gloire
Mi
Gloire
a leurs su bli
mes
é£l
ef-
a leurs su. bli _ mes ef forts leui blimes ef. forts a leurs su bli_ mes ef_
3E- — r-
. forts Gloir» eurs sublimes efforts Gloire a leurs blimes effo 'ts Gloire à leurs sublimes ef ... forts Glo ir e à
. forts Gloire à leurs sublimes efforts Gloire à leurs su Mimes efforts Gloire à leurs sublimes ëf_ forts Gif ire a
ho ire
«-
.//'
T?r — ?"
Éi
forts Gloire a leurs sublimes eff rts Gloire a leurs su _ blimes efforts Gloire a leurs sublimes ef_ forts
7Ï -9
71
N" 17.
BARCAROLLE.
Paroles do THEOPHILE GAUTIER. Musique de OEORtiES KASTNER
Le refrain doil être ( hanté par deux voix so/o, deux bons Ténors ac_ ment,/) ianititmO et abJUi voue, comme un doux murmure, pendant que les. Té-
compagnes d'un chœur formé d'un nombre quelconque d individus. Pour les nors accentuent en Duo avec une expression de gracieuse 'indolence l*-s pa-
Tulli on peut également réunir autant de chanteurs que Ion voudra. L'accom- roles du refrain: Dï(e».la ji unv belif. C'est ici surtout que l'on doit ternir à
pagnement con bocva rJtima demande à être entonné et soutenu très delicate- une minutieuse et intelligente observation des nuances.
>
Andaute. ( M.W.J r
b(J
er
/ l . !TElVOHSOIO. "'/
r -
r. TElVOK. fg '
2 d s TENORS.
.
5
1T BASSES.
e
2"î BASSE.
Andante.
PIANO.
i
tutti.) L'aviron est d'i voi re, Le pa villon de moi re, Le gou vernail d'or fin; Le gon_Teïuail d ov fin;
Pir. mosso.
m wm
J ai pour lest une o ran ge, Pour yoile une aî-le dau_ge, Pour mousse un se _ ra _ phin. Pour mousse un se _ ra _ phiïï
— m
.
0 00
0 -t
m* -î- +-}f±-i
<J_ -voilent,
H
l
0 &ML
;
er
tempo TENOB SOLO.;
l'.M i .
0~- —
Di _ tes, la jen_ _ ne belle, OtiToulez-vouS aU La Voile. ou _ vreson
empo 19(2? TÉNOK solo.)
'
f
Si
Di_ tes, la jeu _ _ ne belle, OuTOitiez-tous. 1er? La mi - vre.s.oa
tempo i? C bou'éhe fermée.)
4
sfj TUTTI,
tempo 1? (bouche fermée
r-f- r-f-
TUTTI,
i
tempo 1? ( bouche fermée.)
\ TUTTI.
tempo t? ( bouche fermée.)
TUTTI.
tempo
pp
É 1.
m mÉ
(TUTTI.) 73
74.
1: tempo.
'* //"Pressez.
er
l . ÏEJ»OB SOLO.
,f
tutti. Piu inosso
0
Menez- moi, dit la bel _ le^ À la ri-Te fi _ dè_le, Ou l'on aLme tou_jouis. On l'on ai me ton
Piu mosso-
ïv: 18.
Le style et le caractère de ce morceau exigent un ensemble vocal com- Les entrées succ essives des parties doivent se l'aire pianisximo; les pre
posé d au moins vingt-quatre personnes, soit quatre personnes par partie. miers Ténors surtout douent donner leur de fausset et bien doux,
Cet ensemble pourra être double et triplé a volonté dans la même pro- sinon lellet qu'on s'est propose serait manque. Le rattenlnndo e murnido
portion, si l'on dispose d'un nombre de ;hanteurs plus considérable. qui termine ce chceur demande également beaucoup de soin et d attention.
1™TEN"0HS.
Andante. M.M. J
PPP
D
( 80 )
PPP / PP ff
A '-
D uu l'repe ceignes votre glaLve, Sol dats,etquel hymne de deuil Eu fn ne_ bres accents se le _ ve Au
PPP y PP ff
24 tÉnuh.
* — m
D un crêpe ceignez votr. glai_ve, Sol. dats, et que i hymne de deuil En fu ne- bres accents s'e lè ve Au _
PPP f PP ff
r y
l
r e5
. BASSES. D uu Tope ceignez votre glai_ve, Sol. dats, et que l hymne de ceui:1 Enfii. ne_ bres accents s'e le ve An
PPP f e
p/> ff
m SE
Dun crêpe ceiguez votre glai-Ve, Sol dats, et que l hymne dt dcMiil En fn n e_ bres accents s'e le ve Au !
PPP PP ff
c>de
BASSE.
D'un crêpe ceignez votre giaLve, SoLdats, et que hymne de deuil En fu'. ne.bres accents s'é le ve Au
m
l
Andante.
PIANO.
f m -0-
/ pp
-tour de ce no-ble cer_cneil D'un crêpe ceignez votre glaive, SoLdats, et que l hymne de dèitil En fu - ne _ bres accents s'e'
9=
.
r
2, il
gner_ _ l'e Le ca _ - pi - tainè glàri eilX Ou'a la bataillé meurtri- Freres,vous suiviez si jo yeux.
Si JL
m
guerre Le capitaine glori-
dort dans son manteau de Oiia la ba _ taille meurtriè-re Frères,tous suiviez si jo yeux.
guer_ - re Le _ eux
ÉÉ J' J>
f Yé •
M , _
si jo yeux.
;uer_ _ re Le ca_ -pi - taine glori Qu'a la bataille meurtri e _ - _ re, Fre ressens suiviez sijo yeux.
-X
dort dans son manteau de guerre Leoapitaine glori- eux Qu'à la ba- taille; meurtrie -re, Frères, vous suiviez sijo^yeux.
Il dort dans son manteau de guem
3g£
PP
P-
Le ea _ pi_tai-ne gl < > _ r eux II «ioiî dans sou manteau de gner_ re Le ea_pitai_ne glori eux Le eapi _
_+ y.
Le ea _ pi_tai_ne gto_ri MIX l! dm-! dans son mauteaii de Le ca_pita'_ne glori - eux Le eapi -
gi -r— -y, .
3=j JV^
~i -f—fr-tr-r
Le ea _ pt-.tai _ ne glu .i*j eux II dort dans son manteau gtief Le CH-pitaLiie glori eux Le eapi
/- "T —g
-JE
Le oa _ pi_tai_ne glo.ri - eau II dort dans son. manteau de guer_re. Le ea-pitai_ne glori- eux Le - eapi
^ "V r^^ ^É S!
b
5 p p.
Il dort dans son manteau dt Le ea_puai_ne eio_w _ Le oa_pilai_ne glori. eux Le eapi
^
^
_
j ;
dans son manteau
mm do
=3=
gii*î'_
c,
iv Le
1_
ea __ pitaLne glo - ri _
y-
eux
.
Le
- -
Le eapi
J^- N— —
Nr
1 1
M fr— !
L 13~
Mm
1
V p li
^
» — •
f
#
P i
i
-f
s
1
*
Il
— i
F
Risoluto.
ff
Kisolu K-
-taine glorieux Qu'à la ba _ taille meurtrie - re, Frei'es, vous suiviez si jo - yeux. . Ve.Juez ; ce n'est point par des
:
lar_ mes Qu'on
P Mi Risoluto-
# —
.taine glorieux Qu' à la ba 1 taille meurtrie _ re, Frères, vous suiviez si jo- yeux. Ve..nez; ce n'est point par des lar_ mes Qu'on
p. ff Risoluto
s: —" .
;
1
ç •
; ^ « 1
»v ' » #-= Y " — Y—rr P-LJ^r P P. P Ë
-taine glorieirxQu'a la ba _ taille meurtrie _ re, Frères, vms suiviez si jo yeux. Ve . nez; ce n'est point par des tarâ mes Qu'on
Risoluto.
— —
yt pp y* pp ,î/s ./:/
fi ISOUlto
pleure lavmw'tdiiulie .ros: Il faut L entourer de vos ai*- mes Et le eiHivnrujKvosdi'a peaux Y<'jiH'7,; ce n est point pardes
s/3 P/> s/S PP Risol uto
-r^=~ fj-
pif ure lamortduolie faut l entourer de vos ar - mes Et le couvrir de vos dra .peaux nez; cenestpointpardes
jf Risoluto
pleure la mort d'un h< ros; Il faut l 'entourer de vos ar - mes Et le couvrir devosura peaux nez; cenestpointpardes
*fz PP «f* PP .
7T^~ PP
pleure la mortdunhé. ros: Il faut I entourer de vos ar _ mes Et le couvrir de vos drapeaux Et leeouvrirdevosdrapeauxVeneZ ;eenest point pardes
PP ff Risoluto.
S 3&ÊÊ$
pleure ta mort dun hé_ros : Il faut l'entourer devos a<*_ mes El le couvrir de vos dra . peaux Ve i nez ; ce nestpoint pardes
* £l'±. Jt £• Risoluto.
lar _ mes Qu'on pleure la'mort d un he_ ros II faut l'entourer devos ar - mes Et le couvrir de vos dra_ peaux Et le cou _
«fz pp sA *g_
s
le cou_vrir de vos dra_ peaux. D un crêpe |
cejgnej* votre daLve, dats, et quel hymne de denil En fa, rie_bres accents s'é
m3ï
'
pp ppptem po t
1
PP
: ttina
•F
le cou-Trir de Vos dra - peaux. D un j
crêpe ceignez votre glai-TC, Sol dats,et que 1 hymne de deuil En fu nè_bresaceents s'é
•j -.1
le cou _ vrir de vos dra peaux. D un repe ceignez votre glai_ve, Sol dats ,et que l hymne de deuil En ni nè_bresaccents s'é _
pp
: *_ iandoi- ppp tempo i? f PP
f.
—
0
'
f \ P
-5§
i
le cou _ vrir de vos dra- peaux. D un crêpe ceignez votre glai-\e, Sol. dats et que l'hymne d deuil En fu. ne_bres accents s'e' _
PP
ne_hresaccents s'é
PP PJPgteropg 1? , f PP
vi'ir et le couvrir de vos dra-peanx. D'un crêpe ceignez votre glai-ve, Sol-dats et que l'hymne de deuil En fu _ ne_bresaecents s'é
.le_ve Au _ tour de ce no_ Me cer deuil En fu.
> ,
ff.. -i X
_Te_ye Au tour de ce no_bleeer_ eue il D'un crêpe ceignez votre glai-ve, Soi dats, et que l'hymne de deuil En fu
PPP
~ÏÈÉ
- lè _ Te Au. tour de ce no- ble cer cueil D'un crêpe ceignez votre glai_ve, Sol dats, et que 1 hymne Âe deuil Enfu_
ff PPP JL
T
* g " l 1
—I = —
1 J !
;
: = 1
;
ï
1
S = =— ^ = 3 1 ^ *^-ém
»
_\è _ve Au_ _tonr de ce no_ ble cer _ cueil D un crêpe ceignez votre glaLve, Sol_dats, et que l hymne de deuil En fu
ppp T HP a — * . / -t9- m
i P r«/_.
±
_nebres accents s'e e _ ve Au_ tour de ce no_blecer_ cueil Au. tour de ce uo_ble cer cueil An tour de ce no- ble cer cueil Au.
PP P r«/_
_ nebres accents se le _ ve Au - tour de ce no_ ble cer îueiïsAa. tour de ce no_ ble cer_ cueil Au _ tour de ce no _ ble cer- cueil Au
P
PP
e _ ve
-
Au
'
y pp . r , :: -g J> >«/-
- nebres accents s'e _ 5e _ve Au _ tour de ce no_ ble cer. cueil Au. tour de ce no_ble cei cueil Au - tour de ce nô_ble cer cueil Au -
PP
_| le - ve
^==~
-
AuJtcurdece no -ble cer cueil Au
m m
tour de ce no.blecer- ^ueii An _ tour de ce no_ ble cer cueil
P ml-
Au
p rai.
_
PP ff ,
—I— ,
nebres accents s'e 'L lè - ve Au _ tour de ce co-ble cer- cueil Au _ tour de ce no_ble cer_ cueil Au - tour de ce no_ble cer cueil Au
-tour de ce noible cer _l cueil Au - tour de ce no_ble cer- cueil Au _ toiir de ce no_ble cer- cueil Au _ tour de ce no_ble cer _ cueil
Si
IV 19
L ETE.
1
TYROLIENNE.
Paroles <1'a. fflICHAUT. Musique de (iEOiiOEb KASTNEE.
Il faudrait encore pour Composition des chanteurs connaissant par- me simple quatuor solo ce morceau produira snfiïsamfflfent d effet, s'il
faite ment le. genre d exécution propre aux Tyroliennes . La partie du pre- est interprété par de bons musiciens et surtout par de belles voîx. 11
mier Ténor, étant difficile, exige un artiste ou un amateur de talent. Com- vaudrait donc mieux lui laisser ce caractère que d en doubler les parties.
17" TENOR.
2? tÉnob.
1 "BASSE.
2 i.*BASSE.
Aux bords d'une eau tran _ «rail _ .le, Les fil- -les de la vil - le, Cou_ - rent d'un pas a
Allegro moderato. £ • .
-7f>-
PIANO
p f
f ff
1
L'e- -te
Mê
dès le da- tai
tt t t
Iééié
Bien loin des yeux do
e
Ellesfont une m
m _ de Bienloindes vem.du md»
f ff „ ! p
gi _ h L'é. .te' des le ma un Bien Ipindesyeuxdu jiif>st- de Elles font une rosi - de Bien loin des yeux du inde
f . 1 f
P
3EEE i
L'é_ .te' le ma Bien loin des yeux du Ellesfont une ron - de Bien loin desyeuxdn ide
_ gi - le
y;
i m
Bien loin des yeux du
I
mon _ de
4s
;
Elles fout i"ie l'onde, Et se plongent dan* l'on - de Enchantant ce re. Et se plongentdans 1 onde E"n (.hantant ce re. fi a in
/ ff
ff g-
Elles font une ronde Et se plolïgentdans l'on _ de F.n 'hantant ce re- train, ee refrain Et se plongentdans l'onde En chantant ce re_ frain
/
3
Elles font une ronde, Etse plongentdans l'on - de En chantantee re_frain, ce refrain Etseplongeutdans l onde Eu chantant ce re-frain;
Et -se
mmm
la fraî_ cheur de l'eau qui la ca - rès- La retient - là tant que du _ - re le jour.
f if pp
mm f
D.C
m
rallenl.
n
HZ
LV.\20.
PENDANT LA TEMPETE.
Paroles de THEOPHILE GAUTIER. Musique de GEORGES KASTNER
H est rit' toute nécessite que vingt-quatre personnes au moins, soit quatre _p!iée a dessein, dans le cours du morceau pour peindre 1 extrême agila_
chanteurs pour chaque partie, composent ici l'ensemble vocal. On remarquera -tioil qui règne a bord du navire battu par la tempêté- ainsi que la con —
que dans ce choeur le chant principal du premier ténor est doublera Porta- -stemation, le desespoir auxquels s'abandonnent les matelots et les passagers.
-ve inférieure par une des secondes basses, tandis que les autres parties le Cest en se représentant ce tableau que les exécutants trouveront le mo,\en
soutiennent ou l'interrompent de temps en temps par des accords plaque'*. de rendre convenablement celte exclamation, d'en varier laccent'et d'éviter
H ne parait pas que celte disposition ait ctefeinploy e'e encore dans des mor. surtout qu'elle devienne monotone ou même ridicule par une exagération
.ccaux d'ensemble pour voix d'hommes. L'auteur a pense' que l'effet qu'elle trop emphatique ou trop brusque du sentiment de crainte quelle doit ex-
produirait répondrait parfaitement au caractère de sa composition . Il a dé_ primer. En général ici comme dans tout morceau de musique dont on
. siré que cet effet fut original et pittoresque . Si ce but est atteint , l'inno- tient a faire ressortir le sens et la couleur, il importe au plus haut point
-valion dont il s'agit sera des lors justifiée. Il faut dire la même chose d'observer strictement les nuances, même celles qui paraissent tout-à-fait
2. TEKOB.
es
f. BASSES.
1
PIANO 3>Ped.
_ . » . . —
.
- m tt. *
'
soir, dans an lit amer, ah! Sons un froid lin _cph1 fait de - ou Han_ ohe, I _ l'ons-nonsdor.
* £ £ * ^
ppp
PPV.
i
A - pai se le vent. fais (ai - if la me, F
PPP.
mw_
É
^ bonne aux ma rins en pe rfl de moi'V Eais tai_ rela la.me, Et
„ - - "/, =
T\ p • f* r
bonne aux ma _ rins en pe _ ril de mort*. Et
I i i> i fpff rr i
mm
• —
07
0/
IV.' 21
LE PRINTEMPS
Paroles d'A. MICHADT. Musique de GEORGES KASTNER,
Comme plusieurs des morceaux précédents , celuLci réclame le coneôurs élevés eu voix de tèt" Le second ténor non plus ne doit pas être intilincii
de quatre bons solistes et n'exige pas un nombre plus élevé (le chanteurs .On fe- Au surplus cette production ne convient ou'a des musiciens rompus aton-
ra même bien de lui laisser son caractère de quatuor solo . Ainsi que les N? s
ies les difficultés d'"xécution' du quatuor vocal. Il faut pour l'interpréter
11, lj et 19, il appartient au genre tyrolien. La première partie ne peut-être convenablement non seulement des voix pur'es, souples et brillantes ,mais
bien dite que par un excellent premier ténor prenant facilement les sons encore beaucoup de goût et de style.
I
e
" TÉIVOKS.
s
2. TEIVOItS .
i*."* BASSES.
2. BASSES,
PIANO.
*
~é
* l m F fa
mm
1
% Allegretto.
^1:
(.VI.
-tf
M. J = 100L
P
mm p
-» -L»
v
'
'
1
Y —
Les zéphirs et larei du _ re Ont chassé les noirs au_tans.Par tout re_ naît la na -
WW
tu T"*re
1
*
i F=£
Les zephirs et laver du _ Ont chasse les noirs au-tans.Par tout renaît la na tu Sons les baisers duprin temps
1 ™f
33 É1É
Les taureaux fongueux bon dis - sent, L'oiseau chante ses a. mours,ses amours Tous les cœurs s'e'panou -is - sent Au sonriredes beaux jours;
f
JSt. f
Les tau reaux fou - gueux bon dis sent, L'oi ... seau chan _ te ses a _ mours.
f
F
Lestaiireaiixf'ougueux bon_dis _ sent, L'oiseau ehau_ts ses a_mours,ses amours.Tonsles cœurs s'épanou- is _ sent Au souriredesbeaux jours.
T P
j> j» */ "g...- j
Lestaui-eaiiifongueuxbou-dis . sent L'oiseauehanteses a-inours,sesamours,Totisleseœiirss'é'panou-is - s<Mit Au soiiviredesheauxjmirs
. ^T, r . à* ht. V, f ,
"
g P P g P » J
Et sous le sombre feuil_ la _ ge Pen _ sive, on voit' arriver fillette/vive et s< s i so leponrre _ vi
m
I
. — —
39
CHANT BACHIQUE
Paroles de MAURICE BOURGES . Musique de GEOBGÉS KASTNER.
Ce chanl bachique peut-être confié à un chœur très nombreux ;-Ie carac- remplir ces conditions,! effet général s'en ressentirai! et risquerait de pa-
tère de fougue et d'impétuosité qu'il comporte deviendra de la sorte plus raître lourd et confus. C'est la malheureusement un défaut que présente trop*
saillant. 111 aut en étudier soigneusement toutes les parties. On tachera de souvent l'exécution des chœurs fïgurés, interprêtés dans un mouvement rapide
rendre les (rails en Croches avec une parfaite égalité et surtout avec beau- par un grand nombre de voix; surtout quand les chanteurs sont de mauvais
coup de précision clans la marche simultanée des voix. Si l'on négligeai! o!e musicicus,ou qu'ils n'ont pas ete suffisamment exerces.
er
l . TEN0B.
T. TENOK,
3! TENOB.
Les fleurs parent nos fronts, Le vin reuiplit la BOVf Livronsjious au plai sir livrons nous au plai sir litron s nous au plai
j£— - 0
I
1
i ? BASSE.
Les fleurs parent nos fronts, Le vin remplit la eoupf LïTi'onsjJouS auplaisir livronsnousauplai sir livronsnousauplai
#
2
de
. BASSE .
<r
l
Ê m —
Les fleurs parent nos fronts, Le vin remplit
1
"
— ;
m» — -f\ r
la
*—'
coupe.
f —^—— w— «
LivronsJiQUS atiplaLsir
—
• [
ï s , - *
3=
PIANO •
sa i
f
Allegro moderato
_sir Des Jeux et des A - monrs Vers nous accourt la troupe, A l'appel du de_ sir à l'ap -pel du dé . sir
ait g
5
±t
n
rnll^'ifando •
3tS
mm m
«
Vi _ ve la j eu nés _ se, Gra - ciense i vres _ se, Vi _ Te la jeu - nés - se, gra _ ci_ense i - Tresse, ti
rdUenja ndo
ï Vi - ve a
la ,1 e ii nés _ se, Gra
pg -f_CJ-LE f—
Meuse i J. Très - se, Vi _ Te ta jeu nés - se, gra_ei_euse i - Tresse,
Gra cïen*e
m -Très Vi Te la jeu nés
3se,
i
gra_ci_euse
rallrniando
_ Tresse,
Vi _ Te la jeu nés - se, _ i - se. _ . _ 1
rallvtdando
7 «_
t. ... .
Gra
^3 mm
\i _ -.Te la jeu nés - se, _ cieuse i Très _ se, Vi _ Te la jeu ues _ se, a_ ci-Cuse i - Tresse^.
Pfi rnllr.ntflndo
-*4λ -
>~rr<
w
m '
pp
Vi ... Te lajeu _ nés - se, Graci_euse i _ Tres_se, Vi _ ve la jeu _ nés _ se, graci _ eusô i - vres - se,
yi_Te lajeu _ nés _ se, gracLeii- se i _ Tresse, vi _ tp la jeu _ nés _ se, gracieuse i _ Tresse, Oui voi_ leà nosyeuxLesmi-
rallenlando •
Oui Toile a nos veux Les nu ffcs som qui toi î e a nos yeux les
Toile a
r
nos yeux les nu çes sombres les nuages
m
som _ brès Toile
té
ànosyeuxlesnuages
/
, .
91
Muni ^
USÉ
jfn tempo
5e
- Sri 11 tes Aecompa nent accom _
m
pa _ girfnl nos jeux
pp
PP
- santés Aeeom-pa-g'nent nos jeux accompagnent aoeoiupagnent nos jeux Danse éblouis san - te. Me-lodie ar -
PP
m
_ sautes AccnTti_pa_gMt'nt nos jeux accompagnent accompagnent nos jeux Danse éblouis san - te, Mé_lodie ar _
0 m f- 0. . 0 PP,
Ég±g
santés
Y^
Aeeom-na-çiH'iit nos jeux accompagnent accompagnent nos jeux Danse éblouis san _ te. Me.lodie ar
santés
4*
Accom_pa_gncrt nos jeux
3E
ae_com_pa -gnent nos
i
jeux Danse éblouis _ san _ te,
i ÉÉîl
Me_lodie ar _
-den _ te, Doublez nos transports' doublez nos transports doubleznostrans ports. Que ce bruit de fête liende ici muette Laroixdesre
—
den - te,
E P
Doublez nos transports
-f
frz
mm h
Wbïezno
doublez nos transports doubleznostrans .ports. Quece bruit de fête Rende ici
F
muette Laroixdes re_
3
den - te, Doublez nos transports doublez nos transports doubles n os tr ans ports Que ce bruit de fête Rende ici muette Laroix des re
m
S* €
es
_ den _ te. Doublez nos transports doublez nos transports doubleznostrans ports Que ce bruit de fe _ - te Lavoixdes re.
flamme, Fait jaillir ses é_ clairs fait Jaillir ses e'_ clairs Fan_tasques rLsi - ons, Vrais ca- pri- ces de
m m
m #
/, ait i
femme Ou lutins des enfers! ou lu_tius des en - fers! Nar_guedtiton lier - re! Bra Tons sa oo . le re.
f
femme, Ou lutins des en fers: a-; lutins <: --s fers.'ou lutinsdesen. fers! Nai'-gueduton ner _ re.
P
Bra - Tons sa co
SI re.
1/
I
w femme Ou lutins des enjfers! ou lutins des enjfers! ou lutins des en fers! Nar-gue du ton ner _ re! Bra _ Tons sa co
m
lè _ re.
V
W
femme,
v
Ou
t. p.
lutins des en fers! ou lutinsdesen. fersîoututins des en. fers! ISar_gue du ton . ner „, re! Bra _ Tons sa co .
mme, Ou lutins des eu-fers! ou lu-tins des en _ fers! NaiLCue duton _ ner - re!
m
BraTonssa co - le re
3PE
3£
.lume La liqueur qui fu _ . me Nousdirons : Mer. oi!
mm
Mais s'il tombe i ci Dl! moins
9 " *
qu'il rai - lu
mm
_me La li
"fi
_ lume la liqueur qui fil Nous dirons.- Mer. nous di rons: Mer ci, Merci! nousdi rons:Merci! Mer.
.ci Du moins qu'il ral lunie la liqueurqui fii-ine nous dirons; MerJ ci! non-, dirons:Mêr pi! nous dirons: Mer cijMerci! nousdi rons: Mer -
\ "
y
. f fu_me nous dirons.- Mer_ nous dirons: Mer _ nous dirons: Mer_ei, Merci! nousdLrcns: Mer
1 _ ci Du moins qu'il ral _ lume la liqueurqui ci! ci!
alttwiftndo m*<lt<> .
iv: 25 95
CHASSE.
Musique de geouges KASTNER.
Dans les remarques è( indications générales placées en tete «le cette _pressionne alors d autant plus vivement qu'elle semble se marier an.-i les
collection de chants pour voix t| ho mines, on a lait connaître le caractère objets qui frappent leurs regards. B serait donc a désirer que l»s <!if!é_
particulier des six morceaux qui vont suivre. Ce ont des morceaux sans .rentes. reprises de laC/iasse, sauf les endroits ou l'emploi des syllabes Ira Li lu
confine ceux dont i Alleuia. est spécialement prescrit, fussent interprétées comme il a ete marque
lusage.On peut exécuter ces morceaux de plu-, haut, c'est à dire en imitant les instrument-, des chasseurs et par
-gne connaît, depuis, lonclems
différentes manièrrs,en imitant le son de certains instruments appropriés huit personnes seulement] Si Ion voulait doubler ou tripler les parti.es
au style et à la couleur de la composition, en iodlant, en vocalisant, ou peut être courrait on risque de les alourdir et de rendre ainsi l'exo-
bien en chantant les notes sur les syllabes lia lu l» pour plus de facilite. _cution moins nette et moins brillante Kn tout ras il laul éviter de
Il en est plusieurs où l'emploi de ces divers modes d exécution peut avoir doubler les premiers Ténors. (Jeux-ci doivent savoir chanter dans le gout
heu soit successivement, soit simultanément, selon la nature des passaseset tyrolien, mai-- avec le degré de perfection que I art exige Toute person.
les effets que 1 on veut produire. Dans le numéro 23 on doit plus parti- _ne familiarisée avec cette manière dé'mettre les sons ^aoi-a facilement
_culièrement se proposer une imitation approximative des sons du cor de accentuer comme !e compositeur le désire la Gjnire rhythmunae*Ë5Ëfe=
chaise. On s'y exerce en fermant la bouche et en arrondissant bien la ea_ pétée à dessein
repet dans
ans le but d'imiter non les
1 appels du Cor,n\ais lés
.vite buccale. Si ce genre d'imitation a lieu sans effort et d'une manière cris, les jappements de la meute. De tels détails peuvent sembler puérils;
naturelle, il ne laisse pas de faire entièrement illusion. Exécutes de la ils ne sont pourtant j>as à dédaigner dans une composition telle qu'une
sorte, les échos sont ordinairement d'un effet très pittoresque. C'est en chasse ou il a toujours été permis, ou il est même de rigueur dempl.o_
plein air, dans un jardin, dans une foret, en face dun beau site,qu'unè hat _ver mille nuance-- diverses contribuant à produire un effet ijnitatif.
-morne de celle nature a le plus d attrait pour les auditeurs ; elle les im_
l^TENOBS
ff BASSES
P), :fi 1>P -/tralalalala la la te la la la la la la
1—1
#»
f: f:
~* 1
—
-2t-
i*| 7 r y -
:
9-=
y 1
!
99
la danse et de la gaieté. Quant à la syllabe isc/iu tschu.qui se rencontre _-a!isée tout entière, à ! exception <fes deux derniers accords On peut
de temps en temps dans les parties accompagnantes, le compositeur la employer ce mprceau non seulement comme morceau de salon et de
imaginée pour rendre le frôlement léger des pieds sur le parquetai! faut concert, mais aussi comme Chant a Jaunir, dans une fête, pendant l'e£.
articuler cette syllabe doucement et de telle sorte qu'il n'en résulte _écution ..d'une valse. Il est bon de n'v admettre que huit chanteurs.
qu un bruissement vague, confus et passager, se perdant >au milieu de
'"
1 TEKOltS
103
POLKA.
Musique de Georges KASTNER.
morceau précèdent peuvent souplesse vocales II faut ici, de tonte nécessité, des chanteurs très ha.
La plupart des remarques qui concernent le
Polka exige beaucoup de précision et de netteté .biles, donnant les sons de lete et iodlant avec une extrême facilite, sur_
s'appliquer a celui .ri. Cette
rhytlimiqnes, en même temps qu'une grande légèreté ët une grande _tont les premiers ténors.
s
t ! TENORS
2 d s TENORS.
.
re s
l . BASSES
100
y: 2«
MARCHE.
Mtisiqtie de UEOHGES KASTNER.
,('•-• numéro, de même que le suivant est destine a offrir une reproduc- les deux secondes liasses, le trombone et le saxhorn basse. Au cas (jijc
tion vocale de l'harmonie militaire, si les chanteurs sont assc* habiles celle imitation parut difficile a saisir, on se bornerait simplement a
peur imiter, les deux premiers tepors, les cornets a cylindres- les deux vocaliser un bien a chanter tout le morceau sur les syllabes
seconds ténors, les trompettes- les deux premières basses, les cors; et Wu tu tu
ers
1 TENOBS
ds
J . TENOBS.
\"; BASSES
rv: 27.
PAS REDOUBLE.
Musique de GEOHGES KASTNER.
Tout ce qui a ete dit relativement a la manière d'exécuter le numéro 26 s'applique également à celui _d
I
109
GALOP.
M'.isujiie de GE011GES K.ASTNER .
On juterpret» ra ce morceau de la manu manière que les numéros 24 et 25, Il a\ec toute la netteté ffesiraMe l<s passages en notes répétées, et pour bien
v i'!it PolLa.
î» et la Il faut v observer un mouvement modéré, pour rendre II mettre en relief 1rs contours du dessin rhvlhmique.
( M. M. à =132)
rs
i". TiW'JHS
2. TENORS
5
l? BASSES
F r
'1 4^ — ••fa
3 ' -P-
"_f
——
v-j^r— ^ j
J—J
- f
— <
y ——vjt* y
*
r
-^
£— 1
kqz:
Lf ——
m >-
-
-f- ----- —— - t •
0
l-I-V— 1
-Hi=kz
M ɣ
•
—— î P-
0
—
'
f
-^-fr-f-^
n v 1
=^$^
i
'
t—Wf
r
J
-j — ^ p
-N
— i
y j r
0 ii
1
J i —t— 0 / F
'
1
ï
c M i—r—
r
T s
» •
T
1 1
r \ r- -t =T=g= Lf j—jj LJ '
M
PARIS. IMPRIMRRIE DR L. MARTINET, RUE MIGNON. 2.
*