Introduction
Conseils méthodologiques
La dissertation
La dissertation juridique est un exercice théorique intéressant en ce qu’il fait appel tant
aux connaissances qu’au sens de la réflexion. Bien la maîtriser s’avère nécessaire à un
double point de vue : elle offre une alternative le jour de l’examen si l’autre sujet
proposé n’inspire pas et elle constitue une épreuve reine dans nombre de concours.
Aussi, mieux vaut s’y entraîner régulièrement.
Le travail préparatoire réside dans une analyse et une définition de tous les termes du
sujet qui doivent permettre de bien cerner celui-ci (par voie d’exclusion le cas échéant).
Dès ce stade, l’analyse permet d’éviter l’un des écueils principaux de la dissertation : le
hors-sujet. Ce premier travail accompli, il importe de recenser l’ensemble des connais-
sances acquises (cours, manuels, lectures diverses, jurisprudence, recueil de doctrine...)
qui se rattachent de près ou de loin aux divers termes du sujet. Cette opération
accomplie, il convient encore d’ordonner ses connaissances. Cela passe par deux
étapes : dans un premier temps, il faut chercher à regrouper les connaissances en
vertu des points communs ou, au contraire, des divergences qu’elles peuvent entretenir
entre elles. Dans un second temps, au sein de chaque rubrique préalablement établie, il
importe de les classer les unes par rapport aux autres, dans un sens logique, des plus
importantes au moins pertinentes. Cette démarche doit aussi permettre de dégager
une problématique autour de laquelle s’ordonnera le futur plan ; la problématique est
l’idée générale qui doit traverser l’ensemble du devoir ; souvent, elle se présente sous la
forme d’une question à laquelle les deux parties apporteront une réponse. Rechercher
la problématique revient à dégager l’aspect dynamique du sujet contenu dans l’énoncé.
Vient ensuite l’élaboration du plan qui est une étape primordiale dans la dissertation :
c’est l’ossature de la pensée, c’est lui qui permet de présenter clairement et logique-
ment les idées à porter et à défendre. Souvent, le travail préparatoire aura déjà fait
apparaître plus ou moins aisément un plan. Il doit être en cohérence avec le sujet
posé ; celui que vous retenez doit être confronté, tour à tour, avec l’énoncé et la problé-
matique retenue afin de vérifier qu’il y apporte une réponse satisfaisante. Il doit, de
surcroît, être simple. Aussi, celui-ci se décomposera en deux parties (abandonnez les
plans en trois parties) elles-mêmes subdivisées en deux sous-parties.
12 EXERCICES CORRIGÉS DE DROIT DES SOCIÉTÉS
Chacune de ces parties doit, quant à elle, être subdivisée en deux ou trois sous-parties.
Formellement le plan se présente donc de cette façon :
I. (Intitulé de la première partie)
A. (Intitulé de la première sous-partie)
B. (Intitulé de la seconde sous-partie)
II. (Intitulé de la seconde partie)
A. (Intitulé de la première sous-partie)
B. (Intitulé de la seconde sous-partie)
Les titres des annonces de plan doivent être simples et clairs. Évitez les phrases et surtout
les phrases coupées par des points de suspension entre la première et la seconde partie.
Il faut que votre lecteur suive votre raisonnement à la simple lecture de vos titres.
Souvent l’intitulé même du sujet paraît contenir un plan. N’adoptez pas ce plan sans
réfléchir longuement, car le plus souvent, il ne vaut rien. Par exemple, si on vous
demande d’exposer « les avantages et les inconvénients » d’une institution, n’adoptez
jamais cette division, qui vous exposerait à des redites. Lorsque vous avez à comparer
deux institutions, ne consacrez pas la première partie à l’une et la seconde à l’autre,
pour vous contenter dans la conclusion de relever les ressemblances et les différences.
Tout votre travail doit être, dès le début, consacré à comparer. Cherchez donc les idées
générales qui gouvernent la comparaison ou les points principaux sur lesquels le rappro-
chement des deux institutions présente un intérêt, et bâtissez là-dessus votre plan. Il n’y
a pas qu’un seul plan possible par sujet.
Le plan arrêté, il convient de procéder à la rédaction du devoir. Les développements
n’appellent pas de remarques particulières sinon qu’ils doivent être au nombre de
deux traduisant chacun une idée générale, divisés en deux sous-parties venant au
soutien de la démonstration de l’idée générale de la partie dans laquelle ils s’insèrent.
Notons aussi que chaque partie et chaque sous-partie doit être précédée d’un chapeau
introductif qui, en deux ou trois lignes, annonce les développements à suivre, et
terminée par une synthèse transition qui reprend l’idée générale qui vient d’être déve-
loppée avant d’annoncer la partie à venir. Par ailleurs, il faut faire une liaison entre les
deux parties, une phrase en général suffit et permet simplement d’articuler le raisonne-
ment de la première vers celui de la seconde partie. Ces divers préambules et conclu-
sions intermédiaires permettent au lecteur de mieux suivre le déroulement de la
pensée de l’auteur de la dissertation.
La rédaction de l’introduction doit retenir toute l’attention. En effet, c’est le premier
contact du lecteur avec le devoir. Il importe que celui-ci soit séduit et puisse, dès cette
étape cruciale, savoir de quoi parle le devoir. Elle débute toujours par quelques phrases
d’ordre général, souvent évocatrices d’un contexte ou d’un sentiment, au terme
desquelles le sujet est présenté. Puis vient une phase de précision des contours du
sujet afin de permettre au lecteur de savoir de quoi il s’agit précisément ; c’est à ce
stade que le travail d’analyse des termes du sujet se révèle. Ensuite, doivent apparaître
les intérêts, tant juridiques qu’extra juridiques, que présente le sujet au regard de la
matière. Suit alors l’annonce de la problématique, du problème logique et raisonné
qu’évoque le sujet. Enfin, l’annonce de plan ferme l’introduction. Relevons que la
forme de l’introduction doit être celle d’un entonnoir ou d’une pyramide inversée :
INTRODUCTION – Conseils méthodologiques 13
autrement dit, on doit aller du plus général vers le plus particulier. Elle peut représenter
jusqu’au quart du sujet.
Lors de la rédaction du corps du texte, suivez votre plan pas à pas. Annoncez-le dès la
fin de l’introduction. Cherchez avant tout à être clair. Pour y parvenir, choisissez les
termes exacts – le langage juridique est un langage précis – et tâchez d’écrire des
phrases élégantes (surtout ne rédigez pas en style télégraphique) ; posez nettement les
questions que vous examinez ; présentez avec force les arguments que vous faites valoir
et défiez-vous de la subtilité, car elle est l’ennemi de la rigueur et de la clarté.
Efforcez-vous d’écrire lisiblement (ne parlons pas de l’orthographe : vous êtes censé la
connaître ; mais n’oubliez pas qu’une méconnaissance trop grande de ses règles est
susceptible de vous conduire à un échec). Votre plan doit sauter aux yeux du lecteur :
pour cela, n’hésitez pas, soit à souligner dans le texte les titres de votre division princi-
pale, soit à les faire déborder dans la marge (ex. : I. Caractères. II. Effets). La rédaction
doit être aérée et non compacte : n’hésitez pas à aller à la ligne chaque fois que vous
abordez une question nouvelle. Avant de vous dessaisir de votre copie, relisez-la.
Si, en droit, la conclusion n’est pas généralement imposée, celle-ci est cependant bien-
venue dans le cadre d’une dissertation dans la mesure où elle permet, dans un premier
temps, de récapituler les points forts de la démonstration qui précède avant d’ouvrir,
dans un second temps, sur d’autres horizons. Elle s’inscrit dans une démarche intellec-
tuelle logique. Résumez donc l’essentiel de ce qui se dégage de votre étude. Sans
doute, avez-vous déjà, dans l’introduction, signalé les idées générales qui gouvernent
le sujet. Mais, à ce moment-là, vous les avez simplement annoncées, sans les justifier.
Après votre démonstration, vous vous justifiez de l’avoir tenue.
Le commentaire d’arrêt
Les étudiants sont fréquemment conduits à commenter des arrêts. Cet exercice est en
réalité pratique car il conduit à comprendre l’interprétation faite par les tribunaux des
textes en vigueur. L’exercice, sans être d’une particulière difficulté, répond à certaines
règles qu’il convient d’avoir à l’esprit tout au long de l’élaboration du commentaire. Le
commentaire d’arrêt, comme son nom l’indique, a pour objet premier la réalisation de
l’analyse critique de l’arrêt soumis à l’examen du commentateur.
Il s’agit donc pour ce dernier de dégager les apports de l’arrêt au droit positif pour le
présent, pour l’avenir mais aussi pour le passé eu égard à l’« effet rétroactif » (plus
précisément déclaratif) attaché aux arrêts de revirement dont la solution pourra
embrasser des situations nées antérieurement à son prononcé. Autrement dit, l’arrêt
rendu dont il s’agit de réaliser le commentaire a vocation à s’insérer dans le droit
positif, qui tiendra compte de la solution apportée au litige particulier. Naturellement,
tous les arrêts n’ont pas la même portée : si certains constituent de véritables boulever-
sements (arrêts de revirement, de principe), la plupart n’apportent que des complé-
ments et des précisions à la matière dont relève le litige. Il reste que tous contribuent à
l’élaboration du système juridique en son entier.
Dans cette matière, la forme, lorsqu’elle est repérée et respectée, constitue une
garantie contre les erreurs grossières. En effet, tout arrêt répond à une structure
14 EXERCICES CORRIGÉS DE DROIT DES SOCIÉTÉS
logique qui sert de base à un raisonnement juridique, le syllogisme : à une règle de droit
(la majeure) appliquée à une situation concrète (la mineure) correspond une solution
donnée. Il importe d’avoir constamment présent à l’esprit cette structure. Aussi, après
avoir rappelé les éléments de structure d’une décision de justice, il conviendra de
présenter le travail nécessaire à l’élaboration d’un commentaire d’arrêt.
Avant même de se lancer dans la lecture de l’arrêt, il faut porter toute son attention aux
articles visés et le cas échéant les relire dans votre code. Sur quels articles porte le
contentieux ? De quel code s’agit-il ou de quels codes le cas échéant ? Le débat va
alors porter sur l’interprétation de ce ou ces textes.
1 • STRUCTURE D’UNE DÉCISION DE JUSTICE
Le plus souvent, l’exercice de commentaire porte sur un arrêt de la Cour de cassation
qui, rappelons-le, sans être un troisième degré de juridiction, veille à la bonne applica-
tion du droit par les juridictions du fonds que sont les tribunaux et les cours d’appel,
notamment en réglant les divergences d’application ou d’interprétation de la règle de
droit entre ces dernières afin d’assurer une unité d’application du droit.
Schématiquement, après qu’une instance ait été introduite en première instance au
moyen d’une assignation, celle-ci pouvant être accueillie ou rejetée, un appel peut être
interjeté devant une Cour d’appel par celle des parties qui n’est pas satisfaite par le juge-
ment. L’appelant (opposé à l’intimé) va demander aux juges du second degré de rejuger
l’affaire. Ceux-ci peuvent, soit accueillir l’appel en infirmant le jugement, soit le rejeter
en confirmant le jugement. Si l’une des parties au litige estime que la décision de la
Cour d’appel n’est pas conforme au droit, elle peut former un pourvoi devant l’une des
six chambres (trois chambres civiles, une chambre commerciale, une chambre sociale et
une chambre criminelle) de la Cour de cassation compétente à raison de la nature du
litige. Toutefois, une chambre mixte de la Cour suprême peut être réunie si le litige en
cause pose une question relevant de plusieurs chambres ou s’il risque de créer une
contrariété avec la jurisprudence d’une autre chambre. En outre, l’Assemblée plénière
peut être réunie s’il existe une divergence quant à la solution à apporter au litige, soit
entre les juges du fond, soit entre ces mêmes juges et la Cour de cassation ; la saisine
de l’Assemblée plénière est, de surcroît, obligatoire lorsqu’un pourvoi est formé contre
une décision rendue après une première cassation. Ainsi, il faut porter attention à la
chambre et au fait qu’elle soit civile, sociale, criminelle ou commerciale par exemple,
cela est un indicateur important et parfois certaines chambres s’opposent dans une
interprétation divergente comme une chambre civile et la chambre commerciale.
Saisie, la Cour de cassation peut soit casser et annuler, totalement ou partiellement, la déci-
sion déférée si les Hauts magistrats estiment qu’elle n’est pas conforme au droit, l’affaire
étant alors renvoyée devant une autre Cour d’appel pour que le droit soit dit, soit estimer
la décision des juges du fond conforme au droit et rejeter en conséquence l’appel.
Le travail du commentateur d’un arrêt consiste, pour l’essentiel, à dégager de la déci-
sion soumise à examen le sens et la portée de celle-ci. Cela nécessite, au préalable, de
réaliser une analyse exhaustive de cette décision, qui tienne compte des éléments de
fait, de la forme, de la procédure ainsi que du fond du droit. La finalité de l’analyse est
INTRODUCTION – Conseils méthodologiques 15
de dégager les idées forces de l’arrêt afin, précisément, d’en apprécier mieux le sens et
la portée. À cette fin, il importe d’être parfaitement familiarisé avec la technique de
rédaction utilisée par la Cour de cassation puisque celle-ci influe directement sur l’ana-
lyse de l’arrêt dans la mesure où la structure détermine la solution. Cela est au demeu-
rant vrai pour toutes les décisions de justice. Rappelons ici qu’au terme de l’article 455
du nouveau Code de procédure civile (NCPC), toute décision de justice doit exposer
succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens (arguments),
qu’elle doit être motivée et qu’elle doit présenter la solution sous la forme d’un dispo-
sitif. Ces impératifs, exigés pour éviter l’arbitraire des juges, ont une incidence certaine
sur la structure de tous les arrêts.
Ceux-ci s’articulent en deux parties : d’une part, les motifs, qui permettent au juge
d’exposer les raisons de fait et de droit qui appuient sa solution ; ils sont introduits par
la locution « attendu que » ou « vu que » ou encore « considérant que ». D’autre part,
le dispositif, dans lequel le juge exprime la solution qu’il a retenue au terme du raison-
nement juridique ; il est introduit par la locution « par ces motifs ».
Notons que nous raisonnons ici sur l’hypothèse d’un arrêt rendu par la Cour de cassa-
tion ne comportant qu’un seul moyen, un seul argument de droit principal soumis au
contrôle de la Cour régulatrice. Il est cependant de plus en plus fréquent qu’un
pourvoi comporte plusieurs moyens, chacun divisé en plusieurs branches, sur lesquels
l’auteur du pourvoi entend voir la Haute cour se prononcer. En cas de rejet du
pourvoi, la Cour de cassation se doit de répondre à chacun des moyens ; en cas de
cassation, elle peut se contenter de relever un seul moyen voire une seule branche
d’un moyen.
Il reste, s’agissant de la seule Cour de cassation, qu’il importe de bien distinguer les
arrêts de rejet et les arrêts de cassation.
Les arrêts de rejet s’articulent autour de trois propositions : la première, introduite par la
locution « Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué... », énonce les
éléments de fait et de procédure utilisés par la juridiction du second degré pour l’élabo-
ration de sa décision ; la seconde, introduite par les locutions « Attendu qu’il est
reproché à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué alors que... » ou, plus simplement « alors
que », reprend les éléments de la solution précédente contestés par l’auteur du
pourvoi ; la troisième, introduite par la locution « Mais attendu que », présente la solu-
tion propre à la Cour de cassation, par construction opposée à celle soutenue par le
pourvoi. Enfin, suit le dispositif, c’est-à-dire, en l’occurrence, le rejet du pourvoi.
Les arrêts de cassation s’articulent, quant à eux, autour de quatre propositions : la
première, sous forme d’un visa (« Vu l’article... »), précise le ou les textes de loi (traité,
règlement voire principe général du droit) sur le fondement desquels la cassation va être
prononcée ; la seconde présente les éléments de fait et de procédure permettant de
conduire à la solution de l’arrêt (« Attendu selon l’arrêt attaqué que... ») ; la troisième
reprend le contenu de la décision adoptée par les juges du fond qui va être cassée
(« Attendu que pour accueillir la demande... ou, à l’inverse, pour débouter la
demande... ») ; la quatrième, enfin, expose le raisonnement de la Cour de cassation
qui énonce les raisons de droit qui la conduisent à prononcer la cassation de la décision
déférée (« Qu’en statuant ainsi, alors que... »). Enfin, suit le dispositif, c’est-à-dire, en
l’occurrence, la cassation et l’annulation de l’arrêt et son renvoi devant une autre juri-
diction du second degré.
16 EXERCICES CORRIGÉS DE DROIT DES SOCIÉTÉS
S’il est traditionnel de discriminer les arrêts de la Cour de cassation en arrêt d’espèce et
de principe, juridiquement, cette distinction n’a aucune valeur, les arrêts de la Cour de
cassation ne pouvant être hiérarchisés. Une numérotation permet néanmoins de
mesurer la portée que la Cour de cassation entend donner à ses propres arrêts. Cette
numérotation se retrouve au commencement de chaque décision ; elle est introduite
par un numéro (no 1653) suivi d’une ou plusieurs lettres (P, B et R). La lettre P signifie
que l’arrêt en cause sera publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation ; la lettre
B signifie que l’arrêt sera mentionné au Bulletin d’informations de la Cour de cassation,
la lettre R signifie que l’arrêt aura les honneurs d’un commentaire dans le rapport
annuel de la Cour de cassation. Ces quelques lettres peuvent déjà donner quelques
indications sur la portée de l’arrêt soumis au commentaire.
Concrètement, les arrêts de principe diffèrent dans leur rédaction selon qu’il s’agit d’un
arrêt de cassation ou d’un arrêt de rejet. Dans un arrêt de cassation, un arrêt de principe
se caractérise par le fait que le visa est suivi d’un chapeau, c’est-à-dire d’un attendu,
dans lequel les juges décident de rappeler le texte de la loi en cause dans l’espèce ou
un principe général du droit. Dans les arrêts de rejet, l’attendu de principe se retrouve
dans la partie du motif de la Cour de cassation introduite par la locution « Mais attendu
que... ».
2 • ÉLABORATION DU COMMENTAIRE
La première phase de tout commentaire d’arrêt réside dans l’analyse de l’arrêt que l’on
se propose de commenter. Cette analyse est une étape essentielle qui doit permettre de
dégager les éléments essentiels de l’arrêt soumis au commentaire. Au terme de l’ana-
lyse, le commentateur doit être à même de réaliser une introduction faisant apparaître,
d’une part, les diverses étapes judiciaires de la solution et, d’autre part, le problème de
droit soulevé par le litige qui a donné lieu à l’arrêt. Il est souvent nécessaire de placer la
décision dans son contexte juridique mais aussi social ou économique. La question est
au fond la suivante : quel en l’enjeu de cet arrêt pour la société ou dans les rapports
économiques. L’introduction est essentielle dans cet exercice car elle révèle très vite au
correcteur la compréhension du sujet et de la question de droit posée.
Pour ce faire, il importe de commencer, après avoir repéré la date de la décision et la
juridiction dont elle émane, par l’élaboration d’une reconstitution objective et aussi
exhaustive que possible des faits qui ont conduit à la saisine d’une juridiction. Puis, il
convient de retracer les diverses étapes procédurales que l’affaire a connues ; il s’agit
alors de bien faire ressortir quelles sont les diverses parties à l’instance (qui est l’auteur
de la saisine, qui a interjeté appel, qui a formé le pourvoi et, par décalque, qui est le
défendeur, l’intimé), leurs prétentions respectives ainsi que les arguments que les
parties présentent au soutien de celles-ci mais aussi les motifs et dispositifs de l’arrêt
d’appel (et/ou du jugement) retenus par les juges devant ces prétentions. Ensuite, il
importe de bien cerner et de bien isoler la ou les questions de droit qui sont posées
dans l’affaire soumise à la Cour de cassation et que l’on commence à discerner dans
les étapes précédentes ; c’est à une opération de qualification juridique que doit se
livrer le commentateur ; elle est essentielle pour correctement orienter le commentaire
à venir sur le cœur du sujet ; à ce stade, il est impératif de mettre en œuvre la technique
INTRODUCTION – Conseils méthodologiques 17
de raisonnement juridique qui génère un va-et-vient entre le droit et le fait : de la situa-
tion de fait s’induit une question de droit dont la réponse, générale et abstraite,
conduira à donner la solution au problème factuel posé. Enfin, il convient d’exposer la
solution retenue par la Cour régulatrice quant à la ou aux questions posées.
L’analyse d’arrêt réalisée, le commentaire de l’arrêt proprement dit peut commencer. À
ce stade, le commentateur devra faire preuve de rigueur dans l’exploitation des infor-
mations qu’il aura collectées tout au long de son analyse et d’esprit critique. Le
commentaire ne consiste jamais en une simple explicitation de la solution contenue
dans l’arrêt. L’objet même du commentaire est de faire appel à la critique ce qui, néces-
sairement, doit conduire le commentateur à se prononcer sur le bien-fondé de la déci-
sion, son opportunité, sa cohérence par rapport à l’ordonnancement juridique existant :
le juge a-t-il appliqué la règle de droit adéquate ; si oui, l’interprétation qu’il en a faite
était-elle conforme ; la solution est-elle heureuse d’un point de vue socio-économique ?
Pour ce faire, le commentaire de l’arrêt doit débuter par une introduction dans laquelle
il convient de reprendre l’essentiel des éléments issus de l’analyse que sont les faits, la
procédure, les prétentions respectives des parties, les décisions et motivations des diffé-
rentes juridictions, la question de droit en cause et débattue, la décision apportée par la
Cour de cassation et sa justification, sa motivation. L’exposé de l’ensemble de ces
données doit permettre au lecteur de connaître les points essentiels de la décision.
Cette première étape est suivie d’une seconde dans laquelle doit être formulée la
problématique c’est-à-dire le problème juridique soulevé par la décision et autour de
laquelle vont s’articuler les deux parties du commentaire. Le plan doit demeurer simple
et clair. À sa lecture, le correcteur doit parfaitement appréhender le sens de votre
démonstration. Les deux parties, qui font l’objet d’intitulés, doivent permettre de
répondre à la problématique posée. Chacune est introduite par un chapeau introductif
qui, bien souvent, annonce la question traitée dans le développement qui va suivre ainsi
que les deux sous-parties (qui peuvent également faire l’objet d’intitulés) et se termine
par une synthèse-transition qui doit reprendre l’idée générale qui vient d’être traitée
avant d’exposer celle qui suit. Le corps de chaque développement doit être l’occasion
pour le commentateur d’expliciter la solution ou certains de ses aspects en la remettant
en perspective tant à l’égard de l’évolution de la jurisprudence que des textes applica-
bles en la cause. Il opérera constamment un va-et-vient, d’une part, entre les solutions
retenues par les diverses juridictions ayant eu à connaître du litige, pour les opposer, les
rapprocher, les conforter l’une et l’autre, d’autre part, entre le droit positif (lois, règle-
ments, jurisprudence...) et les faits de l’espèce pour mieux confronter l’un et les autres.
Traditionnellement, il est enseigné que le commentaire d’arrêt n’exige pas une conclu-
sion. Cela est regrettable car la conclusion offre l’occasion de rappeler les temps forts
de la démonstration qui précède avant d’ouvrir le débat sur d’autres horizons de discus-
sion. Elle ne peut être, pour ces raisons, que vivement recommandée.
Le cas pratique
Le cas pratique est un sujet fréquemment proposé aux étudiants. Il est vrai que cette
épreuve répond à elle seule à de multiples finalités : contrôle du degré d’acquisition
18 EXERCICES CORRIGÉS DE DROIT DES SOCIÉTÉS
des connaissances, capacité à qualifier une situation de fait en termes juridiques, apti-
tude à mener un raisonnement juridique de type syllogisme, à apporter une solution à
une situation donnée. Elle est de surcroît proche du travail quotidien de nombre de
praticiens du droit (avocats, notaires, juges...) qui se doivent d’apporter des solutions
précises, sûres et durables à des situations complexes et, potentiellement ou certaine-
ment, conflictuelles.
Son objet est simple : il consiste en un exposé motivé des solutions juridiques applica-
bles à une situation donnée. Aussi, sa présentation emprunte-t-elle celui du récit d’une
histoire : des personnes entretiennent entre elles des relations génératrices de conflits,
de prétentions concurrentes auxquelles il convient d’apporter une solution de droit.
Ainsi, l’énoncé du sujet présente-t-il la situation de fait ainsi que les éléments la compo-
sant. Celui-ci peut ou non être suivi d’une série de questions auxquelles l’étudiant est
invité à répondre. S’il n’y a pas de questions posées, il revient à l’étudiant de se les
poser lui-même avec pertinence et discernement. Cela suppose, au préalable, que la
lecture attentive et répétée de l’énoncé ait permis d’isoler les faits pertinents de ceux
qui ne le sont pas. La sagacité de l’étudiant est ici mise à l’épreuve.
Les faits entrant dans la première catégorie doivent alors être rattachés à une catégorie
juridique. Les faits sélectionnés doivent faire l’objet d’une qualification juridique ; ainsi,
l’opération par laquelle une personne s’engage à livrer une chose à une autre moyen-
nant le versement d’une somme d’argent s’analyse en un contrat de vente ; le fait pour
le dirigeant d’une société à risque limité de conclure un contrat de fournitures avec une
société dans laquelle il est aussi dirigeant conduit à la mise en œuvre de la procédure
des conventions réglementées.
Cette opération de qualification permet de dégager le régime juridique applicable à la
situation ou à l’acte en cause et d’amorcer un processus qui doit conduire à l’énoncé
d’une solution. Le syllogisme juridique doit permettre de parvenir à ce résultat : il
consiste à mettre en relation les faits et la règle de droit entendue largement. Pratique-
ment, l’analyse des faits doit conduire à identifier une situation à laquelle correspond
une qualification juridique. De celle-ci, découle un régime juridique qu’il convient
d’appliquer à la situation donnée.
Au plan de la forme, le cas pratique ne nécessite pas d’introduction. Cet exercice
débute soit par la reprise (dans leur ordre) des questions figurant à la fin de l’énoncé,
soit par un rappel succinct des faits servant de base à l’opération de qualification. Suit
le développement qui doit faire apparaître la démarche retenue pour parvenir à la solu-
tion. Cette solution fera office de conclusion. S’agissant de cette dernière, quelques
précisions doivent être apportées. Il se peut que le problème posé par les faits connaisse
une et une seule solution, même au prix d’un raisonnement par analogie, a fortiori ou a
contrario ; dans ce cas, la conclusion réside dans l’énoncé motivé de cette solution.
Il se peut aussi que les faits conduisent à l’identification de deux solutions, soit qu’elles
existent légalement (par exemple : action en résolution d’une vente ou demande
tendant à l’exécution forcée), soit qu’il existe une opposition jurisprudentielle (par
exemple : opposition entre les chambres civile et commerciale de la Cour de cassation
quant au sort à réserver aux promesses unilatérales de vente de droits sociaux à prix
plancher) ; il convient alors, soit de présenter les deux solutions, soit d’opter pour l’une
ou l’autre en motivant son choix.
INTRODUCTION – Conseils méthodologiques 19
Enfin, il se peut que les faits ne soient pas suffisamment complets pour apporter une
réponse définitive à la question posée ou identifiée ; dans une telle occurrence, il
convient d’émettre des hypothèses supplémentaires à partir desquelles diverses solu-
tions seront apportées (par exemple : cession d’un actif par le dirigeant seul ; le diri-
geant en a-t-il le pouvoir ?
Tout dépend de la rédaction des statuts et de la pérennité de la société : si le bien est
visé par la clause des statuts relative à l’objet social et que sa cession interdit toute
nouvelle activité, il n’en a pas le pouvoir ; dans le cas inverse, il dispose de ce pouvoir
d’aliénation).