19 Mars 2962 Waterloo
19 Mars 2962 Waterloo
19 MARS 1962 ?
WATERLOO !
Conséquences et interprétations
des accords d'Évian
Waterloo !
Michel Delenclos
19 mars 1962 ?
Waterloo !
Conséquences et interprétations
des accords d’Évian
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PREFACE
Le titre de cet ouvrage est emprunté à l’affirmation d’un des négociateurs d’Evian, Bruno
de Leusse : « On ne fête pas Waterloo ! » Cette expression est le point de départ d’une re-
cherche de bénédictin qui rappelle les ouvrages précédents de l’auteur : « Algérie : la guer-
re des sigles », et « Les Mots des uns... Les Maux des autres. L’Algérie et la France ».
Cette fois-ci, l’auteur fait l’inventaire exhaustif de tout ce qui a été dit et écrit sur les soi-
disant accords d’Evian par les acteurs de la guerre d’Algérie : membres du gouvernement,
négociateurs, les députés et sénateurs et, plus proche de nous par les élus nationaux, les as-
sociations et les historiens. Une véritable mine d’or pour les chercheurs.
On découvre aussi des réalités oubliées. Par exemple, le trucage du référendum d’au-
todétermination, résultant de la décision de Chawki Mostefaï de ne poser qu’une question
aux électeurs, et donc de minimiser le désir de coopération de la majorité ; cette décision
fut suivie du bourrage des urnes. Mais également sur l’emploi fréquent, par le chef de l’Etat
français, du référendum par le biais de l’Article 11 que les juristes qualifient d’anticonsti-
tutionnel.
Autre réalité, le rappel des effectifs militaires et des pertes, en particulier de plus de 400
militaires dont la liste reste à confirmer, et la profanation des cimetières militaires et civils.
De riches annexes reproduisent les directives du général de Gaulle aux premiers négo-
ciateurs, la loi algérienne de 1991 fixant les droits des moudjahidines, le manifeste des 521
officiers généraux ayant servi en Algérie, et l’analyse de René Mayer démontrant que les
dits accords d’Evian n’ont aucune validité juridique ni diplomatique.
En conclusion, l’auteur fait le procès de la guerre des mémoires qui reflète des règlements
de compte idéologiques. Il exprime le vœu d’une écriture commune de l’histoire, de sor-
te que les relations franco-algériennes, suivant le mot d’Abderrhamane Fares, « ne soient
pas le cimetière des occasions manquées ».
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Livre ouvert à
Voici cette phrase prémonitoire qu’écrivait déjà dans « Carrefour », le 27.06.1956, le sé-
nateur d’Indre-et-Loire, Michel Debré, futur Premier ministre sous de Gaulle :
« Ce que ne veulent pas comprendre les falots personnages qui jouent avec les destinées
de la France, c’est qu’il n’y aura jamais de répit dans la « guerre sainte » qui nous a été
déclarée. A une « guerre sainte », on ne répond pas par des paroles d’apaisement ni par
des conventions. Les paroles d’apaisement sont prises pour une capitulation et les conven-
tions sont violées avant que sèche l’encre des signatures ».
AVANT-PROPOS
(2) FRANCOIS Laurent (1932-31.10.1954). Blessé, il sera achevé par des terroristes du « FLN » à Cassaigne, à 23h45.
C’est ce que le journal algérien « L’Expression » confirmera, le 01.11.2001 : « En effet, c’est bien avant l’heure
prévue que la première balle fut tirée, et le premier Français éliminé à 23h45, le 31.10.1954. Cette nuit-là, le nommé
Laurent François... ».
Après avoir négocié finalement avec le seul « FLN » - ayant écarté toutes les autres ten-
dances, pourtant majoritaires - et satisfait à toutes les exigences, manifestées dès le 01.11.1954,
de ce parti totalitaire, de Gaulle proclamait l’indépendance de l’Algérie, le 03.07.1962. Les
« déclarations gouvernementales » étaient publiées au « JORF » du 19.03.1962. Sept années
et huit mois s’étaient écoulés auparavant, après l’échec de 7 gouvernements sous
la IVème République, et, au vu des ambitions affichées et d’une guerre intensifiée, sous
la Vème République.
Les terroristes, depuis le début de ces événements, constatant que le peuple algérien,
dans son ensemble, ne s’était pas insurgé, vont mener une guerre très particulière : la guer-
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re révolutionnaire. (*). Celle-ci consiste et consistera, surtout, à tenter de conquérir la po-
pulation de gré ou de force, laquelle préférera, humainement, le statut d’otage ou de « com-
plice », à celui de cadavre (**). Ainsi, le « FLN » procédera à des dizaines de massacres
collectifs au cours desquels, femmes, enfants, bébés ou vieillards seront égorgés, dépecés,
éventrés. Les fermes, les écoles furent détruites, incendiées et le bétail égorgé. Face à ce
terrorisme, le gouvernement navigue à la godille, tergiverse, voire laisse la situation de
l’Algérie se dégrader. L’armée même, au début de ce terrorisme, est obligée de rendre
compte de ses actions aux gendarmes ou, par devant les tribunaux. Quant à la diplomatie
française, elle balbutiera entre promesses aux Algériens (habitants de l’Algérie) et ren-
contres secrètes avec le « FLN ». Puis, dès 1955, comme nous le rappelle le commissaire
principal Roger Le Doussal, le « FLN » passera au terrorisme urbain, plus spectaculaire et
médiatique, tout en poursuivant les sabotages, les embuscades, dans le bled. Les poseuses
de bombes vont œuvrer sans état d’âme, tuant sans distinction tous ceux qui se trouvent
dans les bars, casinos, terrains de sport, sortie d’écoles, arrêts de bus, etc. La masse mu-
sulmane sera la proie du « FLN » qui s’impose à elle par la peur, la terreur, le fanatisme
et le sadisme, finissant par ébranler la population dans sa fidélité, notamment lorsque le
pouvoir légitime est lui-même en difficulté, face à cette guerre particulière. Cependant,
l’armée française reprendra l’initiative, notamment en janvier puis en juin 1957, lors des
opérations de police qui lui sont confiées, en démantelant la structure du « FLN » et les ré-
seaux bombes de la casbah d’Alger.
(*) Comme le rappelle, l’agrégé d’histoire et journaliste, Jacques Julliard, dans « Le Nouvel Observateur » du
10.05.2001 : « Après la Toussaint de 1954, incapable de provoquer un soulèvement généralisé, le « FLN » a eu re-
cours à la terreur et aux atrocités. » J. Julliard était en Algérie comme officier d’action psychologique, en 09/1959. Face
aux tueries collectives répétées de la population musulmane, par le « FLN » - comme celle de Melouza, le 28.05.1957 :
301 villageois, femmes et enfants compris massacrés -, le quotidien « Le Monde » du 02.06.1957, soulignait : « Pour
retrouver l’écho de si sauvages tueries, il faut remonter à Katyn et Oradour... » .
(**) Le 16.02.1956, à propos des « rebelles », le président du Conseil, Guy Mollet, faisait ce constat : « Les exécu-
tions quasi rituelles et les sanctions barbares font peser sur la population musulmane une terreur qui la contraint
souvent à devenir complice » .
Faute d’agréger les musulmans à leur cause, le « FLN » cherchera aussi l’affrontement
entre les communautés. Mais, il utilisera aussi une autre arme, celle de la diplomatie à
l’ONU - qualifiée de « machin » par de Gaulle - , puis, avec les pays de l’Est, la Chine, etc.
cherchant à courtiser notamment les pays communistes, comme le fera remarquer le géné-
ral Maurice Challe, commandant en chef en Algérie. Ainsi, le « FLN » finira, à sa ma-
nière, par acquérir une stature internationale. Le « FLN », nous le verrons, saura aussi
utiliser la propagande et l’action psychologique, notamment auprès de l’armée française
de ses prisonniers et de leur famille. « L’ « ALN », pour s’imposer à l’ensemble du pays,
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use simultanément de trois moyens : la persuasion, l’organisation, mais aussi la terreur. »
(Constat du Colloque de Montpellier du 20 au 22.06.2006, pour une histoire critique et ci-
toyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne. L’ « ALN » face à l’armée française).
Nous allons ici, nous intéresser aux faits marquants de cette guerre menée par la
France en réaction au « FLN » jusqu’à l’indépendance de l’Algérie, au travers des
actions, des déclarations et des politiques marquantes, conduites par l’une et l’autre
partie. Pour demeurer dans le contexte, et se soustraire à l’anachronisme, nous reprodui-
sons des déclarations, des serments - ou plutôt des faux-serments (que V. Hugo qualifiait
de crime) - , des documents officiels, mais également les analyses et commentaires d’his-
toriens, politologues ou journalistes. Nous verrons que, dès son arrivée au pouvoir en
juin 1958, de Gaulle aura un vocabulaire délibérément fluctuant. Il mettra en œuvre une
politique plus répressive, la plus dure que la guerre d’Algérie ait connue. Pour mieux com-
prendre l’évolution, les tensions et les incompréhensions, de ce qui deviendra une tragé-
die humaine, nous consulterons également les lois et décrets, « l’accord de cessez-le-feu »
et les « déclarations gouvernementales », les notes et messages des autorités civiles et
militaires, le processus particulier du référendum d’autodétermination et les analyses qu’en
ont faites notamment les juristes. Nous écouterons les députés à l’Assemblée nationa-
le qui, au lendemain même du 19.03.1962, constatent que le cessez-le-feu n’est res-
pecté qu’unilatéralement et relatent, face à un gouvernement impavide, les crimes et
exactions commises, au quotidien, par le « FLN », en contravention flagrante avec
l’ « accord de cessez-le-feu ». Puis, nous nous intéresserons en particulier du sort des mi-
litaires prisonniers et de la vaine recherche des disparus, du devenir des sépultures, jus-
qu’en juillet 1964, et de l’intérêt ou du silence dont ils ont été l’objet de la part des gou-
vernements successifs français, jusqu’à aujourd’hui. de Gaulle hâtera l’indépendance de
l’Algérie, au prix de l’abandon de milliers de harkis, de disparus et de l’exode de plus d’un
million d’Européens.
Cette guerre révolutionnaire a meurtri physiquement, mais également a causé des bles-
sures aux cœurs et aux âmes, des civils comme des soldats. Le temps de la Mémoire et
de l’Histoire en particulier, après le silence des armes, nous fera découvrir, à l’écoute des
gouvernants, des députés, sénateurs et maires de France, des associations d’anciens com-
battants - pour ou contre la commémoration du 19 mars - que cette guerre d’Algérie se
poursuit, de nos jours, par la « jactance » - comme l’écrira l’historien Raoul Girardet - ,
par le clientélisme de certains de ceux qui prétendent à des fonctions électives, mais aus-
si par l’oubli, pour d’autres, des victimes civiles et militaires et de leur famille, par de vé-
ritables bagarres sur le statut des morts : les veuves seront-elles veuves de guerre et les
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orphelins, pupilles de la Nation ? Par une narration idéologique et médiatique aux données
faussées et à sens unique, comme en témoigne - entre autres - encore récemment les re-
portages journalistiques ou télévisuels d’octobre 2011, rappelant en fait, le défi que lançait
le « FLN » à de Gaulle, le 17.10.1961 dans Paris.
Delenclos Michel Henri, chercheur en histoire contemporaine
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Chapitre 1 : L’ « ACCORD »
A la suite des entretiens secrets qui s’étaient déroulés aux Rousses, entre la délégation
française et celle du « FLN », du 11 au 18.02.1962, l’ouverture de la négociation officiel-
le entre ces deux parties était annoncée simultanément à Paris et à Tunis, dans la soirée du
05.03.1962. La première séance sera ouverte le 07.03.1962, en fin de matinée. Il est à
souligner que les procès-verbaux, reproduits dans l’ouvrage intitulé « Vers la paix en
Algérie » sous la direction de l’historien Maurice Vaïsse (voir Bibliographie), conservés
dans le fonds du secrétariat d’Etat aux Affaires algériennes (carton 112), sont incomplets :
il n’en existe aucun pour la période du 12 au 17 mars. Et, le rédacteur de cette infor-
mation ajoute : « Il se pourrait que le rédacteur de ces procès-verbaux n’ait pas assisté à
toutes les séances ».
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(1) Les négociateurs français abandonneront l’idée d’un procès-verbal, en revanche, ils jugent inapproprié le terme
d’« accords ». Finalement, le titre, « beaucoup plus neutre » (*), « Conclusion des pourparlers d’Evian » est adopté
par les deux parties. Le document signé, composé de 93 pages, donne l’apparence d’un traité international. Ce titre de
la version originale, ne sera pas retenu en France pour des raisons juridiques. (*) Terme utilisé dans son ouvrage
par R. Malek.
(2) Consulter le chapitre « Travaux des Historiens » : 1989, Xavier Yacono. Le professeur agrégé, Michel Lesage (*),
dans « Les procédures de conclusion des accords internationaux », précise : « Les « accords d’Evian » du 19.03.1962
entre le gouvernement français et le « FLN » n’étaient juridiquement, à l’origine, qu’une convention passée entre le
gouvernement français et un groupement privé... Les autres conventions (outre le « cessez-le-feu ») ont été publiées
au Journal Officiel du même jour, sous la forme de déclarations gouvernementales. » (JORF du 20.03.1962) (M. Lesage,
voir Bibliographie).
(*) LESAGE Michel. Professeur agrégé à la Faculté de droit et des sciences économiques de Lille.
(3) JOXE Louis (16.09.1901-06.04.1991). Ministre de l’Education nationale. Par décret du 22.11.1960 (JORF du
23.11.1960), est nommé ministre d’Etat chargé des Affaires algériennes jusqu’au 28.11.1962, et, le 03.12.1960, la
Délégation générale en Algérie et le Secrétariat général pour les affaires générales sont placés sous son autorité. Au soir
de la signature des « accords », de Gaulle l’interroge : « Alors, Joxe, vous avez bientôt fini avec vos bicots ? » Le
19.04.1962, lors du Conseil des ministres, il refuse les conclusions du rapport Masseret favorables à d’importants ra-
patriements de supplétifs. Voici une note du 07.04.1962 qu’il adresse à C. Fouchet, à propos notamment du sort ré-
servé aux Harkis qui ont combattu aux côtés de l’armée française : « Il est possible que dans les semaines ou les
mois à venir, un certain nombre de personnes engagées en Algérie aux côtés de l’Administration ou de l’Armée se
trouvent particulièrement menacées et demandent notre assistance pour la protection tant de leurs personnes et celles
de leurs familles que de leurs biens. En ce qui concerne les harkis, les moghaznis et les engagés, les textes pris per-
mettent de maintenir ou d’établir certains liens entre les intéressés et l’Armée. On peut, dès lors, escompter que la si-
tuation de ces personnes sera suivie particulièrement par l’Armée. Il conviendrait d’y veiller et je vous serais obligé
de me tenir informés des dispositions prises. On ne devra pas hésiter à regrouper et à protéger ceux qui se trouve-
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raient effectivement menacés, et le cas échéant, en cas de nécessité, les acheminer vers la métropole. Il importe, d’autre
part, de voir quelle assistance appropriée nous serions en mesure de fournir à certains élus, fonctionnaires et particu-
liers qui, en raison des positions qu’ils auront prises dans le passé, pourront courir des risques accrus, nonobstant l’in-
tervention des accords avec l’adversaire. Sans doute, disposons-nous à leur égard des possibilités de replis et de re-
classement en métropole qui sont offertes par la loi Boulin, désormais applicables à l’Algérie. Ces possibilités peuvent
d’ailleurs bénéficier, tant aux Français de statut local (*), qu’à ceux de souche européenne...(Mais il y a un « Mais »)
Mais il importe avant tout et dans l’immédiat, d’organiser et d’assurer l’assistance et la protection en premier res-
sort et en Algérie même, des personnes en cause, au moyen de dispositions appropriées, celles-ci pouvant être à la li-
mite, le retrait des intéressés du territoire algérien et leur installation en métropole... ». Pour L. Joxe, la principale préoc-
cupation c’est de laisser ces personnes sur place, en Algérie. Puis, le 18.04.1962, il demande à connaître les effectifs des
personnes engagées aux côtés des forces de l’ordre ou de l’Armée susceptibles d’être rapatriées en métropole, mais à
une condition expresse : « Cette liste ne devra être établie qu’après avoir épuisé toutes les possibilités de reclassement
des intéressés en Algérie même... ». Le 28.08.1962 à Paris, dans le cadre de la déclaration des garanties et de la décla-
ration de principes relative à la coopération technique, il signe, avec Abderrahmane Fares pour l’Exécutif provisoire
algérien, un protocole judiciaire entre le gouvernement de la « RADP » et le gouvernement de la République françai-
se. Le 03.09.1962, L. Joxe s’adresse à Jean-Marcel Jeanneney - nommé ambassadeur en Algérie - : « Cependant le
problème posé par les Musulmans qui ont déjà trouvé refuge auprès de l’armée demeure. Leur abandon est difficile à
envisager ; par ailleurs, leur maintien en Algérie accroît les risques d’incidents avec l’ALN, tout en étant de nature à
affecter le moral de notre armée. (Certains centres vont être fermés en Algérie)... Nous ne pouvons, à mon avis, nous
soustraire à l’obligation morale de replier, sans plus attendre, ces musulmans sur la métropole. » Pourtant, il y a déjà
plus de cinq mois que les enlèvements de harkis ont commencé.
(*) En réalité « Statut civil de droit local ». Il s’agit d’une législation particulière aux Français d’Algérie. Il concer-
ne les Musulmans ayant conservé le bénéfice de la loi islamique, des Juifs du Sahara ayant conservé la loi mosaïque.
58.000 citoyens musulmans de « statut local » participaient à l’élection des élus à l’Assemblée algérienne, instituée par
le statut de 1947. Le 08.12.1958, 66 députés d’Algérie (Musulmans et Européens) présentaient une Charte à l’Assemblée
nationale qui est applaudie par 450 députés présents : « ...Promotion française des citoyens de statut local pour leur
évolution, dans le cadre de la citoyenneté française ». Dans un message « extrême urgent du 10.03.1962 - suite au com-
muniqué de P. Messmer du 08.03.1962 - , le général Emmanuel Hublot - chef d’état-major des forces armées en
Algérie - lui répond : « Obscurités subsistent sur sort musulmans droit local (les supplétifs musulmans). Perdront-
ils automatiquement nationalité française ? Auront-ils mêmes possibilités que Français de souche pour installation
métropole ? Cette faculté sera-t-elle maintenue au lendemain du référendum quand se posera pour certains d’entre eux
la question de vivre sous un régime dont ils ont été adversaires ?... Il est encore difficile de faire comprendre aux
cadres qu’il y a intérêt pour l’Algérie nouvelle que les musulmans qui ont été à nos côtés restent sur place... nombreux
cadres auraient le sentiment une fois de plus de ne pas tenir leur parole et de trahir confiance de leurs compa-
gnons de lutte ». Le 13.03.1962, dans son message à tous les corps d’armée et zones, sous ne n° C703 CSFA/EMI/MOR,
le général Charles Ailleret « commandant supérieur » interarmées, affirme : « les habitants musulmans de statut lo-
cal perdront la nationalité française s’ils demeurent en Algérie ». Quant au député « UNR » du Tarn, A. Vidal
(**), il demande, le 07.04.1962, un aménagement du code civil pour permettre aux musulmans d’opter pour le statut ci-
vil : « On n’affronte pas un avenir difficile comme celui des rapports difficiles franco-algériens, avec une mauvaise
conscience. Les accords sont muets sur un point fondamental, qui est celui de la citoyenneté des musulmans de
statut local et celui de la citoyenneté d’ex-musulmans de statut local, c’est-à-dire de la grande majorité de la popu-
lation musulmane. Il n’est pas admissible que la citoyenneté française puisse être retirée à ceux qui désirent la
conserver. A vrai dire, chaque membre de cette population est libre jusqu’au scrutin d’autodétermination d’opter pour
le statut civil de droit commun. Mais, en raison de la confusion, propre à l’islam, entre religion et code civil, il de-
vient un renégat aux yeux de ses coreligionnaires. La France a le temps d’aménager son code civil en conséquence,
et d’annoncer assez haut pour que chacun l’entende, que cette option peut désormais être prise sans sortir de l’orthodoxie
coranique. » A partir du 03.07.1962, ils deviendront algériens. Une ordonnance du 21.07.1962, dans son article 2, leur
permet, ainsi que leurs enfants, de recouvrer en France la nationalité française, à condition de résider sur le territoire
français et de souscrire « une déclaration recognitive de nationalité française » devant le juge d’instruction. A ce
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sujet, le professeur américain, William Zartman (Voir Bibliographie) notait : « La France comme l’Algérie soutin-
rent que le Code était conforme aux accords, le ministre algérien de la Justice ajoutant, en effet, que s’il ne l’était pas,
la France avait déjà violé les accords en matière de nationalité, par cette ordonnance, qui conférait aux Algériens
non musulmans la double nationalité refusée à Evian par le « GPRA ». »
(**) VIDAL André (18.12.1908-27.09.1984) né à Constantine (Algérie française). Député « UNR » du Tarn du 09.12.1958
au 09.10.1962.
(4) BELKACEM Krim (15.12.1922-18.10.1970). Alors ministre de la Guerre, en inspection à la base de l’ALN de
Gardimaou, il est accueilli le 12.04.1959, aux cris de : « Vive de Gaulle ! », « Vive la paix ! » Le 01.11.1960 à Casablanca,
en présence du roi du Maroc, Moulay Hassan, il affirmait : « Nous éjecterons les Français quatre par quatre ! ». Il dé-
sapprouvera la politique d’A. Ben Bella, dès l’indépendance, en créant le Comité de défense et de liaison de la République
« CDLR », avec Mohand Ou El-Hadj et Mohamed Boudiaf. Il s’installe alors à Tizi-Ouzou pour organiser la résistan-
ce. Puis, il s’installe en France. Le 18.10.1967 à Paris, il annonce la création du Mouvement pour la Défense de la
Révolution Algérienne « MDRA ». Accusé de trahison, il est condamné à mort par contumace, le 07.04.1969. Il sera
étranglé, dans un hôtel palace de Francfort, par le « FLN », avec sa propre cravate.
(5) BURON Robert. (27.02.1910-28.04.1973). Docteur en droit et sciences politiques. Dans son livre « Carnets poli-
tiques de la guerre d’Algérie par un signataire des accords d’Evian », publié en 1965, il rappelle : « Le chef de l’Etat
ne cessait de harceler et d’éperonner sans relâche Joxe, de Broglie et moi-même pour que l’accord avec les fella-
ghas fut conclu à tout prix, en toute hâte, à n’importe quelle condition. Il fallait bâcler ce prétendu accord en lâ-
chant tout y compris le Sahara. Y compris encore et surtout les hommes et les femmes qu’on livrait à la cruelle ven-
geance des vainqueurs ». En 1959, lors de l’inauguration de l’aéroport de La Sénia-Oran, il assure que : « Si nous avons
investi des milliards pour la réalisation de cette œuvre magnifique, c’est pour vous démontrer que le France est dé-
cidée à rester ici et, pour longtemps » (Voir Bibliographie).
(6) BROGLIE Jean de (21.06.1921-24.12.1976). Maître des requêtes au Conseil d’Etat. Secrétaire d’Etat auprès de
M. Debré, chargé du Sahara et des « DOM-TOM » du 24.08.1961 au 14.04.1962. Il participera aux négociations se-
crètes aux Rousses, avec le « FLN ». Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, G. Pompidou, chargé des Affaires
algériennes du 28.11.1962 au 07.01.1966, succédant à L. Joxe. En 09/1963, il déclare : « Force est de constater que,
sous l’emprise des circonstances, l’Algérie s’est éloignée des perspectives d’Evian et cherche avant toute chose à
traduire dans les faits les aspirations du programme de Tripoli... Nous allons vers une simple coopération d’Etat à
Etat plus rigoureuse dans ses structures et plus fortement soucieuse des problèmes économiques français. » Puis, lors
d’une conférence de presse, le 04.11.1964, il souligne que : « L’Algérie constituait la porte ouverte par où passe toute
la politique française vers le Tiers Monde. Une brouille entre la France et un autre pays du Maghreb représente une
simple tension bilatérale, mais une brouille avec l’Algérie... peut mettre en péril les efforts de notre diplomatie dans
le monde entier... ». Créateur de sociétés, notamment de « Bricom », en association avec l’Algérien Akli Rahal, an-
cien chef des services spéciaux algériens et, comme tel, surveillé par la « DST ». Il est notamment lié à tous les repré-
sentants des milieux officiels algériens et, en particulier de Mohamed Khider, après que celui-là eut détourné en sa fa-
veur le trésor de guerre du « FLN ». En 1971 et 1972, il aide à écouler le pétrole algérien dont les grandes compagnies
françaises avaient interdit l’achat. Il est assassiné à coup de révolver, alors qu’il sortait de chez son conseiller fiscal, Pierre
de Varga. Aucun membre du gouvernement de l’époque n’assistera à ses obsèques...
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Il est à noter, dans ce document officiel ci-dessus, cette phrase : « ...le présent document
a été signé... par le représentant du Front de Libération Nationale, président de la Délégation
du « FLN » (*). Or, dans son ouvrage « l’Algérie à Evian », Redha Malek rectifie et rem-
place : « président de la Délégation du « FLN », par : « président de la Délégation algé-
rienne. » Ainsi, R. Malek veut souligner, sinon rappeler, que « le « FLN » est le seul in-
terlocuteur valable » pour tous les Algériens... et, non pas seulement, un parti unique. A
cet égard, il est parfaitement à l’unisson de de Gaulle. A quel prix, avant le cessez-le-feu,
après le 19.03.1962 et... jusqu’à nos jours, le « FLN » est-il resté le seul représentant en
Algérie ? Pourtant, l’Histoire nous rappelle que le 05.09.1960, lors de sa conférence de
presse, le président de la République française, de Gaulle, martelait qu’il ne céderait
pas ni devant les activistes opposés à l’autodétermination, ni devant l’ONU, ni même de-
vant le « FLN » : « Qui peut croire que la France, sous le prétexte - d’ailleurs fallacieux -
d’arrêter les meurtres, en viendrait à traiter avec la seule organisation extérieure de la
rébellion, avec les insurgés, de tout l’avenir politique de l’Algérie, en viendrait à les bâ-
tir comme la représentation unique de l’Algérie toute entière, bref à admettre que le droit
de la mitraillette l’emporterait d’avance sur celui du suffrage ! » Le 23.05.1961, lors de
la conférence d’Evian qui se déroulait du 20 mai au 13.06.1961, Ahmed
Boumendjel - représentant la délégation du «FLN» - demandera à L. Joxe s’il considère
les membres du « GPRA » (**) comme les « représentants authentiques du peuple algé-
rien » ; L. Joxe répondra par la négative, estimant seulement que les membres de la délé-
gation du « FLN » sont les « représentants des combattants ».
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(*) Comment les interlocuteurs d’Evian sont-ils désignés du côté français, quels qualificatifs leur attribuaient-ils ?
Quelle valeur juridique accordaient-ils aux « accords » d’Evian ? Dans son message au Parlement du 20.03.1962, le pré-
sident de la République, C. de Gaulle, souligne que : « L’ensemble des dispositions arrêtées en conclusion des négo-
ciations d’Evian avec les représentants du « FLN » et des consultations menées auprès d’autres éléments représenta-
tifs algériens (lesquels ?) se trouve maintenant formulé dans les déclarations gouvernementales du 19.03.1962. » (JO-
AN du 21.03.1962). Puis, le 20.03.1962, lors de sa déclaration à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, M. Debré,
précise : « Ce cessez-le-feu ne pouvait pas être recherché tant que notre armée n’avait point assuré, d’une manière in-
discutée, l’autorité de la France sur l’ensemble du territoire. Quand cela eut été fait, renouvelant des offres faites dès
septembre 1958, le général de Gaulle, et avec lui le gouvernement, ont proposé aux chefs de la rébellion des pourpar-
lers en vue d’un cessez-le-feu. » (JO-AN du 21.03.1962). De son côté, le ministre chargé des Affaires algériennes, L.
Joxe, à la tribune du Sénat le 20.03.1962, apporte des précisions : « Voyons, maintenant, la valeur de ces textes. M.
Dailly, d’autres encore ont posé des questions sur les garanties qu’ils représentaient. Certes, le travail qui s’est fait n’est
pas un travail de gouvernement à gouvernement et il ne s’agit pas d’un engagement international. Nous n’avons pas
reconnu le « GPRA » et nous signons un cessez-le-feu avec le « FLN », mais il est bien certain que tout se tenait et que,
si nous n’avions pas établi et noué l’ensemble s’il n’y avait pas eu des perspectives et des garanties d’avenir, il n’y au-
rait pas eu de cessez-le-feu. Nous avons donc signé avec des combattants, mais ce n’est pas une raison pour que l’Algérie
future ne soit pas liée... En ce qui concerne le « FLN » en tant que mouvement politique, il s’est engagé à militer
pour l’indépendance dans la coopération avec la France ; ce sont les premiers propos, d’ailleurs, qu’a tenus M. Ben
Khedda dans ses déclarations qui ont fait tant de bruit, mais je ne m’attarde pas sur cet aspect des choses. » (JO-Sénat
du 21.03.1962). A son tour, dans sa déclaration d’investiture du 26.04.1962, le nouveau Premier ministre, Georges
Pompidou, constate : « En fin de compte, au terme de sept années de souffrance, le cessez-le-feu est intervenu. Les di-
rigeants de la rébellion ont accepté le principe de l’autodétermination, conforme aux traditions de notre pays et à l’é-
volution du monde. » (JO-AN du 27.04.1962). En conclusion, les représentants français aux négociations d’Evian ont
signé avec les « représentants du « FLN », des « chefs de la rébellion », des « combattants », un « mouvement po-
litique », des « dirigeants de la rébellion ». Pourvu de ces représentations, les signataires algériens ne peuvent aucu-
nement engager un futur gouvernement algérien et puis, il y avait eu les déclarations solennelles, sans équivoque ap-
parente, comme celles-ci : Le président de la République, de Gaulle, se voulant rassurant, déclarait, le 30.01.1959 :
« Comment, pouvez-vous écouter les menteurs et les conspirateurs qui vous disent qu’en accordant le libre choix
aux Algériens, la France et de Gaulle veulent se retirer de l’Algérie, et la livrer à la rébellion ? » D’ailleurs, le 13.10.1959,
le Premier ministre, M. Debré, péremptoire, affirmait : « C’est la mission de la France de demeurer en Algérie et avec
tous les habitants de l’Algérie... Le retour au droit, ce n’est pas, ce ne peut être la reconnaissance d’une prétendue
souveraineté algérienne. Il n’y a pas de souveraineté algérienne. Il n’y en a jamais eu... Le retour au droit ce n’est
pas davantage, ce ne peut être une négociation politique avec les dirigeants de la rébellion. Les hommes qui se sont
placés à la tête des éléments rebelles n’ont reçu aucun mandat et le terrorisme n’a jamais donné de titres juri-
diques, pas plus que n’en donne l’appel à l’étranger ou l’obéissance à des éléments étrangers... ». Dans son livre « La
tragédie du général », l’historien J-R. Tournoux (voir Bibliographie) relevait cette phrase de de Gaulle : « Je ne li-
vrerai pas l’Algérie au « FLN », à cette clique de gens qui n’existent pas et qui sont incapables de se gouverner. »
(**) A l’issue de la réunion du « GPRA » à Tripoli, du 28.08.1961 au 02.09.1961, Benyoucef Ben Khedda succè-
de à Ferhat Abbas à la présidence. A cette annonce, le gouvernement français réplique : « Le prétendu « GPRA »
ne saurait obtenir une reconnaissance juridique, car il ne s’appuie pas sur le consentement du peuple, n’est déposi-
taire d’aucune souveraineté, n’a aucune assiette territoriale et aucun appareil étatique et ne possède ni la volonté ni
la capacité de remplir des obligations internationales. »
18
I – CONDITIONS et GARANTIES de l’AUTODETERMINATION.
En ce qui concerne « l’accord de cessez-le-feu » (*), il est stipulé :
Article 1er : « Il sera mis fin aux opérations militaires et à toute action armée sur l’en-
semble du territoire algérien le 19.03.1962 à 12h00. »
Article 2 : « Les deux parties s’engagent à interdire tout recours aux actes de violence col-
lective et individuelle. Toute action clandestine et contraire à l’ordre public devra prendre
fin. »
Article 6 : « En vue de régler les problèmes relatifs à l’application du cessez-le-feu, il
est créé une Commission mixte du cessez-le-feu. »
Article 11 : « Tous les prisonniers faits au combat détenus par chacune des parties au mo-
ment de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu seront libérés ; ils seront remis dans les 20
jours à dater du cessez-le-feu aux autorités désignées à cet effet. Les deux parties infor-
meront le Comité international de la Croix-Rouge du lieu de stationnement de leurs pri-
sonniers et de toutes les mesures en faveur de leur libération. »
(*) Du 04 au 10.01.1962, réuni à Mohammedia, le « GPRA » examine les divers documents que lui avait fait par-
venir le gouvernement français au sujet du cessez-le-feu, des questions militaires, de l’autodétermination et d’un
éventuel Exécutif provisoire. Cet accord de cessez-le-feu a été publié, sans signature, au « JORF », le 20.03.1962.
Le professeur Maurice Flory (1) précise : « Le premier texte reproduit par le « JORF » du 20.03.1962, est intitulé
« Accord de cessez-le-feu en Algérie ». Sa présentation indique l’ambiguïté de sa nature juridique. Il n’est pas publié
sous la forme d’un traité ; il n’est assorti d’aucune signature ; son caractère bilatéral découle uniquement du terme
« Accord ». Le gouvernement français, pas plus que le « GPRA », n’apparaissent à aucun moment. L’article 1er se
contente de la formule volontairement imprécise : « Il sera mis fin aux opérations militaires ». L’article 2 parle des
« deux parties ». Les articles 3 et 4 nous révèlent quelles sont ces « deux parties » : « les forces combattantes du
« FLN » et « les forces françaises ». Cette terminologie prudente indique la volonté de ne pas placer cet accord au
niveau des gouvernements, mais à celui des militaires. » Le quotidien « Le Monde » du 30.03.1962, reprend les pro-
pos tenus, lors de la déclaration à la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, par le ministre des
Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville : « M. Couve de Murville a, d’autre part, confirmé que seul l’accord
sur le cessez-le-feu avait une valeur internationale. Les autres textes ne sont que des déclarations unilatérales.
Cependant, ces déclarations devraient prendre, estime-t-on du côté français, la valeur de lois fondamentales du fait de
leur approbation, au référendum de l’autodétermination. » En réponse à une question écrite n° 15364 du député René
Vinciguerra, le ministre d’Etat chargé des Affaires algériennes, L. Joxe, précise : « Il n’y a qu’un accord d’Evian
en vigueur, c’est l’accord de cessez-le-feu conclu le 18.03.1962 avec les forces combattantes du « FLN ». Il y a donc
« violation des accords » lorsque des éléments relevant du « FLN » enfreignent une disposition de l’accord de ces-
sez-le-feu soit qu’un isolé se rende coupable de violence, soit qu’une troupe se déplace sous les armes. Le gouverne-
ment n’a jamais dissimulé les difficultés qui pouvaient exister dans ce domaine. Les commissions de cessez-le-feu en
sont régulièrement saisies. Elles font l’objet d’un examen constant et d’un travail en commun avec l’Exécutif provisoi-
re. On ne saurait, en revanche, parler des difficultés rencontrées pour l’exécution des « déclarations d’Evian à Alger
et Oran », pour la simple raison que les déclarations du 19.03.1962 ne sont pas exécutoires : l’honorable parlementaire
n’ignore pas que ces textes n’entreront en vigueur que si les populations algériennes les approuvent lors du scrutin
d’autodétermination. Si la solution d’indépendance et de coopération est adoptée, le contenu des présentes déclara-
19
tions s’imposera à l’Etat algérien. » (JO-AN du 06.06.1962). Dans « La Nation française » du 21.03.1962 dont il est
le directeur politique, Pierre Boutang (2) donne son point de vue : « Ce cessez-le-feu, non seulement n’est pas la paix,
il est une conversion de la guerre civile, un renversement des alliances désespérément tenté au sein de cette guerre civi-
le. C’est un dispositif guerrier ou l’ennemi virtuel, l’ennemi à abattre est constitué par un million d’Européens et de
deux millions de Musulmans consciemment fidèles. » Il faut se souvenir, par ailleurs que, le 28.11.1957, le sénateur
d’Indre-et-Loire, Michel Debré, avait déposé une proposition de résolution tendant à demander au gouvernement
de subordonner l’éventualité en Algérie d’un «cessez-le-feu» à la livraison totale des armes détenues par les re-
belles. Enfin, il est bon de rappeler ce tract du «FLN», rédigé en 1956 puis rediffusé en 03/1962 lors du cessez-le-feu :
« ...Voici, l’amitié est finie entre la France et l’Afrique du nord. Vous allez avoir le Dien Bien Phu, pas celui de notre amie
l’Indochine, il est mille fois plus grand. Adieu la France, c’est maintenant la dernière ordure du globe terrestre... ».
(1) FLORY Maurice. Professeur. « La fin de la souveraineté française en Algérie », in Annuaire français de droit in-
ternational, volume 8, 1962.
(2) BOUTANG Pierre (20.09.1916-27.06.1998). Ecrivain. Participe aux campagnes du Maroc et de la Tunisie. Professeur
de philosophie et maître de conférence. Il refusera de soutenir l’OAS.
20
II – DECLARATIONS de PRINCIPES.
- Déclaration des garanties :
1. De la sécurité des personnes.
Nul ne peut être inquiété, recherché, poursuivi, condamné, ni faire l’objet de décision pé-
nale, de sanction disciplinaire ou de discrimination quelconque, en raison d’actes commis
en relation avec les évènements politiques survenus en Algérie avant le jour de la pro-
clamation du cessez-le-feu.
Nul ne peut être inquiété, recherché, poursuivi, condamné, ni faire l’objet de décision pé-
nale, de sanction disciplinaire ou de discrimination quelconque, en raison de paroles ou
d’opinions en relation avec les évènements politiques survenus en Algérie avant le jour
du scrutin d’autodétermination.
DECLARATIONS de PRINCIPES relative au REGLEMENT des DIFFERENDS :
La France et l’Algérie résoudront les différends qui viendraient à surgir entre elles par des
moyens de règlement pacifique. Elles auront recours soit à la conciliation, soit à l’arbi-
trage.
A défaut d’accord sur ces procédures, chacun des deux Etats pourra saisir directe-
ment la Cour internationale de justice.
Les négociateurs français, de gauche à droite, R. Buron, J. de Broglie et L. Joxe à la sortie de leur hôtel, à
Evian le 18.03.1962, sont visiblement détendus et souriants.
21
Commentaire de l’Auteur :
« Accords d’Evian » est un terme employé notamment par les journalistes. Car, en
droit, on ne peut parler d’accords, tout simplement parce que seuls peuvent signer et rati-
fier des traités, ceux qui ont une personnalité juridique en droit international. Or, l’auteur
rappelle que l’Algérie, à ce moment-là, celui de la signature, n’était pas un Etat mais des
départements français. De plus, le gouvernement français a traité avec le seul « FLN »,
écartant toutes les autres tendances (malgré les promesses réitérées par de Gaulle), niant
notamment l’existence du « GPRA » qu’il ne reconnaît pas. Il en résulte donc que les
« accords » du 19.03.1962 ne peuvent être des traités internationaux au moment de
leur signature. Pourtant, le 29.04.1959, lors d’un entretien avec le directeur de « L’Echo
d’Oran », Pierre Laffont, le président de la République, C. de Gaulle, lui confiait : « ..Je
n’ai pas à reconnaître cette organisation (Le « FLN »). Elle représente certes une force
importante, mais, à mes yeux, elle ne représente pas l’Algérie. Même pas les Musulmans
d’Algérie... » L’histoire nous rappelle par contre que, dans la partie II, intitulée « Cessez-
le-feu. Conditions », du chapitre « Les perspectives politiques » de la plateforme de la
Soummam (1) qui avait débuté le 20.08.1956, il est stipulé : 4° Reconnaissance du
« FLN » comme seul représentant du peuple algérien (2) et seul habilité à toute négo-
ciation. En contrepartie, le « FLN » est garant et responsable du cessez-le-feu au nom
du peuple algérien. Seul le Conseil national de la Révolution algérienne « CNRA » est
habilité à ordonner le cessez-le-feu dans le cadre fixé par la plateforme. Puis, dans la par-
tie III « Négociations pour la paix », on note : 1° Les conditions sur le cessez-le-feu étant
remplies, l’interlocuteur valable et exclusif pour l’Algérie demeure le « FLN ». Toutes
les questions ayant trait à la représentativité du peuple algérien sont du ressort ex-
clusif du « FLN » (gouvernement, élections, etc.). Aucune ingérence de ce fait de la part
du gouvernement français n’est admise. Par ailleurs, dans son ouvrage « Les archives iné-
dites de la politique algérienne. 1958-1962 », l’historien Maurice Faivre note : « Le vo-
lume SEAA 112 du Quai d’Orsay comprend : - Un dossier (rose) de reprise des pourpar-
lers au 07.03.1962, contenant un projet de règlement final, la liste des demandes de révi-
sion des textes présentée par le « FLN », un état du dossier au 17 mars à 15h30, et une note
manuscrite exprimant les réserves du « GPRA »... La note manuscrite jointe au dossier
rose peut cependant apparaître comme une réserve du « GPRA » sur la validité des
Déclarations du gouvernement français : le « GPRA », en prenant connaissance de la
déclaration du gouvernement français, tient à faire savoir qu’il s’agit là d’une ques-
tion de droit interne français, qui ne saurait être opposable au futur Etat algérien ».
Et, l’historien Maurice Faivre de poursuivre : « Seul l’accord de cessez-le-feu engageait
la responsabilité du « FLN » ». Il faut rappeler que le gouvernement français espé-
22
rait que ses déclarations unilatérales seraient ratifiées (3) par le futur gouvernement
de l’Algérie. Elles ne seront jamais ratifiées, ni publiées au Journal officiel de l’Algérie.
Selon Bruno Etienne, « ni l’administration, ni les tribunaux algériens n’ont appliqué
les accords d’Evian. Les approbations verbales de certains dirigeants n’ont eu qu’un ef-
fet dissuasif à l’adresse du gouvernement français, sans avoir force de loi ».
(1) Le congrès de la Soummam s’est déroulé à Ifri-Ighzer Amokrane, en petite Kabylie, du 20.08 au 10.09.1956. Y
participait notamment Krim Belkacem. A cette occasion deux organismes voient le jour : le Comité de Coordination
et d’Exécution « CCE » qui laissera la place au « GPRA », à la fois véritable état-major de direction de la révolution algé-
rienne et « gouvernement », et le « CNRA » sorte de parlement révolutionnaire. Ce ne sont pas les congressistes de la
Soummam qui ont étudié le texte de la « Plate-forme de la Soummam », mais ils en confièrent la tâche au « CCE » qui
lui consacra plusieurs séances à Alger et procéda à sa publication le 01.11.1956, non sans avoir envoyé un exemplai-
re du procès-verbal à la délégation extérieure du « FLN ». Parmi les fêtes non officielles en Algérie, celle de l’anniver-
saire du congrès de la Soummam.
(2) Le 05.09.1960, de Gaulle clamait : « Qui peut croire que la France, sous le prétexte d’ailleurs fallacieux d’arrê-
ter les meurtres, en viendrait à traiter avec les seuls insurgés ? A les bâtir comme étant la représentation unique de
l’Algérie tout entière ? Bref, à admettre que le droit de la mitraillette l’emporte sur celui du suffrage ? » Puis, le
25.11.1960, à propos du « FLN », de Gaulle explique au député Robert Laffont, directeur de l’ « Echo d’Oran »:
« Je n’accepterai jamais d’avoir des contacts avec eux tant que les combats continueront. Je ne céderai jamais sur ce
point. » de Gaulle, finalement, capitulera devant « les seuls insurgés », faisant d’eux la « représentation unique de l’Algérie
tout entière », abandonnant « toutes les autres tendances » au couteau et à la mitraillette des « vainqueurs ».
(3) Nous rappelons ici le Titre VI de la Constitution de la Vème république de 1958 qui, dans son Article 55 stipule :
« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à
celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. »
23
a notamment eu lieu lors de la 4ème séance, le 08.03.1962, dans l’après-midi. En voici la
teneur, - extrait de «Vers la paix en Algérie» - (Voir Bibliographie) :
M. de Broglie : « Il y aura durant cette période (entre le référendum et l’avènement des
nouvelles institutions) la construction des institutions et la ratification des accords. »
M. Ben Yahia : « La signature des accords avec la France doit intervenir après la réu-
nion de la Constituante. »
M. Tricot : « Après l’application des résultats du référendum, il faudra conclure dans
la même période, avec l’Etat algérien, des accords de transfert et des accords de co-
opération. La Constituante devra ensuite autoriser la ratification de ces accords. »
M. Ben Yahia : « L’Exécutif provisoire est fait pour préparer l’autodétermination et
non pour engager l’Algérie. C’est au gouvernement issu du suffrage universel qu’il ap-
partient de signer les accords. »
M. Roland-Billecart : « Ce qui engage l’Algérie, c’est le vote d’autodétermination. »
M. Yazid : « Mais la signature, c’est le peuple algérien qui la donne. Je lis, page 2 de la
déclaration générale : « Ces dispositions constitueront un texte organique qui s’impose-
ra au nouvel Etat. » C’est ce qui fait la solidité de la construction pour le gouvernement
français. Le gouvernement français veut d’abord l’engagement et accorde ensuite l’indé-
pendance. Pour nous l’engagement n’est pas pris par l’Exécutif provisoire, mais par le
peuple ; les accords de coopération seront signés par le gouvernement de l’Algérie indé-
pendante. »
M. Dahlab : « En vertu de quoi l’Exécutif provisoire préparait-il les élections à la
Constituante ? Nous admettons que ce soit la France qui proclame l’indépendance, mais
l’Exécutif devra remettre ses pouvoirs à la Constituante. »
M. Ben Yahia : « Nous voudrions être fixés. Si vous prévoyez un référendum en France,
cela signifie que le référendum effectué en Algérie n’aura aucune valeur aux yeux de
la loi française. »
M. Yazid : « C’est que toute notre construction part d’une loi française consécutive
au référendum du 08.01.1961. Les déclarations officielles annoncent pour le lendemain
de l’autodétermination la ratification par un référendum en France. Notre indépendan-
ce serait donc en suspens jusqu’à l’issue du référendum français. »
M. Tricot : « Par le référendum de 1961, le peuple français a d’avance accepté les consé-
quences de l’autodétermination. »
24
M. Joxe : « Le gouvernement français n’aura même pas à reconnaître le résultat du
référendum, puisqu’il a reconnu la vocation de l’Algérie à l’indépendance. En tout cas,
cela ne rentre pas dans l’organisation provisoire des pouvoirs publics. »
La délégation française tout comme celle du « FLN » sont pressées, mais pas pour les
mêmes raisons. Pour la première, l’urgence du moment c’est d’obtenir la signature
d’accords de transfert et de coopération, les hydrocarbures et les essais nucléaires.
A propos des essais nucléaires qui se poursuivront jusqu’en 02/1966, souvenons-nous que
la première expérience a eu lieu le 13.02.1960, avec « Gerboise bleue » puis, le 01.05.1962,
par un tir souterrain catastrophique avec pour nom de code Béryl, en présence notamment
du ministre Gaston Palewski qui décèdera par la suite d’une leucémie. Pour la seconde
délégation, il s’agit obstinément, et d’abord, d’obtenir son indépendance, avant tout,
ensuite... de signer les accords de coopération par le gouvernement de l’Algérie indépen-
dante...
Le 05.03.2011, le comité de la « FNACA » d’Epoisses (Côte d’Or) inaugure une stèle, portant une plaque
rappelant cet ordre du jour du général Charles Ailleret, rue du 19.03.1962 dans cette même ville.
Le 15.01.1962, le général C. Ailleret qui s’inquiétait déjà, demandait au ministre des Armées, P. Messmer,
de rassurer les cadres militaires sur l’avenir des Français musulmans. Et le 04.03.1962, ce même général,
dans une note, demande aux autorités militaires de recevoir les demandes des harkis
qui souhaitent partir en métropole.
25
Chapitre 2 : L’ORIGINE HISTORIQUE de l’« ACCORD » : 01.11.1954
Il est bon de se souvenir de l’annonce faite par le secrétariat du « FLN » qui, le 01.11.1954,
lors du déclenchement de la rébellion dit de « La Toussaint rouge », déclarait dans son
appel au peuple algérien :
« But : L’indépendance nationale par : - La restauration de l’état algérien souverain, dé-
mocratique et social dans le cadre des principes islamiques. - Le respect de toutes les
libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions... Objectifs exté-
rieurs : - Internationalisation du problème algérien. - Réalisation de l’Unité nord-africai-
ne dans le cadre naturel arabo-musulman... Moyens de lutte : Conformément aux prin-
cipes révolutionnaires et compte tenu des situations intérieure et extérieure, la continua-
tion de la lutte par tous les moyens jusqu’à la réalisation de notre but... En dernier lieu,
afin d’éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, pour prouver notre désir de paix,
limiter les pertes en vies humaines et les effusions de sang, nous avançons une plate-for-
me honorable de discussion aux autorités françaises si ces dernières sont animées de
bonne foi et reconnaissent une fois pour toutes aux peuples qu’elles subjuguent le droit de
disposer d’eux-mêmes... 2 - l’ouverture des négociations avec les porte-parole autorisés
du peuple algérien sur les bases de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, une
et indivisible... - En contrepartie : Les intérêts français, culturels et économiques, honnê-
tement acquis, seront respectés ainsi que les personnes et familles. Tous les Français dé-
sirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité et seront de ce fait considérés
comme étrangers vis-à-vis de lois en vigueur (*) ou opteront pour la nationalité algérien-
ne et, dans ce cas, seront considérés comme tels en droits et devoirs. Les liens entre la
France et l’Algérie seront définis et feront l’objet d’un accord entre les deux puis-
sances sur la base de l’égalité et du respect de chacun... ». Puis, en conclusion, le se-
crétariat national souligne : « Algérien ! Nous t’invitons à méditer notre charte ci-dessus.
Ton devoir est de t’y associer pour sauver notre pays et lui rendre sa liberté ; le Front de
libération nationale est ton front, sa victoire est la tienne... ».
(*) L’historien Xavier YACONO souligne à ce propos : « Dans une république islamique, si on n’était pas musulman, cela
revenait à accepter le statut de « dhimi » ou citoyen de seconde zone. » Selon le droit musulman, le « dhimi » est un non-mu-
sulman ayant conclu, avec des musulmans, un traité de reddition déterminant ses droits et devoirs. Aujourd’hui, il est à noter
que le « FLN » considère la double nationalité comme normale pour les Algériens vivant en France.
Il est à noter que cet «Appel au peuple algérien» du 01.11.1954 est, et demeure aujour-
d’hui encore, un texte fondateur de la République algérienne démocratique et populaire
« RADP », au même titre que celui de la « Plate-forme de la Soummam » de 1956 et
27
du « Projet de programme pour la réalisation de la révolution démocratique popu-
laire » adopté à l’unanimité par le Conseil national de la révolution algérienne « CNRA »
le 07.06.1962.
Par ailleurs, le professeur algérien Abdelhamid Hosna (1), dans la Revue Sciences hu-
maines, apporte sa contribution en nous donnant un éclairage sur les « Mécanismes des
Accords » : « La question de la ratification et de la publication des accords d’Evian
a été en partie à l’origine de délicats problèmes juridiques. Tout d’abord, la publica-
tion de ces accords a été réalisée dans des formes pour le moins curieuses par le
gouvernement français (*). D’autre part, les accords n’ont fait l’objet d’aucune pu-
blication dans le Journal Officiel algérien. Ce refus d’insertion dans l’ordre juridique
interne peut être la conséquence de la nature des textes des accords qui ne constituent
pas véritablement des accords internationaux (**). La position française générale
leur dénie le caractère international, se fondant sur le fait que le gouvernement français
se refusait à considérer que, d’une part, la souveraineté algérienne pût exister avant l’au-
todétermination du peuple algérien et que, d’autre part, les négociateurs algériens fussent
vraiment les représentants d’un gouvernement provisoire algérien. Les accords étaient
donc des déclarations unilatérales françaises, mais à partir du 01.07.1962 et après que
le gouvernement français eût reconnu la souveraineté algérienne (***), aucun obstacle ne
s’opposait plus à ce que les accords d’Evian soient considérés comme des accords inter-
nationaux (****). Il est évident, au contraire, que pour le gouvernement algérien, le pro-
blème était tout autre et que la solution en était commandée par le désir de réinsertion de
l’Etat algérien dans la communauté des Nations. Aussi, au regard de l’Algérie, les accords
d’Evian constituaient des accords internationaux, conclu par les représentants du «GPRA»
et s’imposent comme tels aux deux Etats. D’ailleurs, la loi du 27.03.1963 en fait mention,
dans son article 1er en tant que source internationale du Droit de la nationalité. (*****) »
(Revue Sciences Humaines, n° 27 de 06/2007, pages (5 à 18).
(1) HOSNA Abdelhamid. Docteur. Professeur à la Faculté de droit et de sciences politiques, à l’Université de Constantine,
Algérie.
28
(*) L’insertion au « JO » français se réduit à un simple dispositif sans préambule ni mention des parties contractuelles
(« JORF » du 20.03.1962). (**) J. Charpentier « Pratique française du Droit international public », AFDI, 1963, page
1015). (***) Déclaration portant reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie. « JORF » du 04.07.1962). (****) .
Le Conseil d’Etat, longtemps hésitant, s’est prononcé définitivement par l’affirmative dans un arrêt du 31.01.1965.
(Revue de Droit public et des sciences politiques, 1969, note Waline et Clunet, page 322, note Ruzié). (*****) Loi n° 63-
96 du 27.03.1963, portant Code la nationalité algérienne. « JORA » n° 18 du 02.04.1963, page 306. Par ailleurs,
Bruno Etienne souligne que cette loi portant code de la nationalité algérienne est la seule clause des accords inté-
grés au droit interne algérien. (B. Etienne, « Succession d’Etat et conditions des habitants »).
29
Chapitre 3 : CHRONOLOGIE de la CRISE du « FLN »
par B. BENKHEDDA (*) : La crise de 1961-1962
A la veille de l’Indépendance :
Depuis plus d’un an, l’état-major général de l’ALN « EMG », commandé par H.
Boumediene, se signale par des actes de rébellion caractérisés contre le « GPRA ».
Engagé tout entier dans les négociations avec la France, celui-ci évite de prendre des sanc-
tions contre l’état-major par crainte d’une scission du « FLN » au sommet qui aurait com-
promis dangereusement sa position vis-à-vis du partenaire français.
Le 19.03.1962, date du cessez-le-feu, commence la libération de tous les prisonniers (1)
en application des Accords d’Evian, notamment les cinq dirigeants du « FLN » détenus
en France, dont Ben Bella. C’est la course au pouvoir...
(1) Ce qui est totalement faux comme nous allons le découvrir au fil des pages.
JUIN :
Du 27 mai au 05.06.1962, le « CNRA », réuni à Tripoli, opte pour le socialisme et le
parti unique comme modèle de développement.
Le 07, Après des débats houleux, le « CNRA » se sépare n’étant pas arrivé à désigner le
Bureau politique, nouvelle direction du « FLN », qui n’a pas pu recueillir les deux tiers des
voix requises par les statuts du « FLN ». Le « GPRA », en majeure partie, avec Benkhedda,
quitte Tripoli, ainsi que d’autres membres du « CNRA ».
Le 09, la partie restante du « CNRA », réunie autour du couple Ben Bella-Boumediene,
vote un « procès-verbal de carence », visant particulièrement Benkhedda.
Les 24 et 25, les responsables des wilayas 2, 3, 4, de la zone autonome d’Alger « ZAA »
et des fédérations de France et de Tunisie, réunis à Zemmorah (W3), créent un comité in-
ter-wilayas. Ils condamnent « la rébellion » des membres de l’EMG, et demandent au
« GPRA » de les « dénoncer ». Ils appellent à se joindre à eux les responsables des autres
wilayas 1, 5, 6. Ces derniers refusent et choisissent le camp de l’EMG.
Le 27, une délégation du comité inter-wilayas de Zemmorah se déplace à Tunis où elle est
reçue par quatre membres du gouvernement. Elle est chargée de présenter au « GPRA »
les doléances du comité. La rencontre est agitée et se termine par le retrait de M. Khider
suivi de Ben Bella ; le premier annonce sa démission.
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Ben Bella quitte secrètement dans la nuit Tunis pour le Caire, à bord d’un avion égyp-
tien.
Le 28, M. Khider rend publique sa démission du « GPRA ».
Le 30, le « GPRA » prend des sanctions contre le colonel H. Boumediene et les deux autres
membres de son état major, les commandants Kaïd et Ali Mendjeli.
Formation du Bureau politique à Tlemcen :
JUILLET :
Le 01 juillet 1962, le référendum d’autodétermination donne un « oui » massif à l’indé-
pendance.
Le 03, la France reconnaît solennellement l’indépendance de l’Algérie.
- Entrée du « GPRA » à Alger, à l’exception de Ben Bella, au Caire, et de M. Khider, à Rabat.
- Les premiers éléments de l’ALN stationnés en Tunisie et au Maroc franchissent la fron-
tière, en vertu des dispositions des Accords d’Evian.
Le 04, le « GPRA » tient sa première réunion à Alger.
Le 05, devant la persistance des manifestations populaires, le « GPRA » donne l’ordre
de reprendre le travail.
- Incidents sanglants à Oran. Trente morts dont quinze Européens. (Note de l’auteur :
ce chiffre a été depuis contesté par l’historien Jean-Jacques Jordi qui a décompté 300
victimes).
Le 07, des troupes marocaines pénètrent en territoire algérien où elles occupent deux postes.
Campagnes de presse marocaine à propos de Tindouf.
- Nouvel appel du conseil des wilayas 2, 3, 4, de la « ZAA » d’Alger et de la fédération
de France pour éviter l’affrontement et dégager une nouvelle direction du « FLN ». Les
wilayas 1, 5 et 6 refusent d’y répondre et confirment leur option pour l’EMG.
- Situation tendue à Oran.
Les 09 et 10, deux émissaires du « GPRA », M’H. Yazid et R. Bitat, sont en mission de
conciliation à Rabat pour rencontrer Ben Bella et M. Khider. Mohand Ould El Hadj de W3
et Youcef Khatib de la W4 se joignent à eux dans la même démarche.
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- Les quatre ministres à Rabat se séparent sans être arrivés à un accord.
Le 11, B. Ben Khedda est empêché de tenir un meeting à Blida par le conseil de la wi-
laya 4.
Le 12, A. Ben Bella est à Tlemcen.
Le 16, annonce à Tlemcen de la réunion d’un conseil des wilayas.
- Absence du conseil de la « ZAA » qui se prononce pour un « Congrès populaire ». F. Abbas
rejoint Tlemcen ainsi que H. Boumediene ; d’autres membres du « CNRA » suivent.
Le 18, après une éclipse au cours de la guerre de libération, le quotidien « Alger républi-
cain », organes des communistes, reparaît.
Le 19, l’Egypte, la Lybie, la Guinée et le Mali offrent leur médiation aux deux groupes
d’Alger et de Tlemcen ; elle échoue malgré la volonté de conciliation du « GPRA ».
Le 22, alors que le Conseil des wilayas discute pour trouver une solution à la crise, un
Bureau politique est proclamé à Tlemcen. Invitation est faite aux membres du Bureau po-
litique de rejoindre Tlemcen ; ce Bureau se compose de sept membres : les cinq mi-
nistres ex-détenus, H. Aït Ahmed, A. Ben Bella, R. Bitat, M. Boudiaf et M. Khider aux-
quels se joignent Hadj Ben Alla et Mohammedi. M. Boudiaf et Aït Ahmed refusent d’en
faire partie.
- Enlèvements d’Européens - cinq cents disparus dans l’Algérois, selon le président
de l’Association des familles de disparus et d’Algériens collaborateurs des autorités
françaises.
- Fusillades dans Alger-centre.
Le 23, le « GPRA » accepte la formule du Bureau politique dans un souci d’unité, avec ce-
pendant l’aval du « CNRA ».
La dislocation du « GPRA » :
Le 24, la France menace d’intervenir. « Si la situation s’aggravait, la France intervien-
drait directement pour protéger ses nationaux » déclare le secrétaire d’Etat à l’informa-
tion et porte-parole du gouvernement français, Alain Peyrefitte. S. Dahlab démissionne du
« GPRA ».
Le 25, les troupes de la W1 occupent Constantine. Il y a des morts et des blessés. L. Ben
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Tobbal et Boubnider (chef de la W2) sont arrêtés. Le commandant Larbi Berredjem prend
la tête de la W2 et se joint aux benbellistes.
- M. Boudiaf appelle les Algériens à s’organiser pour faire échec au « coup de force ».
H. Aït Ahmed démissionne du « GPRA ».
Le 27, appel de M. Boudiaf et de Krim Belkacem pour un « Comité de liaison et de dé-
fense de la Révolution ». La ville de Tizi-Ouzou siège du « comité », devient le troisième
centre de pouvoir, après Alger et Tlemcen. La presse française parle de « groupe kabyle ».
L. Ben Tobbal libéré rejoint Alger où il déclare : « Le « GPRA » avait donné son accord
sur la composition du Bureau politique et Mohammedi Saïd était parti à Tlemcen en émis-
saire... Un bureau politique vaut mieux que le vide politique ».
Le 29, entrée des troupes de la W4 à Alger dont elles prennent le contrôle qui relevait jusque
là de la « ZAA ». Boussouf et L. Ben Tobbal sont à Tunis.
Le 30, M. Boudiaf est enlevé à M’Sila par des éléments de la W1.
Le 31, M. Boudiaf est libéré.
La Reconnaissance du Bureau politique :
AOÛT :
Le 02, un accord entre Boudiaf, Krim Belkacem et le colonel Mohand Ould El Hadj (W3),
d’une part, M. Khider et R. Bitat, d’autre part, porte sur :
• La reconnaissance du Bureau politique pour une durée d’un mois, à titre provisoire,
• Les élections à l’Assemblée nationale constituante « ANC » qui auront lieu courant août,
probablement le 27,
• Le « CNRA » se réunira une semaine après les élections pour réexaminer la composition
du Bureau politique.
Le 03, entrée du Bureau politique à Alger. M. Boudiaf en est membre et H. Aït Ahmed re-
fuse toujours d’y siéger.
Le 04, le Bureau politique procède à la répartition des attributions de ses membres ; Khider,
secrétaire général, information et finances - Ben Bella est chargé de la coordination avec
l’Exécutif provisoire - Boudiaf de l’orientation et des Affaires extérieures - Hadj Ben Alla
des Affaires militaires - Mohammedi de l’éducation et de la santé publique - R. Bitat de
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