Georges POULET
ADMINISTRATEUR DES COLONIES
Les Maures
de
l'Afrique Occidentale
française
Préface de M. BINGER
Directeur au Mi ni s 1ère des Colonies
PARIS
Augustin CHALLAMEL, Éditeur
Rue Jacob, 17
Librairie Maritirçe et Colopiale
1904
Les Maures
de
l'Afrique Occidentale française
:E32:ira,it de Isl ReVUG ColOlliale
PUBLICATION DU MINISTERE DES COLONIES
Georges POULET
ADMINISTRATEUR DES COLONIES
Les Maures
de
l'Afrique Occidentale
française
Préface de M. BINGER
Directeur au Ministère des Colonies
PARIS
Augustin CHALLAMEL, Éditeur
Rue Jacob, 17
Librairie Maritinpe et Golopiale
1904
PT
M38P68
DEC 05 2000
J
LETTRE-PREFACE
Mon cher administrateur,
J'ai lu avec le plus grand intérêt votre ouvrage sur les
Maures de l'Afrique occidentale. Laissez-moi d'abord vous
féliciter de Tordre et de la méthode avec lesquels, grâce à
un travail énorme, vous avez recueilli à Saint-Louis et
dans les escales du Sénégal, rapproché, et coordonné, tout
ce que l'on savait sur les populations nomades de la rive
droite du fleuve. Sans doute les archives étaient riches et
votre travail en est la preuve ; encore fallait-il se donner
la peine d'y puiser et personne ne l'avait sérieusement
tenté. Cette tache, vous l'avez entreprise et menée à bien ;
vous en conserverez tout le mérite. A^ous avez su y appor-
ter une note personnelle qui rend votre ouvrage d'une lec-
ture facile et agréable sans rien lui retirer de son intérêt
documentaire et do son exactitude rigoureuse, indispensa-
blés quand il s'agit de mieux faire connaître des popula-
tions presque ignorées de nous jusqu'à ce jour.
Le moment était bien choisi pour ce travail, et votre émi-
nent gouverneur général l'a fort bien compris. Alors que
nous voulons exercer une action plus directe sur nos sujets
berbères et arabes, que nous voulons à leur tour les faire
participer à cette œuvre d'assimilation toute pacifique dont il
a si judicieusement élaboré le programme, il a pensé que
nous devions étudier davantage leurs mœurs, leur état social
et politique, les affinités qui les rapprochent et les rivalités
qui les divisent.
Vous avez, dans vos très justes conclusions, montré ce
qu'étaient devenus ces peuples dont Ebn-Khaldoun a vanté
dans maintes circonstances la cohésion. Vous n'avez plus
retrouvé que les vestiges de leur ancienne puissance dans
leur fractionnement, dans leurs divisions en castes et en
tribus plus ou moins hostiles entre elles. Vous les avez
représentés livrés aux rapines des uns et au pillage métho-
dique des autres, incapables de se livrer avec sécurité au
commerce et à l'élevage, incapables même d'une action
commune sous le drapeau de l'islam, et réclamant ouver-
tement une protection qui leur permette, dans l'ordre et la
paix, de prendre part à cette évolution civilisatrice dont
ils nous voient présentement assurer le bienfait à leurs
voisins nègres de l'Afrique occidentale.
VI
C'est là l'œuvre féconde que, comme moi du reste, vous
êtes d'avis d'entreprendre désormais. Je ne doute pas qu'elle
ne réussisse sur la rive droite du Sénégal, comme elle a
réussi déjà sur la rive gauche. Vous aurez pris une grande
part à ce résultat final, que j'appelle de tous mes vœux et
vers lequel votre gouverneur général saura vous conduire,
pour le bien général de peuples encore ignorés et pour la
grandeur de notre belle Afrique occidentale.
BiNGER.
Les Maures
de
l'Afrique occidentale Française
CONSIDERATIONS GENERALES
La question maure a existé de tout temps au Sénégal, mais on si
ne s'est pas absolument attaché à l'écarter, on ne s'en est préoccupé
pendant de longues années qu'autant que les intérêts commerciaux:
immédiats des maisons établies sur le fleuve y pouvaient réclamer
notre intervention.
En 1892 encore, les rapports les plus importants sur cette ques-
tion ne la traitaient qu'à ce point de vue unique et pour y étudier
les avantages ou les inconvénients des régimes opposés dits « des
escales » et de a la liberté du commerce ».
Ce n'est qu'en 1894 — rapport Claude — et principalement en
1896 — rapport de Lartigue — qu'elle fut au Soudan l'objet d'une
étude très sérieuse, étude dans laquelle il était surtout traité des
tribus du Sabel.
L'extension de nos colonies autour et même au milieu du
Sahara, la sécurité que nous devons à nos protégés comme à nous-
mêmes, d/autrcs raisons supérieures plus élevées encore, nous com-
mandent de sortir de la réserve prudence que nous nous étions im-
posée, au Sénégal en particulier, et de connaître mieux nos voisins.
Cette connaissance, c'est toute la question maure. Pour se rendre
compte de son importance, pour en comprendre Tactualité, pour en
déterminer la soluliim, il convient de l'examiner, au moins succinc»
LES MAURES 1
—2—
tement, dans les faits passés et présents et de circonscrire le pro-
blème, par un résumé de l'état actuel des choses.
Dans ce but, nous étudierons d'abord, l'une après l'autre, chacune
des grandes tribus qui s'échelonnent sur la rive droite du Sénégal
depuis l'océan Atlantique et vont s'enfonçant jusqu'aux confins du
Sahel. Puis, les ayant envisagées séparément dans leurs besoins
autant que nos relations et nos documents nous permettront de le
faire à l'heure actuelle, nous rechercherons l'œuvre d'ensemble à
laquelle il est possible et souhaitable de les associer.
Sur première opération qui s'inspirera de l'esprit de péné-
cette
tration pacifique qui doit nous guider dans cette partie de la côte
occidentale d'Afrique, nous grefferons l'importante question d'ex-
tension de notre zone d'influence vers les populations riveraines de
l'océan entre le Sénégal et le Maroc.
Tel est le plan de ce travail : rechercher à qui nous avons affaire
afin de mieux savoir ce que nous pouvons faire, le tout pour assurer
la sécurité des frontières commerciales actuelles de la colonie, pour
contribuer à son développement, pour collaborer à l'action éner-
gique déjà entreprise au nord par l'Algérie, au sud par leSoudan
dans un but de jonction nécessaire et prochaine et enfin pour ne
pas faillir à la tâche naturelle qui nous incombe de protéger et de
défendre toutes les tribus tranquilles et laborieuses qui vivent ou
désirent vivre à l'ombre protectrice de notre drapeau.
Le but de cet ouvrage n'est point de rechercher dans les lointains
fuyants de l'histoire l'origine des peuples maures. Ces renseigne-
ments sont aujourd'hui connus et de nombreux travaux les ont pro-
pagés et mis entre les mains et sous les yeux de tous. Il nous suffira
pour pénétrer l'esprit et l'âme de ces nomades de les suivre dans
le cours des événements auxquels ils ont été mêlés depuis un demi-
siècle et de rappeler en quelques mots quel est leur point de départ,
quelles sont leurs mœurs, leurs coutumes, leurs tendances, leurs
sujétions religieuses et leurs ambitions politiques.
Afin de bien comprendre la vie, les mœurs -et les luttes de ces
populations convient d'abord de s'abstraire assez, pour oublier les
il
principes d'ordre, de méthode et de classification que la civilisation
nous ont donnés. Rien chez les Maures ne correspond à ce
et l'étude
que nous connaissons ou sommes accoutumés de voir. Tout y est
vague, imprécis et flottant. Les groupements qu'on ne saurait
appeler des peuples, n'y ont pas à proprement parler de territoires
—3—
géograpiliquement ou politiquement déterminés l'ensemble même ;
d'un groupe n'est qu'une agglomération de races et de tribus
diverses. Les mêmes tribus se dispersent et se répandent dans des
groupements difîérents. Les familles s'y maintiennent intactes et
cependant s'y enebevêtrent. Les castes y sont à la fois mélangées
et distinctes. Dans le commandement de ces masses bétéroclites et
cependant compactes, tout dépend du cbef reconnu; il n'y a pour
tous les personnages de son entourage aucune spécialisation arrêtée.
C'est le camp instable, remuant, vagabond, indépendant, désordonné
où régnent seuls, par la force, les chefs que suivent, soumis, les
fractions maraboutiques impuissantes et le flot des tributaires et des
esclaves opprimés. On ne saurait oublier dans cet ondoyant et con-
tinuel remous, les ambitions, les convoitises, les cupidités brutales
de tous les chefs de bande, les trahisons soudaines, les réconcilia-
tions plus rares mais aussi brusques, les fluctuations incessantes que
des rivalités jalouses y produisent, partageant les tribus ou les dépla-
çant, allumant des inimitiés que des assassinats successifs perpé-
tuent ou que de subites alliances endorment, toutes choses enfin qui
font de cet ensemble, en apparence inorganisé, une sorte de four-
milière immense, tumultueuse et confuse.
Dans le passé, tout le pays qui s'étend de la Sénégambie au vieux
Maghreb avait été le domaine de deux grands peuples berbères, les
Zenata et les Zenaga, et c'est à la présence de ces derniers sur les
bords du Sénégal que le fleuve devrait, dit-on, son nom. Sans nous
attarder à un développement historique, nous signalerons seulement
les croisements qui se produisirent à la suite de la conquête arabe
parmi le peuple zenaga. Une des fractions de la tribu himiérite de
Makil, Béni Hassan, venus de l'Arabie jusqu'aux environs de
les
Sousse et de Kairouan, avait été repoussée et contrainte de reprendre
sa marche vers l'occident sur la frontière du désert. Les alterna-
tives de succès et de revers, qui durèrent des siècles, mirent en con-
tact constant l'élément berbère et l'élément arabe. Ce dernier par-
vint à se maintenir dominateur sur une partie au moins des Zenaga
qui tombèrent dans l'état de vassalité et de dépendance où nous
retrouvons des tribus entières, encore aujourd'hui, que leur nom est
devenu synonyme de tributaire.
Au XI® siècle, un de leurs chefs, de la tribu de Djeddala, créait, à
son retour de la Mecque, une sorte de secte, les a Morabethyn » —
d'où serait venu le mot de marabout donné encore de nos jours à tous
les Tolba — et déterminait le grand mouvement qui devait porter
à son plus haut degré la puissance des Almoravides, sur la côte
barbaresque. Mais cette gloire des Morabethyn s'écroula vite; ils
ne tardèrent pas à être vaincus à leur tour. Quelques tribus conser-
vèrent partout une certaine indépendance. Vassales, mais non
peu près toutes, des entreprises guer-
asservies, elles se détachèrent, à
rières et ne s'occupèrent bientôt plus que d'élevage et de commerce.
Les Idaou el Hadj et quelques Kounta en sont un exemple leur ;
caractère religieux peut-être les empêcha de tomber ou leur permit
de ne point demeurer longtemps dans Tétat de servage auquel n'ont
point échappé encore bien d'autres tribus zenaga. C'est cette tribu
des Idao el Hadj qui nomadise aujourd'hui entre le Tagant et nos
possessions sénégalaises sous le nom de Dowich (Idaou-aïch,
Douaïch, Dowich).
Déjà les croisements s'étaient multipliés chez les Berbères. Les
vainqueurs y avaient apporté le sang de leur race arabe mais les ;
captifs noirs que les vaincus avaient amenés avec eux du sud y
avaient aussi mêlé le leur. Les luttes nouvelles et les nouvelles con-
quêtes devaient encore achever cette confusion. Profitant de la fai-
blesse des Zenaga écrasés par les princes El Arbia, des Béni Hassan,
les indigènes du Sénégal et du Soudan avaient repassé le fleuve, en-
vahi le pays de Chemana — région alluviale de la rive droite — et
refoulé assez loin leurs voisins dans le désert. Au milieu du
XV® siècle, les Ouolofs s'avançaient au nord du Sénégal, jusqu'à
plus de 100 kilomètres dans le Ganar (pays des Maures) et, un peu
plus tard, les Sarrakolés s'établissaient à 250 kilomètres en plein
Tagant, oîi ils étaient connus sous le nom de Tiaganés.
Cependant les tribus de Béni Hassan, arrêtées par l'océan,
vivaient mal à l'aise au sud du Magreb. Des dissentiments s'éle-
vaient entre les princes El Arbia. Des luttes fréquentes se produi-
saient entre eux et les Oulad Delim, descendants de la tribu zenaga
des Djeddala que nous retrouvons maintenant dans le Tiris et sur
les possessions espagnoles du Eio de Oro. Ce n'est guère qu'au com-
mencement du XVII® siècle, après la mort d'un chef puissant des
Béni Hassan, Makh Far, que les tribus jusqu'alors maintenues sous
son autorité se séparèrent. Déjà Makh Far, accompagné de son
frère M'Bark, avait commencé la marche vers le sud. C'était une
nouvelle conquête. Les populations noires résistaient. M'Bark, plus
audacieux ou désireux d'échapper à l'autorité du frère aîné, avait
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quitté la côte et hardiment s'était enfoncé vers l'ouest dans le désert.
C'est ainsi forma au cœur du Saliel la grande tribu des Oulad
que se
M'Bark qui longtemps soumit les Bambaras du Kaarta, et où nous
les retrouvons aujourd'hui amoindris, divisés et en partie établis sur
notre territoire.
Les fils de Makb Far, Terrouze et Barkani, poursuivirent, après
la mort de leur père, la lutte contre les Ouolofs réinstallés sur la
rive droite du fleuve. Ils le franchirent même en plusieurs points et
les Zenaga, devenus déjà tributaires des Hassan, reprirent, sous une
domination avilissante, possession de leurs anciennes terres.
Quelle discussion s'éleva-t-il entre les deux frères ? Les légendes
ne le disent point. Un jour cependant, à la suite d'une victoire, Ter-
rouze et Barkani se trouvèrent en désaccord. Les tribus prirent part
à la querelle et bientôt les Trarza (partisans de Terrouze) et les
Brackna (partisans de Barkani) se trouvèrent en armes face à face.
C'est ainsi que ce grand mouvement des forces humaines, parti
de l'Orient depuis des siècles, garda sa longue ondulation au milieu
des bouleversements et des accidents géographiques et politiques
qu'il rencontra, se heurta à l'infranchissable océan et, comme un flot
détourné et rejeté vers le sud, vint, affaibli, dans une courbe im-
mense qui inonda le désert, finir brisé en nombreux remous sur les
rives du Sénégal.
Vie, mœurs et coutumes des Maures.
Tous les Maures de l'Afrique occidentale sont essentiellement
nomades. Ils vivent en campement sous des tentes brunes tissées en
laine de brebis et quelquefois en poils de chameaux, par les femmes
des captifs ou des tributaires.
La population maure, si nous en exceptons les vieilles tribus
d'origine berbère, redevenues indépendantes, telles que les Dowich,
les M«chdouf et d'autres, comprend cinq castes principales très dis-
tinctes les unes des autres :
Les guerriers (Hassan);
Les affranchis (Haratines);
Les marabouts (Tolba);
Les tributaires (Zenaga);
Et les captifs (AbidV
—6—
Il en est bien deux autres encore, les forgerons et les griots;
mais les premiers se fondent avec les tributaires et les seconds ne
sont point assez nombreux pour arrêter l'attention.
Les guerriers que, par généralisation, on désigne sous le nom de
Hassan, se composent non seulement des princes El Arbia, descen-
dants des Béni Hassan qui ont subjugué les berbères du désert,
mais encore des tribus d'Haratines qui suivent ces princes à la
guerre et des tribus de Zenaga qui, volontairement ou par con-
trainte, portent les armes avec leurs maîtres.
Les tribus baratines sont formées d'anciens captifs affranchis
ou descendant d'affranchis. Moyennant une redevance qu'ils paient
tous les ans au prince de qui ils dépendent et qui les commandent,
ils sont entièrement libres et se livrent au commerce, à l'élevage et
quelquefois à la culture.
Chacune de ces tribus est commandée par un prince qui perçoit
les redevances annuelles de ces sujets. Ce prince appartient tou-
jours à l'une des tribus guerrières et lorsqu'il prend part à une
guerre soit pour la défense du roi, soit contre l'émir régnant, les
Haratines l'accompagnent, sans qu'il soit même obligé de les y
contraindre. C'est dans les mœurs.
Les tribus maraboutiques (Tolba) sont, en tous les points du
pays maure, les plus nombreuses et les plus importantes. Dans les
grands groupements qui ont pour chefs des princes arabes, comme
les Trarza, les Yahia ben Othman, les Kounta, les Brackna et les
Oulad Ben Nacer, les marabouts ne s'occupent exclusivement que
de commerce, d'élevage, d'instruction et aussi un peu de culture
avec l'aide de leurs captifs. Les marabouts sont libres. Ils paient des
redevances au chef des guerriers, au roi; mais ces redevances ne
sont point déterminées d'une façon fixe ni payées à des époques
régulières. Il arrive fréquemment qu'une tribu de marabouts trop
fortement imposée par le roi, se place sous la protection d'une tribu
guerrière puissante à laquelle elle confie la défense de ses intérêts..
Cette intervention des guerriers auprès du roi en faveur des mara-
bouts est naturellement rétribuée par ces derniers.
Certaines tribus maraboutiques, telles que les Chorta, les Oulad
Beiri, les Taleb Mokhtar, jouissent d'un grand prestige et d'une
grande influence près des chefs et des tribus guerrières. Ce prestige
et cette influence viennent toujours de la présence d'un grand chef
~7—
religieux dans chacune de ces tribus, comme de Cheikh Sidia chez
les Oulad Béiri et de Sidi-El-Kheir chez les Taleb Makhtar.
Un fugitif — fût-il plusieurs fois coupable, — est toujours
respecté, s'il a pu se réfugier dans le camp d'un de ces Cheikhs.
Toutefois certaines tribus guerrières, les Oulad Dahman, les Oulad
Fakhi, Oulad Bolhia, les Oulad Nacer et
les les Oulad Delim, moins
respectueuses des coutumes religieuses, ne se privent point d'atta-
quer les caravanes des tribus maraboutiques.
Les marabouts ne prennent jamais part aux combats, du moins
tous ceux qui vivent avec les tribus des princes Hassan. Pourtant
ils suivent souvent les guerriers, pour dépouiller les morts, sur le
champ de bataille, et enterrer les princes tués pendant la lutte. Ils
ont la faculté de circuler librement entre les tribus belligérantes.
Les Zenaga sont les débris des vieilles tribus berbères aveulies
par les croisements et la servitude et qui sont devenues les tribu-
taires des guerriers et des marabouts. du désert.
Ce sont les serfs
Ils sont à l'entière disposition du prince qui commande leur tribu.
Il en peut disposer à sa fantaisie ou suivant ses besoins, les vendre
soit à un autre prince, soit même à des marabouts. Ces tributaires
paient annuellement une redevance à leur chef, qui peut, en outre,
exiger d'eux de nouvelles contributions, soit en argent, soit en
bétail, ou en étoffe, tout ce que possède le tributaire étant la pro-
priété de son maître..
Les Zenaga travaillent pour leur compte personnel; ils font sur-
tout du commerce et de l'élevage. Il en est qui possèdent jusqu'à
200 chamelles, 150 vaches et plusieurs troupeaux de moutons. Les
tributaires vendus par leur maître deviennent, avec leurs biens, la
propriété de l'acheteur, à moins que leur premier propriétaire leur
ait retiré leurs biens et qu'il les ait vendus seuls.
Ce qui différencie la condition du tributaire de celle du captif
ordinaire, c'est que son maître ancien ou nouveau, ne peut pas
l'obliger de quitter sa famille ni de se déplacer. Le tributaire vit où
il veut. Vendu, il peut rester avec les siens dans la tribu où il se
trouvait avant la vente, mais en payant à son nouveau maître la
redevance annuelle qu'il payait à son ancien propriétaire.
Ahmet Saloum, roi des Trarza,pour expliquer la situation des
Zenaga, disait qu'ils sont pour eux, ce que les pièces de 5 francs
sont pour les Européens. Les Maures pour les outrager disent que
c'est de la « viande » (Lahma).
—8—
Les Zenaga participent aux guierres en marchant avec les guer-
riers dont ils dé]>endent. Ils sont plutôt de mœurs pacifiques, si on
en excepte, chez les Trarza, les E-akhala, tributaires des Oulad
Ahmed ben Dahman, Mzazga, tributaires des Eleub. Ces deux
et les
tribus zenaga sont particulièrement pillardes. Certains groupes de
tributaires suivent volontairement leurs maîtres à la guerre mais ;
beaucoup d'autres ne marchent que contraints et par crainte des
représailles qui pourraient être exercées contre eux, les hostilités
terminée*.
Le Zenagui ne peut jamais se libérer. Ce n'est pas un esclave;
c'est un homme libre! ...
Parmi les Zenaga on compte aussi les forgerons, qui, ainsi qu'il
a été dit, forment une sorte de caste à part, mais non distincte des
tributaires. Ce sont les ouvriers qui fabriquent les mors, les étriers,
les sabres, les poignards, les lances, les bijoux, les calebasses en
bois, les pipes, les briquets, etc., etc. I/es femmes de cette caste
travaillent le cuir. Ils sont répandus dans les diverses tribus zenaga.
Les captifs vivent dans l'état ordinaire de domesticité qui carac-
térise l'esclavage dans ces régions. Ils sont les serviteurs naturels des
familles auxquelles ils appartiennent. Nourris et entretenus par le
maître, c'est lui encore qui verse la dot de la femme que désire
épouser le captif.
Lorsque le chef de la famille disparaît, les captifs passent aux
héritiers..
Ils vont rarement à ou seulement pour y servir de pale-
la guerre,
freniers. Chaque semaine ils ont deux jours de liberté, le mardi et
le vendredi, pendant lesquels ils peuvent travailler pour eux. Si,
d'ordinaire ils vont chercher de la gomme pour leur maître, ou s'ils
cultivent pour lui des lougans, c€s deux jours du mardi et du ven-
dredi, ils les peuvent employer à récolter de la gomme qu'ils ven-
dront pour leur compte personnel, ou à cultiver le terrain qui leur
a été cédé à côté de celui de leur maître.
Le captif peut toujours se racheter; c'est, du moins, une faculté
qui lui est accordée par la loi coranique et dont il lui est possible
de profiter lorsqu'il a la chance de n'être pas captif d'un prince;
car le rachat ne se fait que par une entente entre le maître et l'es-
clave. Si le maître ne consent pas, le rachat ne peut avoir lieu — et
les princes n'y consentent jamais.
Dans la pratique le rachat est une chose rare. Le captif libéré
devient un hartani (singulier de haratines) s'il s'établit dans le pays.
Les griots (igaoun) forment une caste à part, la dernière et la
plus basse du pays. Ils choisissent leurs femmes dans les familles
griotes et ne contractent jamais d'alliances avec les gens des autres
castes. Ils vivent de mendicité, reclierchent l'aumône même des
captifs, bien qu'ils aient des captifs eux-mêmes bien souvent et
qu'ils possèdent une réelle fortune. Cependant le griot n'économise
pas; étant toujours certain de recevoir des cadeaux, il vit largement,
vendanFla plupart des choses, captifs ou animaux qu'on lui donne
et dépensant presque tout ce qu'il a recueilli.
Les griots n'accompagnent les guerriers en temps de guerre que
pour chanter et jouer du tédinite (sorte de violon). Ils s'arrêtent
loin des combattants, lancent un chant de guerre nommé Fakho
et ne se rapprochent que lorsque la bataille est terminée. Ils ne
soignent ni les maladies ni les blessures. Certains d'entre eux ont
une réputation d'improvisateurs, de poètes, qui en fait des person-
nages. Au commencement du siècle dernier, il en existait un,
Sedoum Ould N'Diartou chez les Oulad M'Bark, qui était célèbre
dans tout le désert. Le roi des Dowich, Bakar Ould Amar, résolut
de se l'attacher. Il le fit venir dans le Tagant et lui accorda un
droit régulier sur toutes les caravanes entrant dans les escales. La
situation de Sedoum ne fit que s'accroître ainsi que sa renommée.
Ses chants étaient remarquables. Les présents lui venaient de tous
côtés et chaque tribu guerrière et zénaga des Dowich lui donnait
annuellement un mouton par tête d'adulte. Ses descendants, d'ail-
leurs, jouissent encore des mêmes privilèges.
Lors de la division des Dowich, les deux fils de Sedoum Ould
N'Diartou se partagèrent la situation. L'aîné Jeich se fixa chez les
Abakak et le cadet Mohamed Deia suivit le chef des Chratitt. Ce
sont les enfants de ces deux griots qui vivent encore, très en faveur,
dans le camp royal de chacune des deux fractions des Dowich.
Tous camps maures se déplacent régulièrement suivant les
les
saisons. Les femmes suivent leurs pères ou leurs enfants dans tous
leurs déplacements. Pendant toute la durée de la saison sèche, les
Maures se rapprochent des bords du Sénégal et de nos établisse-
ments du Sahel. C'est l'époque de la traite de la gomme, du sel, des
produits de l'intérieur et des rapports commerciaux. Ils trouvent
près de nous l'eau nécessaire à leurs besoins et à l'abreuvement de
leurs troupeaux. Dès le commenc-ement de l'hivernage, ils s'éloi-
— 10 —
gnent vers le Nord pour clierciier dans Tintérieur des pâturages
nécessaires à leur nombreux bétail et aussi pour fuir les piqûres
des moustiques, auxquelles ils sont fort sensibles.
Leur migration a lieu tous les ans à peu près dans les mêmes
directions, suivant les tribus.
Les tribus guerrières partent généralement les premières et
s'enfoncent le plus avant vers le Xord. Vers la fin du mois de
décembre, elles commencent à reprendre la route du Sud et arrivent
sur les bords du Sénégal et près de nos possessions sakéliennes dès
les premiers jours de février. Si l'hivernage s'est terminé de bonne
heure, elles avancent l'époque de leur retour.
La plupart des autres tribus, tout en abandonnant les rives du
fleuve, ne s'en éloignent guère à plus de 100 kilomètres. Elles
partent 'beaucoup plus tard et reviennent aussitôt la fin des pluies.
Tous les ans, pendant quarante jours, à la même époque, appelée
chez eux Alaoua — correspondant à notre canicule et qui s'étend
du milieu d'août à la fin de septembre —
tous les camps s'immobi-
lisent. La guerre même ne les ferait point bouger. Pendant cetta
période très dangereuse pour les hommes et les animaux, toute
marche pourrait, à leur avis, leur être dangereuse.
Bien que musulmans, les Maures sont tous monogames. Ils
s'allient dans la classe à laquelle ils appartiennent. Il y a cependant
des exceptions. Il arrive fréquemment qu'un prince prend sa femme
parmi les tribus maraboutiques et même que des marabouts épou-
sent des filles d'Hassan mais, dans ce dernier cas, l'enfant résul-
;
tant de cette union naît tolba et ne peut pas porter les armes. Des
unions se contractent entre baratines et captifs : un hartani
peut épouser une femme zenaga ou soudonia (captive) ; mais on a
fort peu d'exemple d'un zenagui ou d'un captif épousant une femme
haratine.
En résumé, les zenaga et les captifs sont de castes inférieures
chez lesquelles les autres consentent à prendre femme, mais à qui
ils ne donnent jamais leurs filles. Toutes les femmes ne sortent que
voilées.
Sous maure, la femme commande.
la tente
Elle ne s'occupe jamais des gros travaux ni de la cuisine; ^e
sont les captifs qui sont chargés de ces détails. De loin en loin, elle
prépare les vêtements de son mari ou de ses enfants. C'est son seul
travail. Ses journées se passent dans l'inaction ou en visites dans les
— 11 —
tentes voisines, chez ses compagnes. Bien qu'elle possède toujours
des bijoux d'or ou d'argent qu'elle porte les jours de grande fête,
elle n'est pas autrement coquette. Elle ignore les premières notions
de propreté et d'hygiène. Chez les Trarza, Oulad Nacer, et les les
îiechdouf notamment, la femme se lave à peine une fois par mois,
dans la saison chaude mais de la fin de septembre au commence-
;
ment de juin, elle ne touche jamais à l'eau. Les Dorwich, les Oulad
Abdallah, les Yahia ben Othman et les El Sidi Mahmoud sont
moins négligents.
La femme maure est l'objet d'un profond respect de la part de
son mari. Elle mange seule, avant lui et servie par lui. Il ne prend
son repas que lorsqu'elle a terminé le sien.
Elle nourrit très rarement une exception
ses enfants ; c'est
extraordinaire, surtout dans les tribus guerrières. Elle prend une
nourrice parmi les femmes de ses captifs. Ce sont également ses ser-
viteurs qui s'occupent de tous les soins à donner à ses enfants.
Les jeunes filles ne font rien, pas même de couture. Jusqu'à
l'époque de leur mariage elles portent journellement des bijoux,
bracelets d'or et d'argent, boucles d'oreilles, colliers d'ambre, etc.
Lorsqu'un jeune homme désire se marier, il adresse d'abord sa
demande à la mère, et la plupart du temps, pour ne pas dire tou-
jours, il est d'accord avec la jeune fille. La mère ayant donné son
consentement, il s'adresse au père avec lequel il discute la question
de la dot.
A rencontre de ce qui se passe parmi les populations sénéga-
laises, chez les Maures, la dot n'est versée aux parents de la femme
qu'une mariage accompli. Le taux d'une dot dans la classe
fois le
moyenne des marabouts est d'environ 150 pièces de guinée, ce qui
représente à peu près 000 francs. Certains princes ou chefs religieux
ont exigé pour dot de leurs filles jusqu'à 6,000 francs.
Lorsque le père de la jeune fille et le fiancé sont tombés d'accord
sur le chiffre de la dot, le mariage est décidé. Il donne lieu à de
grandes réjouissances dans le camp de la jeune fille, coups de fusil,
tam-tam, danses, etc.. Pendant la durée de tous ces divertisse-
ments, le marié ne voit pas sa femme. Elle reste sous la tente de sa
mère, avec ses compagnes qui la peignent et la parent.
Une tente nouvelle a été préparée pour les jeunes époux. Le sol en
est couvert de nattes et de tapis. Le mari, lorsque la nuit est tombée,
y pénètre le premier avec ses amis. On leur apporte à manger et le
^ 12 —
repas terminé, ilenvoie une de ses captives chez la mère de la jeune
fille. Celle-ci arrive accompagnée de quelques jeunes femmes de la
tribu et tout le monde se retire.
Le lendemain matin avant époux quitte la tente
l'aube, le nouvel
et pendant huit jours il n'y rentre que le soir quand il fait nuit.
Lorsque le jeune ménage doit quitter le camp, ou s'établir défi-
nitivement chez lui, le père de la mariée fait à sa fille de grands
cadeaux qui quelquefois égalent le montant de la dot payée par le
mari et qui, en premier lieu, consistent en deux chameaux, l'un
avec une selle de femme, appelée dans le pays a araguine » ou
« zerfa » et munie de la toiture dénommée l'akheter, l'autre por-
tant une captive et la tente qui doit abriter le nouveau couple. Le
beau-père donne également deux vaches.
A partir de ce moment, le gendre ne peut plus se trouver en pré-
sence de sa belle-mère, ni de son beau-père. Dès qu'ils s'aperçoivent
ils s'évitent. Si un grand palabre, un conseil en temps de guerre les
obligent à se rencontrer, ils se tiennent toujours éloignés l'un de
l'autre.
En général, les jeunes gens ne doivent ni boire, ni manger, ni
fumer devant les personnes âgées.
Le divorce, qui existe chez les Maures de par l'application des
textes du coran, est rarement réclamé. Il n'est jamais prononcé que
sur la demande du mari et le plus souvent pour des raisons d'ordre
intérieur, d'incompatibilité de caractère, quelquefois aussi, lorsque
l'union n'a pas donné d'enfant ; mais presque jamais pour cause
d'adultère. Le mari trompé frappe quelquefois sa femme mais il ;
n'y a pas eu d'exemple qu'un maure —
et ils ont cependant le coup
de fusil facile — ait tué ou cherché à tuer sa femme coupable ou
l'amant de celle-ci. Beaucoup connaissent l'inconduite de leur
femme et ferment les yeux.
Lorsqu'un homme se décide à divorcer il appelle deux témoins et
répudie sa femme devant eux. Aussitôt la femme part chez sa mère,
les parents et les captifs se réunissent autour de sa tente, tuent des
chameaux et des bœufs, tirent des coups de fusil et organisent un
tam-tam. Ces réjouissances durent deux ou trois jours. Trois mois
plus tard elle peut contracter un second mariage.
Lorsque meurt un chef de famille, le cadi procède au partage
des biens du défunt suivant les textes de la loi coranique les dettes :
une fois payées, la femme touche un huitième et les enfants se par-
— 13 —
tagent dans la proportion de deux parts pour chaque fils et
le reste
d'une part pour chaque fille. Si le mort ne laisse pas d'enfant, la
veuve touche la moitié des biens de son mari.
En temps de guerre, les hommes seuls se mettent en mouvement.
Les femmes, les enfants, les vieillards restent au campement, sous
les tentes et troupeaux. Les vainqueurs qui, après avoir
gardent les
mis leurs adversaires en déroute, arrivent dans ces camps pour les
mettre au pillage, s'emparent des captifs, des animaux et de tous
les biens ; mais femmes et les enfants sont toujours
les vieillards, les
respectés. Dans aucun cas on ne touche aux femmes libres des vain-
cus. Il est même fréquent que le vainqueur laisse une part du butin
aux femmes du camp qu'il vient de piller.
Cependant chez les Trarza et chez quelques autres tribus du
Sahel, lorsqu'au cours des guerres intestines, le parti vainqueur
trouve les enfants d'un roi ou d'un prince marié à une femme étran-
gère, les fils nés de cette étrangère sont immédiatement mis à mort,
pour éviter que plus tard un étranger ne puisse un jour les com-
mander.
Au reste, ordinairement, quand les guerriers se préparent à com-
battre, ils prennent soin de confier leurs biens aux marabouts ; car
il est coutumes de ne point porter la main sur les tribus où
dans les
se trouvent des chefs religieux, coutumes que cependant ne respec-
tent pas toujours certaines bandes plus pillardes encore que les
autres.
Le costume des Maures est des plus rudimentaires. Il est taillé
dans des pièces d'étoffe bleue connue sous le nom de guinée, et cousu
par femmes. Il comprend une espèce de culotte courte, large et
les
flottante et une sorte de gandoura, relevée de chaque côté sur les
épaules pour leur laisser toute liberté de mouvement. Chez les
Trarza, le roi seul a le droit de porter une culotte blanche c'est :
l'insigne suprême du commandement.
L'armement des Maures consiste en fusils à pierre ; c'est leur
principale arme. Quelques chefs ont des fusils de chasse à piston.
Chacun d'eux porte un poignard ou un couteau. Leurs forge-
aussi
rons fabriquent bien quelques lames, mais ils les vendent aux indi-
gènes de la rive gauche du Sénégal ou du Sahel, les Maures n'en
faisant jamais usage.
Leurs chevaux nés dans le pays, de petite taille et rustiques, sont
résistants et capables de fournir de très longues étapes. Les chefs
— 14 —
ont souvent des animaux de plus grande taille qui viennent du
Tagant une réputation sou-
et de l'Adrar oii des races de choix ont
vent méritée. Il en sera parlé plus loin; il ne s'agit ici que de la
généralité des chevaux qu'emploie et monte la plus grande partie
des Maures. Ces chevaux ne sont pas l'objet de soins spéciaux. Le
Maure qui cependant doit souvent la vie à la vitesse de son cheval,
n'a, à part de rares occasions, pour son compagnon de guerre
aucune attention particulière. Il lui donne juste ce qui suffit à lui
assurer l'existence.
Les Maures, qui sont grands batailleurs et pillards, semblent,
par une bizarre anomalie, manquer de courage guerrier. Quand ils
font la guerre, ils marchent par tribus sous la conduite de leur roi
ou de leur chef.
Chez quelques tribus comme les Hammounat, par exemple, frac-
tion dissidente des Mechdouf, dans le Sahel, il y a toujours deux
chefs, l'un qui gouverne en temps de paix, l'autre qui commande
pendant la guerre.
Les Trarza qui, plus que tous autres, ont été en contact avec les
Européens, en ont un peu copié les usages. Chez eux, chaque tribu
a son drapeau. C'est, au bout d'une hampe grossière, un morceau
d'étoffe bleue, rouge ou noire, sur lequel des marabouts ont écrit
des versets du Coran qui doivent leur assurer la victoire. La tribu
royale des Oulad Ahmed ben Dahman a seule droit au drapeau
blanc. Une garde de 7 hommes à pied entoure toujours chaque dra-
peau.
La façon de combattre des Maures est à peu près la même dans
tout le désert. Pour se porter à la rencontre de leurs adversaires, ils
marchent par tribu et sans ordr^ les cavaliers devant, les fantassins
montés par groupes de 2 ou 3 sur des chameaux. Arrivés près de
leurs ennemis, ils s'arrêtent à 2 kilomètres environ, attachent leurs
chameaux et se mettent en marche en ligne de bataille, les fantas-
sins, qui sont toujours les plus nombreux et qui sont les véritables
combattants, en avant des cavaliers, lesquels restent derrière à
150 ou 200 mètres du combat.
Les attaques ont lieu le plus généralement vers la fin de la nuit
— 3 ou 4 heures du matin —
à moins que les deux armées se ren-
contrent volontairement en plein jour.
Pour combattre, les Maures se mettent presque nus. Us ne gar-
dent que leur boubou (gandoura) qu'ils roulent en corde devant et
— 13 —
derrière le corps de façon à ce qu'en cas de blessure aucun morceau
d'étoffe ne pénètre dans la plaie.
drapeaux et leurs gardes se portent à
Cliez les Trarza tous les
quelque distance en avant. Les gardes se couchent et s'avancent en
rampant. Toute l'armée opère de la même façon, suivie à distance
par les cavaliers. A partir de ce moment la lutte devient indivi-
duelle. Les cavaliers n'interviennent que lorsqu'ils rencontrent
d'autres cavaliers ou pour poursuivr-e les fuyards de l'armée défaite,
les empêcher de rejoindre leurs chameaux et s'emparer de ces mon-
tures.
Qu'il s'agisse du pillage d'un camp ou de l'attaque d'une cara-
vane, la manœuvre des Maures est la même : ils procèdent par sur-
prise; mais contre les caravanes, ce sont surtout les cavaliers qui se
mettent en marche.
Le butin capturé, captifs, chameaux, chevaux, moutons, ânes,
étoffes, bijoux, etc., est partagé par les chefs assemblés. On met
d'abord de côté la part du roi, qui est déterminée d'un commun
accord; on distingue ensuite la part à attribuer à chaque tribu
combattante, puis les guerriers de chacune des tribus fixent ce qui
revient à leurs chefs respectifs et se partagent le reste dans la pro-
portion de deux parts pour chaque cavalier et d'une part pour
chacun des fantassins. Les tributaires qui ont participé au combat,
les captiîs, si jeunes soient-ils, qui ont accompagné les guerriers
et qui cependant n'ont point combattu, touchent également leur
part dans les mêmes conditions.
Les Maures n'ont jamais de grands approvisionnements de
poudre ou de plomb. Chaque combattant emporte avec lui la pro-
vision qu'il a achetée lui-même et qui lui paraît nécessaire, 250 à
300 grammes». Il y a même des guerriers qui n'en emportent pas.
Il leur en est fourni par le chef de la tribu qui lui-même n'ea
emporte guère plus de 10 à 12 kilos.
Dans le Tagant, les Dowich et les Kounta fabriqueraient une
poudre grossière en faisant venir le salpêtre de l'Adrar et le soufre
de Tofoli, dans le pays trarza, entre Touïla et Nouaramach, à
environ 500 kilomètres au nord du Sénégal.
TRIBUS SÉNÉGALIENNES
LES TRAEZA
Population approximative, 80,000 ;
— guerriers : fantas-
sins, 4,200; cavaliers, 300.
Eoi des Trarza : Alimet Saloum II.
Situation géographique. —
Le pays habité ou du moins par-
couru par les tribus trarza s'étend du Sénégal, au sud, jusque vers
le fond de la baie d'Arguin, en un point nommé Agadir, assez près
du 20°3Û' de latitude. Il a pour contrées limitrophes, au nord, le
Tiris et l'Adrar. A l'est, il touche au Tagant et au pays Brackna.
C'est une région de vastes plaines que quelques ondulations
accidentent lorsqu'on remonte vers le nord. Des points d'eau assez
nombreux en facilitent le parcours aux caravanes sans cependant y
avoir créé des oasis habitables. Une large bande de terre d'alluvion
ne mesurant pas moins de 4 à 5 kilomètres, submergée pendant près
de trois mois de l'année, constitue la rive droite du fleuve. C'est sur
ces terrains que les Maures et quelques villages indigènes de h
rive gauche viennent cultiver après le retrait des eaux. Les marigots
de Sokhan et de Guédayo qui alimentent le lac Cayar, le marigot
de Garak qui aboutit au lac Djiguéna, le marigot de Morghen qui
va rejoindre le fleuve au-dessus de Podor, augmentent le long de
leurs rives la zone des terrains alluviaux.
Tout le long de la côte s'échelonnent des salines nombreuses.
Dans tout le pays les arbres sont rares si on en excepte la foret
de gommiers qui s'étend dans l'Iguidi sur une profondeur de
200 kilomètres. Quelques puits comme ceux de Boutréfia dans le
Khat, de Tougount et d'Ameundour dans l'Enoualaler et en quel-
ques points encore de la côte voient seuls grandir autour d'eux de
pauvres et rares dattiers. La végétation se restreint, au fur et à
mesure qu'on s'élève vers le nord, aux rares plantes désertiques que
broutent les troupeaux des nomades.
LES MAURES 2
— 18 —
Organisation politique. — Les Trarza ont à leur tête un roi qui
arrive au pouvoir et qui 8*y maintient par la force et l'appui des
tribus guerrières du pays. Ces guerriers ont une tribu dirigeante,
qui est de nos jours les Oulad Ahmed ben Dabman. La famille royale
d'Ely Cbandora en fait partie et c'est toujours un de ses membres
qui est appelé au commandement suprême. Le roi jouit du pouvoir
absolu. Cependant il s'entoure souvent d'un conseil composé des
chefs de famille des Oulad Ahmed ben Dahman du chef de la
et
famille des Brahim ould Séid, principale branche des Oulad
Ergueig.. Lorsque de grandes questions sont en jeu, il réunit tous
les chefs des Oulad AJimed ben Dahman, deux chefs de chacune
des autres tribus guerrières et s'il s'agit de décider la guerre, il con-
voque à délibérer les chefs des tribus d'haratines et de zenaga.
Le tableau suivant donnera un aperçu de la division des Trarza
en tribus, avec le chiffre approximatif des adultes dans chaque frac-
tion :
Oulad Ahmed hen Dahman (tribu dirigeante) comprend huit
grandes familles
Les El Chandora — maison royale — 23 princes len état de
porter les armes, 13 au dessous de 12 ans :
El Tounsi 17 princes armés; 19 au-dessous de 14 ans.
El Charkhi Ould Edy. 14 — 5 —
Oulad Séid 72 — » >-
El Khaïta..... 9 _ 8 —
El Ahmed Deïa 13 — 4 —
El Mohamed Ahmed. 7 — 4 —
Doukhane 10 — 4
165
Tribus guerrières composées de princes :
Oulad Dahman 130 armés.
El Abollah 42 —
El Ague moutar 43 —
Oulad Mahimdat 13 —
Oulad El Bolhia 100 —
— 19 —
Toutes ces tribus sont essentiellement nomades et se retirent
assez loin dans le nord du pays trarza pendant l'hivernage.
Tribus guerrières d 'baratines, commandées par un prince et qui
ne paient pas de redevances :
Oulad Bolbi 80 bommes armés.
Oulad Kbalifa 60 —
Oulad Ben loug ou Azouna 280 —
Diegbadié .- 40 —
Takbarajent 130 —
Oulad Akcbar 70 —
Ces tribus restent non loin du fleuve, à moins que Tbivernage
ne soit très long.
El Eleub 400 bommes armés.
El Boïdat 500 —
Mokbtar Cberkbi 120 —
Doukbane 80 —
Se retirent toujours très loin du fleuve pendant l'bivemage.
Tribus d'baratines payant des redevances :
Oulad Aïd 400 bommes armés.
Oulad El Fakbi (baratines des
Oulad Dabman 400 —
Zomboti Afléliat, Zeïloufa, Ea-
:
kbayouat, Meguet 400 —
Ces dernières tribus restent presque constamment non loin du
fleuve.
Tribus zenaga qui marchent volontairement en temps de guerre :
Maradine 150 hommes armés.
Arouéjat 500 —
Eakbakhla (mauvais guerriers). 1,000 —
Tribus zenaga non guerrières :
— 20 —
Kof olatine 50 hommes adultes.
Oulad Abdoul Ouahid 70 —
Oulad Rahmoun : Soueida, Ou-
lad Ahmet Meuu Ahmet,
Oulad M'Bark, Souaïdat 250 —
Roumbatine 140 —
Lûumagui 60 —
Tribus maraboutiques (y compris leurs baratines) :
Oulad Béiri 4,000 hommes adultes.
Edekhoul 1,000 —
Togoumante 700 —
El Barrikallab 1,000 —
Edjfakba Habib Allah 300 -—
El Moubarak 300 —
Deïboussat 300 —
Idab El Hassan 2,000 —
Idaou Aly 400 —
Oulad Deïmane 1,000 —
Tlabine . 60 —
Mideliche 400 —
Idao El Haclj 400 —
Tachidbit'B (fraction des La-
khlal) 300 —
Tendekha 5,000 —
Coumleyline 1,000 -—
Taguenite 700 —
El Hijage 100 —
Idjadj Fakha 500 —
Idja Coudji 500 —
El Abeye 100 —
Ida Khagna 70 —
Oulad Sidi El Hadj 40 —
Timer Guivoum 50 —
Chorfa 150 —
Tajakante 500 —
El Bou Ahmed 100 —
El Eaïs 40 —
— 21 —
D'après ce tableau, dont tous les cLifFres n'ont qu'une valeur
approximative se rapprocliant toutefois le plus possible de l'exacti-
tude, on peut estimer la population totale du groupe trarza à
80,000 individus qui seraient répartis ainsi :
Guerriers et leurs baratines 4,500
Marabouts et leurs baratines 22,000
Zenaga 600
27,100
Femmes et enfants .- 60,000
Total 77,100
En 1847, le commandant Caille, attacbé à l'état-major général
du Sénégal, estimait la population totale des Trarza à 55,000 âmes
dont 6,000 combattants.
Tous les Oulad Abmed ben Dabman sont des princes. Ils forment
plusieurs groupes distincts, comptant en tout (juillet 1902)
165 bommes adultes en état de porter les armes et ils sont suivis
lorsqu'ils partent en guerre par les baratines dépendant de leurs
familles respectives : baratines Doukbane et baratines Mokbtar
Cberkbi qui élèvent ainsi à près de 1,000 le nombre des bommeq
armés.
Tous ces princes vivent des redevances qui leur sont payées par
les autres tribus du pays, surtout par les tribus maraboutiques.
Les Oulad Dabman, les Abollab, les Aguemoutar, les Mabimdat
et les Oulad el Boblia sont également des tribus princières, vivant
dans les mêmes conditions, des contributions que leur versent les
tribus maraboutiques ou zenaga.
Les deux tribus des Eleub et des El Boïdat ne sont point prin-
cières. Elles ont cependant aussi leurs tributaires. Le roi, mais le roi
seul, peut exiger d'eux qu'ils lui fournissent des cbevaux et des cba-
meaux.
Les Oulad Ergueig sont des descendants de la caste des forgerons
qui peu à peu ont abandonné leur profession et se sont rapprochés
du roi Trarza dont ils sont devenus les courtisans et les conseillers.
Ils constituent aujoud'lmi une tribu guerrière peu nombreuse qui
ii*est assujettie à aucune contribution. Ils vivent des redevances que
leur apportent leurs tributaires et de la part qui leur est abandonnée
sur les amendes que le roi les cbarge de recouvrer •
car ils sont avant
tout les messagers et les percepteurs de l'émir. C'est parmi eux
qu'Abmet Saloum, le roi actuel, a pris son premier ministre, Moha-
med Ould Brahim, au grand mécontentement des princes parmi les-
quels autrefois on choisissait ce dignitaire.
Toutes les tribus guerrières qui vivent sur les bords du Sénégal
ou ne s'en éloignent que très peu pendant la saison de l'hivernage
sont connues sous le nom général à^El Guehla.
Charges, impôts, tributs, redevances, coutumes. — Les princi-
pales charges qui pèsent sur le peuple trarza ne sont pas régle-
mentées. Elles dépendent de la volonté du souverain qui, lorsqu'il
lui plaît, envoie demander aux marabouts et aux zenaga le tribut
coutumier qu'ils lui doivent. Ce tribut n'est pas fixe. Il n'est jamais
moindre de 100 pièces de guinée par famille il augmente avec l'im-
;
portance des groupes qu'il frappe, mais non d'une façon régulière.
Il est le plus souvent payé en animaux, chameaux, bœufs, moutons
et ânes, quelquefois en captifs. Ce prélèvement ne se fait pas par
tribus mais régulièrement par famille et suivant les besoins ou les
;
caprices du roi. Toutefois chez les marabouts il n'est jamais
demandé qu'une fois dans l'année il en est de même pour les tribus
;
guerrières d'haratines des Oulad Aïd, des Oulad El Eakhi et des
Zomboti. Les tribus zenaga sont moins privilégiées; elles peuvent
être pressurées plusieurs fois dans la même année.
Il est impossible d'évaluer le montant des contributions ainsi
recueillies au nom du roi, qui a de grandes dépenses pour entretenir
son nombreux entourage. Les Oulad Ergueig et les baratines Mokh-
tar Cherkhi qui constituent sa garde, lui coûtent extrêmement cher.
Ses achats atteignent quelquefois des prix fantastiques. En 1896, il
a acheté à Cheikh Sidia deux juments Doufeynijat du Tagant pour
140 chamelles, c'est-à-dire 28,000 francs.
Les exigences royales ne sont pas les seules charges des tribus
zenaga. Les tributaires sont encore mis à contribution, plusieurs fois
^ar an, par les princes de qui ils dépendent.
Contrairement à ce qui se pa^se d'ordinaire chez les autres
— 23 —
peuples, lorsque les Trarza sont en guerre, les contributions dimi-
nuent; le roi et les princes ayant intérêt à ne pas mécontenter leurs
tribus. Il arrive même
fréquemment, dans ces occasions, qu'au lieu
d'exiger les redevances, il fait lui-même des cadeaux de familles
entières de tributaires, de captifs, de troupeaux de chamelles ou de
vacbes pour s'attacher les hésitants.
Les impôts réguliers perçus dans le pays Trarza sont : le massar,
ou droit de culture; le khafar, ou droit de passage; le petit khafar,
ou droit de sortie et l'assaka, ou dîme prélevée sur les récoltes des
indigènes sénégalais qui cultivent sur la rive droite
Le massar estpayé dans le pays par tout Maure, marabout,
baratine, tributaire ou captif, qui se livre à la culture. Il est prélevé
sur la récolte à raison de 50 kilos —
un matar —
par lougan
quelle que soit la grandeur du champ cultivé. Cet impôt revient
entièrement à la tribu des Oulad Ahmed ben Dahman qui à la fin
de chaque récolte envoie des percepteurs avec des chameaux, des
bœufs porteurs et des ânes pour recueillir le mil provenant de cet
impôt.
Le massar est un droit de protection établi depuis de nombreuses
années au profit -des Oulad Ahmed ben Dahman qui se disent pro-
priétaires de ces terrains et s'étaient engagés autrefois à défendre
les cultivateurs et à protéger leurs cultures moyennant cette rede-
vance.
Le massar payé par les indigènes de la rive gauche aux Oulad
Ahmed ben Dahman varie suivant le village qui cultive. Les indi-
gènes du canton de M'Diangué paient 400 matars de mil, soit
20,000 kilos aux familles des Tounsi et des Cherkhi pour ce droit.
De Richard Toll à Guidakar, le massar se paie par carré : chaque
chef de carré doit un matar pour lui et 20 moules (25 kilos environ)
pour chaque enfant âgé de plus de 10 ans.
Le village de Dagana paie de 300 à 350 matars (15 à 17,000 ki-
los), Gaé 20,000 kilos, Tékane, Darasalam et Fanaye, ensemble
6,250 kilos.
Le khafar est un droit de passage payé par les étrangers qui
traversent le pays Trarza. Il est ûxé par l'usage à 20 francs par
captif et par cheval, à 5 francs par chameau et par bœuf et au
dixième pour les marchandises, étoffes, tapis, ivoire, plume et or.
L'argent est exempt de ce droit.
— 24 —
Ces taxes sont payées entre mains des captifs du
les roi, chargés
de la perception à Gokhou-M'Badj, près de Saint-Louis.
Le petit khafar est payé à la sortie du pays par les Trarza eux-
mêmes aux percepteurs du roi.
Il est ûxé à 10 francs pour un captif, 6 francs pour un cheval,
1 fr. 50 pour un chameau, 1 franc pour un bœuf, fr. 50 pour un
bourriquot, fr. 10 pour les moutons et les chèvres.
Le grand khafar rapporte à peu près 30,000 francs par an et le
petit khafar 10,000 francs.
L'assaka qui, dans tous les pays musulmans, est une dîme reli-
gieuse, a été par extension appliquée chez les Trarza aux indigènes
sénégalais qui vont cultiver en pays maure. Cet impôt fait retour au
roi il est versé à ses collecteurs qui viennent avec leurs chameaux
;
et autres animaux de transport prélever le dixième de la récolte et
il se perçoit en même temps que le massar.
D'après le relevé de ce que donnent annuellement les villages
indigènes de la rive gauche qui cultivent sur le territoire de la rive
droite, il aux percepteurs des Oulad
résulte qu'ils versent, tant
Ahmed ben Dahman pour le massar, qu'aux collecteurs du roi pour
l'assaka, une contribution d'environ 30,000 francs qui se décompose
ainsi :
Assaka... 157,500 kilogr. de mil. Valant en moyenne
Massar... 84,500 — 12 fr. les 100 kilogr.
Total... 242,000 kilogr. x 12 = 29,040 fr.
A toutes ces ressources il convient d'ajouter les coutumes qui
sont payées tous les ans au roi des Trarza, en vertu du traité du
8 octobre 1891, allouant à l'émir, en échange de l'abandon de ses
droits de sortie sur les gommes, une rente de 2,000 pièces de guinée.
Une partie de cette rente (333 pièces) est versée au Chems Moha-
meden Akhrabat, chef des Darmancours (Idao El Hadj), confor-
mément aux dispositions contenues dans l'article 5 de l'acte addi-
tionnel du 2 avril 1879 signé par le gouverneur Brière de l'Isle et le
roi Ely, père d'Ahmet Saloum, cette tribu étant la première qui ait
fait avec nous le commerce de la gomme.
— 25 —
L'origine de cette coutume remonte assez loin dans le passé.
Avant 1855, la colonie comptait dans le fleuve un nombre
certain
de comptoirs oii les traitants établis par les maisons de commerce
de Saint-Louis trafiquaient avec les indigènes et les Maures. Ces
derniers apportaient de l'intérieur la gomme qu'ils échangeaient
contre des pièces de guinée et des objets divers, et ces stations étaient
placées sous la surveillance des chefs maures, ce qui mettait les com-
merçants à leur merci et rendait leur position onéreuse et pré-
caire. Cette situation fut telle, en 1851, que les négociants adres-
sèrent au gouverneur de la Colonie, une pétition lui exposant leurs
doléances, sollicitant l'intervention énergique de la force armée
pour les protéger, demandant, en outre, la suppression des escales
surveillées par les Maures et leur remplacement par des établisse-
ments de commerce permanents et fortifiés : un à Dagana où se
trouvait déjà un petit fort, un autre à Podor que nous avions égale-
ment occupé autrefois.
Ce ne fut qu''en 1854 que ce programme put être appliqué. Des
escales furent ainsi échelonnées sur la rive gauche du fleuve, en des
points déterminés où les Maures pouvaient venir commercer, mais
où leurs chefs n'avaient plus à faire la police qui était assurée par
des postes militaires français par contre, ils étaient chargés de la
;
surveillance sur les routes du désert aboutissant à ces escales.
Les instructions ministérielles étaient à ce sujet très fermes et
très nettes a Nous devons dicter nos volontés aux chefs maures,
:
y
était-il dit, pour le commerce des gommes. Il faut employer la force
si l'on ne peut rien obtenir par la persuasion, supprimer tout tribut
payé par nous aux Etats du Fleuve, sauf à donner, quand il nous
plaira, quelques preuves de notre munificence aux chefs dont nous
seront contents. »
Ce système eut pour effet de mettre un terme aux exactions et
aux vexations que les Maures infligeaient à nos commerçants et
d'assurer la sécurité et la tranquillité du fleuve.
Les habitants maures de la rive droite ne pouvaient se procurer
la guinée et mil indispensables à leurs besoins que dans nos
le
établissements protégés, ils ne pouvaient le faire que sur notre ter-
ritoire, sous notre surveillance et sous notre contrôle, ils n'avaient
point d'autres débouchés pour leurs produits et se trouvaient obligés
de subir l'autorité des chefs que nous avions agréés et chargés de la
police de leur pays autour de nos escales.
— 26 —
Quand une caravane avait été victime d'un acte de brigandage
ainsi que l'explique le capitaine Aubert, directeur des affaires poli-
tiques, dans son rapport d'ensemble du mois de juin 1892, elle
n'avait qu'à porter plainte au cbef dont relevait le territoire sur
lequel elle avait été dévalisée pour obtenir réparation, car rien
n'était plus facile que de retrouver les coupables le jour oii ils
venaient à leur tour acbeter du mil ou vendre, en même temps que
leurs gommes, les bestiaux et les objets volés.
D'autre part, il était décidé qu'un droit de sortie d'environ 3 0/0
serait laissé aux cbefs maures reconnus par nous, et que la percep-
tion de cet impôt sur le commerce de leurs sujets offrant pour eux
des difficultés de toute espèce, serait opérée par nos soins et que le
montant leur en serait remis quand ils le désireraient.
Un traité dans ce sens, relatif aux Trarza, fut signé à Saint-
Louis le 20 mai 1858, avec Mohamed El Habib, grand-père de l'émir
actuel.
Sous ce régime, les escales prirent un assez rapide développe-
ment elles devinrent des centres commerciaux importants
; et des
noyaux d'influence politique réels.
Cependant la concurrence commerciale essaya de battre en
brècbe les principaux occupants. Leurs traitants furent leurs pre-
miers adversaires. IS^'ayant ni les capitaux nécessaires, ni la clien-
tèle acquise des maisons établies dans nos escales, ces derniers récla-
mèrent la liberté du commerce, c'est-à-dire le droit de s'établir et do
traiter avec les Maures sur n'importe quels points du fleuve. Il
s'agissait alors de gagner, par des cadeaux, les cbefs reconnus et de
détourner certaines caravanes au profit des nouveaux venus. Cette
idée prit assez vite un grand essor et une pétition dans ce sens fut
adressée au gouvernement qui, le 22 mai 1880, rendit un décret pro-
mulgué le 16 juin de la même année et portant établissement de la
liberté commerciale dans le fleuve Sénégal.
C'est alors que, par une convention signée le 22 mai de la même
année par gouverneur Brière de l'Isle -et l'émir Ely, le droit
le
de 3 0/0 ne pouvant plus être perçu à Dagana, une indemnité
annuelle fixe de 1,200 pièces de guinée filature fut allouée au roi des
Trarza pour lui être payée par quart dans les conditions indiquées
ci-dessus.
Histoire, — C'est vers le milieu du xii^ siècle que les Maures, qui
— 27 —
vivaient alors au nord du Tisiast et dans l'Adrar Sotof au bord de
l'océan, redescendirent vers le Sénégal. Ils formaient une grande
confédération que Makh-Far avait su plier sous son autorité. Après
la mort de oe clief célèbre, les bandes pillardes se désagrégèrent. Une
des plus grandes fractions prit la route commande-
du Sud sous le
ment des deux frères Terrouze et Barkani qui amenaient avec eux
nombre de tribus souvent en guerre entre parmi lesquelles seelles,
trouvaient les Oulad Abdallab. Un jour à l'occasion du partage d'un
butin —
car ils ne vivaient que de rapines une discussion s'éleva—
entre les deux frères Terrouze et Barkani et les tribus se partageant
en deux camps formèrent les groupes des Trarza et des Brackna,
prenant ainsi le nom de leurs cbefs respectifs.
Terrouze fut donc le premier roi trarza ; il eut pour successeur
Dabman ben Terrouze. Vinrent ensuite :
Abmed ben Daliman;
Edy ben Ahmed ben DaLman, le premier qui entra en relation
avec les Français ;
Seïd ould Edy, qui meurt au bout d'un mois ;
Amar Agjeïd, assassiné par les Oulad Delim à Aguilil ;
El Cbandora, l'ancêtre de la maison royale actuelle;
Amar ben Ely Chandora;
Mokbtar ben Amar, le premier émir des Trarza qui revêtit la
culotte blanche, à son retour de chez le sultan du Maroc;
Ely Koouri ;
Mohamed Ely Koouri, remplacé successivement par ses trois
neveux ;
Mohamed ould Mokhtar ;
Aleïte Ould Mokhtar ould Amar ;
Amar Ould Counda ;
Ahmet Saloum II, émir depuis.... 1891
A la mort de ce dernier, Mohamed ben Ely Koouri prend le pou-
voir ; comme il était trop jeune encore pour l'exercer effecti-
mais
vement, Amar Ould Mokhtar, son oncle, prit les fonctions de régent
qu'il ne tarda pas à vouloir transformer à son profit en se faisant
reconnaître comme roi du pays.
C'est de ce moment que datent les premières dissensions chez les
Trarza.
— 28 —
A Amar Ould Moklitar succéda son fils.
Mohamed El Habib 1822àl861
Sidi M'Borika 1861 à 1872
Ahmet Saloum P' 1872
Ely ben Mobamed El Habib 1873 à 1886
Mobamed Fal ould Sidi 1886
Amar Saloum 1886 à 1891
Sans remonter dans le passé encore obscur des règnes lointains,
nous prendrons l'bistoire des Trarza depuis la division la plus
importante qui s'est produite cb-ez eux au commencement du siècle
dernier. Vers 1810 les Trarza étaient en lutte entre eux. Un des
partis avait à sa tête Mobamed ben Ely Koouri de la branche cadette
de la famille d'El Cbandora et l'autre Amar ould Mokbtar de la
même famille mais d'une brancbe plus éloignée. La lutte entre
;
eux ne dura pas moins de cinq ans, et, après une dernière bataille
où Mobamed ben Ely Koouri perdit la vie, Amar ould Mokbtar prit
seul le pouvoir. Il le conserva encore cinq ans et mourut âgé de
90 ans, en 1822.
Son fils Mobamed El Habib, qui avait 24 ans à peine, fut sans
difficulté reconnu roi des Les quelques membres de sa
Trarza.
famille qui virent cette nomination avec déplaisir quittèrent le pays
et allèrent s'établir cbez les Brackna. Il y avait parmi eux son
propre frère Abmet Leygat qui parvint à décider quelques princes
des Brackna à s'associer à sa fortune et à tenter de renverserMoba-
med El Habib. Leur lutte dura deux ans environ; mais Moba-
med El Habib, qui avait su se créer des alliés par ses bonnes rela-
tions avec ses voisins, parvint à le cerner grâceau concours des gens
du Oualo et des Toucouleurs du Fouta. Les Brackna qui s'étaient
embarqués dans cette aventure vinrent demander la paix à Moba-
med El Habib. Il la leur accorda après avoir toutefois razzié com-
plètement leur pays. Abmed Leygat fut contraint de s'enfuir. Il se
retira dans l'Adrar oii vinrent le rejoindre les tribus des Oulad El
Boblia, les Abollah et une partie des Rakbakbla, des El Ague Mou-
tar, des El Tounsi, des Cberkbi, Ould Edy et des Eleub mais avant
;
de pouvoir recommencer les hostilités, Abmet Leygat mourut assas-
siné par des Eleub restés fidèles à Mobamed El Habib.
Ceci ne rétablit pas la tranquillité. Les quelques Oulad Abmet
— 29 —
ben Dahman, à la tête desquels se trouvait le prince Sidi Ahmet,
neveu de Mohamed El Habib, entraînèrent avec ses partisans tous
les guerriers pillards de l'Adrar. Mohamed El Habib leur tint tête
pendant sept ans, quelquefois cependant avec beaucoup de peine.
Une fois entre autres son camp royal fut enlevé par 400 cavaliers et
1,500 fantassins. Il prit toutefois rapidement sa revanche, porta la
guerre dans l'Adrar, avec 3,700 combattants et razzia le pays. Tous
les Trarza qui luttaient contre lui se réfugièrent chez le cheikh
Sidia, grand-père du cheikh Sidia actuel, qui intervint en leur
faveur et parvint à rétablir la paix.
Cependant la situation devenait très précaire sur le fleuve pour
nos commerçants qui étaient à la merci des chefs des tribus rive-
raines, d'autant plus que tout le Oualo était envahi par les Trarza.
Depuis 1851 nos nationaux réclamaient l'intervention du gouverne-
ment qui, en 1855, se décida à intervenir. Pendant trois et demi la
lutte se prolongea. Mohamed El Habib ne s'illusionnait pas du reste
sur la solution possible. Il avait accepté la guerre contraint par les
événements. Il chercha d'abord à nous atteindre dans notre com-
merce en interdisant l'arrivée des gommes dans tous nos comptoirs
du fleuve mais comme toutes les tribus ne pouvaient s'approvi-
;
sionner en guinées et en mil que chez nos commerçants, il arriva
bientôt que plusieurs d'entre elles, notamment les Oulad Dahman et
leurs tributaires, les Oulad El Fakhi ainsi que les Oulad Ahmed des
Brackna qui dépendaient alors de l'émir des Trarza, enfreignirent la
défense du roi. Celui-ci leur attribuant l'insuccès de ses combinai-
sons réunit quelques hommes et alla trouver les Oulad Dahman qui
campaient au nord du lac Cayar. Ceux-ci firent leur soumission.
Mohamed El Habib et Mohamed Sidi, roi des Brackna, marchèrent
ensuite contre les Oulad Ahmed mais ces derniers ne les atten-
;
dirent pas, ils vinrent à leur rencontre, les attaquèrent de nuit,
tuèrent un prince Brackna et firent un prisonnier trarza qu'ils ren-
voyèrent après lui avoir arraché toutes les dents.
Cette défaite décida Mohamed El Habib à nous demander la
paix. C'était en 1858. Un traité fut signé semblable à celui qu'en
1857, nous avions passé à Bakel, avec Bakar, le roi des Dowicli.
L'émir des Trarza reconnaissait le droit des Français sur tous les
territoires de la banlieue de Saint-Louis, y compris le Oualo et le
— 30 —
Dimar ;régime dit des escales était institué dans le bas comme
le
dans le haut du fleuve et nous percevions en son nom à Dagana un
droit de sortie d'environ 3 0/0 sur les gommes venant de l'intérieur
du pays, droit dont le montant lui était remis sur sa demande.
Trois ans plus tard, un complot septembre 1861,
éclatait le 15
dans le camp royal. Au milieu de la nuit Sidi Ahmet, le neveu de
l'ancien adversaire de Mobamed El Habib, et ses 8 frères accom-
pagnés de plusieurs princes des Oulad Ahmed ben Dahman vinrent
près de la tente du roi des Trarza et l'assassinèrent à coups de fusil.
Ils prirent aussitôt la fuite, mais le lendemain ils furent rejoints par
Sidi et par Ely, fils de l'émir assassiné, qui les exécutèrent tous
les neuf.
Sidi, fils aîné de Mohamed El Habib, prit la succession de son
père sans opposition. Il régna onze ans, sans avoir de guerre avec
aucun de ses voisins, sauf deux difîérends sans grande importance,
l'un avec Ely, roi des Brackna, l'autre avec Ould Mokhtar, roi des
Chrattit. Ce fut un prince pacifique qui, avec l'aide de Sidi Ahmed
ould Brahim Khalil, prince des Oulad Ahmed ben Dahman, s'occupa
d'assurer la tranquillité dans son pays et de punir les pillards et les
fauteurs de désordre. En 1872, au commencement du mois de juillet,
ses frères, menés par Ahmet Saloum I®"", et à l'instigation de Kaya-
roum, qui était déjà premier ministre du roi des Trarza, l'attaquè-
rent au milieu de la nuit et l'assassinèrent ainsi que le prince Sidi
Ahmet Ould Brahim Khalil qui l'avait assisté dans sa politique.
Ely, frère cadet du roi, était à Saint-Louis. En apprenant cette
nouvelle il partit immédiatement et se rendit à M'Diéktène, canton
de Diangué (Oualo), où il rencontra le jeune Mohamed Eall, fils de
Sidi, qui venait se mettre sous sa protection. En même temps
plusieurs princes des Oulad Ahmet ben Dahman
une partie des et
El Guebla se portèrent à sa rencontre pour le servir et au besoin
pour le défendre contre son frère Ahmet Saloum V^ qui s'était
emparé du pouvoir. Ely séjourna trois mois dans le Oualo et, dès le
commencement de la saison sèche, il traversa le fleuve et marcha
contre Ahmet Saloum. Plusieurs rencontres eurent lieu sans résul-
tat. Ahmet avait avec lui la majorité des Trarza il était, en
; outre,
soutenu par des forts contingents des Dowich. Ely n'avait que quel-
ques centaines d'hommes. Malgré la différence des forces, ce dernier
— 31 —
n'hésita pas à attaquer de nuit le camp de son adversaire. Surprises,
les troupes d'Ahmet Saloum se débandèrent et ce dernier, ainsi que
plusieurs des princes qui l'accompagnaient, restèrent sur le champ
de bataille.
Ely ne tarda pas à se faire reconnaître roi des Trarza^ Il vécut
ainsi treize ans, sans difficultés d'aucune sorte. C'est avec lui que le
gouverneur Brière de l'Isle passa le 24 août 1877 un traité par lequel
le roi des Trarza s'engageait à faire conduire à Saint-Louis les
marins de toutes nations qui feraient naufrage sur les côtes de ses
Etats et à leur faire rendre leurs biens s'ils avaient été pillés. Le
2 avril 1879, un autre traité relatif à la liberté du commerce dans
le fleuve était signé entre le gouvernement français et l'émir des
Trarza, et le 22 mai 1880 c'est encore avec Ely que gouverneur du le
Sénégal signait la convention transformant en indemnité fixe le droit
de sortie qu'on payait précédemment au chef des Trarza sur les
gommes vendues dans l'escale de Dagana.
Malheureusement Ely ne se méfia pas assez de son entourage et
du célèbre Kayaroum qui avait une première fois trahi Sidi et qui
s'était de nouveau fait installer premier ministre.
Une nuit d'octobre 1886, comme on avait fait pour son frère, il
fut assailli au milieu de son sommeil par le jeune Mohamed Fall,
père de l'adversaire actuel d' Ah met Saloum, qui, oubliant la protec-
tion dont l'avait entouré Ely après l'assassinat de son père Sidi,
fusilla avec l'aide de plusieurs Trarza son oncle, sa tante Magoula et
un de leurs enfants. Ahmet Saloum, l'émir actuel, et Amar Saloum,
père d'Ely, qui étaient hors du camp royal, prirent la fuite à cette
nouvelle et se réfugièrent le premier à Saint-Louis et le second chez
les Oulad Dahman.
Mohamed Fall, après l'assassinat d'Ely,
ne réunit pas autour de
lui l'ensemble des tribus Trarza. Une partie des El Guebla, les
Oulad Bolhi, les Ben loug, les Oulad Khalifa et les Diegbadié se
groupèrent autour d'Amar Saloum. D'autre part, Kayaroum, qui
était resté auprès de Mohamed Fall, faisait tenir à Amar Saloum
des renseignements sur les mouvements et les intentions de Moha-
med. Les forces des deux adversaires se rencontrèrent plusieurs fois
sans qu'aucune action décisive se produisit, quand, au mois de
décembre, dans une cinquième bataille, Amar Saloum mit en fuite
toutes les troupes de Mohamed Fall.
— 32 —
Amar Saloum vint camper devant Dagana,
Après cette victoire
et il fit appeler Mohamed Fall pour s'entendre avec lui, offrant de
lui céder la place de roi des Trarza. Mohamed se rendit au camp
d'Amar accompagné d'un seul cavalier. Il arriva vêtu de la culotte
blanche, insigne de la royauté ; il lui fut fait un brillant accueil ;
mais le soir à 8 heures pendant qu'il était à causer sous sa tente,
deux haratines, envoyés par Amar, l'assassinèrent à coups de fusil.
Il laissait un fils Sidi, âgé de 7 ans, qui devait, comme son
frère, tenter de renverser seize ans plus tard le roi des Trarza. C'est
aujourd'hui le compétiteur d'Ahmet Saloum IL
Amar Saloum resté seul régna sur les Trarza de 1886 à 1891.
C'est pendant cette période qu'un moment nous avions pensé à utiliser
les sentiments favorables qu'il nous manifestait pour le lancer dans
une expédition contre les Dowich, dont Bakar, leur chef, après s'être
longtemps montré notre ami, s'était déclaré brusquement pour
Abdoul Boubakar, chef du Bosséa, qui nous faisait une guerre
acharnée, aidé en cela par Ali Boury, chassé du Djoloff.
L'attitude des Dowich et la présence d' Abdoul Boubakar et d'Ali
Boury au milieu de maures risquant de nous causer
ces tribus
quelque embarras, on avait songé à Amar Saloum pour nous dégager
de ce côté. Amar promettait de marcher et retardait sans cesse sous
le prétexte de faire ses préparatifs. Il est juste de reconnaître que
dans son pays même Amar Saloum commençait à voir naître des
difficultés. Il avait une première fois épousé une princesse des
Oulad Dahman, Minte Boulkaras, et une seconde fois, après divorce,
choisi sa nouvelle femme dans la même tribu d'où, d'ailleurs, était
sa mère. Les Oulad Ahmed ben Dahman, bien que ces deux mariages
eussent eu lieu avant son avènement, lui reprochaient de vouloir
leur substituer comme tribu dirigeante la tribu où il avait pris ses
femmes. Dans le but de compromettre Ahmet Saloum autour duquel
paraissaient se ranger une partie de la tribu royale, Amar le chargea
Akhmet Sidi, un
de tuer Sidi des princes les plus importants des
Oulad Ahmed ben Dahman.
Au lieu d'exécuter cet ordre, Ahmet Saloum, sur les conseils de
Kayaro-um — toujours premier ministre du roi — se retira à Saint-
Louis. Le ministre lui fit même don à ce moment, pour se défendre
sur sa route, d'un fusil, d'un poignard et d'un revolver.
— 33 —
Amar Saloum se lança à sa poursuite mais vainement. Il fit alois
réclamer à Saint-Louis Abmet Saloum par son ministre Kayaroum;
mais celui-ci sut en quelques jours transformer la situation de telle
sorte quegouverneur du Sénégal fut sollicité par le roi des Trarza
le
lui-même de régler pacifiquement comme arbitre le difierend qu'il
avait avec Ahmet Saloum.
Le gouverneur ToU et entama des
partit à cet effet à E-icliard
négociations pour faire venir Amar Saloum. Kayaroum servait d'in-
termédiaire; mais Amar se refusait toujours à se rendre auprès du
gouverneur, soit qu'il craignit un piège, soit, ce qui est plus pro-
bable, que Kayaroum le dissuadât d'y venir. Au cours de ces négo-
ciations on apprenait qu'Amar Saloum nous avait trompés que non ;
seulement il n'avait jamais songé à préparer une expédition contre
les Dowich, mais qu'au contraire il entretenait avec leur clief Bakar
d'excellentes relations et qu'il lui avait envoyé, en cadeau,
100 des pièces de guinée qu'il nous avait demandées pour faire ses
préparatifs de guerre.
Au bout de trois jours d'attente inutile, le gouverneur repartit
à Saint-Louis après avoir déclaré qu'en raison de la conduite
d'Amar et de son attitude envers nous, il l'abandonnait et donnait
son appui à Ahmet Saloum que la grande majorité des tribus trarza
réclamait pour roi..
Cette décision ouvrit les hostilités entre Amar et Ahmet Salouii.
Ce dernier avait vu immédiatement une grande partie des Oulad
Ahmed ben Dahman et des El Guebla se grouper autour de lui, et
Kayaroum un des premiers avec près d'une centaine d'hommes. Le
8 octobre 1891 Ahmet Saloum, officiellement reconnu roi des
Trarza, signait avec nous un nouveau traité réglant des relations
plus étroites entre les Trarza et nous.
Amar avait pris la fuite pour aller recruter des partisans. Pen-
dant deux ans encore les luttes continuèrent entre les deux princes ;
mais le 14 septembre 1893, étant de nouveau rentré dans le pays
trarza oii il entretenait toujours des intelligences, Amar Saloum
vint camper à Goueich au bord de la mer». Ahmet Saloum prévenu
marcha contre lui avec tous ses gens. A leur approche Amar prit la
fuite, fut poursuivi, rejoint par quatre cavaliers; Kayaroum, ancien
LES MAURES 3
— 34 —
ministre d'Amar d'Ahmet Saloiïm, et trois autres
et ministre, alors,
qui étaient ses propres cousins. Il tomba bientôt tué d'un coup de
fusil par un de ses parents Mohamed Ould Sidi Mokbtar, qui
marche aujourd'hui avec Sidi. Ahmet Saloum restait donc vraiment
maître du pays.
LEUR ROI, LEURS CHEFS, LEURS ALLIANCES, LEURS RIVALITES
Ahmet Saloum est le petit-fils de Mohamed El Habib qui fut
assassiné le 15 septembre 1861 et dont la famille, depuis cette
époque, a fourni tous les émirs du Trarza, comme l'établit le tableau
généalogique ci- joint.
La fortune personnelle d' Ahmet Saloum au mois d'octobre 1901
avant les événements d'insoumission qui se sont produits contre son
autorité et au cours desquels il a perdu presque tous ses biens pillés
par ses adversaires, se décomposait ainsi :
G9 chevaux, dont 28 juments de race (des Jerayba, des Doufer-
nijat, des Guicheriat, du Tagant et des Jereyggat du Toukna près de
rOuad Noun) achetés 1,450 chamelles : 1,450 x 200 f r. = 29,000 f r.
41 chevaux achetés 51,820
215 chamelles à 200 francs 43,000 fr.
30 chameaux à 150 francs 4,500
Total 47,500 fr. 47,500
280 vaches à 250 francs 70,000
1,000 moutons à 5 francs 5,000
100 captifs à 300 francs en moyenne 30,000
Espèces argent 2,500
Bijoux de sa femme..... 5,000 fr.
Total 501,820 fr.
Tl ne lui reste plus actuellement (juillet 1902) que 13 juments,
7 chevaux, 3 chameaux, 40 vaches et 100 captifs.
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C'\i^'<!j^ yîT..i/ticni ,'puttccJ>ic Zia.vi.ci, tflvjnc '-J:a,btua , S.XXU- ? (fLwtèJon.
'
^ 'toi Ik/i JÎ'^ackiLO,
j'iiCi Oe J^tJlurv n£xe£il , Sc^'^
se.,
3. ^ni
J anà
- 35 —
Alunet Saloum est marié en secondes nooes avec Fatma, sœur
d'jOimedou Ould Sidi Ely, roi des Brackna. Cette femme, âgée de
28 à 30 ans, a sur le roi une très grande influence. Avec sa premièio
femme Mariem Minte Brahim KKelil, fille d'un prince des Oulad
Ahmed ben Dahman, il a eu un garçon Mohamed El Habib, âgé
aujourd'hui de 7 ans, et deux filles plus jeunes. Il y a cinq ans, lois
d'un voyage qu'il fit chez Ahmedou, il s'éprit de Fatma et l'épousa,
donnant une dot de GOO pièces de guinée, 4 chevaux, 8 captifs et
d'autres cadeaux. On dit qu'à cette occasion des serments sur le
Coran ont été échangés entre eux par lesquels ils s'engageaient
mutuellement à ne jamais, quoi qu'il arrivât, se faire la guerre
l'un à l'autre.
En apprenant ce mariage, Mariem Minte Brahim Khelil, sa
première femme, se retira chez ses frères qui l'obligèrent à divorcer.
Cette rupture produisit le plus mauvais effet dans le pays et aliéna
à Ahmet Saloum la confiance des Oulad Ahmed ben Dahman,
Depuis son mariage il a eu, avec Fatma Minte Sidi Ely, trois gar-
çons dont le dernier a 10 mois à peine.
La maison ordinaire du roi comprend 17 dignitaires le premier :
ministre est chargé de toucher à Saint-Louis les coutumes qui sont
attribuées à l'émir des Trarza par le gouvernement français, en
vertu du traité du 8 octobre 1891. Il prélève pour lui un tiers
de la part qui revient au roi, c'est-à-dire près de 3,350 francs et
un douzième des produits du grand khafar. Il est l'intermédiaire
naturel, principal entre le roi et les étrangers et surtout entre l'émir
et le gouvernement français. Il a le privilège d'assister aux conseils
des princes de la famille royale et il accompagne le roi en temps
de guerre.
Jusqu'en ces temps derniers le premier ministre était un Oulad
bou Iba, Kayaroum Ould Moctar Sidi, âgé aujourd'hui d'environ
70 ans. Il avait rempli les mêmes fonctions près de tous les rois
trarza depuis Sidi M'Borika (1861) et avait successivement tra-
vaillé à leur renversement au bénéfice de chacun de leurs succes-
seurs. C'est ainsi que pendant quarante ans il a pu rester premier
ministre et que, dernièrement encore, il a trahi Ahmet Saloum
pour aller servir son rival Sidi Ould Mohamed Fall. C'est lui le
premier meneur du mouvement actuel.
Le second personnage important de la maison royale est le per-
cepteur du grand khafar. Il a droit, en cette qualité, à un douzième
— 36 —
des produits de cette taxe. C'est ordinairement un captif de la cou-
ronne. Actuellement et depuis 1872, c'est un Ouoloff du nom de
Mangoué, âgé d'environ 60 ans.
Le troisième personnage du petit khafar, qui,
est le percepteur
comme le précédent, habite presque constamment Saint-Louis.. Il
garde pour sa part le sixième de ce qu'il encaisse. Un autre sixième
du produit de cette taxe est remis à un frère ou parent du premier
ministre qui le représente en quelque sorte auprès de l'administra-
tion à Saint-Louis.
Vient ensuite le percepteur chargé d'encaisser les redevances
que l'usage a imposées aux traitants sénégalais allant sur la rive
droite, par le marigot des Maringouins, exploiter les salines qui se
trouvent à une, deux ou trois journées de marche dans l'intérieur.
Il prélève un droit qui ne peut être estimé étant extrêmement
variable. Le tiers lui reste en propre et peut varier de 50 à
100 pièces de guinée par an.
Trois autres percepteurs sont affectés au recouvrement des droits
qui frappent la coupe du bois en pays maure. Il convient de remar-
quer qu'ils n'opèi^nt que le long des rives du Sénégal. Le premier
a une zone d'action qui s'étend de la mer jusqu'à N'Tienou (petit
village à 7 kilomètres à l'ouest de Dagana), l'autre de ce même
centre jusqu'au marigot de Sokhan et le troisième de l'embouchure
du marigot de Sokhan jusqu'à Lamenayo.
Le premier, Maouloud Ould N'Diak, perçoit pour le compte du
roi à peu près 45 pièces de guinée par an, soit 270 francs ; le second,
Sidi Mahmoud, 60 pièces; le troisième, Maham ould Sedikh, 75.
Le tiers de la perception leur appartient. Aucun contrôle d'ail-
leurs, pas plus que sur les autres impôts, n'est établi à ce sujets
Les dix autres collecteurs sont chargés de percevoir l'assaka sur
les indigènes sénégalais qui cultivent en pays maure. Ils ont droit
également au tiers des produits qu'ils reçoivent.
Dans ses déplacements l'émir des Trarza est toujours accom-
pagné par les Oulad Ergueig et les baratines Mokhtar Cherkhi qui
constituent sa garde.
Il convient d'ajouter aussi, pour être complet, le captif de la
couronne, Hatsman ould Yeboul, chargé de la garde générale de
sea biens.
— 37 —
Les attaches d'Ahmet Saloum avec les princes trarza sont peu
importantes et ne peuvent lui être que d'un faible secours, en
admettant même qu'elles ne soient pas encore de nouvelles causes
de trahison.
De ses deux frères, un marié à Fatimou Binte
seul, Sidia, est
Amar Labeïd, princesse des El Khaïta de la tribu des Oulad Ahmed
Ben Dahman. Il vit près de l'émir avec sa femme.
L'autre Amar, âgé à peine de 22 ans, est célibataire et reste éga-
lement à côté d'Ahmet Saloum.
Les deux sœurs consanguines du Mana et roi des Trarza,
Mariem, sont également mariées à des princes des Oulad Ahmel
ben Dahman. Mana avait épousé justement Sidi Ahmet Ould
Brahim Khelil, frère de Mariem, la première femme d'Ahmet
Saloum ; y a trois ans, lasse de son mari et désireuse de
mais, il
s'unir avec Ahmet Saloum Ould Brahim, elle chassa Sidi Ahmet
qui ne put protester, le roi ayant pris la défense de sa sœur et faci-
lité son nouveau mariage.
Cet acte ne contribua pas peu à mécontenter gravement les
Oulad Ahmed ben Dahman contre Ahmet Saloum.
Les deux beaux-frères du roi marchent avec lui mais l'un d'eux
;
Ahmet Hassan a deux frères qui combattent dans le camp adverse
avec Sidi.
C'est indiquer en peu de mots le peu d'avantages qu'il a su
tirer de ses alliances.
Les princes trarza les plus influents appartiennent tous à la
tribu des Oulad Ahmed ben Dahman. On en peut compter neuf plus
particulièrement écoutés. Ce sont
Des El Tounsi :
1° lîatsman Ould Brahim Khelil, 35 ans, frèi'e
de la première femme d'Ahmet Saloum; Sidi Ahmet Boubakar 2^^
Sira, 40 ans, parent; 3° Sidi Ahmet Hassan (beau-frère d'Ahmet
Saloum), 45 ans.
Des Cheikh El Ould Edy Sidi Ould Ely, 40 ans; Sandi Ould
:
Ely, 35 ans; Mokhtar Mohamed, 50 ans.
Des Oulad Seïd Mohamed M'Bark, : Mohamed Boubakar
Maloum, Sidi Ould Mohamet Elemin.
Les sept premiers de ces chefs marchent contre Ahmet Saloum.
C'est à leurs conseils et à l'instigation du premier ministre Kaya-
roum qu'est due la compétition de Sidi Ould Mohamed Fall.
— 38 —
Malgré l'entente presque absolue de tous les éléments du pays
trarza conti^ le roi actuel, il n'en existe pas moins de profondes
divisions et des haines véritables entre certaines tribus guerrières
qui ne peuvent combattre pour la même cause qu'à la condition
de ne pas marcher les unes à côté des autres.
Plusieurs de ces inimitiés sont vieilles de plus d'un et même
de deux sièclesN Les Trarza habitaient autrefois, vers le milieu du
xvii^ siècle, le ïisiast et l'Adrar Sotof, contrée avoisinant l'océan
au Sud du Tiris actuel. La du Sénégal était en partie
rive droite
occupée par les indigènes du Oualo que la rivalité des familles
royales des Djeuss et des Tediek avaient partagé en deux camps.
Les luttes continuelles auxquelles se livraient ces deux partis les
avaient affaiblis l'un et l'autre, lorsqu'en 1667, les tribus maures
des Oulad Khalifa et des Oulad Bohli firent irruption au milieu
d'eux. Les Oulad Bohli prirent parti pour les Djeuss et les Kahlifa
pour les Tediek. Malgré cet appui aucune des deux familles ne put
vaincre l'autre et les luttes continuaient comme par le passé quand
arrivèrent les Oulad Ahmed ben Dahman qui rejetèrent de l'autre
côté du fleuve tous les indigènes du Oualo.
Les rancunes qui avaient séparé les Oulad Bohli et les Oulad
Khalifa n'avaient fait que grandir au cours de ces discussions, les
morts de chaque combat augmentant les haines de chaque famille.
Ces deux tribus sont cependant arrivées à se réconcilier.
Mais des raisons à peu près semblables ont mis en état de riva-
lité pour ne pas dire d'hostilité constante d'autres tribus des El
Guebla.
Ainsi Oulad Bohli, les Oulad Benioug, les Diegbadié, les
les
Oulad Khalifa sont en lutte contre les Takharajent et les Oulad
Agchar; les Zomboti et les Oulad El Bohlia contre les Oulad
Dahman les Abollah contre les El Aguemoutar et les Eleub contre
;
les El Boïdat.
Déjà en 1898 Ahmet Saloum se séparait de son premier ministre
dont il avait, en partie du moins, découvert les intrigues.
Ka3^aroum, oncle d'Ahm^et Ely Kaouri et grand-père d' Ahmet
Saloum Ould Brahim Saloum, tous deux princes des Oulad Ahmed
ben Dahman, cherchait à renverser l'émir actuel pour le remplacer
par un de ces deux princes. Ould Brahim Saloum de son côté s'effor-
çait déjà de gagner l'affection de Mana, soeur du roi, et de la .faire
divorcer pour l'épouser ensuite-.
— 39 —
L'émir Ahmet Saloum, prévenu des agissements de Kayaroum,
et pour brouiller Ould Brahim Saloum avec les Oulad Ahmed ben
Daman et lui créer des ennemis, fit assassiner par le jeune Ould
Brahim, le prince Ahmet Bouna, chef très influent qui pouvait être
un obstacle et pour ce jeune prince et pour lui.
Mais cet événement n'eut pas les résultats attendus : tous les
princes s'élevèrent à la fois contre Ahmet Saloum et contre Ould
Brahim qui restèrent seuls, comme ils le sont encore actuellement.
Sidi Ould Mohamed neveu d'Ahmet Bouna assassiné, et
Fall,
le fils de ce dernier, Sidi Mohamed Bouna, quittèrent aussitôt le pays
pour se réfugier le premier à Dagana, le second chez Cheikh Sidia.
Au bout de quelque temps ils rentrèrent dans le Trarza. Kayaroura
qui n'était plus premier ministre depuis longtemps déjà, ne cessait
de travailler contre Ahmet Saloum. Une première fois en 1899, le
jeune Sidi, fils de Mohamed Fall, émir assassiné en 188G, avait dû
quitter le pays pour ne pas subir le sort de son père. Il s'était retiré
chez Oulad Dahman qui vivaient alors parmi les Brackna; c'est
les
au mois d'octobre 1901, que le pays ayant été suffisamment préparé,
il revint avec 40 cavaliers pour se mettre à la tête de tous les mécon-
tents qui voulaient renverser Ahmet Saloum.
Au mois de novembre, Sidi, Bouna et Kayaroum, attaquèrent
en plein jour lecamp royal. Sidi Diaw, le frère du roi fut tué dans
cette attaque. Ahmet Saloum, qui se trouvait hors de son camp,
réunit ses gens et des guerriers azouna et se porta à la rencontre de
son compétiteur. Ils combattirent une première fois, mais Ahmet
Saloum, défait, dut s'enfuir et demander la protection du gouver-
nement français qui chargea le chef supérieur du Oualo, Yamar
M'Bodj, de prêter le concours de ses contingents à notre allié, le
roi des Trarza.
Sidi et ses troupes se retirèrent vers le marigot des Maringouîns.
A Boyguida une rencontre eut lieu qui amena des pertes impor-
tantes de part et d'autre, et le jeune prétendant se lotira chez les
Brackna. Le chef du Oualo reçut alors l'ordre de rentrer dans son
pays.
Mais un mois plus tard, le 27 février, Ahmet Saloum fut de
nouveau attaqué dans son camp à Djiguéna, près de Khéo, et con-
traint de prendre la fuite en laissant tous ses biens aux mains d'
son adversaire.
— 40 —
Le gouvern-ement français envoya alors des troupes pour le pro-
téger. Oes troupes allèrent s'établir à Souet El Mâh sur les bords
du lac Cayar. Devant notre intervention effective, affirmant notre
volonté de maintenir le roi avec lequel nous avons passé un traité
en 1891, sur la demande du roi des Trarza d'une part, et de Sidy,
influencé par Clieikh Sidia, d'autre part, le gouvernement français
s'entremit pour essayer d'obtenir la soumission de Sidi et le réta-
blissement de la paix. Après de longs pourparlers, Sidi rompit brus-
quement toutes relations et se retira dans l'intérieur (juin 1902).
Depuis cette époque, une nouvelle bataille permit aux deux
adversaires de se mesurer. Le T août, dans une rencontre qui dura
près de quatre heures, les deux partis perdirent de nombreux com-
battants sans qu'un résultat définitif fût obtenu. Ahmet Saloum
paraissait toutefois avoir conservé l'avantage; mais à la suite de
bruits fâclieux, venus de Saint-Louis, laissant supposer que le
gouvernement français avait abandonné xlbmet Saloum, une grande
partie de la tribu guerrière des Takbarajent, qui jusqu'alors était
restée neutre, fit appeler Sidi qui revint avec ses partisans s'établir
au milieu de ses nouveaux alliés.
C'est alors que le Gouvernement français intervint administra-
tivement et commença l'organisation des pays maures.
ELEVAGE, CULTURES, COMMERCE, INDUSTRIE
L'élevage est la principale occupation des Trarza. Toutes les
castes du pays y participent. C'est lui qui, en grande partie, est
cause des déplacements des Maures et les a condamnés à la vie
nomade qu'ils mènent pour cbercber sans nouveaux pâtu-
cesse de
rages. C'est la base principale de leurs revenus et de leur commerce.
Qu'il s'agisse de chameaux, de bœufs, d'ânes ou de moutons, ils
gardent avec soin les femelles et ne se défont jamais que des mâles.
Les Zenaga et les marabouts, bien plus que les autres castes,
s'intéressent à l'élevage.
Les chameaux, qui constituent la partie importante de leur for-
tune, se multiplient dans le pays même. Il n'est pas rare de voir
un seul propriétaire posséder 600 chamelles. Les produits sont con-
servés jusqu'à l'âge de 2, 3 ou 4 ans et vendus ensuite sur la rive
^ 41 —
gauche du Sénégal, à Saint-Louis et dans l'intérieur de notre
colonie. Les troupeaux de chamelles se composent ordinairement
de 100 têtes on laisse avec chaque troupeau un seul mâle reproduc-
;
teur. Une chamelle vaut couramment dans l'intérieur du pays
trarza, 30 pièces de guinée (15 pièces guinée belge à 7 fr.. 50 et
15 pièces guinée filature à 6 francs), c'est-à-dire environ 200 francs.
Les tribus maraboutiques des El Barrikallah, des Oulad Beiri et
des Tendekha s'occupent plus particulièrement de cet élevage. Il
faut compter aussi, chez les Zenaga, les Hakhakhla et les Arouejat
et parmi les tribus guerrières les fractions des Mokhtar Cherkhi, et
des Zeïloufa et de la tribu des El Boïdat qui se livrent aussi à cet
élevage. Les Oulad Ahmed ben Dahman possèdent aussi des cha-
meaux comme montures, mais ils n'en font pas l'élevage. On peut
en évaluer le nombre à 300. Au dire des chefs trarza et des indi-
gènes qui sont en rapport avec eux, il y a dans le pays beaucoup
plus de chamelles qu'il n'y a d'habitants.
L'élevage du chameau se fait plutôt dans l'intérieur que sur les
rives du Sénégal une mouche grise, armée d'une trompe de suc-
oii
cion et appelée en maure a tagouganit » et en ouoloff a n'kosse »
occasionne de grandes pertes parmi les troupeaux.
Après l'élevage du chameau, c'est l'élevage du bœuf qui occupe
le plus les Trarza. Ils opèrent de la même façon pour les troupeaux
de bœufs, de moutons et d'ânes que pour les troupeaux de chamelles
se débarrassant surtout des mâles.
Il existe deux races de bœufs : le bœuf à bosse qui semble origi-
naire du pays, et le bœuf sans bosse qui vient du haut du fleuve et
qui s'y est développé.
Le prix moyen d'une vache dans l'intérieur du pays est de
250 francs. Un mâle adulte vaut 150 francs; le bœuf porteur vaut
de 200 à 250 francs.
Les tribus qui se livrent plus spécialement à l'élevage du bœuf
sont les Tendekha, les Coumleyline et les Oulad Deïmane, toutes
trois tribus maraboutiques.
L'élevage des moutons se fait surtout par les tribus zenaga. Les
tribus maraboutiques s'en occupent aussi, mais possèdent de moins
grands troupeaux. Il existe des Zenaga dont toute la fortune est
représentée par des troupeaux de moutons et d'ânes.
Un mouton dans l'intérieur du pays vaut en moyenne 5 francs.
Tous les moutons du pays sont à laine courte. Les Eoumbatine, les
42
Oulad M'Bark, Oulad llalimoun, les Arouejat surtout qui ont
les
les plus grands troupeaux de moutons, s'occupent eux-mêmes de la
tonte et vendent aux autres tribus, surtout aux tribus guerrières, la
laine nécessaire au tissage de leurs tentes.
Les petits ânes du pays sont nombreux et peu estimés, excepté
cependant chez les Zenaga qui les emploient pour leurs transports.
Ils sont généralement peu soignés et de prix assez modérés. Une
ânesse vaut 12 à 13 pièces de guinée (c'est-à-dire de 70 à 75 francs)
et un âne de 35 à 40 francs.
La tribu maraboutique des Coumleyline, la tribu guerrière des
Eleub ont beaucoup de juments et font l'élevage du cheval. Ces
cbevaux, petits, mal soignés, mais en somme très résistants, valent
de ^00 à 250 francs dans le pays. Les juments qu'ils vendent attei-
gnent les prix de 450 à 500 francs. La taille moyenne des chevaux
du pays est de 1°^,45.
Entre eux, ils se vendent fréquemment un, deux ou trois pieds
d'une jument. Cette opération a lieu lorsque l'acheteur désire
obtenir un produit, généralement une pouliche, de l'animal dont il
achète un pied par exemple. Par ce marché il est convenu que
l'acheteur d'un pied de la jument gardera la bête pendant un mois,
le propriétaire réel pendant les trois autres mois et, tour à tour,
de la sorte jusqu'à ce que la jument ait produit une pouliche après
quoi, trois mois plus tard, l'acheteur prend le produit, et le contrat
est rompu.
Les industries chez Maures trarza sont extrêmement res-
les
treintes, leurs besoins étant eux-mêmes peu nombreux. Elles con-
sistent dans la fabrication des couteaux, poignards, selles, brides,
étriers, bijoux, qui constitue le monopole des forgerons. Le fer
nécessaire à la fabrication de ces objets est acheté par eux à Saint-
Louis et dans du fleuve. Il en est de même de l'argent
les escales
((u'ils emploient en bijoux. Quant à l'or, ils se le procurent chez les
Toukouma de l'Ouad Noun, les Ergueibat de la côte commandés par
Ould Beïrouk et les Oulad bou Iba du Tiris, lorsque ces nomades
reviennent en caravane des bords du Niger et principalement do
Ségou oii ils ont échangé contre cet or les barres de sel gemme
f[u'ils apportaient d'Idjil, dans l'Adrar.
Les femmes des forgerons s'occupent de tous les travaux de pré-
paration, de couture et de décoration des cuirs qui ont été tannés par
— 43 —
leurs maris. Elles font ainsi des gaines de couteaux et de poignards,
des coussins, des « tasoufouras » et des a tisi iatan » (sacs de voyage
plus ou moins grands).
Les captives noires font avec les peaux des moutons noirs de
grands tapis, appelés « farou », et en peaux d'agneaux que l'on
nomme « khalaf » en maure et « tioggout » en ouoloff.
Le pays trarza renferme une grande forêt de gommiers (aouinar
en arabe, vereck en ouoloff). Cette forêt commence à environ 80 ki-
lomètres du fleuve et s'étend au nord dans l'Iguidi sur une profon-
deur de près de 200 kilomètres. Elle s'allonge à l'est jusque dans le
ïessageurtli au nord de Podor et à l'ouest jusqu'à Lorche, puits
situé à 90 kilomètres de la côte.
Toute cette foi et est exploitée par les captifs des tribus mara-
boutiques et des Zenaga. Les captifs partent seuls et vont s'installer
avec leurs familles et leur nourriture sur un point de la forêt oii ils
restent pendant toute la durée de la récolte. Les produits sont
ensuite rapportés à leurs maîtres qui les vendent aux maisons de
commerce des escales.
Tout le commerce des Trarza donc dans
consiste la vente de la
gomme et des produits mâles de leurs animaux.
La tribu guerrière des Boïdat, les Zenaga Aréoufat, Oulad
Abdoul Ouahïd El Maghi, les marabouts Coumlejdine et Tendekha
vont pendant la saison sècbe à Gandiole et dans le canton de
Tioualdé avec lequel ils trafiquent, dans le Cayor, le Djoloff, le Baol
et le Eouta pour se procurer du mil.
Pendant toute l'année une grande partie des El Guebla (tribu
guerrière des bords du Sénégal) se livrent à la pêche, ainsi que les
marabouts Tacbidbite. Ils recueillent la graisse des poissons, la
font fondre et la vendent au prix de 1 franc le litre. Les poissons
sont ensuite sécbés au soleil, réunis en paquets et font ainsi l'objet
d'un grand commerce avec les populations noires du Sénégal. Dans
les escales de Dagana, Gaé, E/ichard-Toll, Posso, ils le vendent par
paquets de 25 à 30 poissons pour une pièce de guinée (6 francs^.
Dans l'intérieur du Sénégal le poisson est vendu au détail et atteint,
suivant l'éloignement, les prix de fr. 30, fr. 40, fr. 50 et même
fr. 75 la pièce.
Les seules cultures dirigées par les Trarza consistent en mil
fellah (en maure : tarahih), N'Diakhenat (en maure : hichina) et
— 44 —
en pastèques (heref en onolofP, chirhass en maure). Elles sont
menées et entretenues par les captifs. Elles s'étendent du marigot
des Maringouins jusqu'à Lamenayo, à 55 kilomètres au-dessus de
Dagana et sur une profondeur d'environ 3 kilomètres. On trouve
également des cultures, mais plus espacées le long des marigots de
Garak, de Sokhan, de Godayo, de Morghen sur les bords des lacs
Tijguena et du lac Cayar, très peu cependant près de ce dernier.
Les cultures reprennent plus nombreuses au milieu de la forêt de
gommiers de l'Iguidi dont le terrain pourrait se prêter à la culture
de Tarachide.
Le mil provenant de ces lougans est vendu aux diverses tribus
maures et ne sort pas du pays.
Justice. — La justice n'est pas à proprement parler organisée
dans le pays trarza. Le roi seul choisit un cadi qu'il garde auprès de
lui et qui est actuellement Chérif Ould Sabar, de la tribu des Chorfa.
Le cadi règle ou du moins est censé régler tous les différends qui
s'élèvent dans les tribus guerrières et chez les Zenaga.
Les tribus maraboutiques possèdent à peu près toutes un mara-
bout qui, choisi d'un accord tacite, règle toutes les questions de
succession, de dot, de divorce, de dettes, de discussion au sujet des
terrains de cultures, etc..
Ces jugements sont toujours rendus gratuitement. Un cadi qui
accepterait des cadeaux avant de se prononcer serait infailliblement
perdu dans l'esprit de la population et se verrait absolument aban-
donné.
Il n'en est certainement pas de même pour le cadi du roi qui
reçoit fréquemment des cadeaux à la parfaite connaissance de l'émir.
Lorsqu'un crime est commis sur le territoire des Trarza, le roi
en est aussitôt avisé. Il envoie le plus souvent un de ses parents ou
un Oulad Ergueig faire une enquête. Le criminel est arrêté et,
avant d'être jugé, il paie, lui ou sa famille, une amende de 400 pièces
de guinée au roi.
Celui-ci désigne ensuite le cadi devant qui devra se présenter
l'accusé. Si le jugement rendu prévenu ou
n'est pas accepté par le
par les parents de la victime, on réunit sept cadis qui se rendent
soit devant Cheikh Sidia, soit devant Cheikh Saad Bon et là, d'un
commun accord, on prononce la peine à appliquer.
— 45 —
Lorsqu'un homme est condamné à la peine de mort, sa famille
se réunit et décide s'il doit être exécuté ou
y a lieu de le racheter.
s'il
Il arrive quelquefois que les parents statuent pour l'exécution. Ils
désignent alors un captif qui coupe la gorge au condamné.
Pour tous les cas de coups, rixes, blessures légères, c'est le roi
lui-même qui punit, infligeant une amende qui peut aller de
100 pièces de guinées au moins —
rien que pour une gifle jusqu'à—
300 pièces (1,800 fr.) si c'est une blessure grave.
OULAD ABDALLAH
Brâckna. — Brackna indépendants :
Nokhmakh. — Oulad Ahmet. — Oulad Eli/. — Litama.
Population approximative des Oulad Abdallali : 50,000.
Brackna.
Population totale, 40,000; — guerriers : fantassins, 5,576; cava-
liers, 120.
Eoi : Ahmedou Ould Sidi Ely.
Situation géographique. — Le pays occupé par les tribus des
Oulad Abdallah, dont les Brackna forment la branche la plus
connue et la plus importante, s'étend depuis l'île de Lamenayo
jusque et au delà même de Kaédi.
Les Brackna en occupent toute la partie occidentale depuis le
marigot de Borowadji un peu en aval de Doué jusque devant l'ex-
trémité est de l'île à Morphil à peu près. Au nord, une vaste étendue
désertique les sépare des autres tribus.
Au point de vue physique, le pays brackna peut se diviser en
deux régions distinctes : la région occidentale, très accidentée, sur-
tout dans le N. et dans le S. et le S.-E. la région des plaines et des
plateaux uniformes.
Les accidents de terrain de la première de ces régions seraient
formés par un système de collines ayant une direction générale du
N.-K au S.-O. et se présenteraient sous l'aspect de chaînons inter-
rompus. Cependant, certaines d'entre elles auraient une longueur
de 150 à 200 kilomètres.
Les plateaux et plaines de la deuxième région s'étendent vers
le fleuve et finissent par les terrains d'alluvion.
Dans tout le pays brackna, sauf dans sa partie nord, les eaux
souterraines ou à fleur de terre se trouvent en abondance dans des
puits peu profonds, des mares, même des sources et des ruisseaux.
La région S.-E. est traversée par plusieurs marigots issus du
fleuve.
Dans les vallées formées par les chaînes ou chaînons de collines
lesmares conservent l'eau jusqu'en mars, avril 'Ct même quelquefois
jusqu'en mai et dans leur sous-sol on rencontre fréquemment de
l'eau douce à 3 ou 4 mètres et cela pendant toute l'année.
Enfin, à l'extrémité N.-E. du pays, des sources surgissent des
bords du plateau du Tagant et des ruisseaux naissent, périodiques
pour la plupart.
L'un d'eux cependant qui coule à Zeieïfa aurait de l'eau toute
l'année.. Le plus important de ces ruisseaux a un cours de 120 kilo-
mètres et se déverse dans le lac Aleg, à 70 kilomètres au nord du
fleuve. On désigne même cette région sous le nom de l'Ouad.
La végétation, très abondante dans les vallons bien arrosés de la
partie centrale, est nulle en presque tous les autres, principalement
dans le Nord.
Les principales essences de cette contrée sont les gommiers
verecks, les acacias non gommifères, les baobabs, les singb, les
mama (ouolotï), arbuste épineux produisant une gomme odorante.
C'est l'arbre le plus commun dans toute la partie occidentale.
La plus grande partie des terrains de l'intérieur du pays
brackna se prêterait admirablement à la culture des arachides, de
l'avis des indigènes qui connaissent et le pays maure et le Sénégal
du Sine au Djoloff. Plus on avance vers le Tagant, plus le sol est
fertile, avec cependant de grandes étendues très déboisées et très
arides.
Organisation apolitique. — Les Brackna ont une organisation
politique un peu différente de celle de leurs voisins, les Trarza.
Il n'existe pas chez eux de tribu dirigeante, de tribus guer-
rières, de princes ni de tribus exemptes de redevances annuelles.
— 48 —
Le pays est conduit par les Ûulad Abdallah.
Les diverses
branches de cette grande famille ont chaciine leurs haratines.
Les Oulad Abdallah se divisent en 5 groupes :
Les Oulad Seïd 517 hommes en état 49 chevaux.
de poner les armes.
Les Oulad Manssour. 111 — 3 —
Les Oulad Ely !'
Les Oulad Ahmed... 129 — 35 —
Les Oulad Xokhmakh. 132 — 26 —
Les baratines des Oulad Seïd sont :
1' Les baratines Tanach, chef : Tiouleye ould Tarague ;
2' Les baratines Aréitna, chef El Bilal :
;
3' Les baratines El Khaïta, chef Kouvairy ould Mohamet ould :
Sega :
4' Les bar-atines Oulad .Seïd, chef : El Baba Ould Douvaika ;
ô" Les baratines SaMiien, chef : Sidi Ould Habend.
Les baratines des Oulad Manssour :
1- Haratines Hamra, chef : Moubamel Amar :
2^ Haratines Kahal, chef : Beikheum ould Maleyvik.
Les baratines des Oulad Ely :
1' El Mobayssar ;
2'' Zeïloufa, chef : Birahim ould Yaly.
Les baratines des Oulad Ahmed :
1" Limbeïbak. chef : Meydama^uld Hamid;
2° El Hameid,, chef : Ould Louly ;
3^ El Bissaïd ;
4"^
El M"Barik, chef : Ould Hamid ;
5° Oulad Yarague.
— 49 —
Les haratines Oulad Xoklimakh :
1° El Guetta, clief : Leimane ould Yarague ;
2? El Seneiba ;
3° El M'Beïdali ;
4° Oulad Ouaïclie ;
5° Oulad Bakar.
Les tribus maraboutiques :
Les Diedjouba comprennent 9 grandes familles
r Idiadj Faklia ;
2^ Fakba Birabim ;
3° El Guidami ;
4° El Hassia ;
5« El Mouliamadane Ousman ;
6° El Xhadi ;
70 Zenazik ;
8° El Guidavouail ;
9''
Tanazik.
Les Taguinit se divisent en 8 familles
1" El Eaklia-Houmeut ;
2° El Babou ;
3*^
Liguidaly-Matalita ;
4° Igounatane ;
5° Talaba ;
6** Guindaya;
7° El Madjo ;
8° Dakbba Sirine.
Les Torkoz comportent 5 groupes :
1° Les Bararka ;
2° Lakounaribé ;
3° Oulad Sidi ALmet j
4° El Boubia ;
5° El Abmet Soubeuk.
LES MAURES
— 50 —
Les Idao El Hadj sont divisés en 4 groupes
1° ZoTibeïrate
;
2° Khoudor ;
3^ Bajekhala ;
4° Araline.
Les antres tribus maraboutiques, dont beaucoup ne sont que
des fractions de tribus répandues un peu dans tous les grands
groupes maures, sont les suivantes :
Tendekba ;
Tirigouvoune ;
Dakbania ;
Idab el Hassan ;
Hijaj-Tignare et Hijaj Gueur-Gueul ayant des sous-fractions :
les Donaïnine, les El Gorgol et les Bassiguidi ;
El Gassery ;
Takbaylaba ;
Daravate ;
Daklizembou, sous-fractions les Oulad Moïjine : et les Dabam-
kbare ;
El Banaya ;
Deïboussat, sous-fraction Oulad Moussani; :
El Barrikallali ;
Tadjakant, sous-fractions : Oulad Ahmet Tadjakant, Kemadine
Daïssouf, Debija ;
Diedjouba, tribu importante de marabouts portant les armes ;
Soubak ;
El Talib Mobamet ;
Deïlik ;
Degueuj Mola Tolbo ;
Toumdeuk Beïda, sous-fraction : Toumedeuk Kabel ;
Semtouma, sous-fraction : Deugu Ba Amar ;
Hinjamera ;
Tagat, sous-fractions : Davacli, El Tabib-jiddou, Deimbek et
El Bou Issa ;
Cborfa ;
— 51 --
Chorfoutou Nouajir.
Bouna
Issa ;
El Baba ;
El Boukça ;
El Hadj Ould Bouda.
Idao El Hadj, sous-fractions El Oulad El Hadj, El Abdoul
:
Kadir, El Djeylani, Souaker, ïeiieklida, El Sabib, El Hamam, Hay-
medoum, El Ahmet Guissa, Laliajeilat Tolba, Lahajeilat Hassan et
El Ahmed Atty.
Tounvajib ;
Liguilagouma ;
Debounassar.
Les Zenaga en 2 groupes cbez les Brackna. Les
se divisent
Zenaga des tribus guerrières et les Zenaga des tribus maraboutiques.
Les premiers sont désignés sous le nom général de Touabirs,
ce sont :
Les Oulad Kehel, sous-fraction : Hamanita;
Les Anouazir, sous-fractions : El Hamady, Oulad Amini Lou-
majina.
Les Degueuj Meul Hassan qui marcbent toujours avec les
Anouazir.
Les Oulad Yora Labibat, sous-fraction Lekb-lassate. :
Les Oulad Moubaymedate qui sont aussi les Oulad Yora, mais
se distinguent de la première branche, sous-fractions Sebabime, :
Oulad Brabim Ladeum, Mineylate Lemrajigue.
Les Zenaga des tribus maraboutiques sont :
Les Araline, sous-fractions : Les Sebibat, Oulad Mabam et les
Tabote Hassan;
Les Tabote Diedjouba;
El Hasba;
Guidallab;
Silika;
Bassine;
Darinia.
— 52 —
D'après les renseignements les plus récents, la population des
Oulad Abdallah pourrait être évaluée à environ 50,000 âmes. Mais
ce cliiffre ne comprend pas seulement les Biackna, il englobe aussi
toutes les autres fractions indépendantes les Nokbmakb, les Oulad
:
Ahmed et les Oulad Ely.
En ce qui concerne les Brackna proprement dits, c'est-à-dire les
partisans d'Amédou, les forces guerrières se décomposent ainsi :
Oulad Seïd 628 hommes armés. 52 chevaux.
Araline 206 — 5 —
Touabir 297 — 20 —
Dîedjouba 4,645 — 30 —
Total 5,776 hommes armés. 107 chevaux.
Ces forces sont incapables de cohésion.
Bakar, chef des Nokhmakh compte avec lui :
Oulad ISTokhmakh 123 fusils. 26 chevaux.
Touabir 136 — 25 —
Il reste le maintiennent à peu
groupe des indépendants qui se
près aussi éloignés de Bakar que d'Ahmedou ce sont les Oulad ;
Ahmed — la branche bâtarde —
comptant 139 hommes armés et
25 chevaux, et les Kounta Moutarambrine qui, bien que n'étant
point des Oulad Abdallah, habitent les mêmes territoires et pour-
raient au besoin prêter leur appui à Bakar contre Ahmedou dont ils
ont à se plaindre.
tes Kounta Moutarambrine ont 133 fusils et 25 chevaux.
Ahmedou disposerait donc de 5,776 hommes en état de prendre
les armes et Bakar de 540.
Impôts, tributs, redevances. — Chez les Brackna, les princes
sont exempts de toute espèce de charges. Il n'existe pas, à vrai dire,
de redevances fixes et bien déterminées que devraient au roi les
tribus de Marabouts et de Zenaga. L'émir demande les choses qui
lui sont nécessaires, lesquelles lui sont toujours données. C'est, en
— 53 —
somme, à peu près le même système que chez les Trarza. Les L.ara-
tines et les tributaires paient au chef de leur tribu respective une
redevance qui est fixée annuellement à une pièce de guinée belge,
valant en espèces 7 fr. 50.
Les tribus maraboutiques sont plus que les autres ménagées par
le roi qui a d'ailleurs d'autres revenus.
Tous les terrains d'alluvion de la rive droite depuis Loboudou-
Doué jusqu'au coude des Aleybés sont cultivés par nos populations
indigènes qui paient au roi des Brackna d'abord le N'Diouldi, —
droit de culture, fixé à une pièce de guinée filature X (6 fr.) avant
de s'installer, — puis à la récolte l'assaka, c'est-à-dire le dixième
des produits.
Ce dixième ne lui revient pas entièrement. En vertu de l'ar-
ticle 20 du traité du 12 décembre 1891, un quart fait retour aux
cbefs indigènes de nos provinces, un autre quart est abandonné
par le roi des Brackna à son percepteur et le reste devient sa pro-
priété.
D'après le silence du traité, les indigènes ne doivent pas le
N'Diouldi au roi des Brackna mais ce dernier a tourné la difficulté,
;
et ce qu'il ne touche pas comme roi, il le touche comme propriétaire.
De plus, il s'est entendu avec certains villages et a traité pour la
location de terrains particuliers. Ainsi le village de Diatal, 600 habi-
tants, situé à 8 kilomètres en amont de Podor, paie 170 pièces de
guinée filature X, soit 1,020 francs pour la culture d'un terrain
nommé Bassal-Kha. Les habitants de Danaye, pour un autre ter-
rain, ont payé cette année un cheval et un bœuf évalués ensemble
à 400 francs; le village de Boyo (1,000 habitants) a payé 4 chevaux
et20 pièces de guinée environ 1,000 francs; le village de N'Dioum,
150 pièces de guinée et 1 cheval de race (près de 3,000 fr.); Thiéloo,
3 chevaux; Dodel, 1 cheval; Diana Alwaly, 300 francs et 1 che-
val, etc. Il n'est pas rare qu'après avoir fixé un prix et en avoir
reçu le montant, Ahmédou mette encore les cultivateurs indigènes
en demeure de lui payer individuellement une redevance.
C'est ainsi que l'année dernière, le village de Dioum ayant donné
à Ahmédou une coutume de 150 pièces de guinée pour pouvoir cul-
tiver certains terrains de la rive droite, le roi des Brackna a exigé
avant la récolte le paiement individuel de 2, 4, 6, 12 et même
15 pièces nouvelles supplémentaires. Ceci n'empêche pas qu'après la
récolte faite, les indigènes ont encore à payer la dîme de l'assaka.
— 54 —
Dans certaines régions le roi nomme des percepteurs. Ces emplois
sont des places vénales. Pour être nommé percepteur, on fait au roi
des cadeaux plus ou moins importants suivant la valeur de la place.
Le percepteur de l'assaka pour les lougans cultivés sur la rive droite
par les habitants de Podor, Amet N'Diack, donne cliaque année au
roi, aiin d'avoir cette charge, de 3 à 5 chevaux; un nommé Aminou,
pour être percepteur de l'assaka des habitants de Diatal, a fait, cette
année, cadeau à Ahmedou de 2 chevaux. Il a déjà été dit que, pour
un seul terrain, les habitants de ce village paient 1,020 francs, à la
suite d'un accord récent.
A tous ses revenus le roi des Brackna ajoute les droits qu'il
prélève sur les coupeurs de bois. Ces droits sont fixés à 3 ou 4 pièces
de guinée pour un chaland. Les laobés du pays paient une pièce de
guinée pour chaque arbre abattu. Le percepteur chargé du recou-
vrement de ces redevances est un nommé Mokhtar Ould Ahmet
Taka. Il prélève un sixième sur les rentrées.
Le roi des Brackna cherche donc toutes ses ressources, autant
que possible, en dehors de ses sujets. Il a pour lui les redevances que
lui paient ses baratines et ses tributaires comme tous les princes
des Oulad Abdallah en reçoivent de leurs tributaires et de leurs
baratines.
De plus, lorsqu'il est en guerre et que ses troupes victorieuses
font des razzias, c'est lui, ou son fils le représentant, qui taille la part
royale dans le butin. Il en est de même chaque fois que ses sujets
ont opéré un pillage sur des caravanes de passage ou des tribus
voisine^, ce qui arrive quelquefois.
Il s'enrichit aussi du produit des amendes qu'il inflige. Chaque
fois qu'un crime est commis, ou non suivi
qu'il ait été de mort
d'homme, dès qu'il y a eu effusion de sang, le roi inflige au cou-
pable une amende qui n'est jamais inférieure à 50 pièces de guinée.
C'est ce qu'on appelle l'Erkios.
Ceci est indépendant de la Dia — prix du sang — qui doit être
payée aux parents de la victime et sur laquelle le chef de la tribu
prélève le tiers. La dia, comme partout, est payée par les parents du
coupable, du côté paternel.
Dans les cas de vol, commis par
un brackna au préjudice d'autres
brackna, c'est encore le roi qui intervient et qui frappe le voleur
d'une amende d'au moins 20 pièces de guinée et l'oblige à la resti-
tution ou au paiement des objets volés.
— SS-
II n'est pas perçu ordinairement de droit de culture pour tous
les sujets brackna qui cultivent ou font cultiver par leurs captifs
sur le territoire d'Ahmedou.
Cependant trois familles princières les El Amar Lebacli, les
:
El M'Khaitir et les El Khadouss, toutes trois des Oulad Seid,
imposent à des tribus maraboutiques qui leur ont autrefois demandé
leur protection, des droits de culture qui sont d'un matar (1) par
lougan et par famille.
Cette liberté laissée par le roi à ces trois familles princières vient
de ce que c'est cbez elles qu'il trouve un soutien constant quand il
veut faire la guerre.
Les Amar El Lebach toucbent ainsi des redevances des trois
tribus maraboutiques des Taguinit, des Deiboussat et des Debou-
nassar.
Les El M'Khaitir reçoivent les mêmes tributs des Akb Zeimbou,
marabouts qui cultivent à Diaouzal et Hassal Kra.
Les El Kboudouss ont leurs droits de culture des Cborfos et des
Darégné.
On évalue pour cbaque famille princière le revenu de cette sorte
d'impôt à 12 ou 1,500 kilos de mil.
Les Zenaga, comme partout, sont les plus exploités et particu-
lièrement les Touabir, commerçants et guerriers qui sont mis à con-
tribution non seulement par le roi des Brackna, mais chaque année
aussi par le roi des Dorvicb. C'est ainsi que, cette année, les Touabir,
qui vivent avec les Brackna indépendants et comptent environ 200
à 250 fusils, ont payé à Ousman Ould Bakar 100 moutons et
100 pièces de guinée.
Généalagie des Oulad Abdallah.
Nokhmakh, Brackna^ Oulad Ely, Oulad Ahmed.
Histoire. — On sait peu de choses encore de l'histoire des pre-
miers rois brackna. Ils se succédèrent d'abord de père en fils, ou
(1) Un matar = 50 kilos.
— 56 —
arrière petit-fils, suivant que la mort leur était rigoureuse ou clé-
mente, puis une division se produisit qui fit passer le pouvoir de la
branclie aînée à la branche cadette.
Barkani eut pour sucesseur son fils Keroum ould Barkani. :
Après lui vinrent :
Adallah ould Keroum qui donna son nom à nombre de tribus ;
Mohamed ould Abdallah ;
Ely ould Ahmed, petit-fils de iN'okhmakh ;
Amheïda.
Ici les luttes intestines divisent le pays.
Mokhtar Cheikh, fils des rois précédents, voit surgir un compé-
titeur qui bientôt prend le pouvoir, c'est Ahmedou I" des Oulad
Seïd, premier roi brackna reconnu par les Français.
Ahmedou eut pour successeurs ;
Mokhtar Sidi ;
Mohamed Redjel ;
Mohamed Sidi ;
Sidi Ely et Mohamed ould Habib ould Sidi, pendant quatre ans,
puis le roi actuel Ahmedou II.
Sans remonter loin dans le passé où les souvenirs imprécis des
griots se mêlent à d'absurdes légendes, étant donnée la difficulté
qu'on éprouve actuellement à se mettre en rapport avec les gens du
pays, disposés à parler, on ne peut guère reprendre l'histoire des
Brackna qu'au milieu du siècle écoulé.
Ahmedou 1% grand-père du roi actuel, détenait le pouvoir. Son
règne fut à peu près tranquille. Il eut cependant à lutter contre les
compétiteurs des IS^okhmakh désireux de donner pour chef aux
Brackna, leur prince Mokhtar Cheikh de la branche aînée des Oulad
Abdallah à qui, en effet, devait légitimement revenir le comman-
dement. Le chef des IS^okhmakh, aujourd'hui Bakar ould Ahmeïda,
est le petit-neveu de Mokhtar Cheikh.
Les Nokhmakh firent appel à ce moment à quelques tribus
dowich, et les Abakak leur prêtèrent leur concours contre Ahmedou.
Malgré mais après de longues années de luttes, les
cet appui,
Nokhmakh furent vaincus, et Mokhtar Cheikh mourut, désespéré, à
Bidi X'Gala, dans le Tessagueurte, en 1835.
Ahmedou mourut six ans plus tard d'une façon tragique. Marié
à Lilia, fille de Raçoul, prince des Chrattit, il n'avait jamais eu
d'enfant avec cette femme; mais il avait eu avec une haratine un
— 57 —
fils, Sidi Ely, qui devait à sa mort être roi des Brackna et que son
oncle Mohamed Seïdi Ely élevait et protégeait ouvertement.
Jalouse de cette protection, Lilia prépara du poison qu'elle
versa dansdu lait destiné à Mohamed. Le hasard voulut que ce lait
fût bu, non seulement par Mohamed Seïdi Ely, mais aussi par
Ahmedou lui-même et par un prince des Oulad Seïd, Khodouss. Ils
moururent tous les trois en quelques heures.
Les Oulad Abdallah choisirent alors un parent d'Ahmedou,
M^okhtar Sidi, pour les commander mais ce dernier, qui avait
;
toujours lutté contre son prédécesseur, écarta une grande partie des
Oulad Seïd et s'entoura des Nokhmakh et des Oulad Manssour.
D'autre part, Eyba et Bakar, frères de Mokhtar Cheikh, s'étaient
entendus avec Mokhtar Sidi pour l'aider à repousser les attaques
des Oulad Seïd non ralliés qui s'accordaient dans le but de donner
comme successeur à Ahmedou son cousin germain, Mohamed E.ed-
jel. Il était décidé d'avance que Mokhtar Sidi resterait chef des
Brackna Podor
et de l'escale de et que Bakar deviendrait chef des
Nokhmakh, "des Oulad Manssour et des El Amar Brahim, sous-frac-
tion de la tribu des Oulad Seïd.
Or pour mener ce projet à bonne exécution, Bakar partit
demander le concours de l'almany du Eouta, Mamadou Birane;
mais pendant son absence une rencontre eut lieu entre les troupes
de Mokhtar Sidi et les Oulad Seïd, et ces derniers, vainqueurs, se
tournèrent contre les nouveaux venus. Bakar trouva la mort dans
ce nouveau combat.
Cependant le gouvernement français qui avait entretenu des
relations et payé des coutumes à Ahmedou 1% voyant se prolonger
pendant plus de quatre ans ces guerres intestines qui nuisaient au
commerce, à la sécurité du fleuve et qui étaient un prétexte à des
pillages journaliers, résolut d'intervenir. Il mit la main sur Mokhtar
Sidi, qu'il expédia au Gabon et donna pour chef aux Brakna,
Mohamed Redjel, en attendant que Sidi Ely, fils d'Ahmedou, fût
en âge de "régner.
C'est à ce moment qu'Ahmet Leygat, père de Mohamed el
Habib, émir des Trarza, voulant supplanter ce roi, vint se réfugier
chez les Brackna et parvint à décider quelques princes d'entre eux
à s'associer à sa fortune, malgré Mohamed Redjel décidé à chasser
Ahmet Leygat de son territoire.
— o8 —
IToliamed el Habib, allié avec les gens du Oualo et les Toucoii-
leursdu Fouta, ne tarda pas à mettre en déroute son frère Ahmet
Leygat et ses défenseurs brackna qui, vaincus, lui demandèrent la
paix. Il la leur accorda, après avoir razzié le j)ays, renversé
Mohamed Eedjel qui cependant ava^'t été liostile à l'insurgé, et il
plaça comme cbef des Brackna le neveu de Eedjel, Moliamed Sidi
qui tout jeune encore avait sollicité sa protection.
Mais Sidi Ely, fils deAbmedou I^^, avait grandi. Ses partisans
l'opposèi'ent aussitôt à Mohamed Sidi et, pendant plusieurs années,
les luttes continuèrent. Des combats eurent lieu à Moukli Lifa,
Foni, Lifar, M'Bargou au-dessus de Kaédi; Diab-Diola, Djegueti
Mounadji (dans l'Ouad) et à Kindelek au nord-est du lac Cayar ;
mais chaque fois Sidi Ely fut défait. Cela dura près de neuf ans.
Pourtant, par l'intermédiaire des chefs toucouleurs de Podor et
de Tiofy, le jeune Sidi Ely fut mis en rapport avec les autorités
françaises. Le gouvernement cherchait justement à renouer des rela-
tions d'amitié avec les Brackna qui, à l'instigation de Mohamed El
Habib, entretenaient un constant état d'hostilité contre nous. Déjà
six ans plus tôt, en 1850, nous avions eu la pensée un instant de
maintenir les droits de Sidi Ely. Dès que ce prétendant fut entré
en pourparlers avec le gouverneur du Sénégal, des troupes furent
expédiées à Podor et pendant les années 1856 et 1857, de nom-
breuses renconti'es se produisirent qui ne tardèrent pas à épuiser
les Maures. En novembi>e 1857, le gouvernement signait un traité
avec Bakar, roi des Dowich, lequel promettait de décider les rois
brackna et trarza à accepter les mêmes conditions qui devaient plus
tard constituer dans tout le fleuve le régime dit a des Escales ».
En 1850, Mohamed Sidi signait, le 10 juin, un traité analogue à
celui passé avec Bakar, et le gouvernement en faisait signer un sem-
blable à Ely pour le cas où il triompherait de son rival, ce qui ne
tarda pas. En effet, cette même année, Sidi Ely ayant envoyé des
messagers à Mohamed Sidi pour lui annoncer qu'il était décidé à
faire sa soumission, Mohamed Sidi se déclara prêt à le recevoir.
Cette cérémonie eut lieu au milieu des réjouissances générales,
mais un mois plus tard le 13 décembre au cours d'une promenade
qu'ils faisaient tous deux, Ely tua Mohamed d'un coup de
Sidi
fusil et rentra au camp où il fut aussitôt acclamé roi des Brackna.
A quelque temps de là, Ely envoya annoncer son avènement par
un zénagui nommé Khayïna ould Babou à l'émir des Trarza. Sidi
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— 59 —
M'Borika, fils de Mohamed el Habib, froissé d'être ainsi mis en
rapport avec un tributaire, fit arrêter Khayïna, mais celui-ci par-
vint à s'échapper en volant au roi trarza une jument guidchiria
(de l'Adrar) du prix de 3,000 francs. Sidi M'Borika, furieux,
réunit ses guerriers et marcha contre Sidi Ely qui prit la fuite en
renvoyant la jument. Mais Sidi M'Borika fit reconnaître comme
chef des Brackna le frère cadet de Mohamed Sidi, Mohamed ould
Habib ould Sidi qui régna quatre ans.
Sidi Ely s'était réfugié à Guiar, près de Saldé où il avait pré-
cédemment placé Ould Eyba, chef du Ragg ou Fori lequel l'avait
aidé lors de l'assassinat de Mohamed Sidi. Là, il touchait la coutume
que le gouvernement français payait annuellement au chef maure
chargé de la surveillance des environs de l'escale. Il avait avec
lui les Oulad Seïd, les Oulad Ely. Mohamed
Oulad Manssour et les
ould Habib avait les et les Oulad Ahmet. Cepen-
Oulad ISTokhmakh
dant comme les pillages continuaient sur les chemins conduisant
à Podor, le gouvernement français fut bientôt obligé d'intervenir.
Dans une entrevue qui eut lieu à Saint-Louis entre le gouverneur
du Sénégal, Sidi Ely, descendu au chef-lieu de la Colonie, et les
envoyés de Fémir des Trarza, il fut convenu que Sidi Ely donne-
rait chaque année trois chevaux au roi des Trarza et que celui-ci le
reconnaîtrait comme seul roi des Brackna. Ce qui fut fait Moha- :
med ould Habib fut mis en demeure de quitter le pays brackna il ;
se retira chez les Oulad Dahman. Il vit encore aujourd'hui, âgé de
68 ans, auprès d'Ahmedou, émir des Brackna. Il est fils de Mokhtar
Sidi, déporté au Gabon en 1842.
Les IS'okhmakh avaient alors pour chef Braliim Ould Ahmeïda.
Ils n'acceptèrent pas l'autorité de Sidi Ely et la vieille haine des
Oulad Seïd et des l^okhmakh leur mit de nouveau les armes à la
main. Les Oulad Ahmed se joignirent aux Oulad Nokhmakh. Une
rencontre eut lieu à Maye-Maye avec les troupes de Sidi Ely qui
furent battues mais l'année suivante Sidi Ely prit sa revanche à
;
Khaïlifi. Des luttes et des séries de combats continuèrent entre les
gens de Sidi Ely et les Oulad Nokhmakh à qui les Oulad Ahmet et
quelques Dowich prêtaient leur concours. Sidi Ely battit enfin ses
adversaires à Defa, dans l'Ouad, en 1873.
En 1879, le 2 juin, Sidi Ely, seul roi des Brackna, signait avec
le gouvernement français, représenté à Podor par le capitaine
Louis, un traité qui ouvrait le commerce sur tout le parcours du
— 60 —
fleuve Sénégal et transformait en coutume fixe les droits de sortie
sur les gommes qu'on payait aux rois maures, en exécution des
traités de 1857 et 1858 passés avec eux.
Pendant de longues années aucune guerre importante ne se
produisit. Le pays n'en en plu-
était pas plus tranquille. Divisés
sieurs fractions, les Brackna hostiles à Sidi Ely ne parvenaient ni
à s'entendre ni à réunir des forces suffisantes pour lutter contre lui.
Yers 1884, Nabkha, bâtard de Bakhar ould Soueïdi Hamet, roi
des Dowich, qui soutenait les Nokhmakli, à la suite d'une discussion
avec le fils de Sidi Ely, Moctar, âgé de 20 ans, le tua d'un coup de
fusil en le poursuivant.
En appr-enant cette nouvelle, Sidi Ely forma une colonne qui,
sous la conduite de son autre Alimedou, partit à la poursuite
fils
de l'assassin. Ahmedou rencontra bientôt IS'abklia, géant intrépide
et orgueilleux qui disait en parlant de lui : a Je n'ai pas besoin de
père, je suis Brabim ould Brabim. » Les deux troupes échangèrent
des coups de feu et à la tombée de la nuit se séparèrent.
Sidi Ely, furieux que son fils Ahmedou eût fui devant le meur-
trier de son frère, se mit à la teie de ses gens et arriva dans le Eori
où se tenait le camp de son adversaire qu'il razzia complètement,
mais Nabklia en était absent.
Jusqu'en 1891, Sidi Ely ne soutint plus de guerre. A cette
époque, il prêta son concours à Ahmet Saloum que le gouvernement
français plaçait à la tête des Trarza en remplacement d'Amar
Saloum. Mais là encore, il ne marcha pas lui-même il confia le ;
commandement de ses contingents à son fils Ahmedou.
Sidi Ely mourut en 1893, âgé de 75 ans, à Lehroud, près de
Leboudou-Samba Guelaydio, en face de Mafou. Son fils Ahmedou
lui succéda aussitôt.
Le roiy sa maison^ sa fortune, ses alliances. — Ahmedou Ould
Sidi Ely, qui succéda à son père comme émir des Brackna, est né à
Aroua en 1855, de Sidi Ely et de Garmi, fille d'Ahmet Fall ould
Alamine Fall, prince des Oulad Seïd. Cette princesse avait déjà un
fils, Mohamed Sidi, d'un premier mariage avec Mohamed Sidi (1),
prédécesseur, de Sidi Ely.
(1) Quand une femme a un enfant posthume en justes noces, l'enfant porte exac-
tement le nom du père.
— 61 —
En 1878, ALmedou épousa Moumina, fille de Mohamed ould
Eyba, chef des escales de Xaédi et de Saldé, qui lui donna deux
garçons dont l'un est mort et l'autre, Sidi Ely, plus connu sous le
nom d'Ould Assas, du nom de sa nourrice, vit aujourd'hui avec son
père»
En 1883, Moumina, à la suite d'une querelle de ménage, se retira
chez son père et y épousa Nabkha qui venait justement de tuer le
frère de son mari. A
la nouvelle de cette union, Ahmedou divorça.
Mais quelque temps après, Moumina, ayant rompu son mariage
avec Nabkha, revint au camp royal des Brackna où elle épousa une
seconde fois Ahmedou, après la mort de Sidi Ely. Le second mariage
n'eut pas plus de chance que le premier un nouveau divorce les ;
sépara, et Moumina épousa un marabout, Sidi Amar, des El Cheikh
Sidi el Mokhtar (de Tombouctou). Elle divorça d'ailleurs un an
plus tard pour revenir se remarier l'an dernier avec Mohamed
el Habib Ould Sidi Ely, frère cadet d' Ahmedou, dans le camp
royal où elle se trouve encore, récemment divorcée de nouveau, et
habitant la tente de son fils.
De son côté, en mai 1899, Ahmedou contractait une nouvelle
union avec Eatma, fille de Cheikh ould Ely, neveu de Eaçoul, chef
d'une partie des Chrattit. Il en eut une fille nommée Garmi, après
la naissance de laquelle il divorça.
Actuellement deux concubines^ Diouldé et Diaba. Il
il vit avec
a eu avec chacune d'elles un garçon, l'un nommé Mouhamet, âgé
de 4 ans, l'autre Bakar Diaba, de 2 ans. Ces deux enfants, fils de
captives de case, ont libéré leurs mères, iyso facto, par leur nais-
sance et sont des héritiers légitimes au même titre que Ould Assas.
L'avènement d' Ahmedou ne donnaaucune discussion. lieu à
L'administration avait, du reste, pris des dispositions pour assurer
sans difficulté la succession du pouvoir au fils de Sidi Ely. Grâce
à cette intervention, Ahmedou n'eut point à soutenir de guerre
dans son pays au contraire, tous les ennemis de son père
: lui
envoyèrent des messagers pour lui demander la paix.
Quand Ely mourut,
Sidi peu de choses. Cet héritage
il laissa
est encore entre les mains de
sa veuve Garmi. Il n'a pas été partagé
et se composait, en 1893, de 70 vaches, 3 chameaux, 400 brebis,
300 grammes d'or et 2,000 francs de bijoux divers.
D'après les renseignements fournis par des gens de la maison
— 6â —
de l'émir des Brackna et de traitants qui sont en rapport avec lui,
la fortune actuelle d'Alimedou se composerait de :
2 chevaux d'environ 1,000 fr. chacun... 2,000 fr.
7 juments de race 2,000 — ... 14,000
15 chevaux du pays 100 — ... 1,500
130 vaches 25D — ... 32,500
20 chameaux 200 — ... 4,000
400 brebis noires ou rousses 3 — ... 1,200
600 brebis blanches 6 — ... 3,600
60 captifs 16,200
200 captifs de case »
75,000 f r.
Il convient d'ajouter à cette énumération les biens appartenant
aux frères, neveux d'Ahmedou, tous les animaux composant
fils et
la fortune personnelle de chacun d'eux se trouvant réunis sous la
main du roi qui peut en disposer au besoin.
L'ensemble se compose de 18 esclaves, 1 cheval de race,
73 vaches, 9 chameaux, 750 brebis et quelques bijoux.
Le camp royal ou Mah'sar comprend autour du roi tous les
princes des Oulad Seïd et en première ligne les Kheimat-noss (moi-
tié de la tente) au nombre de quatre, de la famille des El Kho-
dousse, la plus fidèle et la plus valeureuse. Ce sont les principaux
conseillers de l'émir; ils ont droit en cette qualité à une part spé-
ciale, comme le roi, lors du partage de chaque butin provenant
d'une guerre ou d'une razzia. Ce sont les plus riches d'entre tous
les Brackna.
Pour l'accompagner en tout temps et dans tous ses déplace-
ments, Ahmedou a 6 Oulad Amara, nés de forgerons comme les
Oulad Ergueig des Trarza. Ils sont ses gardes du corps.
La défense du camp est, en outre, assurée par les Azefal qui
sont environ 60. Ce sont des baratines de la famille royale qui
passent, à la mort de l'émir régnant, à son héritier direct. Ils veil-
lent nuit et jour autour de la tente du roi. Ils sont nourris, vêtus
et armés par l'émir qui leur fait en tout temps des cadeaux de
troupeaux de moutons, de bœufs ou de chameaux.
— 63 —
Autour de la tente de chaque prince se trouvent également ses
propres haratines chargés de veiller sur lui et de le défendre.
On estime, àpeu près, à 200 le nombre des guerriers armés de
fusils qui composent le camp royal.
D'autres personnages ont une certaine influence sur Ahmedou,
mais ils n'habitent pas le camp royal. Ils ne sont ni princes ni
tolba. Il en sera reparlé plus loin.
Depuis son avènement Abmedou n'eut aucune guerre avec ses
voisins. Il laisse ses gens librement piller autour de lui, tout en se
défendant de rien en savoir, lorsque l'autorité française intervient
et, en vertu des traités passés, le met en demeure de rechercber
et de punir les voleurs. Akmedou joue depuis son investiture ce
double jeu de fourbe et de complice. Prêt à toutes les protesta-
tions de fidélité et de soumission, il encourage en sous-main tous
les pillages et toutes les rapines. Adroit, souple, fuyant, il se dérobe
aussi bien devant les promesses que devant les menaces et n'entretient
d'apparentes bonnes relations avec nous que pour pouvoir toucher
sa coutume annuelle de 1,000 pièces guinée filature que nous lui
servons avec une générosité plus loyale que politique (art. 22
du traité du 12 décembre 1891). A chaque instant, cependant, les
difficultés surgissent à la suite de vols répétés et nous lui retenons
sur cette coutume le montant des principaux vols commis sur
son territoire afin de rembourser les caravaniers dévalisés. Ce qui
crée cette situation bizarre, c'est que c'est nous qui remboursons
les vols commis par notre allié Ahmedou.
Il convient de rappeler ici un gros incident qui se produisit en
1895 entre Ahmedou Cheikh Sidia, marabout très influent dans
et
toute la région du bas Sénégal et qui peut être d'un certain poids
dans les événements futurs.
Cheikh Sédia habitait Bouteleïmett où il avait une construction
en pierre sur le territoire trarza. Les gens de la tribu des Oulad
Béiri, qui étaient alors sous la conduite d' Ahmedou, se trouvaient
à Tichilit où étaient également installés des tolba de la tribu des
Diedjouba, marabouts guerriers. Une discussion s'étant élevée entre
un Oulad Béiri et un Diedjouba autour d'un puits de la contrée,
les deux tribus en vinrent rapidement aux coups et plusieurs Oulad
Béiri furent assez grièvement blessés.
Cheikh Sidia envoya auprès d' Ahmedou demander la punition
des coupables ; mais ce dernier, circonvenu par ses sujets, ne
répondit pas, c'est-à-dire que, suivant son habitude, il déclara
qu'il allait se renseigner, et il laissa faire. A quelque temps de là
lesOulad Béiri, alliés des Oulad Ahmet, sur lesquels Cheikh Sidia
a une grande influence, attaquèrent les Diedjouba campés près du
lac Aleg mais ils furent défaits. Les Oulad Béiri patientèrent
;
quelque temps, puis revinrent à la charge contre les Diedjouba près
de Thiénel, village des Aleybés, établi sur la rive droite du fleuve.
Ces derniers ayant prêté leur appui aux Diedjouba, les Oulad
Béiri furent de nouveau battus. Non contents de cette victoire et
conduits par Mahmadou Kara, frère d'Alimedou, les Diedjouba,
aidés des Oulad Seïd, marchèrent sur le camp des Oulad Béiri où se
trouvait Cheikh Sidia à Aoudane entre Podor et Souet-el-mâh. Mal-
gré la présence du grand marabout, ils attaquèrent son camp et
pénétrèi'ent jusqu'à sa tente, mais les gens de Cheikh Sidia, aux-
quels s'étaient joints les nombreux élèves noirs du grand Cheikh,
repoussèrent cette attaque et les agresseurs se retirèrent laissant
103 morts sur le champ de bataille.
Les chefs brackna et trarza ayant pris position dans la lutte,
les premiers contre les gens de Cheikh Sidia, les autres pour, le
gouvernement français intervint afin de rétablir le calme dans le
pays et la paix entre les deux partis. Une première convention
signée en février 1897 entre Ahmedou et les représentants d' Ahmet
Saloum et de Cheikh Sidia, stipulait que les dégâts commis seraient
remboursés de part et d'autre et que les Oulad Béiri étaient auto-
risés à s'installera Dabaye (Marigot de Morghen).
Cette convention ne fit pas cesser les hostilités. L'année sui-
vante gouverneur général tenta de nouveau de mettre fin à cette
le
situation, et le 23 mai 1898 il fit signer, à Dagana, entre Ahmet
Saloum et Ahmedou et en présence de Cheikh Sidia, une nouvelle
convention décidant la neutralité des terrains de Dabaye.
On lit à ce sujet dans un rapport de M. l'Administrateur de
Podor, daté du 14 juin 1898 ;
a II fut impossible d'obtenir les concessions réciproques néces-
saires pour que de Dabaye puissent être cultivés comme
les terrains
autrefois par les Oulad Béiri c'est alors que M. le gouverneur
;
général dut décider que ni les gens de Cheikh Sidia ni les Died-
jouba ne seraient autorisés à cultiver lesdits terrains et que Dabaye
— C5 —
et dépendances appartiendraient jusqu'à nouvel ordre au gouver-
nement français, sous une surveillance spéciale. Une convention
fut rédigée dans ce sens et signée par tous les chefs présents à la
palabre. Cette convention établissait que la paix était faite défini*
tivement. M. le gouverneur général, après la signature de ladite
convention, déclara à Cheikh bidia que, s'il consentait à monter
à Podor par le prochain vapeur et à se rendre avec les deux admi-
nistrateurs de Podor et de Dagana au camp d'Ahmedou ben Sidi
Ely, celui-ci l'autoriserait à cultiver Dabaye et ses environs. »
C'était la contradiction de la convention signée à l'instant
même ; c'était donner à Ahmedou le droit de propriété sur des
terrains qu'on venait de déclarer neutres et y ajouter lobligat'on
pour Cheikh Sidia de faire une soumission qu'on voulait lui éviter.
Cheikh Sidia refusa, disant que, s'il se rendait chez Ahmedou,
il s'y ferait assassiner.
Il en résulta que la paix recherchée ne fut que fictive et que
les pillages continuèrent, mais moins nombreux et moins sanglants
toutefois. Les terrains de Dabaye sont en partie cultivés actuelle-
ment par des toucouleurs de la rive gauche.
Cette lutte avec Cheikh Sidia n'était pas la seule qui agitât le
pays brackna. A l'est, dans la région de Saldé, des troubles avaient
éclaté en 189G. Les Touabir — zenega guerriers — étaient divisés en
plusieurs fractions. Le chef des Anouazir, Cheikh Ould Amady,
était mort ; son fils Hamdel Khalifa réclamait sa succession
qu'un nommé Ahmet Neibatt, fils d'un notable très influent de la
même tribu, avait résolu de lui disputer. Les Anouazir se trouvè-
rent donc brusquement divisés. Les deux compétiteurs cherchèrent
autour d'eux des appuis. Après avoir vainement tenté d'entraîner
avec eux, l'un, le chef de l'escale de Kaédi, Imhamet, prince des
Oulad Ely, l'autre Sidi Ahmet Eyba, ancien chef de la même escale
révoqué par nous, deux prétendants parvinrent à gagner des
les
alliés Ould Neibatt s'attacha les Oulad Yora et Hamdel Khalifa
;
les Oulad Gahel.
Des difficultés se produisirent entre les Oulad Gahel et les
Oulad Yora qui n'en étaient pas encore venus aux mains. Le chef
des Oulad Gahel profitait de l'hivernage 1898 qui l'avait rappro-
ché du Tagant pour demander au vieux Bakar Ould Soueïdi Ahmet
de lui prêter son concours contre les Oulad Yora, mais le roi des
LES MAURES 5
— 66 —
Dowicli répondit : a Vous êtes tous mes tributaires, je ne veux me
battre contre aucun de vous ».
Cependant le contact ne devait pas tarder à se produire, cLer-
cbé d'ailleurs par les deux partis. Yers le milieu de mars 1899
Ould Neibatt, à la tête des Oulad Yora, vint attaquer Hamdel
Kbalifa qui se trouvait avec les Oulad (iabel près de Toudé Eliman.
Les Oulad Gabel furent battus, Kbalifa se réfugia à Saldé. Mais
les Oulad Yora ne s'illusionnaient pas sur la force de leur armé© ;
ils se rendaient parfaitement compte que leurs adversaires allaient
avoir de grands renforts. Aussi, après leur victoire, demandèrent-ils
la paix aux Oulad Gahel qui mirent pour condition que Neïbatt
serait cbassé.
Les Oulad Yora refusèrent, et les escarmoucbes et les pillages
recommencèrent.
Ahmedou, roi des Brackna, que le cbef des Oulad Gahel voulait
entraîner avec lui, refusa de marcher pour ne pas se lancer dans
des aventures dont l'issue aurait pu lui être fatale. Cependant les
Anouazir lui ayant fait un cadeau de 2,000 pièces de guinée, soit
12,000 francs, il accepta de leur envoyer des renforts, mais refusa
de accompagner. Les Oulad Yora, apprenant ce qui se passait,
les
lui firent également des offres qu' Ahmedou accepta en partie, s'en-
gageant à rester neutre mais ses guerriers avaient déjà rejoint les
;
Anouazir et ensemble avaient attaqué camp
le des Oulad Yora.
L'affaire fut sanglante, il resta sur le champ de bataille de Segar
157 morts. Les xVnouazir furent battus. Les gens d'Ahmedou revin-
rent vers lui et le décidèrent alors à intervenir pour les venger. Au
mois de juillet 1901, Ahmedou forma une colonne de tous ses guer-
riers et des Diedjouba, commandée par son frère Krara et par son
fils Ould Assas. Les Oulad Yora ne purent leur résister et se dis-
persèrent.
Depuis ce temps Oulad Yora cherchent l'occasion de prendre
les
leur revanche. Ils sont alliés avec les Oulad Nokhmakh commandés
par le jeune Bakar, rival d'Ahmedou, avec les Oulad Ahmet et
avec les Kounta Moutarambrine.
En résumé, à l'heure actuelle,
Anouazir sont auprès d'Ahme-
les
dou décidés à être à la tête des Oulad Yora, c'est-à-dire à ce que
leur chef soit reconnu l'arbitre suprême dans les réunions des chefs
touabir. Les Oulad Nokhmakh veulent renverser Ahmedou et donner
pour roi aux Brackna le jeune Bakar Ould Ahmeïda, descendant
— 67 —
de la Lranclie aînée des Abdallah. Les Oulad Ahmet qui, depuis
plus de vingt ans, sont les adversaires des Oulad Seid et par con-
séquent d'Ahmedou, consentent à servir les intérêts de Bakar, à la
condition d'être commandés par leur chef Mohamed ould Boubakar
et de rester indépendants.
Les Kounta-Moutarambrine, tribu de l'intérieur qui vit depuis
quarante ans sur le territoire français de la rive droite, en face du
Lao et des Irlabés, ne demandent que le calme et ne sont les enne-
mis d'Ahmedou que parce que celui-ci les a pillés, razziés et en 1895
a assassiné un de leurs princes.
Pour être complet, il convient de relater les faits qui ont enve-
nimé au cours de ces dernières années l'inimitié héréditaire des
Oulad Seïd et les Oulad Nokhmakh. En 1891 des difficultés de tous
genres avaient remis en armes les deux tribus ennemies. Krara, frère
d'Ahmedou, s'était mis en marche vers le camp des Nokhmakh, établi
à mal un peu à l'est du lac Aleg. En apprenant l'arrivée de Krara,
Birahim ould Ahmeïda quitta le camp et marcha à la rencontre de
son adversaire. Un combat singulier s'engagea au cours duquel
Birahim fut tué d'un coup de feu par un haratine nommé Abdou
Moulana qui accompagnait le frère d'Ahmedou»
Dix ans plus tard au commencement de 1900, le jeune Bakar,
accompagné de G hommes dévoués, pénétra au milieu de la nuit
dans le camp de Mohamet Ahmedou, frère du roi des Brackna,
et s'approchant de la tente où son ennemi était endormi, il le tua
d'un coup de feu en criant a C'est moi Bakar, fils d'Ahmeïda, qui
:
viens de tuer Mohamet, frère de l'assassin de mon frère » î
Oulad Ely. — Dans la région des teri^s d'alluvion qui s'éten-
dent sur la rive droite du Sénégal entre Ergueig Ould Soula
Boubou, devant l'embouchure du marigot de N'Diérer, à l'est de
Aoudem, marais situé en face du village de Ouallah, en aval de
Saldé, vivent les tribus maures des Oulad Ely. L'afftout Chergui
ferme la limite septentrionale de leur territoire de parcours.
Les Oulad EI3'', qui ne sont qu'une fraction des Oulad Abdallah,
ont été autrefois très puissants. De nos jours ils sont réduits à
quelques groupes peu nombreux et sans grande influence. Cette
influence est divisée encore par suite de leurs dissensions.
Ils sont, en effet, partagés en deux camps : les Oulad Ely Bouïd
- 68 —
(blancs) commandés par les î«[aceri et les Oui ad Ely Koheul
(noirs) dirigés par les Eyba.
Les Oulad Ely Bouïd comprennent comme familles guerrières :
l"" Les princes Oulad Ely Naceri. 8 hommes armés.
2° Les Arhahla 50 —
3° Les Lehjourat, anciens tribu-
taires, devenus guerriers 40 —
4° Les Oulad Issa, anciens tribu-
taires, devenus guerriers et
les baratines :
El Bakar Ould Ely 15 —
Haratines El Naceri 15 —
Total 148 hommes armés.
Les Oulad Ely Koheul comprennent :
1° Jjes princes Oulad Ely Eyba... 3 hommes armés.
2° L'OS Oulad Aïd, anciens tribu-
taires 100 —
3° Les Limhaïsser 30 —
4** Les Zeiloufa 20 ~
5" Les haratines Ould Eyba 15 —
Total 1G8 hommes armés.
Depuis 1897, les Oulad Ely Koheul se sont retirés chez les
Brackna près d'Ahmedou.
Les Oulad Ely Bouïd sont commandés par Imohamed Ould
Filali ; les Koheul, par Sidi Ahmet Ould Eyba.
Sur le territoire des Oulad Ely, on rencontre des camps appar-
tenant aux tribus maraboutiques suivantes :
Les Hijaj ;
Degueuj Mola Tolbo ;
— 09 —
Toumdeuk ;
Semtouma ;
Hinjamera ;
Tagat.
Ces marabouts paient au chef des Oulad Ely une redevance
annuelle d'un matar (50 kilogr.) de mil par chaque lougan qu'ils
cultivent et, pour tous les troupeaux de moutons, un droit de passage
fixé àun mouton moyen par troux)eau. Cp droit est payé au moment
où les eaux se retirent quand les troupeaux vont paître dans le
Ragg.
Imohamed Ould du gouvernement français comme
Filali touche
chef de l'escale de Kaïdi, une coutume de 500 pièces de guinée,
3,000 francs.
LES OULAD ELLY
Les Oulad Ely, comme les autres fractions des Abdallah, telles
que les Noldimakh et Oulad Alimet, s'étaient fixés dès le début sur
les territoires que les El Naceri occupent encore aujourd'hui. Pen-
dant plusieurs générations ils vécurent groupés sous le commande-
ment de l'aîné de la famille. Mais au commencement du xix® siècle,
à une époque qu'il a été impossible de préciser, des dissentiments
s'élevèrent entre Brahim, chef des Oulad Ely et son cousin Imhai-
met de la branche des El Naceri. Les Oulad Ely se divisèrent, les
uns restèrent fidèles aux Eyba, les autres apportèrent leur concours
aux Naceri. Cette séparation se produisit d'abord sans lutte san-
glante, mais bientôt les esprits s'envenimèrent et les motifs les plus
futiles les amenèrent à prendre les armes les uns contre les autres.
Les Eyba qui, les premiers, vinrent s'établir sur les bords du
Sénégal, au milieu de nos populations indigènes, furent appelés
Koheul, c'est-à-dire noirs les Naceri, restés dans le nord, prirent,
;
par opposition, le nom de Bouïd, qui signifie blancs.
La mort de Imhaimet, pas plus que celle de Brahim, ne réussit
à les réconcilier. Sidi Eyba, qui succéda à son père, et Filali eurent
plusieurs fois l'occasion de se rencontrer. Une dernière fois Sidi
Eyba y perdit la vie. Les Naceri s'étaient alliés aux Nokhmakh pour
abattre leurs adversaires qui se trouvaient sur la rive droite en
face de Davoualel (Ebiabés). Bientôt acculé au fleuve, Sidi Eyba
tenta de traverser l'eau pour échapper à ses ennemis ; mais un de
ses parents, Ousman, qui était dévoué à Filali, le gaisit par les
— 71 —
pieds et, l'entraînant dans le courant, se noya volontairement pour
le perdre avec lui*
Après la mort de Sidi Eyba, il &e j^roduisit un pour le moins
fait
inattendu. Les Noklimakli, qui avaient aidé les Naceri à triompher
des Eyba, exaltèrent si en inju-
liaut leur victoire et leur valeur
riant même leurs anciens alliés, que ceux-ci s'unirent aux Eyba
qu'ils venaient de battre et marchèrent sous la conduite de Filali,
seul chef des Oulad Ely, contre les Nokhmakh. Ces derniers furent
battus à Oud-eye El Kherban, mais Filali y perdit son frère Afou-
louat. Pendant dix ans les hostilités reprirent de loin en loin, les
Nokhmakh avec l'aide de quelques gens des Oulad Ahmet et des
Abakak, et les Oulad Ely avec les Oulad Seïd et les Oulad Mans-
sour. Cette guerre cessa vers 1858, peu de temps après la mort de
Filali. C'est Samba, père du chef actuel de l'escale de Kaédi, qui la
termina en remportant une victoire décisive sur les Nokhmakh.
— 72 —
Bien qu'unis pendant la guerre, les Oulad Ely n'en conservèrent
pas moins leur chef respectif, dans chaque parti. Les Sidi Eyba
gardaient Imhaimet Ould Sidi Eyba, qui touchait à Saldé la cou-
tume payée par notre gouvernement au chef de cette escale et les
Naceri vivaient sous l'autorité du vieux Samba. Ce dernier mourut
brusquement vers 1860 et son frère, M'Bark Ould Filali, lui succéda
sans obstacle.
A cette Oulad Ely vécurent réunis sous le comman-
époque les
dement suprême d'Imhaimet Ould Sidi Eyba. Pendant toutes les
expéditions du Eouta^ Imhaimet ne cessa de prêter son concours
à nos adversaires. Le 7 février 1863, il combattit nos troupes dans
les rangs des partisans d'Abdoul Boubakar. En 1881, lorsque ce
chef s^opposa à rétablissement de la ligne télégraphique de Saldé
à Matam, Ould Eyba marchait encore à ses côtés. Ils furent enfin
défaits àN'Dourbadian sur la rive gauche du fleuve et deux mois
après, Imhaimet signa un traité de paix avec le gouvernement
français, s'engageant à rester notre allié fidèle, à refuser asile sur
la rive droite aux Bosséa, dans le cas oii nous leur déclarerions la
guerre, à protéger les caravanes, etc., etc., pour quoi nous leur
accordions une coutume annuelle de 400 pièces de guinée.
Imhaimet Ould Eyba vécut encore plusieurs années à la tête
des Oulad Ely sans qu'aucune guerre importante vînt troubler la
tranquillité du pays. Il mourut deen 1884. Sa disparition
vieillesse
amena encore la division des partis. Sidi Ahmet Ould Eyba, son
fils, voulut lui succéder mais Imhamet Ould Filali, beaucoup plus
;
âgé, chercha de son côté la chefferie des Oulad Ely. Ne parvenant
pas à s'entendre, Imhaimet réunit tous les Naceri et s'éloigna dans
l'AfPtout Chergui.
Sidi Ahmet ould Eyba demeura donc seul avec ses gens sur les
bords du fleuve, continuant à toucher à Saldé la coutume que le
gouvernement français avait accordée à son père. Au bout de
quelque temps, désireux d'augmenter le nombre de ses sujets, il
envoya vers Imhaimet des ambassadeurs pour lui offrir la paix et
l'inviter à venir se réconcilier avec lui. Malgré sa grande méfiance,
Imhaimet vint dans le Ragg (Eori). La réconciliation eut lieu ;
mais quelques mois plus tard, au milieu de la saison sèche, Imhai-
met fut avisé que Sidi Ahmet se proposait de le faire assassiner.
Prévenu à temps, il prit des vêtements de femme et se cacha sous
— 73 —
la tente d'unami dans le camp même de Sidi AL met. Les envoyés
de Sidi Ahmet, au nombre de trois, arrivèrent une nuit au campe-
ment d'Imhaimet qu'ils crurent reconnaître endormi sous sa tente.
Ils firent feu et tuèrent un nommé El Hassan Ould Moïssa, notable
des Lebjourat qui s'y trouvait couché.
Après cet événement, Imhaimet se retira d'abord chez les Irlabés,
puis, quand vint l'hivernage, dans le désert d'où il envoya du monde
attaquer Sidi Ahmet. Les Oulad Ety Bouid, chargés de cette mis-
sion, surprirent près de Kaëdi les troupeaux des Eyba et les razziè-
rent. Des coups de feu furent échangés; mais les troupeaux restèrent
entre les mains des ravisseurs. Des escarmouches se produisirent
ainsi entre les deux partis des Oulad Ely pendant encore plusieurs
années.
Lorsqu'en 1891, les troupes françaises furent de nouveau obli-
gées d'opérer dans Fouta contre xibdoul Boubakar, Sidi Ahmet
le
Ould Eyba se joignit à nous avec ses cavaliers et Imhaimet, à l'ar-
rivée des troupes, s'enfuit avec le chef du Bosséa chez les Chrattit
dans l'Aiftout Chergui. C'est à ce moment que Sidi Ahmet fut
reconnu, par le gouvernement français, chef de l'escale de Kaédi et
qu'il lui fut accordé, en cette qualité, une coutume annuelle de
500 pièces de guinée, la coutume du poste de Saldé abandonné ayant
été supprimée.
Mais sa conduite ne tarda pas à soulever des réclamations.
Fourbe, intrigant et pillard, Sidi Ahmet indisposa contre lui
d'abord l'administration par les rapports mensongers qu'il fournis-
sait sur les Maures, s'entendant avec les tribus voisines pour faci-
liter les vols sur notre territoire ou pour faire disparaître les voleurs.
Tous les traitants établis à Kaëdi furent exploités indignement par
lui; il les forçait à lui faire des cadeaux sous la menace d empêcher
lesMaures d'apporter leurs produits dans l'escale. Les plaintes arri-
vèrent nombreuses au commandant du cercle de Kaëdi, malgré les
avertissements répétés que ce fonctionnaire avait adressep à Sidi
Ahmet. Finalement une enquête révéla que ce chef d'escale, chargé
de veiller à la protection des caravanes autour de Kaëdi, était le
premier à faire piller les caravaniers, que les indigènes cultivant
sur la rive droite étaient chaque jour victimes des vols qu'il orga-
nisait et que les traitants eux-mêmes n'échappaient pas à ses auda-
cieuses entreprises.
— 74 —
Le gouvernement français n'hésita plus et au commencement
de 1893, Sidi Ahmet fut révoqué et remplacé par son frère Bakar.
Il partit alors dans le Tagant.
Bakar reconnu et installé par nous officiellement
n'était pas
depuis plus de vingt-cinq jours que son plus jeune frère Mohamed
Ould Eyba, sur les conseils ou les ordres de Sidi Ahmet, le tuait de
trois coups de fusil au moment où il faisait son salam à 7 ou
800 mètres du poste militaire.
Mohamed Ould Eyba vint aussitôt se mettre entre les mains de
l'autorité française qui le fit juger par le cadi supérieur. Pendant
un mois, il fut maintenu aux fers sans qu'on pût savoir s'il avait
eu des complices et il fut exécuté ensuite à Diabasala par 10 Maures
et quelques indigènes. Il fut abandonné là sans sépulture, mais
bientôt après on apprit qu'il n'était pas mort et qu'il s'était réfugié
auprès de son frère, Sidi Ahmet, qui se trouvait alors chez les
Abakak.
Le gouvernement plaça comme chef d'escale Ahmet Mahmoud
Ould Filali des El Kaceri.
Sidi Ahmet, de chez les Abakah passa chez les Brackna, pendant
que son frère Mohamed circulait dans le pays à peu près librement.
Cependant, comme aidé de quelques Abakak, un an plus tard, Moha-
med essayait de se faire payer des droits de culture dans le Fori, les
Chrattit s'en étant emparés, après une légère escarmouche, le re-
mirent aux Oulad Ely qui l'exécutèrent à quelques kilomètres de
Kaëdi et l'enterrèrent au cimetière de Touldé (1894).
Quelque temps après Sidi Ahmet Ould Eyba, quittant le camp
d'Ahmedou, vint de nouveau s'établir dans le Ragg. Il y recom-
mença bientôt ses intrigues et ses fructueuses opérations de pillage,
grâce surtout à la mollesse et à l'impéritie de Ahmet Mahmoud qui
n*osa pas ou ne sut pas se faire obéir et lui résister. Un assassinat
fit cesser cet état de choses. En 1897, le gouvernement français avait
un agent dévoué, Raddi Ousman — griot de la célèbre famille de
Sedoum Ould N'Dîartou, des Dowich — qu'il employait pour ses
renseignements et ses communications avec les chefs maures. Déjà
en 1894, cet agent secret avait été victime d'un attentat de la part
d'un des fils de Bakar. Il y avait échappé, ayant eu seulement la
langue et la lèvre coupées, ce qui l'empêchait à peu près de se faire
comprendre autrement que par écrit. Or, le 26 mars 1897, Raddi
— 75 —
Ousman, qui était alors intermédiaire entre Moklitar et le comman-
dant le Kaëdi et porteur de lettres du roi des Clirattit pour le gou-
vernement français, s'était arrêté avec les Chiattit qui l'accompa-
gnaient dans le campement de Balel pour y passer la nuit. Au lever
du jour, ils furent brusquement attaqués par des gens de Sidi
Ahmet Raddi ; et 6 Clirattit furent tués, et les lettres dont E-addi
était porteur furent remises à Sidi Ahmet.
La pusillanimité avec laquelle cette affaire fut conduite permit
au véritable coupable d'échapper. L'administration voulait que les
Chrattit arrêtassent Sidi Ahmet; les Chrattit, pour éviter les repré-
sailles des Ould Eyba, demandaient que le gouvernement français
fît justice lui-même, l'attentat s'étant produit sur le territoire du
cercle de Matam. Le cadi supérieur de Saldé, chargé de ce juge-
ment, retint 4 coupables, 3 furent condamnés à payer la dia et le
quatrième, Demba Larbo, à la peine de mort.
Sidi Ahmet, le vrai coupable, n'ayant pas été arrêté, le gouver'
nement général crut devoir commuer la peine de Demba Larbo, en
la déportation perpétuelle au Gabon.
A la suite de ces événements, Ahmed Mahmoud, dont la fai-
blesse avait été en partie cause de ces derniers incidents, fut relevé
de ses fonctions de chef d'escale qui passèrent à son frère Imhaimet
Filali, lequel les exerce encore, et il fut interdit à Sidi Ahmet Ould
Eyba de rentrer sur le territoire du cercle de Kaëdi.
Depuis cette époque, Sidi Ahmet ne cesse de circuler autour de
son ancien territoire; ses gens, comme par le passé, y commettent
des vols non moins nombreux, quelquefois à main armée encouragé ;
par la timidité des mesures que nous prenons dans le pays, D
cherche encore à nous circonvenir, et Imhaimet est obligé lui-même
de veiller sur son entourage.
Lifama. — Il existe encore entre Ivaëdi et Matam une petite
tribu indépendante des Oulad Abdallah, les Litama qui habitent en
face du village de Orndaldé, sur la rive droite.
Ce petit camp comprend 9 chefs, leurs 7 enfants, leurs baratines
et leurs captifs.
Les Litama ne comptent ni chez les Bouid ni chez les Koheul.
Ils se sont séparés des Oulad Ely depuis fort longtemps. A la suite
— 76 —
d'une discussion qui s'était élevée à propos d'un partage de butin
et d^une femme refusée en mariage à l'un de leurs chefs, les Litama
avaient pris les armes contre le chef des Oulad Ely. Dans la bataille
qui s'ensuivit, ils tuèrent Eyba I®'', fils d'Ely et frère de Naceri, et
furent chassés par toute la tribu. Depuis cette époque ils ont tou-
jours vécu à l'écart.
DOWICH : Abakak et Chrattit
Abakak.
Population approximative, 16,000 ;
— guerriers : cavaliers, 300 ;
fantassins, 1,200.
Boi : Bakar Ould Soueïdi Ahmet.
Chrattit.
Population approximative, 20,000; — guerriers : cavaliers, 300;
fantassins, 1,500.
Eoi : Mokhtar Ould Ahmed Ould Mokhtar.
Situation géographique. —
Le Tagant, où vivent les tribus
Dowich et aussi une partie des Kounta, est une région montagneuse,
située entre le Baten et l'Adrar, au Nord les pays trarza et brackna
;
à l'Ouest, l'Afftout Chergui, au Sud et Flrgueiba et l'Aft'ola dans
l'Est.
Du côté du Sud et de l'Ouest, il n'est accessible entre de hautes
murailles rocheuses, abruptes, que par des passes étroites que fré-
quentent les caravanes. Des sources nombreuses jaillissent au bas
de ces montagnes et surtout dans l'intérieur du pays où elles faci-
litent les cultures diverses du blé, de l'orge, du maïs, du gros et du
petit mil, des bérefs et des niébés. Tous ces produits sont vendus
sur place, car ilsne sont encore cultivés qu'en petite quantité. Mais
le pays est certainement très fertile. L'indigo et le coton y croissent
spontanément. Une partie des montagnes est couverte de forêts.
— 78 —
Il existe deux oasis de dattiers où se sont d'ailleurs élevées les deux
seules villes du Tagant Tijikjé et Kachid.
:
Tijikjé est située à 450 kilomètres au N.-E. de Kaëdi dans une
large plaine, de l'autre côté du massif du Tagant. Au milieu de
cette plaine, qui s'inonde pendant l'hivernage, se trouvent des puits
nombreux dans lesquels on puise, pendant la saison sèche, une eau
abondante à 4 mètres de profondeur. Tijikjé s'allonge sur
claire et
le bord de l'oasis qui, plantée de dattiers, s'étend sur une longueur
de plusieurs kilomètres, large en moyenne de 600 à 800 mètres.
mesure à peu près 2 kilomètres de longueur, se dirigeant
Tijikjé
du Nord au Sud. Elle comprend plus de 100 maisons en pierres, sans
compter les habitations des captifs qui sont en pierres également.
Toutes ces constructions, carrées ou rectangulaires, sont surmontées
de terrasses sur lesquelles on accède par des escaliers. Elle n'est
entourée d'aucune muraille d'enceinte.
Rachid est un centre beaucoup moins important, à 60 kilomètres
au JST.-O. de Tijikjé, habité surtout par les captifs kounta employés
à la culture des dattiers. Ceux-ci occupent une étendue un peu
moins grande que ceux de Tijikjé. La ville, également en pierres,
est plantée sur un petit mamelon d'environ 30 à 40 mètres de
hauteur.
Les dattes de Rachid mûrissent toujours un peu avant celles de
Tijikjé dont on fait la récolte au commencement du mois d'août.
Il existait autrefois une troisième ville à Gasser El Barka au
Sud de E-achid et à environ 90 kilomètres à l'Ouest de Tijikjé. Cette
ville a été abandonnée. Les dattiers, qui sont aussi très nombreux
sur ce point, ont cessé de produire ayant cessé d'être soignés. Il
paraîtrait cependant que depuis deux ans des Kounta se sont mis
à les entretenir.
La plus grande partie des dattes récoltées est vendue dans le
désert. Il en arrive cependant en petite quantité dans les escales
du fleuve.
Le pays est riche en antilopes, en biches, en cobas, en gibier :
lièvres, perdrix, cailles, outardes. Il s'y trouve aussi beaucoup de
lions, de panthères, de chats-tigres, de hyènes, de chacals et de
singes.
Les habitants du Tagant, Dowich et Kounta, se livrent surtout
à l'élevage du chameau, du bœuf, du mouton et des chevaux.
Les chevaux surtout sont extrêmement renommés.
— 79 —
Les principales races sont celles des Rajalat, Jereïbat, Mat-
roucli, Doufeïnijat, Amama, Touerhat, Mourzheibat, Saïlat.
Le prix moyen d'un cheval d'une de ces races est d'environ 160
à 200 pièces de guinée, soit 1,200 francs.
Les gommiers commencent dans l'Afftout Chergui à 30 ou
40 kilomètres au nord de Kaëdi, mais les grandes forêts dans les-
quelles on peut marcher plusieurs jours de suite sans interruption
se rencontrent dans l'Irgueiba, dans l'Affola et dans leHodh.
Dans le Tagant proprement dit la gomme est de mauvaise qua-
lité, et, du reste, il y a très peu de gommiers.
Organisation 'politique. — Les Dowich présentent entre tous les
groupements maures du Sénégal, cette singularité que, s'ils ont
subi comme leurs voisins, le mélange des races arabes et indigènes
noires avec lesquelles ils ont été en lutte ou en rapport, ils n'en
sont pas moins les descendants directs des anciens zénaga. Après
avoir supporté pendant de longues années le joug des princes Oulad
El Arbia —
Oulad M'Bark, Oulad Nacer, Oulad Abdallah —
ils ont reconquis au commencement du siècle dernier leur ancienne
indépendance.
A rencontre des Trarza et des Brackna, ils ne vivent point sur
les bords du Sénégal. Le pays sur lequel s'effectuent leurs déplace-
ments constants, s'étend de l'Agan jusqu'à l'extrémité est du
Tagant, et ils descendent pendant la saison sèche dans l'Ouad et
l'Afftout Chergui qui commence à une trentaine de kilomètres au
nord de Kaëdi.
Certaines tribus de marabouts et de tributaires viennent cepen-
dant passer quelques mois de l'hiver dans le Fori (Sagy en maure),
vaste plaine des bords du Sénégal à l'est de Kaëdi. On y voit aussi
parfois quelques guerriers ; mais le camp royal ne s'en approche
que très rarement. Bakar, le chef des Abakak, n'y est point venu
depuis 1897 et Mokhtar ould Ahmed, chef des Chrattit, depuis 1895.
Les Dowich sont actuellement divisés en deux grandes frac-
tions : Abakak et les Chrattit.
les
Ces noms viennent de sobriquets qu'à la suite des grandes luttes
qui les ont partagés vers 1820, ils se sont donné les uns aux
autres. Les uns ayant été obligés pour se nourrir de manger une
sorte de gomme noire appelée Abakalc, les autres ayant été réduits
à dévorer les vieilles peaux de bœufs ainsi que font les hyènes
— 80 —
(Chrattit), chacun des deux partis a conservé la dénomination que
lui avait à ce moment appliquée son adversaire.
Les Abakak occupent plus ordinairement la partie occidentale
du Tagant.
Ils comptent sept grandes tribus guerrières.
l"" Les El Amar Ould Imohamed (tribu royale), chef : Bakar
ould Soueïdi Ahmed ;
2*^ Les Oulad Ely N'Toufa (princes), chef Bakar Ould Ghidou; :
3° Les El Soueïd (guerriers), chef Douh Oui Beniouk; :
4"* Les Oulad Talba (guerriers originaires de l'Adrar), chef :
Omar Ould Ahmed Bouna ;
ô*^ Ligouaneït (zénaga très influents), chef Mohamed Cherkhi
:
;
6"* Lihvaïssyat (zénéga influents), chef : Sidi Ahmed Ould Ab-
doul Wadoud ;
7° Oulad Boulahia (guerriers), chef : Ali Ould Amar Ould
Eyba.
Quatre principales tribus zenaga paient des redevances au roi :
1° Les Limhaïhat, chef : El Fali ;
2*" Ligouatit ;
3° Ladem ;
4° Eajane ;
Les tribus maraboutiques sont, chez les Abakak, les :
Idao Ali, commerçants très riches et très nombreux ;
Tagat ;
Oulad Ely Tagat ;
El Hadj ;
El Obat ;
Tourkouz ;
El Bouabo ;
Oulad Idy Tara ;
Lakhlal, très nombreux et très riches ;
Messouma ; ,
Lighlama ;
— 81 —
El Bouïssa ;
Deïboussat.
Les Chrattit habitent la partie méridionale du Tagant.
Ils comprennent trois tribus guerrières :
V La tribu royale des El Amar Ould Imohamed, chef : Mokh-
tar Ould Ahmed Ould Mokhtar, qui se divise en quatre grandes
fractions :
Les El Mokhtar, chef Mokhtar Ould Ahmed Ould Mokhtar:
;
Les El Ely Mokhtar, chef Cheikh Ould Eaçoul :
;
Les Bousseïf, chef : Soueïdi Ahmet ;
Les El Sidi Lamine.
La tribu princière des El Soueïd, chef
2° : Mohamed Mokhtar
Ould Ahmet Tichilit divisée en trois fractions :
El Ely Ould Mohamed ;
El Brahim Ould Ely Bogo ;
Bakar Chems Ould Ely Bogo.
3° Les tribus de zénaga guerriers non tributaires :
x^'Degat, très nombreux et par conséquent très influents, chef :
Ousman Ould Alélouvate, petit-fils de Henoun Ould Lahleïs ;
El Henoun Lahleïs ;
Oulad Khaïlane ;
Deychili, fraction des Deychili de TAdrar ;
Akewatil ;
Oulad lUahah ;
Ahrag Dei ;
El Alélouvate Lograh ;
El Asbah ;
4° Jlalfa, chef : Ould Fal Ould Mankouss ;
5*" Tourd, chef : Soueïdi Ahmet Ould Barik ;
6° Ichebahim.
LES MAURES 6
— 82 —
Ces zenaga étaient autrefois tributaires; mais, comme ils sont
devenus nombreux et guerriers, le roi les a exemptés du tribut.
Tous ces guerriers forment l'armée personnelle de Mokhtar Ould
Akmed.
Les tribus zenaga qui suivent constituent les forces des princes
El Ely :
Liferakliela ;
El Khouzlane (les biches) ;
ElElyBaby.
Les tribus maraboutiques dépendant des Chrattit appartiennent
aux :
Tadjakant qui en douze grandes fractions Arman-
se divisent :
dine, Idaïchif, Oulad Ibrahim, El Cheikh, Itifaldiat, Idaikhoub,
Izelameta, Idaïlouba, El Haya, Oulad Ahmed, Chouaoufa, Oulad
El Hadj, tous grands commerçants. Ce sont eux qui apportent le
plus de gomme dans toutes les escales du fleuve. Ils circulent
depuis Saint-Louis jusqu'au Niger.
Il existe aussi quelques tribus maraboutiques des Chorfa; mais
^lles sont complètement indépendantes.
Il convient de relater ici plusieurs particularités spéciales aux
Dowich.
Chez les zenaga — et ils entendent sous ce vocable la caste
correspondant chez leur peuple aux tributaires des Brackna et
des Trarza; car bien que descendants directs des anciens zenaga,
les princes n'admettraient pas d'être qualifiés de ce nom qui serait
injurieux pour eux — chez les zenaga dont on distingue deux
groupes, l'un est absolument guerrier ne payant aucun tribut, l'autre
entièrement tributaire et soumis à des redevances annuelles.
Les premiers n'en sont pas moins contraints de faire au roi
des cadeaux lorsque celui-ci les sollicite ; mais la plupart du temps
ils touchent beaucoup plus qu'ils ne donnent, car, pour se les
attacher et pour maintenir ses forces en cas de guerre, le roi fait
souvent présent à leurs chefs et notables de pièces de guinée, de
chevaux de race et de fusils.
A la guerre, les Dowich sont peu courageux et peu résistants.
%xâleazz 71"^.
Saa)\u Lax\iv(\(c
^
C'^AerÂ/i Si'di, ah-niet DUoku/ucL :/,//
i^J^û-lf
C^Liôr/iitn
roi. \
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LcL auzrrc.
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ClAïu^t I3akar- VlUmmoh Vahm.
SùU. Llhmet ^irln>uai
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mai'cLUout-
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-C'liCi'Û.LC,r de /3aÂar oi Jon. Jtcend
o'uii. CfiexÉfi. 91I<Jmuni!t «MiJal 55ou4>eif-
auanJ: éié tu£ luu- IcJ ChrcUtùt -en. CafinwD yîLnuanwî) /(bJL.^
Llfimct)
ZfJ^
rrutrcrùûvU , Citn<ii' JTLokJUcLi-a ?£xdf
CLncitru Tnaïa/'OiLt ,jtU ci icprùi /c^.
CXÂtnc<^ 'T}î<.iJiiTn>LicL Ct/trru/: ûOnia.^
jVcLmXnwuJ~ ricmanf , /Dri. riiokciinet CLuirtS -fila •
<£f ITloUilaj- SicU J >7u>/i<ime^ !71aha-
u.n fuô JHort ôatU ojifiint
J/Jj
Jlloluuncd C/iirAR, BuJJc,u -l'efii/a -. dctU u nom
TRokaniftl crfîdon HaJimaiij.'^iJa'^aTnine Ti-'e^t tuw conrux,.
Omcu/cu A'regria, .7Cj.nû^'in C/ij mehairud, ,
maAmoud.J'rMÂJal .7faloL£2, Ct/},ÙM ,
Jîaçpu-C i \Sani^ 9llohurmU: OÙ, fya^i fi'fnjattt
«A«aj- ,u i-y,:h iSuJnuxn K. rSoAar
inMiar <•/ //«^'"«i ifôk Cl/w.^-Juu X HUuurut
— ,,
taGu^aH
— 83 —
Ils n'ont pas de drapeaux. Les cavaliers ne s'aventurent que dans
les escarmouches, et la rapidité de leurs chevaux ne leur sert guère
que pour la fuite. Depuis quelques années ks Dowich font de
grands approvisionnements de poudre et de plomb cette année —
(1902) leurs achats ont été encore plus importants que les années
précédentes.
La justice se rend chez les Dowich comme chez les autres
Maures par les marabouts les plus savants et les plus respectés.
Toutefois il en
deux principaux particulièrement réputés,
est
Mohamed Lamine Ould Ahmed Zeidane, des ïadjakante, pour le
Tagant et l'Afftout Chergui et Ahmed Ould Mohamed Aynina Ould
Ahmed El Hadj, des Tournedeuk (Oulad Abdallah) pour les tribus
situées plus au sud.
Le roi. — Bakar Ould Soueïdi Ahmet, Abakak, n'existe
roi des
plus guère que de nom. C'est un
vieillard approchant de la cen-
taine qui s'éteint dans la décrépitude. Il a eu 41 fils dont 29 sont
encore vivants et un nombre de filles bien autrement considérable.
L'aîné de ses enfants, Mohamed Kar, a été tué en 1894 par les
Chrattit, au combat de Malb. C'est son second fils Ousman,
âgé
de 58 ans, qui commande sous le nom de son père.
Le roi des Abakak possède une grande fortune. EUe est ali-
mentée par les tributs qu'il impose à ses zenaga personnels et
par redevances que lui versent les autres tributaires. Ainsi, les
les
Libhaïlat et Ligouatit paient deux pièces de guinée
par tente,
tous les ans; les Eajane lui apportent, dans les
mêmes conditions,
un mouton et une pièce de guinée et la grande et riche tribu des
Ladem lui donne régulièrement chaque année un chameau par
homme adulte. En outre, il envoie percevoir auprès de tous les
Touabir, chez Oulad AbdaUah, même près de ceux qui, chez les
les
Brackna, marchent avec Ahmedou, un tribut régulier
de 3 pièces
de guinée et de 3 moutons par homme adulte.
Il faut ajouter à ces ressources le a
moudara» qu'il demande
aux marabouts. Le moudara est un cadeau qui est,
censément, fait
volontairement par les marabouts au roi du pays;
mais qu'ils ne
font en réalité volontairement que parce
qu'il leur en coûterait
bien davantage de le refuser.
En
outre de toutes ces redevances ordinaires, le
roi a encore des
exigences qui tombent à l'improviste sur les tribus
de tolba ou de
— 84 —
zenaga, demandant à qui un cheval, à qui une cliamelle ou toute
autre chose, suivant son plaisir ou son besoin.
Il reçoit du gouvernement français une coutume de 1,000 pièces
de guinée par an.
La maison de Bakar est composée de ses fils, des notables aba-
kak et des Amgarides. Ces Amgarides, ainsi nommés d'Amagueroud
qui signifie courtisan, accompagnent ordinairement les fils du roi
chargés d'une perception ou d'une mission.
C'est parmi les quatre grandes familles d'Amgarides que Bakar
choisit ses conseillers et ses confidents ordinaires. Ces familles
sont : les El Aboujar, les Imhannerat^ les Taoutage et les El
Babou. Il existe d'autres familles d'Amgarides moins considérées.
Le plus important de ces courtisans est Goura Ould Taoutage,
conseiller très écouté qui est généralement chargé des missions
auprès des rois de l'Adrar et des Trarza.
Son principal percepteur, affecté à la recette des coutumes, est
un marabout des Messouma appelé Hamadou Ould Yahia.
Quand des affaires sérieus-es — guerre ou alliance — se présen-
tent, le roi réunit en grand conseil les princes, les notables et les
chefs des tribus guerrières.
Bakar n'a pas de garde particulière sa famille ; lui suffit.
Mokhtar Ould Ahmed Ould Mokhtar, roi des Chrattit, est âgé
d'environ 60 ans. Il est le cousin du vieux Bakar. Ses ressources
sont moins importantes que celles de ce dernier mais elles sont ;
encore considérables ; elles consistent surtout en bestiaux. Ses trou-
peaux de chamelles, de bœufs et de moutons blancs sont nombreux.
Il possède aussi quantité de tributaires.
Sa fortune s'augmente tous les jours des contributions qu'il
impose à Ce sont à peu près les mêmes tributs que ceux
ses sujets.
exigés par Bakar. Mais ^tokhtar Ould Ahmed jouit d'une réputa-
tion de justice due, en pdrtie, à ses moins grandes exigences. Sa
famille, moins nombreuse que celle du vieux chef Abakak, pèse
moins lourdement sur son peuple.
Les zenaga et les marabouts sont cependant mis à contribution,
d'autant plus que les Dowich ont pour les tolba beaucoup moins
de respect que leurs voisins les Oulad Abdallah et les Trarza.
Mokhtar Ould Ahmed n'est allié, par ses enfants, avec aucun
des personnages importants des peuples voisins. Il entretenait
— 85 -
autrefois de bonnes relations avec l'ancien roi de TAdrar, Ahmet
Ould Ahmet, mort en 1899, écrasé par une maison qui s'écroula
Sidi
sur lui pendant la nuit. Ce chef avait successivement épousé deux
des filles du roi des Chrattit. Actuellement, sans être en mauvaise
intelligence, Mokhtar Ould Ahmed est moins bien avec le fils du
nouveau roi, Ahmed Ould Mokhtar, qui gouverne sous le nom
de son père.
La maison du roi, chez les Chrattit, se compose de ses propres
fils, de ses courtisans et de ses affranchis. Ce sont eux qui se char-
gent des perceptions et des missions.
Comme chez Bakar, il existe auprès du roi des Chrattit des
familles d'Amgarides où il prend ses principaux confidents, ce
sont : les El Ahnang Ould Kembouchi, les Ahmet Ould Kembouchi,
les El Tesbo, les El Adremiz, les Akhdach et les N'Dei.
Son premier ministre est Ely Ould Ahmamy Ould Kembouchi
et celui qu'il charge des missions délicates près des rois voisins :
Mokhtar Ould N'Dei.
Dans les grands conseils où s'agitent les questions de paix ou
de guerre, le roi appelle tous les chefs des tribus guerrières et les
princes et notables Chrattit.
Mokhtar Ould Ahmed touche, à Kaédi, en vertu du traité du
21 mars 1894, du gouvernement français, 500 pièces de guinée qui
sont reçues en son nom par Imohamed Ould Filali, chef des Oulad
Ely et de l'escale de Kaédi.
Histoire. — A la fin du xviii' siècle, tous les Dowich vivaient
confusément dans un état complet de servage, comme les tribu-
taires actuels des autres chefs ou marabouts maures. Ils étaient les
zenaga des princes El Arbia qui les pressuraient et les tenaient
sous le joug. Mais leur vieux sang berbère supportait mal l'autorité
des Hassan. Déjà sous le commandement de Mohamed ben Khouma,
chef des tributaires dowich, fermentait l'idée de la rébellion. Ses
successeurs, Amar Bakar Ould Amar, entretinrent cette pensée
et
que le fils de ce dernier, Mohamed Chems, commença à mettre à
exécution. Après avoir réuni à Lechneikat (à 20 kilomètres de
Dowich qui s'étaient groupés autour ae lui, Chems
Tijikjé) tous les
refusa de payer le tribut aux princes El Arbia dont il dépendait.
Ceux-ci se concertèrent et vinrent camper près d'eux et les cerner.
— 86 —
Cette situation dura quatre mois sans combat. Pendant ce temps
Chems se mettait Oulad Abdallali que comman-
en rapport avec les
dait alors Ahmed Ould Eyba Ould Nokbmakli. Se rendant compte
qu'il» ne possédaient pas les forces nécessaires pour résister par
les armes aux princes El Arbia, dont les guerriers des Oulad
M'Bark, Oulad l^acer et d'autres les auraient vivement écrasés,
les Dowich intriguèrent, parvinrent à gagner du temps, à contracter
des alliances pour leur permettre d'immobiliser certains de leurs
voisins hostiles et à séparer leurs adversaires dans le but de les
attaquer isolément. Cette politique leur réussit.
Profitant des dissensions et des guerres qui éclatèrent entre les
princes El Arbia, Mohamed Chems parvint à battre les Oulad
M'Bark d'abord et successivement les autres tribus guerrières qui
avaient longtemps imposé leur puissance aux Dowich.
si
Mohamed Chems mourut après avoir assuré complètement
l'indépendance de son peuple. Il laissait à son fils et successeur,
Mohamed Ould Mohamed Chems, un peuple libre, grandissant
chaque jour en nombre, s'enrichissant des tribus maraboutiques
qui venaient se placer sous la protection de ses guerriers, déjà redou-
tables à leurs voisins, et des tributaires qu'à leur tour ils recueil-
laient au cours de leurs combats et de leurs conquêtes.
Mohamed maintint pendant de longues années sous son autorité
toutes les tribus qui formaient alors le peuple Dowich. Mais à sa
mort, vers 1820, de grandes discussions s'élevèrent. Son frère,
Mokhtar, que les usages appelaient au pouvoir, trouva subitement
devant lui le jeune Soueïdi Ahmed qui, soutenu par ses partisans,
voulut succéder à son père. Les Dowich se trouvèrent bientôt par-
tagés et la guerre éclata. Une première rencontre eut lieu à Bou
Hanz, dans l'Afftout Chergui, qui donna au jeune Soueïd
la victoire
Ahmet mais peu de temps après les partisans de Mokhtar repri-
;
rent une éclatante revanche à Dakna dans l'Irgueiba, à Test du
Tagant. Le parti de So\ieïdi Ahmed dut prendre la fuite et fut
contraint de se replier dans le désert. C'est là, dit la légende, que
ses gens n'eurent pour toute nourriture que la gomme noire connue
sous le nom d'abakak, d'où leur vient leur nom actuel.
De cette époque date la division des Dowich telle que nous la
voyons aujourd'hui en Abakak et Chrattit.
Les Abakak eurent successivement pour rois Soueïdi Ahmed,
Souleyman, son frère, et Mohamed Ould Soueïdi Ahmed, qui lit
— 87 —
assassiner son oncle pour prendre sa place. Il n'en profita pas long-
temps, la mort l'obligea bientôt, vers 1830, à céder à son tour la
place à son frère Bakar Ould Soueïdi Ahmet qui s'éteint en ce
moment dans le Tagant, âgé d'environ 100 ans.
Après la séparation des Dowich, Mokhtar, fils de Mohamed
Cbems, régna sur les Cbrattit qui étaient et sont encore beaucoup
plus nombreux que les Abakak. A sa mort, qui eut lieu à peu près
à la même époque que celle de son frère Ely, son fils Ahmet prit
le pouvoir. Il eut pour successeur son frère Bakar Ould Mokhtar
qui en mourant céda la place à Raçoul Ould Ely, le jeune Mokhtar
Ould Ahmed étant trop jeune pour régner.
Quand Mokhtar fut en âge de prendre le commandement des
Raçoul. Celui-ci, qui s'y était accoutumé et comptait aussi des
Chrattit, soutenu par d'ardents partisans, il réclama le pouvoir à
défenseurs, refusa de se démettre et réunissant ses guerriers, tenta
de soumettre son jeune et bouillant cousin. Une rencontre eut lieu
à Bedezouk dans l'Affola, à 250 kilomètres au N.-E. de Tijikjé.
Raçoul dut battre en retraite. Plusieurs autres rencontres sans
grande importance ne firent qu'accentuer son infériorité. Il solli
cita alors le secours des El Sidi Mahmoud et avec l'aide des con-
tingents que ses alliés lui envoyèrent, il rechercha les troupes
de Mokhtar. Les deux armées se rejoignirent à El Khaba, à 50 kilo-
mètres au sud du premier champ de bataille. Raçoul, complètement
défait, vint trouver Mokhtar sous sa tente et fit sa soumission.
Les Chrattit eurent à soutenir d'autres Une de leurs luttes.
tribus de zenaga, les Mechdouf, dirigés par Ahmet Mahmoud Ould
Mohaimet, résolut de se rendre indépendante comme un demi-
siècle plus tôt avaient fait les Dowich vis-à-vis des princes El
Arbia. Les deux camps ennemis se heurtèrent à Kharjouj entre
l'Affola et le Hodh, mais les El Sidi Mahmoud qui avaient accom-
pagné les Chrattit se refusèrent à intervenir au dernier moment.
Les Chrattit furent écrasés et eurent à subir des pertes considé-
rables.
Une longue période s'écoula sans grands événements. Cepen-
dant vers 1880, les El Sidi Mahmoud, qui habitaient l'Irgueiba,
manifestèrent l'intention de s'emparer du Tagant. Leur chef,
Mohamed Mahmoud Ould Abdallah, les rassembla pour marcher
sur les Dowich qui, pour la première fois depuis soixante ans, se
trouvèrent réunis, Abakak et Chrattit, sous le commandement de
— 88 —
Bakar, afin de repousser les envahisseurs. La rencontre se produisit
encore dans l'Affola Guemoun où, pendant un mois, des escar-
mouches sans importance se succédèrent; mais où finalement les
Dowich, battus, perdirent une partie de leurs biens.
Ils firent alors appel à toutes leurs forces et à leurs voisins les
Kounta pour se lancer à la poursuite des El Sidi Mahmoud qui
avaient avec eux les Mechdouf. Ces derniers furent battus à Me-
droum et contraints de s'enfuir dans le Sahel.
Depuis Dowich vivent dans le Tagant sous les
cette époque, les
commandements respectifs de Bakar et de Mokhtar. La paix sem-
blait devoir se perpétuer, quand de graves événements vinrent,
en 1891, mettre de nouveau les armes à la main des Abakak.
Ahmet Ould Mohamet, roi de l'Adrar et neveu de Bakar —
Khadidja Boni, sœur de Bakar, avait épousé Ould Aïda Mohamet
Ould Ahmet —
qui, sans motif sérieux, avait fait tuer Cheikh Ould
î^ouessir, chez les Deichily, venait d'être assassiné à son tour par
les parents de sa victime. Ce crime n'avait pas été commis sponta-
nément. Les Deichily avant de commettre ce meurtre, avaient
sollicité Cependant pour fuir
l'appui et la protection de Bakar-
les représailles des Oulad Yahia ben Othman, les Deichily avaient
quitté l'Adrar et s'étaient réfugiés chez les Abakak. Furieux de
voir Bakar protéger les assassins de son propre neveu, les gens de
l'Adrar se mirent en marche vers le Tagaut. La guerre ne dura
pas moins de trois ans. Deux principales batailles signalent cette
période à la première les gens de l'Adrar tombèrent à l'improviste
;
sur l'El Huila, camp royal des Abakak, à Tamoutnadje. La seconde
n'eut lieu que l'année suivante. Les Abakak et les Chrattit s'étaient
réunis et marchaient ensemble sur l'Adrar, mais, à peine arrivés,
ils rencontrèrent les Oulad Yahia Ben Othman à Imrahir Ahmé-
doun et furent vaincus et dispersés. Mais la lutte avait été dure.
Les Dowich se reformèrent et reprirent les hostilités l'année sui-
vante, en 1894. Les Yahia ben Othman gagnèrent les Kounta à
leur cause. Le combat eut lieu à Lihmouk, mais bien que des plus
meurtriers, il ne fut pas décisif. Mokhtar, roi des Chrattit, y perdit
un frère et Bakar un neveu. A quelques mois de là, les Yahia ben
Ohman ayant repris l'offensive, les Dowich, sous la conduite de
Bakar, lui infligèrent une dernière défaite à Forh-el-Koutan, qui
mit enfin un terme à cette guerre.
Aucune grosse difficulté ne s'est élevée depuis chez les Dowich.
— 89 —
Le seul fait important qu'il y ait lieu de relater s'est produit
l'aimée dernière entre les Dowich Oulad Naceur venus dans
et les
le Tagant à l'instigation de Mohamed el Mokhtar Ould el Hamid,
chef des Kounta. Les envahisseurs furent chassés et repoussés dans
le Hodh.
Aujourd'hui la situation peut se résumer ainsi : les Abakak et
les Chrattit vivent en parfaite intelligence, les premiers com-
mandés par Ousman Ould Bakar qui exerce le pouvoir sous le nom
de son père, et les seconds par Mokhtar Ould Ahmed.
Les Oulad Naceur et une partie des Kounta, qui ont suivi Ould
El Hamid dans le Hodh, attendent l'occasion de prendre leur
revanche.
du vieux Bakar, chaque
Cette occasion peut naître de la mort
jour plus imminente. Les compétitions s'élèveront nombreuses
entre les fils du roi des Abakak Ousman. et Amar., tous deux fils
;
de la même femme, auront contre eux leurs autres frères, d'au-
tant plus qu'Amar aurait fait assassiner Souleyman, autre fils de
Bakar, exilé autrefois dans l'Adrar.
On pense, toutefois, qu'Ousman, qui a su entretenir des rela-
tions amicales avec Mokhtar, pourra compter sur l'appui des Chrat-
tit si Abakak au moment de la
des discussions s'élèvent chez les
succession. L'éventualité d'une action de Mokhtar pour s'emparer
du commandement suprême de tous les Dowich semble devoir être
écartée.
Enfin, parmi les Chrattit, des dissentiments paraissent devoir
mettre aux prises les Ely et les Bousseïf, malgré les efforts de
Mokhtar pour les réconcilier.
TRIBUS SA HÉLI EN NES
EL SIDI MAHMOUD
Population approximative : 40,000; guerriers, fantassins : 1,500;
cavaliers : 300.
Clief : Sidi El Moklitar culd Mohamed Mahmoud.
Les El Sidi Mahmoud n'existent en groupe indépendant que
depuis environ cent ans^ Leurs chefs, qui sont des descendants de
la vieille tribu berbère des Aïdou El Hadj, habitaient encore
Ouadan, dans l'Adrar, à la fin du xviii^ siècle. Le grand-père des
chefs actuels, Abdallah ould Sidi Mahmoud, en venant s'établir
dans rirgueiba, détermina le groupement auquel il a laissé son
nom.
Les El Mahmoud ont comme principaux territoires de par-
cours les plateaux de l'Affola et les plaines de l'Irgueiba, à l'est du
Tagant ils circulent sur nos frontières du Guidimaka.
;
Ce sont des marabouts qui se sont adonnés à la guerre, tant pour
83 défendre contre les pillages dont ils étaient l'objet que pour
acquérir une entière liberté.
D'abord peu nombreux, ils ne tardèrent pas à voir se joindre à
eux des guerriers venus de toutes parts. Aussi le nombre des tribus
maraboutiques vivant avec eux est-il très restreint et chaque tribu
est-elle de peu d'importance.
Les El Sidi Mahmoud ont 4 tribus absolument indépendantes
qu'on connaît sous le nom général des Idao El Hadj (Aïdou-el-
Hadj) et aussi des Hella :
— 91 —
1° Les Idao Bouja (tribu dirigeante), chef : Sidi El Mokhtar
ould Mohamed Mahmoud ;
2° Les Idey Khoub ;
3° Les Sout-eïdat ;
4° Les Ould El Hadj.
Viennent ensuite les 7 tribus guerrières non tributaires. Ce
sont :
Les Idekfoni ;
Les Rajane ;
Les Lavoyjat ;
Les Souaker ;
Les Idabouk, anciens tributaires des Dowich ;
Les Ajeylat, hassan ou tourda, que Ton trouve aussi comme
guerriers non tributaires chez les Chrattit ;
Les Moudjast, hassan ou tourda.
Deux autres tribus portent les mêmes noms que ces deux der-
nières et sont composées de marabouts guerriers.
Les tributaires sont tous guerriers chez les El Sidi Mahmoud.
On les distingue ainsi :
Les Djibérat, chef : Haroum ould Falloul, âgé de cinquante ans.
Cette grande tribu est divisée en :
El Falloul, anciens tributaires des Dowich;
El Mena, Djibérat, anciens tributaires des Dowich.
El M'Barik, — —
El Maham, — —
El Golo, — —
El Oumar, — —
El Talibé,
El Sidi Brahim, — —
El Ely Bouna, — —
Les Tajounde, anciens tributaires des Dowich.
Les Oulad Hadd, —
Les Ajeylat, —
Les Bejekhala, —
— 92 —
El Moukliaitar, anciens tributaires des Dowich..
Les Iboï^ine, —
lies Frakilé, —
Les El Mokhtar, —
Les Araline, anciens tributaires des Oulad Abdallah,
Les Hamoïssé, baratines des El Sidi Mahmoud.
Les tribus maraboutiques ne comprennent que très peu de
tentes.
Ce sont :
Les El Taliz El Hassan, fraction des Tanouazit;
El Dine, —
El Soultane, —
Messouma —
Davach, —
Les El Sidi Mahmoud sont divisés depuis une vingtaine
d'années. Sidi Mohamed, frère du chef actuel, s'est mis à la tête
des Souaker et combat l'autorité de Sidi El Mokhtar.
On estimait, en 1896, le nombre des El Sidi Mahmoud à 40,000,
mais on disait déjà que, par suite de l'indépendance du caractère
des diverses tribus dont ils se composent, ils ne pouvaient guère
réunir plus de 300 cavaliers et 1,500 fantassins.
Le parti de Sidi Mohamed, comprenant presque tous les Souaker,
compterait au plus 10,000 individus, hommes, femmes et captifs.
Les charges qui pèsent sur les El Sidi Mahmoud sont à peu près
les mêmes que celles supportées par les Oulad Abdallah, par
exemple. Elles sont un peu plus faibles que chez les Trarza, les
Brackna et les Dowich, parce que chez ces derniers peuples les rois
vivent avec un entourage plus nombreux, plus exigeant, plus tur-
bulent. C'est toujours bien plus la cour que le monarque lui-même
qui fatigue de ses exigences incessantes et pénibles le peuple pres-
suré. Ici, chez les El Sidi Mahmoud, les tributaires guerriers pas-
sent pour en être quittes à raison de 2 pièces de guinée (7 fr. 60)
par tente et par année. En réalité, ceci n'est que la redevance régu-
lière, mais constamment des t cadeaux » leur sont demandés.
Chaciuk des parents du roi, fils, frère, oncle, passe à son tour et
— 93 —
demande, autant dire exige. Ce sont, suivant le rang ou l'audace
du quémandeur, de la guinée^ des moutons, des chevaux, des cha-
meaux que le chef de tente abandonne.
Les toba vraiment pratiquants, qui ne portent pas les armes, sont
encore plus imposés que les tributaires guerriers dont l'appui effec-
tif peut devenir un jour nécessaire.
Histoire. — Yers la fin du xviii® siècle les chefs des El Sidi Mah-
moud vivaient à Ouadan dans l'Adrar. Les renseignements font en ce
moment défaut sur leur origine. Ils auraient été autrefois tribu-
taires de la grande tribu des Kounta, mais ils s'en défendent
aujourd'hui énergiquement. La mémoire des gens du pays a gardé
le souvenir d'un nom très ancien, Obja, qui serait celui de l'an-
cêtre dont toute la famille se réclame, mais elle ne peut le relier
à son descendant éloigné, Sidi Mahmoud, lequel donna son nom
à la grande tribu qui vit actuellement dans l'Irgueiba.
Yaguement, on raconte que Sidi Mahmoud, jeune encore, quitta
Ouadan pour aller s'instruire dans le Hodh, près d'un marabout
célèbre par son savoir et sa piété, Talibé Zidou El Lakhilal. Quand
il eut terminé ses études, Sidi Mahmoud s'établit dans l'Irgueiba
comme marabout au milieu des Dowich. Il vécut là plusieurs
années agrandissant peu à peu sa fortune et son influence. Ses
parents le rejoignirent les uns après les autres et les disciples
qu'il forma grossirent assez rapidement son entourage. Le prestige
et le bon renom dont il jouissait le mirent un peu à l'abri des trop
grandes exactions des chefs et petit à petit, quelques fractions de
tributaires dowich vinrent se mettre sous sa dépendance, à l'abri de
sa réputation et augmentèrent ainsi sa puissance. Quand il mourut,
ia fraction des El Sidi Mahmoud était déjà une tribu avec laquelle
il fallait compter.
Les Kounta, qui occupaient de grands territoires de parcours de
l'est du Hodh jusqu'à l'Adrar, à travers même le Tagant, ne virent
pas sans jalousie grandir au milieu d'eux ce groupe indépendant
qu'augmentaient chaque jour des fractions de tributaires venant
de chez eux peut-être, mais surtout de chez les Dowich et les
Oulad Abdallah.
Le fils de Sidi Mahmoud, Abdallah, se trouva donc obligé de
prendre armes pour défendre l'œuvre paternelle. Pendant plu-
les
sieurs années, il eut des rencontres sanglantes avec les Kounta. Il
— 94 —
convient de rendre à ces guerres les proportions réelles qu'elles
eurent. Enflées et grossies par le chant des griots, elles prennent
dans la mémoire des indigènes des allures de batailles superbes.
Elles ne furent, en réalité, que de simples escarmouclies, un pillage
par surprise, quelque cinquantaine de coups de fusil tirés la nuit
autour d'un camp où, par miracle, un hommeune longue
est tué,
série de menaces et de bravades, parfois une rencontre où les guer-
riers des deux camps se rapprochent en rampant sur le sol et tirail-
lent pendant des heures sans résultat. Cela suffit à immortaliser les
combattants. A part de rares exceptions, toutes les guerres inter-
minables des Maures se bornent là.
Pendant plusieurs années donc, la guerre entre les E] Sidi Mah-
moud et les Kounta se prolongea ainsi. A la longue, les El Sidi
Mahmoud, constamment traqués et pillés, demandèrent la paix.
Une première fois les Kounta exigèrent que le chef des El Sidi
Mahmoud vînt faire sa soumission chez eux, monté tout nu sur
une chamelle galeuse. Abdallah Sidi Mahmoud se serait exécuté.
Les vexations et les pillages n'en continuèrent pas moins. La
guerre reprit, dura ce qu'elle put, après quoi de nouvelles démarches
furent faites par Abdallah pour obtenir la paix. Les Kounta y
mirent pour condition humiliante qu'il viendrait la leur demander
monté sur un âne. Ces exigences semblaient avoir pour but de ridi-
culiser les El Sidi Mahmoud et d'arriver ainsi à empêcher que de
nouveaux tributaires vinssent leur apporter leur concours et à
détacher d'eux les zenaga des Dowich qui s'étaient réfugiés dans
leurs rangs.
Abdallah un bien plus fervent croyant qu'un guerrier
était
indomptable. Il prit un parti qu'il jugea décisif absolument ;
décidé à ne pas céder aux Kounta, il partit en pèlerinage à la
Mecque pour demander près du tombeau du Prophète la faveur de
vaincre ses ennemis.
A son retour il reprit les hostilités. Les Kounta ne tardèrent pas
à être vaincus et les El Sidi Mahmoud se virent à peu près libres de
leurs actions.
Son mourut vers 1825 laissant le
frère Djeïlani lui succéda. Il
pouvoir à son plus jeune frère, Mohamed Mahmoud Ould Abdallah,
qui commanda pendant quarante-huit ans les tribus des El Sidi
Mahmoud.
Ce dernier eut à son tour pour successeur son fils Ahmet Taleb
— 95 —
Mohamed Mahmoud qui mourut uu an et demi plus tard, laissant
par testam-ent sa place à son fils El Sidi Mokhtar, le chef actuel.
Aucune contestation ne se produisit à cette époque ; mais peu
de temps après, Sidi Mohamed, le plus jeune des sept frères de
El Sidi Mokhtar, parvint à diviser les Sidi Mahmoud. Il groupa
autour de lui une grande partie des Souaker, notamment les
familles des El Yahia, des El Khaïlass, des El Hamhi, des Loyaïta
et des El Boukhoueifir auxquels vinrent se joindre nombre de
tourda, entre autres les Ajeylat et les Moudjast guerriers.
Les Souaker ont toujours eu, entre tous les El Sidi Mahmoud, la
réputation de pillards fameux et c'est tout naturellement qu'ils
suivirent dans sa rébellion le frère du chef reconnu de cette grande
tribu. Depuis 189o, on avait dû leur interdire absolument nos terri-
toires du Soudan, en raison des déprédations auxquelles ils s'y
livraient.
Les dissensions qui séparent deux partis des El Sidi Mah-
les
moud ne sont pas irréductibles. De temps en temps elles revêtent,
à la suite d'un vol commis par les gens de l'un des camps au préju-
dice de l'autre, ou pour un motif tout aussi commun, un caractère
de gravité plus aigu des rencontres peu meurtrières ont lieu qu'on
;
qualifie encore du grand mot de combat, et les choses reprennent
ensuite leur cours à peu près tranquille.
La crise principale qui éclata entre ces frères ennemis date
de 1894. Elle ne dura même pas tout l'hivernage. Depuis cette
époque, ils vivent en état d'animosité sourde. Cependant de brus-
ques réconciliations se produisirent sur lesquelles on ne saurait
compter et sur lesquelles ni l'un ni l'autre ne font trop de fond.
Pendant les hostilités de 1894, Sidi Mohamed s'était allié contre
son frère avec les Dowich.
Plus tard, en 1898, les deux frères recherchèrent l'un après
l'autre notre appui. IN^ous tentâmes de les réconcilier. Aux propo-
sitions de Sidi Mohamed nous répondîmes qu'on attendrait, avant
de lui rouvrir le territoire, la restitution de ses pillages et qu'on lui
reconnaîtrait une certaine indépendance ; mais à la condition qu'il
ferait la paix avec son frère Sidi El Mokhtar. î> otre intention était
alors de placer normalement sous les ordres de ce dernier tous les
Sidi Mahmoud, fidèles et dissidents, et en retour du pouvoir que
nous lui accordions de le rendre responsable des faits et gestes de
tous ses sujets. Mais Sidi Mohamed déclara ne vouloir accepter
— 96 —
cette situation que
on plaçait sous son autorité la moitié des
si
hommes d'armes des El Sidi Mahmoud. Cette prétention injustifiée
fit échouer la tentative de réconciliation.
A quelque temps de là^ Sidi El Mokhtar se trouva dans une
situation critique. Une de ses tribus, les E-ajane, tombe à l'impro-
viste surune partie des Berabich, tue quelques hommes et razzie
force chameaux sous le seul prétexte que les Berabich sont amis
des Kounta^ lesquels sont, par contre, les ennemis héréditaires des
El Sidi Mahmoud.
Cette attaque faillit faire prendre les armes à presque toutes
les tribus du désert. Les El Seïd (Abakak pillards et voleurs plus
encore que les autres Dowich) qui marchaient avec Sidi El Mokh-
tar, s'allient brusquement aux Berabich, aux Kounta et aux Ham-
monat et ne tardent pas à infliger une défaite sérieuse au E-ajane.
Sidi El Mokhtar comprend le danger et cherche d'abord à faire
la paix avec son frère Sidi Mohamed pour grouper toutes les forces
des El Sidi Mahmoud, puis à détacherMohamdoul Mokhtar, chef
des Mechdouf, de la cause des Hammounat, ses sujets insoumis et
souvent ses adversaires.
Les négociations sont menées par l'oncle de Sidi Mokhtar, Banaï
Ould Mohamed Radhi, vieillard d'environ 60 ans, dont la figure
est intéressante et le nom utile à retenir.
Fourbe, adroit, insinuant, diplomate parfois habile, toujours
peu scrupuleux, ce chef maure ne cherche jamais dans les intrigues
auxquelles mêle ou qu'il suscite que son intérêt personnel,
il se
souvent même que son intérêt immédiat.
Les négociations échouent, mais un incident nouveau produit,
sans raison logique, ce que la logique et la raison n'avaient pu
faire. Dans une surprise, les Rajane battent les Hammounat et leur
enlèvent 1,500 chameaux. Cette victoire des El Sidi Mahmoud
rapproche subitement Sidi Mohamed et son frère Sidi el Mokhtar
et l'accord si longtemps cherché est fait brusquement Ces faits
datent de 1899.
C'est ce moment que Banaï pour se rendre à
choisit justement
Kayes demander à être reconnu chef officiel des El Sidi Mahmoud,
s engageant, présomptueusement d'ailleurs, à faire seul avec les
gens de sa tribu la police du désert. On lui donne des cadeaux,
mais on le remercie et il rentre chez lui, respectueux et soumis, sous
l'autorité de son neveu.
— 97 —
Il ne tarde pas à susciter des différends qui mettent bientôt le
trouble dans le Sahel et ont pour premier résultat de brouiller les
deux frères qui venaient de se réconcilier. Sidi Mohamed se réfugie
chez les Mecbdouf et gagne leur chef Mobamdoul Mokhtar à sa
cause.
Les deux plus grandes tribus du Sabel vont donc se trouver
en présence et entraîner les autres dans une conflagration générale.
Il n'en est rien. Chez les Maures tout naît de rien et un rien
calme tout : quelques rencontres ont lieu, quelques coups de fusil
s'échangent, le calme apparent renaît et le statu quo est maintenu
(1900).
Depuis cette époque, les deux partis n'ont changé ni de position
ni d'attitude.
LES MAURES
OULAD M'BARK
Gachouch. — Oulad Mahmoud. — El Khouizi
Population approximative, 18,000 ;
— guerriers : fantassins,
1,400 ; cavaliers, 300.
Comme les Oulad M'Bark viennent des Béni
Oulad Naceur, les
Hassan. Ils sont les descendants directs de M'Bark, frère de Makh
Ear. Ils ont été pendant de longues années des conquérants heureux
et invincibles. Pendant que les Brackna et les Trarza descendaient
lentement vers le Bas-Sénégal, eux s'avançaient hardiment à tra-
vers le désert et venaient planter leurs tentes jusque sur les fron-
du Bakounou.
tières
Mais la guerre les ont peu à peu décimés. Ils ne sont plus
aujourd'hui qu'une tribu affaiblie. On estime leur nombre à
18,000 individus qui ne comptent pas plus de 300 cavaliers et
1,400 fantassins.
Les Oulad M'Bark ne vivent pas sous le commandement d'un
chef unique. Ils sont partagés en quatre groupes :
1° Les Gachouch, fraction la plus importante qui comprend
sous l'autorité de Sidi Ahmet Ould Abidin :
Les El Eatta ;
Les Oulad Mounoun ;
Les El Sazka ;
Les Oulad Ahmed ;
Les El Mahamdah ;
Les El Loukherad ;
Les El Mokhaliss :
— 99 —
Les El Modiat ;
Les El Djerdit ;
Les Ataris ;
Les Oulad Kher.
2°Les Oulad M'Bark du Bakounou (Goumbou) constitués par
les El Bousseïf Ould Ahmet qui se subdivisent en :
El Founti ;
Oulad Aly ;
El Remeïsat ;
Et Oulad Billi.
Ils ont pour chef Ousman Ould Amar.
8° Les Oulad iTBark du Ouagadou (Goumbou) plus connu sous
le nom des Oulad MaJiTnoud appelés aussi Ladoumous.
Les Oulad Mabmoud ont pour chef Ely Ould Djidou Ould Zim
appelé aussi Ely Ould Zim.
Ce sont d'anciens zénaga des Oulad M'Bark devenus indépen-
dants depuis que leurs maîtres ont perdu leur puissance.
Ilscomptent de nombreuses tribus :
Les Oulad Legass ;
Les El Tiki ;
Les Ladoumous ;
Les Loumhaïlis ;
Les El Draguelé ;
Les El Idabouk ;
Les Oulad Yadass ;
Les Oulad Skakina ;
Les Oulad Abdoul Ouakan ;
Les Tergelei ;
Les Oulad Ahloul ;
Les Leggras ;
Les El Ayïna ;
Les Oulad Horma ;
Les Dzeimarik.
A eux seuls les Oulad Mahmoud forment une agglomération
d'environ 10,000 individus et peuvent avoir 100 cavaliers et
800 fantassins.
— 100 —
Les Oulad Khouizy ont pour chef Amar Diko.
4°
Les Askeur ne sont qu'une fraction des El Khouizi et c'est à
tort qu'on les a considérés longtemps comme une tribu particu-
lière indépendante. Ils sont d'ailleurs peu nombreux et moins
importants encore.
Vers 1840, Oulad M'Bark étaient en guerre constante avec les
les
Dowich et les MecKdouf. Ils avaient alors un chef dont le nom est
resté célèbre dans leur mémoire, Amar Ould Ousman. Il tint tête
à toutes les forces de Bakar Ould Soueïdi, chef des Abakak, qui
était cependant à cette époque dans toute sa puissance, et il s'imposa
dans le pays de tell© façon que toutes les caravanes subissaient ses
exigences.
Cette autorité dura plusieurs années; les mutineries de quel-
ques tribus rebelles à son autorité furent rapidement maîtrisées.
Lorsque les bandes d'El Hadj Omar parurent dans le pays,
Amar Ould Osman marcha à leur rencontre. Et c'est un fait à
retenir que ce prophète tidjani, prêchant la guerre sainteau nom
de la foi islamique, ne trouva que des adversaires, dans ce groupe
des Maures de l'Afrique occidentale, cependant musulmans. Les —
gens d'Omar, commandés par son frère, durent se replier. El Hadj
accourut et vint lui-même attaquer le camp d'Amar Ould Osman
qui, malgré une brillante résistance, fut défait mais ne se soumit
point. Il suivit les troupes d'Omar pas à pas^ les harcelant sans
cesse et avec le concours des Peulhs, le battit à son tour à Sam-
bakha. Cependant El Hadj prit bientôt sa revanche et rejeta les
Oulad M'Bark dans le désert.
Amar mourut peu de temps après. Plusieurs chefs se succédèrent
sans laisser d'autre trace que leurs noms, jusqu'à un nommé Baddi
Ould Mokhtar qui rouvrit les hostilités contre les gens d'El Hadj
Omar. Ce dernier avait quitté le pays laissant le commandement
de ses troupes à un de ses captifs, Mustapha, qui s'était acquis par
sa valeur et son intelligence la confiance de son maître et possédait
une énorme autorité sur les Toucouleurs qui l'accompagnaient.
Baddi vint jusqu'à îfioro, y pénétra et razzia complètement le
village. Cependant Moustapha, qui ne s'endormait pas, lui donna
la chasse, le rattrapa à Ouarguetta et lui reprit tout son butin
plus les captifs et les femmes qui l'avaient accompagné. Baddi
tenta un suprême effort pour reprendre ses biens, mais il fut de
nouveau défait et dut demander la paix à Mustapha qui l'envoya
— lui —
à Ségou traiter avec son maître. El Hadj la lui accorda ; mais Amar
mourut mystérieusement au moment de son retour.
Son fils Ely prit le commandement des Oulad M'Bark. Il tenta
plusieurs fois, mais sans succès, de leur rendre leur ancienne puis-
sance. Les Oulad M'Bark durent se retirer dans le haut Sahel et ne
redescendirent que lorsque nos troupes s'installèrent définitive-
ment au Soudan.
Aujourd'hui nous les retrouvons divisés comme ils sont revenus
du désert et, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, Ely qui, après
la dispersion des Oulad M'Bark, était resté à la tête des Gachouch,
est remplacé depuis 1895 par Sidi Ahmet Abiddin, son frère.
Les Oulad Mahmoud, comme les Oulad M'Bark, sont à peu près
tranquilles. Ils comptent environ 10,000 individus dont 300 cava-
liers et un millier de fantassins. Assez turbulents entre eux, ils ne
sont pas extrêmement guerriers. Deux de leurs tribus, les Tiki et
les Dzeimarik sont fréquemment en désaccord. Elles se pillent réci-
proquement et sans grand tumulte.
Les El Khouizi et les Askeur sont des tribus insignifiantes qui
vivent en paix dans le cercle de Kayes.
Depuis le V^ octobre 1901, les Oulad M'Bark sédentaires paient
un droit fixe tous les ans en remplacement des droits de pacage.
OULAD NAGER
Population approximative : 12,000; — guerriers de toutes les
fractions réunies : fantassins, 1,500 ; cavaliers^ 400.
Les Oulad Nacer sont en quelque sorte les frères des Trarza,
des Oulad Abdallah, des Oulad M'Bark et des Oulad Yahia ben Oth-
man de l'Adrar.
Ils vivent sur de longs territoires de parcours, au nord des
autres tribus, de Oualata jusqu'à l'Adrar.
Ce sont les plus sauvages, les plus voleurs et les plus batail-
leurs de tous les Maures, qui le sont cependant tous pas mal.
Les Oulad Nacer sont actuellement divisés par leurs dissensions
politiques en trois groupes que l'on distingue sous le nom de leurs
cbefs :
Les Nacer d'Amar Ould Labbib
Oulad ;
Les Nacer d'Amada Ould Mohamed Boura
Oulad ;
Les Nacer de Lamba Ould Seneyba.
Oulad
Les d'Amar comprennent
Nacer :
Les Oulad
Soubeyssou, grande tribu qui se divise encore en
plusieurs fractions les El Aly Boussouna
: les El Amar Ould Sou- ;
beyssou les El Chaze les Khab El Beyra, baratines les Kbab El
; ; ;
Kobeul, baratines ;
Les Oulad Saïd ;
Les El Hénatéré.
Les Nacer d'Amada se composent :
Des Oulad Ayematouk Arabi ;
El Boubakar Arabi.
Les Nacer de Lamba, commandés par Fall, son fils, ne sont que
la réunion de tous les El Abdoul Kérim Arabi.
Depuis cette année d'ailleurs, ces derniers, tout en conservant
leur propre cbef, Eall Ould Lamba, se sont rapprochés des Nacer
d'Amar Ould Lahbid qu'ils ont reconnu comme chef général.
— 103 —
Toutes les tribus maraboutiques des Oulad Nacer ne suivent
pas les fluctuations politiques qui divisent les guerriers. Elles res-
tent pendant toute la saison sèche sur nos territoires où elles acquit-
tent régulièrement le droit de pacage et ne remontent un peu dans
le Nord que pendant l'hivernage.
Ces tribus de tolba sont :
Les El Zeidan ;
Les El Sidi Amar ;
Les El Abdoul Ouahad ;
Les Amar Beyou ;
Les El Mohamed Sira ;
Les El Ahtir ;
Les El Amar Talib ;
Les Oulad Nacer seraient encore des descendants du célèbre
Béni Hassan, Makh Far, qui fut k grand-père de Terrouze et de
Barkani. Leur aïeul Naceri, serait fils ou petit-fils de ce dernier
et conséquemment le frère de Keroum dont la souche fructueuse
donna les chefs de tous les Oulad Abdallah, Brackna, Nokhmakh,
Oulad Ely.
Quoi qu'il en soit de cette descendance, s'ils ont gardé la sauva-
gerie, la nomadité et l'esprit de combativité des conquérants arabes
qui les soumirent, il n'est point douteux que des croisements fré-
quents avec les noirs des pays oii ils vinrent s'établir altérèrent
sinon leurs mœurs du moins leur sang. Incontestablement encore,
ils furent de ces princes El Arbia qui tinrent longtemps sous leur
domination les tribus vaincues des zenaga et les asservirent dans
un Les princes El Arbia qui tinrent en
état voisin de la captivité.
dépendance la masse de ces berbères écrasés que nous retrouvons
les uns encore dominés chez les Trarza, libres chez les Dowich et
chez les Mechdouf, ont laissé chez les Oulad Nacer la trace encore
vivace de leur race dans le nom de certaines tribus, El Abdoul
les
Kerim Arabi, les Oulad Ayematouk Arabi et les El Boubakar
Arabi, par exemple.
Leur organisation politique, bien que modifiée par les événe-
ments nombreux qui les ont mis en contact avec des masses de
tributaires révoltés, n'en a pas moins gardé son empreinte première
et on retrouve chez eux la même distinction de caste que chez les
Trarza.
— 104 —
Il y a encore les tribus essentiellement guerrières, les tribus
d'baratines, comme les Kbab El Beyra et les EJiab El Kobeul, les
tribus maraboutiqnes et purement commerçantes, et les tributaires.
Ces derniers leur ont en partie échappé ; mais ils existent encore
effectivement cbez les Mecbdouf et les Hammounat où ils se sont
réfugiés, dont ils font partie et d'où ils ne cessent pas cependant
de payer à leurs anciens maîtres des redevances qu'ils se croient
encore obligés de donner ou qu'ils ne se sentent pas encore en état
de leur refuser.
L'histoire des Oulad Nacer pour le moment.
est assez obscure
Toutefois, des noms tenant lieu de généalogie nous apprennent
que dans le xviii^ siècle vivait un chef des Oulad Naceur qui aurait
eu au milieu de son peuple de voleurs et de guerriers une grande
réputation de justice et de sainteté. Mais les Nacer, toujours connus
par leurs brigandages, leurs rapines et leur mauvaise foi, doivent
avoir des notions très vagues de sainteté et de justice.
Ce grand chef se nommait Mohamed l'Bakar, fils d'un certain
Amar, fils lui-même de Moussa, lequel était le fils d'Ely dont le
père Châri descendait de Soubeyssou fils de Nacer ou Naceri qui a
donné son nom à la tribu.
Tous ces gens-là ne semblent pas avoir accompli des faits très
remarquables ils se sont battus, ont pillé et sont morts.
:
Yers 1800 Mohamed l'Bakar laisse deux fils Mohamed l'Boura :
qui prend le pouvoir et Lahbib, plus jeune mais très ambitieux
qui ne s'incline point devant l'aîné de la famille et groupe autour
de lui tous les mécontents de la tribu. Une scission violente se pro-
duit, les Oulad Nacer se trouvent bientôt partagés en deux camp?
ennemis.
Cette division, nous la retrouvons aujourd'hui.
Jusqu'en 1895, leur histoire est mal connue. A cette époque,
à la suite de nombreuses attaques contre nos villages indigènes
et contre des caravaniers tolba,une de leurs caravanes fut arrêtée
à Médine, saisie et les chefs emprisonnés. C'était une troupe des
Sidi Ahmet Lahbib. L'autre fraction des Oulad Nacer était alors
commandée par Bakar Ould Ahmet. Les mesures prises contre eux
à ce moment ne tardèrent pas à réduire à la dernière extrémité les
chefs des Sidi Ahmet Lahbib, contre lesquels Bakar exerçait, de
son côté, d'incessantes attaques et ils vinrent demander 1' a aman »
en mai 1895. Un traité fut passé; on oublia les fautes commises,
— lOo —
et la permission de venir commercer dans nos provinces fut
accordée aux Sidi Ahmet Lalibib, à la condition qu'ils nous prête-
raient leur aide contre l'autre groupe des iS^acer. Ce fut promis.
Promesse de Maures. —
Bientôt une caravane de 1,000 chameaux
venue pour vendre de la gomme et du sel, enleva une énorme quan-
tité de mil, et, peu de temps après, sous le prétexte de se battre avec
Bakar, Sidi Ahmet amena toutes ses tribus près du campement de
son adversaire et commença à négocier sa trahison.
Les pourparlers étaient entamés ; Sidi Ahmet Lahbib était là
avec les Oulad Abdoul Kerim, les El Boubaker
El Soubeyssou, les
et les Ayematouk quand brusquement le chef de cette dernière
tribu mourut une nuit de la piqûre d'un serpent.
Les notables se réunirent pour élire un chef. Sidi Ahmet Lah-
bib présidait. Il se leva et, dit le rapport du capitaine de Lartigue,
auquel j'emprunte ces détails, faisant ressortir que leur traité avec
les Français allait les empêcher de que Samba (chef des
piller,
Oulad Abdoul Kerim) et Amada (chef des El Soubeyssou) avaient
l'intention de s'y conformer, qu'ils n'allaient plus avoir les belles
occasions de faire fortune qui se présentaient jadis à eux, le meil-
leur pour eux était de passer chez Bakar qui, lui, ne ferait jamais
aucune tentative de rapprochement avec des Français.
Les Ayematouk, persuadés, lèvent le camp et se rendent chez
Bakar qui, sans perdre de temps, heureux de cette recrue inespérée,
attaque les chefs restés fidèles à notre traité^ les bat et les oblige
à la fuite. vSamba et Amada se réfugièrent chez les Oulad M'Bark.
Cette trahison n'eut pas tout le succès qu'en attendaient ses
auteurs. Au bout de peu de temps, Sidi Ahmet Lahbib ne recevant
tien de ce que lui avait promis son neveu Bakar, s'échappait et
allait rejoindre Samba et Amada chez les Oulad M'Bark oii vinrent
Ayematouk mécontents et désabusés.
bientôt les retrouver les
C'est à ce moment qu'accompagnés du chef des Oulad M'Bark,
Ely Ould Mokhtar, ces trois chefs vinrent à Nioro demander notre
appui. Cent cinquante Sarrakolés furent placés sous le comman-
dement d'Ely Mokhtar Samba et Amada réunirent des cavaliers
;
et il une occasion et de surprendre Bakar la
fut décidé d'attendre
nuit dans son campement. Mais cette occasion se présenta bientôt
si belle que le commandant du cercle de Nioro lança brusquement
sur le chef des Oulad Nacer un peloton de spahis qui, en quarante-
huit heures, et après une marche de nuit à travers le défilé rocheux
— 106 —
de Téranné, tomba à rimproviste sur le camp de Bakar. Celui-ci
prit la fuite sans combattre, abandonnant ses gens qui ne tardèrent
pas à suivre son exemple, laissant entre nos mains 10,000 mou-
tons, 1,000 cbameaux, 500 ânes, 300 bœufs et de nombreux captifs.
Peu de temps après il faisait demander la paix qui lui était
accordée en février 1896. Bakar mourut en 1897 et fut remplacé
par son frère Amar Ould Labbib qui a donné son nom à la fraction
importante des Oulad Traceur qu'il commande.
Depuis cette époque, les Oulad Naceur d'Amar font peu parler
d'eux. Leur chef intrigue encore pour se créer des alliances.
Ennemi des Mecbdouf, qui ont donné l'hospitalité aux tribus
d'Amada, il essaie de leur créer des embarras en soutenant les Ham-
mounat dissidents ; d'autre part, il prête son concours à Sidi Moha-
med qui, avec les Souaker, cherche à renverser son frère, Sidi El
Mokhtar, chef des El Sidi Mahmoud. Entre temps il s'occupe de
consolider son alliance avec les Kounta pour aux Dowich
résister
qui l'ont vu avec déplaisir transporter ses campements vers le
Tagant. Mais toutes ces intrigues n'aboutissent à rien de sérieux.
Amar n'en continue pas moins ses pillages et ses vols sur les cara-
vanes de passage.
Pour le Oulad IS'acer d'Amar nomadisent très au
moment, les
nord des Mechdouf, des El Sidi Mahmoud, avec les Kounta vers le
Tagant et le M'Baten. Ils tendent à se rapprocher de leurs anciens
campements vers la forêt de gommiers de Djemnek.
Ils sont réconciliés avec les Oulad Nacer Samba^ commandés
maintenant par Eall Ould Samb. Ces derniers ne comptent d'ail-
leurs qu'une vingtaine de tentes.
Les IS'acer d'Amada vivent au milieu des Mechdouf ; ils ne
paient aucune contribution aux chefs de ces derniers ; Amada,
prince des El Arbia, ne pouvant consentir à donner une rede-
vance quelconque à Mohamdoul Mokhtar, un a lahma », un zenaga,
un tributaire !
L'ensemble de la population des Oulad Tracer peut être évalué
'
à 12,000 personnes, 5,000 avec Amar, 7,000 avec Amada. Réunis,
les Oulad Nacer pourraient à peu près mettre en ligne 400 cava-
liers et 1,600 fantassins.
Les Oulad Xacer perçoivent des redevances chez les Macina et
les Oulad Billo qui habitent l'oasis de Tichitt.
KOUNTA
Population approximative, 5,000 ;
— guerriers : fantassins, 800;
cavaliers, 100.
Chef (les Kounta du Sahel : Mohamed El Molihtar Ould Ilamid.
Les Kounta ont été longtemps une des tribus les plus impor-
tantes et les plus belliqueuses. Leur origine remonterait au xv® siècle
où l'ancêtre Sidi Mohamed El Kounti, originaire de la tribu de
Toraïch, aurait groupé sous ses ordres les tribus batailleuses du
nord du désert.
Son fils, Sidi Ahmed El Bakkay, maintint dans l'obéissance les
sujets de son père; mais à sa mort les Kounta se divisèrent. Une
partie alla s'établir à Oualata et plus tard à Tombouctou. L'autre
se fixa dans le Tagant. Ils auraient primivement habité le Touat.
A l'heure actuelle nous les retrouvons en trois groupes princi-
paux, répartis dans le désert.
1° A l'Est
dans la région de ïombouctou :
Les El Sidi El Mokhtar Kounti, tribu de marabouts très estimés
et très influents, ce qui toutefois ne les empêche pas d'être aussi
guerriers que leurs voisins ;
2^ Dans le sud de l'Adrar :
Les Kounta Sidi M'Ahmet, assez nombreux et assez puissants;
Les Kounta Moutarambrine, dont une fraction de peu d'impor-
tance d'ailleurs est venue se fixer sur les bords du Sénégal en face
du Lao et des Irlabés.
3° Les Kounta de l'Ouest qui nous occupent plus particulière-
ment et qui habitent le Tagant et le Djemra (dans le Hodh) com-
prenant trois grands groupes :
Les Oulad Sidi Boubakar ;
— 108 —
Les Oulad Bousseïf ;
Les Oulad Sidi El Hayballah,
tous les trois commandés actuellement par Mohamed El Mokhtar
Ould Hamid, vieillard d'environ 60 ans, qui, bien que jouissant
près des Maures d'une grande réputation de guerrier, ne se met
plus guère en avant. Son frère, Ahniet Ould Ahmet, âgé de 50 ans
à peu près, le supplée dans ses campagnes. C'est ce dernier qui, en
cas de décès du clief actuel, prendrait très probablement le com-
mandement des Kounta. Ahmet Ould Ahmet serait un pillard assez
pacifique, si ces mots peuvent être assemblés.
Chacun des trois groupes en question se subdivise encore :
a) Les Oulad Sidi Boubaker, en deux fractions.
Les Oulad Sidi El Ouassy, appelés Oulad Sidi Boubakar Kha-
darah (haratines) ;
Les Oulad Sidi Boubakar El ïïamouk (rouges).
Le chef général des Kounta de l'Ouest, Mohamed El Mokhtar
Ould Hamid, descend des Oulad Sidi El Ouassy, c'est-à-dire qu'il
porte dans ses veines une quantité appréciable de sang noir.
Tous les Kounta, d'ailleurs, sont beaucoup plus foncés que les
autres Maures.
Ces tribus, après une longue guerre avec les Dowich, se sont
retirées Hodh. Elles vivent en ce moment avec les Oulad
dans le
Nacer afin de pouvoir résister aux El Sidi Mahmoud^ leurs éter-
nels ennemis qui les jetteraient, s'ils étaient seuls, hors du Djemra.
h) Les Oulad Bousseïf sont également partagés en deux frac-
tions :
Les Oulad Bousseïf Koheul (noirs) ;
Les Oulad Bousseïf Bouid (blancs).
La première fraction, qui est en paix avec les Dowich, vit avec
eux dans le Tagant. Elle a pour chef Sidi Ould Ahmed Abd.
La seconde, commandée par Sidi Mohamed El Kounti, se trouve
avec Ould Hamid dans le Djemra.
c) Le troisième grand groupe des Kounta de l'Ouest, qui est
certainement le plus important, se subdivise en quatre fractions :
Les El Likessar, famille du chef des Oulad Sidi El Hayballah :
Sidi Imhamed Ould Ahmed ;
Les Oulad El Bakh, chef Ould Sidi Mohamed :
;
Les Oulad Tankia, chef Imhamed Ould Sidi Aly:
;
Les Arkabat, chef Ould Kayaroum. :
— 109 —
Toutes ces fractions habitent le Tagant, sauf les Oulad El Bakh
qui se sont réfugiés dans le Hodh auprès de Ould Moklitar Ould
Hamid.
Ces groupes de marabouts guerriers ont des tributaires répartis
entre eux, mais qui appartiennent individuellement aux tribus
zénaga suivantes ;
Les Izkhaïmat ;
Les Istaïlat ;
Les Libraikat ;
Les Zakboura.
Ces tributaires, qui combattent en temps de guerre avec leurs
ne paient pas de redevances régulières. Ils ne sont
propriétaires,
pas pour cela à l'abri des contributions que leurs maîtres leur
demandent assez fréquemment sous le nom euphémique de cadeaux.
La plus grande partie de ces zenaga se trouve avec les Oulad
Bousseïf Bouid, dans Hodh. le
La plupart des Kounta exploitent la grande Sebkha d'Ijil, à
l'ouest de l'Adrar, et les salines des environs de Tichitt où ils
recueillent le sel en vrac. Ils font aussi le commerce de la gomme et
des troupeaux. Ils écoulent leurs produits principalement dans le
cercle de Nioro (Soudan).
On estime à environ 5,000 le nombre des individus des trois
grandes fractions des Kounta de l'ouest, ne en comptant qu'ils
peuvent guère mettre en ligne plus de 200 cavaliers et 800 fan-
tassins.
Les Kounta du Sahel occupent la partie ouest du Hodh, entre
Oualata et le Tagant, et remontent dans le Nord jusqu'au delà de
Tichitt dont les habitants sont en partie leurs tributaires.
Les Kounta sont rarement en rapport avec nous. Alliés avec les
Oulad î^acer, ce sont ces derniers qui leur servent d'intermédiaires.
Leur histoire est encore peu connue. Nous les retrouvons de
temps à autre prêtant leur appui à quelque tribu du désert, puis
rompant leur alliance brusquement pour prendre les armes contre
leurs amis de la veille.
Les seuls ennemis vis-à-vis desquels ils n'ont jamais désarmé
sont les El Sidi Mahmoud. Ces derniers, qui étaient autrefois leurs
tributaires, les ont considérablement affaiblis en s'affranchissant.
Depuis cette époque les luttes se sont renouvelées, espacées, mais
— 110 —
n'ont jamais cessé réellement. Ce sont des ennemis héréditaires
irréconciliables.
En 1880, lorsque les Dowicli, Abakak et Ckrattit, réunis pour
la première fois contre leurs anciens tributaires, les El Sidi Mah-
moud et les Mecbdouf, sentent qu'ils vont être écrasés, ils font
appel aux Kounta qui leur apportent leur appui et leur permettent
la résistance. Mais depuis, les relations se sont rompues. Les Aba-
kak ont eu de nombreuses rencontres avec les Kounta qu'ils avaient
en partie chassés du Tagant. C'est ce qui explique la présence de
ces derniers dans le Djemra. Cependant ils nomadisent encore au
milieu des campements des Dowich.
Ils ont de tout temps été alliés aux Oulad Nacer. A la suite de
razzias commises par eux sur nos frontières avec quelques tribus
de ces célèbres pillards, l'entrée de nos cercles du Sahel leur avait
été interdite. Lorsque Bakar Ould Ahmet Lahbib, chef des Nacer,
vint faire sa soumission et qu'il eut obtenu l'aman à la condition
de reconnaître notre autorité, les Kounta suivirent de près son
exemple.
Ils n'ont pas pour cela renoncé à leurs pillages réguliers. Les
habitants de l'oasis de Tichitt sont les premiers à en souffrir. Non
seulement ils une redevance, ainsi d'ailleurs qu'aux
leurs paient
Oulad Nacer, mais ce tribut non volontaire qu'ils donnent au chef
des Kounta ne met pas leurs caravanes à l'abri des attaques de ses
guerriers.
Tichitt est une ville située à environ 150 kilomètres au N.-E. de
Tijikjé. Elle est placée au milieu d'une oasis de dattiers. Les mai-
sons en pierre y ont toutes des terrasses. Les habitants y sont à peu
près au nombre de 4,000 ( ?) occupant deux quartiers distincts.
L'un de ces quartiers est peuplé par les Oulad Bilho, l'autre par
les Macina. Les premiers paraissent venir des anciens habitants de
l'Adrar, les autres du croisement de quelques Maures avec les indi-
gènes du Macina dont ils ont conservé le nom. Le chef des Macina
est Mohamed Ould Hamerick celui des Oulad Bilho, Theya Ould
;
Ely. Les uns et les autres sont des tolba qui ne s'occupent que de
culture, d'élevage et de commerce. Ils ont de fréquentes relations
avec le Maroc dont ils apportent les étoffes, les soies et les tapis
aux tribus du désert.
Aussi les habitants de Tichitt, pressurés, écrasés de charges,
de demandes auxquelles ils ne peuvent se soustraire, traqués encore
— IH —
dans leurs déplacements, attaqués dans leurs caravanes, exploités
dans leurs transactions, demandent-ils à grands cris notre installa-
tion chez eux. Les habitants de Tichitt, pour éviter des contribu-
tions incessantes sont obligés de modifier constamment les itiné-
raires de leurs caravanes. Ils prétendent qu'un poste de 25 hommes
de nos troupes régulières suffirait à les protéger. Ce chiffre est évi-
demment trop minime mais
; cette demande est, du moins, une indi-
cation qu'on doit retenir.
Les Kounta Moutarambrine, qui habitent sur la rive droite du
Sénégal, en face du Lao, descendent eux aussi de Sidi Mohamed
El Kounti.
Ils ont pour chef Mohamed Lamine Ould Hegak. Ce chef a avec
lui 11 tentes de princes et une centaine d'haratines. Il perçoit
r a assaka » chez tous les Touabir (Oulad Abdallah) à raison de
1 0/0 sur les moutons et les chèvres.
Cette petite tribu, jalouse sans doute des luttes de ses voisins,
eut aussi quelques démêlés avec les El Sidi Mahmoud. La première
fois en 1859, à Dagaly, sur la rive droite en face d'Oulaldé et de
Cascas, la seconde fois en 1867, à Sino Gaby, en face de Souraye
(Lao).
A chacune de ces batailles les Moutarambrine furent battus.
Cela les inclina au calme et à la tranquillité.
En 1898, Mohamadou d'Ahmedou, roi des Brackna,
Kariri, frère
étant venu piller chez les Moutarambrine et leur ayant tué deux
hommes, leur chef Mohamed Lamine Ould Hegak, alla demander
justice au chef des Brackna. Celui-ci lui répondit qu'il allait faire
une enquête et se contenta^ peu de temps après, d'enlever les trou-
peaux des plaignants.
Lamine alla chercher du secours chez ses frères du Tagant qui
l'aidèrent à attaquer les Oulad Seïd. Des pourparlers furent alors
engagés qui n'aboutirent point.
Depuis cette époque Kounta Moutarambrine sont
les alliés aux
Nokhmakh et aux Oulad Ahmet.
— 112 —
MECHDOUF
Population approximative, 50,000 ;
guerriers : fantassins.
4,000 ; cavaliers, 1,000.
Chef : Moliamdoul Mokiitar.
Hammounat.
Population approximative, 15,000 ;
— guerriers : fantassins,
1,200 ; cavaliers, 400.
Chef en temps de paix Ould Brahim
: ;
— chef en temps de
guerre Hammouni Ould Sidi Brahim.
:
Talib Mohhtar.
Population approximative, 1,500.
Chef : Tarouad Ould Cheikh Ould Addarami.
MECHDOUF
Les Meclidouf forment aujourd'liui la tribu la plus nombreuse
du désert. Ils étaient autrefois tributaires des Dowich. et sous l'im-
pulsion vigoureuse d'un de leurs chefs, Ahmet Mahmoud Ould
Mohamet, ils secouèrent le joug des Chrattit et vinrent se fixer
dans le Sahel. Leurs au nord des
territoires de parcours s'étendent
cercles de Sokolo, de Goumbou et de JNioro, ce qui ne les empêche
pas de pousser des pointes jusqu'à Tichitt dans le Baten et même
jusqu'aux frontières de l'Adrar.
Divisés autrefois en deux partis, ils se sont réunis depuis plus
de six ans sous l'autorité d'un chef unique Mohamdoul Mokhtar :
des Oulad Maham.
Chez les Mechdouf il n'existe point de distinction de classe
parmi les tribus, leur origine étant à peu près commune. Tous sont
d'anciens tributaires qui, soit en bloc, soit individuellement, ont
brisé les liens qui les retenaient en dépendance. La grande majo-
rité vient, comme il est dit plus haut, des Dowich.
Les principales tribus sont :
l*' Les Oulad Maham, chef : Mohamdoul Mokhtar, chef de
toutes les tribus ;
2^ Les El Beytat, chef Mokhtar Ould Dzéhebi
:
;
3° Les Zoumarik, chef Nakhari Ould Dzéhebi
:
;
4° Les Oulad Salah, chef Ahmet Saloum Ould Kini
:
;
5^ Les Ouleydat, chef Ely Ould Ely Cheïda
:
;
6** Les Ouley dat Zenabza, chef Sidi Aly Ould Kahbi :
;
7° Les Oulad Mellouk ;
8° Les Oulydat Tizar ;
9^ Les Ouleydat Deïat, chef : Cheikh Mokhtar Ould Kini ;
10° Les Ataris ;
LES MAURES 8
— 114 —
11° Les Oulad Xhaira, chef Sidi Ould Boubak
:
;
12° Les Mzazka, dont la plus grande partie est passée chez les
Oulad M'Bark
Il n'existe chez les Mechdouf qu'une seule tribu maraboutique,
les ïalib Mokhtar.
La population des Mechdouf est évaluée à environ 50,000 âmes.
On estime qu'ils peuvent mettre en ligne 1,000 cavaliers et
4,000 fantassins.
Mechdouf se soulevèrent et échappèrent
C'est vers 1850 que les
aux Dowich. Ils furent, peu de temps après, les seuls Maures qui
prêtèrent leurs concours à El Hadj Omar.
Les Mechdouf, qui avaient donné l'exemple de l'émancipation
en grand nombre, ne tardèrent pas à voir augmenter leurs forces
de toutes les fuites des tributaires oppressés qui étaient assurés
de trouver auprès d'eux une protection efficace.
Pendant plusieurs années ils eurent à subir de rudes attaques.
Les guerres succédèrent aux guerres il leur fallut gagner leurs
;
territoires de parcours au milieu des tribus les plus pillardes et les
plus batailleuses.
C'est ainsi qu'ils eurent à lutter contre les El Sidi Mahmoud,
contre les Oulad Nacer, contre les Oulad Mahmoud et contre les
Oulad M'Bark qui étaient extrêmement nombreux et qu'ils ont
réduits à n'être plus qu'une tribu de peu d'importance.
En 1890, pour ne pas nous attarder loin dans les événements
du passé, les Mechdouf étaient commandés par Mohamed Mahmoud
Ould Ahmet Mahmoud. Une grande fraction de leur groupement,
les Hammounat, fort turbulente et peu maniable, avait alors à sa
tête un homme d'une violence extrême. A la suite d'une grande
discussion, les deux chefs réunirent leurs forces respectives et les
hostilités divisèrent en deux camps rivaux et jaloux les Mechdouf
autrefois unis. Cette rivalité dura plusieurs années. Le successeur
de Mohamed Mahmoud, Ely Ould Ely Mahmoud, ne put pas mieux
que lui faire rentrer dans l'obéissance les Hammounat révoltés.
Mais dans l'entourage du chef vivaient deux hommes qui ne
voyaient point avec plaisir Ely commander aux Mechdouf. C'étaient
son propre frère Mokhtar Cheikh et neveu de ce dernier Moham-
le
doiïl Mokhtar, âgé seulement de 26 ans. Mokhtar Cheikh envieux
du pouvoir ne cachait pas assez ses opinions pour n'être pas très
surveillé. Bientôt les Mechdouf se divisèrent encore en deux partis :
—. 115 —
celui d'Ely et celui de Moklitar Cheikh. Cela ne suffit point à ce
dernier ; il commit Mohamdoul Mokhtar, homme
alors son neveu,
énergique et de décision, à l'exécution de ses projets. De cette
entente résulta l'assassinat d'Ely Ould Ely Mahmoud, assassinat
qui porta Mokhtar Cheikh à la cheflerie générale des Mechdouf.
Cet événement ne cliangea guère la situation. Les fiammounat
refusaient toujours de reprendre leur position ancienne. Alliés
aux Oulad Nacer, ils tenaient hardiment tête aux Mechdouf et de
concert avec leurs amis, pillaient avec une égale indifférence les
caravanes, les tribus des Mechdouf et les villages de nos cercles
de Nioro et dé Goumbou. Mokhtar Cheikh profita adroitement de
cette circonstance pour se rapprocher de nous et réclamer notre
appui. Le colonel Archinard, se trouvant à Goumbou, le reçut le
28 février 1892. A la suite de cette entrevue, le colonel interdit aux
Hammounat et aux Oulad Naoeur l'entrée de notre territoire et
Mokhtar Cheikh retourna chez ses gens avec un nouveau prestige.
Cependant Mohamdoul Mokhtar, neveu du chef des Mechdouf,
qui avait supprimé d'un coup de fusil son oncle Ely pour per-
mettre à son autre oncle Mokhtar Cheikh d'arriver au pouvoir,
n'avait point perdu le souvenir de la facilité avec laquelle les chefs
se succèdent ou se remplacent chez les Maures. Tous les mécontents
se tournaient vers lui et son entourage, composé de ses sept frères
d'abord qui lui constituaient une fidèle garde du corps, le pous-
sait à s'emparer du commandement à son tour
Mokhtar Cheikh sentait de jour en jour diminuer son autorité
d'autant qu'il voyait croître près de lui celle de son neveu, s'affir-
mant de plus en plus son rival. La lutte devenait difficile. Moham-
doul Mokhtar avait épousé une fille de Mokhtar Cheikh et, par sa
femme, le compétiteur du chef des Mechdouf se tenait au courant
de ce que préparait son oncle. Les deux joueurs savaient a quoi s'en
tenir sur le compte de chacun d'eux. Mohamdoul Mokhtar était
gardé par ses frères, nombreux et décidés à le faire réussir, et le
jour vint où Mokhtar Cheikh, préférant la sécurité à la puissance,
sentit qu'il n'avait plus de salut que dans la fuite. Il pai-tit laissant
la place à son neveu et se réfugia chez les Hammounat.
Au commencement de 1898, Mohamdoul Mokhtar se trouve
donc chef des Mechdouf. Il compte avec lui quelques Hammounat
qu'il croit fidèles et une fraction des Oulad Nacer du parti d'Amada
— 116 _—
qui déjà, depuis quelque temps, ont abandonné leurs frères de tentes.
Mais il a devant lui Amar et tous les Oulad Nacer et les Ham-
mounat, toujours hostiles aux Meclidouf.
Cet état de choses qui tient constamment en armes les Maures
les uns contre les autres, n'empêche nullement les vols de cara-
vanes, les déprédations et les violences môme sur notre territoire.
En juillet même
année 1898, nous sommes contraints de
de cette
lancer une colonne volante qui pousse une pointe de 150 kilomètres
jusqu'à Néma dans le Sahel, au nord de Oualata, pour châtier les
Mechdouf. Le résultat de ce raid dans le désert ne se fait pas
attendre. Outre les prises de bétail, dès que nous faisons annoncer
que la guerre étant déclarée, les Mechdouf n^ont plus le droit de
pénétrer sur notre territoire, nous voyons le vide se faire autour
de nos adversaires. Les Oulad Nacer et les Hammounat, qui étaient
prêts à traiter avec Mohamdoul Mokhtar, coupent les pourparlers,
les Oulad Mahmoud proposent de marcher avec nous et cette situa-
tion, dont le chef des Mechdouf se rend vite compte, le décide bien-
tôt à traiter.
Il vient lui-même faire sa soumission, accepte nos conditions :
restitution des gens et des biens pris en 1897, restitution des biens
enlevés lors des derniers pillages, paiement d'indemnités à tous les
villages lésés, paiement d'une indemnité de guerre.
Certes l'exécution de ces conventions ne va pas sans quelques
difficultés ; mais il s'exécute et quand, en 1899, l'aman est accordé
à tous Maures du désert, Mohamdoul Mokhtar se trouve en
les
présence d'une mesure de grâce dont il n'a plus besoin de profiter.
Depuis cette époque, le calme se maintient à peu près complet.
Les Hammounat semblent tolérer Mohamdoul Mokhtar comme
chef général des Mechdouf dont ils reconnaissent apparemment
l'autorité ; mais l'esprit d'insoumission ne cesse point de fermenter
en eux, bien qu'ils lui paient, mais très irrégulièrement, des rede-
vances d'ailleurs légères.
En résumé, les Mechdouf forment aujourd'hui la tribu avec
laquelle nous sommes en meilleurs termes. Leur chef, intelligent,
adroit et relativement correct dans ses rapports avec nous, est un
allié qui pourra nous être utile. Sidi El Kheir, chef religieux des
Talib Mokhtar, très influent dans la région, a sur lui une assez
grande autorité.
— m—
Hammounat.
Les Hammounat, comme il a été expliqué en parlant des Mech-
douf, forment une des grandes fractions de cette tribu de zenaga
émancipés. Ils sont remarquablement guerriers et pillards.
Toutefois, aujourd'hui, après s'être pendant plusieurs années
séparés violemment des Mecbdouf, ils sont en voie d'apaisement et
vivent sous l'autorité au moins nominale de Mohamdoul Mokktar.
Ils se subdivisent en plusieurs familles :
Les Lekblal ;
Les Delakene ;
Les Oulad Zenafi ;
Les Oulad Douamiss ;
Les El Gayerid ;
Les Barbattid ;
Les Moukaitiz ;
Les El Abdallah ;
Les El Seif.
On estime l'ensemble de leur population à 15,000 individus et
on pense qu'ils ne peuvent guère réunir plus de 1,200 fantassins
et de 400 cavaliers.
Les Hammounat ont toujours deux chefs, un qui les dirige pen-
dant la paix, un autre qui les conduit pendant la guerre. Ces chefs
sont toujours choisis dans la tribu des Lekhlal.
Ce sont aujourd'hui, pour la paix Ould Brahim et pour la
guerre Hammouni Ould Sidi Brahim.
Talib Mokhtar.
Parmi les Mech^douf vit une tribu de marabouts, les Talib Mokh-
tar qui jouit dans tout le Sahel d'un très grand respect.
Ils ont actuellement pour chef Taourad Ould Addarami.
Taourad Ould Addarami est le petit-fils d'un cheikh resté l'objet
d'une profonde vénération, Sidi Mohammed Fadel, dont le tom-
— 118 —
beau religieusement entretenu à Mamouddi, à 130 ou 140 kilo-
mètres au nord de Goumbou, près du puits de Diaddé, est l'objet
de fréquents pèlerinages. A côté de ce tombeau les Talib Mokbtar
ont élevé une mosquée qu'ils appellent Dar-es-Salam (maison de
la prière).
Ce Mohammed Fadel eut de nombreux enfants. Plusieurs de
ses fils occupent dans le monde
du désert des situations religieux
d'une grande influence, entre autres Cheikh Ma El Aynine qui
vit dans le Saguiet El Hamra où on le dit Caïd du sultan du
Maroc et Cheikh Saad Bou chez les Trarza près de l'Adrar.
Les Talib Mokhtar comptent une dizaine de fractions ou pour
mieux dire de familles :
Les El Mohamed Fadel, chef Taourad Ould Cheikh Ould Ad- :
darami ;
Les El Hadj Nioukaye ;
Les El Ouadat ;
Les El Haïssoud Ahmed ;
Les El Cheïkh Talmout ;
Les El Nouiguen ;
Les El Abakken ;
Les El Cheïkh Sidi Kheir Ould Mohamed Fadel ;
Les El Cheïkh Kalya ;
Les El Heyba ;
Les El Dié.
Les Talib Mokhtar ne comptent pas plus de 1,500 personnes
tout compris, hommes libres, femmes, enfants et captifs. Ils vivent
avec Mechdouf depuis bientôt trente-cinq ans. Ils ne s'occupent
les
que de commerce et d'instruction et sont presque tous lettrés. Leurs
chefs principaux sont Taourad Ould Addarami, son frère Abbas
OuFd Addarami et leur oncle Cheikh Sidi El Kheir.
Sidi El Kheir a une très grande influence et une haute autorité
morale dans toute la région. II nous sert, ainsi que ses neveux,
d'intermédiaire auprès des chefs maures du Sahel depuis plusieurs
années avec droiture et fidélité.
Pour voyage à Tombouctou et à Araouan, M. Coppo-
faciliter son
lani avait eu recours à Sidi El Kheir et, en récompense, lui avait
fait accorder l'exemption du droit de pacage pour ses troupeaux.
Cette faveur avait un peu rendu jaloux son neveu Tarouad, le chef
général de la tribu ; mais ce bénéfice lui fut aussi accordé lorsque,
— 119 —
quelque mois plus tard, l'aman général ayant été accordé à toutes
les tribus maures, Tarouad fut chargé, avec Sidi El Kheir, d'aller
annoncer cette nouvelle aux cliefs qui nous avaient pillés.
Ces chefs religieux sont surtout en rapport avec les Mechdouf.
Leur influence peut nous être très utile, d'autant plus qu'ils se
déplacent facilement, viennent fréquemment à Goumbou et même
à Nioro. Il suffit seulement de vérifier leurs renseignements, en
n'oubliant pas qu'ils ont trop d'avantages dans leur rôle pour ne
pas faire un peu de zèle. Ils voient d'abord grandir leur influence
puisque leurs services paraissent indispensables aux Français ; ils
reçoivent des cadeaux de la part des chefs maures près desquels
nous les envoyons et ils en reçoivent enfin de notre côté, en récom-
pense de leur entremise ou de leurs renseignements.
Les Talib Mokhtar habitent Hodh, autour de Dar-es-Salam.
le
Ils viennent faire pâturer leurs troupeaux dans le Ouagadou, auprès
de Goumbou.
Deux centres principaux appellent l'attention dans l'immense
où évolue et nomadise la masse turbulente des Mechdouf.
territoire
Le premier de ces centres, Oualata, à environ 350 kilomètres au
nord de Sokolo, une des plus grandes villes du désert. Les
est
Maures la disent plus étendue que Tombouctou et estiment à près
de 8,000 le nombre de ses habitants. Construite au fond d un cirque
à pentes rocheuses et à pic au milieu des grandes plaines sablon-
neuses, elle a des rues étroites où quatre chevaux au plus peuvent
passer de front. Toutes les maisons sont construites en pierre et
ont un premier étage.
Deux constructions particulières attirent par leurs dimensions
au moins les regards des voyageurs ; la mosquée et la forteresse.
La mosquée est immense et peut contenir toute la popula-
tion mâle de la ville. De sa terrasse on domine tous les environs.
Il en est de même de la forteresse, grand bâtiment percé de cré-
neaux et commandant toute la ville.
La grande mosquée est réservée aux Chorfa. Les autres mara-
bouts, El Barten Mehageb, Lakhlal et Deylifa, possèdent deux
autres petites mosquées qu'ils fréquentent seuls.
Les écoles sont assez importantes et reçoivent beaucoup d'élèves.
La population, de mœurs pacifiques, se compose en majeure
partie de marabouts et de commerçants. Il n'existe toutefois pas
de marché en plein air par crainte des voleurs qui ne manqueraient
— 120 —
pas de piller les étalages et, comme dans toutes les villes du désert,
les transactions commerciales se font dans l'intérieur des maisons.
Cinq grandes familles se partagent la ville :
1^ Les Chorfa, marabouts originaires du Touat, les plus nom-
breux mais aussi les plus tranquilles. Ils ont pour cbef Sidi Ould
Belli, qui nous verrait sans peine nous installer parmi eux ;
2° Les Mecbdouf, moins nombreux, mais plus courageux et
plus ricbes. Ils forment le parti influent et ont pour cbef local
Talib Boubakar. Ce n'est qu'un cbef de fraction et non le chef de
Oualata ;
Le vrai cbef est Mobamdoul Mokbtar qui commande aussi bien
les nomades que les sédentaires ;
3° Les El Barten ;
4° Les Mehajib qui sont alliés avec les Chorfa ;
5° Les Deylifa et les Lakhlal qui forment un clan à part.
parmi ces derniers qu'habite un nommé Mohamed Yayé,
C'est
marabout fameux par ses nombreux voyages à la Mecque, fana-
tique ardent et un des adversaires les plus acharnés de la péné-
tration française. Mohamed Yayé un esprit intrigant. Il vit en
est
mauvaise intelligence avec le chef des Mechdouf et a déjà essayé,
mais sans succès, de le brouiller avec son premier lieutenant Talib
Boubakar.
Mohamdoul Mokhtar tient la ville en son pouvoir grâce à la
forteresse dont il a été parlé plus haut et qui est constamment
occupée par ses gens. Les Maures la désignent sous le nom de Dar
Sba (maison du lion). Elle a été construite par les habitants de
Oualata et appartenait autrefois à Mouley Sola, chef des Chorfa,
qui alla plus tard s'établir à Néma.
Elle a été cédée à Ahmed Mahmoud, ancien chef des Mechdouf,
par le neveu de Mouley Sola.
Le chef des Mechdouf prélève une dîme sur toutes les marchan-
dises venant du Soudan. En dehors de cet impôt qu'il perçoit régu-
lier ement les habitants de Oualata ont encore à subir les pillages
des Mechdouf Oulad Nacer, qui commettent toutes sortes
et des
d'exactions jusqu'au milieu de la ville. Les environs en sont extrê-
mement dangereux il est imprudent de s'y aventurer sans escorte
; ;
ce serait courir le risque d'être tué ou enlevé.
— 121 —
Une tribu très spéciale, les Nimady, est particulièrement
redoutée.
Les Nimady forment, au milieu des Maures, une caste à part.
On en rencontre quelques groupes aussi sur les bords du Sénégal
en face du Lao et des Irlabés. Ils vivent en sauvages, vêtus assez
fréquemment de peaux de bêtes, se nourrissant exclusivement des
produits de leurs chasses. Lorsqu'ils s'arrêtent, campent géné- ils
ralement sous les arbres oii ils construisent rapidement un abri
grossier en branches et en paille. Ils marchent toujours suivis
d'une meute de chiens laobés qui chassent avec eux. Un seul
homme de cette tribu a rarement moins de 20 à 30 chiens. Ils
choisissent leurs femmes dans leurs camps. Us ne participent pas
aux guerres, ne semblent pas musulmans très pratiquants et ne
paient à personne aucune redevance.
On prétend qu'ils descendent des Oulad Abdallah et que le
vieux Bakar Ould Soueïdi Ahmet, Dowich, a pris chez eux
roi des
sa femme Khadeija Minte Toueileb qui lui donna un fils, Mokhtar
Hadj, lequel a déjà fait le pèlerinage de la Mecque.
Les habitants de Oualata nous verraient, paraît-il, avec plaisir
nous installer chez eux s'ils ne craignaient que nous ne libérions
leurs captifs et que nous n'accaparions à notre profit la vente du
sel, qui est dans la région la partie la plus importante de leur
commerce.
D'autre part, ils ne veulent point nous faire des avances qui
pourraient être connues de leurs ennemis, lesquels ne manque-
raient pas, nous ne répondions pas immédiatement à leur désir,
si
de les rançonner pour les punir d'avoir voulu livrer la ville aux
Français.
La seconde ville de cette région, Néma, beaucoup moins impor-
tante, est située à 90 kilomètres environ au S.-O. de Oualata. Elle
est adossée à une petite montagne entourée au S. par des terrains
de culture et à l'O. par une immense plaine sablonneuse. Les puits
y sont au nombre de cent (?) et l'eau s'y trouve en abondance
pendant toute l'année. Les palmiers y sont nombreux et fort beaux.
La compte à peu près 600 habitants, tous marabouts et
ville
commerçants de la tribu chorfa. La population est divisée en deux
partis les El Arbi, qui ont pour chef Mohamdoul Sadock, ami du
:
chef des Mechdouf, et les Mouley dont le chef : Cheikh Lafia nous
— 122 —
est attaché, mais vit en mauvaise intelligence avec Moliamdoul
Mokhtar.
Mohamdoul Mokhtar n'entre jamais directement à Nema. Il
s'arrête devant la ville et attend toujours l'invitation des habitants
qui lui apportent l'eau hors des murs en signe de bonne et franche
hospitalité. Il se rend alors chez son ami Mohamdoul Sadock à qui
il fait de nombreux présents.
.
LES OULAD DAOUD
Allduch.
Chef : Ould Sidi Henou.
On comprend généralement nom
groupement des
sous ce le
Oulad Allouch, des El Chbaïm, des Uulad Zeid et des El Dorfa
lorsque toutes ces tribus marchent ensemble sous le commandement
de Sidi Ould Henou, de la fraction des Bourada. Les Oulad Daoud
auraient eu autrefois les Touareg pour tributaires.
Ils occupent toute la partie orientale au delà de Oualata et de
Soloko et séparent le bloc des tribus maures de l'Afrique occiden-
tale des populations centrales du désert.
Moins nomades que leurs voisins, ils commencent à se fixer, à
s'accoutumer à la vie sédentaire et ils habitent, comme nos popu-
lations noires, des cases en terre et des paillettes, de véritables
villages entourés d'une palissade.
Les Oulad Daoud prétendent descendre d'un marabout fameux
Da ben Khouch ben Daouda descendant lui-même en ligne directe
de Mahomet. Ils se croiseraient assez fréquemment avec les Toua-
reg, avec les Peulhs et les autres noirs voisins de leur région.
Les Oulad Daoud se divisent donc en trois groupes principaux :
1° Les Oulad Allouch, comprenant une sous-fraction les El
Chbaïm ayant pour chef Cheikh Ould Ahmet Erzak ;
2° Les Oulad Zeïd, chef Mohamed Ould Ahmed sous frac-
: ;
tions les El Hadj Hassan, Oulad Zaïn, Oulad Bohli, EJ Keneikat
:
et El Legan ;
3° El Djafra, chef : Cheikh Daouda Ould Cheikh Sidi Moha-
med ; sous-fraction : El Mahmoud Lakhdaf
Le passé des Oulad Daoud est encore obscur pour nous. Nous
— 124 —
ne nous sommes guère trouvés en contact avec eux qu'à la suit«
de l'attitude prise, vis-à-vis de nous, en 1894, après l'occupation de
Tombouctou, par la fraction des Oulad Alloucli, la plus guerrière
et la plus pillarde du groupe.
Le chef général des Oulad Daoud, Cheikli Ould Sidi Hénou,
s'alliaitouvertement avec nos anciens ennemis, les Touareg Kel
Antassar, réfugiés au nord de Bassikounou et intriguait pour liguer
contre nos troupes certaines autres tribus touareg et les Oulad
Mabmoud, dans le but de couper
commerciale de Médine à
la route
Tombouctou par Moro, Goumbou, Sokolo, N'ampala, Sumpi, etc.
C'est pour déjouer ces projets que furent créés les postes mili-
taires de Eas-el-Ma à l'extrémité Ouest du lac Faguibine et de
Néré entre Sokolo et Bassikounou.
A ce moment, les Oulad Zeid, connus aussi sous le nom
d'Alloucli Bogar, qui se trouvaient alors en lutte avec les
premiers, se rapprocbèrent de nous et nous permirent l'occupation
de ces deux points de résistance. Cette installation sur un territoire
jusqu'alors non parcouru, troubla Cbeikb Ould Sidi Ilenoii dans
sa sécurité. Il écrivit au commandant de Sokolo pour protester de
la loyauté de sa conduite et nous prier de retirer les postes
que nous venions d'établir sur son territoire. Pendant ce temps,
il renouait ses relations avec les Touareg et appelait à son secours
Ely Ould Ziden Ould Zein, chef des Oulad Mahmoud. Ce dernier
allait répondre à son appel, mais sur avis comminatoire du com-
mandant de la région, il réfléchit, s'arrêta et finalement s'en
retourna avec ses gens à ses campements de Goumbou.
Cheikh Ould Sidi comprit la situation et s'immobilisa. La divi-
sion qui existait déjà entre les Oulad Allouch, les Oulad Zeïd allait
toujours s'augmentant. Les Djafra se tenaient à l'écart, la petite
fraction des El Mohamed Lakhlal, très honorée dans le désert et
dont le chef Cheikh Daoud Ould Cheikh Sidi Mahmoud est un
marabout respecté, vivait loin des luttes. L'ensemble des tribus
des Oulad Daoud paraissait déjà vouloir renoncer à la vie nomade ;
mais Sidi Ould Henou ne changeait nullement d'attitude ni de
ligne de conduite. Plein de soumission, de respect apparent, il con-
tinue son système d'intrigue et de duplicité de telle façon qu'en
1897, le village de ISTampala, entre Sokolo et Néré, est mis au pil-
lage par plusieurs tribus maures, notamment par celle des Allouch.
Les biens, les captifs, les troupeaux sont enlevés et les puits des
— 125 —
routes du pays sont comblés par les pillards pour empêcher noa
gens de se lancer à leur poursuite.
Nous avisons immédiatement Sidi Ould Henou que nous le
rendons responsable de cet acte, que, dorénavant, nous considérerons
les Allouch en ennemis et que notre territoire leur demeurera inter-
dit tant que les amendes infligées aux tribus coupables ne seront
pas payées, les biens enlevés rendus à leurs propriétaires, les puits
comblés remis en état.
Ould Sidi Henou cherche à gagner du temps, des mois se pas-
sent en menaces de notre part, en protestations de son côté. Après
avoir tenté tous les moyens de conciliation possible pour terminer
cette affaire pacifiquement, devant l'entêtement et la fourberie du
chef des Allouch, une marche en avant sur Bassikounou est décidée.
Au mois d'octobre 1898, nos spahis et nos tirailleurs se mettent en
route une recontre a lieu à Tiéki où nos troupes ont rapidement
;
dispersé les gens de Ould Sidi Henou qui est lui-même réduit à
prendre la fuite. Ce succès nous livre enfin Bassikounou.
Le chef des Allouch nous demande alors la paix, tout en se reti-
rant dans le Haut-Sahel. Il espère encore grouper autour de lui
des forces suffisantes pour résister; mais ses tribus se désagrègent.
Déjà au commencement de 1898, plusieurs fractions des Oulad
:Zeid, les El Keneikat entre autres, nous avaient demandé à faire
leur soumission et à venir s'établir chez nous. En décembre de la
même année, elles renouvellent leurs démarches. Nous repoussons
d'abord leur demande en leur déclarant qu'ils nous fallait la sou-
mission de tous et paiement complet des amendes infligées.
le
Mais à leur retour dans leur campement, les El Keneikat ayant
été pillés et maltraités par le chef des Allouch pour les punir
d'être entrés en relations avec nous^ nous ouvrons notre territoire
à cette fraction et, pour la récompenser de sa confiance en nous,
nous la dégrevons des droits de pacage. Le chef de cette fraction
est Mohamed Ould Hamet, oncle de Ould Sidi Henou.
La mesure que nous venions de prendre en accueillant les E]
Keneikat sur notre territoire avait eu un grand retentissement
dans le Sahel. La dislocation des tribus des Oulad Daoud s'accen-
tuait et nous pouvions espérer voir le chef de cette tribu bientôt
abandonné par tous, malgré ses efforts et ses intrigues, et un chef
agréé par nous prendre le commandement de ces régions.
Une mesure de clémence générale détruisit cet espoir. L'aman
— 126 —
général, accordé le 28 juillet 1899 par le lieutenant-gouverneur du
Soudan, en absolvant toutes les fautes passées, maintint au pouvoir
ce chef hypocrite et fourbe.
Depuis l'état des Oulad Daoud n'a guère changé. Le nombre
des fractions qui viennent s'établir sous notre protection aug-
mente graduellement mais lentement.
Ould Sidi Henou vit actuellement à Siramansa près de Bassi-
kounou, avec moins d'autorité sur ses gens, mais avec le même
caractère ondoyant et faux.
ADRAR OCCIDENTAL OU ADRAR TAMAR
Oulad Yahia bem Othman.
Chef : Mokhtar Ould Ahmed Ould Aïda.
Population approximative, ? ;
— guerriers : fantassins, 4,000 ;
cavaliers, 250.
Les Oulad Yahia ben Othman, qui habitent l'Adrar occidental,
appelé aussi Adrar Tamar, sont moins nomades que les autres
Maures du désert. Leur pays, riche en dattiers, les oblige, au moment
de la récolte, à se fixer pendant un certain temps. En outre, plu-
sieurs centres importants, notamment Atar, Chinguetti, Ouadan
et Oudjeft, sont habités par des marabouts qui mènent une existence
sédentaire. Le chiffre de la population dans chacune de ces villes
varie suivant les époques de l'année, il se triple et se quadruple
même pendant la a guetenan », récolte des dattes.
Tout le pays de l'Adrar est constitué par un massif montagneux.
Les sources y sont nombreuses et abondantes. Dans les vallées qui
sont larges et spacieuses, les Maures se livrent à la culture du
blé, de l'orge et du petit mil. L'élevage est une de leurs princi-
pales occupations. Certaines races de leurs chevaux ont une grande
réputation.
En dehors du massif montagneux de l'Adrar, les Oulad Yahia
ben Othman qui l'habitent, étendent leur autorité sur les régions
voisines, principalement à l'ouest et au nord. Ces contrées sont
comme les terres de parcours des Trarza, sablonneuses et arides.
Une des grandes richesses du pays se trouve un peu au nord-ouest
de l'Adrar, à environ cinq jours de marche de Chinguetti ; c'est
l'immense Sebkha d'Idjil qui est exploitée par les Akhzazir, bara-
tines des Kounta El Sidi M' Ahmed.
— 128 —
La capitale de l'Adiar, Atar, n'est pas la ville la plus impor-
tante. C'est le siège de l'autorité, où réside le roi Mokhtar Ould
Alimet Ould Aïda. Elle est située au fond d'une vallée, entourée
de dattiers et de champs de cultures. Elle est ouverte aucune ;
enceinte ne l'a jamais entourée. Les rues en sont étroites, tor-
tueuses et sales. Les liabitations construites en pierre se composent
de simples rez-de-cJiaussée. Mal entretenues, elles semblent toutes
tomber en ruines. Elles sont à peu près au nombre de 200 à 250, ce
qui donne une population totale d'environ 800 habitants.
Le roi habite à Kanaoual, petit village à 2 kilomètres
d'Atar, sous une tente. Il ne vient d'ailleurs près d'Atar qu'à
l'époque de la récolte des dattes; autrement il nomadise dans tout
le pays.
L'eau est abondante autour de la ville. Chaque « zeriba » —
enclos de dattiers — possède un puits. Deux fois par jour les indi-
gènes puisent de l'eau, remplissent des bassins creusés autour des
puits et destinés à alimenter les canaux qui circulent entre les
dattiers.
Atar est habitée par les Smacides, les Athzazir^ tributaires des
Kounta, les Oulad Bou Sba, et Kanaoual par les Teiziga des Oulad
Ammouni.
La seconde ville de l'Adrar est Chinguetti, situé à environ
150 kilomètres au nord-est d'Atar. commerçante
C'est la ville
par excellence. Les gens du Tagant y amènent des captifs et du mil
qu'ils échangent contre des dattes, du sel et des chameaux. Les
habitants de Tichitt et de Oualata y apportent de l'or, provenant
du Soudan, de l'argent en espèces et en bijoux, des bonbons, des
étofîes, des arachides du Soudan qu'ils troquent contre des cha-
meaux, de la guinée et surtout du sel. Les Maures de l'Oued Noun
y viennent vendre des chevaux, de l'orge, du blé, des couvertures
de laine, des burnous, du sucre, du thé et une espèce de tabac sem-
blable au nôtre, mais de qualité inférieure qu'ils échangent contre
des dattes, de l'or et surtout de l'argent de France. La monnaie
française est très recherchée.
Les produits du commerce français du Sénégal constituent la
presque totalité des objets de consommation : thé, sucre, poudre,
armes, tabac. Les cotonnades venant soit de l'Oued Noun, soit du
Rio de Ouro, sont de très peu d'importance et de qualité inférieure
à celles que livre notre commerce. On peut donc dire que toute la
— 129 —
guinée employée dans l'Adrar et dans les i)ays qui en dépendent
vient du Sénégal.
Tous nos produits sont apportés dans le pays par les caravanes
descendues à Saint-Louis où elles ont troqué de l'or, des dattes, du
beurre fondu, des chameaux, des bœufs, des ânes et aussi — dans
]e pays trarza — des captifs et d'où elles rapportent toutes les den-
rées, les étoffes et les objets divers qui leur sont nécessaires.
La ville de Cliinguetti présente à peu près le même aspect
qu'Atar : rues étroites, tortueuses et sales, maisons en pierre sans
étage, mal entretenues au milieu
et presqu'en ruines. Elle est située
de grandes dunes de sable rouge qui paraissent l'envabir peu à peu.
Plusieurs maisons auraient déjà disparu, englouties. Cependant
l'eau est abondante tout autour de la ville, et la population séden-
taire cultive des dattiers en grand nombre. Un puits, éloigné à
peine de 200 mètres des portes de CKinguetti, est remarquable par
son antiquité. On ignore à quelle époque il a été construit. Il est
foré dans la pierre dure et mesure environ 12 mètres de profondeur.
L'eau en est excellente. Il existe encore autour de Chmguetti des
puits nombreux au milieu de toutes les « zraïb ». On peut estimer
à peu près à 700 le nombre des habitants sédentaires de la ville.
Ce sont pour la plupart des marabouts des tribus des Idao Ali,
des Lakhlal, des Toukna et des Oulad Bou Sba. Le commerce se
fait à l'intérieur des maisons il n'y a ni boutiques ni marchés.
;
Ouadan est la troisième ville de l'Adrar. Elle est située à envi-
ron 130 ou 140 kilomètres au nord-ouest de Chinguetti, au som-
met d'une colline rocheuse qui une position stratégique
en fait
importante. Un très petit nombre d'hommes suffirait à la défendre.
Les caravanes y accèdent difficilement. Les chameaux mettent en
moyenne une heure pour se rendre du pied de la colline jusqu'à la
ville.
Comme toutes les villes du désert, Ouadan est mal entretenue,
ses maisons sont des constructions cubi(iues en pierre sans autres
ouvertures que les portes. Elle compte à peu près 500 habi-
tants, presque tous anciens tributaires des Kounta mêlés d'Idao
el Hadj et de Chorfa.
Oudjeft n'est qu'une petite agglomération d'une quarantaine
de maisons tombant en ruines, au milieu d'une plaine pierreuse et
sur le bord d'une longue oasis de palmiers. Elle compte au plus
200 habitants sédentaires presque tous de la tribu des Smacides.
LES MAURES 9
— 130 —
En dehors de ces villes, il n'y a que des petits villages de peu
d'importance, n'ayant d'autres constructions que des gourbis en
paille et en feuilles de palmiers. Dans les villes mêmes, les maisons
sont si mal construites qu'elles ne résistent pas toujours à la vio-
lence des tornades. En 1899, la construction dans laquelle logeait,
à Atar, le chef de l'Adrar, Ahmed Ould Sidi Ahmed Ou1d Ahmed
Ould Aïda, s'est écroulée sur lui, l'écrasant au milieu de ses griots
et de ses conseillers.
Organisation politique. — L'Adrar et les régions voisines qui
en dépendent passent pour être sous l'autorité de Mokhtar Ould
Ahmed Ould Aïda, chef du groupe des Yahia ben Othman.
Ce groupe compte deux tribus princières :
Les Oulad Ammouni, fraction dirigeante 300 guerriers.
Les Oulad Akchar 150 —
Les tribus guerrières sont :
Les Oulad Lab 100
Les Oulad Khaïlane 800 —
Les Deichily anciens zénaga devenus libres, divi-
sés en plusieurs fractions, les Ragba, Magroud
Oulad Hanoun, Outada 1,000 —
Les Abib, captifs de la couronne 100
Les Beïhat, zénaga 150 —
A ces tribus guerrières, il convient d'ajouter les suivantes qui,
sans être sous l'autorité directe du chef de l'Adrar, marchent cepen-
dant presque toujours avec Yahia ben Othman.
les
Les Kounta El Sidi M'Ahmet, sous-fractions :
El Sidi M'Ahmet, El Mountarambrine et El
Cheikh 900 guerriers.
Les Mechdouf, zénaga des Kounta divisés en deux
fractions les Ambaya et les Montât
: 500
Il n'existe pas de tribu de zénaga proprement dite. Les tribu-
— 131 —
taires sont répartis entre toutes les tribus guerrières et marabou-
tiques.
Les tribus maraboutiques sont les suivantes :
Les Idao Ali, habitant Chinguetti ;
Les Lakblal ;
Les Smacides, habitant Atar ;
Les Tiab ;
Les Deiboussat ;
Les Chorfa ;
Les El Hadj ;
Les Ejfakha El Khatat ;
Les El Barikallah.
Ces différentes tribus sont extrêmement nomades^ notamment les
Deiboussat, les El Ejfakha El Khatat et les El Barikallah qui
vivent tantôt dans l'Adrar tantôt sur les territoires de parcours des
Trarza.
L'Adrar, ou plutôt la tribu des Yahia ben Othman est com-
mandée nominalement par Mokhtar Ould Ahmed Ould Aïda Ould
Ousman Ould Lefdel Ould Chenan Ould Ammouni et <?ffective-
ment par son fils Ahmed Ould Mokhtar.
Il est d'usage, depuis le siècle dernier, d'appeler couramment
l'émir de l'Adrar Ould Aïda. Ce nom n'appartient en efPet à aucun
des parents du chef actuel. Il est celui du mari de la femme qui
nourrit et éleva le grand-père du jeune Ahmet Ould Mokhtar.
Ahmet Ould Mokhtar est âgé d'environ 25 ans. Son père, qui
vit encore, compte à peu près 50 ans ; mais il est déjà très fatigué.
C'était, lorsqu'il exerçait lui-même le pouvoir, un chef sans autorité
et sans énergie. Son fils paraît avoir une réelle influence dans le
pays. C'est un homme intelligent, mais encore un peu jeune pour
qu'on puisse pressentir son véritable caractère et ses idées person-
nelles à notre égard.
Comme chez les Trarza, les Brackna et les Dowich, le roi dans
l'Adrar vit presque toujours au milieu de son camp que l'on
nomme, comme dans le Tagant^ a Huila ».
Ce camp comprend le roi, les princes de sa famille Oulad Am-
mouni et ses conseillers qu'il prend le plus souvent chez les Abid et
les Boïhat.
— 132 —
Ses conseillers actuels sont Ahmet Ould Mohamed Labid, Sidi
Onld Bilali, Diech et son frère Thiomby. Tous les quatre semblent
nous être plutôt favorables, et particulièrement Sidi Ould Bilali,
homme calme, réfléchi, ayant à peu près 50 ans et jouissant, ainsi
que ses compagnons d'ailleurs, d'une grande influence sur Ould
Aïda.
Le roi commande absolument. Ce sont les Abid qui transmet-
tent ses ordres. Pour les questions importantes, il réunit, en conseil,
les princes et les chefs de toutes les tribus guerrières. Ces tribus
fort turbulentes ont souvent entre elles des conflits et le roi a par-
fois d'assez grandes difficultés à assurer la tranquillité dans ses
Etats.
L'esprit fanatique est beaucoup plus développé dans l'Adrar que
parmi toutes les tribus maures avec lesquelles nous sommes en rela-
tions. Cet état d'esprit est entretenu par qfuelques chefs des tribus
maraboutiques telles que les Smacides et les Idao Ali de Chin-
guetti.
Sidi Ahmet Ould Abderraman et son frère Mohamet Sedjad de
la première tribu Ould Abeidi et
; Mohamet Ould Abat de
la
seconde se font particulièrement remarquer par leur hostilité.
En 1900, Sidi Ahmet Ould Abderraman était parti pour le
Maroc avec l'intention de demander au Sultan d'envoyer une
colonne pour occuper l'Adrar mais il ne put aller que jusque
;
dans le Sagueit El Hamra où Cheikh Ma El Aynine, puissant
dans la région, arrêta sa démarche.
On ignore à quel mobile a, dans cette circonstance, obéi Cheikh
Ma El Aynine.
Le fanatisme tendra à diminuer nous pouvons nous rappro-
si
cher de ces populations isolées, nous mettre plus complètement en
contact avec elles et leur montrer notre indépendance et notre
tolérance dans toutes les questions religieuses.
Notes historiques. — Avant 1891, plusieurs missions ou explo-
rations avaient eu lieu dans l'Adrar sans qu'il en résultât de rela-
tions politiques. Mais à cette époque le ministre des Colonies
y envoya M. Fabert avec mission de faire signer un traité de paix
par le roi de ce pays. Cette mission n'atteignit pas l'Adrar. Elle
s'arrêta à Tiniera, oii se trouvait alors Cheikh Saad Bou, marabout
très influent et très vénéré dans ces régions.
— 133 —
Sur les conseils de Cheikh Saad Bou qui représenta à M. Fabert
lesdangers qu'il y aurait à pénétrer dans l'Adrar, encore troublé
par la guerre que les gens de ce pays venaient d'avoir avec les
Dowicb, cet explorateur se décida à écrire à Ould Aida en lui
demandant de lui envoyer une escorte pour lui permettre de se
rendre à Atar où il désirait l'entretenir au nom du gouvernement
français. Puis, pour gagner du temps, il adressa par la même lettre
au roi de l'Adrar, le projet de traité qu'il avait apporté avec lui
en le priant d'y apposer sa signature dans le cas où il ne pourrait
fournir à la mission les moyens de se rendre sans risques dans son
pays.
Ce traité ne contenait que deux articles. Par le premier, la
France et l'Adrar s'engageaient réciproquement à vivre sur le
pied de la plus sincère amitié et à favoriser le plus possible le
développement du commerce entre les deux pays. Par le second,
la France déclarait s'engager à ne jamais intervenir dans les
affaires intérieures de l'Adrar et à protéger l'Adrar contre ses enne-
mis du dehors.
M. Fabert attendit chez Cheikh Saad Bou la réponse d'Ould
Aïda. Elle lui parvint au bout d'un mois. Le roi de l'Adrar, qui ne
répondait pas lui-même, autorisait son cadi Mohamed Ben Ahmed
Ben Alioun au gouverneur que l'émir de
à écrire à Sidi Fabert et
l'Adrar acceptait l'alliance et les conditions commerciales du traité
et à déclarer qu'il ne s'allierait jamais avec d'autres Européens
que les Français.
M. Fabert rapporta son traité non revêtu de la signature du
roi. Ce traité n'en fut pas moins ratifié par un décret le 10 juin 1893.
Dans cet intervalle le gouvernement du Sénégal avait chargé
l'interprète Bou El Mogdad, dont le père, en 1861, avait fait un
voyage en pays maures, visité l'Adrar et le Maroc et qui y avait
laissé des intelligences, de se rendre près de l'émir des Yahia ben
Othman et de passer avec lui^ au nom du gouverneur du Sénégal,
un traité d'amitié et d'alliance.
Le 8 août 1892, Bou el Mogdad obtenait la signature de Ahmet
Ould Soueid Ahmet Ould Aïda, roi de l'Adrar. La France s'enga-
geait à ne pas intervenir dans les affaires intérieures de l'Adrar,
à aider le roi de toute son influence contre les attaques de ses enne-
mis, à faire respecter les caravanes venant de l'Adrar au Sénégal
et à payer au roi de l'Adrar, sur le droit de 2 1/2 0/0 ad valorem
— 134 —
perçu à l'entrée des marchandises, une coutume de 500 pièces de
guinée, coutume qui fut portée à 800 en 1898.
D'autre part, le roi s'engageait à ne passer aucun traité avec
d'autre puissance et à ne donner dans ses Etats aucun monopole
sans l'approbation du gouverneur du Sénégal.
C'est toujours sur ces mêmes bases que nous entretenons des
relations politiques et commerciales avec l'Adrar.
Avant la signature de ce traité, Témir de Yahia ben Otbman
avait été à plusieurs reprises sollicité par les Espagnols du Rio de
Ouro et par les agents du Maroc ; les premiers pour lui offrir leur
protection, les seconds pour le placer, ainsi d'ailleurs que les
Dowicb, les Trarza et les Brackna, sous l'autorité de Mouley El
Hassan, sultan du Maroc.
Ould Aïda s'était toujours dérobé devant ces ouvertures, bien
que certains personnages de son entourage chercbassent à l'influen-
cer, notamment le cbeikli Mohamed El Eadel de Ouadan, qui
paraît aujourd'hui revenu à de meilleurs sentiments à notre égard.
La mort tragique d'Ahmet Ould Aïda a été pour nous une
perte sensible. A un chef fier, vif et impérieux, mais d'une réelle
intelligence et d'une correction rare chez les Maures, a succédé,
dans la personne de son oncle un roi faible, d'une intelligence
médiocre et sans autorité dans son pays.
C'est cette faiblesse même qui fut cause en partie du malheu-
reux échec de la mission Blanchet. Aujourd'hui que le fils aîné
de Mokhtar a pris, sous le nom de son père, la direction et le com-
mandement du pays, les relations pourraient être reprises et les
liens qui nous unissaient à l'Adrar resserrés plus étroitement.
Il convient de retenir, toutefois, que le jeune chef actuel,
Ahmed Ould Mokhtar, a épousé, il y a un an environ, la fille
d'Ousman Ould Bakar, fils du roi des Abakak, et que la sœur
d'Ahmed a, de son côté, épousé le fils de Mahomed El Fadel, le
cheikh le plus infiuent de l'Adrar.
En résumé, notre situation vis-à-vis de l'Adrar se présente
dans d'assez bonnes conditions : le jeune chef aurait plutôt ten-
dance à nous être agréable qu'hostile, le pays lui est entièrement
Oulad Bou Sba dont il sera parlé plus loin,
sooimis, sauf la tribu des
qui s'est affranchie de son autorité. Cheikh Mohamed Fadel qui,
il y a dix ans, marchait ouvertement contre nous, paraît avoir
changé de ligne de conduite. Une correspondance échangée en 1901
— i35 —
entre Mohamed Fadel et Saad Bou, son cousin, semble établir que
le cheikh de Ouadan ne serait pas contraire à nos idées.
Jusqu'en ces derniers temps, l'émir de l'Adrar pouvait à peu
près compter au nombre de ses sujets les gens de la grande tribu
guerrière et commerçante des Oulad Bou Sba qui nomadisaient
sur les frontières de son pays. Bien que vivant, ainsi que les Oulad
Delim, dans les vastes plaines du Tiris, ils participaient aux luttes
que Yahia ben Othman avaient à soutenir et payaient une
les
certaine redevance appelée « khafar » au roi de l'Adrar.
Cette tribu apportait à Ould Aïda un contingent d'environ
1,200 fusils.
Aucun chef n'a sur les diverses fractions de ce groupe turbulent
une autorité suprême. On compte cinq sous-fractions obéissant
chacune à leur chef respectif :
Les Oulad Ahmeïda ;
Les Doumaïssat ;
Les Oulad El Baggar ;
Les Oulad Azzouz ;
Les El Sidi Abdallah.
Cependant une certaine entente paraît s'être faite entre eux pour
tenir tête à leurs adversaires depuis qu'à la suite d'un conflit avec
lesKounta de l'Adrar, la fraction des Ammouni et des Oulad
Akchar ont pris parti pour ces derniers marabouts.
Jusqu'à ce jour Mokhtar Ould Ahmet a su se tenir à l'écart
le roi
de ces divisions, mais son fils Ahmed dont la mère est une prin-
cesse des Oulad Ammouni, marche avec cette tribu.
Dernièrement les Oulad Bou Sba, qui s'étaient retirés sur le
bord de la mer, les uns près de la baie d'Arguin, les autres près de
notre poste frontière de N'Diago, se sont réunis et ont marché
contre les gens de l'Adrar qu'ils ont surpris à Boukhzama (dans
TAmissaga) où se trouvait le camp royal. Les Yahia ben Othman,
qui ne s'attendaient pas à cette attaque, ont dû prendre la fuite,
en abandonnant leurs biens, quelques morts et plusieurs blessés.
Telle est actuellement la situation de l'Adrar.
SAGUIET-EL-HAMRA
Tribus indépendantes.
Toute la région qui s'étend entre TAdrar occidental et les pos-
sessions espagnoles du Rio de Ouro, toutes les vastes contrées qui
bordent les territoires indéterminés du sud marocain, les larges
espaces du Saguiet-El- Hamra, de l'Ouad Draa, du Sous et de l'Ouad
Noun, sont fréquentées par des tribus encore peu connues. Si on
en excepte les Tadjakant, les Chorfa, les Lakhlal, dont nombre de
fractions se sont fondues dans les grands groupements politiques
plus rapprochés de nous, on y rencontre des tribus moins orga-
nisées, plus indépendantes que celles que nous connaissons, plus
batailleuses encore, plus barbares surtout.
Il y aurait cependant intérêt à ce que nous fussions renseignés
sur ces groupes de guerriers qui, plus fanatiques et plus sauvages
que leurs voisins, pourraient nous être grandement utiles, soit
pour développement de notre influence, soit pour gagner
faciliter le
à nos produits des débouchés qui, en même temps, nous créeraient
des relations lointaines et nécessaires.
Toutes ces tribus subissent l'ascendant puissant du grand chef
religieux du Saguiet, Cheikli Ma
El Aynine.
La première que nous trouvons, en remontant vers le î^ord, est
celle des Oulad Delim, descendants de la fameuse tribu des Djed-
dala.
Les Oulad Delim occupaient autrefois le Tiris. Ils seraient eux
aussi les frères des Trarza, des Brackna Oulad M'Barck.
et des
On raconte que l'ancêtre Remeitli serait le fils de Delim ou
Deléim, qui était lui-même fils d'Antar, petit-fils du fameux Makb
Ear mais ces indications sont très vagues.
;
Les Oulad Delim nomadisent aujourd'hui entre la colonie espa-
gnole et l'Adrar. Ils sont divisés en deux groupes les Loudaïkat
:
et les Oulad Bamar. Les premiers ont pour chef Hamein Ould
— 137 —
Aroussi Ould Cliild et les seconds Ahmed Baba Ould Ely Saloum
Ould Assamar Ould Oumar.
Il n'existe pas cliez les Oulad Delim un chef général les réunis-
sant tous sous son autorité ; toutefois Hamein paraît avoir une
plus grande influence que le chef des Oulad Bamar.
En 1898 les Espagnols lui accordaient une légère coutume pour
tenter de décider les gens de sa tribu à venir trafiquer sur leur ter-
ritoire. Ces bonnes relations n'ont point duré longtemps ; les Espa-
gnols les ont rompues d'eux-mêmes à la suite des vols et des pil-
lages répétés commis chez eux par les Oulad Delim.
Une autre petite tribu, les Garh, qui descendraient aussi du
même ancêtre, peuvent être comptés comme des Oulad Delim, bien
que vivant absolument à part.
Les deux premiers groupes des Oulad Delim nomadisent entre
le Tiris et le Saguiet el Hamra. Ils comptent environ 150 fusils.
Le dernier a ses terrains de parcours dans l'Adrar Sotof. Il peut
réunir une centaine d'hommes armés environ.
Les autres tribus qui vivent dans les mêmes pays sont moins
connues encore que les Oulad Delim. Ce sont :
Les Regueibat ;
Les El Aroussi ;
Les Zourguihyn ;
Les Smalil ;
Et les Filaly.
Sur ces tribus qui vivent particulièrement dans le Saguiet El
Hamra et le Sous nous n'avons que de très vagues indications.
Nous les avons soumises, au double point de vue politique et reli-
gieux, comme les Oulad Delim, à la très grande autorité de Cheikh
Ma El Ajrnine et approvisionnées pour toutes les denrées et les
étoffes qui leur sont nécessaires par des caravanes marocaines. Au
cap Juby, Anglais avaient autrefois établi une station commer-
les
ciale qui a disparu depuis.
Les Regueibat habitent un peu au nord du Saguiet El Hamra
et sur les bords de l'Oued Draa en se rapprochant toutefois de la
mer.
Ils se diviseraient en cinq grandes tribus de guerriers :
Les Oulad Moussa, chef Mohamed Saloum Ould Fraïet
:
;
Les Souad, chef Souad Ould Bal : ; .
Les Tagout ;
— 138 —
Les Oulad Moussain ;
Et les Oulad Daoud, chef Soueïdi Cheikli.
:
Les Regueibat se font grande gloire de leur origine cîiérifienne.
Ils ont, plus que tous autres, une vénération profonde pour le
frère de CheikliSaad Bou.
Mohamet Saloum Ould Fraïet était encore, il y a peu de temps,
le chef suprême de la tribu des Regueibat.
Les autres tribus sont encore moins connues. Les El Aroussin
disent également descendre de la famille du prophète, mais leurs
cheveux crépus et leurs faces prognathes indiquent les croisements
nombreux qu'a eus à subir leur race.
Les Smalil s'occupent plus particulièrement d'instruire les
enfants dans la connaissance du Coran.
Nombre de petites tribus de tolba ont gardé dans le grand mou-
vement des groupements importants leur entière indépendance.
Isolées, perdues ou éparpillées au milieu de toutes ces confédérations
elles n'existent guère que de nom. La plupart comme les Talib
Mokhtar au milieu des Mechdouf, sont comprises dans le groupe
avec lequel elles vivent. D'autres se tiennent à l'écart, tentant de
rester indépendantes, mais n'échappent pas aux contributions que
leur imposent les chefs des tribus puissantes, telles sont les Macina
et lesOulad Bolhi de Tichitt, pressurés à la fois par les Kounta et
les Oulad Nacer.
Mais indépendamment de ces petites tribus maraboutiques, il
existe de grandes tribus de tolba dont des fractions notables se
retrouvent assujetties à des groupes de guerriers pendant que
d'autres gardent toute leur indéi^endance et toute leur liberté. Il
faut compter parmi celles-ci les Tadjakant, les Lakhlal, les Deï-
boussat, les Idao Ali et les Tanouazit.
Les Tadjakant constituent une des tribus les plus grandes du
désert. Ils disent aussi descendre du Prophète. Leur groupe le
plus imposant habite les territoires du Saguiet El Hamra. Les gens
de ce groupe sont à la fois guerriers et marabouts. Pasteurs, agri-
culteurs, commerçants, ils sont les grands convoyeurs du désert,
rayonnant loin dans l'Est et le Sud, transportant les produits
marocains à l'intérieur du Soudan pour en rapporter d'autres pro-
duits d'échange. Il n'est pas rare de voir se former ainsi au moment
de la traite, de décembre à juin, de longues caravanes de 1,200 à
1,500 chameaux circulant à travers le vide immense du désert.
— 139 —
On a évalué à plus de 25,000 personnes la population de ce
groupe.
Les Tadjakant n'ont pas de chef général. Chaque fraction,
chaque tribu, chaque famille même a son chef la dirigeant, la
représentant, prenant la défense de ses intérêts, mais jaloux de son
absolue liberté.
Les Tadjakant, qui vivent dans les grands groupements poli-
tiques, comme les fractions Tadjakant des Trarza, celle des Brackna,
des Dowich, ont un chef supérieur. Ceux-là sont absolument tolba
et ne portent pas les armes. Ils sont commerçants et pasteurs.
Il en est à peu près de même pour les Lakhlal qui seraient ori-
ginaires du Tell Algérien. Très nomades comme les précédents, les
Lakhlal se sont encore beaucoup plus fractionnés. On les rencontre
mêlés à tous les groupes maures. Ils circulent sans cesse en tous
sens, conduisant leurs caravanes du Nord au Sud et de l'Est à
l'Ouest du désert. Il s'en trouve sur les bords du Sénégal comme
dans le fond du Sahel, comme au sud du Maroc, comme au milieu
de l'Adrar où ils viennent à Idjil, chercher les barres de sel des
Kounta.
Ils auraient été pendant de longues années les ennemis acharnés
des Mechdouiï et des Oulad ÎS acer qu'ils auraient eus, en partie du
moins, sous leur autorité mais les temps sont changés.
;
Dispersés aujourd'hui, divisés peut-être par les défaites, ils ne
s'occupent guère que de commerce et d'élevage.
Il serait difficile, dans ces conditions, d'apprécier aujourd'hui
le chiffre de leur population.
On pourrait en dire autant des Deiboussat et des Tanouazit et
d'autres tribus maraboutiques éparpillées dans les divers groupe-
ments politiques et n'ayant pas une existence propre. Ce serait
prolonger inutilement des redites sans apporter de renseignements
nouveaux réellement appréciables.
Toute la partie N.-O. du désert nous est à peu près inconnue.
C'est cependant celle qui devrait le plus attirer notre attention,
si on songe aux conséquences que pourra avoir pour notre pays la
création de relations avec les populations de cette région. Nous
manquons de contact avec les tribus qui circulent le long de l'Océan
et c'est par elles
que nous pourrions cependant arriver à entretenir
des intelligences dans une zone oii il est difficile assurément de
pénétrer et de s'établir.
RELIGION
Sectes. — Cheiks. — Influence des marabouts.
Le bloc des tribus maures de l'Afrique cccidentale subit peu
l'influence des Zaouïa du nord africain.Les grands chefs religieux
établis entre Oualata, l'Océan et le Maroc, sont tous Kadriya aussi;
quand les agitateurs tidjaniya ont révolutionné les contrées qui
s'étendent au nord du Niger et au sud du Sénégal, les Maures sont-
ils restés indifférents au grand mouvement qui se produisait. Le
concours qu'un moment Mechdouf prêtèrent à El Hadj Omar et
les
qui d'ailleurs dura peu, était pour eux un acte politique tendant
à affirmer vis-à-vis des Chrattit leur entière indépendance bien
plus qu'une manifestation religieuse. Ils avaient été autrefois les
tributaires des Dowicb, les luttes ne cessaient pas entre eux, ces
derniers tentant de soumettre à nouveau leurs zenaga affranchis,
C€ux-là combattant pour leur indépendance. Par contre, El Hadj
Omar eut à se défendre en 1859 contre les Dowich, aîors qu'en
abandonnant le Fouta il se repliait sur Nioro, et aussi contre les
Oulad M'Bark qui^ non encore affaiblis, tinrent un moment en
échec les forces du célèbre agitateur.
Plus tard, lorsque Abdoul Boubakar, chef du Bosséa, s'opposa
pendant plusieurs années à notre établissement dans le fleuve, il
trouva des alliés dans maures des Oulad Ely mais les
les tribus ;
Oulad Ely ne sont qu'une fraction des Oulad Abdallah et encore
des plus réduites et des moins importantes.
Les hostilités que notre influence pourrait rencontrer dans son
expansion parmi les Maures de l'Afrique occidentale, viendraient
donc, si on excepte les tribus du massif de l'Adrar et du Saguiet El
Hamra, des bandes guerrières qui vivent de pillages et de rapines
au détriment de l'immense majorité formée par toutes les tribus
commerçantes des tolba. Encore doit-on noter en ce qui concerne
l'Adrar et la région du Saguiet El Hamra que l'opposition qui se
— Ul -
manifeste quelquefois contre nous chez les marabouts de ces contrées
est due à la seule ignorance dans laquelle ils vivent de nos idées et
de nos mœurs. Plus en contact avec nous, ils redouteraient moins
notre intervention, car ils connaîtraient la liberté religieuse que
nous laissons entière à nos sujets musulmans, les facilités que nous
leur donnons pour les pratiques de leur culte et le respect que nous
avons de leurs coutumes et de leurs lois en tant qu'elles ne blessent
point nos idées et nos sentiments de justice et d'humanité.
Tous les Maures sont donc musulmans, mais ils ne pratiquent
par tous avec une égale ferveur. Les tribus guerrières plus parti-
culièrement s'affranchissent en maintes circonstances des prescrip-
tions coraniques. Il en est de même des Zenaga qui se désintéres-
sent, sinon ouvertement du moins en réalité, de leur religion. Cela
se comprend aisément, tous ses gens vivant de vols et de brigan-
dages au préjudice même de leurs coreligionnaires.
Les Cheikhs les plus renommés n'échappent pas toujours à leurs
audacieux coups de mains et Cheikh Sidia lui-même, malgré la
vénération dont son nom est entouré, a eu à déplorer, ces temps der-
niers, la mort de plusieurs de ses gens au cours d'une attaque de
son camp par les Oulad El Bolhia qui cherchaient à lui voler des
animaux.
Cependant, si on en écarte certaines fractions écumeuses du
désert, on ne saurait contester que même sur les tribus guerrières,
les grands chefs religieux musulmans exercent une certaine
influence. Cette influence leur vient de leur foi même, de leur
caractère mystique, de l'autorité laissée à leur nom par leurs ascen-
dants ou par les chefs des confréries qui les instruisirent. Elle vient
aussi de cette grande quantité d'élèves qu'ils forment, qui se répand
dans le pays à travers les divers groupements, les différentes tribus
et qui toujours leur restent attachés dans une sorte de dépendance
à la fois spirituelle et temporelle. Spirituelle par le respect que le
maître a su inspirer à l'élève ; temporelle par les aumônes cons-
tantes que toute sa vie le marabout envoie au cheikh qui l'a instruit
dans la foi musulmane ; spirituelle, par la pénétration lente de la
conscience et de l'âme pendant la période de l'école ; temporelle
par la perception perpétuelle de a l'hadia », cette offrande annuelle
du tolba au cheikh qui l'a élevé.
L'école, dans toute cette partie de l'Afrique qui nous occupe,
se fait sous la tente, ou dans le camp devant la tente du maître.
— 142 —
Les élèves sont ou envoyés par leurs parents ou venus spontané-
ment se grouper autour du cheikh ou du marabout. Ils suivent
presque toujours leur maître dans ses déplacements, transportent
avec eux leur nourriture fournie par leur propre famille. Cepen-
dant les grands cheiks comme Sidia ou Saad Bou acceptent tous
eux-mêmes, si ceux-ci
c^eux qui se présentent, dussent-ils les nourrir
n'ont aucune ressource. Cheikh Sidia ne compte pas moins de
400 élèves il en est de même de Cheikh Saad Bou qui cependant
;
est moins généreux.
Ces grands chefs religieux ne donnent pas directement l'ins-
truction à leurs élèves ils ont pour les aider dans leur tâche des
;
« Moqqadam » chargés de ce soin.
Le prix de l'enseignement du Coran est uniformément fixé à
300 francs. Il est, en outre, convenu que lorsque l'enfant saura par
cœur un ou deux chapitres du Livre, les parents verseront une
somme déterminée en acompte sur le prix total.
Quand les élèves ont terminé leurs études, ils subissent devant
des moqqadam, appelés comme témoins, un examen à la suite
duquel il leur est délivré un certificat par le cheikh qui les a ins-
truits.
Les élèves venus de telle ou telle école sont plus ou moins
renommés. Tous les talibé restent pendant leur existence dépen-
dant en quelque sorte de leur ancien maître et lui paient a l'hadia ».
L' a hadia » est un cadeau, une offrande, une aumône que tous
lesmusulmans donnent annuellement aux Chérifs descendants —
de Mahomet —
ou à leurs marabouts. Cette coutume aurait égale-
ment existé chez oei-tains chefs de pleuplades fétichistes. Ceux-ci
faisaient des cadeaux très importants à des chefs renommés dans
le but d'obtenir leur protection ou par peur de leur puissance extra
humaine..
L'importance de l'hadia n'a rien de déterminé. La valeur en est
laissée à ]a libre appréciation et à la générosité de chacun. Elle est
presque toujours en rapport à la fois avec la puissance du cheikh
qui la reçoit et la richesse du tolba qui la donne.
Il s'est naturellement formé deux classes de chefs religieux;
les cheikhs riches, puissants, célèbres, reçoivent de nombreux
cadeaux des captifs, des chevaux, des chamelles, des pièces de
:
guinée et demandent l'hadia aux rois, chefs et notables et les ;
marabouts moins connus s'adressent à toute la masse des tolba. Sou-
— 143 —
vent même ils n'ont pas besoin de quémander ; ils reçoivent les
cadeaux chez eux sans se déplacer. Souvent aussi ils envoient quel-
qu'un de leur famille jusque dans les régions éloignées recueillir
les offrandes des croyants.
Cette année encore, Iba El Moklitar, neveu de Clieikh Saad Bou,
circulait dans les provinces sénégalaises de la rive gauche du fleuve
quêtant, exigeant même les aumônes des Toucouleurs et Sarra-
kolés musulmans. En 1899, ses demandes s'étaient produites sous
la forme de telles exigences dans les villages du Eouta que le gou-
verneur général avait dû prendre contre lui une mesure d'expul-
sion. Non seulement il demandait l'hadia, mais il obligeait les
chefs à lui faire des cadeaux onéreux et il lançait sa malédiction
à ceux qui les lui refusaient.
Cette année, Iba El Mokhtar a voyagé avec une autorisation du
directeur des affaires indigènes. Il ne s'occupe point de politique
et recueille seulement, avec autorité, les hadya des musulmans dans
tous les pays qu'il traverse. A Pété il a reçu 11 pièces de guinée, à
Saldé 2 pièces, à Galoya 10 pièces, à Diaba 4 barriques de mil. Le
tout est chargé sur des chameaux qui l'accompagnent que ses sui-
et
vants conduisent ensuite chez lui et chez son oncle, Cheikh Saad-
bou.
A Aguam Cival (cercle de Kaédi) il s'était marié en 1899 avec
la fille du chef de ce village qu'il avait quittée ensuite pour retour-
ner dans le Hodh après son expulsion.
Cette femme, étant restée trois ans sans recevoir de ses nou-
velles, avait contracté un nouveau mariage avec un marabout du
pays. A son passage dans le cercle de Kaédi, Iba El Mokhtar a
attaqué mari et le père de la jeune femme devant le cadi. L'af-
le
faire jugée à Orofondé par le cadi de Orgo (Bosséa) s'est terminée
à son avantage. Le divorce a été prononcé entre le dernier mari et
la femme incriminée et le père de cette dernière a été condamné à
400 coups de corde convertis, suivant l'usage en amende, pour s'être
prêté au second mariage de sa fille.
ne me semble pas que tous les grands chefs religieux agissent
Il
ordinairement comme Iba El Mokhtar. La plupart du temps les
chérifs distribuent généreusement autour d'eux la plus grande
partie de ce que leur apportent les hadya.
On peut donc dire que les Chérifs se distinguent en deux
groupes ceux qui descendent de Mahomet et, par suite, ont une
:
;
— 144 —
origine sacrée fort ancienne, ce sont les véritables Chérifs (Chorfa)
etceux dont l'origine plus récente remonte simplement à nn grand
marabout et qui vivent au milieu des populations dont ils ont gagné
le respect.
La qualité de Chérif est héréditaire pour tous les membres des-
cendant de la famille de Mahomet.
Actuellement, cinq grands chefs religieux exercent au-dessus
ou à côté de beaucoup d'autres cheikhs une grande influence dans
les tribus maures de l'ouest du Sahara. Leur famille, leur passé,
leur caractère, leur fortune ont fait d'eux des autorités religieuses
puissantes.
Ce sont :
1° à l'est, entre Goumbou
Cheikh Sidi El et Oualata,
Kheir, jouissant, ainsi que son frère Tarouad Ould Addarammi,
chef des Talib Mokhtar, d'une grande autorité près du chef des
Mechdouf
Cheikh Sidia, chez les Trarza et sur la frontière du pays
2°
brackna qu'il habitait il y a cinq ans, avant que les démêlés
rapportés plus haut l'eussent mis mal avec Ahmedou. Cheikh Sidia
est un des chefs religieux des plus vénérés, des plus écoutés parmi
les Maures et aussi des plus dévoués à la cause française ;
3° A Touazik, au nord du pays trarza et sur la route de l'Adrar,
Cheikh Saad Bou, un de nos plus fidèles auxiliaires, frère de Cheikh
Ma El .A.ynine, de Sidi El Kheir et cousin germain de Mohamed El
Fadel ;
4° A
Ouadan, dans l'Adrar, ce dernier Mohamed El Fadel qui
longtemps nous fut hostile peut-être un peu à l'instigation des
agents de la zaouïa de Fez bien que Mohamed El Fadel soit
;
un élève de l'école Kadriya de Sidi Mokhtar El Kebir. Depuis deux
ou trois ans Mohamed el Fadel paraît être revenu de ses préven-
tions à notre sujet ;
5° Dans le Saguiet el I[amra,,.Ma El Aynine, frère de Sidi El
Kheir et de Saadbou qui possède au milieu des Oulad Delim, des
Eegueibat et des El Aroussin une autorité considérable.
Ces cinq grandes influences religieuses ont toutes eu pour maître
Sidi El Mokhtar de la confrérie des Bekkaya. Quatre d'entre eux,
Sidi El Kheir, Mohamed El Fadel de Ouadan, Saad Bou et Ma El
Aynine sont parents. Cheikh Sidia dont le grand-père, Sidia Ould
Mokhtar, reçut toute son instruction d'un Kounti de l'entourage
du même maître, a donc la même origine religieuse. Ils sont tous
— 145 —
Kadriya». D'ailleurs parmi ks tribus maraboutiques, il n'y a guère
que lesgens de la tribu des Idao Ali qui soient des Tidjiana.
Cheikh Sidi el Kheir, se disant aussi descendant de Mahomet,
vit près de Goumbou avec son neveu Taourad Ould Cheikh Ould
Addarammi, chef général des ïalib Mokhtar. Tous deux ont une
très grande autorité morale. Taourad prétend pouvoir, sans être
attaqué, avec son chapelet seulement, c'est-à-dire sans armes, tra-
verser tout le désert, du Sahel au Maroc ou en Tunisie en portant
les plus grandes richesses de la terre.
Ils habitent à quelques journées de marche au nord de Goumbou
dans un pays oii l'eau est abondante dans des puits nombreux,
autour de Dar Es Salam, la mosquée élevée par la ferveur des
croyants à la mémoire de Mohamed El Eadel, père de Sidi El Kheir
et grand-père de Taourad.
Cette famille nous est entièrement acquise et s'emploie avec
zèle au développement de notre influence dans la région. Sidi El
Kheir est très écouté de Mohamdoul Mokhtar, chef des Mechdouf,
et son action de ce côté pourra nous être fort utile.
Cheikh Sidia appartient à la tribu des Oulad Béiri, fraction des
Tachaïte. Il est âgé de 40 à 45 ans. Il jouit d'un grand prestige dans
le pays trarza et brackna malgré les difficultés qu'il eut avec les
Diedjouba, marabouts guerriers appartenant au grand groupe des
Oulad Abdallah. Son grand-père, qui avait été élevé à Tombouc-
tou près de Sidi El Mokhtar, avait lui-même instruit son fils Sidi
El Mohamed Khalifa, avec l'aide d'un chérif nommé Mohamdoul
Hassan Ould Sidi Abdallah très versé dans l'étude des textes cora-
niques et des divers livres des commentateurs. A son tour Sidi
Mohamed fit l'étude du cheikh actuel.
Cheikh Sidia est un homme d'un esprit éclairé et dont l'in-
fluence se manifeste surtout sur l'esprit des princes trarza des Oulad
Ahmed ben Dahman, des Eakhala et des Eleub.
Il habite ordinairement Taïgounit ou Boutilimitt oii il s'était
fait construire une habitation en pierre.
Cheikh Saad Bou Mohamed Eadel est le frère de Sidi El Kheir
et de Ma El Aynine. Il est comme eux originaire du Hodh. La
légende prétend que son père, qui tenait de Mahomet le don de
prédire l'avenir, lui dit un jour que sa fortune et son renom croî-
i;raient lorsqu'il se serait fixé au cœur du pays des trarza. Saad Bou
partit. Il eut des débuts pénibles. Les marabouts du pays lui firent
Î.ES MAURES 10
— 146 —
d'abord une oertaine opposition ; mais il sut cependant s'imposer
assez rapidement par l'étendue de son savoir et la noblesse de son
caractère.
Il fonda du temps de l'émir Sidi M'Borika, vers 1865, le village
de Touazick, dans l'Emelil Boukercb, sur la route ordinaire des
caravanes qui vont du Sénégal à l'Adrar, Dans ce village, il lit venir
de^ maçons et construire une maison en pierre. C'est là qu'il vit
le plus généralement..
Saad Bou peu près âgé de 60 ans. Il a de nombreux enfants
est à
dont huit fils sont particulièrement connus El Takbana, El Adda- :
rammi, Sedatti, Mobamed Eadel, Aloualy, Mohamed Ma El Aynine,
Sidi Bouya et Bou Mana.
Il entretient des relations El Aynine, du
avec son frère Ma
Saguiet El Hamra. Pendant plusieurs années, ces deux frères
avaient vécu en mauvaise intelligence à la suite d'un différend
ïamilial.
Ils avaient depuis longtemps contracté l'habitude d'unir leurs
enfants. Les fils de Saad Bou épousaient les filles de Ma El Aynine,
mais jamais ce dernier ne consentait à ce que ses filles suivissent
leurs maris. En 1896 ou 1897, Cheikh Saad Bou réclama la femme
de son fils Sidi Bouya. Ma El Aynine refusa formellement et pen-
dant plusieurs années la bonne harmonie qui avait régné jusque-là
entre les deux frères fut rompue.
Cette querelle a cessé depuis déjà plus de quatre ans et les bons
rapports d'autrefois ont repris entre les deux grands chefs.
Cheikh Ma El Aynine est un peu plus âgé que son frère Saad
Bou. Il habite le Saguiet el Hamra au-dessous de l'Ouad Noun et
s'est fait construire dans la vallée de l'Ouad Tazaoua une vaste
habitation en pierre à Samara que quelques cartes désignent aussi
sous le nom de Guessin..
Ma El Aynine s'est acquis une réputation considérable qu'il a su
grandir encore par les relations qu'il entretenait avec Dahman Ould
Beyrouk, caïd de l'Ouad Noun et avec la cour chérifienne. Il fit plu-
sieurs voyages à Glimin et entre autres à Marrakhech où il fut reçu
avec magnificence. En 1896, le Maghzen ne cachait pas le vif désir
qu'il avait d'acquérir l'appui de ce cheikh et d'établir par lui l'auto-
rité de l'empereur du Maroc sur les pays voisins du Sénégal. En
1900, il fut convié à Marrakhech pour assister à la nomination du
remplaçant du grand-vizir décédé.
— 147 —
Dans Saad Bon, Ma El Aynine ne paraît
sa correspondance avec
pas vouloir nous être hostile tant que notre situation ne changera
pas. Il laisse cependant sous-entendre qu'il ne nous verrait pas avec
plaisir pénétrer sur les territoires qui sont jusqu'à ce jour restés
indépendants.
D'une manière générale, le fanatisme aveugle pèse sur toutes
ces populations du N.-O. saharien bien plus que sur les autres grou-
pements du désert occidental.
Cheikh Mohamed Fadel est cousin germain de Saad Bou et de
Ma El Aynine. Il habite les environs de Ouadan dans l'Adrar. Il
jouit dans le pays, à Atar, Chinguetti et Ouadan, d'une influence
assez puissante qui s'étend jusque dans la région de Tichitt»
Longtemps Mohamed Fadel nous fut ouvertement hostile. En
1898 encore, il avait adopté contre nous une politique d'opposition
absolue. Ses idées semblent s'être modifiées. Lors de la mission
Blanchet son attitude a été très correcte et sa correspondance avec
Saad Bou nous le montre sous un jour favorable. C'est un appui à
acquérir, car Cheikh Mohamed Fadel a une réelle autorité dans
l'Adrar. Le chef et les habitants de ce pays sont des talibé et il
intervient avec une voix souvent écoutée, dans toutes les graves
questions de guerre ou de politique.
Mohamed Eadel est un agent à gagner à notre cause.
Au-dessous de ces sommités religieuses, on rencontre encore des
marabouts qui jouissent aussi d'une certaine puissance dans le
cadre plus restreint oii s'exerce leur action religieuse.
Chez les Trarza, où
nous a été plus facile de nous renseigner
il
a ce sujet, quatre marabouts de second ordre se distinguent par
leur action politique.
Mokhtar Ould Baba Ould Mahamaden Ould Hamdy appartient
\ la grande tribu maraboutique des Idao El Hadj, appelés sur les
bords du fleuve les Darmancoré, nom que l'on a corruptivement
francisé en celui de Darmancours.
Mokhtar fut instruit à la fois par son père et par un moqqadem
nommé Alioune. Il hérita de l'influence morale que sa famille avait
acquise dans le passé, notamment sur les tribus guerrières des
Azouna, des Oulad Bolhi, Oulad Khalifa, des Arouéjat et une partie
des Oulad Ahmed ben Dahman.
Célibataire, il vit avec son frère Ahmet Ould Baba qui lui succé-
derait s'il venait à disparaître.
— 148 —
Dans la tribu des Oulad Daliman est né un homme dont la répu-
tation a rapidement grandi chez les Maures par sa grande connais-
sance des choses religieuses, son esprit de justice et la sûreté de ses
jugements. C'est Mohamed l'ail Ould Mahomaden Ould Ahmet El
Akhad. Sa famille s'est toujours distinguée entre les familles
rivales Je jurisconsultes musulmans.
Mohamed n'a pas d'héritier mâle; mais garde et élève autour
il
de lui des neveux : un entre autres, Mohamed Ahmet Yoro, qui
semble son disciple préféré.
Ilexerce son influence sur toutes les tribus des El Guebla et prin-
cipalement sur le groupe des Zomboti qui lui paient régulièrement
l'hadia.
Abd El Kahman Ould Moutali de la tribu des Tandakha est
connu non seulement comme théologien et juge expérimenté, mais
encore parce qu'il exerce la médecine chez les Tandakha et les
Eleub qui lui donnent volontairement l'hadia.
Son frère Habib a une grande réputation de médecin parmi les
Maures.
Abd El Kahman a environ 60 ans ; il habite à Toueïla, sur la
route du Sénégal à l'Adrar.
Cheikh Sidi Mohamed Ould Amadou Ould Ahmet Ould Akhal
de la famille des Oulad Baba Ahmet des Oulad Déïman habite Bou-
défia à 90 kilomètres environ au N.-E. de Dagana^ Il est allié aux
Oulad Ahmed ben Dahman. Il fut instruit par le grand-père de
Cheikh Sidia. Deux de ses frères Sidia et Médiana ont épousé des
princesses des Oulad Ahmed ben Dahman, ce qui lui donne une cer-
taine autorité sur cette tribu dirigeante des Trarza.
Peut-être serait-ce aussi le moment de citer ici le petit groupe
de marabouts noirs, les Oulad Meurfal, qui occupent deux villages
du marigot de Garrack.
assez rapprochés l'un de l'autre sur les bords
Les Oulad Meurfal habitent le pays depuis de nombreuses
années. La mémoire des griots les a toujours connus où ils se trou-
vent. Ils étaient déjà dans le pays lorsque les Trarza vinrent s'y
établir et ils même, au milieu de cette invasion, se maintenir
surent
indépendants. Jamais un roi ni un prince trarza ne put obtenir
c'eux la moindre contribution et ils parvinrent à échapper à toute
action violente.
Au commencement de cette année (1902) à Guirn, près du tom-
beau de Mohamed Menni Ould Cheikh Ould Menni, à proximité
~ 149 —
cVun lac situé à environ 150 kilomètres au N.-K du barrage de
Mafou et à 80 kilomètres des passes du Tagant, il existait encore un
marabout célèbre, Mohamed Mabmoud.
Mohamed Mahmoud, originaire de la tribu des Diedjouba,
groupe des Brackna, était renommé par sa sainteté. La mort l'en-
leva dernièrement et aucun de ses fils ou de ses frères, ni Jaroulaye,
son fils aîné, ni Mohamed Lamine, son frère, ne paraissent avoir
hérité de l'influence que Mohamed Mahmoud possédait sur les tri-
bus brackna et sur les fractions dowich. Il est probable toutefois
que, d'ici peu de temps, un membre de cette famille saura recon-
quérir l'autorité, que les Cheikhs disparus avaient sur les popula-
tions voisines. Le seul qui en ce moment, est le
se distingue,
petit-fils de Mohamed Mahmoud, Moustapha Ould Mohamed El
Mokhtar Ould Aïballah Ould Kadi, qui, âgé de 35 ans, rend la jus-
tice au milieu des Brackna. Il a un certain nombre d'élèves venant
de chez les Dowich, les Brackna et même de chez les Trarza mais ;
il n'a aucune influence sur les tribus guerrières de la région.
En résumé, dans toutes les contrées voisines des territoires que
nous occupons, les grands chefs religieux nous sont acquis et sont
tout disposés à nous prêter le concours de leur prestige et de leur
autorité. Sidi El Kheir, dans leun de nos agents de rensei-
Sahel, est
gnements les plus utiles. Sur les rives du Sénégal Cheikh Sidia est
prêt à nous s-econder de tout son pouvoir. Dans l'intérieur. Cheikh
Saad Bou nous a donné déjà de trop nombreuses preuves de sa sym-
pathie pour que nous ne le considérions pas comme un allié pré-
cieux. S'il existe quelques esprits fanatiques qui nous soient irréduc-
tiblement hostiles, comme Mohamed Yayé, ce marabout remuant
de Oualata dont il a été déjà parlé précédemment et qui a cer-
taines intelligences dans les centres de Goumbou et de Sokolo, ce
ne sont que des hommes de peu d'influence dont l'opposition pour-
rait être facilement combattue*
Tous les marabouts — et il faut entendre ici tous les Maures
tolba seulement —
ont une tendance non seulement à se rappro-
cher de nous, mais à nous demander une protection effective qui
leur devient de jour en jour plus nécessaire, contre les tribus guer-
rières qui les exploitent. Il n'existe pas chez les Tolba d'idée reli-
gieuse opposée à notre œuvre de pénétration. Au contraire, les tri-
bus maraboutiques qui se livrent à l'élevage, au commerce, aux
— 150 —
pratiques de leur culte, ne demandent que la paix, la tranquillité,
la sécurité pour leurs biens et pour leurs personnes.
Aujourd'hui que les populations maures ont sous les yeux dans
les pays occupés et administrés par nous, l'exemple de la liberté
religieuse que nous laissons — peut-être même avec une trop
grande latitude — à nos populations soudanaises et sénégalaises
qui professent mabométisme, elles souliaitent de nous voir
le
intervenir efficacement pour les délivrer du joug que des bandes
pillardes et des princes tyranniques leur imposent.
TRAITES
Conventions. —
Coutumes passées au Sénégal.
Droits perçus au Soudan.
Comme on a pu le voir au cours de ce rapport, nos relations avec
les Maures sont d'ordres différents suivant que nous les rencontrons
au Soudan ou que nous nous trouvons en contact avec eux sur les
bords du Sénégal. Ici nous leur payons annuellement des coutumes;
là-bas ils nous paient des droits réguliers, droits d'entrée ou droit
de pacage, suivant qu'ils importent des produits ou qu'ils amènent
à la recherche de pâturages leurs troupeaux sur nos territoires.
Ces deux situations opposées ont été le fait des événements bien
plus que d'une volonté directrice. Les taxes que nous leur appli-
quons au Soudan, nous les avons trouvées établies par les peuples
que nous y avons vaincus et soumis, et nous avons recueilli à notre
profit les perceptions qu'avant nous les rois du Kaarta prélevaient
sur le commerce et le passage des tribus maures.
Au Sénégal, ainsi que nous l'avons expliqué en étudiant le
premier des grands groupements dont nous avons relaté l'organi-
sation et l'histoire (voir Trarza), le gouvernement avait été amené
à intervenir dans le fleuve pour sauvegarder les intérêts des com-
merçants qui y avaient fondé des comptoirs.
Dans le début, les premiers négociants qui s'y étaient installés
avaient dû passer par les exigences sans frein que tous les chefs
maures, rois, chefs de tribu, chefs de caravane leur imposaient
pendant la durée de la traite. Une menace permanente planait sur
la tête dechaque commerçant qui, pour un refus à un prince ou
à quelque important personnage d'une tribu guerrière, risquait de
— 152 —
voir sa maison mise en interdit et, même, fermer toute l'escale si le
mécontent avait l'autorité nécessaire pour se faire écouter des
caravaniers ou la force suffisante pour s'en faire craindre. René
Caillé rappelle des faits de ce ^enre alors que, cependant, le gou-
vernement intervenait déjà dans les rapports entre Européens et
Maures.
Les premiers traités remontent loin ; l'un passé avec la petite
tribu des Darmancours par le directeur de la compagnie ayant le
privilège exclusif pour la traite de la gomme au Sénégal, le 2 mai
1785, et l'autre signé avec les Brackna, tous les deux sous les
auspices de M. le comte de Repentigny, gouverneur du Sénégal,
le 10 mai de la même année.
Longtemps les traités furent renouvelés sans que de ^andes
modifications fussent aux conventions qu'ils renfer-
apportées
maient et qui étaient toutes platoniques. Avec les Trarza, ces actes
se succèdent assez rapidement. Nous en retrouvons le 30 juin 1819,
le 7 juin 1821, le 17 juillet 1824, le 19 août 1824, le 26 février 1826,
le 25 avril 1829, le 24 août 1831, le l^'' juin 1832, le 30 août 1835,
le 10 août 1853. Il en est de même avec les Brackna. Après celui
de 1785, le gouverneur anglais Maxwell en signe un le 13 juin
^1810, Sclimaltz qui reprit, au nom de la France, possession de la
colonie en 1816, en signe un autre en 1819 et nous en voyons de
nouveaux en 1821, en 1834, 1842 et 1853.
Cette succession d'actes signés et contractés à nouveau sans
cesse et sans relâche, indique lepeu d'importance que les Maures
y attachent. Toujours prêts aux belles promesses et aux plus larges
protestations, la signature d'un traité n'est à leurs yeux qu'une
formalité dont ils se réclament s'il doit en résulter pour eux quelque
avantage, mais dont ils n'ont cure si les conventions arrêtées les
tiennent à quelque obligation.
On ne saurait donc se fier pour l'avenir à de semblables con-
ventions.
Les premières coutumes furent ainsi consenties pour favoriser
les échanges commerciaux sur les rives sénégalaises.
Les chefs possédaient encore toute leur puissance dans les
centres où l'initiative du commerce local avait installé ses comp-
toirs. Ils y étaient censé faire la police et n'y organisaient que
l'exploitation des agents européens et des traitants. La situation
— 153 —
devint telle que le commerce tout entier réclama en 1851 l'inter-
vention effective de l'autorité militaire. C'est peu de temps après
que fut ouverte cette ère des traités passés avec des chefs que nous
connaissions à peine.
Le traité type fut signé à Bakel le l®' novembre 1857 par Faid-
herbe et Bakar, déjà roi des Dowieh. Il y était prévu pour les
cbefs des trois nations maures : a Dowieh, Brackna, Trarza un
»
droit de sortie de 3 0/0 à leur profit sur la valeur des gommes
apportées de la rive droite dans nos postes du fleuve.
Par cette convention, les chefs maures avaient intérêt à empê-
cher leurs sujets d'aller vendre leurs gommes sur d'autres points
que dans nos comptoirs, car ce n'était que dans ceux-ci que le
gouvernement faisait percevoir le droit consenti. Aucun autre droit
ne pouvait être exigé sous aucun prétexte, soit des commerçants,
soit des bateaux, soit des établissements à terre par les chefs maures
qui n'avaient à se mêler en rien de ce que nous faisions dans le
fleuve ou sur la rive gauche.
D'autres traités furent successivement passés soit avec les chefs
des groupements importants, comme les rois des Trarza, des Brackna
et des Dowieh, soit avec de simples chefs d'escale comme les chefs
des Oulad Ely qui commandaient Saldé ou Kaëdi.
Ces conventions nouvelles visèrent des cas particuliers, chez les
Trarza, relatifs au rapatriement des naufragés de la côte Atlan-
tique. Chez les autres, concernant la circulation des caravanes
maures sur la rive gauche et des sujets français sur les territoires
de la rive droite.
Cependant, comme nous l'avons déjà expliqué, des traitants
qui avaient, au cours de leurs opérations, contracté des relations
avec certains chefs et se les étaient attachés par l'importance des
cadeaux qu'ils leur avaient faits avec les ressources de la maison
qu'ils représentaient, rêvaient de s'établir à leur compte personnel.
N'ayant pas les ressources suffisantes pour s'organiser dans les
escales sur le même pied que les redoutables concurrents contre
lesquels ils voulaient lutter, ils réclamèrent la liberté entière du
<;ommerce dans le fleuve, c'est-à-dire le droit pour eux, comme
pour les Maures, de faire des échanges partout où bon leur sem-
blerait. Une pétition rédigée dans ce but fut bientôt couverte de
signatures, la majorité des commerçants européens s'était ralliée
— 154 —
à cette idée, espérant ainsi étendre considérablement leurs opéra-
tions et regardant le régime dit des escales comme une entrave
au développement des relations commerciales.
Le 22 mars 1880, un décret substitua donc le régime de la
liberté du commerce au régime des escales.
Cette substitution amena quelques modifications dans les traités
que nous avions déjà conclus avec les chefs maures.
Déjà, depuis l'année précédente qu'un certain relâchement
s'était produit dans la stricte observation des règlements qui limi-
taient aux Dagana, Podor, Saldé, Matam et Bakel
escales seules de
le droit de commercer dans le fleuve, de nouveaux traités avaient
été signés en avril et en mai avec les Trarza et les Brackna.
Le droit de 3 0/0 que l'on payait aux chefs maures sur la
valeur des gommes apportées, avait été remplacé par une indem-
nité fixe qui devait être payée par quarts aux rois des Trarza et des
Brackna, le l^"" mars, le l^'" avril, le mai et le V^ juin de chaque
1"'''
année.
Une convention du 22 mai 1880 fixa la quotité de ces indem-
nités annuelles à 1,200 pièces de guinée pour chacun de ces rois.
Toutefois sur celle revenant au roi des Trarza, 200 pièces étaient
distraites pour être comptées à Chems, chef de la tribu des Dar-
mancours.
En 1881, nos troupes ayant défait, à N'Dourbadian, Abdoul-
Boubakar, chef du Bosséa, qui avait voulu s'opposer à la construc-
tion de la ligne télégraphique et qui avait été soutenu dans cette
circonstance par les Oulad Ely, le gouverneur du Sénégal exigea
de ces derniers la signature d'un traité. Mohamed Ould Eyba, chef
des Oulad Ely, aux termes de cette convention, s'engageait à refuser
asile aux gens du Bosséa qui lutteraient contre nous, à protéger
les caravanes qui amèneraient de la gomme ou tous autres produits
dans les escales du fleuve et à porter aide et secours aux convois
circulant entre Saldé et Matam. Par contre, nous lui accordions
une coutume annuelle de 400 pièces de guinée filature.
Ces quatre principaux actes servirent de bases aux nouveaux
traitésactuellement en vigueur et qui portent à plus de 37,000 fr.
l'ensemble des indemnités annuelles que nous payons aux chefs des
tribus maures voisines du Sénégal.
— 155 —
Yoici le détail des coutumes payées par nous chaque année :
Alimet Saloum, émir des Trarza, reçoit (1,66G piè-
ces de guinée), traité du 8 octobre i891 9,996 francs.
Chems, clief de la tribu des Darmancours (334 piè-
ces de guinée), même traité 2,004
Ould Aida, émir de l'Adrar (800 pièces de guinée à
6 fr.), traité du 8 août 1892 et dépêche ministé-
rielle du 19 août 1899 4,800
(Le traité allouait à l'émir de l'Adrar une indem-
nité de 500 pièces de guinée qui a été augmentée
de 300 par le gouverneur général, avec autorisation
du ministère.)
Ahmédou, roi des Brackna (1,000 pièces de guinée),
traité du 12 décembre 1891 6,000
Bakar Ould Soueïdi Ahmet, chef des Dowich-Aba-
kak (1,000 pièces de guinée à 6 fr. 2B), traité du
26 janvier 1896 6,250
Ould Mokhtar, chef des Dowich Chrattit (500 pièces
de guinée à 6 fr. 25), traité du 21 mars 1894 3,125
Ould Raçoul, prince des Chrattit (300 pièces de
guinée à 6 fr. 25), même traité 1,875
Imhametould Filali, chef des Oulad Ely et de l'Es-
cale de Kaédi (500 pièces de guinée à 6 fr. 25),
traité du 19 janvier 1894 3,125
Total 37,175 francs.
L'esprit de ces divers traités est le même et la teneur en est à
peu près semblable.
Le gouvernement français y reconnaît le roi existant, s'engage à
laisser chaque peuple choisir librement son chef à la mort de l'émir
régnant, mais aussi à ne pas reconnaître le nouveau roi s'il a assas-
siné ou fait assassiner son prédécesseur ou l'héritier présomptif.
Le chef place les Maures de son pays, leurs biens et leurs ter-
rains de parcours sous le protectorat de la France. Des dispositions
règlent les conditions dans lesquelles l'intervention du gouverneur
du Sénégal doit se produire en cas de guerre entre les Maures pro-
tégés et les autres pays soumis à notre protectorat et dans quelles
— 156 —
circonstances nous pourrons faire soutenir nos alliés par des con-
tingents indigènes, s'ils étaient attaqués par des pays non soumis à
notre protection.
Nous y prenons l'engagement de ne rien changer à leurs mœurs
et coutumes, de ne jamais intervenir dans leurs affaires intérieures,
de laisser les sujets des chefs contractants jouir en territoire fran-
çais de tous les avantages de juridiction accordés aux musulmans
sujets français et nous abandonnons le règlement des différends
civils et commerciaux à la juridiction des pays où se seront pro-
duits les faits disputables, faisant des réserves pour les seuls faits
de traite et pour les crimes et délits commis par des sujets fran-
çais qui devront toujours revenir devant la loi française.
Les questions de circulation des caravanes maures en territoire
français et des sujets français en pays maure y sont traitées pour
y assurer la liberté du commerce en même temps que la sécurité des
personnes.
En y est prévu qu'aucun Européen ou assimilé, aucun
outre, il
sujet ou protégé français ne pourra obtenir de concession minière,
industrielle ou de cbemin de fer sans l'autorisation du gouverne-
ment français et que le roi maure ne pourra créer aucun monopole
pour le commerce d'aucun produit.
Enfin dans les traités postérieurs à 1892, il est spécifié que les
cbefs réprimeront tous les vols ou actes de pillage commis par les
tribus soumises à leur autoritéaux dépens des habitants de la rive
gauche ou de tout autre sujet ou protégé français que le butin ;
enlevé sera rendu aux victimes et qu'au cas oii des faits de' cette
nature se renouvelleraient trop souvent, tout ou partie de la cou-
tume accordée par ces traités pourrait être retenue en garantie du
paiement de la juste indemnité à payer aux personnes lésées.
De plus, pour les Trarza et les Brackna, les chefs de ces deux
peuples sont autorisés à percevoir sur les terrains cultivés par les
indigènes de la rive gauche, dans la région inondée de la rive droite
du fleuve, un assaka qui ne s'élèvera qu'aux trois quarts de l'assaka
habituel, l'autre quart étant réservé au chef du pays auquel appar-
tiennent les cultivateurs.
De toutes ces dispositions il n'y en a guère que deux qui soient
régulièrement observées, ce sont celles dont l'exécution nous
regarde : celle par laquelle nous payons scrupuleusement aux chefs
— 157 —
maures coutume consentie par nos traités et celle qui oblige nos
la
populations noires au paiement de l'assaka lorsqu'elles cultivent
sur la rive droite.. Quant à la sécurité que les chefs doivent assurer
aux caravanes sur leurs territoires de parcours, elle n'a jamais
existé un moment. La plupart des chefs participent même, sinon
directement du moins en sous-main, au pillage des marabouts ou
zenaga qui viennent comm-ercer dans nos escales, et ils feignent ou
d'ignorer les faits qu'on leur signale ou d'être impuissants à les
réprimer.
En payant à ces chefs les coutumes que nous leur avons trop
généreusement octroyées, nous jouons un rôle de dupes qui ne sert
ni les intérêts du commerce ni nos intérêts politiques.
Le que nous avons passé le 8 août 1892 avec l'émir de
traité
l'Adrar 'est purement politique.
La France et l'Adrar déclarent réciproquement vouloir vivre en
grande amitié. Nous nous engageons à ne pas intervenir dans les
affaires intérieures de l'Adrar, mais à aider le roi de toute notre
influence contre les attaques de ses ennemis et celui-ci s'engage à
ne passer aucun traité avec d'autres puissances et à ne donner dans
ses Etats aucun monopole sans l'approbation du gouverneur du
Sénégal.
Le gouvernement français, en outre, s'engage à faire respecter
les caravanes venant de l'Adrar au Sénégal et dans le cas d'attaque
ou de pillage par des Maures soumis à son influence, à faire rendre
justice aux propriétaires.
Une coutume annuelle de 500 pièces de guinée portée depuis,
par autorisation ministérielle à 800, a été accordée au roi de
l'Adrar.
Tels sont, à ce jour, les traités en vigueur passés avec les Maures
voisins du Sénégal.
Au Soudan, comme il a été dit, la situation est tout autre. Nous
avons trouvé là-bas des droits établis que nous avons maintenus et
que nous continuons à percevoir, l'oussourou et le droit de pacage.
L'oussourou est un droit de 1/10 perçu sur toutes les marchan-
dises importées dans le pays par les caravanes. Dans le Sahel, la
gomme et les guinées françaises en sont seules exemptées.
Lorsque nous nous sommes emparés de Nioro, ce droit était pré-
levé par les soins d'un percepteur dont les sous-agents remettaient
— 158 —
à chaque chef de caravane qu'ils rencontraient un reçu avec lequel
celui-ci pouvait ensuite librement circuler dans le pays. Nous avons
conservé ce droit en en régularisant ii perception. Il est réglementé
par instructions locales du 15 mai 1897.
Des postes de perception sont établis au chef-lieu dans le cercle
de Kayes à Yélimané et à Yoro, dans le cercle de Nioro à Kas-
; ;
sakaré et à Goumbou, dans le cercle de Goumbou à Boudjiguiri, ;
à Sokholo 'et à Nampala dans le cercle de Sokolo.
Il est délivré aux caravaniers un laissez-passer extrait d'un
livre à souche et portant le numéro d'ordre, la date, le nom du cara-
vanier, le lieu de sa provenance, le lieu de destination, de vente, la
quantité de marchandises importées et la composition en hommes
et animaux porteurs de la caravane.
Lorsqu'une caravane en deux ou plusieurs fractions,
se divise
les chefs des postes de perception délivrent à chaque groupe un
laissez-passer particulier en échange d'un laissez-passer collectif.
Des mesures d'ordre sont prises pour assurer le contrôle de la per-
ception et le mouvement des caravanes.
Le droit de pacage est un droit payé par les Maures, qui, de
décembre à juin, amènent leurs troupeaux de bœufs et de moutons,
amsi que les ânes, chevaux et chameaux qu'ils n'utilisent pas pour
le commerce, paître dans les pâturages du Sahel.
De ce chef il est perçu un droit de 1/40 sur les moutons, 1/60 sur
les bœufsi, les ânes et les chevaux, et de 1/100 sur les chameaux.
Ces dernières mesures sont appliquées avec beaucoup de modé-
ration 'et aux seuls animaux venant réellement pâturer pendant
deux ou trois mois au moins dans nos territoires et non aux ani-
maux pâturant pendant quelques jours et qu'on laisse se reposer
des longues marches faites récemment avant de reprendre les
charges du commerce»
Les droits sur les ânes, chevaux, clameaux sont payés en argent,
en guinée ou en moutons.
Un âne est estimé 60 francs, un cheval 200 francs, un chameau
80 francs, un bœuf 50 francs et un mouton de 4 à 6 francs, suivant
la région.
La production de ces droits d'ouseourou ou de pacage a donné
pendant les années 1897, 1898 et 1899 pour lesquelles nous avons pu
nous procurer des renseignements certains, dans les quatre cercles
— 159 —
du Saliel qui se trouvent en contact avec les Maures, les remar
quables résultats suivants :
CERCLES. OUSSOUROU. PACAGE. TOTAL.
( 1897 3.311 » 3.311
Kayes. < 1898 3.360 » 3. SCO
( 1899 3.893 » 3.893
i 1897 44.175,40 34.175,11 78.350,51
Nioro . ) 1898 42.714,40 25.268,42 67.98-2,82
f 1899 104.488,04 33.577,42 133.065,46
( 1897 77.827 10.1 j3 87.970
Goumbou . ^ 1898 38.678 8.325 47.003
(1899 77.228 39.994 117.222
l 1897 21.984,25 9.571,51 31.555
Sokolo. < 1898 18.539,62 6.432,57 24.992
( 1899 31.708,14 8.42J 40.128
Ces chiffres très significatifs signalent, bien plus que tout déve-
loppement, la fausseté de notre situation vis-à-vis des maures cliefs
à qui nous payons au Sénégal une coutume annuelle qui même au
point de vue moral, ne peut nous être que nuisible dans l'esprit de
ces hommes qui n'ont jamais tenu aucun des engagements qu'ils
ont pris avec nous et n'en réclament pas moins l'indemnité pro-
mise.
Mais ces droits mêmes, perçus au Soudan, ont une tendance à se
transformer en droits fixes. Beaucoup de Maures sédentaires subis-
sent le régime g'énéral du droit de capitation qui frappe les
autres indigènes. Depuis le V^ octobre 1901, les Oulad M'Barck,
en i-emplacement
sédentaires, établis dans le cercle de Nioro, paient
du droit de pacage, un impôt fixe de 1,400 moutons et 1,400 francs
en argent et les marabouts des Oulad Nacer ont transformé ce
même droit de pacage en un droit fixe de 400 moutons et 250 francs
en argent, ce qui les amènera peu à peu à acquitter l'impôt en
argent comme le paient nos sujets indigènes.
De plus, dans ce même cercle de Nioro, un millier de Maures
provenant de toutes les tribus extérieures, sont venus se fixer dans
les villagesindigènes et paient sans difficulté l'impôt de capitation
avec les habitants de ces villages.
Ce cae n'est d'ailleurs pas spécial au cercle de Nioro. Le cercle
— 160 —
de Kayefs compte de nombreux Maures, des Asker, des Khouizi ou
autres Oulad M'Bark, inscrits sur les rôles de recensement avec les
indigènes du cercle.
Dans le cercle de Goumbou 3,360 Maures sédentaires, des
diverses tribus maraboutiques des régions voisines, sont inscrits sur
les rôles de recensement et paient l'impôt normalement. Ils appar-
tiennent aux Talib Mokhtar, Oulad Mahmoud, Nimady, etc..
Ce mouvement s'accentue de jour en jour il s'accroît non sur
;
un point, mais dans tous les pays oii nous nou3 trouvons en contact
avec les tribus maraboutiques qui peuvent échapper à l'autorité, à
la tyrannique pression des bandes guerrières qui les pressurent et il
grandira encore le jour où la situation sera la même pour tous les
Maures aussi bien au Sénégal qu'au Soudan.
Si l'on compare les évaluations approximatives de la population
des tribus avec lesquelles nous nous trouvons en rapport, nous
voyons que, dans toute la région soumise aux traités, les Trarza,
Brackna, Oulad Ely et Dowich représentent environ une masse de
170,000 qui nous coûtent par an 38,000 francs de coutumes.
De l'autre côté du Guidimaka, les El Sidi Mahmoud, Oulad
M'Bark, Oulad Nacer, Kounta, Mechdouf et Oulad Daoud peuvent
être évalués à 150,000 âmes et ils rapportent plus de 300,000 francs.
RÉSUMÉ — CONCLUSIONS
L'étude rapide et forcément encore incomplète que nous venons
de tracer de toutes les tribus maures qui forment des groupes poli-
tiques nous montre le défaut de cohésion de ces masses tlottantes,
dominées par des poignées de guerriers violents et rapaces. Quel-
ques centaines de pillards suffisent pour terroriser et opprimer des
milliers d'individus qui n'aspirent qu'à la tranquillité du pays et
à la sécurité des routes.
L'ensemble des tribus maraboutiques et zénaga qui se livrent à
l'élevage et au ^commerce, souhaiterait une intervention éner-
gique qui les protégeât contre leurs insatiables oppresseurs. Elles
ne peuvent guère la solliciter ouvertement sans s'exposer à dej
représailles pénibles. Nous en avons vu des exemples. T^orsque les
El Keneïkat vinrent, en 1898, nous demander à s'établir chez
nous et que nous repoussâmes leur requête en exigeant la soumis-
sion complète des Oulad Daoud dont ils faisaient partie, ceux-ci,
sur les ordres de leurs chefs, les razzièrent et les maltraitèrent à
leur retour dans leurs campements. Lorsqu'en 1901 les Idao Ali,
les Deiboussat, les Tadjakant et les Messouma, placés sous l'auto-
rité desDowich, envoyèrent un messager à Bakel nous offrir de se
placer sous notre protection et de nous payer l'impôt, cet envoyé,
Mohamed Ahmet, fut à son retour dans le Tagant, attaqué, dé-
pouillé de ses biens et battu. Il dut prendre la fuite et renoncer
à retourner à Tijikjé où étaient ses plantations de dattiers.
L'aidministrateur de Sokolo, M. Relhié, signale dans ses rap-
ports le désir secret des habitants de Oualata qui voudraient notre
présence dans leur ville d'oii ils ne peuvent sortir qu'armés et
escortés et où le chef des Mechdouf les accable de ses exigences.
L'idée d'entente est telle que, cette année même, le chérif de
Oualata vient d'envoyer un de ses fils à Sokolo pour suivre les
LES MAURES 11
9-
— 16^2 —
cours de l'école et que l'oncle de Cheikh Sidia manifeste l'intention
de placer un de ses enfants sous la direction de l'instituteur de
Dagana». Cheikh Sidi El Kheir, à Goumbou, dans le Soudan, Cheikh
Sidia, dans le pays trarza, tiennent les mêmes propos sur l'esprit
des populations. Que ce soit sur les bords de l'Atlantique ou aux
confins lointains du Sahel, l'aspiration des foules maures travail-
leuses est la même. Le poids, des exactions quotidiennes, des
charges imprévues, des vexations constantes, des craintes inces-
santes de pillage est devenu si lourd aux tolba commerçants, aux
caravaniers incertains du lendemain et de l'attaque soudaine qui
les menaœ, que tous, au fond d'eux-mêmes, appellent la protection
d'une force puissante, organisée, qui les défende.
Ils vivent — et sont las de vivre ainsi — dans la terreur de
l'aventure, de la surprise, de l'insécurité, dans l'attente d'une
exploitation, d'un vol, d'un attentat constamment menaçant et dont
l'imminence les absorbe. Les bruits les plus terrifiants et souvent
les plus justifiés les troublent dans leurs voyages. Cette année,
c'était au mois de juin dernier, le désastre de la grande caravane
formée des tribus Mechdouf, Lakhlal et Kounta qui se rend annuel-
lement aux Sebkha de l'Adrar. Cette troupe avait réuni 2,000 cha-
meaux et s'était placée sous l'escorte de 800 guerriers.
L'émir de l'Adrar avait fait payer à la caravane comme droit
de passage 700 pièces de guinée, puis les caravaniers avaient chargé
leurs chameaux à Idjil en payant aux Akhazzir tributaires des —
Kounta qui taillent les barres de sel —
une pièce de guinée pour
20 barres. L'escorte marchait ainsi d'après un prix convenu, dé-
battu à l'avance.
Jusque près de Tichitt, la route se serait accomplie sans
entraves. C'était là que la caravane devait se disloquer pour prendre
dans le Soudan des directions différentes. Mais près d'arriver dans
cette ville, l'escorte qui marchait en avant se heurta à des frac-
tions d'El Soueïd, de Rajane et d'Oulad Nacer formant un groupe
de 5 à 600 guerriers, installés sous les murs mêmes de Tichitt pour
y attendre la caravane. On parlementa. Après de longs pourparlers,
la caravane consentit à payer un droit de 100 pièces de guinée
pour ne pas combattre. Rajane, El Soueïd et Nacer acceptent, tou-
chent les pièces de guinée, puis se ravisant après la dislocation,
tombent sur les diverses fractions de la caravane, enlèvent 80 cha-
meaux chargés et tuent plusieurs hommes.
— 163 —
Le fait fut-il confirmé ? Il n'importe. La nouvelle en courut
dans tout au commencement de l'hivernage dernier comme
le désert
une chose possible, coutumière, naturelle qui donne une idée de la
vie de ces hommes que le commerce ou l'élevage intéresse et qui
trouvent tous les jours sur leur route le guet-apens, l'extorsion, le
vol et l'assassinat.
Faut-il donc s'étonner qu'ils rêvent une délivrance, quand ils
ont sous leurs yeux, dans les centres où leur trafic les appelle, la
tranquillité de nos populations indigènes qui, libires, indépen-
dantes, protégées dans leurs croyances, dans leurs usages, dans
leurs coutumes, peuvent, sans avoir à redouter la ruine, se livrer
à tous leurs travaux habituels et, sous la sauvegarde de notre auto-
rité, vivre, cultiver, négocier et s'accroître dans la paix et la
sécurité ?
La grande masse des tribus maures attend que nous prenions
une décision que tous s'étonnent de ne point nous voir prendre.
La situation de chacun de ces chefs, autour desquels rayonnent
les appétits et les brutalités des pires voleurs, n'est rien moins que
stable. Il n'en est pas un qui, près de lui, ne sente s'élever une
ambition rival© qu'un coup de fusil rendrait peut-être triomphante.
Chez les Trarza, le chef reconnu et soutenu par nous, mais
impopulaire, comme le serait dans un an son successeur, s'il res-
tait aussi livré à lui-même, a vu depuis quelque temps s'élever
contre lui la compétition de Sidi, fils de Alohamed Fall, arcien roi
trarza assassiné. La majorité des forces trarza agissantes s'est
rangée sous les ordres de Sidi qui, tout en évitant d'entrer en con-
tact avec nos troupes, cherche à écraser son adversaire. Les cir-
constances ont mis Sidi dans une situation telle que nous ne pou-
vons le considérer que comme un rebelle et il suffit que nous inter-
venions matériellement pour faire pencher la balance en faveur
d'Ahmet Saloum dont le sort est tout entier dans nos mains.
I^otre établissement d'une façon durable au milieu d'eux met-
trait un terme à ces luttes intestines. Elles se continueraient peut-
être encore dans l'intérieur, au loin, entre partis dissidents ; mais
elles s'épuiseraient vite et les fractions guerrières ne tarderaient
guère à se désagréger et à disparaître comme ont disparu en
quelques années les tiédos du Cayor et du Sine, le jour oii nous
avons voulu où nous avons pris en maîtres possession
la conquête,
du pays et où nous y avons choisi et soutenu les chefs.
— 164 —
Chez les Brackna, le roi ondoyant et fuyant a de lui-même dimi-
nué sa puissance par son attitude contre Cheikh Sidia. Participant
à tous les brigandages —
sinon lui-même, du moins par ses gens —
se dérobant à toutes les revendications, il a, pour soutenir les
bandes pillardes des Diedjouba, marabouts guerriers qui forment
le gros de ses forces, vu la grande tribu des Oulad Béiri passer sur
le territoire des Trarza.
Contre lui des haines vivaces n'attendent qu'une occasion pour
se grouper.
Les Oulad Nokhmakh ayant à leur tête le jeune Bakar Ould
Ahmeïda, héritier de la branche aînée des Brackna, souhaitent
la perte d'Ahmédou. Les Oulad Ahmet, branche bâtarde, sont prêts
à se joindre aux Nokhmakh si nous leur conseillons de s'entendre
Les Kounta Moutarambrine apporteraient leur faible, mais fidèle
concours.
Il convient d'ajouter à ces ennemis naturels d'Ahmedou la
population indigène turbulente et batailleuse du canton des Aley-
bés,ennemis éternels des Brackna. Ceux-là ne restent calmes, mal-
gré les déprédations et les vols dont ils ont toujours été victimes,
que par l'autorité que nous exerçons sur eux et qui les maintient.
Partout dans ces grands groupements les divisions s'affirment
et se multiplient.
Chez Dowich, deux rois, deux partis, deux peuples
les les :
Abakak avec un vieux chef centenaire, fantôme d'une puissance
qui s'écroule ; les Chrattit avec un chef âgé sentant déjà autour
de lui naître des dissentiments familiaux. Chez les premiers, 29 fils
déjà partagés : Ousman gouvernant au nom du père qui s'éteint,
soutenu par son frère Amar, tous deux fils de la même femme
ayant contre eux leurs frères consanguins prêts à leur reprocher
l'assassinat de Souleyman, autre fils de Bakar, exilé autrefois et
tué par l'un d'eux dans l'Adrar. Chez les seconds la discorde s'éle-
vant dans la famille entre les Et au-dessus
Ely et les Bousseïf.
d'eux au nord, les Kounta d'Ould El Hamid chassés du Tagant
par les Abakak et n'attendant qu'une occasion, qu'un moment de
trouble pour prendre une revanche éclatante et leur ancienne
place dans le pays.
Dans le Sahel, mêmes races, mêmes mœurs, mêmes luttes,
mêmes scissions.
Les El Sidi Mahmoud, toujours en guerre contre les Kounta,
— IGo --
leurs perpétuels adversaires, sont diyisés encore dans lear organi-
sation intérieure. Le frère cadet, vSidi Mohamed, a réuni autour
de lui la grande et belliqueuse tribu des Souaker pour combattre et
supplanter le chef général Sidi El Mokhtar. L'un et l'autre, à la
foisou successivement, réclament notre arbitrage ou notre appui.
Aujourd'hui Sidi Mohamed s'est réfugié près du chef des Mech-
douf ; mais les Mechdouf eux-mêmes ont leurs divisions. ITne de
leurs plus grandes fractions, les Hammounat, qui compte près de
comman-
15,000 individus dont 1,600 guerriers ne vivent sous le
dement de Mohamdoul Mokhtar que nominalement. Deux chefs
les dirigent effectivement ; l'un pendant les jours de tranquillité,
l'autre aux moments plus graves de la guerre.
Les Oulad M'Bark s'effritent et se dispersent. Les uns, comme
les El Khouizi et les Asker, songent à la sédentarité ; les Oulad
Mahmoud, plus nombreux, sont entre eux en dissensions conti-
nuelles : les Tiki et les Dzeifarik se pillent réciproquement.
Plus au nord, les ISTacer partagés et ennemis manquent de direc-
tion uniforme. Les uns vivent chez les Mechdouf qu'Amar Ould
Labib, chef des Nacer, cherche à désunir en soutenant les Ham-
mounat dissidents ; les autres, autour de leur chef, préparent avec
quelques tribus kounta, leur rentrée dans le Tagant d'où les Do-
wich les ont chassés.
Partout le désordre, les rivalités, les divisions, nulle part l'en-
tente, l'alliance, la cohésion possible.
Peut-on admettre, dans ces conditions, qu'une idée, qu'un mot
d'ordre, qu'un accord politique parviendrait à faire taire les inté-
rêts personnels ou les convoitises bruyantes de chacun de ces chefs
pour les grouper contre nous dans un acte d'ensemble ou dans un
même eft'ort de résistance ? Ce n'est logiquement pas soutenable
quand on connaît les aspirations secrètes de l'énorme majorité des
tribus maraboutiques, de tous ces travailleurs, ces commerçants
qui vivent sous la permanente menace du pillage et de la ruine,
sous les charges écrasantes, multiples, arbitraires que leur impo-
sent le banditisme des guerriers, la rapacité insatiable des princes.
Dira-t-on que le fanatisme religieux pourrait faire contre nous
ce qu'une entente politique entre les chefs maures ne saurait pro-
duire ?
Ce serait moins admissible encore.
Il faut se défier des généralisations. Il est toujours simple.
— 166 —
facile et peu pénible d'assimiler rapidement dans un travail global
des choses tangentielles, mais cependant étrangères. C'est le cas à
éviter. La question religieuse n'existe pas chez les Maures en tant
qu'élément politique. Elle n'est qu'un état éthologique et social
qu'il faut respecter comme nous le respectons cbez nos populations
indigènes. Le fanatisme islamique a pu être exploité par certains
chefs, surtout dans la région septentrionale de l'Adrar ; il ne s'est
jamais manifesté dans l'ensemble des tribus occidentales du désert.
Nous avons montré plus haut que ce bloc de nomades est resté impé-
nétrable à toutes les agitations religieuses soulevées par des fana-
tiques ambitieux depuis plus de cinquante ans en Afrique. La
foule immense des tolba, des croyants est justement celle qui n'ose
nous crier à l'aide, mais qui nous fait connaître ses désirs et qui
nous attend. Les grands chefs religieux sont nos premiers auxi-
liaires, impuissants encore eux-mêmes contre bien des tribus guer-
rières qui — suivant l'expression de Sidi Ahmet Labbid, un chef
fameux des Oulad Nacer — n'auraient plus, en acceptant la pro-
tection des Français, les belles occasions de piller et de faire ainsi
rapidement fortune.
Nous trouvons donc devant nous, d'une part, une population de
plus de 300,000 âmes de musulmans, tous travailleurs, éleveurs ou
commerçants, mais asservis, exploités, volés sans cesse par quelques
tribus de guerriers rapaces et cruels. Ceux-là souhaitent notre
arrivée et, malgré les dangers qu'ils couraient à le faire, beaucoup
ont demandé notre secours. De l'autre côté, nous voyons, non
alliés, mais au contraire rivaux, quelques milliers de bandits divisés,
répandus en désordre sur un territoire immen&e, jaloux les uns des
autres, ennemis entre eux, incapables d'une entente et d'une cohé-
sion durables, sans chef imposant pour les réunir, sans tête pour
les diriger. Ceux-ci nous redoutent il suffit que nous manifestions
:
notre volonté formelle, indiscutable, évidente aux yeux de tous de
pénétrer et de nous établir sur les territoires de la rive droite du
Sénégal pour que viennent à nous les populations pacifiques et pour
que se retirent, se dispersent et finalement disparaissent les bandes
guerrières qui depuis si longtemps oppriment, exploitent et terro-
risent ce pays
Vis-à-vis de ces groupes turbulents et perturbateurs toute poli-
tique de concessions, de tergiversations ou de clémence est consi-
dérée par eux comme un acte de faiblesse ou d'impuissance. Elle
— 167 —
nuit à notre prestige et à notre autorité. Ces barbares n'ont que le
respect de la force. Un exemple reste présent dans toutes les
mémoires au Soudan. Lorsqu'en juillet 1899 un pardon général fut
accordé à toutes les tribus du désert, l'effet de l'avis de tous les —
fonctionnaires qui étaient en service dans le Sahel et avaient, par
leur contact avec les Maures, une expérience et une compétence
incontestées — l'effet fut absolument malheureux.
Il suffira, pour s'en rendre compte, de relire ce passage d'un
rapport de M. Adam, administrateur à x^ioro et plus tard à Kayes,
très éclairé sur cette question :
« Comme bien on pense cet acte de générosité de notre patt
reçut une approbation générale.
<c Mais venait-il à son heure? Un résumé rapide de la situation
nous permettra peut-être de répondre :
« En ce moment, juillet 1899, Mohamdoul Mokhtar, ayant satis-
fait à toutes nos conditions, a repris ses relations avec nous et nous
prodigue de nombreuses marques de son amitié.
« Les Allouch (Oulad Daoud), abandonnant leur chef Sidi Ould
Henou, sont à la veille de se grouper dans notre territoire, heure
opportune pour traiter définitivement avec eux et supprimer
Henou, être fourbe, hypocrite, notre ennemi irréductible.
« Quant aux El Sidi Mahmoud, l'attitude de leur chef Sidi El
Mokhtar, nous est favorable ; Sidi Mohamed seul se voit le terri-
toire interdit.
« A qui donc a profité l'aman accordé?
« 1° Aux Nacer d'Amada qui, quoique vivant avec les Mech-
douf, n'ont pas suivi le bon exemple que ceux-ci ont donné et sont
encore nos débiteurs ;
« 2° A Sidi Ould Hénou, notre ennemi quand même qui reprend
son autorité première ;
« 3° A Sidi Mohamed que l'on exempte ainsi de la restitution
des biens volés.
ff Quant à Mohamdoul Mokhtar et à Sidi El Mokhtar, les seuls
chefs importants dont les relations avec nous sont empreintes de
franchis-e et de cordialité, ne retirent rien de ce pardon général.
ils
C'est à nos ennemis, aux bandits du désert que va tout le bénéfice
de cet acte de clémence et non de politique. Et qui sait s'il ne s'est
pas glissé dans l'âme du commandant des Mechdouf une lueur de
regret d'avoir eu la loyauté de payer les amendes infligées ; s'il eut
— 168 —
attendu, eut fait liypocritement traîner les choses en longueur
s'il
comme Sidi Ould Henou, on lui eut quand même pardonné.
« xs'ous sommes donc en droit de nous demander si c'était bien
l'heure favorable de donner au Sahel cette preuve éclatante de
notre générosité — et d'en douter. »
Ainsi s'exprimait officiellement le l'"" juillet 1900 — un an après
l'aman général, — l'administrateur de IS'ioro.
^^ous ne saurions donc trop k répéter : nous serons dans le pays
maure ce que nous voudrons être, à la condition de le bien vouloir
et bien affirmer notre volonté.
Pour nous résumer nous dirons : l'occupation de la rive droite
du Sénégal et la pénétration lente mais ferme dans l'arrière Sabel
paraissent devenues des nécessités politiques.
Elles peuvent être résolues l'une et l'autre sans de grandes diffi-
cultés. De nombreuses tribus commerçantes attendent notre inter-
vention e'ffective pour se placer sous notre protection.
Cette protection ne pourra s'affirmer efficace que par notre
installation définitive sur une assez grande étendue de territoire
où les tribus soumises viendront s'établir et se mettre à l'abri des
attaques et des exigences des tribus guerrières.
Dans le Soudan, l'occupation, dans un délai plus ou moins pro-
chain, des centres de Néma et de Oualata, semble naturelle.
Du côté du Sénégal, trois postes militaires commandés par un
officier-résident paraissent indiqués.
L'un au mont Sah'ra au N.-O. du Guidimaka, à 80 kilomètres
de Bakel, au-dessus de l'ancien poste de Sélibaby supprimé en 1897.
Ce nouveau poste commanderait les routes du Tagant dans la
région où se croi&ent les caravanes allant au Soudan et celles se
rendant à Bakel. En toutes saisons sur ce point, l'eau jaillit abon-
dante des rochers.
On aurait ainsi la main sur les El Sidi Mahmoud.
Le second poste dépendant de Podor, un peu au N. du lac Aleg,
à 70 kilomètres du fleuve et de Mafou — premier barrage du Séné-
gal — à l'ouverture de la grande vallée de l'Ouad, région fertile et
route naturelle du ïagant.
Ce point commanderait tout le pays brackna et ferait face aux
Dowich.
Le troisième poste plus difficile à déterminer, semble cependant
— 1(59 —
indiqué au nord du lac Cayar, à Souet El Ma, croisement des routes
des caravanes, à 50 kilomètres de Dagana.
Il dominerait les Trarza.
Chacun de ces postes serait tenu par 40 ou 50 spahis et quelques
tirailleurs.
démontré dans le Sahel qu'un raid rapide à la poursuite
Il a été
des pillards, suffisait pour mettre à la raison des tribus entières ;
c'est ainsi que se soumirent les Meclidouf en 1898, après la colonne
volante qui poussa une pointe jusqu'à Nema et qu'en février 1896
lesNacer de Bakar étaient déjà venus demander la paix après qu'un
peloton de spaliis, en une course de quarante-huit heures et une
marche de nuit, avait surpris leur camp et razzié 10,000 moutons et
plus de 1,000 chameaux.
Des contingents indigènes, sous le commandement de chefs éner-
giques, pourraient, sans trop de frais, assurer la sécurité des nou-
velles frontières, — ou une milice bien encadrée, remplacer sur les
nouveaux territoires les gardes frontières qui fonctionnent au Sou-
dan.
Une longue bande territoriale de 70 à 80 kilomètres de largeur
serait réservée au-dessus du fleuve permettant ainsi aux tribus
pacifiques de se réfugier chez nous, d'y trouver des terrains de par-
cours et des pâturages pour leurs troupeaux et d'échapper aux con-
tributions écrasantes des guerriers.
Il y aura lieu d'étudier, une fois établis, s'il serait préférable
d'appliquer des droits d'oussourou et de pacage tels qu'ils sont per-
çus au Soudan ou de s'arrêter à tout autre mode d'impôt. Les avis
sont partagés. C'est lorsqu'on se trouvera au milieu des populations
maures qu'il sera possible de se prononcer, le principe d'une taxe
étant admis.
Par cela même
tomberont les coutumes payées aux chefs maures,
comme le demandaient déjà en 1854 les instructions ministérielles.
L'Adrar seul devrait être excepté. C'est un pays fertile et avec
lequel nous devons essayer d'entrer en relations suivies.
Peut-être conviendrait-il à ce sujet de chercher sur la côte un
point oii nous puissions nous établir et nous mettre plus en rela-
tions avec les populations de l'intérieur.
Deux points sont à étudier : Agadir dans la baie d'Arguin, en
face de l'ancien poste portugais et plus bas Djeïl ou Portendick où
passeraient toutes les caravanes de l'Adrar.
— 170 —
Dans l'un ou l'autre de ces postes, le résident, représentant
officieldu gouvernement, devrait être doublé d'un agent de rensei-
gnements, blanc ou noir, qui tiendrait une opération commerciale
et serait notre intermédiaire auprès des agents secrets que nous
entretiendrions dans le pays.
Ainsi nous arriverions à la pénétration lente et pacifique de ces
régions, nous faciliterions les communications intérieures, nous
aiderions au développement du commerce dont se multiplieraient
les opérations dans le calme et la sécurité et nous verrions grandir
rapidement dans toute cette zone nouvelle l'influence et la puis-
sance de notre Patrie.
Novembre 1902.
TABLE DES MATIÈRES
Lettre-Préface iv
Généralités l
Vie, mœurs et coutumes des Maures 5
Tribus Sénégaliennes.
Tarza 16
Oulad Abdallah : Brakna ;
— Brakna Indépendants : Nokhmak,
Oulad Ahmed, Oulad Ely 55
Dowich : Abakak, Chrattit 76
Tribus Sahéliennes.
El Sidi Mahmoud 90
Oulad Bark : Grachouch, Oulad Mahmoud, El Khouizi 98
Oulad Nacer 102
Kounta 107
Mechdouf : Hammounat, Talib Mokhtar 113
Oulad Daoud : Allouch, Oulad Zeid 123
— 172 —
Adrar-Saguiet-el-Hamra.
Yahia ben Othman : Oulad Bou Sba 127
Tribus indépendantes : Ouîad Delim, Regueibat, Tajakante. . . 13G
Religion : chefs religieux 140
Traités : conventions et coutumes 151
Résumé. — Conclusions . . 161
linp. Padl Dupont. - Paris, l»*- Arr». — 483.4.1903. (Cl.)
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