Chapitre 1
Généralités sur l'analyse numérique
1.1 Introduction
L'analyse numérique consiste à concevoir des approches, construire des algorithmes et développer
des programmes informatiques qui permettent de résoudre des problèmes issus de cas concrets et
formulés mathématiquement, le plus souvent sous forme d'équations.
La modélisation et le calcul numérique sont appliqués dans différents domaines comme la
conception et calcul de bâtiment, de chaussées et d'ouvrages d'art, la conception d'avions de
voitures,… l'ingénierie financière et modélisation, la météo, la modélisation mathématique des
systèmes biologiques, le calcul spatial,…
- Modélisation: Arriver au problème mathématique traduisant le mieux le phénomène considéré,
- Représentation: Choisir une famille de fonctions susceptibles de bien approcher la solution de 1 et
la base qui servira à cette représentation,
- Paramètres: Bien choisir les degrés, points de grille ou d'interpolation, qui assureront une erreur
suffisamment faible,
- Algorithme: Décrire les étapes de calcul aboutissant à la solution numérique,
- Programmation: Tenir compte des moyens de calcul disponibles,
- Visualisation: La réponse peut se limiter à quelques nombres, mais peut nécessiter une
présentation sous forme de tables, graphes, etc.
Une méthode numérique est le plus souvent utilisée pour obtenir une estimation approchée d'une
solution à un problème. On se satisfait de solutions approchées parce que dans la majorité des
situations réelles, une solution suffisamment précise peut nous dispenser d'une solution exacte trop
couteuse ou impossible à obtenir.
Une partie importante de l’analyse numérique consiste donc à contenir les effets des erreurs
introduites par les approximations.
1.2 Sources et mesures de l’erreur
Les méthodes numériques sont souvent utilisées pour résoudre des problèmes concrets. Lors de
l'utilisation des méthodes numériques, on distingue plusieurs sources d'erreur :
Erreur due au modèle (qui est une approximation de la réalité)
Erreur sur les données
Erreur de calcul (numérique)
o de troncature liée au schéma numérique utilisé
o d’arrondi qui résulte de la représentation des nombres réels
1.2.1 Evaluation de l'erreur
Notons x la solution analytique et x* la solution approchée d'un problème donnée. On désigne par
erreur absolue la valeur :
Cette valeur désigne l'écart entre la solution approchée obtenue en utilisant une méthode numérique
et la solution analytique "exacte" du problème. La solution analytique étant à priori inconnue.
Dans la majorité des cas, on utilise une estimation de l’erreur relative donnée par :
ou encore une combinaison entre erreur absolue et erreur relative
Cette dernière expression nous dispense du traitement du cas où x est voisin de 0.
1.3 Méthodes itératives
Dans la majorité des méthodes numériques, on commence par proposer une solution approximative
initiale, ensuite un algorithme va améliorer cette solution jusqu'à satisfaire un certain critère de
convergence. On dit alors que le calcul ou la recherche de la solution se font à travers des itérations.
A chaque itération, on répète le plus souvent les mêmes instructions, mais sur des données obtenues
lors de (des) itération(s) précédente(s) de sorte que chaque itération améliore la solution.
1.3.1 Convergence d’une méthode
L'utilisation d'une méthode numérique consiste, à partir d'une première estimation approchée de la
solution, à exécuter des instructions pour améliorer cette estimation initiale. Ensuite, on utilise
l'approximation calculée comme valeur initiale à améliorer en exécutant les mêmes instructions et
ainsi de suite. A la fin de chaque itération, la méthode nous permet généralement d'évaluer l'erreur
d'approximation et de décider, si celle-ci est suffisamment petite, d'arrêter le processus.
Une méthode est convergente si l’on peut rendre l’erreur de calcul arbitrairement petite. Dans la
pratique, on dit qu'il y a convergence de la méthode numérique si, au bout d'un nombre acceptable
(pas trop élevé) d'itérations on obtient une erreur suffisamment petite. Dans le cas contraire on dit
que la méthode a divergé.
1.4 Programme informatique
Un programme informatique correspond à la description d’une méthode de résolution pour un
problème donné. Cette description est effectuée par une suite d’instructions qui constituent un
algorithme, traduit ensuite dans un langage de programmation. Ces instructions permettent de traiter
et de transformer les données (entrées) du problème à résoudre pour aboutir à des résultats (sorties).
Un programme n’est pas une solution en soi mais une méthode à suivre pour trouver les solutions
Chapitre 2
Interpolation polynomiale
2.1 Introduction
Supposons que nous connaissons les valeurs d'une fonction en un nombre de points x0, x1, ... , xn,
mais que nous n'avons pas l'expression analytique de f. Pour estimer la valeur de f en un point
quelconque x R, on peut construire un polynôme P tel que P(xi) = f(xi) pour i=0,1,...,n et utiliser
l'approximation P(x) f(x). C'est ce qu'on appelle interpolation polynomiale.
2.2 Théorème
Un polynôme de degré n dont la forme générale est :
possède très exactement n racines qui peuvent être réelles ou complexes conjuguées. (on sait que r
est une racine de si ).
2.3 Théorème d’approximation de Weierstrass
Soit f une fonction définie et continue sur l’intervalle . Alors, , il existe un polynôme
p(x), définit sur tel que :
Plus est petit, plus l’ordre du polynôme est grand.
2.4 Méthode directe
On se donne (n+1) points . On calcule . Et on
cherche un polynôme de degré n tel que
Ecrivons explicitement :
Sous forme matricielle :
La matrice est de type Vandermonde. Le déterminant de cette matrice est :
On a si tous les sont distincts. On peut donc trouver un unique vecteur de coefficients
résolvant le problème.
2.5 Interpolation de Lagrange
2.5.1 Théorème
Soient (n+1) points distincts réels et (n+1) réels , il existe un unique polynôme tel que :
Démonstration :
- Construction de p :
avec polynômes de Lagrange
- Propriétés de
2.5.2 Exemple 1 : interpolation linéaire (n=1)
On connait 2 points et et on cherche la droite (polynôme de degré 1) qui
passe par les 2 points :
2.5.3 Exemple 2 : interpolation parabolique (n=2)
On connait 3 points (0, 1) , (2, 5) et (4, 17) et on calcule les polynômes de Lagrange associés :
Le polynôme d’interpolation s’écrit sous la forme :
En simplifiant, on trouve
2.5.4 Exemple d'application
On considère le tableau des xi et yi :
Le polynôme d'interpolation de Lagrange en ces xi et yi est
P(x) = 0.0348 x4 + 0.2879 x3 - 0.22 x2 - 2.298 x + 5.246
La figure ci-dessous présente la courbe du polynôme P.
On considère la fonction
On peut remarquer que P(xi)= f(xi) pour i=0,4
La figure suivante présente les courbes de f et de P.
L'interpolation de cette fonction f en -2, -1.5, -1, -0.5, 0, 0.5, 1, 1.5 et 2 donne la figure suivante :
2.6 Interpolation itérée de Newton
2.6.1 Principe
Soient (n+1) points . On calcule . Et On cherche
un polynôme de degré n tel que
L’interpolation de Lagrange présente un problème : Si on dispose d’un point supplémentaire
en plus des (n+1) , le polynôme d’interpolation obtenu ne
peut pas se déduire facilement du polynôme relatif aux points . Il faut
commencer par donner tous les polynômes de base de degré n+1 et tous les coefficients.
L’interpolation itérée de Newton est un procédé itératif qui permet de calculer le polynôme
d’interpolation de degré n basé sur (n+1) points à partir du polynôme
d’interpolation de degré (n-1) basé sur n points .
On appelle différence divisée d’ordre 0 de f en un point x :
La différence divisée d’ordre 1 de f en x et y :
D’où
La différence divisée d’ordre 2 de f en x, y et z :
Et plus généralement :
Le polynôme d’interpolation de Newton est de la forme :
2.6.2 Forme tabulaire
……..
2.6.3 Exemple d’application
On considère sur l’intervalle [1 , 2] la fonction
On considère les points xi = 1, 4/3 , 5/3 et 2. Les coefficients du polynôme de Newton sont donnés
par :
La figure suivante présente la courbe de P.
2.7 Phénomène de Runge
Soit f une fonction définie sur un intervalle [a , b], n un entier non nul et P le polynôme
d'interpolation de f en n+1 points deux à deux distincts x0, x1, …, xn. Lorsque le degré du polynôme
augmente, on observe quelquefois des oscillation de P au bord de l'intervalle [a , b]. L'augmentation
du nombre de points d'interpolation n'améliore pas l'approximation de f par P. C'est ce qu'on désigne
par Phénomène de Runge.
Exemple :
Pour illustrer ce phénomène, soit sur l'intervalle [-1 , 1] la fonction de Runge :
On considère le polynôme d'interpolation P10 de f sur 11 points équidistants de [-1 , 1]. La figure
suivante met en évidence les oscillations au bord dues au phénomène de Runge.
2.8 Erreur d’interpolation
2.8.1 Théorème
Soit I un intervalle contenant et . Si f est n+1 fois continûment dérivable sur I, alors il
existe I et dépendant de x tel que :
avec
Cette expression ne permet pas de calculer la valeur exacte de l’erreur parce que, en général, est
inconnu. Elle peut permettre d’en calculer une majoration ou de choisir des points d’interpolation
de façon optimale lorsque ceux-ci ne sont pas imposés :
- En choisissant plus astucieusement les points d’interpolation, on peut optimiser l’erreur
d’interpolation.
- Le problème devient alors : trouver qui minimise
- Cette famille de polynôme s’appelle les polynômes de Chebyshef.
2.8.2 Définition
La norme infini d’une fonction est :
Soit
On a alors
Donc
où
2.9 Polynôme d’interpolation d’Hermite
2.9.1 Principe
Jusqu’à présent, nous avons imposé à notre polynôme d’interpolation de satisfaire à :
Nous allons maintenant lui imposer de satisfaire en plus à :
en supposant naturellement connues les valeurs de ,……., .
On dit alors que est le polynôme d’interpolation d’Hermite de en .
2.9.2 Théorème
Une condition nécessaire et suffisante pour qu’il existe un unique polynôme d’interpolation
d’Hermite de en de degré au plus égal à 2n+1 est que les abscisses soient
toutes distinctes les unes des autres.
Ce polynôme est donné par la formule :
avec
2.9.3 Erreur
Théorème
Soit I un intervalle contenant et x. Si est 2n+2 fois continûment dérivable sur I, alors
il existe I et dépendant de x tel que :
avec