PARTIEL 14 novembre 2006
Intégration et théorie de la mesure LM363
Durée 2 heures. Documents interdits
Toute application d’un résultat prouvé ou énoncé pendant le cours doit être
signalée et justifiée avec précision.
Exercice 1
1. Quelle est la tribu de R engendrée par {[0, 2], [1, 3]} ?
2. Quelle est la tribu de [0, 3] engendrée par {[0, 2], [1, 3]} ?
Exercice 2 Pour tout α ∈ R calculer la limite :
Z 1
ex −1
α
lim x + dx
n→∞ 0 n
Exercice 3 Soit N = {1, 2, 3, . . .} et P(X) l’ensemble des parties de X.
1. Montrer que Card(X) = Card(Y ) implique Card(P(X)) =Card(P(Y ))
et en déduire que Card(P(N)) = Card(P(N × N)).
2. Montrer que Card(P(N)×P(N)) ≤ Card(P(N×N)) avec une injection
explicite.
3. En déduire que Card(P(N) × P(N)) = Card(P(N)) et que Card(R 2 ) =
Card(R).
4. Trouver une bijection explicite entre P(N) × P(N) et P(N).
Exercice 4 Soit N = {1, 2, 3, . . .}. Pour tout L > 0 on note :
X
µL : P(N) 7→ [0, +∞], µL (A) := Lk , A ⊆ N.
k∈A
1. Prouver que µL est une mesure sur (N, P(N)) pour tout L > 0.
2. Pour quels L > 0 la mesure µL est-elle finie ? Et pour quels L > 0
est-elle une mesure de probabilité ?
3. Soit An := N ∩ [n, +∞[, n ∈ N. Calculer µL (An ) et µL (N\An ) pour
tous L > 0 et n ∈ N.
4. Soit (Ln )n∈N ⊂]0, +∞[, Ln ≤ Ln+1 , Ln % L0 ∈]0, +∞[ et (An )n∈N ⊂
P(N), An ⊆ An+1 , A := ∪n An . Prouver que
lim µLn (An ) = µL0 (A).
n→∞
1
Correction
Solution de l’exercice 1 (3 points sur 20)
1. La tribu de R engendrée par A := {[0, 2], [1, 3]} contient forcément :
∅, [0, 1[, [1, 2], ]2, 3], [0, 2], [0, 3], [1, 3], [0, 1[∪]2, 3],
.
R, [0, 1[c , [1, 2]2 , ]2, 3]c , [0, 2]2 , [0, 3]2 , [1, 3]c , ([0, 1[∪]2, 3])c
Cet ensemble de 16 parties de R est stable par union et par passage
au complémentaire. C’est donc la tribu σ(A) cherchée.
Une réponse plus conceptuelle consiste à remarquer que σ(A) est
aussi la tribu engendrée par la partition de R à 4 éléments C :=
{[0, 1[, [1, 2], ]2, 3], [0, 3] c }. La tribu engendrée par la partition C est en
correspondance avec l’ensemble P(C) et possède donc les 2 4 éléments
donnés.
2. La tribu σ(A) de [0, 3] engendrée par A := {[0, 2], [1, 3]} contient
forcément
{∅, [0, 1[, [1, 2], ]2, 3], [0, 2], [0, 3], [1, 3], [0, 1[∪]2, 3]} .
Cet ensemble de 8 parties est stable par union et par passage au
complémentaire. C’est donc la tribu σ(A) cherchée. La partition de
[0, 3] qui engendre σ(A) est : {[0, 1[, [1, 2], ]2, 3]}.
Solution de l’exercice 2 (4 points sur 20)
x
Pour tout n ≥ 1 la fonction fn (x) := (xα + en )−1 , x ∈ [0, 1], est continue et
donc intégrable (si α = 0 on pose 00 = 1 et si α < 0 on peut écrire :
x−α
fn (x) = x−α ex
=⇒ lim fn (x) = fn (0) = 0).
1+ n
x→0+
En plus 0 ≤ fn ≤ fn+1 (remarquer l’inégalité 0 ≤ fn qui est une hypothèse
importante pour la validité du Théorème de Beppo-Levi) et
lim fn (x) = x−α =: hα (x), ∀x ∈ ]0, 1]
n→∞
pour tout α ∈ R. En particulier, fn converge à hα λ-p.p. Donc par le
Théorème de Beppo-Levi :
1 −1 1
ex
Z Z
α
lim x + dx = x−α dx.
n→∞ 0 n 0
2
Pour calculer la valeur de cette intégrale on note que h α est continue sur
[1/k, 1] et donc Riemann-intégrable sur [1/k, 1] pour tout k ≥ 1. Or :
Z 1
1
x−α dx = 1 − k −1+α ,
α 6= 1
1 1−α
k
Z 1
x−1 dx = ln k.
1
k
Si on note gk := 1[1/k,1] · hα on a 0 ≤ gk ≤ gk+1 % hα et encore par le
Théorème de Beppo-Levi :
1
Z 1 Z 1 1−α si α < 1
−α −α
x dx = lim x dx =
0 k→∞ 1
+∞ si α ≥ 1.
k
Solution de l’exercice 3 (6 points sur 20)
On peut commencer par rappeler que :
N = {1, 2, . . .}, N × N = {(n, m) : n, m ∈ N},
P(N) = {A : A ⊆ N}, P(N × N) = {B : B ⊆ N × N},
P(N) × P(N) = {(C, D) : C ⊆ N, D ⊆ N}.
1. Si f : X 7→ Y est une application quelconque alors on peut définir
F : P(X) 7→ P(Y ), F (A) := f (A) = {y ∈ Y : y = f (x), x ∈ A}.
Si f est une bijection d’inverse f −1 alors F est une bijection d’inverse
F −1 (A) := f −1 (A).
Puisque N et N × N ont la même cardinalité, il existe une bijection
f : N 7→ N × N et donc une bijection F : P(N) 7→ P(N × N).
2. Une application naturelle G : P(N)×P(N) 7→ P(N×N) est la suivante :
si (C, D) ∈ P(N) × P(N)
G(C, D) := C × D ⊆ N × N.
Or G n’est pas injective car G(∅, B) = ∅ × B = ∅ pour tout B ∈ P(N).
Mais G restreinte à (P(N)\{∅}) × (P(N)\{∅}) est bien une injection.
Puisque P(N) est infini il existe une injection H : P(N) 7→ P(N)\{∅}
et on obtient une injection G0 : P(N) × P(N) 7→ P(N × N)
G0 (C, D) := H(C) × H(D)
3
Si on veut une H explicite, on peut définir :
H(A) := {1} ∪ (A + 1) = {n ∈ N : n = 1 ou n − 1 ∈ A}.
Pour tout A ⊆ N, on obtient {1}∪(A+1) avec une translation à droite
de A d’une unité (A 7→ (A+1)) et en ajoutant l’élement 1 à l’ensemble
translaté ((A + 1) 7→ {1} ∪ (A + 1)).
3. On déduit des points 1 et 2 que
Card(P(N) × P(N)) ≤ Card(P(N × N)) = Card(P(N)).
Pour voir que
Card(P(N)) ≤ Card(P(N) × P(N))
on peut donner soit une injection J : P(N) 7→ P(N) × P(N) soit une
surjection S : P(N) × P(N) 7→ P(N). Des injections naturelles sont :
J1 : P(N) 7→ P(N) × P(N), J1 (A) := (A, {1})
J2 : P(N) 7→ P(N) × P(N), J2 (A) := (A, A)
et une surjection naturelle est
S : P(N) × P(N) 7→ P(N), S(A, B) := A.
Donc on a bien que Card(P(N)) ≤ Card(P(N) × P(N)). On déduit des
deux inégalités et du Théorème de Bernstein que Card(P(N)×P(N)) =
Card(P(N)).
Puisque P(N) et R ont la même cardinalité on en déduit que Card(R 2 )
= Card(R).
4. Par exemple K : P(N) × P(N) 7→ P(N),
K(A, B) := (2A) ∪ (2B − 1) = {2n : n ∈ A} ∪ {2m − 1 : m ∈ B}
est une bijection. Autrement dit, on identifie P(N) et {0, 1} N à l’aide
de la bijection :
1 si n ∈ A
P(N) 3 A 7→ (a1 , a2 , a3 , . . .), an = 1A (n) =
0 si n ∈
/A
et on définit l’injection K : {0, 1}N × {0, 1}N 7→ {0, 1}N
K ((a1 , a2 , a3 , . . .), (b1 , b2 , b3 , . . .)) := (a1 , b1 , a2 , b2 , a3 , . . .).
4
Solution de l’exercice 4 (7 points sur 20)
Soit L > 0 fixé.
1. On peut prouver que µL est une mesure sur (N, P(N)) à l’aide de
théorèmes vus en cours : si L = 1, µL est la mesure de comptage sur
N. Si L 6= 1, µL est la mesure de comptage µ1 multipliée par la densité
f : N 7→ [0, ∞[, f (k) = Lk .
Une autre démonstration est la suivante : µ L (∅) = 0 et si (An )n ⊂ P(N)
est une suite d’ensembles disjoints, on a
X X X X
µL (∪n An ) = Lk = Lk = µL (An )
k∈∪n An n k∈An n
car l’ordre de sommation d’une série à termes positifs peut être changé
sans changer la somme (il faut bien préciser ce point parce que sinon
la formule ci-dessus est seulement un calcul formel).
2. On a :
L
∞
X 1−L si L < 1
k
µL (N) = L =
+∞ si L ≥ 1.
k=1
Donc µL est finie si et seulement si L < 1 et est une probabilité si et
seulement si L = 1/2.
(On rappelle que dans cet exercice N = {1, 2, . . .}. Si on considère
N = {0, 1, 2, . . .} on trouve qu’il n’existe aucun L > 0 tel que µ L soit
de probabilité).
3. An = {n, n + 1, . . .}, N\An = {1, . . . , n − 1},
Ln
X ∞ 1−L si L < 1
µL (An ) = Lk = Ln−1 µL (N) =
+∞ si L ≥ 1,
k=n
1−Ln−1
n−1
X L 1−L si L 6= 1
µL (N\An ) = Lk =
n−1 si L = 1.
k=1
4. La suite n 7→ µLn (An ) est croissante et a donc une limite ` ∈]0, +∞].
Il est clair que µLn (An ) ≤ µL0 (A) pour tout n, donc
` = sup µLn (An ) ≤ µL0 (A).
n
Au contraire l’inégalité µL0 (A) ≤ ` n’est pas triviale. Le Théorème de
convergence monotone ou la continuité à gauche des mesures sur suites
5
croissantes d’ensembles mesurables ne s’appliquent pas directement
parce qu’on a ici une suite de mesures, non pas une mesure fixée.
Une première preuve consiste à définir
fn : N 7→ [0, ∞[, fn (k) := (Ln )k 1An (k),
où 1An est l’indicatrice de l’ensemble An . On a 0 ≤ fn ≤ fn+1 (encore
une fois l’inégalité 0 ≤ fn est importante pour la validité du Théorème
de Beppo-Levi) et
lim fn (k) = f (k) := (L0 )k 1A (k), ∀ k ∈ N.
n→∞
On peut remarquer que :
X Z X Z
k k
µLn (An ) = (Ln ) = fn dµ1 , µL0 (A) = (L0 ) = f dµ1 .
k∈An k∈A
Par le théorème de convergence monotone de Beppo-Levi :
Z Z
lim µLn (An ) = lim fn dµ1 = f dµ1 = µL0 (A).
n→∞ n→∞
En effet le choix de µ1 est arbitraire : pour tout L ∈]0, +∞[ on peut
considérer
gn (k) := (Ln /L)k 1An (k), k∈N
et appliquer le même raisonnement à g n et µL à la place de fn et µ1 .
Une autre preuve possible est la suivante, qui permet d’éviter la limite
double. On veut démontrer que ` ≥ µL0 (A). Pour tout m ≤ n on a :
µLm (An ) ≤ µLn (An ) ≤ `
car Lm ≤ Ln . On obtient pour tout m ≥ 1 :
lim µLm (An ) = µLm (A) ≤ `
n
car µLm est une mesure. On introduit
fm (k) = 1A (k) (Lm )k ≥ 0, f (k) = 1A (k) (L0 )k , k ∈ N.
Par convergence monotone de la suite (f m )m vers f on obtient la
convergence des intégrales par rapport à la mesure de comptage µ 1 :
Z Z
` ≥ lim µLm (A) = lim fm dµ1 = f dµ1 = µL0 (A)
m m
et la preuve est terminée.