École polytechnique — Novembre 2019— INF412 Fondements de l’informatique
Fondements de l’informatique. Examen
Durée: 3h
Sujet proposé par Olivier Bournez
Version 4
(corrigé)
Les 4 parties sont indépendantes, et peuvent être traitées dans un ordre quelconque. On pourra
admettre le résultat d’une question pour passer aux questions suivantes. On pourra utiliser tous les
résultats et les théorèmes démontrés ou énoncés en cours ou en petite classe ou dans le polycopié
sans chercher à les redémontrer.
Il est possible d’avoir la note maximale sans répondre à toutes les questions. La difficulté des
questions n’est pas une fonction linéaire ni croissante de leur numérotation.
La qualité de votre argumentation et de votre rédaction est une partie importante de votre
évaluation.
Tous les graphes considérés sont non-orientés.
1 Machines de Turing
On fixe un alphabet fini Σ. Σ∗ désigne l’ensemble des mots sur l’alphabet Σ.
Question 1. Les problèmes suivants sont-ils décidables ? Justifier.
— Déterminer si le langage accepté par une machine de Turing M est co-fini : on dit qu’un
langage est co-fini si son complémentaire (dans Σ∗ ) est fini.
n
— Déterminer si une machine de Turing accepte son entrée en utilisant au plus 22 cases du
ruban, où n est la longueur du mot en entrée.
— On fixe une fonction calculable g : N → N. Déterminer si une machine de Turing accepte
son entrée en utilisant au plus 2g(n) cases du ruban, où n est la longueur du mot en entrée.
Même question si l’on suppose que g : N → N est quelconque (c’est-à-dire, possiblement
non-calculable).
Solution : Le premier problème est indécidable par une application directe du théorème de Rice :
le problème est non-trivial car il y a bien des langages finis et co-finis récursivement énumérables.
Par exemple, le langage L = {0} et son complémentaire.
Le second problème est un cas particulier du troisième pour g(n) = 2n qui est calculable.
Le troisième problème est décidable, quand g est calculable car il suffit de simuler la machine
en la restreignant à au plus 2g(n) cases du ruban pour décider la propriété (si jamais la simulation
réalise que l’on repasse par la même configuration, alors on sait que la machine que l’on simule
ne termine pas, et donc n’accepte pas son entrée).
Si g est possiblement non-calculable, le problème peut être indécidable. Considérer par
exemple la fonction g : N → N avec g(n) qui vaut 2 ou 1 suivant si la machine de Turing
numéro n termine ou non sur l’entrée vide, et une machine de Turing M qui à l’étape 1 déplace
sa tête de lecture d’une case vers la droite, puis à l’étape 2 déplace sa tête de lecture d’une case
vers la droite et accepte. M accepte 1n en au plus g(n) étapes si et seulement si la machine de
Turing numéro n termine. Décider le problème reviendrait à savoir décider si une machine de
Turing donnée s’arrête.
1
Une machine de Turing avec ruban semi-infini est une machine de Turing dont le programme
est tel que la tête de lecture ne va jamais à gauche de sa position initiale.
Question 2. Montrer que le problème de savoir si une machine de Turing semi-infinie accepte
un mot w est indécidable.
Solution : Le problème de l’arrêt des machines de Turing se réduit à ce problème : on transforme
une machine de Turing M en une machine M 0 qui la simule de la façon suivante : à chaque fois
que le ruban de M contient w, le ruban de M 0 contient #w mais avec # en face de la position
initiale de la tête de lecture de M : M 0 commence par remplacer l’entrée w par #w en décalant
w d’une case vers la droite, et en insérant un symbole # tout à gauche. A chaque fois que la tête
de lecture de M souhaite aller à gauche et voudrait écrire un symbole a sur le symbole #, M 0
décale le contenu w du ruban d’une case sur la droite et écrit a juste à droite de # pour que le
ruban devienne #aw. En faisant ainsi, M 0 simule M , et est une machine avec ruban semi-infini.
M accepte w si et seulement si M 0 accepte w. M 0 s’obtient de façon calculable à partir de M .
2 Espaces vectoriels
Soit E un R-espace vectoriel. On dit que E est ordonnable s’il existe une relation d’ordre
total ≤ sur E qui est compatible avec la structure d’espace vectoriel, c’est-à-dire :
— pour tout x, x0 , y, y 0 ∈ E, si x ≤ x0 et y ≤ y 0 alors x + y ≤ x0 + y 0 ;
— pour tout x ∈ E et pour tout λ ∈ R, si x ≥ 0 et λ ≥ 0 alors λx ≥ 0.
Question 3. Construire un ensemble FE de formules du calcul propositionnel sur une signature
que vous préciserez tel que FE est satisfiable si et seulement si E est ordonnable.
Solution : A chaque couple x, y ∈ E, on associe une variable propositionnelle Xx,y . Soit FE =
{Rx : x ∈ E} ∪ {Sx,y : x 6= y ∈ E} ∪ {Tx,y,z : x, y, z ∈ E} ∪ {Ux,y,x0 ,y0 : x, y, x0 , y 0 ∈ E} ∪ {Vx,λ :
x ∈ E et λ ∈ R+ } où
Rx : Xx,x ,
Sx,y : ¬(Xx,y ∧ Xy,x )
Tx,y,z : Xx,y ∧ Yy,z ⇒ Xx,z
Ux,y,x0 ,y0 : Xx,x0 ∧ Yy,y0 ⇒ Xx+y,x0 +y0
et
Vx,λ : Xx,0 ⇒ Xλx,0
On vérifie que E est ordonnable si et seulement si FE est satisfiable.
Question 4. Montrer qu’un R-espace vectoriel E est ordonnable si et seulement si tous ses
sous-espaces vectoriels de dimension finie 1 le sont.
Solution : Il est évident que si E est ordonnable alors tous ses sous-espaces de dimension finie
le sont.
Réciproquement : Supposons que tous les sous-espaces de dimension finie de E sont ordon-
nables et montrons que FE est satisfiable. Soit G un sous-ensemble fini de FE . Soit B = {x ∈ E :
∃y ∈ E tel que Xx,y ou Xy,x figure dans l’une des formules de G}. B est un sous-ensemble fini
de E. Soit E 0 le sous-espace vectoriel engendré par B. E 0 est ordonnable, donc FE 0 est satisfiable.
Comme G ⊂ FE 0 , G est aussi satisfiable. Par le théorème de compacité, FE est satisfiable.
1. On rappelle qu’un sous-espace vectoriel de dimension finie de E est le plus petit sous-espace vectoriel
engendré par (i.e. qui contient) un nombre fini d’éléments de E.
2
3 Chemins avec paires interdites
Etant donnés un graphe G = (V, E), et un ensemble S de paires de sommets (u1 , v1 ), (u2 , v2 ),
. . ., (uk , vk ) ∈ V × V , on dit qu’un chemin de G évite les paires de S s’il visite au plus un sommet
de chaque paire de S.
Question 5. On considère le graphe G dont les sommets sont V = {s, t, u, v} et les arêtes sont
E = {(s, u), (s, v), (u, t), (v, t)}. Quels sont les chemins entre s et t qui évitent S = {(u, v)} ?
Solution : Un tel chemin visite les sommets s, u, t ou s, v, t.
Question 6. Construire un graphe à 5 sommets V = {s, t, u1 , u2 , u3 } et un ensemble de paires
S tels que :
— les chemins entre s et t qui évitent S passent nécessairement par l’un des trois sommets
u1 , u2 , ou u3 ;
— pour chaque sommet ui pour i ∈ {1, 2, 3}, il y a au moins un chemin entre s et t qui évite
S et passe par ui .
Solution : On considère E = {(s, u1 ), (u1 , t), (s, u2 ), (u2 , t), (s, u3 ), (u3 , t)} et S = ∅.
Question 7. Démontrer que le problème suivant est NP-complet :
— Données : un graphe G = (V, E), deux sommets s, t ∈ V , et un ensemble S de paires
(u1 , v1 ), (u2 , v2 ), . . . , (uk , vk ) ∈ V × V .
— Question : Existe-t-il un chemin entre s et t dans le graphe G qui évite les paires de S.
On pourra utiliser la NP-complétude du problème 3-SAT.
Solution : Le problème est dans NP, car la donnée d’un chemin constitue un certificat vérifiable
en temps polynomial.
Pour montrer la complétude, on effectue une réduction à partir du problème 3-SAT que l’on
sait N P -complet.
La question 5 fournit un graphe G1 (s, u, v, t) qui permet de coder le fait que l’on a soit xi
soit ¬xi pour une variable propositionnelle.
La question 6 fournit un graphe G2 (s, u1 , u2 , u3 , t) qui permet de coder une clause.
En concaténant chacun des graphes, on obtient la réduction.
Plus précisément, étant donnée une conjonction de clauses C = C1 ∧ C2 · · · ∧ C` sur les va-
riables propositionnelles x1 , x2 , . . . , xn , avec Ci = li,1 ∨ li,2 ∨ li,3 , où chaque li,j est une variable
propositionnelle ou sa négation, on construit le graphe qui contient les graphes G1 (s, x1 , ¬x1 , t1 ),
G1 (t1 , x2 , ¬x2 , t2 ), . . ., G1 (tn−1 , xn , ¬xn , tn ), G2 (tn , l1,1 , l1,2 , l1,3 , tn+1 ), G2 (tn+1 , l2,1 , l2,2 , l2,3 , tn+2 ),
. . .G2 (tn+`−1 , l`,1 , l`,2 , l`,3 , t).
On prend l’ensemble S comme l’union de toutes les paires où figure une variable et sa né-
gation : pour le dire plus formellement, S est constitué de toutes les paires (xi , ¬xi ), toutes les
paires (xi , li0 ,j ) où li0 ,j = ¬xi , et de toutes les paires (¬xi , li0 ,j ) où li0 ,j = xi .
Un chemin entre s et t qui évite S par construction satisfait C. Réciproquement, en chemin
entre s et t qui évite S doit passer par chacun des xi ou son complémentaire, et va indiquer
comment satisfaire C selon les clauses traversées.
4 Jouons aux dominos
Le problème de la correspondance de Post (PCP) est un problème de décision sur des do-
minos qui fut introduit par Emil Post en 1946. Il apparaît souvent dans des démonstrations
d’indécidabilité : nous verrons un exemple plus bas concernant un problème sur les matrices.
3
Nous allons considérer plusieurs variantes de ce problème, et étudier leur difficulté.
On fixe un alphabet Σ.
On appelle "domino" un couple (U, V ) où U et V sont des mots sur un alphabet Σ : on va
U
représenter un tel couple graphiquement sous la forme .
V
Etant donné une suite finie S de dominos, le problème est de savoir si l’on peut poser ces
dominos l’un à la suite de l’autre (dans n’importe quel ordre) de telle sorte que le mot qui apparaît
en haut soit le même que le mot qui apparaît en bas : on appelle cela une correspondance.
On souhaite savoir s’il existe un algorithme qui, étant donnée une suite finie S de domi-
nos, décide si il existe une correspondance pour cette suite : on appelle cela le problème de
correspondance de Post.
4.1 Sans répétition
Supposons que l’on a le droit d’utiliser chaque domino de S au plus une fois 2 .
Par exemple, si l’on part de l’ensemble
ba a ca
S= , ,
ac ab a
on peut construire la correspondance suivante :
a ba ca
:
ab ac a
on a bien en haut et en bas le même mot, à savoir abaca.
Si cela aide de le dire très formellement : étant donné une suite de dominos 3
U1 U2 Up
S= , ,..., , (1)
V1 V2 Vp
le problème de la correspondance de Post sans répétition consiste à déterminer s’il existe une
suite non vide d’indices i1 , i2 , . . . , ik dans {1, 2, . . . , p} telle que
Ui1 Ui2 . . . Uik = Vi1 Vi2 . . . Vik .
U Ui2 Ui3 Uik
graphiquement : i1 ...
Vi1 V i2 Vi3 V ik
avec ik 6= il pour k 6= l.
Question 8. Montrer que le problème de la correspondance de Post sans répétition est décidable.
Solution : Etant donné S, il y a un nombre finie de possibilités de suites injectives dans
{1, 2, . . . , p}. Il suffit de tester pour chacune si cela satisfait
Ui1 Ui2 Ui3 Uik
... .
Vi1 V i2 Vi3 Vik
On établira dans la section 4.6 qu’il est N P -complet.
2. On n’interdit pas cependant qu’un même domino puisse avoir plusieurs occurrences dans S.
3. Pour les plus puristes, et en lien avec la note de bas de page 2. (page précédente) : la notation de la suite S
dans l’écriture sous forme ensembliste (1) est possiblement la notation d’un multi-ensemble plutôt qu’un ensemble :
par rapport à un ensemble, on autorise un même élement à apparaitre deux fois ou plus dans un multi-ensemble.
4
4.2 Avec répétitions
Jusqu’à la section 4.6, on s’autorise à utiliser plusieurs fois un même domino de la suite S.
Par exemple, si l’on part de la suite
b a ca abc
S1 = , , ,
ca ab a c
on peut construire la correspondance suivante :
a b ca a abc
:
ab ca a ab c
on a bien en haut et en bas le même mot, à savoir abcaaabc (et on a utilisé plusieurs fois un
même domino).
Tous les ensembles S ne possèdent pas de correspondance :
Question 9. On part cette fois de la suite
abc ca acc
S2 = , ,
ab a ba
Est-il possible d’obtenir une correspondance ?
Solution : C’est impossible, car le mot en haut possède nécessairement plus de lettres strictement
que le mot en bas.
Si cela aide de le dire formellement : étant donné un ensemble de dominos
U1 U2 Up
S= , ,..., ,
V1 V2 Vp
le problème de la correspondance de Post (avec répétitions) consiste à déterminer s’il existe une
suite non vide d’indices i1 , i2 , . . . , ik dans {1, 2, . . . , p} telle que
Ui1 Ui2 . . . Uik = Vi1 Vi2 . . . Vik
U Ui2 Ui3 Uik
graphiquement : i1 ... .
V i1 V i2 V i3 V ik
4.3 Réduction à la variante modifiée
On s’intéresse à la variante suivante, que l’on appelle problème de correspondance de Post
modifié : on impose que i1 = 1, c’est-à-dire, on impose le premier domino.
Si cela aide de le dire très formellement : étant donné un ensemble de dominos
U1 U2 Up
S= , ,..., ,
V1 V2 Vp
le problème de la correspondance de Post modifié consiste à déterminer s’il existe une suite non
vide d’indices i2 , i3 , . . . , ik dans {1, 2, . . . , p} telle que
U1 Ui2 . . . Uik = V1 Vi2 . . . Vik .
U Ui2 Ui3 Uik
graphiquement : 1 ... .
V1 V i2 V i3 V ik
5
Soit u = u1 u2 . . . un un mot de longueur n sur l’alphabet Σ. Soient ∗ et deux nouvelles
lettres : ∗ 6∈ Σ, 6∈ Σ.
On définit ∗u, u∗ et ∗u∗ comme les mots suivants :
∗u = ∗u1 ∗ u2 ∗ u3 · · · ∗ un
u∗ = u1 ∗ u2 ∗ u3 · · · ∗ un ∗
∗u∗ = ∗u1 ∗ u2 ∗ u3 · · · ∗ un ∗
En d’autres termes, ∗u (respectivement : u∗, ∗u∗) ajoute le symbole ∗ avant (resp. après,
avant et après) chaque lettre du mot u.
Question 10. On considère
∗ ∗a ∗b ∗a ∗c ∗ a ∗a ∗ b ∗ c ∗
S1 = , , , , ,
∗a ∗ b∗ c ∗ a∗ a ∗ b∗ a∗ c∗
(Observer comment S1∗ s’obtient à partir de S1 en début de la section 4.2 en appliquant les
opérations ci-dessus en haut et en bas sur les dominos).
Expliquer comment les correspondances 4 de S1∗ s’obtiennent à partir de celles de S1 et réci-
proquement.
Solution : Une correspondance de S1∗ débute nécessairement par le premier domino en raison
de la lettre ∗ : tous les dominos ont ce symbole tout à gauche en haut, et c’est le seul avec
ce symbole tout à gauche en bas. De façon symétrique, une correspondance se termine par le
symbole . En effet tous les dominos ont en bas comme dernier symbole ∗, et le dernier domino
∗
d’une correspondance ne peut être que .
Ensuite, chaque domino impose que tous les symboles en position paire (sauf le dernier )
correspondent au symbole ∗. Si on efface les symboles ∗ et dans la correspondance, c’est
nécessairement une correspondance pour S1 .
Réciproquement, toute correspondance pour S1 s’étend en une correspondance pour S1∗ en
intercalant un symbole ∗ entre chaque lettre et en ajoutant le symbole à la fin.
Question 11. Démontrer que le problème de Post modifié se réduit au problème de Post.
Solution : On transforme une instance du problème de Post modifié en une instance du problème
de Post comme dans la question précédente.
Concrètement pour chaque ensemble de dominos
t1 t1 t2 t3 ∗
S= , , , ,..., ,
b1 b1 b2 b3
on peut considérer
∗t1 ∗t1 ∗t2 ∗t3 ∗
S∗ = , , , ,..., .
∗b1 ∗ b1 ∗ b2 ∗ b3 ∗
Par le raisonnement précédent, les correspondances de S sont en bijection avec celles de S ∗
en intercalant un symbole ∗ entre chaque lettre et en ajoutant le symbole à la fin.
∗t1
Une correspondance de S ∗ commence nécessairement par son premier domino .
∗b1
Cela donne donc bien une réduction du problème de correspondance de Post modifié vers le
problème de correspondance de Post (la transformation de S en S ∗ est bien calculable).
4. On parle bien des correspondances "normales", i.e. au sens des questions précédentes, pas nécessairement
"modifées" comme dans le texte qui précède.
6
4.4 Indécidabilité de la variante modifiée
Question 12. Démontrer que le problème de la correspondance de POST modifié est indécidable.
Etant donnés une machine de Turing M semi-infinie et un mot w on cherchera à construire
un ensemble SM de dominos tel qu’une correspondance de SM décrit un calcul de M sur l’entrée
w. On pourra inclure dans SM les dominos
# a # aqa qa a qa ##
, , , , ,
#q0 w# a B# qa qa #
et d’autres dominos bien choisis que l’on décrira : w est un mot, #,a une lettre, B le symbole de
blanc, q0 et qa l’état initial et acceptant de M .
Solution : On utilise les notations du cours pour décrire la machine de Turing M . qa désigne
l’état d’acceptation. On peut supposer sans perte de généralité que la machine de Turing déplace
toujours sa tête de lecture à chaque étape.
Pour tout a, a0 ∈ Γ, et pour tout état q, q 0 ∈ Q avec q 6= qr , si δ(q, a) = (q 0 , a0 , →), on ajoute
qa
à SM .
a0 q 0
Pour tout a, a0 ∈ Γ, et pour tout état q, q 0 ∈ Q avec q 6= qr , si δ(q, a) = (q 0 , a0 , ←), on ajoute
cqa
à SM .
q 0 ca0
Le jeu de domino est tel que qu’une correspondance va décrire en bas (et donc aussi en haut)
le diagramme espace temps du calcul de M sur w : une correspondance sera nécessairement de la
forme #q0 w#C1 #C2 . . . #Cn # . . . #qa ## où C1 , C2 , . . . , Cn code la suite des configurations du
calcul de la machine M sur le mot w jusqu’à atteindre l’état accepteur qa à l’étape n. Les dominos
aqa qa a
, permettent alors de "manger" les symboles en haut pour compléter et terminer avec
qa qa
q ##
le domino a .
#
<il faut l’expliquer et le justifier le plus clairement possible pour obtenir la note maximale
pour cette question, et cela nécessite des explications dont nous avons ici simplement donné
l’idée>.
Par conséquent, le problème de la correspondance de Post est indécidable.
4.5 Application : Problème de matrices
Un ensemble H de matrices 3 × 3 à coefficients entiers est dit mortel si la matrice nulle peut
s’obtenir comme un produit d’un nombre fini de matrices de cet ensemble (on s’autorise à utiliser
plusieurs fois la même matrice de l’ensemble H dans le produit).
Le but de cette partie est de prouver qu’il est indécidable de déterminer si un ensemble H
de matrices est mortel.
On considere un ensemble H de matrices 3 × 3 qui contient les matrices
1 0 1 1 −1 0
S = 0 0 0 , T = −1 1 0
0 0 0 0 0 0
ainsi que des matrices de la forme
pj 0 0
Wj = 0 rj 0 (2)
qj sj 1
7
pour certains entiers pj , qj , rj , sj .
On note [x, y, z] pour un vecteur ligne.
En observant que
[a, b, c]S = a[1, 0, 1]
[a, b, c]T = (a − b)[1, −1, 0]
et que toutes les matrices Wj sont inversibles, un raisonnement assez simple (sur les types de
produits possibles avec un tel ensemble H et sur les images et noyaux de S et T ) démontre le
fait suivant que l’on admettra : une condition nécessaire et suffisante pour obtenir un produit
nul avec les matrices de l’ensemble H est qu’il existe un produit X des matrices Wj tel que
[1, 0, 1]X = [h, h, 1]
pour un h > 0 (et dans ce cas SXT = 0).
Illustrons une relation entre la multiplication de matrices et la concaténation de mots par un
exemple :
1000 0 0
[123, 12, 1] 0 100 0 = [123223, 1232, 1]
223 32 1
Question 13. Etant donnée une paire de mots < U, V >, définir une matrice W (U, V ) de la
forme Wj (i.e. de la forme (2)) telle si X, Y, U, V sont des mots sur l’alphabet {1, 2, 3}, alors
[X, Y, 1]W (U, V ) = [X.U, Y.V, 1]
où . désigne la concaténation, et les mots sont interprétés comme des entiers de la façon évidente.
Solution : Considérer
p 0 0
W (U, V ) = 0 r 0
q s 1
où q, s sont les nombres obtenus en écrivant les mots U, V et p et r sont les entiers obtenus
en considérant 1 suivi du nombre de zéros qui correspondent au nombre de lettres de U et V
respectivement.
Question 14. Démontrer qu’il est indécidable de savoir si un ensemble H de matrices est mortel.
Solution : On utilise une réduction à partir du problème de la correspondance de Post que l’on a
démontré dans les questions précédentes indécidable. On peut supposer sans perte de généralité
que l’alphabetvérifie Σ = {2, 3}.
U1 U2 U
Soit K = , ,..., n un ensemble de dominos avec l’alphabet Σ = {2, 3}. On
V1 V2 Vn
considère l’ensemble H(K) de matrices
{S, T, W (Uj , Vj ), W (Uj , 1.Vj ), pour j = 1 . . . n}.
H(K) est mortel si et seulement s’il y a un produit X de W de H(K) tel que [1, 0, 1]X = [h, h, 1]
pour un certain h par la remarque plus haut (l’observation admise).
Un tel mot doit avoir comme première lettre 1, suivi d’un 2 et de 3 seulement, et donc un tel
produit existe si et seulement si le problème de la correspondance de post admet une solution.
Le problème est dans NP car la donnée d’un produit constitue un certificat vérifiable en temps
polynomial : observer que cela se vérifie bien en temps polynomial car la taille des nombres
8
impliqués dans le produit de matrice reste bien polynomial en la taille des nombres dans le
produit.
Cela montre que le problème de la correspondance de post se réduit à ce problème : la
réduction est bien calculable en temps polynomial.
4.6 Retour sur les versions sans répétition
On revient sur la variante du problème de la correspondance de Post sans répétition,
considérée dans la section 4.1 (rappel : on peut bien avoir plusieurs fois un même domino dans
la suite S, mais chaque domino ne peut être utilisé qu’une fois dans une correspondance).
Question 15. Montrer que le problème de correspondance de Post sans répétition est N P -
complet.
Solution : Le problème est clairement dans N P car la donnée du choix du produit est un
certificat vérifiable en temps polynomial : il suffit de vérifier que le produit est nul.
On peut démontrer le fait que le problème est N P -difficile directement (en revenant à la
définition) de la façon suivante : étant donné un problème N P -complet, il est décidé par une
machine de Turing M non-déterministe qui fonctionne en temps p(n). On construit le jeux de
dominos correspondant considéré dans la réduction dans la réponse de la question 12. Le nombre
de dominos construits est une fonction de la taille de l’alphabet et du nombre d’états de la
#
machine de Turing M . Le seul domino dont la taille peut être grande est le domino .
#q0 w#
Le jeu de dominos nécessaire pour simuler p(n) étapes de M est f (p(n)) où f (n) est une fonction
polynomiale qui exprime le nombre de dominos pour simuler n étapes de M .
On aura bien w accepté par M si et seulement si l’on a une instance positive au problème de
correspondance de Post sans répétition.
(en fait, le jeu de dominos construit répète bien plusieurs fois certains dominos, mais on
utilisera au plus un exemplaire de chacun de ces dominos).
Question 16. On ne s’autorise pas les répétitions de matrices. Montrer qu’il est décidable de
savoir si un ensemble H de matrices est mortel sans répétition. Montrer que le problème est
N P -complet.
Solution : Le problème est décidable, car il n’y a qu’un nombre fini de produits possibles de
matrices sans répétition, et il suffit de tester pour chacun s’il est nul.
La réduction produite dans la réponse à la question 14 produit en fait aussi une réduction
du problème de la correspondance de Post sans répétition à ce problème.
(la réduction est bien calculable en temps polynomial).
Par la question précédente, le problème est donc N P -complet.