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La mère malade
Ma mère était malade. Nous n’avions pas d’argent pour payer les honoraires1 d’un
médecin et elle refusait de se rendre à l’hôpital. L’absence d’une bonne nourriture
ajoutait à son mal qui empirait2 de jour en jour.
Une fois, alors qu’elle était couchée, tremblante de fièvre, elle dit dans son
délire3 : « Ma bouche est si amère… J’aurais tant aimé manger une pomme. Oui… Une
belle pomme… Peut-être que ce goût amer s’en irait-il de ma bouche ! ».
Ma sur Aziza, à son chevet4, pleurait d’impuissance. Elle savait que nous n’avions pas
les moyens de satisfaire ce désir. Alors, je sortis de la maison et me mis à courir dans la
rue. Sans réfléchir, sans savoir comment, je me retrouvai au marché. Je me dirigeai droit
sur les étalages de fruits. Et là, faisant semblant de jouer, je me glissai parmi les
acheteurs et chipai5, sans être vue, une belle pomme comme en rêvait ma mère.
Je quittai le marché, toute heureuse, et m’engageai sur la chaussée6. Je
n’éprouvai aucun sentiment de culpabilité7. Au contraire, il me semblait même avoir
accompli un devoir ! Mais, tout à coup, des pneus crissèrent sur l’asphalte8… et ce fut
le choc !
Quand j’ouvris les yeux, je vis plusieurs personnes penchées sur moi. « Ça va, dit
quelqu’un. Elle revient à elle. ». J’essayai de bouger. Je ne ressentis aucun mal, aucune
douleur. On me releva et, tout à coup, affolée, je repensai à la pomme. Je me
tranquillisai en la sentant sous mes doigts : je ne l’avais pas lâchée une seule minute.
Ce soir-là, ma mère me posa pour la troisième fois la même question :
- C’est vrai que tu l’as trouvée ?
- Oui maman… je l’ai trouvée, répondis-je invariablement
- C’est Dieu qui l’a mise sur ton chemin. Dieu est si bon, ma fille … La pomme,
ajouta-t-elle, la pomme était délicieuse. Merci !
Hafsa Zinaï-Koudil, « La fin d’un rêve », 1984