Agir Ensemble
Agir Ensemble
Livre blanc
sur la prévention des
déchets
Sommaire
• INTRODUCTION : Vers une gestion soutenable des déchets
1–2 Eviter l’apparition de déchets et des difficultés de leur gestion par une
combinaison d’actions menées au préalable
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2–5 Les emballages de vente
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• CHAPITRE 4 : Que permettent les textes actuels et comment les
faire évoluer ?
5-2 Des acteurs locaux informés des choix de consommation possibles et des
bonnes pratiques d'utilisation et de rejet
5-4 Transparence sur les quantités et sur les coûts, et concertation avec les
usagers
5-7 Une meilleure maîtrise du flux des toxiques au sein des filières
d'élimination
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Réseau Déchets
Introduction
Priorité théoriquement affichée par les textes (directives européennes, loi du 13 juillet
1992), la prévention constitue, dans cet esprit, un élément complémentaire et
incontournable, à développer en amont des politiques curatives traditionnelles de
valorisation et d’élimination.
En un mot, et même si elle se doit d’être progressive, c’est donc vers une modification
radicale des schémas de production, de distribution et de consommation (au sens
d’achat mais aussi d’usage des produits et services, donc des modes de vie en général)
qu’il convient de s’orienter grâce à une véritable stratégie, complète et cohérente,
de prévention.
Il s’agit d’aborder les différentes mesures qui permettraient de réduire les quantités
de déchets eux-mêmes (mais aussi de limiter les difficultés qu’ils pourraient
occasionner) avant qu’ils ne se retrouvent à la charge de la collectivité. A ce
titre, nous privilégierons une approche plus « intégrée » qu’il n’est de coutume, à
l’échelle du territoire, et il pourra être question ici de l’ensemble des déchets ménagers
et assimilés, des déchets de l’assainissement, des déchets banals des entreprises,
comme des déchets dits inertes du BTP, avec lesquels la collectivité a, plus ou moins
directement, maille à partir. Par ailleurs, s’agissant de prévention intervenant en amont
de l’acte d’abandon, il est logique et pour tout dire incontournable de questionner, au
delà de la sphère domestique, celles du commerce, de la production et de la conception
des produits. Nous ne nous arrêterons donc pas à une vision usuelle et cloisonnée des
seuls « déchets ménagers ». Les déchets de la consommation ne se limitent pas aux
déchets du consommateur final.
Il s’agit surtout d’aider les acteurs à penser eux-mêmes les moyens d’éviter de
générer des déchets, afin ensuite de les « faire agir ».
Sur un sujet aussi nouveau et ouvert, dont on voit qu’il relève pour une large part de
changements d’ordre culturel et qu’il suppose une synergie de tous les acteurs,
l’ambition de ce document initiateur est, en fait, de s’adresser conjointement à chacun
d’entre eux : citoyens et consommateurs, associations, élus et pouvoirs publics, de
l’échelon local au national, entreprises (au sens large : producteurs, distributeurs,
éliminateurs…).
La mise en corrélation, dans un même ouvrage, des possibilités, voire des obligations,
d’action de chacun de ces acteurs (y compris en termes de « pression » des uns sur les
autres) est en effet un des moyens de crédibiliser la faisabilité d’une telle dynamique de
prévention (là où, aujourd’hui, l’inertie se nourrit d’un renvoi de balle assez
systématique, favorisant des aveux d’impuissance plus ou moins justifiés, du style :
«de toute façon, si les producteurs ne commencent pas par changer leurs pratiques, le
consommateur ne peut absolument rien faire…et réciproquement »).
Réseau Déchets
Prévention des
1 déchets :
de quoi parle t-on ?
La « prévention des déchets » ne dispose pas encore d’un langage suffisamment courant et
partagé. Les concepts qu’elle recouvre, le champ dans lequel ils s’exercent restent mal
circonscrits. C’est un handicap indéniable pour un sujet nouveau, qui a besoin d’émerger. Mais
n’est-ce pas une habitude dans le secteur des déchets que d’avoir du mal à définir précisément ce
dont on parle ?
Les expressions sont multiples et incertaines, traduisant des visions parcellaires et intéressées
des différents acteurs concernés: prévention, réduction à la source, évitement, limitation ou
réduction des flux de déchets, éco-conception, non gaspillage, minimisation des déchets…
Nous allons néanmoins tenter de définir par touches successives et complémentaires ce qu’on
peut entendre par prévention en matière de déchets. Traitant de concepts qui, pour être
flous, n’en recouvrent pas moins des notions implicitement ou intuitivement triviales (figurant
même en bonne place dans la sagesse populaire comme le fameux : « mieux vaut prévenir que
guérir »), nous serons amenés à développer de manière un peu insistante et didactique la
terminologie correspondante.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------
On placera sous le terme « prévention », en matière de déchets, toutes les actions
- situées essentiellement avant l’apparition même du déchet (au sens de l’Art 1er de la Loi
du 13 juillet 1992) ou de sa prise en charge par un éliminateur,
Soulignons d’emblée que les aspects « qualitatifs » ne doivent pas être oubliés derrière la
seule dimension « quantitative ». Cette double facette est, à n’en pas douter, un des acquis
forts de la reconnaissance et de l’expression législatives accordées à la prévention (Loi du 13
juillet 1992, Directive 94/62/CEE). Ces aspects qualitatifs méritent de plus d’être considérés :
- non seulement sous l’angle de ce qui peut éviter la nocivité, comme on le fait généralement,
- mais aussi de ce qui peut, dès l’amont, faciliter une élimination plus respectueuse de
l’environnement (éviter les mélanges de matériaux inextricables, prévoir le démontage…).
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Chapitre 1 Prévention des déchets : de quoi parle t'on
A ce titre, la collecte sélective et le tri des déchets ménagers recyclables (au sens large, y
compris « compostables » ou « méthanisables ») à la charge des collectivités, pour nécessaires
qu’ils soient, et même s’ils apportent un « mieux » dans le curatif, restent du curatif et ne
devraient pas être assimilés à un volet de la prévention. Ils ont certes avec celle-ci des liens
plus étroits que n’en a une élimination pure et simple. Comme on vient de l’évoquer, la
prévention peut viser des mesures prises en amont, afin de rendre le tri et la récupération plus
aisés. De ce point de vue, on peut même considérer que le marquage des produits ou des
matériaux qui les constituent, dans la mesure où il permet réellement leur identification et facilite
leur tri, relève des mesures préventives. Toutefois, l’utilisation, très à la mode, de la même
expression « à la source » pour parler du tri (« tri à la source ») et de la réduction (« réduction à
la source »), n’a fait que favoriser la confusion. Tout dépend bien sûr de l’endroit où on situe « la
source »…
Même si une cohérence est indispensable entre ces deux axes d’action, la prévention a besoin
d’être pensée et mise en œuvre de manière spécifique par rapport au tri/recyclage, qui occupe un
peu trop aujourd’hui toute la place dans les esprits, du fait de sa relative nouveauté.
Il convient aussi de bien distinguer la prévention du concept plus large de « minimisation » des
déchets, notamment développé au sein d’instances internationales comme l’O.C.D.E.. En effet, ce
terme de minimisation (anglo-saxon) recouvre plutôt l’ensemble des actions visant à réduire les
flux de déchets ultimes. D’une certaine manière, il s’apparente donc davantage à l’élimination,
telle que la législation française l’entend (voir Loi du 15 juillet 1975). L’incinération peut ainsi être
considérée comme un des moyens de minimiser les déchets, puisqu’elle en réduit le volume. La
minimisation, c’est la prévention + les diverses valorisations + les traitements.
On peut d’ailleurs relever et regretter l’ambiguïté qui subsiste dans des textes comme la
94/62/CEE, relative aux emballages et déchets d’emballages, qui prolonge le champ de la
prévention jusque dans l’élimination…
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Chapitre 1 Prévention des déchets : de quoi parle t'on
Cette prévention par évitement peut trouver à s’exercer sur l’ensemble des maillons allant de la
conception des produits jusqu’au moment de leur abandon potentiel en fin de vie.
C’est ce que cherche à schématiser le Tableau n°1. A chacun de ces maillons (« concevoir »,
« produire » … « jeter »), il s’agit de rechercher les gisements d’évitement possibles par
« le moins » ou « l’autrement ».
L’un des facteurs « d’imbrication » tient à ce que la plupart des acteurs intermédiaires ont
conjointement ces deux « fonctions » : à la fois utilisateurs de produits (au sens large : matières
premières, emballages…) fournis par d’autres, avant que d’être fournisseurs au rang suivant.
Cette dualité aura de l’importance dans les stratégies développées autour de la prévention
Fondamental, l’acte d’achat (préférable à « consommation » qui englobe à la fois l’acquisition puis
l’usage du produit) se trouve à la charnière de ces deux sphères. Les questions consuméristes
sont ainsi au cœur de la problématique de prévention. Et c’est sans doute un des éléments
distinctifs vis à vis de l’appréhension classique de la seule gestion aval des déchets. Rappelons à
cette occasion la formule lancée en 1996 par l’équipe de communication du SYDOM du Jura
(présidé par Jacques PELISSARD) pour symboliser la prévention : après le tri à la source, il s’agit
d’opérer un « tri à l’achat ». L’articulation entre l’offre et la demande de produits
« prévenants » en matière de déchets est capitale ; elle peut se manifester de manière
volontariste ou prendre davantage un caractère de pression d’un acteur sur l’autre. Nous y
reviendrons en détail lorsqu’il s’agira d’analyser les outils et les moteurs d’une politique de
prévention.
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Chapitre 1 Prévention des déchets : de quoi parle t'on
TABLEAU n°1
- concevoir
(éco-conception)
- produire ( réduction « à la source ») FOURNISSEURS
- vendre
(nota bene : les expressions en italiques cherchent à illustrer les types d’interventions possibles
sans prétention d’exhaustivité).
C’est le volet habituellement qualifié de « réduction à la source » qui a d’ores et déjà fait
l’objet de l’explicitation la plus importante, et d’une promotion des actions engagées ainsi que de
leurs résultats, tout particulièrement dans le domaine phare des emballages (voir les deux
« catalogues de la prévention des déchets d’emballages », le premier édité par le Ministère de
l’Environnement en 1996, le second par le Conseil National de l’Emballage en 1998).
C’est d’évidence aussi à ce stade que se situe l’essentiel des possibilités concernant la dimension
qualitative.
L’allègement des produits et de leurs emballages s’inscrit évidemment dans ce registre. Il faut
toutefois faire attention à ce que cette mesure ne se traduise pas par une difficulté accrue
d’élimination des déchets engendrés par le produit/emballage allégé (on voit confirmée, là,
l’imbrication forte et nécessaire entre le quantitatif et le qualitatif). Le nouveau barème
« amont » d’Eco-Emballages S.A. adopté à partir de l’année 2000, qui intègre pour la première
fois explicitement un objectif préventif, prend en compte cet aspect.
Notons que la recherche du « moins » de déchets ne doit pas exclure celle du « pas du tout »,
surtout lorsque celle-ci parvient à s’inscrire dans une approche de performance, de progrès et
d’innovation. Les objectifs de développement soutenable ouvrent le champ d’une réflexion sur la
« dématérialisation » dans divers secteurs, où un service pourrait remplacer avantageusement
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Chapitre 1 Prévention des déchets : de quoi parle t'on
tout ou partie d’un produit. L’exemple ancien le plus évident restant celui des systèmes de
rotation (reprise et réemploi) des emballages de transport tels que les palettes.
L’évitement de l’abandon
Sans rouvrir l’éternel débat sur la définition du déchet, rappelons que pour la loi française «le fait
générateur » en est l’abandon. Eviter l’abandon d’un produit dit « en fin de vie » s’impose
donc comme l’autre principe essentiel d’une politique de prévention.
Il peut avoir plusieurs traductions, ouvrant autant de perspectives qui sembleront peut-être
extrêmement diffuses, pour ne pas dire anecdotiques. Il faut sans doute postuler et admettre
qu’une telle politique de prévention relève plutôt de celles qui sont constituées d’une quantité
innombrable de « petits rus qui font les grandes rivières ».
L’objet qui a perdu, à un moment donné, sa valeur d’usage et/ou d’échange (qu’il soit ou non
« détérioré »), peut éventuellement être :
- réparé (au sens large : lavé, repeint, reprisé, rechargé…), si besoin est, pour être
réutilisé dans la même fonction ;
- réutilisé par son détenteur ultérieurement, pour une autre fonction ou sous une autre
forme ;
- ou repris par son producteur ou son distributeur initial pour en assumer l’élimination.
Du compostage individuel aux vestiaires proposant des vêtements d’occasion et autres bourses
aux jouets, les exemples concrets d’actions existantes, qui pourraient être davantage
développées et systématisées, voire de nouvelles pistes à imaginer, ne manquent pas.
Le détournement pour réemploi ou recyclage de certains flux qui étaient jusqu’alors pris en
charge par la collectivité et éliminés en mélange avec les autres déchets ménagers (ex : papiers
des bureaux, appareils électriques et électroniques…) mérite bien d’être pris en compte dans la
sphère préventive. Mais dans la même logique que celle évoquée plus haut concernant
l’allègement, on peut convenir que le détournement d’un flux ne peut être assimilé à de la
prévention s’il ne s’accompagne pas d’une amélioration quant au devenir des déchets
correspondants. Détourner un flux pour le destiner à la décharge ne représente aucune
prévention…
L’ADEME, qui travaille actuellement sur « la réduction des flux de déchets à la charge des
collectivités », explore ce volet de la prévention intitulé « flux détournés ».
La démarche, qui vise tout particulièrement les déchets des entreprises, ne peut toutefois pas se
restreindre seulement à un détournement de flux pour éviter que la collectivité les ait en charge.
Il convient aussi d’examiner l’intérêt de « flux optimisés » où, au contraire, la collectivité
accepterait de se charger de certains déchets pour que globalement il y en ait moins à éliminer
sur son territoire et qu’ils le soient mieux (concept de « gestion intégrée » des déchets à l’échelle
territoriale).
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Chapitre 1 Prévention des déchets : de quoi parle t'on
Pour achever cet effort de définition, il faut faire référence au développement soutenable. La
prévention, d’une manière générale, en est l’un des principes fondamentaux et novateurs. Et
c’est bien dans cet esprit de durabilité qu’il convient de concevoir la prévention en matière de
déchets.
- le concept d’écologie industrielle. Il s’agit d’éviter l’abandon strict de déchets sur une
zone d’activité, en recherchant les synergies possibles entre établissements industriels voisins
pour la réutilisation de ce qui devient, dès lors, des sous-produits.
C’est d’ailleurs une des richesses de ce concept nouveau dans la politique des déchets. Il en
dégage largement l’horizon et découvre au passage l’existence de partenariats possibles avec des
acteurs jusqu’à présent extérieurs au milieu traditionnel de la gestion des déchets.
Insistons, enfin, sur un élément crucial de cette démarche qui va être développée tout au long de
cet ouvrage : la prévention repose, presque intrinsèquement, sur la somme de multiples
« économies de bouts de chandelle », pour reprendre à dessein l’expression de dénigrement
trop souvent employée à l’encontre de politiques constituées d’actions diffuses et chacune de
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Chapitre 1 Prévention des déchets : de quoi parle t'on
faible envergure, reposant de manière assez volontariste sur une responsabilité et une implication
concrète des citoyens.
Il faut, justement, dépasser cette réaction ironique, si l’on veut en appréhender les
possibilités globales d’évitement des déchets. Une analogie immédiate peut être faite avec
les stratégies d’économie d’énergie comparée aux alternatives de production énergétique. L’idée
même que la somme des économies d’énergie possibles constite un gisement « en creux » tout à
fait comparable à la production attendue de telle ou telle grande source énergétique, a mis un
certain temps à s’imposer. De la même manière, ici la question n’est plus seulement de choisir
entre différentes options de traitement des déchets, d’ajuster leur poids respectif. Elle ne relève
plus d’infrastructures lourdes à réaliser, mais davantage de comportements, de logistiques à
développer. Cela constitue certainement un handicap de visibilité et de crédibilité…que la suite va
chercher à lever.
La gestion des déchets n ’est plus seulement l ’affaire des spécialistes des déchets
(qu ’ils soient élus, techniciens ou militants…) Nouveaux partenaires: désigners, entreprises
citoyennes, consommateurs éclairés, bricoleurs
passionnés, jardiniers amateurs, conseillères en
économie familiale, brocanteurs du Dimanche,
caritatifs… (liste non exhaustive)
Consommation
responsable Gestion seulement
Développement et raisonnée curative
des éco-produits des déchets
réparation
dons réutilisation
échanges compostage individuel
bourses
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Réseau Déchets
Après ces considérations, certes un peu « théoriques », mais indispensables s’agissant d’un
concept nouveau, il est temps d’entrer très concrètement dans le vif du sujet en identifiant, dans
le détail, les gisements d’évitement de déchets et de problèmes liés au déchets.
La prise en compte des problèmes « par l’ amont » oblige plutôt à considérer des
gisements d’évitements selon une typologie énoncée en termes de produits et/ou
d’activités.
C’est bien par rapport à l’objet lui-même, à ses fonctions, aux circonstances dans lesquelles il est
produit, vendu puis utilisé, que se définiront les opportunités de prévention, tant quantitative que
qualitative, et ceci depuis sa conception initiale jusqu’à l’instant où l’on cherchera à éviter son
abandon pur et simple.
C’est indéniablement une révolution dans la prise en considération des déchets. Elle marque une
rupture avec des schémas de pensée et d’action bien établis, même si elle profite de la brèche
déjà entrouverte par le développement de l’élimination séparative des déchets, avec ses
nouveaux modes d’organisation et de financement. La responsabilité, parmi d’autres acteurs, des
producteurs et distributeurs des produits générateurs de déchets, pour reprendre la lettre et
l’esprit de l’article 6 de la loi du 15 juillet 1975, a en effet conduit à structurer l’approche non
seulement par filière de matériaux à l’aval, mais aussi par filières de produits en amont (qu’il
s’agisse des emballages, tête de pont de ces nouvelles politiques, ou plus généralement des
autres « flux dédiés », selon la terminologie actuelle).
On peut souligner, à cette occasion, les espaces d’investigation importants dont dispose encore la
rudologie, en ce qu’elle ne s’intéresse pas seulement au constat final de la composition et de la
répartition spatiale des déchets, mais aussi, de façon plus dynamique, et socio-comportementale,
au pourquoi et au comment ces mêmes déchets sont engendrés…et pourraient l’être moins,
autrement ou ne pas l’être.
Seules les voies de prévention qui relèvent de la mise en œuvre « autonome » d’une valorisation
par le producteur du déchet lui-même (lorsque cela est envisageable) conservent ici une
approche par catégories de matériaux/déchets dotés des caractéristiques propres à ce traitement
(compostage individuel, voire combustion domestique - recyclage de matériaux routiers et de
construction) .
Nous proposons donc, dans le Tableau n°2 ci-dessous, une typologie simple des grandes
catégories de gisements évitables. Chacune de ces catégories présente une identité propre quant
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
à la nature des produits qu’elle recouvre et aux modalités de prévention auxquelles ils se
prêteront. Cette typologie pourra par ailleurs, comme on le verra au chapitre III, être développée
en parallèle pour les principaux acteurs concernés sur un territoire donné, ménages, collectivité,
entreprises locales, même si certaines catégories concernent davantage les uns que les autres.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
- les prospectus publicitaires non adressés et les journaux gratuits qu’il est
maintenant habituel d’appeler « couna » (courrier non adressé), tout en sachant que le « couna »
comprend aussi la communication institutionnelle (journaux municipaux, du Conseil Général,
tracts politiques, journaux associatifs, etc.).
- les sacs de caisse ou sacs « à bretelles », c’est-à-dire les poches, très généralement en
plastique, remises à la caisse des magasins.
Deux raisons essentielles justifient leur regroupement sous cette appellation originale
d’accessoires de vente :
- d’abord, ces deux objets présentent un profil assez similaire et, somme toute, particulier,
par rapport au mécanisme de consommation. S’ils finissent dans la poubelle des ménages,
comme d’autres produits et leurs emballages, ni les prospectus, ni les sacs de caisse n’ont été
« achetés » par le consommateur. On les lui donne, distribue, impose, sans qu’il faille
accorder ici à ce dernier terme de signification polémique. On peut admettre, a contrario, qu’ils
ont implicitement vocation à apporter un service au consommateur. C’est net dans le cas
des sacs de caisse. Mais les journaux d’annonces gratuites, voire les catalogues, distribués
systématiquement dans les boites aux lettres peuvent aussi se prévaloir d’une telle fonction. Et
de fait ils sont vécus, de manière plus ou moins consciente, comme des outils d'information par
les mêmes personnes qui pestent, à l’occasion, contre les quantités pléthoriques de publicité dont
on les gratifie.
- d’autre part, les initiatives qui pourraient être envisagées pour en réduire les quantités,
dans une démarche préventive, sont celles qui impliquent le plus directement un acteur clé : le
commerce et la distribution.
On a déjà souligné le rôle que peut jouer cette idée de « service », dans une logique de
dématérialisation qui participe étroitement à la démarche du développement soutenable. Elle
conforte ici la recherche de dispositifs consensuels qui permettraient de diminuer les quantités de
tels objets distribuées à la clientèle, notamment en leur substituant des solutions alternatives. En
effet, il s’agit bien d’atteindre le même résultat en termes de satisfaction du consommateur, voire
de l’optimiser, tout en laissant s’exercer le libre jeu du marketing. On se place dès lors dans une
optique que l’on pourrait qualifier de « gagnant-gagnant » : l’entreprise ne distribuerait pas plus
d’objets qu’il n’en faut et améliorerait son image, les consommateurs verraient leurs attentes
satisfaites dans leur diversité, l’intérêt général en terme de préservation de l’environnement et de
ses ressources à long terme serait également respecté.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
En 1999, le courrier non adressé a représenté 992 000 tonnes, soit une moyenne de 17
kg par habitant et par an (source Ademe).
Diverses associations écologistes ou consuméristes (comme certaines unions locales de l’UFC Que
Choisir, des associations du réseau FNE ou la revue Combat Nature) ont elles-mêmes diffusé
depuis longtemps des auto-collants manifestant un tel refus. Il s’agissait bien plus d’un geste de
protestation pour la forme, rien ne garantissant que le distributeur respecte un tel souhait.
Une mission de réflexion sur ce thème avait été confiée, en 1995, par le Ministre de
l’Environnement de l’époque au député de l’Isère Michel Hannoun. Un groupe de travail s’est
réunit autour de lui, qui comprenait bon nombre des parties prenantes : papetiers, entreprises du
« marketing direct », la Poste, ainsi que FNE et des associations a priori plus radicales, comme «
Résistance à l’Agression Publicitaire », mais qui avait néanmoins accepté de participer à la
recherche d’une solution contractuelle.
Ce groupe de travail a conclu à l’intérêt et la possibilité de mettre en place une Charte, au titre de
laquelle les entreprises responsables de l’édition de ces documents se seraient engagées à
respecter le refus clairement exprimé par certains citoyens (ou le faire respecter par les
prestataires de la distribution de leurs documents).
Mais il ne faut pas négliger le fait que les éditeurs de la presse gratuite refusent catégoriquement
l’assimilation de leurs journaux aux imprimés publicitaires. Ils revendiquent leur place dans
l’univers de la presse et disent apporter avec les petites annonces un message différent
privilégiant la proximité et l’artisanat local. C’est aussi dans ces journaux gratuits que l’on
trouvera des opportunités de reprises ou réutilisation de toutes sortes d’appareils (voiture, deux
roues, machines à laver, etc.).
L’Ademe vient d’engager une série d’études et d’entretiens sur le même thème dont la conclusion
est claire :
“Un très fort consensus des professionnels en faveur du « stop pub » se dégage. Tous se
souviennent de l’avancée du groupe de travail. Reste que toutes les études, tous les sondages,
montrent qu’en dehors d’une frange marginale de la population, la majorité du public ne souhaite
pas se priver de toutes informations publicitaires dans sa boîte aux lettres. On estime que ce «
stop pub » ne représenterait que 5 % des boîtes aux lettres”.
Comment mettre en place un tel dispositif ? Apposer trois stickers de couleurs différentes sur la
boîte aux lettres pour interdire les journaux gratuits, les imprimés publicitaires, les documents
politiques et émanant des collectivités locales ?
Le message devra être clair. Les adhérents devront se déclarer à un organisme officiel chargé de
tenir le fichier et de délivrer les auto-collants. Les listes “Orange” (service proposé par la Poste)
et “Robinson” (géré par l’Union Française du Marketing Direct) peuvent servir d’exemples.
Un certain nombre de principes opérationnels clés étaient apparus au sein du groupe de travail «
Hannoun », notamment :
Le marquage signifiant le refus devrait pouvoir être apposé sur les boites aux lettres de
manière simple, en étant à la fois discret mais visible (y compris dans l’obscurité).
→ Des pastilles de couleurs, éventuellement fluorescentes, peuvent être imaginées.
Il devrait permettre de distinguer le refus soit des prospectus publicitaires, soit des
journaux gratuits d’annonces, soit les deux, car ces objets ont des fonctions différentes et
ne recueillent pas forcément le même refus…ou le même intérêt de la part du particulier.
→ Donc deux pastilles différentes (code couleurs ou code logo) à mettre seules ou ensembles.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Par contre, une majorité s’accorde à considérer qu’il ne serait pas souhaitable de soumettre les
journaux d’information locale et d’opinion à ce mécanisme.
Les professionnels concernés s’efforcent de démontrer qu’ils développent déjà des pratiques
nouvelles de marketing direct, limitant les quantités mises en circulation, notamment par un
meilleur ciblage des publics visés. C’est probablement vrai pour ce qui relève davantage de la
vente par correspondance, que pour la diffusion courante de publicité.
On peut souligner que les deux options (Charte de la Distribution, mise à contribution financière)
ne sont pas forcément exclusives l’une de l’autre. Elles présentent au contraire, comme le résume
le Tableau n°3 ci-dessus, un certain nombre de complémentarités intéressantes à explorer. Les
effets préventifs modestes, de l’une comme l’autre de ces options prises isolément, s’en verraient
probablement décuplés.
La particularité de la Charte est de mettre fortement en avant une dimension relative à la liberté
des personnes. Celle-ci n’est qu’en apparence étrangère au strict problème de gestion des
déchets. En effet, il est important de souligner la valeur d’exemple extrêmement positive
que revêtirait la possibilité enfin offerte au consommateur d’exprimer un choix, et
surtout de le voir respecté. Dans une optique de responsabilisation de ce citoyen-
consommateur, ne faut-il pas saisir cette opportunité de lui donner du « grain à moudre » quant
à l’exercice de son droit à choisir ?
Inversement, si le financement de l’élimination des vieux papiers engendrés par ces prospectus et
gratuits est incontestablement souhaitable pour les collectivités, il laisse le citoyen hors champ
(on peut même imaginer, comme on le voit au travers de certaines réactions au dispositif Eco-
Emballages, que le consommateur ait le sentiment qu’on finira par lui faire payer doublement
cette élimination… sans lui laisser le choix de s’en passer, tout simplement !).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Tableau 3
Options
Signalons encore :
- qu’il existe déjà un dispositif, toutefois limité aux envois « adressés », qui permet au
consommateur d’exprimer son refus de recevoir des objets publicitaires. Il s’agit de la
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
liste Robinson, qui fonctionne comme une liste rouge sur laquelle on peut demander à figurer, par
une démarche volontaire. Les grandes entreprises de la vente par correspondance, qui
souscrivent à ce dispositif, s'engagent dès lors à vous retirer de leurs mailing. On peut toutefois
regretter que cette liste Robinson fasse l’objet d’aussi peu de publicité auprès du grand public :
qui en connaît l’existence, les coordonnées et quel est aujourd’hui le nombre de demandeurs et
son impact effectif par rapport à la demande potentielle ?
- que la question des enveloppes en plastique qui servent à l’envoi des journaux et
publicités reste posée. Ce type de conditionnement s’est fortement développé depuis quelques
années, qu’il s’agisse des envois « adressés » de magazines ou revues mutualistes, associatives
et autres, mais aussi d’un mode d’emballage des liasses de publicités d’origines diverses,
distribuées par le même opérateur, comme la Poste par exemple.
Il ne s’agit pas bien sûr ici de faire un procès de plus aux plastiques. Par contre, force est de
constater que ces saches sont loin d’être systématiquement ouvertes et vidées par leurs
destinataires (ce qui, au passage, confirme le faible intérêt de nombre d’entre eux à l’égard des
documents qu’elles contiennent, donc le peu d’utilité réelle de ceux-ci). On aboutit ainsi à ce
paradoxe remarquable : l’enveloppe plastique transparente étant « invisible » par nature, elle se
retrouve parmi les journaux et magazines destinés à la collecte sélective auquel son contenu
l’assimile… et l’ensemble finira parmi les refus du centre de tri, les ouvriers n’ayant pas le temps,
sur la chaîne, pour séparer contenu et contenant. En somme, beaucoup de tri pour rien !
Par ailleurs, on peut légitimement se demander si ces saches en plastiques ne devraient pas être
considérées comme des emballages ménagers, soumis au décret n°92-377, et redevables à ce
titre d’une contribution au dispositif Eco-Emballages (ceci constituerait un autre moyen, partiel
celui-là, de répondre au besoin de financement déjà évoqué).
Leur nombre très important et leur caractère éphémère y est pour beaucoup. Comble du
suremballage transitoire, ils ne semblent servir que depuis le magasin jusqu’au domicile. Le fait
qu’on a pu les retrouver s’envolant ici ou là et salissant notre environnement n’est pas pour
redorer leur blason.
Il faut savoir que chaque année 14,26 milliards de sacs sortie de caisse sont consommés
en France, dont 75% sont utilisés dans la distribution en grandes et moyennes surfaces
(de l’ordre de 10 sacs par foyer et par semaine). Cela représente à peu près
1,5kg/personne/an, soit à l’échelle du pays environ 92 000 t de plastique /an, puisque
ces sacs sont très généralement constitués de ce matériau (alors que le papier kraft est
davantage présent, pour cet usage, en Amérique du Nord).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Selon une enquête réalisée en 1999 pour le compte du syndicat des films plastiques, plus d’une
personne sur deux pense que « le sac de caisse pose un problème au regard de l’environnement
». Les réponses données (voir tableau n°4 ci-dessous), confirment l’attente d’un sac plus
respectueux de l’environnement, engendrant moins de déchets.
Tableau n°4
% des personnes
interrogées Trouveraient intéressant de
4 consommateurs sur 5 affirment les mettre de côté, pour les réutiliser essentiellement comme
sac poubelle, dans un réflexe qui traduit bien le désir d’en prolonger utilement la valeur d’usage.
Pour paradoxal que cela puisse paraître, il est significatif de constater combien cette pratique d’un
second usage comme sac à déchets s’est développée de manière assez spontanée parmi les
habitants. Elle n’a été reprise que plus récemment par les enseignes comme un des moyens de
les dédouaner a posteriori des critiques environnementales.
On peut admettre que cet usage constitue un moindre mal dans la mesure où il se substituerait
correctement à une utilisation, par ailleurs nécessaire, de sacs poubelle de précollecte.
En première approche :
Ceci suppose :
- que le nombre de sacs de caisse généralement distribué soit équivalent à celui des sacs de
précollecte nécessaires,
L’essor de la collecte séparée des déchets recyclables ne peut que renforcer ce décalage, le
nombre de sacs nécessité pour la précollecte des ordures résiduelles devant diminuer d’autant… à
moins que le particulier n’utilise aussi, par transfert d’habitude, ces petits sacs pour conditionner
les bouteilles, boites et autres emballages récupérés, ce qui risque de compliquer le travail de tri .
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
- que les sacs de caisse soient effectivement adaptés à cet usage de précollecte.
En fait, force est de constater, tout d’abord, qu’il est rare qu’ils s’adaptent bien aux poubelles de
cuisine au plan des dimensions, et particulièrement de la circonférence de leur ouverture.
Conçus pour porter transitoirement quelques objets généralement emballés et secs à l’achat, leur
résistance et leur imperméabilité risquent d’être sensiblement différentes de celles que l’on exige
des sacs poubelle de précollecte, qui ont à supporter durant un jour ou plus un amas de déchets
généralement bien plus humides. Ces sacs poubelles font en effet l’objet d’une norme (et même
d’une marque NF) assez exigeante. Par précaution, le particulier aura alors tendance à doubler le
nombre de sac de caisse qu’il accroche tant bien que mal dans sa poubelle…ce qui constitue une
réponse, par l’absurde, au nombre excessif de sacs de caisse évoqué ci-dessus.
A fortiori, il est absolument déconseillé d’utiliser les sacs de caisse comme sacs de collecte, c’est-
à-dire de les mettre directement sur le trottoir en vue du ramassage. Ils ne supporteront pas la
première agression venue… tout particulièrement de la part des animaux errants. De multiples
petits sacs tout au long des rues constituent déjà un piètre spectacle… aggravé lorsque les
ordures se trouvent répandues sur le trottoir. Malheureusement, cette pratique reste vivace, au
grand dam des Maires qui souhaiteraient que se généralise la mise en garde « ne peut servir de
sac poubelle » figurant actuellement sur certains sacs.
En définitive, cette option de second usage ne prendrait tout son sens préventif qu’à
condition d’être intégré à une stratégie d’ensemble et plus volontariste, passant par
des améliorations des sacs eux-mêmes et par l’évitement des quantités superflues.
Dans leur volonté de redonner aux sacs de caisse une meilleure image, les industriels du film
plastique ont, quant à eux, privilégié une approche de type « écolabel certifié ». C’est ainsi
qu’une marque « NF Environnement sacs de caisse » a été créée à leur initiative en 1999. Elle
dispose déjà de plusieurs titulaires… qui restent toutefois assez discrets à ce jour.
Cette approche n’est pas sans soulever quelques interrogations. Il est incontestable que les sacs
satisfaisant à ces critères marquent un progrès en terme de prévention qualitative, par rapport
aux sacs de caisse pré-existants. Néanmoins, il apparaît assez clairement que ce qui est essentiel
n’est pas tant de favoriser des sacs perdus moins nuisants que de remettre en question la
fonction et l’utilité même de sacs perdus distribués en si grand nombre, dès lors qu’il existerait
des alternatives plus favorable à l’environnement (voir plus loin).
Nous sommes alors renvoyés à des questions de fond concernant les écolabels : comment définir
les contours d’une catégorie de produit labellisable par rapport à l’unité de fonction prise en
compte (ici : porter les produits achetés à la sortie du magasin) ? Peut-on écolabelliser n’importe
quelle catégorie de produits, au prétexte d’un « moindre mal environnemental », sans
s’interroger sur la justification même du dit produit (des gadgets parfaitement inutiles ou des
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
produits à usage unique « jetables », contenant un peu moins de composés toxiques) ou sur
l’existence de réelles alternatives, assurant la même fonction (le moindre des paradoxes ne
serait-il pas qu’un sac de magasin réutilisable à plusieurs reprises, et ayant probablement un
meilleur écobilan… ne pourrait toutefois bénéficier de ce label !) ?. Ne faudrait-il pas plutôt établir
quelques critères d’opportunité a priori ?
TABLEAU n°5
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Changer la
nature des Avec le sac réellement réutilisable à plusieurs reprises, on en
sacs revient de fait au concept du cabas (cela peut d’ailleurs être
une caisse pliante…).
Sac xxxx c’est dans l’absolu la meilleure solution préventive. Dans la
réutilisable mesure où elle fait l’objet d’une réelle promotion auprès des
acheteurs, et dans un esprit de libre choix du consommateur,
elle peut d’ailleurs se combiner à d’autres des options
présentées ici (y compris un usage raisonné de sacs
perdus…).
Une adaptation aux caisses enregistreuses, chariots, voire
aux coffres de voiture, mériterait être étudiée…
- soit des sacs propres à l’enseigne, qui restent un service proposé à ses clients (offerts ou
pour un prix symbolique, valant éventuellement « consigne ») et peuvent donc être support de
publicité ou d’autres messages qu’elle souhaite diffuser.
- soit des sacs réellement commercialisés pour cet usage d’une façon générale et quelque
soit le magasin où l’on fait ses courses (d’autres contenants étant possible, comme des cagettes
pliables…)
Par simple réalisme, ce dernier point est certainement une condition de réussite essentielle, au
départ d’une démarche de ce type (voir ci-dessous, les leçons de l’opération Leclerc). Si l’objectif
peut se situer et évoluer progressivement entre une réduction et une suppression des sacs de
caisse à usage unique, il semble préférable de laisser au client lui-même la liberté d’en pousser
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
plus ou moins loin la logique. Cet apprentissage de la liberté et de l’initiative laissée aux
consommateurs renvoie à l’approche proposée plus haut à propos des « couna ».
Elle nécessiterait par contre un rôle très actif de la Distribution pour informer réellement sa
clientèle, l’inciter à participer activement au processus. On trouve déjà des grands cabas en toile
dans les rayons « produits domestiques », voire directement sur les présentoirs en tête de caisse
( entre bonbons et journaux TV…). Ils passent à peu près inaperçus, sauf pour des acheteurs très
sensibilisés (d’où l’importance complémentaire sur ce point d’une information « militante » des
consommateurs - voir chapitres 3 et 5).
En tant que telle, la Distribution n’a rien a y perdre, au contraire. Même s’il s’agit d’un support
marketing, la distribution gratuite de sacs lui coûte de l’argent, alors qu’elle pourrait associer ses
clients à une démarche active et ambitieuse de limitation, sous les auspices d’une meilleure
protection de l’environnement. Isolément, les enseignes n’ont-elles pas craint, jusqu’à présent,
de faire les frais d’un tel bouleversement des habitudes ? N’est-ce pas typiquement le genre
d’évolution d’intérêt général qui serait sans doute profitable à tous les acteurs économiques
concernés, pour peu qu’ils s’y engagent ensemble et volontairement, au lieu d’en faire un support
proactif (Leclerc) ou réactif (les autres) de différenciation et de lutte commerciale (nous y
reviendrons au Chapitre 3).
Seuls les fabricants français de sacs risqueraient d’y perdre. Encore faudrait-il examiner de près
l’ensemble des effets d’une telle évolution dans un contexte plus général d’essor du recyclage des
plastiques : si moins de sacs de caisse viennent prendre la place des vrais sacs à déchets ; si la
fabrication et le recyclage des sacs réutilisables ouvre un nouveau créneau de qualité, alors qu’un
nombre croissant de petits sacs bas de gamme viennent d’Italie et d’Asie…
La fourchette des tonnages qui pourraient être évités, à l’échelle de la France, grâce à
une politique volontariste se situe entre les deux termes suivants :
- objectif « bas » : éviter le surplus de sacs de caisse par rapport aux quantités réutilisables
comme sac à déchets, soit une réduction de l’ordre de 25% des quantités de sacs, le tonnage
d’ordures évité avoisinerait les 23 000 t/an.
- objectif « haut » : généralisation des résultats obtenus par l’opération Leclerc, soit près de
60% de réduction, le tonnage d’ordures évité atteindrait 55 000 t/an.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
En 1996, la plupart des grands de la distribution portaient des affirmations environnementales, parfois les
plus gratuites, sur leurs sacs de caisse… tout en bataillant ferme auprès des administrations pour ne pas
avoir à payer de contribution au système Eco-Emballages pour ces mêmes sacs. C’est le moment choisi par
Michel Edouard Leclerc pour lancer une initiative originale, toujours réfutée jusque là, bien que tous les
groupes l’aient étudiée en coulisses : fournir aux clients un sac réutilisable.
Reprenant le principe du cabas, les magasins Leclerc proposent de « vendre », pour 1 franc symbolique, un
sac renforcé et de grande contenance, qui pourra être utilisé à plusieurs reprises. Même s’ils s’avèrent vite
reconnaissables, étant seuls de leur espèce, ces sacs ne portent délibérément qu’une mention discrète de la
marque d’origine (en comparaison des sacs de caisse classiques). Ils peuvent donc servir en d’autres lieux et
diverses circonstances sans trop d’état d’âme. Devenu trop abîmé, le client a la possibilité de rapporter son
sac et de l’échanger contre un neuf (d’où cette formule pour traduire le service : « le sac à vie »). Les sacs
repris sont recyclés en sacs poubelles vendus par Leclerc et disposant de la marque NF Environnement
correspondante. Le dispositif est assez bien bouclé.
Leclerc a donc demandé au Ministère de l’Environnement de bénéficier de la possibilité offerte par le décret
n°92-377 : si le responsable de la mise sur le marché d’un emballage en assure lui même la reprise, il n’est
pas tenu de souscrire, pour cet emballage là, au dispositif de financement collectif de la collecte sélective.
Montrer qu’il pouvait exister une alternative, même très sectorielle, au dispositif Eco-Emballages, présentait
un certain intérêt… Le ministère a donc approuvé ce dossier.
L’initiative fut promue par une forte campagne, stigmatisant les impacts environnementaux des sacs
jetables (le navigateur Gérard d’Aboville témoigne de leur présence aux quatre coins des océans ;
l’étouffement des tortues luths, qui les prennent pour des méduses, est évoqué…). Elle s’est vite trouvée
confrontée à un tir de barrage assez général. Enseignes concurrentes et industriels du film plastique ne
ménagent pas leurs efforts pour dénigrer l’opération ; assez vite courre le bruit qu’elle provoque une chute
de fréquentation des magasins Leclerc. A l’expérience, des ajustements ont effectivement été nécessaires :
permettre aux gens de rendre simplement leur sac contre remboursement (l’oubliant à plusieurs reprises, on
peut notamment être obligé d’en racheter… et se retrouver avec un stock de cabas !) ; surtout laisser la
possibilité de prendre des petits sacs de caisse aux irréductibles du jetable, aux accros du sac à déchet ou à
titre de complément. Ce que certains ont interprété comme un "retour en arrière" plus ou moins marqué
selon les magasins, et l'image de l'opération en pâti. On croise des gens qui parlent de l’opération au passé,
comme s’il était admis que cela fut un échec…
Bizarrement, les remarques acerbes ne manquent pas non plus parmi les écologistes ou les consommateurs,
au prétexte qu’il s’agirait surtout d’écolo-marketing et que Leclerc y trouve son compte (et alors… ?).
Quoi qu'il en soit, l’approbation du dispositif Leclerc a été renouvelée au début de l’année 2000 (Arrêté du
17 janvier 2000 paru au JO du 11 février).
Le groupement annonce des résultats qui semblent significatifs : passage de 1 milliard de sacs jetables par
an à 50 millions de sacs échangeables (soit une diminution du tonnage de plastique mis en œuvre de 6500 t,
auparavant jetés, à 2400 t en grande partie repris et recyclés). Le principe de l'approbation officielle
suppose que l'administration puisse s'assurer de la sincérité de ces résultats dans la durée.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Dans l’enquête SOFRES évoquée plus haut, il n’est pas vraiment surprenant que 71% des personnes
interrogées se soient déclarées favorables à des sacs en plastique biodégradables. L'idée que se fait
spontanément le néophyte de la biodégradabilité a tous les atouts pour le séduire… et ceci d’autant plus
qu’elle reste encore aujourd’hui largement abstraite.
Si l’on veut résumer à grands traits l’état des lieux dans ce domaine :
- soucieux de leurs intérêts, à court terme tout au moins, les grands groupes industriels de la chimie
du pétrole (particulièrement en France) n'ont pas fait preuve jusqu'à présent, c'est le moins qu'on puisse
dire, d'un grand empressement pour que la recherche et développement en matière de plastiques
biodégradables débouche sur la production et la diffusion d'applications palpables.
- par ailleurs, les premiers produits revendiquant une telle biodégradabilité, dans les années 80,
étaient souvent loin de disposer à proprement parler de cette qualité. Plutôt bio-fragmentables, ils laissaient
planer quelques incertitudes quant au devenir et à l'impact des éléments résultant de cette dégradation
imparfaite… Comme c’est souvent le cas, pour une innovation sur laquelle l’industrie hégémonique est
manifestement réservée, ces balbutiements et autres affirmations approximatives ont été autant
d'arguments pour dénigrer le concept même de biodégradabilité.
- rester compatible avec l’usage du produit durant toute sa vie "utile", y compris en tenant compte
des périodes de latence (entreposages, transports) entre sa fabrication et sa vente (on rejoint ici le domaine
du "biologique" et ces produits pourraient nécessiter une date de limite de vente et d'utilisation…). Si le
produit ne conservait pas son intégrité dans des délais et des conditions normales, la biodégradabilité
perdrait tout intérêt.
- mais se réaliser, au contraire, suffisamment vite et efficacement dès que le produit se trouve
abandonné en fin de vie (de manière à simplifier son traitement ou d’éviter carrément d'avoir un déchet
nuisant pour l'environnement à traiter).
Pour ces raisons, les plastiques biodégradables ne présentent finalement surtout de l’intérêt que :
- pour des produits qui risquent d’avoir une fin de vie « fatale » en pleine nature, auxquels cette
propriété garantirait la disparition. Cela renvoie notamment, de manière privilégiée, vers des fournitures
agricoles saisonnières, en particulier dans le domaine des films: paillages et serres de plein champ, sachets
de protection des fruits comme les bananes…(selon le CEMAGREF, le tiers des plastiques agricoles
pourrait être remplacé par des matériaux biodégradables).
- pour des produits qui devront ou pourront être captés par une filière de traitement biologique
(compostage, méthanisation). On pense en premier lieu aux sacs destinés à la collecte des
fermentescibles. C'est évidemment l'essor plus ou moins important de ces filières, qui conditionnera l'intérêt
des plastiques biodégradables comme alternative. Mais soulignons que, dans ce cas, il ne s'agit plus de
prévention quantitative des déchets, telle qu'on l'a définie au début de cet ouvrage.
Un programme européen de recherche a été engagé depuis quelques années afin de mieux connaître l'offre
actuelle de polymères biodégradables, de disposer de méthodes normalisées pour caractériser cette
biodégradabilité, d'en préciser les conditions et paramètres, tant dans le milieu naturel que dans ces
dispositifs de traitement biologique (informations auprès notamment du CEMAGREF Montpellier –
http://www.cemagref.fr).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Certains pourraient poser la question de concevoir de manière plus systématique, et par "précaution", des
objets de la vie courante ou des emballages avec des plastiques biodégradables, afin de parer aux effets de
leur éventuel abandon dans l'environnement (par exemple ces envols de sacs plastiques évoqués plus haut).
Mais il y a là un risque évident d'effet pervers : la mention d'une aptitude à la biodégradabilité pourrait
déresponsabiliser les gens et leur donner meilleure conscience d'abandonner dans la nature ces produits…
qui mettraient quand même quelques semaines avant de disparaître de la vue. Paradoxalement, les sites
touristiques n'y gagneraient probablement pas grand chose, au contraire. Pour les plastiques, il semble donc
préférable de favoriser avec énergie des comportements de propreté hors domicile et, à la maison, de tri
pour la collecte séparée. Pour les mêmes raisons, il est difficile d'imaginer un compostage individuel, pour
des plastiques biodégradables : qui voudrait d'une décharge au fond de son jardin, le temps que ces objets
hétéroclites se décomposent ?
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Il suffit de se promener la veille au soir d’une tournée de ramassage des encombrants, dans les
rues d’une ville pavillonnaire en périphérie d’une de nos agglomérations, pour constater que les :
- meubles, sommiers, matelas, huisseries,
- appareils électriques ou électroniques,
- jouets et autres objets de loisirs,
- livres,
- vêtements et chaussures,
- deux roues et équipements sportifs,
- divers outils et ustensiles domestiques,
constituent un autre gisement au sein duquel existent des possibilités d’éviter l’abandon.
Le schéma page suivante récapitule ces différentes possibilités, vues sous l'angle des acteurs
locaux.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
solide
Le céder
le retourner au fournisseur à un particulier
le céder à un organisme
revalorisateur
démontage
valorisation seconde vie
élimination
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Les débats sur l’obsolescence des biens ne datent pas d'hier. A ceux qui la stigmatisent, allant
jusqu’à considérer qu’elle est "programmée" par les concepteurs eux-mêmes afin de vendre plus,
d’autres rétorquent qu’elle garantit au contraire un progrès régulier, et qu’une durabilité
excessive des biens serait une entrave à l’innovation, dommageable tant pour la sécurité des
personnes… que pour l’environnement.
Comme beaucoup de discussions un peu manichéennes, ce débat ne prend guère de sens s’il
reste général et théorique. Les produits dont il est question ici sont de natures et de
caractéristiques (y compris de coût) très différentes ; ils répondent à des usages variés, pendant
des durées de vies, elles aussi, diverses. On peut en fait distinguer schématiquement deux
catégories opposées :
- des produits ayant vocation à durer le plus longtemps possible dans leur usage (on
pense aux meubles, mais aussi aux vêtements, chaussures et pourquoi pas jouets, bicyclettes
etc). C’est plus le goût et l’intérêt que l’utilisateur conservera, ou non, pour ces produits, qui en
détermine alors l’obsolescence (il vaut mieux que j’ai envie de changer d’objet, quitte à le céder à
quelqu’un d’autre… (saufplutôt qu’il ne se détériore trop vite alors que j’en ai encore l’usage). Ce
sont des produits qui devraient être conçus afin de pouvoir être re-transmis de l’un à l’autre,
d’une génération à la suivante (sauf les chaussures, dont l’adaptation à la morphologie du pied
joue un rôle déterminant au plan même de la santé et qu’il est donc plus difficile de
« transmettre »…). S’il doivent donc être solides, il est néanmoins souhaitable qu’ils soient
réparables (donc démontables, pour certains d’entre eux, les pièces de rechange restant
disponibles).
Il est des équipements qui apparaissent désormais comme jetables dès la première défaillance, tant
leur prix de vente s’est trouvé abaissé, grâce aux matériaux utilisés et compte tenu de leur production
et leur distribution de masse.
C’est le cas notamment de tout ce qui tourne autour des loisirs et du jardin, comme le mobilier
d’extérieur en plastique. C’est ainsi que certaines déchetteries communales voient affluer, au début du
printemps, des quantités impressionnantes de chaises et de tables de jardin en plastique.
Ne faudra t-il pas imaginer, à terme, un « Eco-meubles de jardin » pour financer le recyclage de ces
plastiques ?
Attention, le mobilier de jardin en Teck ou autres bois exotiques paraît plus durable… mais le risque
est grand pour les forêts tropicales, surtout s’il continue à se démocratiser à son tour (rien que pour
la France, les importations de meubles de jardin en bois provenant du Vietnam ont triplé de 1996 à
1998 !) De plus, ce bois est souvent imprégné de produits chimiques et donc difficilement recyclable.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Dans ce domaine, le « durable » ne se limite donc pas aux seuls biens à longue durée de vie.
Quand l’éphémère est repris et re-conditionné, sans que cela n’entraîne d’autres effets
pervers sur l’environnement, il peut redevenir durable. Le véritable « ennemi », c’est
l’éphémère perdu, abandonné, jeté.
Les équipements informatiques ou l’automobile constituent, chacun à leur manière et sur des pas
de temps différents, d’excellents exemples de la seconde catégorie. Compte tenu de l’évolution
rapide des techniques, une longévité poussée de ces biens n’a guère de sens (dans le cas de
l’automobile, et au delà des pièces de collection, le renouvellement plus fréquent des modèles est
considéré à raison comme un facteur de sécurité accrue). Par contre, la solution se trouve
peut-être dans la fourniture d’un service se substituant à celle d’un objet matériel :
location d’un boîtier informatique minimal et évolutif, avec mise à jour régulière des
caractéristiques et reprise systématique des éléments obsolètes ; mise à disposition de voitures
selon les besoins, surtout pour des personnes habitant au cœur d’agglomérations (ceci se
développe déjà et s’inscrit, comme le covoiturage, à l’encontre du sentiment, certes très
enraciné, de propriété attaché à la voiture personnelle).
Si des démarches de ce type connaissent un certain essor (dans les entreprises, les collectivités),
il faudra probablement veiller à ce que leur bénéfice écologique potentiel soit reconnu et
correctement exploité, en complément des stricts aspects logistiques et commerciaux. Le jeu de
la concurrence entre les différentes offres de service, qui ne manqueront pas alors de voir le jour,
pourrait intégrer cette préoccupation. La location d’un service comporte en effet le risque, a
contrario, d’une moindre autonomie du client, qui ouvre la voie à toutes sortes de dérives :
obsolescence accélérée des éléments renouvelables, reprise sans valorisation.
Dans tous les cas, l’information des consommateurs sur les caractéristiques
intrinsèques d’un équipement en terme de durabilité (solidité, réparabilité, reprise)
semble donc une exigence essentielle.
Il paraît difficile de garantir a priori une longévité minimale, qui dépendra des modalités
d’utilisation réelles. Des tests de solidité pourraient cependant être systématiquement portés à la
connaissance des acheteurs : les associations de consommateurs le pratiquent déjà, pour certains
appareils ménagers, dans les essais comparatifs qu’elles publient dans leurs revues ; certains
fabricants et/ou distributeurs font eux-mêmes état, avec précision, des procédures d’auto-
contrôle pratiqués sur leurs produits (mobilier…).
L’attention du consommateur mériterait d’être attirée sur ces aspects. Il devrait disposer des
éléments lui permettant d’intégrer dans son choix le rapport prix d’achat / durée de vie
potentielle des produits qu’il envisage d’acheter (soit le coût d’une année de service rendu par le
produit), ainsi que les atouts complémentaires ou alternatifs éventuellement proposés (service de
réparation, de reprise/remplacement).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Mais quels que soient les biens dont il est question, la seconde option préventive qui mérite
d’être développée est celle d’une utilisation respectueuse permettant d’en prolonger au
mieux la durée de vie : garantir l’intégrité du bien, de son aptitude à l’usage, que ce soit
d’ailleurs pour l’utiliser soi-même plus longtemps… ou pour qu’un utilisateur ultérieur puisse le
faire, dès lors qu’on n’en a plus l’usage et qu’on le cède.
Un certain nombre de conseils de bon sens peuvent être formulés afin que chacun puisse
concrètement participer, dans sa vie quotidienne, à la prévention des déchets : apprendre à
ménager ses biens dans l’usage qu’on en fait ; en prendre soin au delà de cet usage (rangement,
chocs…) et les entretenir régulièrement ; parer aux premières défaillances tant qu’il est temps…
Cette attention aux objets de la vie courante mériterait d’être particulièrement développée dès
l’enfance. Jouets, chaussures, livres, vêtements, c’est à cet âge qu’on peut adopter ou non des
comportements plus ou moins gaspilleurs.
Dans ce domaine comme ailleurs (emballages, gadgets…), les jeunes sont au cœur du système
de consommation moderne : leur propre poids y est considérable, et ils sont de surcroît des
prescripteurs clés pour les achats de leurs parents. L’enjeu est de taille, car ils sont plus que
jamais la cible privilégiée des effets de mode et de plaisir, du superficiel sinon du superflu.
Quelques tendances vestimentaires récentes (punk, grunge) sont significatives à cet égard
(remarquons qu’on passe volontiers, en la matière, d’une attitude de recherche de la marginalité,
avec un refus du luxe, une affirmation d’utiliser jusqu’à la corde des vieux vêtements… à une
récupération mercantile qui fait acheter, par exemple, au plus grand nombre des jeans pré-
délavés, pré-usés voire pré-déchirés !).
L’apprentissage d’une attitude souhaitable de précaution à l’égard des biens et objets de la vie
quotidienne se heurte toutefois, il faut le reconnaître, à quelques difficultés d’importance :
- prix d'achat tellement faible que l’intérêt financier immédiat d’une réparation n’apparaît
plus suffisant pour en justifier l’effort.
On a vu que le premier de ces obstacles pourrait être pris en compte par des choix ou des
exigences de garantie dès l’achat.
Un exemple précis illustre assez bien le dernier point : les coûts d’une chambre à air de vélo, et
plus encore d’une bouée d’enfant ou d’une petite piscine de jardin, sont tels qu’il devient presque
inouï de vouloir les réparer à la première fuite. Et pourtant….
Les initiatives qui pourraient être prises pour remédier à ces difficultés recoupent donc
étroitement, là aussi, une dimension sociale et économique. Il s’agit notamment d’informer et de
former les citoyens mais aussi des professionnels pour redonner davantage de place aux
pratiques traditionnelles de conservation des objets, à savoir : Réparer, Repriser, Détourner…
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
En 1992-93, une marque d'ordinateurs n’avait rien trouvé de mieux, pour vanter la modernité de ses
produits, que de montrer dans une publicité une ville entière "balançant" littéralement ses micro périmés par
les fenêtres… créant ainsi une véritable décharge de monceaux de débris informatiques dans les rues, au
pied des immeubles.
Le Directeur de la Prévention des Pollutions et des Risques de l'époque écrivit au Bureau de Vérification de la
Publicité (B.V.P.) pour s'étonner d'un tel message de déresponsabilisation asséné chaque soir à des millions
de téléspectateurs. Les gardiens d'une soit disant déontologie publicitaire, visiblement peu sensibles aux
préoccupations environnementales, répondirent avec aplomb qu'il s'agissait bien évidemment d'humour au
second degré et "que personne ne pouvait prendre au sérieux et comme un véritable exemple, le fait de
jeter ainsi des ordinateurs par les fenêtres" !
L’existence de tels circuits spontanés est un indice, certes informel mais indéniable, qu'il existe
un potentiel de prévention, par réutilisation, rénovation, réparation de nombre des objets dont
certains n'ont plus l'usage à un moment donné, mais auxquels d'autres accordent néanmoins
encore une certaine valeur.
Force est de constater que l'on connaît toutefois très mal l'état actuel de ces pratiques (par qui,
où, pourquoi…sont-elles ou non développées?), non plus que leur impact en termes de flux
détournés. Au petit matin, il reste bien évidemment de grandes quantités d'encombrants à
ramasser par les bennes compacteuses. Mais on serait sans doute surpris par l'augmentation de
tonnage qu'occasionnerait l'arrêt ou l'interdiction de ces pratiques. A fortiori, leur potentiel de
développement (y a t-il moyen de les organiser, de les favoriser davantage, de les généraliser ?)
n'est pas du tout cerné aujourd’hui. Des expérimentations pourraient être menées, afin d'en
connaître les conditions et de valider les estimations très approximatives auxquelles on est réduit
à ce sujet.
Il apparaît en tous cas essentiel d’en finir avec la vision globale et indistincte des
« encombrants », pour y discerner les objets en tant que tels.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Lorsque, par voie d'arrêté, Monsieur le Préfet de Police de Paris, Eugène POUBELLE, oblige les Parisiens à
sortir leurs déchets sur la voie publique, à heure fixe et dans des récipients, qui porteront vite et
définitivement son nom, il ouvre pour de bon l'ère du service public d'enlèvement des déchets. Il sonne le
glas d'une économie de la récupération au sein des déchets ménagers.
Jusque là, les ordures étaient généralement abandonnées par les habitants en tas, dans les cours, au pied
des immeubles. Une première catégorie de chiffonniers, véritable aristocrates de la profession parce qu'ils
disposaient d'un droit de place (chiffonniers placiers), venait durant la nuit extraire de cet amas les objets
mis au rebut et les matériaux réutilisables de plus grande valeur, qui pouvaient s'y trouver. Ils avaient tout
loisir de le faire, avant de ramener ce qui restait de cet écrémage sur le trottoir.
C'était le lieu d'intervention des chiffonniers du tombereau qui assuraient, comme leur nom l'indique,
l'enlèvement des ordures dans des charrettes. Au cours du transport, ils poursuivaient, à leur tour et plus
avant, l'exploitation du gisement (en plus des principaux matériaux, toujours récupérés de nos jours, la
gamme des produits recyclables de l'époque avait bien des côtés pittoresques : chiffons, peaux de lapins,
tessons et morceaux de vaisselle, vieux os…).
Passées les barrières de Paris, ce qui restait des ordures, qu'on appelait d'ailleurs plutôt gadoues, était enfin
régalé sur les champs d'épandage. Toutefois, une dernière catégorie de chiffonniers, les plus pauvres et
vivant à proximité (comme c'est encore le cas dans nombre de décharges du tiers monde), y allait encore de
son crochet pour tenter d'extraire les ultimes résidus valorisables rejetés par les Parisiens.
Inutile de dire que la vieille corporation des chiffonniers, par ailleurs fortement organisée par une C.G.T.
anarcho-syndicaliste à l'époque, protesta avec vigueur contre une décision qui perturbait radicalement son
activité. Il y eut d'ailleurs deux arrêtés Poubelle, un second texte accordant un peu plus de temps aux
chiffonniers placiers, avant la sortie des récipients. Un petit répit pour qu'ils puissent effectuer leur tâche, et
pour prolonger leur existence… qui périclita néanmoins rapidement.
C'est bien entendu un souci d'hygiène publique qui guidait ces règles nouvelles. Ces préoccupations,
renforcées par les découvertes de Pasteur, inspiraient alors étroitement ingénieurs, architectes et
urbanistes. En organisant ainsi les modalités selon lesquelles les ordures sortaient des cours d'immeubles,
Eugène Poubelle faisait passer définitivement la question des déchets de la sphère privée à la sphère
publique. Paradoxalement, il ouvrait en même temps une longue période de déresponsabilisation du citoyen
vis à vis de ses déchets, dont on commence seulement à sortir. A noter pourtant que Poubelle, précurseur
méconnu du tri à la source, instituait en principe, non pas un, mais plusieurs récipients : une boite destinée
à recevoir le verre, une autre les fermentescibles et la troisième le reste des ordures. Mais ce volet de
l'arrêté semble avoir été bien vite enterré, jusqu'à ce qu'au milieu des années 70 les crises énergétiques
puis environnementales fassent à nouveau prendre conscience de la nécessité du tri, du recyclage... et de
l'évitement des déchets.
La reprise par le fournisseur lui-même constitue plutôt une caractéristique du produit « dès
l’achat », dont il a déjà été question. Pour les biens qui ne disposent pas de cette possibilité, on
peut schématiquement distinguer deux autres grandes voies de réorientation "en fin d'usage",
permettant d'éviter l'abandon donc l’apparition d’un déchet sensu stricto :
Les premiers (échanges locaux entre particuliers) concerneront plus volontiers des objets
encore ré-utilisables en tant que tels et dans leur intégralité (même si c'est au sens large, car un
objet ancien ne disposant plus de sa fonctionnalité d'origine peut néanmoins présenter pour son
nouvel acquéreur un intérêt décoratif, sentimental, voire être détourné, transformé pour un
nouvel usage).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Ces "échanges" entre particuliers peuvent faire ou non intervenir une dimension financière. Au
delà des simples démarches individuelles et informelles de proximité (dons au sein de la famille, à
des voisins et amis…), ils peuvent aussi être plus ou moins facilités (notamment pour ce qui est
de leur promotion) ou organisés par des associations, des collectivités locales (nombreuses foires
aux vêtements, aux jouets…), voire des entreprises (par exemple les foires aux équipements
sportifs d’occasion que la société DECATHLON accueille devant ses magasins…).
Les formules envisageables sont donc multiples et diverses : dons directs d’objets, vestiaires,
bourses, dépôts-vente, vides greniers et brocantes, ventes d’occasion par annonces... Les
possibilités offertes par les nouvelles technologies de l’information, en termes de mise en réseau
des particuliers, trouvent là un champ d’application original, combinant retour aux sources et
modernité, puisqu’on voit se développer aujourd’hui sur le web divers sites revendiquant
explicitement un objectif de renouveau du troc entre internautes.
Sous le terme générique de "flux détournés", on visera, plus en aval, des dispositifs alternatifs
de ramassage séparé de certains biens (comme les vieux vêtements) ou de tri parmi les déchets
encombrants (au niveau d'une déchetterie, par exemple), qui permettent de mieux les valoriser
que lorsqu'ils étaient évacués en mélange et de réutiliser ceux qui peuvent l'être. Pour bien
illustrer la spécificité de ces dispositifs, on pourrait d'ailleurs aussi parler ici de "récupération
préventive". Plusieurs valorisations sont généralement développées "en cascade" : d'abord
réhabilitation des objets encore utilisables, éventuellement après réparation ; à défaut,
démontage et reconditionnement de pièces détachées ; enfin recyclage des matériaux restant.
Ce sont généralement des associations ou des entreprises spécialisées qui mettent en œuvre de
tels dispositifs. Le détournement qu'elles opèrent ainsi réduit bien le flux des résidus urbains,
dispensant la collectivité locale d'assumer elle-même et en totalité l'élimination des déchets que
cela représentait précédemment, ou que cela représenterait si ces alternatives cessaient d'exister
(certains de ces opérateurs ne datent pas d'hier, à l'image des communautés d'Emmaüs).
Des concepts nouveaux et intéressants commencent à émerger dans ce domaine. Ils pourraient
être porteurs d'une meilleure identification d’opérations de revalorisation, de leurs objectifs et de
leurs fonctions, ainsi que des lieux où ils sont développés. Certains désignent déjà ces nouveaux
services sous les noms de "recycleries" ou de "ressourceries".
Citons telle quelle la définition, québécoise d'origine, déjà reprise par les promoteurs français
d'établissements de ce type, car elle est assez signifiante. Il s'agit donc de "lieux gérés par des
organismes à but environnemental qui favorisent la réinsertion de déchets dans les circuits de
consommation par la revente, le traitement et l'éducation ; ils s'inscrivent dans la stratégie des
4R : Réduction à la source, Réemploi, Recyclage (écouler les déchets non-réemployables),
Réparation (éviter les déchets par des prestations de service)".
Entre autres possibilités, pour développer ces recycleries/ressourceries, on imagine assez bien
une évolution des déchetteries actuelles, dans lesquelles on ne se contenterait plus d'entasser en
vrac quelques grandes catégories de matériaux éventuellement recyclables, mais où la
revalorisation des objets serait poussée beaucoup plus loin, avec l'adjonction sur le même site
d'un atelier de démontage et de réparation ainsi que d'un magasin de revente. La recyclerie
serait ainsi alimentée par l'apport volontaire des particuliers ou par des ramassages spécifiques
d'encombrants permettant de mieux conserver l'intégrité des appareils et autres objets récupérés
(collectes sur appel ; services vide-grenier). Mais elle pourrait aussi participer, le cas échéant, à
des dispositifs de reprise des vieux appareils par les professionnels (à l'instar des centres
développés par le réseau d'entreprises d'insertion ENVIE, qui traitent les appareils repris par
DARTY). Quant au magasin de la recyclerie, n'offrirait-il pas également l'occasion de pérenniser
ces opérations de vestiaire, de bourses aux jouets, livres et autres produits d'occasion, évoqués
plus haut au titre des échanges entre particuliers ? Les Ateliers de la Bergerette à Beauvais (Oise)
en sont un bon exemple.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Une étude récente menée pour le compte de l’ADEME a permis de mettre à jour l'évolution des
quantités d’encombrants jetés par les Franciliens. Alors que ce poids d’encombrants, comptabilisé
en 1982, était de 10 kg par habitant, il serait passé à 65 kg en 1999, soit une multiplication
apparente par 6 en deux décennies (source ADEME Ile-de-France / Etude TERRA / début 2000).
Cette évolution est impressionnante. Mais il convient d’en affiner un peu l’analyse et les leçons
qu'on en tire. L’observation des quantités de déchets jetés, entre hier et aujourd’hui, si elle se
veut frappante, conduit aussi souvent, et c’est malheureux, à une sorte de fatalisme du type :
« vous voyez bien que, de toutes façons, les quantités de déchets ne cessent de croître… Alors, la
prévention ! ! ! ».
Or, en réalité, les moyens de mesure jouent un rôle essentiel, et parfois pervers, dans cet
affichage d’une augmentation qui semble insurmontable : c’est particulièrement vrai dans le cas
des encombrants, dont les flux n’étaient pratiquement pas ou mal comptabilisés il y a 10 ans (si
ce n’est encore le cas aujourd’hui), dont une partie finissait (et finissent toujours !)
clandestinement en dépôts sauvages, et même dans des décharges communales brutes non
autorisées (qui sont de nos jours au nombre de plus de 4 000 !).
Il faut donc relativiser quelque peu… et ne pas se laisser décourager par de tels chiffres !
Néanmoins, ces chiffres soulignent, en contre jour, le caractère stratégique d’une intervention sur
les monstres et autres objets jetés par les ménages, en terme de prévention (grossièrement
répercutée à l’ensemble de la population nationale, une diminution, somme toute
raisonnable, de 10% de ces abandons permettrait en effet d’éviter annuellement plus
de 350 000 t de déchets).
On peut toutefois présumer que l’habitant garde peut-être plus de réticence à « abandonner »
certains objets que d’autres, et que c’est probablement encore le cas des ordinateurs et autres
périphériques de l'informatique personnelle, ainsi que des téléphones portables… pour l’instant.
Ne faut-il pas jouer là dessus tant qu’il est encore temps, pour mettre en place des pratiques plus
vertueuses ?
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
TABLEAU n°6
Evaluation des quantités pour certains types d’équipements (d’après J. DESPROGES, étude
TERRA pour l’ADEME - 2000)
Les Français donnent environ 50 000 tonnes de vêtements par an (soit 1,5 kg par foyer) aux
divers organismes qui les récupèrent, alors qu’en Allemagne le chiffre est six à dix fois supérieur
(selon les sources : rapport Miquel, Croix Rouge française). Le gisement français potentiel est
ainsi estimé à 3,5 kg/hab/an ou 13 kg/foyer/an.
Le calcul est simple : une intensification des collectes de textiles pourrait détourner de
nos ordures ménagères plus de 200 000 t par an (1% de baisse du flux national des ordures
ménagères par ce seul gisement d’évitement).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
On peut placer sous ce terme diverses fournitures courantes qui sont consommées puis
jetées relativement vite et régulièrement, que ce soit dans le cadre des activités
domestiques ou de travail (au sens large du terme : les écoles étant, par exemple, des lieux sans
doute assez propices pour l’apprentissage pratique de l’évitement des déchets).
La nature de ces objets (leur taille, le fait qu’ils relèvent davantage de dépenses de
fonctionnement courant, que d’investissements, en termes comptables…), le rythme de leur
utilisation, donc de leur rejet rapide en fin de vie, conduit à les envisager de manière spécifique.
Même si on les retrouve tant dans la sphère domestique que dans la sphère extra-domestique, il
est clair que pour une bonne part d’entre eux, c’est avant tout le secteur tertiaire au sens large
(public et privé) qui sera le théâtre principal, et souvent démonstratif pour les autres, des actions
de prévention à mener.
Pour aller plus avant dans l’identification de ces objets, on peut les regrouper au sein de quelques
grandes catégories de gisements qui se distinguent par des caractéristiques spécifiques qui vont
induire, dans une large mesure, les stratégies de prévention qu’on peut leur appliquer.
On distinguera donc :
A l'instar du schéma développé plus haut pour les biens d'équipement, on pourrait résumer ainsi
les questions à se poser avant de se procurer de telles fournitures, questions qui font apparaître
les gisements possibles d’évitement :
- Peut-on s’en passer ? Existe t-il un produit ou des pratiques alternatives engendrant
moins de déchets et moins vite ?
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Tout est devenu jetable (voir encadré) : les stylos rechargeables se font rares et discrets dans le
linéaire, quand ce ne sont pas les recharges ad hoc qui viennent à manquer ; c’est encore pire
pour les briquets, où bientôt seuls des produits de très grand luxe (Cartier, Dupont…) seront
encore rechargeables.
Difficile cependant de revenir radicalement sur certaines pratiques, devenues de l’ordre du réflexe
: ces stylos à usage unique, on vous les offre – et on les prend - par poignées dans tous les
colloques… même les plus « écologistes ». La culture du gadget et du cadeau est fortement
implantée. Par réalisme et par souci de changer, même partiellement, les habitudes du plus
grand nombre, peut-être ne faut-il pas plaider pour un rejet systématique : le tort des
« jetables » serait surtout de s’être imposés par facilité et par le poids du marketing largement au
delà de leur domaine raisonnable d'utilisation. Eviter la vaisselle jetable lorsqu’elle ne s’impose
pas (à la maison, lors d’une fête, d’une manifestation officielle…), ne revient pas forcément à en
condamner tout usage. Idem pour un rasoir jetable (pratique en vacance, pour dépanner…).
Il n’est pas rare que l’on glisse dans la liste des « produits jetables », lorsqu’on les évoque , l’appareil photo
qualifié du même nom… à tort.
En fait, ces petits appareils que l’on peut acheter pour se dépanner sur un lieu de vacances, ou pour initier à
bon compte des enfants lors d’une sortie, est exactement le contraire d’un « jetable ». C’est un appareil
« repris » par le fabriquant. Ce qu’on nous vend, c’est davantage un service de développement avec un
boîtier simplifié (souvent reconditionné ou recyclé par le repreneur).
Par contre, cette légère confusion est intéressante parce qu'elle traduit assez bien la manière dont l'idée
même de "jeter facile" a été valorisée au travers des modes, des attitudes et dans des expressions
courantes, durant les dernières décennies. Un article récent (dans le n°8 du magazine de la FNAC : EPOK)
annonce même avec enthousiasme la mise au point de téléphones jetables par des ingénieurs du
Massachusetts Institut of Technology (« plus fort que les cartes prépayées… une fois vidé de ses unités, il se
jette tout entier… il contient néanmoins un clavier, un écouteur, un micro et une antenne », et combien de
µg de substances toxiques en plus à la poubelle ?). Moins cher, plus simple ("prêt à l'emploi"), plus léger, le
« jetable » est ainsi devenu un symbole de modernité.
On peut citer à cet égard une autre formule désormais banale, mais tout aussi bizarrement erronée: celle de
"verre perdu". Pourtant, là non plus, ce verre n'est en rien perdu. Il est en fait plutôt « récupérable ». Cette
mention s’est vue néanmoins directement inscrite sur les bouteilles, alors même que les verriers mettaient
en place les systèmes de récupération par conteneurs, au début des années 80.
Voilà donc un effort d'information illogique et contre productif. N’est-il pas surprenant de mettre en valeur,
sur un produit commercial, une notion aussi négative, aussi péjorative que le mot "perdu" ? N'aurait-il pas
été plus judicieux, pour inciter le consommateur à trier et apporter ses bouteilles, d'y apposer la mention
"verre recyclable". C'est comme si verriers, producteurs et distributeurs de boissons avaient été avant tout
guidés, à l'époque, par la volonté farouche… d'enterrer, une bonne fois pour toutes, l'idée de consigne et de
réutilisation.
Dans cette affaire, le slogan à la fois volontariste et acceptable pourrait alors être : « s’en
passer chaque fois que c’est possible ».
Mêmes si leur application parait encore assez marginale en France (ce n’est pas le cas dans
d’autres pays dits développés), on ne peut pas passer sous silence les alternatives parfois
proposées pour les couches jetables. Ces couches jetables sont en effet considérées à juste
raison comme un progrès pour les familles… Mais elles occasionnent réellement des quantités
énormes de déchets. Ce n’est sans doute pas sans raison que l’un des principaux fabricants s’est
investi depuis longtemps, « préventivement » et avec beaucoup d’énergie, dans le
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
C’est un moindre mal que ces produits essentiellement cellulosiques… et destinés à recevoir
d’autres matières organiques plus intimes, soient ainsi recyclées. Leur compostage individuel
semblant par contre trop délicat et peu recommandé, des solutions de réduction préventive ont
déjà été développées, selon deux axes complémentaires :
- proposer un change dont seule une partie est jetable (l’armature en tissu de la culotte
étant réutilisable après lavage),
A noter que les partisans de ces solutions avancent en plus, et parfois davantage que des
motivations d’ordre écologique, des arguments sanitaires et de confort pour les nourrissons, dont
nous laisserons le lecteur juger, si ce n’est expérimenter, par lui-même la véracité…
Divers produits électriques sont également concernés par cette recherche d’alternatives,
particulièrement les piles, dont la consommation s’est fortement accrue par le biais des enfants et
des jeunes avec leurs jeux électroniques et autres walkman.
Aujourd'hui, les Français achèteraient chaque année 650 millions de piles, représentant 22 000
tonnes, et 2 000 tonnes d’accumulateurs (hors batteries auto).
Au delà de la quantité de déchets occasionnés, c’est le potentiel polluant des piles qui incite à
adopter une attitude préventive (voir § 2-7). D’autant plus que les systèmes curatifs de
récupération des piles connaissent une mise en place pour le moins laborieuse dans notre pays.
A noter que, malgré les dispositions de la Directive européenne relative aux piles et
accumulateurs, on croise assez fréquemment des gadgets, toujours destinés aux enfants, dont
les piles sont indissociables. On ne peut donc les retirer, ni pour en mettre de nouvelles et
prolonger la durée de vie du jouet lui-même, ni pour éviter qu’elles finissent avec lui dans la
poubelle.
On peut suggérer trois propositions pour limiter dès le départ le nombre de piles consommées
et jetées :
- choisir les piles qui offrent la meilleure durée d'utilisation (essais comparatifs à mener,
seul ou via des associations de consommateurs ; recherche du meilleur rapport durée/prix).
- préférer des piles rechargeables (il s'agit plus exactement d'accumulateurs) et s’équiper
d’un chargeur.
Il existe en effet quelques appareils électriques qui fonctionnent sans piles "perdues", mais grâce
à une recharge solaire (montres, calculatrices…) ou manuelle.
La firme britannique Freeplay propose ainsi des lampes torches et même une radio, conçues à
l’origine pour équiper des régions de pays en développement, qui fonctionnent grâce à une
dynamo rechargée manuellement (vingt secondes de tours de manivelle fournissent jusqu’à une
heure de fonctionnement). Distribués en France depuis l’été 1999, notamment par Nature &
Découverte, ces appareils sont promus dans toutes les rubriques « vie pratique / écologie » des
magazines féminins et s'affirment malgré (ou grâce ?) à leur rusticité comme très « tendance ».
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Ainsi que le note Gérard BERTOLINI dans son ouvrage récent sur le "minimalisme", cette solution
présente un avantage supplémentaire pour des appareils (comme les lampes de poche) qu’on
n’utilise qu’épisodiquement et pour lesquels on risque toujours de constater le moment venu…
que la pile est déchargée !
Enfin, les ampoules fluocompactes constituent sans doute un des cas exemplaires de produit
alternatif permettant la prévention de déchets et même une économie d'énergie significative :
- elles durent en effet huit fois plus longtemps que des ampoules classiques à
incandescence ( près de 8 000 heures),
Si leur prix est plus élevé que celui d’une ampoule classique, ce surcoût sera amorti au bout des
2000 premières heures d’utilisation (la différence de prix n’a cessé de se réduire au cours des
dernières années avec la croissance régulière des quantités produites et commercialisées).
Si, dès les années 60, les futurologues ne cessaient d’annoncer la fin de l’écrit et du papier,
concurrencés par les nouvelles technologies de communication, ils semble s’être trompés jusqu'à
présent. Tous les amoureux des livres et les épistoliers s’en réjouissent. En fait, c’est même
l’inverse qui s’est produit. Malgré les possibilités offertes par l’électronique, malgré la
miniaturisation croissante qui fait de l’ordinateur portable l’équivalent d’un carnet de note, le
tirage papier reste omniprésent. Ces outils rendant encore plus facile, à chacun, la réalisation
(traitement de texte...), la reproduction (impression de qualité professionnelle) et la diffusion de
documents.
La consommation des papiers de bureaux stricto sensu (hors emballages, journaux et magazines)
est aujourd’hui estimée à 800 000 t/an (source REVIPAP 2000). Sur les 100 kg de déchets que
jette en moyenne par an chaque agent travaillant dans le tertiaire, on estime que 70 à 85% sont
des papiers.
Les propositions qui peuvent être faites pour réduire ce flux de déchets à la source s’inscrivent
dans deux principes d’action :
Il s’agit à la fois :
• d’utiliser à bon escient, chaque fois que c’est possible, ces équipements modernes
qui permettent justement de se passer d’un exemplaire papier (transmission
télématique, lecture et correction sur écran, mémoire électronique, scanner qui
permet de numériser un original sur papier et ainsi de s’en affranchir).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
C’est une évidence trop souvent oubliée ; chaque feuille de papier peut être utilisée sur ses deux
faces :
Il s’agit, là aussi, d’utiliser au mieux les possibilités actuelles des matériels de reprographie. La
facilité de réalisation de copies recto-verso mériterait d'être un des critères de choix dans
l’acquisition d’un photocopieur (existence de cette fonction spécifique et d’une possibilité
d’alimentation manuelle).
Cette récupération « en circuit court » peut être plus ou moins organisée. Sa seule limite est celle
occasionnée, le cas échéant, par des contraintes de confidentialité.
Individuellement, il s’agit juste de conserver à portée de main le dos blanc de quelques courriers,
notes et autres rapports, afin de pouvoir s’en servir pour prendre note d’une information
téléphonique ou faire un petit calcul rapide (et inversement s’interdire d’utiliser pour cela des
feuilles vierges).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
La production interne de véritables blocs de papier brouillon, à partir des feuilles ayant une face
vierge, est un pas de plus dans une organisation systématique de cette démarche. Il peut être
assez facilement envisagé dès lors qu’il existe un service reprographie au sein de l’entité
administrative concernée.
D’autres fournitures de papeterie peuvent également faire l’objet d’une attention plus poussée,
afin d’en éviter le gaspillage. C’est par exemple le cas :
- des enveloppes, utilisées pour transmettre différents papiers, dans le cadre des
activités de bureaux. Il y a là une sorte de « syndrome de l'emballage » : l’enveloppe ne sert
souvent que de manière très éphémère, alors qu’il n’y a pas toujours de réelle contrainte de
confidentialité. Le moindre document transmis, la première note venue vont ainsi se retrouver
sous enveloppe, avec le nom du destinataire inscrit à l’encre, ce qui la rend non réutilisable. On
pourrait souvent s'en passer, a fortiori lorsqu'on remet peu ou prou le document de la main à la
main. Il existe par ailleurs, depuis longtemps, des enveloppes navettes multi-usages, renforcées,
dotées de systèmes de fermeture et comportant un tableau qui permet d’inscrire une liste de
circulation ou les différents destinataires d’envois successifs.
- des chemises, elles aussi souvent utilisées de manière débridée. Inscrire le titre d’un
dossier provisoire au crayon plutôt qu’à l’encre ; extraire les chemises en bon état des dossiers
mis au rebut ; les retourner si besoin est pour les réutiliser en interne (en profitant de leur verso
comme pour les papiers d’impression)… Les solutions de bon sens ne manquent pas.
- elles passent aussi par une information voire une formation adaptées des utilisateurs
potentiels de chacun des équipements évoqués (ordinateur et ses périphériques,
photocopieur…) sur les modalités adéquates de leur utilisation (ne pas oublier de former
les nouveaux arrivants, tous les échelons hiérarchiques sans exception ; informer les
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Dans cet esprit, il conviendra prioritairement d’obtenir que la démarche soit acceptée et la plus
« participative » possible. Elle ne peut en aucun cas être mise en œuvre sous la contrainte. Il faut
même prendre garde à ce qu'elle ne passe pas pour une pure et simple restriction, comportant
des effets pervers (complexité accrue inutilement, perte d’efficacité, autres gaspillages
occasionnés par ailleurs), voire des intentions cachées (restreindre l’information).
Ce dernier aspect peut constituer un point de friction important eu égard aux attentes ou aux
habitudes, considérées comme des droits acquis et normaux, en matière de circulation de
l’information dans la vie démocratique municipale, par exemple (entre élus, élus et services), ou
d’accès à la culture dans les écoles. Il ne sera jamais simple d’y proposer de limiter le nombre de
photocopies. Voilà bien une illustration très concrète, parmi d’autres, de la complexité du
développement soutenable (ou comment éviter une écologie qui paraisse autoritaire, ou qui
risque de l’être réellement, dans ses prescriptions anti-gaspillage ?).
Une autre difficulté s’ajoute à cela : le coût de ces fournitures n’est guère apparent. Souvent, il
est présupposé être faible, et il n’y pas de responsabilité directe à cet égard de l’utilisateur. Il
sera donc toujours intéressant d’en faire ressortir les coûts, donc les dépenses évitables grâce à
une meilleure utilisation, en sachant que la question des bénéficiaires de la ré-affectation des
économies ainsi réalisées pourra être posée.
Pour conclure, il est difficile d’évaluer a priori l’économie potentielle de cette utilisation optimisée
des fournitures. Au delà des équipements et des produits alternatifs qui en facilitent la mise en
œuvre, il est clair que le comportement des personnes est décisif. Une analogie peut néanmoins
être avancée avec les démarches de Maîtrise de la Demande en Electricité (MDE) et d’économie
d’eau, pour lesquelles on dispose d’un certain recul, dans les administrations publiques
notamment. Il faut savoir qu’en tablant, non seulement sur des réglages et autres mises au point
techniques, mais aussi sur l’attention des agents à fermer robinets et autres interrupteurs, des
économies d'eau ou d'électricité de 10 à 30 % ont souvent pu être obtenues.
Par contre, pour certains d'entre eux, des dispositifs de reprise par les producteurs ou les
fournisseurs sont envisageables dès lors que :
- le déchet lui-même s'y prête (notamment parce qu'il reste un objet, certes périmé, mais
identifiable, pas trop dégradé, relativement facile à collecter séparément, à stocker…),
- qu'il justifie un tel dispositif (soit par le risque ou la difficulté que comporterait son
élimination avec d'autres déchets ; soit parce qu'il est possible de le "reconditionner"
industriellement pour un nouvel usage),
- que les fournisseurs sont eux-mêmes identifiables et accessibles. Il faut qu'on puisse leur
attribuer, individuellement ou collectivement, cette responsabilité de manière assez simple
et opérationnelle. Des secteurs industriels où les acteurs sont trop nombreux, dispersés et
constituent des chaînes complexes, rendent difficile cette approche.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
En France, les opérations de valorisation les plus développées dans le secteur de l'informatique
sont celles du re-conditionnement de cartouches d'imprimantes laser ou à jet d'encre. Il s'agit
de recharger ces boîtiers avec la poudre d'encre et de remplacer certaines pièces d'usure
(molettes, ressorts…). Néanmoins, le niveau atteint (10% du marché occupé par les cartouches
de 2ème vie) reste encore faible, comparé à celui observé en Allemagne (20%) ou aux U.S.A. (
30%). Là aussi, il existe des marges de progrès non négligeables.
Il faut cependant noter que la reprise, si elle permet toujours de détourner ces cartouches vides
du flux des déchets ménagers (ce qui présente un intérêt autant qualitatif que quantitatif), n'est
pas systématiquement synonyme de re-conditionnement. Il existe, en fait, plusieurs circuits:
Il reste sans doute possible de systématiser encore plus l'une ou l'autre de ces formules auprès
des gros producteurs potentiels (les grandes entreprises et administrations récupèrent-elles
toutes et assidûment ces cartouches ?) mais aussi de drainer des gisements plus diffus (dans les
collectivités, PME, auprès des particuliers) grâce à des solutions collectives permettant un premier
rassemblement de proximité.
Pour ce qui est des piles et accumulateurs, le dispositif de reprise vient juste d’être définit
réglementairement, après des années de tergiversations, il faut bien le dire. S’agissant d’un
problème qui relève moins d’une réduction quantitative des flux de déchets que d’une prévention
qualitative, nous l’aborderons un peu plus loin au paragraphe correspondant.
Les vieux papiers des bureaux ne peuvent guère, quant à eux, être strictement repris en fin
de vie par leurs fournisseurs et producteurs. Ils n'en représentent pas moins (après avoir été
utilisés de manière optimale, on l'a vu) un flux qui gagnerait à être extrait à la source et détourné
de celui des ordures ménagères pour être recyclé (en 1998, seulement 200 000 t de ces produits
étaient récupérés, soit 25% du gisement potentiel).
Sous réserve d'être correctement séparés des autres déchets du bureau (gobelets, mégots,
cartouches…), ces vieux papiers constituent une excellente ressource pour le recyclage. Ils offrent
un gisement beaucoup plus concentré que celui des ménages (journaux et magazines,
emballages), donc plus facile à exploiter. Au sein des agglomérations qui accueillent des cités
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
On peut comparer de façon grossière, mais assez significative, les ordres de grandeur en
présence:
Des papeteries se sont implantées, notamment dans le grand Bassin Parisien, afin justement de
recycler de façon préférentielle ce type de vieux papiers, en visant le gisement de l'agglomération
capitale. Faute de généralisation de la collecte auprès des bureaux d'entreprises, elles
consomment encore de façon majoritaire des papiers venus de l'étranger !
D’ores et déjà, l'ADEME est à même d'apporter des conseils opérationnels sur le montage et la
gestion d’une telle collecte des papiers de bureaux. Elle a élaboré à ce titre un excellent guide
dans sa série « Connaître pour agir » (La collecte des papiers de bureaux - décembre 1998).
Malgré le constat de carence d’une généralisation souhaitable, les exemples d’opérations réussies
et ayant suffisamment d’antériorité pour servir de « modèles » indicatifs ne manquent pas (voir
plus haut le cas du « 1000 feuilles » au MATE) et les collecteurs de déchets eux-mêmes
proposent des services spécialisés dans ce domaine (système "Cocotte"…).
La clé se trouve toutefois dans la vérité des coûts d'élimination des déchets assimilés aux ordures
ménagères et dans leur juste prise en charge. En l’absence de mise en œuvre de la redevance
spéciale pour les déchets d’entreprises ramassés avec les ordures ménagères et, pire encore, tant
que des immeubles administratifs voient leurs déchets enlevés gratuitement (ils ne payent même
pas la taxe d’ordures ménagères… puisqu’ils ne sont pas soumis à la taxe sur le foncier bâti !), il
est difficile de mettre en place cette collecte séparée dont l’économie se trouve de fait masquée.
Les quantités de déchets que les communes ont à gérer au lendemain des fêtes sont assez
impressionnantes.
Outre les emballages des cadeaux et les restes en tous genres des agapes (bouteilles vides, reliefs de
repas), les sapins représentent un afflux soudain et tout à fait spécifique de déchets qui n’est pas sans poser
de problèmes. Depuis le chargement dans la benne par le ripeur, jusqu’à l’unité de traitement, qu’il s’agisse
de compostage ou d’incinération, le volume et les particularités de ces résineux… les rendent
particulièrement épineux à gérer.
Paradoxalement, c’est le sapin artificiel et donc réutilisable plusieurs années de suite qui s’avèrerait peut-
être le plus durable. Mais qui prétendrait qu’il peut égaler le charme du véritable petit arbre de
Noël ? Comme dans certaines polémiques dépassées sur le papier recyclé, quelques naïfs amoureux de la
nature professent encore que couper un arbre est, par essence, un crime… alors que le sapin est une
véritable culture renouvelable, somme toute traditionnelle et essentielle à certaines de nos régions comme
le Morvan.
Quoi qu’il en soit, une première solution, ponctuelle et surtout symbolique comme c’est souvent le cas ici,
sera de privilégier des sapins non coupés, qui peuvent être replantés lorsqu’on dispose d’un jardin.
La reprise de ces sapins « replantables » par le magasin a également été expérimentée par un distributeur
de meubles et d’accessoires domestiques dont l’origine nordique et l’image volontiers écolo justifiait d’un tel
service rendu à sa clientèle…
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Paradoxalement, ces efforts « intéressés », mais d’intérêt général, sont restés assez longtemps
discrets quant à la communication vers celui qui devrait être le premier intéressé : à savoir le
consommateur…
Les industriels eux-mêmes n’ont pu que prendre le relais et créer le Conseil National de
l’Emballage (C.N.E.). Celui-ci a édité en 1998 un second catalogue, et d’autres documents sont
déjà sortis ou en préparation, destinés aux milieux industriels eux-mêmes (guide de bonne
pratique…) ou à un public plus large.
L’objectif affirmé de la création du C.N.E. est de disposer d’un lieu permanent de concertation sur
les emballages, et particulièrement la prévention des déchets d’emballages, ouvert aux différents
acteurs concernés. C’est ainsi que les grandes associations d’environnement et de
consommateurs, les élus locaux, participent aux travaux de ce Conseil, aux côtés des industriels
et des distributeurs. Certains trouveront que cette instance reste encore fortement marquée par
une attitude industrielle de défense et de justification de l’emballage, qu’elle pourrait gagner en
dynamisme et favoriser un débat plus ouvert encore. Elle a au moins le mérite d’exister… Et il
appartient sans doute aux associations de citoyens, elles-mêmes, de provoquer et répercuter
davantage les réactions du public.
Si la question des emballages est désormais « sur la sellette », c’est au bon sens du terme. Les
producteurs n’ont ils pas tout intérêt à ce qu’on cesse de ne considérer leurs emballages que sous
l’angle des déchets à éliminer ? Le défi à relever n’est-il pas, au contraire, de montrer la
modernité, la capacité d’innovation et d’adaptation de l’emballage pour répondre, non seulement
aux attentes pratiques et hédoniques du public, mais aussi aux enjeux à long terme du
développement soutenable ?
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
TABLEAU n°7
Les principaux axes de réduction à la source des déchets d’emballages développés par
les industriels
Un suivi plus étroit du gisement des emballages ménagers en France a commencé à s’instituer à
l’initiative de l’ADEME (notamment dans la perspective des données à fournir en application de la
1
voir les questions que cela pose si, du même coup, l’emballage devient plus difficile à recycler…
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Directive 94/62/CE) comme des organismes agréés pour la valorisation des déchets
correspondants.
Deux tendances semblent s’équilibrer, comme le symbolise la balance figurée ci-dessous (pour
plus de détails voir notamment « le gisement des emballages ménagers en France » - sept 99 -
ADEME, Eco-Emballages, Adelphe).
Les unités d’emballages, prises individuellement, ont été assez systématiquement allégées au
sens le plus immédiat du terme, c’est-à-dire au travers de mesures qui relèvent surtout de la
première ligne du Tableau n°7 (voir aussi Tableau n°8). A contrario, le nombre de ces unités
d’emballages n’a cessé d’augmenter de son côté (+ 6,25% de 1994 à 1997).
------------------------------------------------------------------------------------------------------------
------------------------------------------------------------------------------------------------------------
La résultante de ces deux évolutions contradictoires se traduit sur cette même période de 1994 à
1997 :
- par une légère baisse des tonnages globaux des emballages métalliques, papiers-
cartons et plastiques (- 1% pour l’ensemble), ce qui a au moins l’intérêt de commencer
à réfuter une sorte de fatalité de la croissance des tonnages de déchets d’emballages.
- par une hausse du gisement de verre, ce qui peut être considéré comme un moindre
mal, compte tenu du caractère éminemment recyclable et fortement récupéré de ce
matériau….
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
TABLEAU n°8
Finalement, le constat à ce stade reste donc mitigé, malgré la remarque antifataliste faite ci-
dessus. Il semble nécessaire que l’action se porte désormais de façon complémentaire, voire
préférentielle, sur l’autre plateau de la balance : c’est à dire sur moins d’emballage, des
emballages davantage optimisés et non plus seulement allégés.
Ce simple allègement ne risque t-il pas, de toute façon, d’atteindre rapidement ses limites ? Faire
plus léger deviendrait impossible, ou conduirait à faire plus complexe… et moins recyclable,
comme le montrent les plastiques multicouches.
La question des progrès suivants à accomplir en matière de prévention renvoie donc désormais,
et par la force des choses, à une implication plus active des citoyens-consommateurs dans le
processus. C’est un peu dans l’ombre, en quelque sorte, que les emballages ont été allégés
jusqu’à présent. Cette réduction à la source, laissée à la seule initiative des concepteurs et des
producteurs, ne sera pas suffisante pour engager une démarche véritablement durable de
prévention.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Suremballages
Le suremballage constitue sans doute un des domaines où subsistent les cas les plus flagrants
d’absence de prise en compte de la nécessité d’éviter les « inutilités ».
- certains suremballages de
groupage, qui n’ont comme
fonction que de rassembler des
lots de produits, à l’occasion d’une
promotion : deux boites « pour le
prix d’une » se trouvent alors
étroitement réunies sous un film
plastique ou par un cavalier en
carton.
On peut s’interroger quant à la légitimité d’une telle enveloppe qui n’offre pas un service
supplémentaire au client en termes de manipulation et de transport du produit (arrivé à la
maison, ce genre de suremballage est de ceux qui sont immédiatement défaits et jetés !).
Il existe sans doute d’autres moyens tout aussi efficaces, peut-être plus modernes, et de
fait moins « gaspillants », de faire connaître la promotion au client (affichage au niveau du
linéaire notamment) puis de l’enregistrer à la caisse.
Il faut savoir que les distributeurs eux-mêmes subissent les contraintes a posteriori de
cette solution… puisqu’à la fin des périodes de promotion, ils doivent parfois dépiauter les
couples de boites non vendus pour les re-présenter à l’unité ! Le concept de « groupage
virtuel », qui rejoint les propositions de bon sens suggérées ci-dessus, devrait donc être
étudié.
Autant un étui carton paraît utile pour maintenir ensemble des yaourts vendus par 8 ou 16, sur deux
étages, autant le « cavalier » qui chapeaute parfois les simples lots de 4 yaourts ne présente pas d’utilité
avérée. Il ne sert pas au maintien de ces 4 pots, qui sont désormais thermoformés ensemble, et ainsi
étroitement solidaires. Il ne les protége pas vraiment contre l’écrasement. On ne peut même pas le justifier
comme support d’information ou de publicité, puisque chaque opercule peut très bien faire l’objet d’une
impression assez fournie, et tout à fait différenciée de l’un à l’autre. Seules les grandes marques recourent à
un tel suremballage, qui n’a tout compte fait qu’une fonction d’image : le « haut de gamme » a un cavalier
carton… parce qu’il doit l’avoir pour conserver ce statut.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Un autre cas de suremballage apparemment superflu et, qui plus est, peu pratique mérite d'être
signalé. C'est celui de tous les produits audiovisuels de type cassettes (audio, vidéo…). Elles sont
de plus en plus souvent étroitement emmaillotées de plusieurs fines pellicules plastiques… qu'il
est parfois bien difficile de défaire, même avec d'excellents ongles ou des ciseaux bien affûtés
(voir, plus loin, le syndrome des blisters). Quelle est leur fonction précise ? Est-il réellement
nécessaire de les redoubler en cas de groupage (pour deux cassettes jumelées, c'est en général
au moins trois enveloppes qu'il faut ainsi dépiauter…) ? Nos voisins plus restrictifs à l'égard des
excès d'emballages ne s'en passent-ils pas sans dommage sensible?
-> des petites portions de fromages vendues dans des trousses en plastique, au
lieu (si ce n’est en plus) du traditionnel filet, au moment de la rentrée des classes
ou à l’occasion de quelque évènement sportif ou culturel de renom,
-> du surimi commercialisé dans un petit sac isotherme dès les beaux jours, les
sorties champêtres et la veille des départs en vacances.
Souvent, la cible des enfants est d’évidence visée de façon prioritaire par ce genre de démarche
marketing (ce qui confirme l’importance d’une éducation des jeunes consommateurs).
Faut-il préciser que ces suremballages gadgets s’avèrent généralement peu solides, et donc tout
à fait éphémères : la trousse se déchirera au bout d’une semaine, et la sacoche isotherme dès la
seconde journée de pique-nique (souvent fabriqués en orient, dans des conditions sur lesquelles
on ne s’interrogera même pas, ils ne peuvent pas prétendre se substituer sérieusement aux
objets, dont ils ne prennent que l’apparence…).
On est là dans la même logique que tous les objets promotionnels, cadeaux et autres gadgets,
dont il a déjà été question au § 2 – 5.
Emballages « trompeurs »
Malgré les efforts des industriels, beaucoup trop de produits sont encore conditionnés dans des
emballages que les professionnels eux-mêmes qualifient parfois de « voleurs », comme les deux
exemples ci-dessous :
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
(hors alimentaire, un exemple comparable est fourni par les logiciels commercialisés dans des
boîtiers d’un format standard, qui privilégient la « visibilité » du produit. Une fois ouvert, on n’y
découvre parfois qu’un CD Rom et une notice qui ne justifiaient peut-être pas un tel volume
d’emballage).
Les emballages peuvent être aussi « trompeurs » sur un plan qualitatif, particulièrement en
ce qui concerne leur aptitude au recyclage.
Dans ce registre, on peut évoquer les cas d’emballages qui jouent sur un retour apparent au
traditionnel, sans en avoir vraiment les qualités, mais qui occasionnent du même coup quelques
problèmes d'élimination. C’est le cas par exemple de toutes les bouteilles à capsule céramique
(bières, limonades…) qui connaissent un fort regain ces dernières années.
Ces bouteilles posent un problème non négligeable car la céramique est le principal ennemi du
recyclage du verre. Ces deux matériaux ont en effet bien des caractéristiques en commun
(aspect, densité…), ce qui rend leur tri difficile (à commencer pour des consommateurs qui ne les
distinguent pas spontanément). Mais la céramique est infusible aux températures auxquelles le
verre se coule en une pâte prête à être moulée pour de nouvelles bouteilles… risquant ainsi d'y
laisser des inclusions étrangères qui les fragiliseront.
L'industrie verrière est pourtant plus qu'exigeante à cet égard, vis-à-vis des communes
partenaires du dispositif Eco-Emballages. Les fameuses "P.T.M." (Prescriptions Techniques
Minimales) n'admettent que de faibles taux d'impuretés dans les lots de verre récupéré, sinon
ceux-ci risquent d'être refusés. Ces capsules ne sont pas la seule source potentielle d'infusibles
dans le verre mais, même si elle est partielle, pourquoi se priver d'une action préventive ? Au lieu
de cela, ce sont à nouveau les options curatives qui semblent prévaloir, avec le développement
de dispositifs plus complexes de sur-tri du verre après collecte sélective.
Le fabricant, la société St GOBAIN affirme travailler, depuis 1995 au moins, à la substitution par
un bouchon en verre teinté. Le coût en serait, hélas, dissuasif à ce stade du développement.
Quant aux entreprises qui demandent de telles bouteilles pour leurs boissons pétillantes, elles
restent parfaitement silencieuses. Pourtant ne serait-il pas utile de mentionner sur la bouteille
que "le bouchon doit être enlevé, avant de déposer la bouteille de verre au recyclage". Tandis
que les collectivités développent depuis quelques années une débauche de communication en
faveur de la qualité du tri, des bons gestes, pour des habitants trieurs responsables et avertis, il
est paradoxal de ne pas les impliquer dans ce cas. Finalement, le maintien de ces bouteilles, avec
leurs bouchons céramiques et sans mise en garde de l'acheteur, ne constitue t-il pas une
infraction aux dispositions de la directive n°94/62/CE ?
Le comble, dans cette affaire, est que tout est fait pour exploiter l'image "à l'ancienne" qui
s'attache volontiers à ces bouteilles. Leur esthétique, ce système de rebouchage qui rappelle des
souvenirs, une robustesse apparente, et jusqu'aux slogans publicitaires employés, tout renvoie
implicitement aux valeurs positives et réconfortantes que l'inconscient du consommateur pourrait
associer (à tort ou à raison) à une bouteille consignée et réutilisable… alors que ces bouteilles ne
le sont pas le moins du monde ! (2).
2
il est d'ailleurs intéressant de noter que la marque qui, la première, a relancé ces bières de 33cl à bouchage céramique,
produit et distribue d'autres canettes… consignées 5 cents au Canada et en Australie.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
néant les efforts consentis pour le tri à la source. Cette règle simple devrait désormais être
admise et respectée par les concepteurs : un emballage ou un matériau d’emballage, qui
n’est pas immédiatement recyclable et qui risque de gêner le recyclage des autres, ne
devrait pas pouvoir apparaître sur le marché sans une information adéquate des
acteurs concernés.
Soulignons au passage que certains d’entre eux s’avèrent de plus assez difficile à ouvrir en
contradiction avec l’affirmation volontiers répétée par les industriels selon laquelle le confort du
client est toujours prioritaire...
A l’origine, leur justification était principalement liée à la prévention des vols (démarque
sauvage). Le consommateur avisé se pose par conséquent les questions suivantes :
- pourquoi vendre sous blisters et autres emballages translucides des objets dont la taille
interdit, de toute façon, qu’ils soient dissimulés par des chapardeurs ?
(c’est ainsi qu’on trouve sous blister des jouets, des outils ou autres accessoires
volumineux).
Autres exemple, oh combien significatif (car pour les extraire, il faut vraiment disposer de tout un
arsenal de découpage…!), des rouleaux de pellicules vendues derrière le comptoir du
photographe. Ont-elles besoin d'être conditionnées de la sorte ?
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
TABLEAU n°9
La tendance à consommer de plus en plus d’eau en bouteille s’explique assez bien de par les
problèmes réellement rencontrés, ici ou là, en matière de pollution des eaux souterraines ou de
surface (nitrates, voire pesticides désormais). L’évolution des modes de vie (goûts, confort,
standing…) et l’exacerbation générale des inquiétudes sanitaires en renforcent les effets. Il suffit
d’engager la discussion, où que ce soit, avec certains consommateurs à propos de l’eau du
robinet, pour vérifier qu’il est de plus en plus difficile d’objectiver l’appréhension commune de la
qualité, aussi bien sanitaire que gustative, de cette eau.
Au nom de ce qu’ils considèrent comme du réalisme, certains n’hésitent d’ailleurs plus à prôner
un choix radical : privilégier la protection des quelques aquifères d’eaux commercialisées en
bouteilles, par des mesures extrêmement renforcées (acquisition des terres, « mise sous tutelle »
des exploitants agricoles, reconversion à des pratiques proches de l’agribio…) ; mais admettre,
par contre, que la protection systématique de la majorité des ressources en eau serait perdue
d’avance. Selon un tel scénario, l’eau commercialisée en bouteille deviendrait hégémonique pour
l’alimentation humaine, et l’eau (potable ?) distribuée par le service public se trouverait
cantonnée aux autres usages (lavages…). Peut-on se résoudre à un tel scénario ? Que devient le
droit de chaque citoyen à accéder à de l’eau potable, droit affirmé par la Loi.
Aujourd’hui, l’eau distribuée par le réseau public, « au robinet », reste encore de bonne qualité
dans de nombreuses régions, seuls (en dehors d’aspects gustatifs) des usages particuliers
(nourrissons, malades) justifie des eaux minérales adaptées. Il y a une réelle synergie à
développer entre l’objectif, certes très ponctuel, de limitation des déchets occasionnés par ces
bouteilles d’eau, et des questions d’une autre ampleur comme la protection des milieux et des
ressources hydrologiques ou la pérennité des services publics de production et de distribution
d’eau potable.
Il faut avoir conscience que les enjeux, autour du marché de l’eau de boisson, sont énormes. On
voit se dessiner une concurrence de plus en plus vive, à la faveur notamment des grands
mouvements de restructuration à l’échelle mondiale, entre :
- d’une part, les grandes sociétés françaises de service, initialement spécialisées dans le
traitement des eaux pour les collectivités, qui diversifient leurs produits en reprenant des
entreprises ainsi que des pratiques américaines (fourniture d’eau aux entre- prises, distribution
d’eau conditionnée en plus gros volume, commercialisation de dispositifs de « traitement »
domestique complémentaire de l’eau du réseau…),
- d’autre part les groupes de l’agro-alimentaire (auxquels se mêle sur ce créneau privilégié
la grande distribution), qui après avoir fortement diversifié la production d’eaux de source en
Europe et aux Etats-Unis, se proposent de plus en plus souvent d’exploiter les ressources de pays
émergents en « fabriquant » pratiquement des eaux adaptées aux goûts et autres spécificités de
ces derniers.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Un indice concret, parmi d’autres, de ces évolutions est l’apparition de nouveaux types de
conditionnement. De gros bidons d’eau de source (5 litres et plus) sont ainsi proposés, tant aux
ménages sur les rayons des hypermarchés, que pour alimenter des fontaines sur des lieux publics
et de travail. Dans l’absolu, ce rapport contenant/contenu plus faible est favorable à la
prévention. Il le sera encore plus si le bidon participe d’un dispositif de reprise et de re-
remplissage. Encourager la mise en place de tels services au sein des entreprises semble une
piste préventive intéressante, entre l’utilisation de l’eau du robinet, qui ne sera pas toujours
commode ni très prisée sur le lieu de travail, et la multiplication des bouteilles individuelles
(attention toutefois à l’effet pervers des gobelets jetables…).
Pourtant, c’est sans doute avec certains produits alimentaires de luxe qu’on trouve encore la
possibilité d’acheter en vrac… même si, après pesée, vos bonbons ou chocolats sont prestement
reversés dans un sachet à ruban très sophistiqué.
Pour revenir au domaine de la publicité, on notera avec intérêt un spot récent vantant la modularité de l’un
de ces nouveaux services de téléphonie mobile très à la mode (avec les nouvelles technologies, la modernité
semble aussi passer du côté de la souplesse, de l'adaptation, de la réponse non normative à la diversité des
besoins exprimés…).
Ce spot montre donc différents personnages qui rentrent l'air de rien dans des magasins, ouvrent les
emballages dans les rayons pour se saisir, avant de les renfermer soigneusement, de la juste quantité de
produits dont ils ont besoin : une touche de peinture, pinceau en main, pour masquer un accroc ; cent
grammes de sucre dans un verre doseur apporté à la boutique, pour faire un gâteau ; et même quelques
feuilles de papier hygiénique… pour un comparse en panne dans la sanisette du coin de la rue.
A n'en pas douter, il s'agit là d'une utopie tout à fait irréaliste, et bien peu raisonnable !
Mais en étant optimiste, ne pourrait-on y voir l'expression inconsciente mais révélatrice d’un nouvel état
d’esprit ? Le signe avant-coureur de l'émergence (et de la reconnaissance) de nouvelles valeurs
consuméristes ?
Littéralement, le vrac désigne des produits présentés à la vente sans être pré-conditionnés (sur
un étal, dans une vitrine, des bocaux, une cuve ou un tonneau… selon leur nature). Vous pouvez,
du même coup, en choisir l’assortiment (pour des confiseries, comme on vient de l’évoquer) et
surtout la quantité (en général le poids). Le vrac, au sens large du terme, est donc surtout
l’apanage du petit commerce et du marché… mais pas seulement.
De fait, une certaine confusion entoure ce concept, et rien n’est fait pour la dissiper. Ne peut-on
imaginer, là où c’est possible, un vrac moderne et de qualité ?
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Avançons à ce propos quelques suggestions pratiques et non exhaustives, selon trois grands axes
:
Même au supermarché, il existe encore quelques espaces de choix à exploiter, entre le plus ou
moins emballé, pour différents produits comme:
- les fromages:
choisir entre une part de roquefort finement découpée à même la meule, glissée dans une simple
feuille de papier sulfurisé et le même présenté dans une véritable vitrine, un écrin de plastique.
Certes, mêmes les marques les plus prestigieuses s'y sont mises… Mais, pour reprendre le propos
volontiers soutenu par les industriels, si « l'emballage fait le goût du produit », qui a donc
vraiment envie d'un roquefort sous blister ?
- les glaces :
choisir entre différents parfums en boites d’un litre ou plus (et qui pourront être réutilisées), à
partir desquels vous composerez librement, à domicile, d’appétissantes coupes (en y parsemant,
bien sûr, quelques brisures d’amandes achetées au poids à l’épicerie) et des cornets tout
préparés.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
fromages par exemple, dans une barquette en polystyrène surmontée d’un simple film
plastique.
- conditionnés industriellement ; cette fois les emballages sont plus complexes, dotés de
suremballages, parfois de gadgets et autres promotions…
Au risque d’être un peu schématique, on constate que pour ces trois formules la qualité du
produit est souvent inversement proportionnelle à la quantité d'emballage qui l'accompagne.
Tout sera, bien sûr, affaire de goût personnel. Le temps disponible pour faire de tels choix est
aussi une contrainte dont on parvient, mais dont on cherche à s’affranchir. Quant au prix, il
mériterait sans doute une analyse comparée : plus de qualité et moins d’emballage est-ce plus ou
moins cher que le produit pré-conditionné ?. Qu’est-on prêt à payer le plus cher ?
S’agissant de vrac et de qualité, impossible d’ignorer les préoccupations relatives aux risques sanitaires qui
sont aujourd’hui sous les feux de l’actualité. Soyons net : le rôle protecteur et conservateur de l’emballage
est fondamental, à chaque fois qu’il se justifie, ce qui est général. Pas question de prendre la sécurité à la
légère.
De fait, les produits pré-conditionnés offrent une sécurité supplémentaire avec sur leur emballage une date
de péremption portée à la connaissance du consommateur; les produits emballés au magasin
(« économat ») ont la même contrainte. Par contre, les produits « frais » proposés à l’étal ne présentent pas
cette garantie. Toutefois, seuls certaines viandes, poissons ou charcuteries pourraient éventuellement
présenter le risque d’être avariés, sans que leur aspect ne le laisse apparaître…
Les carences d’hygiène ou les manipulations croisées par les serveurs ont pu être parfois mises en cause
dans la propagation de certains germes pathogènes par des produits frais. Soulignons toutefois que les
dangers sanitaires sont divers. Ils peuvent trouver leur origine dans le produit lui-même, sa nature, la
manière et les conditions dans lesquelles il a été produit, transformé, conditionné, dans une insuffisance
d’emballage, mais aussi dans les manipulations et l’utilisation des moyens de conservation, et ceci jusque
chez le particulier. N’a t-on pas souvent souligné les négligences et, parfois, le manque total de savoir faire
des ménages quant à l’usage courant de leur réfrigérateur ? Dans ce cas, quel que soit le produit, le risque
est là.
La vente de produits frais non pré-conditionnés ne mérite donc d’être considérée que comme un facteur
possible d’accroissement des risques, si les précautions ad hoc n’étaient pas respectées. Mais cela ne suffit
sans doute pas à la disqualifier dans l’absolu. La vigilance du consommateur, son expérience et la confiance
qu’il est amené à accorder, au cas par cas, à son commerçant seront les meilleurs gages de sécurité, quel
que soit le type de commerce (du marché à l’hypermarché), de produit et de conditionnement. D’ailleurs, les
paradoxes sanitaires d’une hygiénisation et d’un conditionnement qui se veulent toujours plus sécuritaires
ne peuvent pas non plus être passés sous silence. Ils entraînent quelques effets pervers en terme de
fragilisation des consommateurs ou des produits eux-mêmes ; on a pu dire, par exemple, que les fromages
crus artisanaux présentaient une flore bactérienne suffisamment riche pour concurrencer les pathogènes,
alors que ceux-ci, introduit dans un produit plus « industriel », y trouvaient un terrain favorable…).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Au passage, il n’est pas sans intérêt de soumettre à la réflexion la contradiction que comportent, dans ce
domaine, certaines demandes de sécurité et de précaution absolues, dont certains écologistes ont pu parfois
être eux-mêmes porteurs (au nom d’une recherche du risque « zéro »), mais qui poussent à davantage
d’artificialisation, à la remise en cause de pratiques traditionnelles de production et de distribution et
souvent à davantage d’impacts et d’externalités pesant sur l’environnement…
Bien des commerçants pourraient témoigner même sans doute que certains de leurs clients
considèrent pratiquement cela comme un droit acquis et qu’ils le réclament. On rejoint la
question des sacs de caisse déjà évoquée, et le recours à un sac durable, cabas ou autre, est
encore la solution la plus appropriée.
Tout dépend, bien évidemment, des caractéristiques du produit acheté. Lorsque l’on pouvait
encore se procurer en vrac « un cent de clous » chez le quincaillier (aujourd’hui, pointes et vis
sont sous blisters !), le sachet était incontournable !
Le refuser poliment s’il n’a guère d’utilité. Le faire à haute voix pour que, outre le commerçant,
les autres clients soient pris à témoins de cette évidence : il risque de finir aussi vite à la
poubelle ! Voilà un petit acte « militant » de la prévention des déchets, que chacun peut
s’emparer à l’occasion…
♦ Acheter, quand c’est possible, des quantités plus importantes puis les
fractionner/conditionner soi-même (ce qui fait la liaison avec le recours aux
emballages réutilisables).
L’exemple le plus significatif est fourni par le vin. Il a de plus l’avantage de se situer dans un
domaine assez noble pour lequel la mise en bouteille ne renvoie pas à un quelconque
misérabilisme, mais relève plutôt du plaisir et du loisir. Acheter un bon vin de table en cubitainer
(consigné) et l’embouteiller soi-même est une pratique qui mériterait d’être conservée, si ce n'est
promue.
La dimension qualitative est, là aussi, un atout réel et, cette fois, l’intérêt financier est le plus
souvent au rendez-vous.
Accrocheur, le terme est maintenant d’usage courant, mais le concept en est développé avec plus
ou moins d'approfondissement et de clarté. Il est attribué sans distinction à des types assez
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
différents d’emballages. Et les pratiques des consommateurs sont elles-mêmes variables. Ainsi,
on peut trouver :
- des berlingots souples contenant des produits liquides qui nécessitent d’être reversés
dans un flacon rigide muni d’un bouchon constituent plus exactement des recharges. Il
existe également d'autres berlingots constitués de cartons complexes (type
« tétrapack ») qui sont moins souples. Généralement, le produit est alors concentré et
doit donc être dilué dans le flacon récepteur.
Une éco-recharge représente une économie qui peut aller jusqu’à 75 à 80 % de poids
de déchets, par unité de produit, par rapport à un emballage rigide classique (Procter &
Gamble affiche, par exemple, une diminution potentielle de 3 500 t de carton/an pour ses seuls
produits).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Il apparaît aujourd'hui que seulement 25 à 30 %, selon les sources, du marché français des
lessives et autres produits d'entretien seraient achetés en éco-recharges. Comment expliquer que
cette option soit davantage prisée, semble t-il, dans d'autres pays du centre et du nord de
l'Europe ?
Il a parfois été avancé que, face à ces emballages moins volumineux, un certain nombre de
consommateurs français auraient tout bonnement le sentiment de ne pas en avoir pour leur
argent, par comparaison avec les bons gros barils de lessive ! Il est vrai qu'on peut se demander
si la vérité et la transparence des prix sont suffisantes dans ce domaine :
- partant de là, on a même pu dire que les distributeurs (puisque ce sont eux qui
font les prix) avaient accentué ce déséquilibre à leur profit, au lieu de faire une promotion
sur ces produits nouveaux.
Au delà même de cet aspect prix, on ne peut que regretter un manque de volonté d’expliciter et
de promouvoir activement les avantages, écologiques et pratiques, des écorecharges. Le concept
reste finalement assez flou, voire dévoyé, dans ses traductions concrètes. Des flacons rigides de
produit d’entretien, dont seul le système de pompe est réutilisé (ce qui est déjà mieux que rien),
sont ainsi présentés comme des éco-recharges, alors qu’un berlingot souple aurait permis de re-
remplir le tout Quant au rayon lessive, tel qu'il est achalandé aujourd'hui, il n'est guère propice à
l’identification et la comparaison des produits…
Il y a donc, dans ce domaine, un espace de progrès important, pour peu que producteurs et
distributeurs veuillent bien s'y engager… ou qu'ils y soient "incités" par une expression plus forte
de la demande des consommateurs, à développer par des démarches volontaristes de
sensibilisation.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
La réutilisation
Réutiliser une à plusieurs fois est le maître mot de l'évitement des déchets, sous réserve qu'une
telle réutilisation ne requiert pas des opérations de transport ou de rénovation, qui
engendreraient davantage de déchets ou d’impacts sur l'environnement…
C'est surtout aux liquides alimentaires que l'on pense, lorsqu'il est question de réutilisation
d'emballage de vente. Mais réutilisation et consignation des bouteilles sont assez généralement
confondues :
De fait, seul le couple consigne-réutilisation relève véritablement de la prévention telle qu’on l’a
définie. Il n’y a d’ailleurs pas de déchets, l'emballage faisant partie, au plan comptable et fiscal,
des stocks de l'entreprise.
Les raisons, certes complexes, en ont souvent été exposées de manière plus ou moins objective
et complète. Il est certain que le retour des bouteilles (qui suppose des transports) et leur re-
conditionnement (qui nécessite un lavage approfondi) ont des impacts sur l’environnement.
Ceux-ci ne sont pas toujours « compensés » par l’avantage qu’apporte le réemploi en terme de
déchets évités, au contraire. Un nombre minimal de rotations est nécessaire pour que cela en
vaille la peine (quoique, dans ce cas, le handicap lié au poids à transporter peut s'accentuer à
chaque rotation…). Il faut donc que l’aire de commercialisation ne soit pas trop large, et les
distances pas trop grandes vis à vis des centres de production.
C’est ce qui explique la différence entre la France et l’Allemagne en matière d’eaux et de bières.
Chez nos voisins d’outre Rhin, ces boissons sont restées des productions assez locales et
consommées de manière privilégiée dans la région d’origine. Le retour d’une bouteille en verre à
l’usine régionale et sa réutilisation sont alors supportables tant au plan écologique
qu’économique. En France le choix a plutôt été, dès le début des années 60, de commercialiser
quelques marques d’eau minérale et de bière à l’échelle mondiale. L'option privilégiée a donc été
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
celle de l’emballage perdu allégé : d’où l’explosion des bouteilles plastiques et autres emballages
légers non réutilisables (canettes métalliques, complexe carton), amincissement des bouteilles en
verre (à tel point que le réemploi n’est plus guère possible avec ou sans consigne, car ces
bouteilles sont trop fragiles pour subir des transports et re-remplissages répétés…).
Faut-il donc considérer que le débat sur la consigne est définitivement clos en France ?
Mais a-t-il été véritablement ouvert et accessible aux consommateurs comme aux milieux
concernés par la gestion des déchets et l’environnement (collectivités locales, associations et
citoyens) ?
Les éco-bilans sont venus justifier de façon indéniable, mais a posteriori, des choix industriels et
économiques. Le "modèle emballage perdu" s’est ainsi imposé de manière hégémonique, par delà
la variété des situations (diversités des boissons, de leurs marchés…). Il y a eu, dans ce domaine,
une alliance objective entre les producteurs de matériaux, l’industrie agro-alimentaire et la
grande distribution pour imposer ce modèle.
Il n'est peut-être pas totalement incongru de poser encore des questions sur ce dossier :
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Il serait intéressant d'établir un état des lieux et une analyse objective de la consignation et du
réemploi des emballages de boissons, pour sortir du dénigrement systématique qui les a affectés
depuis bientôt 20 ans, afin de préserver les îlots où la consigne subsiste et d'identifier ceux où
elle pourrait retrouver une place économiquement et écologiquement justifiée.
En tout état de cause, on peut acter qu'il est souhaitable de conserver, tant qu'il est encore
temps, les positions occupées par les dispositifs de réemploi, qui fonctionnaient
traditionnellement et avec efficacité dans le réseau des cafés - hôtels - restaurants. En effet,
ceux-ci utilisent encore couramment des fûts repris pour la bière pression et des bouteilles en
verre pour les eaux de tables et les vins.
Il est toujours instructif de lire, de manière détaillée, les mentions figurant sur des emballages. Jetez donc
un coup d'œil à la canette en verre de l'une des bières "mexicaines" produite par un ancien brasseur
alsacien, racheté il y a quelques années par une fameuse firme danoise. Vous y découvrirez que ce verre,
considéré comme "perdu" (!) dans son petit pays d'origine, la France, dispose par contre d'une consigne de
5 cents au Canada comme en Australie, des contrées bien lointaines et autrement gigantesques en termes
de distance et d'espace.
Peut-être ne s’agit-il que d’une consigne pour « récupérer » la bouteille, en vue d’un recyclage et non d’un
réemploi. Mais quelques explications ne mériteraient-elles pas d'être apportées, à ce sujet, au
consommateur soucieux de son environnement ?
Voilà bien un cas qui pourrait être soumis et discuté au travers du Conseil National de l'Emballage…
Bien avant que la prévention ne s’affirme comme une préoccupation écologique, mais sans doute
en écho au souci anti-gaspillage qui a toujours été profond dans l’inconscient collectif, certains
produits ont fait de l’aptitude de leur emballage à connaître un « second usage » un
argument marketing. C’est le cas tout particulièrement de certains pots à moutarde ou
cornichons qui peuvent être utilisés ensuite comme verre de table (décorés pour attirer les
enfants, ou non).
L’industrie du condiment avait même tenté, un temps, de recourir à cet argument pour échapper
au dispositif Eco-Emballages ou à certaines dispositions de la directive emballages, prétextant
que leur emballage n’occasionnait pas de déchet mais un nouveau produit… ce qui était oublier
que ce produit finirait bien lui-même un jour à la poubelle.
De fait, certaines conditions doivent être réunies pour que ce concept, intéressant en soi, ne soit
pas qu’un alibi. Ainsi, concevoir et proposer un emballage qui trouve un second usage :
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
- qu’il ait une réelle durée (si le verre de table se brise très vite, l’effet de
report et de substitution admis ci-dessus disparaît),
- qu’il n’occasionne pas d’effets plus mauvais sur l’environnement (les
métaux lourds contenus dans les pigments des décors de verres à
moutarde posaient ainsi quelques questions…).
D’autres emballages présentent le même intérêt, volontairement ou par un usage de fait, comme
les boites de glace souvent réutilisée en lieu et place de boites en plastique de rangement.
Pourquoi ne pas suggérer au lecteur inventif qu’il peut lui-même, en maintes occasions de la vie
courante, trouver de nouveaux usages à des emballages vides (système D et esprit d’économie) :
- le moindre bocal en verre, pour ranger petites choses, plantes ou bestioles à l'atelier,
au jardin, à l'école, où on a fréquemment besoin de récipients ?
- le papier cadeau… si joli qu’il pourrait bien re-faire plaisir à la prochaine occasion ?
- sans compter ces emballages réutilisés pour des production « maison » : confitures,
cidre à la campagne…
- etc, etc…
L’étude réalisée début 2000 par COFREMCA pour le Conseil National de l’Emballage et Eco-
Emballages montrait, entre autres choses, que ces pratiques étaient finalement déjà très
courantes et prisées par le public.
On peut d’ailleurs noter que c’est souvent quand on a besoin d’une petite « boite à faire tout ou
n’importe quoi » qu’on s’aperçoit qu’il n’y en a pas en réserve… et qu’on se trouve obligé d’en
acheter une neuve exprès pour cela ! C’est particulièrement vrai pour les activités, parfois
impromptues, des enfants. Leur montrer à cette occasion l’intérêt de conserver quelques
emballages de la vie courante qui serviront à nouveau : il y a là un gros potentiel pédagogique.
La réutilisation peut aussi côtoyer le luxe. Ainsi, les magasins de la société Body Shop, où l’on
peut non seulement re-déposer des flacons vides, mais aussi en faire re-remplir, démontrent
qu’oser le réemploi dans le domaine des produits de beauté, c’est possible. Les sacs de vente de
certaines grandes marques sont volontiers réutilisés comme cabas chic, dans les quartiers de
même standing. Les boites à gâteaux métalliques et décorées sont désormais des objets de
collection et les jolis coffrets en bois pour des bouteilles de vin trouvent maintes utilisations en
décoration d’intérieur (voir quelques rubriques de magazines féminins).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
surfaces à thèmes (bricolage, sport, aménagement d'intérieurs etc). Ces évolutions ont été
étroitement mêlées à celles de nos cités, de leur urbanisme, de l'organisation des transports, des
paysages urbains… tout comme aux bouleversements de nos modes et de nos rythmes de vie.
Elles risquent de se poursuivre et de s’accélérer, et les enjeux sont importants en ce qui concerne
les produits et leurs déchets, en particulier ceux d’emballages.
L’encadré qui suit récapitule quelques unes des tendances qui se dessinent, des questions qu’elles
suscitent, des différents scénarios qui pourraient être étudiés dans une démarche prospective.
Pour reprendre le dernier point de cet encadré, on peut imaginer que les technologies
« dématérialisantes » de l’avenir, et particulièrement le commerce en ligne, permettront de
s’affranchir d’un certain nombre d’emballages ou, tout au moins, de les banaliser. L’ensemble des
fonctions d’image, de séduction, de différenciation que l’emballage se doit de porter pour chaque
produit mis dans le linéaire sera en effet concentré sur une seule image du produit, présentée
dans cette nouvelle vitrine que constitue le marketing virtuel (où l’on pourrait d’ailleurs découvrir
le produit sans sa boite, tourner autour, l’essayer...). Ensuite les marchandises pourront être
acheminées et livrées dans des emballages fonctionnels et standard.
• La recherche d'une sécurité alimentaire de plus en plus forte poussera t-elle à une transformation
et un conditionnement toujours plus poussés des aliments ?
• Les nouvelles technologies seront-elles mises à profit pour aller dans le sens du développement
soutenable (prévention, dématérialisation, échanges équitables…) ou constitueront-elles une source de
gaspillage accru ? Déplaceront-elles certains gisements de déchets (plus de DIB par une transformation
toujours plus poussée, notamment dans l’alimentaire, et des déchets ménagers moins hétérogènes) ? Et
avec quelles conséquences pour leur gestion ?
Mais cette vision prospective est d’autant plus intéressante qu’elle révèle d’ores et déjà des
scénarios particulièrement contrastés. Ainsi, a contrario de notre propos sur les perspectives et
l’intérêt de la dématérialisation en termes de durabilité, d’aucuns laissent entendre aujourd’hui
que la distribution des services aura besoin elle-même progressivement de se « matérialiser »
pour mieux se vendre au public et de recourir pour cela à des emballages. C’est déjà flagrant
dans le secteur de la téléphonie, où l’on vous vend désormais toutes sortes de choses, sous
forme de « pack » dans un boîtier bien réel.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Pour l’anecdote, on peut d’ailleurs signaler à l'appui de cette hypothèse, la forme choisie pour la
publicité du premier portail internet consacré à l’environnement, lancé au début de l’année 2000 :
il est lui-même présenté… dans une boite de conserve métallique ouverte.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
On peut toutefois distinguer une catégorie d’emballages, dont l’objet presque exclusif est de
permettre le transport et la livraison de produits en quantités, et ceci dans de bonnes conditions.
Palettes et housses plastiques qui les recouvrent, caisses et cagettes, fûts, bidons, plateaux
divers, big-bags et autres grands cartons, sont des emballages essentiellement utilitaires. Leur
fonction est de faciliter le transport, le stockage et la manutention de marchandises groupées,
tout en protégeant leur chargement.
De ce fait, ils échappent pour l’essentiel aux contraintes du marketing. Même si certains se voient
attribué un rôle dans ce domaine (comme les bacs et cagettes qui servent aussi à présenter le
produit sur le linéaire), ils sont plus facilement normalisables que les emballages qui
accompagnent le produit jusqu’au consommateur. C’est pour ces emballages que la
standardisation dimensionnelle a pu accomplir des avancées significatives, réduisant la diversité
des modèles, favorisant leur circulation et celle des produits.
Ils se prêtent ainsi d’autant mieux à des efforts préventifs reposant sur :
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
polystyrène moulés selon des formes optimales ; enveloppes en polyéthylène gonflables, en lieu
et place d’un calage en matériau plein (comble de la dématérialisation, c’est la poche d’air qui
sert alors d’emballage au produit !). La simplification de certains de ces emballages, en évitant
tout particulièrement l’association trop étroite de plusieurs matériaux (en finir, par exemple, avec
les calages en mousses de polymères collés à l’intérieur de caisses cartons), constituerait
également une prévention à caractère qualitatif facilitant leur recyclage.
Ce gisement d’emballages de transport et de livraison et, par conséquent, les niches d’évitement
potentielles se retrouvent donc essentiellement au niveau :
On admet couramment que ces emballages constituent près de la moitié des 50 Mt que
représente le flux des D.I.B. au sens étroit du terme (hors déchets du BTP et résidus organiques
de l’agro-alimentaire). Le potentiel d’évitement y est d’autant plus important que les entreprises
ont assez vite fait de rechercher les solutions les plus économiques, notamment dans des
logiques de rapports de force de « client à fournisseur » (exiger un service de reprise de
l’emballage ; imposer et maîtriser son propre système de navettes…), dès lors que les contraintes
d’élimination deviennent suffisamment tangibles (en terme de coûts, de réglementation, voire
d’image).
Les exemples ne manquent pas, relatés notamment par l’ADEME ou les Chambres de Commerce
et d’Industrie, d’entreprises ayant pu réduire de 20 à 30 % leurs quantités de déchets industriels
banals, et particulièrement d’emballages, par des mesures préventives élaborées à la suite d’une
« étude déchets ».
Plusieurs évolutions significatives méritent d’être citées, qui illustrent concrètement les
possibilités, sans avoir atteint loin s’en faut leur développement maximal :
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
- actuellement, 65% du parc français des palettes en bois (de l’ordre de 60 à 70 millions
d’unités) seraient traités par des entreprises appartenant à la FEDEREC, sous forme de
rénovation de palettes récupérées ou de gestion de parc en multi-rotation, et de
broyage/recyclage pour celles qui sont en fin de vie (panneaux de particules, bois
moulés ou combustible). Tout en soutenant conjointement ces diverses options, le
SYNAREP, organe professionnel des recycleurs de palettes admet l’essor possible et
souhaitable de la standardisation (il en existe encore plus de 40 types différents !), des
systèmes de location comme de réparation.
- de la même manière, l’essor de l’activité d’un organisme comme ECOFUT, même s’il
facilite tout autant le recyclage matière et la valorisation énergétique que le réemploi
des fûts, participe à la dynamique de prévention.
D’autres organismes comparables ont été créés par les industriels producteurs de matériaux et
d’emballages afin d’offrir des réponses pratiques à leurs clients, face au décret du 13 juillet 1994
relatif aux déchets d’emballages des entreprises : il s’agit de RECYFILM, pour les films
polyéthylène et polypropylène, et de ECOPSE, pour le polystyrène. Dans ces deux cas, nul
réemploi des emballages n’est possible, mais leur récupération par des circuits adéquats peut
assurer le détournement de flux importants de déchets aujourd’hui encore traités, voire
ramassés, avec les déchets ménagers.
Il convient de s’intéresser à ces mêmes emballages lorsqu’ils se trouvent abandonnés par les
collectivités ou les particuliers. Les premières restent, pour l’instant, moins attentives que les
entreprises à ces gros emballages jetés par leurs services ou les établissements qui dépendent
d’elles. Les collectivités pourraient, elles aussi, opposer à leurs fournisseurs quelques exigences
de bon aloi en termes de reprise.
Quant aux particuliers, on peut observer que nombre de palettes, gros cartons et blocs de
polystyrène, laissés chez eux à l’issue de travaux ou de livraisons, se retrouvent fréquemment
déposés à leur porte au sein des encombrants (si ce n’est dans les conteneurs à ordures), et donc
voués à une élimination pure et simple. Les conditions favorisant davantage de retour en
déchetterie, pour davantage de réutilisation et de recyclage (renvoi à l’idée de « recyclerie »), y
compris via des formules de reprise par les artisans eux-mêmes, mériteraient donc d’être
étudiées.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
La part des déchets fermentescibles susceptibles de passer par un compostage individuel peut en
effet être cernée.
Des 50 à 60% de fermentescibles contenus dans les ordures ménagères, il faut exclure un certain
nombre de déchets qui pourraient être collectés et compostés dans le cadre d’une opération de
type « industriel », mais pas individuellement. Il s’agit :
- des déchets trop délicats au plan du risque hygiénique, comme les couches culottes ,
- d’une part des déchets de jardins qui correspondent aux plus grosses pièces ligneuses,
issus de tailles et d’élagages (sauf à imaginer que tous les particuliers soient
également dotés de broyeurs).
Moyennant cela, on peut estimer qu’entre 15 et 30% des déchets d’un foyer pratiquant le
compostage individuel peuvent suivre cette voie et diminuer d’autant la quantité
remise à la collecte.
Sur un territoire donné, la proportion des foyers disposant d’un jardin et se prêtant à une telle
pratique permet donc d’évaluer la diminution effective pour la collectivité (avec ou sans mise à
disposition d’un composteur, la démarche reste essentiellement volontaire ; mais les opérations
les plus avancées en France montrent qu’il est possible d’atteindre, parmi ceux qui en auraient la
possibilité, 30% de foyers participant effectivement).
Sans développer la question du compostage individuel de manière approfondie (il existe pour cela
un certain nombre de documents spécialisés, notamment conçus et diffusés par l’ADEME), on
peut en rappeler ici quelques éléments clés :
- souligner tout d’abord que ce type d’opération ne marche que dans la mesure où
il y a suffisamment de préparation (information/formation des praticiens)
d’accompagnement et de suivi. La simple mise à disposition initiale d’un silo
composteur (dont on fait souvent payer une part, même modique, afin de susciter un
minimum d’appropriation - donc de d’attention - à l’égard de l’outil) et d’une fiche
d’instruction conduit généralement à un échec.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Avant de quitter cette fraction organique des déchets, deux options aujourd’hui marginales et
problématiques méritent au moins d’être notées pour mémoire, s’agissant de réduction des flux
de déchets :
3
on a sans doute tous en mémoire la pittoresque ( mais efficace et écologique ?) petite presse à fabriquer des briquettes à
partir de vieux papiers, encore proposée dans bien des catalogues…
4
l’association régionale Biomasse Normandie a réalisé un certain nombre d’études intéressantes sur ces valorisations
énergétiques diffuses des déchets de bois.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
hydraulique des égouts, puis de les traiter en station d’épuration comme d’autres effluents
organiques.
Pratiquée de façon marginale en France, par le passé (à la Cité Fleurie de Chatenay Malabry 92,
par exemple) et encore aujourd’hui, elle a été freinée par l’évolution des ordures elles-mêmes
(présence croissante d’objets solides), mais surtout par des dispositions réglementaires très
restrictives. Le broyeur d’évier a été longtemps strictement interdit (actuellement des dérogations
sont possibles), en raison des risques liés à l’impact d’une charge minérale et organique
supplémentaire sur l’exploitation des réseaux et stations d’épuration.
Cette prudence est tout à fait justifiée, eu égard aux difficultés qui peuvent d’ores et déjà affecter
les systèmes d’assainissement.
Dans une optique prospective à long terme, il n’est cependant pas interdit de s’interroger sur la
place d’un tel système dans l’optimisation de la gestion des différents flux, sous réserve de
prendre en compte la globalité des questions afférentes (évolutions des modes de développement
de l’urbanisation et de l’habitat, des systèmes d’assainissement et de gestion des ordures, des
contraintes de valorisation des différents amendements qui en résultent, composts d’une part,
boues d’épuration de l’autre, ainsi que la consommation d’eau supplémentaire qui peut résulter
de l’usage des broyeurs).
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Il s'agit bien évidemment de réutiliser ces déblais, chaque fois que c'est techniquement et
économiquement possible, comme de nouveaux matériaux pour le même chantier ou un chantier
proche. C'est surtout dans le domaine des travaux routiers que de telles opportunités se
présentent, puisque l'on va souvent déconstruire et reconstruire sur le même site. Il existe à cet
égard des procédés de recyclage en place du corps de chaussée, ou des enrobés seuls, tout à fait
opérationnels (et d'ailleurs déjà utilisés).
Assez rarement évoqués, les déchets du secteur BTP représentent pourtant d'importantes
quantités, sans aucune commune mesure avec celles des ordures ménagères notamment. L'enjeu
préventif y est donc significatif. Si l’industrie routière utilise 380 Mt/an de granulats (plus de 50%
de ce qui est extrait en France), elle rejette aussi annuellement quelques 100 Mt de gravats. Les
déchets d’enrobés, à eux seuls, représentent 5,1 Mt/an (12,5% de la production d’enrobés
neufs). Actuellement 50 % seraient réutilisés, 25 % stockés et 25 % simplement mis en
décharge.
La plupart des organismes professionnels du secteur semblent avoir d'ores et déjà intégré cette
préoccupation. L'obligation, prescrite par la Circulaire du 15 février 2000, d'établir un plan
départemental spécifiquement consacré aux déchets du BTP, pousse logiquement dans ce sens.
Des documents existent pour promouvoir les pratiques préventives ou de recyclage. Les
collectivités territoriales, communes, départements et régions qui réalisent ou financent
d’importants programmes routiers ont d’évidence un rôle essentiel à jouer.
Au niveau, plus modeste, des particuliers eux-mêmes, voire de l'artisanat local, les ressourceries
déjà évoquées pourraient se révéler comme des maillons pratiques très intéressants en proposant
des "bourses" d’objets ou de matériaux abandonnés par certains mais très recherchés par
d'autres, comme certains modèles anciens et introuvables de tuiles, de briques ou des vieilles
huisseries en bois…
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Comme on a pu le voir tout au long des paragraphes qui précédent, les actions envisageables
pour réduire les quantités de déchets relèvent pour une bonne part de dimensions d’ordre
qualitatif, qu’il s’agisse de l’éco-conception initiale des produits ou de leur consommation, puis de
leur utilisation raisonnées. De fait, prévention quantitative et prévention qualitative, toutes deux
clairement énoncées par les textes législatifs, peuvent rarement être dissociées de manière aussi
stricte et absolue.
A cet égard, on a bien sûr ajouté de longue date, aux infrastructures de traitement elles-mêmes,
divers équipements et pris un certain nombre de dispositions ayant pour objet de neutraliser, de
capter puis de confiner ces rejets toxiques. Même si on désigne classiquement ces démarches par
le terme de « prévention des pollutions », elles relèvent plutôt, sous l’angle où nous nous plaçons
ici, d’une approche curative. Elles présentent quelques limites en terme d’efficacité : même avec
une norme imposant un faible taux d’émission, l’impact peut rester significatif lorsque la capacité
de traitement et donc le débit de rejet sont élevés, ou lorsque se posent des problèmes
d’accumulation dans le milieu ou chez les êtres vivants ; les résidus de traitement ou d’épuration
des rejets deviennent eux-mêmes un concentré des éléments toxiques, nécessitant des mesures
de confinement, de suivi à long terme et de contrôle renforcées. Le coût de ces actions curatives
s’avère élevé et, plus encore, le coût marginal pour accroître cette efficacité des dispositifs
épuratoires, compte tenu notamment d’exigences sanitaires toujours plus fortes.
La précaution rejoint donc ici la prévention, imposant celle-ci comme un moyen complémentaire
pour réduire les risques.
Généralement les substances dont il est question ici constituent des composants ou des additifs
dont les propriétés sont, à un instant donné du progrès technologique, indispensables au bon
usage du produit qui les renferme. Cet état des connaissances et ce caractère indispensable
méritent d’être remis en cause, dès lors qu’un doute survient quant aux risques qu’ils font courir
à la santé humaine et/ou à l’environnement. Nombre de substances ainsi couramment utilisées,
au cours des précédentes décennies, se sont révélées dangereuses au point d’être finalement
interdites à plus ou moins longue échéance : les ChloroFluoroCarbones, l’amiante, le mercure…
Le cas des thermomètres médicaux est à ce titre emblématique : il n'y a pas si longtemps qu'ils
renfermaient systématiquement du mercure, constituant par là même une source importante de
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
dispersion de ce métal chaque fois qu'ils étaient brisés ou jetés. C'est désormais terminé, car on
a pu recourir à d'autres fluides qui se dilatent en fonction de la température, tout en étant plus
inoffensifs. Notons toutefois qu’il faut toujours être vigilant à l’encontre des substituts, dont la
nouveauté ne permet pas toujours d’apprécier parfaitement et dans l'immédiat les impacts.
Une certaine pression est bien sûr indispensable pour pousser les industriels à mener les travaux
de recherche et développement nécessaires à ces substitutions, voire pour lancer des alternatives
dont ils disposent parfois déjà en coulisse.
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TABLEAU n°9
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- d’obligations réglementaires
Les textes communautaires relatifs à telle ou telle catégorie de produits générateurs de
déchets (les emballages avec la directive 94/62/CE; les véhicules avec la directive
2000/53/CE; et sans doute bientôt les appareils électriques et électroniques) comportent
ainsi de plus en plus souvent une limitation de principe concernant la présence de
substances dangereuses. Pour celles d'entre elles qui sont déjà bien identifiées, des
interdictions ou des échéanciers de teneurs décroissantes sont posés. Le plomb, le
mercure, le cadmium et le chrome hexavalent s'y trouvent particulièrement visés.
- d’approches volontaires
Cela pourrait être un domaine de prédilection des écolabels, et particulièrement ceux qui
font l'objet d'une certification officielle (NF Environnement ou l'Ecolabel Européen). Un
certain nombre de labels "autoproclamés" mettent en avant l'absence de certains
composés toxiques sans que l'affirmation soit toujours pertinente ni fiable (les mentions
"sans mercure", assez fréquentes, méritent ainsi une certaine prudence).
S’il paraît difficile d’énumérer de manière exhaustive l’ensemble des éléments et substances visés
par cette prévention qualitative, et encore moins des produits, biens et équipements concernés,
nous donnerons quelques autres exemples significatifs :
Le mercure a longtemps symbolisé le risque occasionné par le rejet de piles dans l'environnement
ou parmi les ordures ménagères. En fait, alors que se succédaient des opérations de récupération
plutôt démobilisatrices parce que sans lendemain et que ne cessait de balbutier la traduction en
droit français des règles communautaires (la directive piles et accumulateurs date quand même
de 1991), les producteurs de piles ont fait disparaître peu à peu le mercure des nouveaux
modèles, même parmi les fameuses "piles boutons" qui en étaient le vecteur symbole.
On a par ailleurs évoqué diverses possibilités permettant de limiter les quantités de piles jetées
en évitant, dès le départ, l'emploi de piles perdues. L'une d'elle est le recours à des
accumulateurs rechargeables qui durent ainsi plus longtemps. Mais le remède pourrait être, sinon
pire, du moins aussi problématique puisque ces accumulateurs renferment quant à eux du
cadmium qui n'a rien à envier à son cousin le mercure.
La reprise des piles et accumulateurs est donc de toute façon indispensable, soulignant ainsi la
complémentarité de fait entre les différentes options du tableau n°9.
Fort heureusement, cette reprise est désormais clairement prescrite de façon réglementaire
(décret du 12 mai 1999). Théoriquement, elle devrait même être déjà effective pour les
accumulateurs puis, à compter du 1er janvier 2001, pour la totalité des piles. Les entreprises qui
les vendent sont en effet sensées les reprendre gratuitement aux consommateurs qui les
rapporteraient. Leurs fabricants doivent ensuite prendre en charge leur enlèvement auprès de ces
magasins et en assurer l'élimination.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
Après quelques avatars, les fabricants ont finalement constitué, courant 2000, un organisme
unique, la SCRELEC (société de collecte et de recyclage des équipements électriques et
électroniques), société à but non lucratif qu'on pourrait comparer pour une part à d'Eco-
Emballages S.A.. La SCRELEC percevra en effet les contributions des producteurs, en fonction du
poids de produits mis sur le marché, afin de financer la filière de recyclage. A titre d'exemple, le
surcoût pour un bloc accumulateur Cd-Ni (cadmium-nickel) de caméscope serait de 1 Franc 80.
Une demande forte du public, auprès des professionnels désormais responsables ou des élus
locaux, sera certainement indispensable pour enclencher réellement le processus et que cette
réglementation soit appliquée dans les faits (5). Parmi les points d'apport déjà créés par des
grandes surfaces, certains sont d'une telle discrétion (aucune promotion, une simple boîte en
piteux état abandonnée derrière une caisse…!) qu'on peut douter pour l'instant de leur efficacité
et de la détermination de ces entreprises.
A ce titre, on peut rappeler que le règlement européen, adopté pour lutter contre ces substances
destructrices de la couche d'ozone, prescrit une récupération obligatoire des CFC contenus dans
les appareils frigorifiques domestiques, à compter du 01/01/2002. Alors que nombre de
réfrigérateurs en fin de vie sont encore ramassés en vrac et compactés avec les encombrants,
peut-on considérer aujourd’hui que nous sommes prêts à affronter cette échéance ?
Les boues d’épuration fournissent aussi un excellent exemple de ce qui pourrait et devrait être
fait en matière de prévention qualitative.
Nul n’ignore, en effet, le soupçon qui pèse sur leur utilisation en agriculture, eu égard aux
éléments traces métalliques (à nouveau ces métaux dits « lourds », comme le Cadmium, le
Mercure, le Plomb…) ou aux composés traces organiques (polychlorobiphényls et autres) qu’elles
contiennent parfois. Si l'on veut sortir de la crise actuellement traversée par la valorisation
agricole des boues, une des priorités absolues devrait être la définition de mesures à prendre dès
l'amont pour éviter tout rejet de ces éléments potentiellement toxiques dans les eaux usées
urbaines.
Il est clair que cette éventuelle « contamination » des boues ne provient pas des rejets
domestiques eux-mêmes, mais de deux autres sources qui sont :
- des effluents industriels au sens large (provenant, y compris et peut-être, surtout des
entreprises petites et moyennes),
5
la récupération des piles a connu tellement de tergiversations, aléas, fausses informations et espoirs déçus, depuis tant
d'années, qu'il faudra une dynamique puissante et répétée pour la crédibiliser auprès du plus grand nombre.
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
- dans une moindre mesure, des eaux pluviales urbaines (par l’effet de lessivage des
pollutions déposées sur les toitures et les chaussées), lorsque le réseau est unitaire ou
subit des raccordements incorrects.
Le développement d'une véritable police des réseaux, sous la houlette de leurs maîtres d'ouvrage
publics, serait une mesure préventive essentielle pour préserver la qualité des boues, et par
conséquent prévenir les difficultés de leur élimination.
Or, il n'est pas sûr que les autorisations de rejets, normalement prévues pour les raccordements
d'entreprises sur le réseau public, soient aujourd'hui mises en œuvre le plus systématiquement
possible et souhaitable.
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Chapitre 2 Quels sont les gisements de déchets "évitables" ?
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
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Réseau Déchets
Tous les acteurs, sans aucune exception, qui sont impliqués dans le système « production –
consommation – rejet » (depuis la conception, intellectuelle et matérielle, des produits jusqu’à la
gestion des déchets qui en résultent) ont un rôle effectif à jouer dans les stratégies de prévention
à venir.
Pour banale et convenue qu’elle puisse paraître, cette affirmation mérite d’être soutenue avec
force. En effet, certains déclarent encore trop souvent que la prévention relèverait avant tout,
pour ne pas dire exclusivement, des industriels d’une part (parce qu'ils sont concepteurs des
produits) et d’autre part de l’Etat régalien (dont on attendrait qu'il interdise tel ou tel gaspillage
ou composé toxique).
Les acteurs classiques de l'élimination stricte des déchets s'en tiennent souvent eux-mêmes à
cette vision restrictive de la prévention, excluant par là même d'y participer, qu’ils soient experts,
techniciens, publics ou privés, élus décideurs voire représentants associatifs. Les intérêts en jeu,
mais aussi le poids des habitudes, de supposées certitudes s'appuyant sur les compétences et les
positions acquises, mais dans des domaines de préoccupation restreints et cloisonnés, sont
autant d'explications à ce confinement préjudiciable aux réflexions et à la mise en œuvre
opérationnelle des actions de prévention. Beaucoup d'ailleurs "n'y croient pas"… comme peu
croyaient possible, il n'y a pas si longtemps, le développement du tri à la source, son acceptation
et même son appropriation par les citoyens !
C'est une vision qui ne permet pas de construire une stratégie cohérente et crédible de
prévention, parce qu'elle en oublie des acteurs clés, et les interactions (économiques, sociales…)
qui sont essentielles entre ces acteurs. Il n’y a pourtant pas de responsabilité isolée dans ce
domaine : appeler, par exemple, de ses vœux davantage d'éco-conception des produits de la part
des industriels, sans analyser en profondeur le pouvoir réel ou potentiel des prescripteurs à cet
égard (l'ensemble des consommateurs individuels ou collectifs, privés ou publics), c'est de la
naïveté… ou une proposition alibi.
En renvoyant par ailleurs l'essentiel des responsabilités vers une industrie ou une administration
d'Etat relativement lointaines, cette vision oblitère aussi largement la dimension locale du
problème, alors qu’une bonne part des réponses concrètement envisageables se situent bien à
cette échelle. C'est pourquoi nous prendrons, dans ce qui suit, le parti pris d'envisager la
stratégie de prévention en partant prioritairement de dynamiques locales.
A l’extrême, cela peut conduire à la situation paradoxale selon laquelle ces autorités prônent
auprès de leurs administrés, et développent localement à leur usage, des dispositifs de plus en
plus complets de collecte séparée en vue du recyclage… sans toujours s’assurer que leurs propres
services (administrations, ateliers, restauration collective, espaces verts…) s’astreignent aux
mêmes à de telles exigences.
Le rôle premier que se doivent donc de jouer les pouvoirs publics en matière de prévention, et
particulièrement à l’échelle locale, est un rôle d’exemple.
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Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
Par rapport à des pratiques d’économies (utilisation optimale du papier, recours à des produits
rechargeables…) tellement diffuses qu’elles en paraissent marginales, une collectivité locale
disposera d’une masse critique permettant de rendre palpables, et donc de crédibiliser, les
bénéfices potentiels des actions préventives. Des démarches analogues ont déjà été développées
avec succès en matière d’économie d’énergie ou de consommation d’eau (des pourcentages
d’économie allant jusqu’à 30% ont pu être obtenus, essentiellement à partir de meilleures
pratiques d’utilisation de la part des agents ou des usagers).
En plus que d’agir ainsi, pour l’exemple, sur la réduction de leurs propres déchets, les pouvoirs
publics ont d’évidence un rôle d’animation à jouer entre les différents acteurs pour le
développement de démarches de prévention.
C’est particulièrement vrai pour ce qui concerne les collectivités locales, sur leur propre territoire,
qu’il s’agisse des communes, mais pourquoi pas aussi des EPCI (structures intercommunales)
ayant compétence en matière de déchets, ou des Conseils généraux à l’échelle du département.
- comme intermédiaires entre les acteurs locaux (entreprises, structures de l’économie sociale,
associations…) susceptibles de s’y intéresser et de s’y associer.
Mis à part les associations, qui le font à titre « militant » et avec lesquelles elles gagneront de
toute façon à collaborer, elles seules sont à même de développer une stratégie globale de
communication et de sensibilisation, essentielle dans ce domaine.
Nous examinerons par ailleurs, en fin de ce chapitre, les outils d’incitation financière ou de
contrainte dont disposent les pouvoirs publics pour conforter ce rôle d’animation qui leur échoit.
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
3
Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
Avec la prévention, la consommation fait enfin son entrée de plein pied dans la sphère de la
gestion des déchets. C’est en effet le consommateur, en tant qu’acheteur puis utilisateur des
produits, qui détiendra, comme on a pu le voir, l’essentiel des moyens ou des leviers de ces
démarches préventives.
Le citoyen y trouve l’occasion d’exercer de façon plus complète et cohérente l’ensemble des rôles
qui peuvent être les siens dans ce domaine : usager du service, trieur dans la pratique,
contribuable pour en assumer les coûts, administré et électeur ayant son mot à dire, mais aussi
consommateur à même de faire lui-même des choix.
D’ailleurs, la question relative aux moyens permettant d’aller plus loin et d’éviter la production de
déchets est, par la force des choses, une demande en puissance chez les usagers du tri. On
pourrait dire que celui-ci les rend plus intelligents, parce qu’il rend enfin « intelligible » la poubelle
et son contenu . Les études menées par la COFREMCA en 2000 pour le compte du Conseil
National de l’Emballage et d’Eco-Emballages S.A. montrent bien que la pratique du tri rend le
citoyen intelligent, plus sensible aux problèmes d’environnement et plus attentif au contenu de sa
poubelle. Ce qu’on jetait précédemment en mélange et de manière aveugle prend un autre sens :
le trieur doit y accorder davantage d’attention ; les objets en passe de devenir des déchets
reprennent une identité ; leurs dimensions qualitatives (complexité, toxicité) se révèlent ; leur
origine (achat, utilité, responsabilité des industriels…) suscite des questions ; les quantités sont
elles-mêmes mieux appréhendées (a fortiori lorsque la facturation d’une redevance accompagne
le processus).
Aux conseils sur les gestes du tri, il deviendra donc nécessaire d’ajouter une information et une
sensibilisation sur les pratiques possibles en vue d’une consommation raisonnée. Il est
essentiel de mettre systématiquement en évidence les espaces de choix dont le consommateur
dispose. " Trier ses déchets, c’est bien. Trier ses achats, c’est mieux ".
A cet égard, les prescripteurs publics ont un rôle déterminant à jouer. En effet, en matière d’éco-
consommation, ces choix restent encore assez souvent limités ou peu apparents, a fortiori pour
des consommateurs individuels. Quelque soit le travail des associations qui les représentent ou
les formes de dialogue que producteurs et distributeurs affirment mettre à leur disposition
(services consommateurs…), leur capacité et leur pouvoir de pression apparaît assez limité.
Tandis que les pouvoirs publics, et particulièrement l’ensemble des collectivités locales pourront
davantage influer sur l’offre, grâce au poids que leur confère l’importance de leur demande.
Il s’agit non seulement d’échanger des biens, des services, mais aussi de valoriser des savoirs
faire et les personnes qui les portent. Les ressources potentielles pour le développement du
compostage individuel fournissent un bon exemple : il sera l’occasion de mettre à contribution les
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Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
jardiniers amateurs, les mouvements des jardins familiaux ou ouvriers, les partisans du jardinage
biologique ; les retraités, pour expliquer aux plus jeunes ; les gens du cru, pour transmettre leurs
pratiques aux néoruraux.
La « parabole » du café
Le café qu’on fait chez soi offre une illustration, anecdotique peut-être, mais finalement assez parlante de la
variété des possibilités domestiques de prévention en matière de déchets.
De déchet absolument inévitable, le café, le vrai, n’engendrerait finalement que le marc restant lorsque le
jus est passé. Or ce marc peut être très utilement versé avec les déchets fermentescibles à composter, pour
peu qu’on ait un jardin (voire disposé directement au pied de cultures pour son pouvoir réputé répulsif à
l’encontre de divers pucerons ou autres parasites…).
Certes bien des cafetières ajoutent à la production de déchets un filtre jetable, accessoire « moderne » de la
fabrication du petit noir. Ce produit, pour éphémère qu’il soit (même si j’en connais qui refont dans le même
filtre, réalimenté à chaque fois en café moulu, leur deux ou trois rasades quotidiennes de café, avant de ne
vider au composteur individuel que le cône bien plein de marc…), n’en est pas moins constitué de cellulose
donc tout aussi compostable. Et voilà notre composteur doublement mis à contribution…
Si on veut pousser jusqu’au bout la démarche éco-consommatrice, la gamme des filtres proposés permet
d’ailleurs de donner la préférence aux moins défavorables à l’environnement : fibres cellulosiques
alternatives, non blanchies au chlore… (des raisons d’hygiène compréhensibles ne donnent pas droit de cité
ici au papier recyclé). Au delà des auto-proclamations de telle ou telle marque à ce sujet, signalons qu’il
existe un éco-label officiel NF Environnement pour les filtres à café.
Tout ça ne doit pas pour autant faire oublier les alternatives au filtre jetable : certaines cafetières ont bien
un corps muni d’orifices, leur permettant d’assurer par elles-mêmes cette fonction de filtre, avec
éventuellement la pression qui fait les bons expresso ; on doit aussi encore trouver chez quelque quincaillier
l’ancienne « chaussette » réutilisable en tissu, qui se culottait agréablement à l’usage…
Cette petite analyse des déchets n’a bien sûr pour objet que d’alimenter un peu la réflexion. En matière de
café, c’est le goût de chacun qui va primer. Ceci ramène d’ailleurs un instant à l’emballage, que nous avions
oublié. S’il a du sens ici, c’est bien pour protéger ces arômes qui font notre plaisir. La variété des emballages
et suremballages au rayon épicerie laisse toutefois songeur : verre, plastiques divers, papiers plus ou moins
aluminisés, enveloppes superposées, bouchons sophistiqués, il y a sans doute de quoi choisir le moins
emballé, et pas forcément au détriment de la qualité. Les cafés solubles (qui eux, par contre, ne laissent
aucun marc !) ne sont pas les moins dotés. Et ce n’est rien comparé à certaines doses individuelles dans des
capsules hyper sophistiquées destinées aux cafetières automatiques, qu’on peut trouver sur les lieux de
travail ou ailleurs : dans le genre « micro emballage suremballé », pour renfermer un dé à coudre de café,
on ne fait pas pire !
La bonne vieille boite métallique à café ne permettrait-elle pas de trouver un compromis entre conservation
et emballage de vente optimisé (l’éco-recharge à café, en somme). Et chez le torréfacteur du quartier, peut-
être pourrais-je la faire remplir directement d’une sélection personnelle des meilleures senteurs ?
Quant au sucre, osons soutenir sans détour que l’emballage de chaque morceau ou le recours aux petits
sachets ou tubes de sucre en poudre n’a peut-être pas beaucoup de justification à la maison.
Il doit donc être possible de déguster un bon café… sans engendrer trop de déchets !
L’entreprise est concernée par la prévention des déchets sous deux angles distincts, qu’il convient
de prendre l’un et l’autre en considération :
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
5
Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
- elle génère elle-même directement des déchets par son activité (selon qu’il s’agit de production,
de vente ou de service, ce peut être sur le site même de l’entreprise ou chez son client, ce qui
n’est pas sans conséquence),
- mais elle induit également, par ses produits et ce qui les accompagne (emballage, marketing…),
la génération ultérieure de déchets de la part de ses clients, plus ou moins proches et directs.
Qu’elle ait vocation à produire et/ou à vendre des biens ou des services, elle est généralement
elle-même acheteuse d’un certain nombre de matières premières, équipements, fournitures,
services, tous plus ou moins emballés. L’entreprise occupe donc aussi une place de
« consommateur », que nous venons d’aborder. A ce titre, il faut souligner que les leviers
économiques, d’image ou réglementaires, qui induisent une remontée en chaîne de la
« pression » vers chaque fournisseur précédent, peuvent se révéler particulièrement efficaces à
l’intérieur du monde de l’entreprise.
C’est en associant ces différentes approches qu’on peut envisager en matière de prévention un
partenariat avec les entreprises.
Leurs attentes pratiques dans ce domaine relèvent souvent de l’information, des conseils et de la
mise en synergie des entreprises elles-mêmes (optimisation par une gestion collective des
déchets, bourses de déchets), voire entre les entreprises et les services et établissements publics
(des opérations coordonnées sur la récupération des papiers de bureau, des consommables
informatiques ou du compostage de proximité pour les déchets d’espaces verts peuvent être
imaginées). On a vu qu’il appartenait aux collectivités locales de jouer ce rôle d’animation.
L’installation d’une ou plusieurs entreprises nouvelles constituera à cet égard une opportunité à
saisir (voir la labellisation environnementale de certaines zones d’activités). Ces synergies
ouvrent la porte à de nouvelles approches comme l’écologie industrielle (recherche des
valorisations croisées possibles des sous-produits d’entreprises voisines, plutôt que leur rejet
comme déchets) ou la gestion territoriale intégrée des déchets (décloisonnement entre déchets
ménagers et déchets d’entreprises).
Dans l’immédiat, les entreprises se tourneront volontiers vers la collectivité en vue de pouvoir
faciliter l’élimination de leur déchets, par un accès plus ouvert à certains services ou équipements
(les déchetteries par exemples). Sans accroître le flux de déchets à la charge de la collectivité,
cette approche peut être au contraire un moyen indirect de favoriser la prévention : en négociant
par exemple de la part des entreprises une séparation à la source, qu’elles ne réalisaient pas
auparavant (l’avantage peut être significatif, en particulier, sur le plan de la prévention
qualitative). L’élimination de tels déchets non ménagers par la collectivité impose, en tout état de
cause, un financement spécifique, comme on le verra plus loin en évoquant la redevance
spéciale.
Outre ces réponses à des attentes pratiques, les moteurs d’une adhésion des entreprises locales à
un programme de prévention relèvent de l’intérêt économique qu’elles pourront y trouver :
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
6
Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
L’entreprise est aussi, par nature et par nécessité, une acteur de communication. C’est d’autant
plus vrai lorsqu’elle est en contact étroit avec le citoyen du fait de son implantation locale ou
parce qu’elle opère dans le secteur du commerce ou des services. Elle dispose de moyens et de
savoir faire dans ce domaine, et doit pouvoir apporter un support à des messages d’intérêt
général, si elle y trouve un intérêt.
C’est là un des engagements possibles de l’entreprise dans le cadre d’un partenariat local, fondé
sur une logique « gagnant-gagnant ». Il pourra également intégrer des actions comme la reprise
de certains produits en fin de vie, un travail d’amélioration environnementale des produits
proposés, une meilleure information des clients à ce sujet, davantage de choix et de respect de
celui-ci ( pour les COUNA, notamment)…
Le caractère de plus en plus mondial des produits, des marques et des échanges n’est
probablement pas un obstacle irrémédiable à la négociation de tels accords, même avec les
filiales de grands groupes, l’originalité et l’insertion dans un environnement local restant un
facteur de compétition et d’émulation.
Au delà des discours volontaristes sur les changements d’attitude à adopter et l'intérêt général
que cela représente en terme d'environnement, on voit bien que la dimension économique ne
peut qu'être au cœur de la démarche préventive, et ceci sous diverses formes : pressions de
chaque niveau d’utilisateurs sur ses fournisseurs afin d’obtenir des produits générant moins de
déchets (par l’expression d’une préférence active, lorsque le choix existe déjà, ou d’une
demande d’alternative, s’il convient de l’élargir), identification des gains financiers potentiels
apportés par ces comportements différents de consommation, d'utilisation et de rejet…
Tant à l’attention des individus (sous leurs différents statuts d’usagers, consommateurs,
contribuables, employés…) que des organismes au sein desquels ils vivent, opèrent et engendrent
ainsi des déchets (du foyer à l’entreprise, en passant par l’école, les lieux de loisirs…), l’enjeu est
de défendre et de démontrer l'idée selon laquelle il ne s'agit pas seulement de pratiques
marginales qu’il ne coûte rien de développer, mais bien de changements qui « peuvent
rapporter ».
Or les modalités, selon lesquelles sont couverts les coûts d’une gestion correcte des déchets au
regard de l’environnement, restent aujourd'hui incomplètes et imparfaites. Ceci limite, dans une
large mesure, la démonstration économique. En un mot, le fameux principe « pollueur-
payeur » est loin d’être appliqué dans ce domaine.
Il convient donc de rappeler ici, plus en détail, les différents outils à caractère financier, qui
permettraient de remédier à ces insuffisances et de donner toute leur force aux ressorts
économiques propices à davantage de prévention. Logiquement, ces outils trouvent leurs niveaux
d'intervention privilégiés aux deux articulations décisives du système, l'achat des produits et leur
rejet en fin de vie, qui constituent des points de rupture, donc de choix, assortis de transactions
financières.
- sur le prix des produits afin d'orienter les choix du binôme consommation/production.
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Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
Jusqu'à présent, la grande majorité des collectivités a pourtant opté pour un recours, plus ou
moins combiné, au budget général et à la TEOM, avec une prédominance affirmée de cette
dernière. Bien qu'elle soit obligatoire depuis 1992, la redevance spéciale n'a guère été instituée,
en complément de ces deux modes de financement, pour les déchets non ménagers que les
collectivités prennent en charge. Quant à la REOM, ou "redevance générale", elle reste assez peu
utilisée.
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Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
Tableau n° 10
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Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
Quelques éléments peuvent être avancés en réponse aux difficultés régulièrement invoquées pour
justifier le manque d'enthousiasme des collectivités à l'égard des redevances :
- les risques de rejet sauvage ou de tricherie. Ces supposés effets pervers sont souvent
évoqués, sur un ton ironique, par des détracteurs de la redevance qui ne disposent pourtant pas
toujours d'une réelle expérience en la matière. C'est faire fi de l'esprit citoyen dont le succès des
collectes séparées a amplement fait la preuve Il n'apparaît pas que les collectivités ayant retenu
la redevance générale aient été confrontées, plus que d'autres, à une recrudescence des dépôts
sauvages. Sauf comportements marginaux qui existeront toujours, imagine t-on aujourd'hui que
des particuliers se donnent la peine de transporter clandestinement des déchets aussi banals et
quotidiens que les ordures dans la poubelle du voisin ou au fond des bois ?
- les difficultés de recouvrement. Les dispositifs fiscaux sont évidemment de tout repos :
le Trésor Public les gère et garantit aux communes le produit des taxes, en faisant son affaire des
mauvais payeurs. Soulignons néanmoins que d'autres dispositifs de redevances et de facturation
sont mis en œuvre sans plus de difficultés par les collectivités (eau, cantine scolaire etc), que
l'entreprise concessionnaire se charge du recouvrement lorsque le service n'est pas assuré en
régie directe, le Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement s'étant engagé
dans le cas contraire, depuis 2000, à ce que le Trésor Public apporte son assistance aux
communes
Un dernier argument avancé par certaines collectivités en faveur des dispositifs fiscaux reste
qu'ils présentent, incidemment, un caractère "redistributeur" (les foyers les plus aisés contribuant
davantage). On peut se demander s'il est logique de faire supporter aux déchets cet objectif
social, qui leur est étranger, au détriment d'une meilleure gestion. Les maires ont sans doute
d'autres moyens de mener plus ouvertement leurs politiques sociales.
Les effets de la redevance, qu'elle soit spéciale ou générale, sur l'évitement ou le détournement
des déchets banals des entreprises sont, par contre, d'ores et déjà patents. Suivant la même
logique, les entreprises se montrent plus enclines à exploiter les solutions alternatives existantes
pour leurs déchets (reprise par le fournisseur, réutilisation, flux détournés…), que lorsqu'elles
s'acquittaient d'une simple taxe "forfaitaire". Ceci confirme d'ailleurs à quel point un
accompagnement approprié (exonération de TEOM, conseil et assistance dans la mise en œuvre
de ces solutions alternatives…) constitue le meilleur moyen de dépasser les craintes souvent
exprimées par les élus quant aux risques d'instituer une redevance pour l'économie locale (rejet
par les entreprises, menaces de délocalisation…). La transition est sans aucun doute difficile à
assurer, mais personne n'a intérêt à conserver des modalités de financement ni transparentes, ni
équitables, et surtout pas incitatives : des contribuables qui paient, sans le savoir, pour éliminer
les déchets d'entreprises ; d'autres entreprises soumises à l'impôt sans bénéficier du service, etc.
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Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
A fortiori, les services publics, qui échappent souvent à cette TEOM, ne peuvent saisir l'intérêt de
trier et de réorienter autrement leurs papiers de bureaux, par exemple, qu'à partir du moment où
la redevance fait ressortir le coût de leur élimination en mélange avec les ordures ménagères.
Si, pour l'instant, on ne dispose pas vraiment d’observations avérées concernant l'effet préventif
de la REOM sur les déchets des ménages, c'est sans doute faute d'avoir encore mis en place,
dans ce domaine, de réels programmes de prévention, suivis et évalués avec précision. Il faudrait
analyser l'instauration de ce mode de financement et la promotion conjointe et explicite de
solutions alternatives, comme le compostage individuel, la récupération des textiles et d'autres,
dans le cadre d'une démarche globale de communication en faveur de l'évitement des déchets
ménagers.
Quoi qu'il en soit, l'application d'ici 2003 de la Loi Chevènement devrait constituer un tournant
essentiel, en clarifiant l'exercice des compétences, en particulier sur ces modalités de
financement. Les distorsions importantes qui existent d'une commune à l'autre devraient
s'estomper, rendant plus lisible les coûts et les enjeux de la production de déchets pour le
citoyen. Les décisions stratégiques concernant le choix entre dispositifs fiscaux et redevances
vont s'effectuer à une échelle intercommunale, qui assurera une meilleure capacité à gérer la
complexité de leur gestion et un éloignement salutaire des pressions locales.
Parmi l'ensemble des coûts environnementaux, ceux concernant l’élimination du produit en fin de
vie sont les plus faciles à prendre en compte. Nécessairement assumés par le détenteur final,
même si c'est avec plus ou moins d'exigence au regard de l'environnement, ils sont donc
identifiés et quantifiés.
Cette internalisation est indissociable d'une responsabilité attribuée aux producteurs, quant à
l'élimination des déchets engendrés par leurs produits. Le pollueur devant payer, selon le fameux
principe, ne sera plus seulement celui qui jette l'objet en fin de vie, mais aussi ceux qui l'ont
conçu, produit et distribué. Même si, tout à fait logiquement, ces derniers en répercutent
l'essentiel des charges sur le consommateur final, ils vont être incités, d'une manière ou d'une
autre, à en tenir compte dans la conception même du produit et de la manière dont il est proposé
sur le marché.
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Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
d’une taxation destinée à soutenir leur ramassage et leur élimination, de tels mécanismes sont
restés longtemps inexistants. C'est le dispositif mis en place pour les emballages jetés par les
ménages, à partir du décret n°92-377, qui en a constitué le véritable prototype.
Plutôt qu'un dispositif étatique de taxation, l'orientation désormais privilégiée est de demander
aux entreprises, sur une base réglementaire plus ou moins précise, d'organiser par elles-mêmes
la mise en œuvre de leur responsabilité. Dans le secteur des emballages, cette formule est
essentiellement traduite au travers de la société anonyme Eco-Emballages, organisme ré-agréé
de proche en proche par les Pouvoirs Publics, dans le cadre d'une négociation quasi permanente
des acteurs concernés.
Selon ce schéma, les mécanismes de responsabilités des producteurs poursuivent deux objectifs
en chaîne :
- faire prendre en charge par ces producteurs l’élimination de leurs produits en fin de
vie, sur un plan opérationnel (systèmes de reprise) ou financier,
- induire ou accompagner, de leur part, des modifications de la conception de ces
produits.
Les barèmes initialement retenus par le dispositif Eco-Emballages étaient significatifs à cet égard.
A l’origine, tous les emballages ménagers s’acquittaient d’une somme identique pour un volume
donné de produit contenu, quelque soit le matériau ou le poids du contenant (qui n’était pris en
compte que pour les emballages plats). La recherche du consensus entre les différentes filières de
matériaux impliquées, au démarrage d’un dispositif totalement nouveau, explique largement ce
traitement non discriminatoire.
Fort heureusement, depuis l’année 2000, la mise à contribution des producteurs a commencé à
augmenter pour couvrir des besoins de financement eux-mêmes croissants (même si certains
regrettent toujours que le transfert des charges d’élimination des emballages ne soit que partiel)
et surtout un nouveau barème plus préventif a été adopté. La participation des matériaux les plus
difficiles à recycler (plastiques, papiers-cartons) est désormais sensiblement plus élevée que pour
les autres (verre, métaux) ; le poids de l’emballage devient un critère essentiel (sauf lorsque le
surcroît pondéral est lié à l’utilisation de matériaux recyclés) ; et les nouveaux matériaux
d’emballage, qui ne disposent pas encore de filières de recyclage, sont pénalisés.
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Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
Cette évolution indique indéniablement la voie qu’il ne faudrait pas oublier de suivre dans la mise
en œuvre de nouveaux dispositifs de ce type. Pour que l’internalisation du coût d’élimination joue
son rôle, il faut que sa « visibilité » pour le consommateur soit suffisante afin de susciter les
évolutions préventives nécessaires de la part des acteurs économiques situés à l’amont
(producteurs, distributeurs). Il en va notamment :
L’information sur ce coût d’élimination internalisé dans le prix du produit est une demande
légitime, que les associations de consommateurs comme de défense de l’environnement ont
volontiers faite leur. Lors de la négociation de la Directive emballages, il fut même demandé
l’inscription systématique de différentes valeurs nationales du « point vert » sur chaque produit,
ce qui n’était pas forcément réaliste (difficulté d’interprétation, place disponible…). Par contre,
pour des produits plus élaborés, comme les appareils ménagers ou l’automobile, il serait logique
de communiquer, à l’achat, la part du prix consacrée au financement ultérieur du retraitement.
L’importance de cet affichage initial et transparent des coûts de gestion des déchets paraît aussi
indispensable dans un autre domaine, où c’est loin d’être toujours le cas et conduit à un certain
nombre de dérives : celui des devis de chantiers du BTP.
Faut-il enfin rappeler ici que l’internalisation des coûts environnementaux peut aussi être obtenu
en agissant sur l’outil fiscal ?
La réduction du taux de TVA, déjà pratiquée avec succès dans d’autres domaines, et
particulièrement au bénéfice des collectes sélectives d’emballages depuis 1999, pourrait
constituer une incitation immédiate et de taille en faveur de la consommation des produits
bénéficiant d’écolabels, fabriqués en recyclé ou générant moins de déchets (rechargeables,
ampoules basse consommation…)
Le maintien d’une « contrainte relative » vis à vis d’un abandon trop aisé de certains produits (à
l’état potentiel de déchets) constitue un outil de prévention à prendre en considération par les
collectivités, communes ou EPCI, en charge de la collecte des déchets.
En effet, tout ce qui facilite le rejet (volume du contenant ; fréquence et commodité d’ensemble
du service de ramassage offert…) est propice à une augmentation des quantités rejetées vers le
service public.
- une collecte séparée en porte à porte, hebdomadaire ou par quinzaine, des déchets
végétaux se traduit très souvent par l’apparition d’importantes quantités
supplémentaires de ces mêmes déchets. Il est probable qu’ils étaient précédemment
évités (tonte un peu moins fréquente) ou éliminés (compostage ou brûlage) par les
jardiniers eux-mêmes. C’est là un exemple, paradoxal mais réel, d’une collecte
sélective qui suscite l’apparition de déchets et provoque donc une augmentation des
quantités à traiter par la collectivité, contraire à notre objectif de prévention. Dans
certains cas (en particulier dans des contextes de rurbanisation à la périphérie des
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13
Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
Certaines collectivités en viennent aujourd’hui à s’interroger sur les limites à fixer à cette quasi
« assistance » offerte aux administrés pour l’évacuation de leur déchets, si l’on veut freiner
l’ampleur et la vitesse de l’abandon de biens qui évitaient auparavant de devenir des déchets.
L’approche est indéniablement nouvelle (voire iconoclaste) par rapport à la doctrine qui fut
longtemps de faciliter toujours plus cette évacuation des déchets. Elle traduit peut-être une
progression souterraine, mais désormais réelle, des préoccupations préventives.
Il paraît difficile de revenir sur des services déjà offerts aux administrés. Par contre, avant d’en
proposer de nouveaux, d’en améliorer ou d’en élargir l’offre, il sera judicieux de bien en mesurer
les modalités et les outils pour ne pas avoir de tels effets pervers. Il s’agit probablement :
Cette approche vaut, a fortiori, vis à vis des producteurs de déchets assimilables aux déchets
ménagers (entreprises, établissements publics divers). Les prendre en charge suppose pour une
collectivité, selon la loi de 1975, que cela n’entraîne pas de « sujétion particulière ». Au delà
même du recouvrement obligatoire d’une redevance spéciale, un partage équitable et judicieux
des dites sujétions mérite donc d’être examiné, dans une démarche concertée et contractuelle :
offrir un meilleur service pour des déchets assimilés, lever certaines contraintes (accès aux
déchetteries…) pourrait, comme on l’a déjà évoqué, être négocié et conditionné par certaines
mesures, efforts de prévention.
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Chapitre 3 Les acteurs de la prévention des déchets
auquel ramener la quantité de déchets produits par habitant, à une échéance donnée. Charge aux
collectivités de développer des programmes de prévention en conséquence…
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Réseau Déchets
Même si la mise en œuvre pratique de la « prévention » des déchets relève sans doute beaucoup
plus directement de mécanismes économiques, sociétaux et comportementaux, que des
instruments législatifs et réglementaires (1), ces derniers n’en restent pas moins indispensables,
ne serait-ce que pour afficher clairement les objectifs, les responsabilités des uns et des autres et
les règles du jeu applicables par tous. Il s’agit de permettre à chaque acteur d’y jouer pleinement
son rôle, suscitant et favorisant ainsi des interactions constructives, qu’elles ressortent de la
pression ou du contrat, voire d’établir des obligations ou des limites impératives lorsque cela est
nécessaire (en matière de prévention qualitative liée aux risques de toxicité, notamment).
Il s’agit désormais de passer à cette traduction concrète de la première priorité affirmée de la loi
cadre. Nous allons balayer ici les principaux outils juridiques disponibles, en analysant leur
potentiel mais aussi leurs limites, en termes de clarté, d’applicabilité, de traduction effective ou
non, de compléments opportuns ou de mesures d’accompagnement à leur apporter (par exemple
en terme de vulgarisation).
Mais dès l’article 2, si une notion « d’évitement » (des nuisances…) est mentionnée, elle est
strictement limitée dans sa mise en œuvre à la seule élimination des déchets, définie comme
toutes les opérations à l’aval de la poubelle… et toute la loi est ensuite centrée sur cette
élimination. De ce fait, il n’y a aucune lisibilité législative de la priorité accordée à la
prévention/réduction à la source.
1
En cela, ne fait que se poursuivre et s’accentuer une évolution déjà engagée avec le développement du tri à la source et
des collectes séparées, et qui traduit l’irruption désormais incontournable du citoyen sur la scène des déchets.
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2
Chapitre 4 Que permettent les textes actuels et comment les faire évoluer?
L’article 10-2, relatif aux plans départementaux d’élimination (sic) des déchets ménagers et
assimilés, ne reprend nullement la notion préventive. Le titre même de ces plans est trop
restrictif : il parle d’élimination et non de « gestion ».
Il y a d’ailleurs lieu de s’interroger sur la conformité des textes français avec les directives
communautaires : dans la directive de 1975, modifiée en 1991, il est bien question de « gestion »
des déchets (dans un sens plus large que « élimination »), de plan territoriaux de gestion, et
ceux-ci, selon la directive de 1994 relative aux emballages et déchets d’emballages, doivent
intégrer des mesures de « prévention ». Ces précisions ont certes été ajoutées dans des textes
réglementaires ou des circulaires ultérieures, mais cela ne donne ni la même force, ni la même
cohérence.
L’article 5 de la loi de 1975 (dont il est intéressant de noté qu’il fut introduit en 1988, pour
affronter les problèmes de transferts de déchets) est riche de potentialités puisqu’il permettrait à
l’administration de s’assurer dès l’amont de l’aptitude d’un produit à être éliminé convenablement
en fin de vie.
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3
Chapitre 4 Que permettent les textes actuels et comment les faire évoluer?
On mesure la portée d’un tel article, pour peu que l’on précise quelques critères relatifs à cette
aptitude à être éliminé ou que l’on élargisse, comme proposé plus haut, de « élimination » à
« gestion » (rajouter « sont minimisés » à « sont de nature à être éliminés dans les
conditions… »).
Cet article 5 pourrait être rapproché de l’esprit du décret de 1998 sur la conception des
emballages, en application de la Directive de 1994 ; mais il a une vocation potentielle plus large,
dépassant les seuls emballages, ce qui est à souligner.
L’article 6 a été traduit (en 1992, soit 17 ans quand même après la loi !), avec le décret n°92-
377 fondant le dispositif Eco-Emballages.
« Art 6
- la fabrication, la détention en vue de la
vente, la mise en vente, la vente et la mise
à disposition de l’utilisateur, sous quelque
forme que ce soit, de produits générateurs
de déchets peuvent être réglementées en
vue de faciliter l’élimination desdits
déchets ou, en cas de nécessité, interdites.
- il peut être fait obligation aux producteurs,
importateurs et distributeurs de ces produits ou
des éléments et matériaux entrant dans leur
fabrication de pourvoir ou de contribuer à
l’élimination des déchets qui en proviennent.
…»
Mais c’est seulement son deuxième alinéa qui a été traduit, et de manière peut-être discutable.
En effet, les distributeurs sont exclus du dispositif ; une simple contribution est retenue, et une
partie de la seule valorisation est transférée sous la responsabilité des producteurs (2) ; au total
le potentiel préventif de la mesure n’a pas été beaucoup exploité.
Certes, le nouveau barème amont 2000 d’Eco-Emballages S.A. intègre désormais la prévention,
et c’est heureux. Les autres dispositifs comparables de responsabilité des producteurs, qui ne
manqueront pas de voir le jour (c’est déjà le cas pour les piles et accumulateurs, bientôt pour les
pneumatiques, les véhicules, les appareils électriques et électroniques…) mériteraient de prendre
réellement en compte, dès le départ, cette approche plus cohérente, plutôt que d’être conçus
avant tout comme de simples outils de financement de la valorisation.
2
voir à ce sujet l’analyse, assez juste sur le fond, du Cercle National du Recyclage.
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
4
Chapitre 4 Que permettent les textes actuels et comment les faire évoluer?
A défaut de traduction réglementaire, une question mérite d’être ouverte : un Maire peut-il, et
dans quelles limites, s’appuyer directement sur ces articles de loi, ou d’autres, pour édicter des
obligations locales par voie d’arrêté municipal, par exemple en ce qui concerne les prospectus ?
Signalons que la Ville de Paris avait ainsi fait obligation aux établissements de restauration rapide
de ramasser eux-mêmes, dans un rayon de 100 m, les déchets jetés par leurs clients sur la voie
publique. Attaqué, cet arrêté n’a pas été annulé par le Tribunal Administratif, considérant qu’il
« respecte les dispositions de la Loi du 15 juillet 1975 » et n’impose pas de charges excessives à
ces commerçants. Le rayon d’application restait limité et la motivation était forte et indéniable,
s’agissant d’atteinte à la propreté du domaine publique. Le juge considèrerait-il de la même
manière une décision communale restreignant la distribution de prospectus sur son territoire,
s’agissant d’une large zone de chalandise et de déchets dont on ne peut pas dire qu’ils soient
réellement abandonnés, puisque la collectivité en assure de fait l’élimination, même si celle-ci
peut être considérée comme non satisfaisante et indûment coûteuse pour ladite collectivité ?
L’article 16 est lui explicitement soumis à des décrets en Conseil d’Etat, encore jamais pris. Il
offrirait pourtant à l’administration un champ de possibilités remarquable pour ce qui est de la
prévention favorisant les voies de recyclage au sens large (y compris réemploi, donc réduction).
« Art 16
Des décrets en Conseil d’Etat peuvent réglementer les
modes d’utilisation de certains matériaux, éléments ou
formes d’énergie afin de faciliter leur récupération ou
celle des matériaux ou éléments qui leur sont associés
dans certaines fabrications.
La réglementation peut porter également sur
l’interdiction de certains traitements, mélanges ou
associations avec d’autres matériaux ou sur l’obligation
de se conformer à certains modes de fabrication. »
Interdire les sachets plastiques pour les prospectus, les calages en polystyrène qui gênent le
recyclage de caisses carton, le traitement des bois… en creusant un peu, les exemples ne
manqueraient pas.
Rappelons enfin que, selon le décret n° 94-609 du 13 juillet 1994 relatif aux déchets
d’emballages dont les détenteurs ne sont pas les ménages, des amendes (contraventions de 5ème
classe) pourraient être données si l’on constate qu’une entreprise « mélange des déchets
d’emballages avec d’autres déchets de son activité… et les rende ainsi impropres à toute
valorisation ». De telles pratiques sont encore courantes. On peut légitimement se demander si
cette mesure est appliquée, voire applicable, et par qui ?
Plus généralement, l’exception accordée aux « emballages autres que ceux visés par le décret n°
92-377 du 1er avril 1992 (relatif aux déchets résultant de l’abandon des emballages) » mériterait
sans doute d’être réexaminée. Les dispositions retenues par le décret n°94-609 sont peu
efficaces, à l’origine de bien des difficultés compte tenu de l’absence de véritable frontière entre
les deux types d’emballages. Et là, plus encore que pour le décret n°92-377, la dimension
préventive n’est pas affirmée.
Ceci nous amène naturellement à la redevance spéciale sur les déchets issus d’activités
professionnelles assimilables aux déchets ménagers (art.L.2333-78 du Code général des
collectivités territoriales), obligatoire depuis le 1er janvier 1993… et toujours si peu appliquée par
les communes françaises ! Un véritable travail de vulgarisation (information, formation, conseil)
de la loi semble nécessaire à cet égard, auprès des entreprises, des élus locaux, des citoyens.
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Chapitre 4 Que permettent les textes actuels et comment les faire évoluer?
L’excellent document que l’ADEME avait publié sur cette question reste malheureusement peu
connu. Son prix (150 F) le rend peu diffusable : demander aux acteurs de payer pour comprendre
une réglementation qu’ils n’ont déjà guère envie d’appliquer, c’est voué à l’échec.
Les pouvoirs, dont disposent théoriquement les Maires pour réglementer l’élimination (la
gestion !) de leurs déchets par les administrés, sont sous-utilisés. Combien de Maires ont-ils pris
un arrêté dans ce sens (même sur les simples aspects pratiques de contenants, horaires etc) ?
Sans doute très peu, car ils ignorent ce pouvoir. L’effet d’écran des syndicats intercommunaux
est important (face aux plus de 30 000 très petites communes) et aucun conseil sur la manière
de l’utiliser n’a été diffusé auprès des élus.
Il s’agit d’évidence de développer, dans une relation de proximité entre l’édile et ses administrés,
une approche mixte de type « réglementation/recommandation ». Il existe bien d’autres
domaines (bruit, propreté, sécurité…) où s’énoncent ainsi, en amont de l’action répressive et par
réalisme quant aux limites d’application de celle-ci, des discours se référant clairement à un
pouvoir de police, mais appelant surtout à un comportement citoyen (lorsqu’un Maire interdit
l’utilisation de tondeuses à moteur à certaines heures, c’est plus pour cet affichage d’un appel au
bon comportement, que pour prétendre contrôler celui-ci en permanence et sur l’ensemble du
territoire communal… sans exclure pour autant que l’édiction de la règle puisse servir à réprimer,
si la bonne volonté et la conciliation ont épuisé leurs pouvoirs). La même approche pourrait donc
être davantage développée en ce qui concerne les ordures à la fois à l’égard du tri, mais aussi de
l’évitement de certains déchets (poser le principe d’une interdiction de mettre des piles dans la
poubelle). Un document de vulgarisation pratique pourrait être réalisé et diffusé à ce sujet.
Par ailleurs, la loi de 1992 n’a toujours pas été traduite au plan réglementaire sur un point
essentiel : la définition des obligations minimales des communes dans l’exécution du service
offert aux administrés.
D’un strict point de vue juridique, il y a là une carence puisque le dispositif antérieur (le décret de
1977, et les arrêtés préfectoraux pris en son application) n’a plus de base. Mais ce dernier n’a pas
été formellement abrogé.
De manière étonnante, c’est pratiquement une auto censure a priori de la part de l’Administration
qui conduit à cette situation (« on ne va pas encore - ? - réglementer l’activité des
communes ! »). Outre le fait qu’une loi est en principe faite pour être appliquée, il n’est pas sûr
que, moyennant une concertation et une rédaction adéquates, les collectivités ne soient pas
finalement preneuses d’un texte qui ne serait pas directif à l’excès mais plutôt conçu comme un
« guide » cadrant et harmonisant leurs initiatives, les justifiant auprès des administrés...
Les textes de 1977 (le décret évoqué plus haut et sa circulaire de la même année) sont
d’évidence obsolètes, mais comportaient implicitement cette approche qui pourrait être reprise de
manière délibérée, complétée et mise à jour: identification des différents flux de déchets à
prendre en compte (par ex, le décret de 1977 n’identifiait pas un flux spécifique pour les
« déchets verts », qui mériterait de l’être désormais), obligation de les prendre en compte avec
un affichage des options possibles sans obligation de moyen réductrice (indiquer que la commune
doit proposer une solution pour les déchets verts de ses habitants, soit par promotion du
compostage individuel, soit par dépôt possible en benne ou déchetterie, soit par ramassage
séparé, serait-ce exorbitant ?), obligation de « faire savoir » et pas forcément de « faire » (ce
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Chapitre 4 Que permettent les textes actuels et comment les faire évoluer?
même décret indiquait que le Maire porte à la connaissance des administrés les solutions dont ils
disposent pour les D.M.S. ; c’est peu et déjà beaucoup : cela enclenche des processus interactifs,
conforte les partenariats existant ou à venir… ; c’est ici que des recommandations préventives
pourraient trouver leur place).
D’une façon générale, tout ce qui concourt à l’information du citoyen sur la gestion des déchets
sera utile à la prévention. Le décret d’application de la loi Barnier du 2 février 1995 a enfin été
publié, au printemps 2000, pour ce qui concerne les déchets (décret n° 2000-404 du 11 mai
2000 relatif au rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d’élimination des
déchets). Il appartient aux élus et aux citoyens de lui donner une application effective et efficace
(compréhensible, propice au débat…). De la même manière, l’application véritable des
dispositions de l’article L.2143-2 du Code général des collectivités territoriales relatif au comités
consultatifs communaux (le conseil municipal peut créer des comités consultatifs sur tout
problème d’intérêt communal…; ces comités comprennent… notamment des représentants des
associations locales ; ces comités peuvent être consultés par le maire sur toute question ou
projet intéressant les services publics et équipements de proximité…) mériterait d’être soutenue
avec vigueur. Malheureusement, ces comités sont plutôt lettre morte aujourd’hui. Or il y aurait là
des instances de dialogue fort utiles en vue d’initiatives concrètes.
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Réseau Déchets
Propositions et
5 exemples
d'actions
concrètes
La prévention des déchets est une démarche encore neuve et qui remet en cause, non seulement
des options techniques et économiques, mais aussi et surtout des habitudes et des
comportements profondément enracinés. Il est d'autant plus indispensable, pour la rendre
crédible, de la traduire en termes de propositions d'actions concrètes et opérationnelles.
Parmi les départements français, l'Essonne a peut-être été le premier à s'engager en faveur d'une réelle
politique de prévention des déchets, dans le cadre de la révision de son plan d'élimination, initiée fin 1999.
Parmi d'autres, un groupe de travail a été spécifiquement dédié à ce thème particulier, et sa présidence
confiée conjointement à un Maire très impliqué dans la collecte séparative et au Directeur de l'association
Essonne Nature Environnement. Les participants reflètent, dans leur diversité, l'ensemble des acteurs socio-
économiques intéressés, avec, par exemple, une attention particulière manifestée par la Chambre des
Métiers pour cette démarche, dans laquelle les P.M.E. pourraient trouver quelques opportunités.
Après avoir débattu et défini de concert ce que devait recouvrir le concept de prévention, les gisements
d'évitement possibles ont été analysés de façon très concrète et détaillée, en identifiant les différents modes
d'action possibles. Ceci a permis d'élaborer un certain nombre de propositions transversales, à caractère
opérationnel, qui seront formulées par le plan.
Dès le départ, la Commission du Plan a retenu l'idée d'une démarche prescriptive, fixant un objectif de
stabilisation des flux de déchets ménagers et assimilés, à moyen terme, malgré la croissance
démographique et économique, au lieu d'en suivre l'augmentation tendancielle. Durant une première phase
expérimentale de cinq années, les actions proposées devront ainsi faire l'objet d'un suivi et d'une évaluation
visant à valider, et ajuster en tant que de besoin, cet objectif et les moyens mis en œuvre.
Le fait que le Conseil Général ait repris la compétence sur le plan départemental d'élimination des déchets
ménagers et assimilés (en application de la Loi Barnier de février 1995) apparaît clairement comme un
facteur positif : la démarche y a gagné en participation et en dynamisme, non seulement des élus locaux,
mais aussi des autres partenaires ; plus que le Préfet, le Conseil Général aura le souci et les moyens
financiers de développer une politique départementale ambitieuse.
PS : le plan départemental initialement adopté en 1995 et attaqué par Essonne Nature Environnement,
notamment pour son absence d'objectifs et de mesures de prévention, vient d'être annulé par le Tribunal
Administratif…
Il est donc également nécessaire de structurer ces multiples propositions, de manière à formuler
les bases de ce que pourrait être un véritable "programme" de prévention des déchets, qu'il
soit conçu,
• à l'échelle d'une commune ou d'une agglomération,
• au titre du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés
(PDEDMA) lui même,
• ou d'un programme d'envergure nationale entraînant et relayant ces dynamiques
locales.
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
Un “ label prévention ”
Il s’agit, dans le même esprit, de favoriser l’identification à cette dynamique du plus grand
nombre d'acteurs. Ce label pourrait être décerné, si elles le souhaitent, aux diverses initiatives
publiques ou privées qui concourent à l'objectif de prévention (y compris celles qui le faisaient
déjà, sans que la gestion des déchets en ait été le souci initial et explicite, émanant par exemples
d'entreprises, d'associations caritatives, d’économie sociale, de consommateurs, de jardiniers
amateurs, etc.). Le programme de prévention s'enracinera ainsi et trouvera de nouveaux
partenaires dans la société civile. Il gagnera du même coup en consistance et en visibilité. Les
actions locales labellisées y trouveront, en retour, un supplément de justification d'intérêt général
et une notoriété renforcée. Les conditions d'obtention, règles d'usage, bénéfices d'image et de
publicité procurés peuvent être définies dans une courte Charte.
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
Dans son plan déchets pour la période 1998-2002, Bruxelles se dote d’un programme de prévention à la
source d’un budget de 5 250 000. €. L’accent y est mis sur la prévention à la source et sur le compostage
individuel. L’objectif est d’arriver à une diminution de la production de déchets de 10 % d’ici 2002. En
collaboration avec des associations de défense des consommateurs, un observatoire des labels et de la
consommation a été créé. Son rôle est d’informer sur les logos, labels, éco-produits, etc.
Les actions de proximité avec la population sont une des options essentielles : le plan prévoit la mise sur
pied d’une équipe de conseillers de terrain composée au départ de cinq personnes. Pour faire passer les
nouveaux messages de prévention, des campagnes de communication sont menées. La première, générale,
avait pour slogan “ achetez malin pour jeter moins ”. Elle sera suivie de campagnes médiatiques ciblées sur
un thème précis, par exemple “ Dites non aux sacs jetables ”. Un journal gratuit publié semestriellement “ le
minimum déchets, on y arrivera ! ” donne conseils et informations sur les différentes actions menées par la
Région. D’autres documents écrits sont disponibles, notamment une brochure pratique “ 10 conseils pour
arrêter la prolifération des déchets ”.
La publicité toutes-boîtes est également une cible privilégiée. Un autocollant à apposer sur les boîtes aux
lettres pour exprimer le refus des publicités est distribué aux habitants. L’objectif est de réduire de 20 %,
par le biais de cet autocollant reconnu par les sociétés de distribution, la diffusion des imprimés gratuits.
Autre axe central, le compostage individuel : des maîtres composteurs volontaires sont formés pour aider
leurs voisins et amis à réussir leur compost, en faire la promotion dans les écoles, les associations, etc.
Enfin, des projets pilotes sont menés à l’échelle d’un immeuble, de quelques familles ou d’un quartier pour
tester des conseils de prévention ou la pratique du compostage individuel, ce qui permettra d’améliorer
continuellement les actions mises en œuvre. Le souci de Bruxelles est aussi de vérifier les résultats obtenus.
Un observatoire est en cours d’installation, avec des moyens d’approches statistiques et de campagnes de
pesée des déchets produits par des groupes de ménage de référence. Il devra mesurer les progrès réalisés.
A suivre…
Les exemples français de guides de la prévention, ou plus généralement des "gestes verts", sont déjà
nombreux et chacun peut s'inspirer de ce qui a déjà été fait par d'autres, que ce soient des collectivités
(comme le Conseil Général du Bas-Rhin ou le Conseil Régional du Nord Pas de Calais ), leurs agences
de l'Environnement (par exemple l'ARENE en Ile-de-France), des associations (Essonne Nature
Environnement), parfois en partenariat avec des administrations concernées (comme Nature Centre avec la
DRIRE et la délégation régionale de l'ADEME) ou des entreprises (Monoprix, notamment)…
A l'adresse des consommateurs, ces guides peuvent pointer quelques produits remarquables sur
lesquels des actions ciblées mériteront d'être engagées, comme les ampoules ou les bouteilles
d'eau, à nouveau évoquées ci-dessous. Mais il reste pratiquement impossible de dresser une
véritable liste des "bons achats". A défaut, ces guides énumèrent souvent les principaux critères
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
de choix, tant négatifs (pour repérer les produits ou emballages à éviter) que positifs (au travers
notamment des marquages dignes de foi identifiant écoproduits ou produits recyclés). Ce type de
document offre aussi l’opportunité de signaler certains espaces de choix existant déjà, mais dont
la promotion reste discrète, comme la liste Robinson, pour ne plus recevoir de prospectus
publicitaires adressés nominativement, ou la marque RETOUR de l'ADEME, qui suscitera l'intérêt
des entreprises comme des services administratifs.
A Dublin (Irlande), le plan fixe année par année, et jusqu’en 2010, des objectifs de diminution de la
production pour les déchets ménagers, les déchets commerciaux et les déchets industriels. Depuis quelques
mois, Dublin a entamé une campagne d’information des consommateurs et une brochure d’information,
distribuée aux ménages, permet de les sensibiliser à la prévention des déchets à la source. Ils peuvent y
trouver des “ règles d’or ” pour se comporter de façon responsable face à la production de déchets, pour
acheter des produits plus favorables à l’environnement, avec notamment une liste des alternatives aux
objets jetables ou pour faire réparer ses objets usagés.
Ces guides peuvent d'ailleurs être conçus pour s'adresser aussi bien aux citoyens en général,
qu'aux entreprises ou aux collectivités elles-mêmes (à l'initiative d'un syndicat de communes, du
Conseil Général ou Régional… ou d'une association).
Après avoir modernisé ses moyens de potabilisation, le syndicat des eaux d’Ile de France a ainsi mené
une campagne de re-valorisation de l’eau du robinet, sans dénigrer les eaux embouteillées, mais en
employant un slogan assez explicite: “ fini les bouteilles, vive le robinet ”. Des carafes portant cette formule
ont même été distribuées dans chaque foyer.
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
d'occasion des équipements et produits en fin de vie. Des systèmes d'information interactifs
seront ainsi mis en place et ouverts aux différents publics intéressés, par l'offre ou la demande
(particuliers, associations, entreprises, collectivités).
Dans le cadre de leurs programmes de prévention, de nombreuses villes européennes signalent à leurs
habitants les adresses des principaux acteurs de la réparation, de l'achat et de la vente d'occasion.
Vienne, la capitale de l' Autriche, a été encore plus loin en développant une sorte de "brocante permanente
sur internet". Le système permet à tous de faire connaître, en temps réel, les produits qu'ils cèdent ou qu'ils
recherchent, et d'engager ainsi des transactions évitant l'abandon de ces produits. Les rubriques concernent
autant les particuliers pour de simples objets d'occasion que les entreprises pour des équipements plus
lourds ou des lots de matériaux.
Farouches partisans de la mise en réseau et de l'échange direct entre particuliers, des internautes redonnent
d'ailleurs une nouvelle jeunesse au troc, pratique ancestrale considérée hier encore comme totalement
dépassée. Le premier site de troc en ligne se trouve sur http://www.troker.com .
Des ambassadeurs du tri à la source qui conseillent aussi sur le tri à l'achat
Les collectes sélectives de déchets ménagers recyclables ont suscité la création d'un nombre
important de conseillers/animateurs (on les appelle aussi "messagers du tri"). Un élargissement
de leurs compétences au domaine préventif devrait en constituer la suite logique. Ils
deviendraient ainsi de véritables conseillers en économie familiale, spécialistes de la
consommation raisonnée et de la gestion durable des déchets, des éco-conseillers de proximité
pour le grand public. C'est l'occasion de consolider ces postes, souvent confiés par les collectivités
à des emplois jeunes, et dont la pérennisation est souhaitable. Une nouvelle formation
qualifiante, adaptée à ces fonctions élargies, peut d'ailleurs être un objectif.
Des rencontres gagneraient à être organisées entre tous ces ambassadeurs du tri, mais aussi
d'autres chargés mission déchets notamment mis en place par les chambres consulaires, qui
interviennent sur un même territoire (une agglomération, un département). Occasion, parmi
d'autres, de favoriser le partenariat entre les collectivités et le monde des entreprises, la création
de ce réseau, facilitant la confrontation des informations et des expériences, pourrait être
suscitée dans le cadre de la commission d'élaboration et de suivi du plan départemental.
A Helsinki, les neufs conseillers en prévention donnent 1 200 heures d’information par an dans les écoles et
les crèches (où sont notamment organisés des spectacles de marionnettes sur ce thème), entreprises et
associations.
La ville de Munich crée, dès 1991, un service de consultation sur les déchets municipaux. Forte du succès
de cette première initiative, elle met en place, dès 1993, l’équipe “ Prévenir les déchets ”, composée de cinq
conseillers en prévention. Celle-ci est chargée de donner une impulsion et de prendre des initiatives en
matière de prévention à la source.
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
A Hanovre, comme partout en Allemagne, le problème de la réduction des déchets solides urbains est
considéré comme prioritaire. Ici également, on a développé des actions d’information et de sensibilisation du
citoyen dans les écoles, en fin de scolarité obligatoire. L'objectif est d'éduquer à un mode de vie
responsable.
Les écoles ont ainsi œuvré à réduire le volume des déchets produits par l’activité scolaire, d’autant qu’elles
bénéficiaient d’un encouragement économique par le remboursement des économies réalisées sur les
déchets non enlevés ni éliminés.
Paradoxe au pays du libéralisme roi ? L’administration américaine a engagé depuis plusieurs années une
politique très volontariste de "discrimination positive" en faveur des produits recyclés. Les services fédéraux
sont ainsi tenus d'acheter et d'utiliser un certain pourcentage de fournitures de ce type.
Quelques communes françaises s'engagent dans un processus analogue, sans attendre que soient
totalement levées les contraintes liées au Code des Marchés Publics (une réforme est annoncée pour le
milieu de l'année 2001). La pionnière et plus connues d'entre elles est la ville de Créteil, qui s'est
notamment équipée de bacs roulant en plastique recyclé pour la collecte des ordures.
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
Sans s'engager dans la complexité d'une certification ISO 14000, qui semble hors de sa portée, une petite
commune peut quand même traduire dans les faits sa volonté d'économie alliée à l'écologie. A Janville sur
Juine, dans l'Essonne, un village de moins de 2000 hab (une vingtaine d'employés communaux et deux
écoles), une note de service établissant des règles de bon sens, qui permettent de ne pas gaspiller du
papier, a été diffusée parmi les quelques agents administratifs et les élus. Le principe de base était : "sans
compliquer les choses, un peu d'attention doit permettre de faire des économies... et même de simplifier le
travail". L'inflation de consommation de papiers (photocopies, enveloppes…) a été stoppée.
Pour souhaiter une Bonne Année 1999 à ses interlocuteurs, Madame la Ministre de l'Environnement avait
utilisé une carte de vœux "utilisable une seconde fois", son propre message figurant sur un petit volet
détachable. Simple gadget peut-être, mais disposant d'une certaine force symbolique et qui montre les
possibilités
La ville de Munich, encore elle, a mis en place un service de location d’assiettes et couverts réutilisables
ainsi que de lave-vaisselle pour les fêtes et petites manifestations publiques. Pour les plus grands
évènements, elle instaure l’interdiction des couverts, assiettes et verres non réutilisables. Après des
réticences de la part des organisateurs, les mentalités ont changé et la plupart approuvent cette initiative.
Dans les écoles, les services de restauration ont remplacé les cannettes et bouteilles à usage unique par des
récipients réutilisables.
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
syndical ou du conseil municipal où ce rapport est présenté, et qu'il puisse y avoir un débat, sera
aussi un enjeu intéressant pour les différents acteurs ayant saisi l'importance de cette
concertation.
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
La ville de Salzbourg a intensifié depuis quelques années ses efforts en matière de prévention et de
recyclage. Des campagnes visent à modifier le comportement des consommateurs face aux déchets. Les
habitants ont ainsi reçu une brochure qui reprend la liste des artisans et ateliers de réparation et de
restauration de divers articles tels que meubles, appareils électroménagers, ordinateurs, jouets, vêtements,
chaussures, articles de sports, vélos, outils de jardinage. Les magasins vendant des objets de seconde main
ou des produits favorables à l’environnement sont également renseignés. Les habitants peuvent aussi
apporter tous les objets dont ils veulent se débarrasser au centre de recyclage, qui assure le tri des
matériaux recyclables.
En 1997/1998, Munich lance une nouvelle campagne pour modifier les habitudes d’achat et de
consommation. Elle organise des séances d’information sur les possibilités de réparer et de restaurer des
biens usagés. Les bureaux et les commerces sont également ciblés par ces campagnes de sensibilisation.
C’est un véritable dialogue qui se crée en matière de prévention entre les autorités urbaines et tous les
acteurs concernés : producteurs, consommateurs, associations de fabricants et autres groupes….
Les expériences françaises dans le domaine du compostage individuel sont désormais nombreuses, et pour
certaines assez anciennes. L'ADEME est à même d'en fournir les références, l'analyse des moyens mis en
œuvre et des résultats obtenus.
Parmi d'autres exemples, citons: le cas d’Antony (92), qui montre avec succès la faisabilité du compostage
individuel en zone urbaine; le département du Haut-Rhin, qui accompagne son programme d'un volet
destiné aux scolaires; le SICTOM du Jura, où un taux d'adhésion à cette pratique de 30% des habitants a
pu être obtenu…
Dans l'ensemble des grandes agglomérations européennes qui engagent des programmes de prévention, le
compostage individuel ( ou sous forme de petites plates formes de proximité) est une action
France Nature Environnement Livre blanc sur la prévention des déchets Février 2001
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
A Beauvais et dans ses environs, et ceci dès le début des années 80, les Ateliers de la Bergerette propose
des services de ramassage des encombrants, destinés prioritairement à la réparation ou au démontage.
Vingt ans plus tard, le Conseil Régional de Picardie décide de généraliser une expérience qui a fait ses
preuves, en multipliant les recycleries sur l'ensemble de la région.
Parmi d'autres initiatives, l'agglomération de Carpi (Italie) a développé une collecte de déchets
électroménagers en porte-à-porte ou via les parcs à conteneurs. Les appareils récoltés sont conduits vers un
centre de démontage où toutes les pièces réutilisables des radiateurs, ventilateurs et autres appareils
électroménagers sont récupérées et revendues et où les métaux sont séparés pour être recyclés. Ce type de
collecte permet de donner de l’emploi à une vingtaine de chômeurs. Il apporte également une solution
partielle au problème des produits dangereux tels que le fréon des frigos qui sont conduits vers un centre de
traitement adéquat. En 1997, ce sont ainsi près de 89 tonnes de déchets électroménagers qui ont été
collectées, ce qui représente environ un kilo et demi par habitant. Seule une fraction non récupérable de ces
déchets est éliminée en décharge.
Signalons que l'objectif envisagé par la prochaine directive européenne, relative aux appareils électriques et
électroniques en fin de vie, est de récupérer au moins 2,5 kg/hab./an.
A La Haye, des accords ont été passé avec des associations qui réparent ou rénovent certains déchets
encombrants tels les pièces de mobiliers ou le gros électroménager pour être revendus dans des magasins
de seconde main.
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Chapitre 5 Propositions et exemples d'actions concrètes
sur leur territoire. Le montage d'une opération sera en effet facilité, dans ce domaine, en
coordonnant les initiatives sur plusieurs gisements voisins. Des conseils peuvent être apportés à
ce titre par l'ADEME, qui a par ailleurs édité un guide technique très complet sur la récupération
des papiers de bureaux.
Comme pour le compostage individuel, l'ADEME peut aussi communiquer la plupart des références
d'expériences françaises menées avec succès en matière de récupération des papiers de bureaux.
Parmi les organismes publics qui récupèrent leurs papiers de bureaux, on peut citer notamment: le Ministère
de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, le Conseil Général des Bouches du Rhône, le Conseil
.Régional. du Limousin et la Ville de Limoges, la Préfecture de l'Essonne…
A Rennes, l'association la Feuille d’Erable a été une pionnière: elle développe depuis de nombreuses
années des services de récupération des papiers auprès des administrations et des entreprises, avec un
objectif complémentaire d'insertion.
Dans le département du Loir et Cher, les produits spéciaux éparpillés chez les différentes entreprises du
secteur de l'impression ne sont plus à l'abandon. Un dispositif collectif de reprise, IMPRIM'VERT, un dispositif
collectif de reprise a été organisé avec succès par la profession avec l'aide des pouvoirs publics. Son
extension à l’ensemble de la Région Centre est d'ailleurs en cours.
Après tant d'avatars, la reprise désormais obligatoire des piles et accumulateurs doit être une
réussite sans demi mesure (il en va du crédit accordé, par le public, à ce dispositif et à une
gestion efficace des déchets en général). Il s'agit donc d'un enjeu à relever, pour les collectivités
notamment, que d'être en pointe sur la dynamisation de ces mesures. Conformément à la
convention signée entre SCRELEC et l'A.M.F., le partenariat doit s'établir avec les entreprises
rendues responsables de la reprise et de l'élimination, par la nouvelle réglementation, en
intégrant à bon escient les solutions publiques déjà mises en place pour les DMS .
Sur 17 000 activités recensées dans l'agglomération nancéienne, la communauté urbaine du Grand
Nancy a identifié pas moins de 400 établissements à risque. Elle est déjà parvenu à conclure des
conventions de rejet avec 275 de ces entreprises et commerces. Un réseau d'alerte, équipé de dispositifs de
mesure en continu, permet de faire face à une pollution accidentelle, de localiser avec précision les
déversements illégaux (donc d'engager des poursuites, s'il le faut) et de suivre en routine les effets de ces
dispositions préventives.
Résultat: depuis deux ans, les rejets de mercure dans le réseau public d'assainissement ont été divisés par
deux.
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Réseau Déchets
Le point de vue
de l'ADEME
Le livre Blanc de France Nature Environnement sur la prévention des déchets présente un
éventail très large d'actions susceptibles de contribuer à la réduction des flux de déchets à la
charge des collectivités et au législateur. C'est sans doute la première fois qu'un document aussi
complet est réalisé sur ce sujet.
Ces propositions relèvent, dans leur ensemble, du bon sens si certaines peuvent apparaître un
peu partisanes à qui a le souci que l'effort en faveur de la réduction des flux de déchets ne se
fasse pas au détriment d'autres impacts environnementaux. Il convient en effet de vérifier pour
chaque action, que la réduction de la production de déchets n'est pas obtenue au prix d'autres
atteintes à l'environnement. Le reconditionnement de biens d'équipement usagés en vue de leur
remise sur le marché contribue par exemple à augmenter la durée de vie de ces équipements et
réduire d'autant la production de déchets. Encore convient-il de vérifier que ce résultat n'est pas
compromis par une surconsommation énergétique de l'ancien équipement rénové (les appareils
récents étant souvent sensiblement plus économes que les anciens).
Pour rester sur cet exemple, l'ADEME souhaite naturellement promouvoir le développement des
initiatives d'acteurs de l'économie sociale en faveur du réemploi, notamment par collecte,
reconditionnement et revente de déchets encombrants des ménages. Mais, compte tenu des
évolutions constatées et prévisibles du contexte (renforcement de l'approche territoriale et
développement des filières dédiées, notamment) le développement de ces activités devra, à notre
sens, respecter certaines règles:
- Le cas échéant, la collectivité rémunérera le service rendu au juste prix. Il ne saurait être
question ici de subvention à une association alors que le même service rendu par un opérateur
privé serait rémunéré à un niveau très supérieur. Le cumul des rémunérations pour service rendu
et du chiffre d'affaire réalisé sur la vente de produits ou de prestations diverses, doit permettre à
l'activité proposée de s'auto-financer, les aides à l'emploi étant considérées comme des produits.
Des études sont en cours à l'ADEME pour préciser les conditions de développement durable de
ces activités.
Quant à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) qui consiste à facturer le
service rendu à l'usager au lieu de le financer par une taxe, sa mise en œuvre sur la base des
quantités de déchets effectivement collectées, constitue, aujourd'hui, le seul mode de
financement assurant transparence, équité et mobilisation de chaque citoyen pour l'optimisation
du service public. Cette pratique n'en est cependant qu'à ses tout débuts, en France du moins, et
une grande attention doit être apportée à l'information et la sensibilisation des usagers, ménages
ou commerçants - artisans. C'est en effet, la modification de leur comportement de gestion
domestique des déchets qui fera le succès ou l'échec de l'opération. L'ADEME s'attache à défInir
les conditions de réussite d'un tel projet. Trois' points particuliers, méritent d'être soulignés ici :
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Le point de vue de l'ADEME
embarquée n'est pas non plus toujours nécessaire: le sac payant ou la taille des conteneurs
alloués peuvent aussi constituer des bases de facturation acceptables.
- Comme le rappelle le Livre Blanc, la redevance spéciale, bien qu'obligatoire d~puis le 1" janvier
1993, est encore loin d'être généralisée. Ll nous paraît cependant nécessaire que sa mise en
œuvre précède celle de la redevance dite générale, à la fois pour des raisons de gestion u service,
mais aussi parce que les modalités d'information et d'accompagnement des producteurs de
déchets non ménagers seront différentes de celles requises par les ménages.
De façon plus générale, il apparaît que les pratiques préconisées par le Livre Blanc visent à la fois
l'amélioration de la gestion domestique des déchets et la modification de comportements d'achat.
Si ces comportements se généralisaient, ils contribueraient probablement à une réduction, même
très faible de la consommation. Et on connaît la sensibilité de la croissance, et donc de l'emploi
au niveau de consommation des ménages... Il reste que l'essentiel est que le choix de "gestes
verts" préconisé par le Livre Blanc soit suffisamment large pour que chacun trouve ceux qui sont
à sa portée. Et la pratique de ces gestes conduisant à des prises de conscience, c'est ainsi que
pourra se préparer l'avènement d'une société plus solidaire et plus 4- équitable.
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Réseau Déchets
Bibliographie
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Bibliographie
● Les plans départementaux d’élimination des déchets : tout ce que vous devez savoir
France Nature Environnement (1999 – FNE)
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France Nature Environnement
est la Fédération française des
associations de protection de la
nature et de l’environnement.
Fondée en 1968 et reconnue d’utilité
publique en 1976, elle regroupe plus
de 160 associations régies par les
lois de 1901 et 1908 ayant pour but
la protection de la nature et de
l’environnement, au niveau national,
régional ou départemental, elles-
mêmes, pour la plupart, fédérations.
Afin d’intensifier l’échange de
savoirs, d’expérience et de
possibilités d’actions, France Nature
Environnement s’est organisée sous
forme de réseaux. Des experts
associatifs venus des différentes
régions de France se rencontrent
régulièrement, au sein de groupes de
travail, pour construire la politique
associative en matière de
biodiversité, agriculture, forêt, eau,
énergie, aménagement du territoire,
transports, santé, cycle de
production industrielle et déchets.