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Les mille villages construits en pierre de la
culture néolithique de Tichitt, Mauritanie
(4 500 – 2 500 cal. BP)
Robert VERNET
Résumé
La culture de Tichitt (4 500 – 2 500 cal. BP) est un des plus importants
ensembles du Néolithique récent du sud-ouest du Sahara et du Sahel. Depuis
un siècle on s’est efforcé de la décrire, mais certains aspects ont été sous-
évalués, en particulier son extension géographique dans l’espace mauritanien.
Un élément fondamental permet pourtant d’en faire une cartographie
complète : les villages en pierre qui constituent l’ossature de l’ensemble. On
a longtemps estimé leur nombre à environ 400, mais ils sont certainement plus
d’un millier, du plus petit hameau à des agglomérations de plus de 1 300
concessions. Moins de 80 plans de ces structures ont été publiés et la plupart
restent inédites ou inconnues ; pourtant, à défaut de travaux de terrain, il existe
un instrument exceptionnel pour les inventorier : l’imagerie satellitaire. Elle
permet de construire un catalogue exhaustif, dont la diversité est la
caractéristique principale. Cet article s’efforce de le montrer, tout en
renvoyant à un répertoire en ligne.
Mots-clés
Néolithique, Mauritanie, habitat, cartographie, imagerie satellitaire
Introduction
Il n’est pas certain que le passage au début des années 1980 d’Eric
Boëda sur le dhar Tichitt, en Mauritanie, ait été un moment fort de sa carrière,
mais il est possible que cela lui ait donné le goût des destinations scientifiques
exotiques, qui en ont fait un globe-trotter archéologique, comme le montrent
les régions du monde où il a exercé ses compétences – pour le plus grand profit
de la préhistoire : Syrie, Mali, Asie de l’ouest, Chine, Ukraine, Italie, Brésil,
Méso-Amérique, Levant, Pérou, Chili… Et même en Dordogne.
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La Mission Tichitt
La Mission de Tichitt, en 1980 et 1981 (Figure 1), n’était certes pas très
bien préparée, ni très structurée, mais elle a réussi un double défi, que les
conditions matérielles antérieures n’avaient pas permis de relever (Amblard,
1984; Amblard-Pison, 2006; Vernet, 1993) : parcourir en un mois chaque
année le plus grand nombre de sites à l’est d’Akreijit, région jusque-là fort
peu connue (Figure 2), puis décrire le plus précisément possible la zone
d’Akreijit, déjà visitée — des premiers explorateurs (Roulet, Bonnel de
Mézières et Waterlot) aux premiers chercheurs (Hubert et al., 1921; Monod,
1936; Mauny, 1951a/b & 1974), puis aux premières missions des années 1960
et 1970-80 (Munson, 1971; Hugot, 1969).
Le cadre de ces missions était donc plus favorable à de jeunes
chercheurs orientés vers le Néolithique et la prospection des sites de surface
qu’à ceux se destinant à la technologie lithique du Paléolithique. Mais
l’énergie déployée, dans des conditions matérielles toujours aussi délicates
(…la confiture égyptienne carotte-orange !), par toute l’équipe à cette époque
a permis des résultats probants et, au-delà, a poussé plusieurs étudiants à se
lancer dans des thèses sur le Néolithique régional.
© Robert Vernet Mission Tichitt/AnTET
Figure 1
L’équipe scientifique, en 1980, à Akreijit.
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Le principal résultat de ces premiers travaux a été de confirmer
l’immense intérêt de la région des dhars (« falaises ») orientaux du sud-est
mauritanien et en particulier du dhar Tichitt. Une culture du Néolithique
récent (prolongée ensuite dans certaines régions où le climat se dégradait plus
lentement au début de la période historique), la « culture de Tichitt » identifiée
depuis le début du XXe siècle y apparaissait comme un ensemble essentiel
dans le Sahara et le Sahel de l’époque.
© Robert Vernet Mission Tichitt/AnTET
Figure 2
Nomadisme scientifique dans la région d’Aratane, en mars 1980.
Ensemble encore méconnu en 1980, et un peu mieux connu
aujourd’hui, malgré une absence rédhibitoire de synthèse générale. Les dhars
ont pourtant vu passer de nombreuses missions depuis 1912 et le colonel
Roulet (Amblard, 1984; Amblard-Pison, 2006). Une abondante bibliographie
en a découlé, mais un travail immense reste à faire, alors que depuis 2010, le
terrain a été déserté.
« J'ai poussé au nord une pointe sur Tichitt à 350 kilomètres dans
un pays non encore parcouru par des Européens. Je rapporte de
nombreuses haches polies, trouvées sur des emplacements de
villages abandonnés, des poteries, des pointes de flèches en pierre
taillée qui complètent une collection de haches taillées trouvées sur
la route de Taoudeni. » (Roulet, 1912:460).
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La culture de Tichitt
La culture de Tichitt est un ensemble unique, d'une originalité totale
dans le Néolithique africain (l’Égypte pharaonique est bien entendu hors
concours et la région des Garamantes, dans le sud de la Libye, est plus
récente) : nulle part ailleurs n'existe un groupe aussi homogène centré autour
de villages construits en pierre. Une culture originale dans un contexte
particulier, tant sur le plan géographique — une zone méridionale, isolée mais
climatiquement favorisée — que sur le plan chronologique — un Néolithique
récent dont nous pouvons suivre l'apparition, l'apogée et le déclin, avec une
centaine de datations au radiocarbone.
Les éleveurs néolithiques chassés par la sécheresse du Sahara plus au
nord ont été attirés, à la fin du IVe millénaire BP, par un escarpement haut
parfois de plus de cent mètres, formé de couches sédimentaires surmontées de
grès durs, l'ensemble représentant une structure monoclinale de rebord de
plateau. Les dhars occupent une position stratégique : ils sont, entre deux
immenses étendues plates, une rupture morphologique brutale dans le
paysage. Cette falaise, seule zone rocheuse dans une gigantesque région
sableuse, est bordée de deux dépressions noyées de sable. L'une, au nord, la
Majabat al Koubra, est le centre du bassin de Taoudenni. L'autre, au sud, est
la cuvette de l'Aouker, ancien lac comblé par un erg énorme venant buter
contre la falaise, dont il n'est séparé que par un étroit couloir souvent ennoyé
par le sable. C'est dans ce couloir qu'ont prospéré, puis décliné, les derniers
lacs néolithiques qui ont permis aux hommes de survivre pendant trois
millénaires.
Une population considérable a vécu dans cette région, de la chasse, de
la pêche, de l'élevage et de l'agriculture, présente dès 3 500 BP (Munson,
1971; Amblard & Pernès, 1989; Amblard-Pison, 2006; Fuller, MacDonald &
Vernet, 2007; Person et al., 2012). La culture de Tichitt s'étend sur plusieurs
centaines de milliers de km2, du sud de l'Adrar au nord du delta intérieur du
fleuve Niger, et de 1'ouest du Tagant au-delà de la frontière malienne (Kobadi,
Mema). Cet ensemble est fort de plus d’un millier de villages construits en
pierre et de nombreux sites de surface, parfois de grande taille.
L'origine de cette culture est inconnue, encore qu'elle se trouve
certainement au nord de la Mauritanie et du Mali, car il n'existe actuellement
aucune trace d'une influence occidentale, orientale ou méridionale sur la
culture de Tichitt. Les seules traces d'une influence septentrionale sont
tardives et correspondent à l'évolution générale de la fin du Néolithique entre
2 500 et 2 000 BP dans le Sahara méridional (pointes en cuivre d'Akjoujt,
chars et imagerie rupestre « libyco-berbère », certains types de monuments
funéraires – cf. Vernet, 2015). La progression des groupes berbères peut être
suivie jusqu'à l'arrivée du chameau (dans l’usage courant saharien, i.e. le
dromadaire en réalité).
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Parallèlement, les habitants des villages, victimes de l'aridité croissante,
sont contraints de réduire leurs activités : la pêche a disparu depuis longtemps,
l'agriculture suit, puis l'élevage bovin. Les villages les plus récents n'ont plus
l'ampleur de ceux de la période centrale. On connaît mal la manière dont s'est
produite la fin de la culture de Tichitt, mais il ne fait guère de doute qu'une
émigration progressive, à travers l'erg de l'Aouker, le long de la falaise
orientale et vers l'ouest (le plateau du Tagant, encore aujourd'hui relativement
humide) a conduit les derniers groupes vers le sud.
Cependant la « culture » de Tichitt n’est pas seulement celle du Dhar,
pour plusieurs raisons (Vernet, 2021) : il existe, dans la dépression au pied de
la falaise (le baten, peu prospecté, comme les interdunes proches de l'Aouker)
et dans un milieu composé de savanes à graminées parsemées d'arbres, de
cours d'eau et de mares bordés d'une forêt galerie, des sites de plaine en tous
points semblables aux villages perchés. On y découvre, outre un possible
Néolithique « de plaine », antérieur ou différent, des traces abondantes de
l’installation des populations de la falaise, ce qui permet des comparaisons.
Le revers de la falaise (c'est-à-dire le Dhar dans sa véritable acception)
a été occupé par les hommes de Tichitt. On y trouve d’innombrables villages,
dont les habitants affichaient un intérêt considérable pour la bordure
méridionale de la Majabat où ils pratiquaient l'élevage et la chasse.
La culture de Tichitt déborde largement la région : de nombreux
villages existent au Tagant. Ils appartiennent indéniablement au même
ensemble culturel. Installés sur des barres rocheuses surplombant des
dépressions aujourd'hui encore favorables à la culture du mil, ils en ont toutes
les caractéristiques et ne se confondent pas avec les innombrables ruines
historiques du Tagant et de l'Assaba (dont celles des gangara), avec leurs
cases rondes en pierre, leurs greniers et leurs terrasses, restes de terroirs
agricoles dont les derniers occupants, manifestement soninkés, n'ont disparu
qu'à la fin du XIXe siècle (Daveau & Toupet, 1963).
De nombreux villages ont été brièvement décrits. Un seul a été étudié,
Akreijit. Des essais de classification des villages ont été faits (Munson, 1971;
Mauny, 1951a & 1974; Ould Khattar, 1995; Amblard-Pison, 2006), mais
chaque village est un cas particulier, les hommes de Tichitt ayant exploité au
mieux les spécificités du terrain, sans avoir eu partout, ni aux différentes
époques, les mêmes besoins.
Dans les villages, chaque concession paraît avoir été une unité
d'habitation, à l'intérieur de laquelle les divers éléments de la vie collective,
probablement familiale, étaient répartis. Les concessions sont associées d'une
façon qui n’est en rien aléatoire. Les enclos sont faits de gros murs (souvent
doubles) posés sur un solide piétement fait de blocs cyclopéens, parfois épais
de plus d'un mètre et hauts d’un à deux mètres. Ils sont percés de portes parfois
munies d'un seuil. Des rues permettent la circulation dans le village.
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Village du Dhar Tichitt –
Le village d’Akreijit compte 178 concessions, sur 20 hectares. Il est
perché au sommet de la falaise, dans une position stratégique entre deux zones
du dhar Tichitt (Carte 1). Une rampe d'accès permet de l'atteindre. Puis une
longue rue conduit à la zone centrale, d'où part un réseau de rues donnant
accès à différents quartiers nettement individualisés. Des places rompent
l'entassement des concessions. Les preuves d'une évolution urbaine,
architecturale et démographique, sont nombreuses : portes et rues bouchées,
murs arasés ou réutilisés, structures d'habitat en nébuleuse. Cet ensemble de
données fait d'Akreijit — mais d'autres sites auraient pu être choisis, comme
Rhimiya (Carte 2) — un « village » tout-à-fait particulier, occupé pendant
toute la période (3 800 à 2 400 BP). Serait-il absolument erroné de l’appeler
« ville » et de lui supposer un rayonnement régional important ?
Quant au site de Dakhlet el Atrouss I, outre sa dimension — jusqu’à six
fois les plus grands villages du Dhar Tichitt —, il se singularise également par
ses deux énormes tombeaux collectifs parfaitement intégrés à la ville
(Carte 3). Est-ce un hasard si ces deux tumulus ont été construits au centre du
plus grand site de la région et de la culture de Tichitt ? Dakhlet el Atrous
domine aussi une des plus vastes plaines du Dhar Tichitt... Il nous semble donc
que l'on peut avancer l'hypothèse que les plus grands habitats sont de
véritables villes, ce qui, un millier d'années avant notre ère, prend une
dimension toute particulière en Afrique sub-saharienne.
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© Aratane NE.29.XVI, carte en libre accès CC complétée par Robert Vernet/AnTET
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Carte 1
Secteurs Ouest (page de gauche) et Est (ci-dessus), avec le nombre de concessions.
La culture de Tichitt apparaît comme un ensemble d'aspect très
moderne. Elle est certainement un des ancêtres des cultures sahéliennes de
l'époque historique. Culturellement homogène elle l'est aussi
économiquement et spatialement, occupant dans le sud-est de la Mauritanie
un arc-de-cercle de plus de 400 km de long. La culture des dhars de Mauritanie
sud-orientale est caractérisée par de grandes communautés villageoises qui se
structurent et s’organisent pour gérer leurs ressources, témoignant ainsi d’un
passage à un large spectre d’activités économiques locales et régionales au
centre d’une zone au riche potentiel (et pas seulement refuge). Il reste à
essayer de comprendre1'organisation politique de cet ensemble : il paraît peu
vraisemblable que la hiérarchie démographique des villages ne se double pas
d'une hiérarchie politique. Mais nous ne sommes pas près de savoir si le
pouvoir était cantonal, régional ou même... national ! On peut trouver
choquante l'utilisation du terme de « nation », mais il convient d'avoir à l'esprit
l'extraordinaire homogénéité de la culture de Tichitt, ainsi que son isolement,
pour comprendre qu'a fonctionné dans cette région pendant près de deux
millénaires une entité qui ne semble pas avoir eu d'équivalent ailleurs en
Afrique, sinon évidemment dans la vallée du Nil.
Sylvie Amblard-Pison définit clairement la sédentarité des habitants
des villages : habitat groupé, constructions en pierre, murs d'enceinte (dont
l'édification a mobilisé la communauté villageoise), importance du matériel
de broyage et de la céramique, stockage à grande échelle.
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© Google Earth, carte CC en libre accès modifiée par Robert Vernet
Carte 2
Village de Rhimiya, proche d’Akreijit (échelle, 90 m).
Dimensions : 1 200 × 200 m (plus de nombreuses constructions, peut-être d’une
autre époque, sur la bordure du plateau). Il a une position peu fréquente, en bordure
du vaste paléolac d’Akreijit, où, au Néolithique récent, on pouvait encore pêcher et
chasser l’hippopotame et une faune ayant un abondant besoin d’eau.
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© Bing Maps, carte CC en libre accès complétée par Robert Vernet
Carte 3
Dakhlet el Atrouss (900 × 600 m). 1300 concessions,
un réseau de rues exceptionnel, une position centrale dans la région :
tout pour être une capitale. En bas à gauche, les deux ronds sombres sont
les grands tombeaux collectifs (échelle, 50 m).
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Il s’agit de populations sédentaires, « dont les déplacements de faible
durée n'affectaient pas l'ensemble de la population et n'étaient pas liés à une
pénurie de ressources alimentaires. De même, la fabrication de leurs outils et
de leurs récipients ne nécessitait pas de déplacements importants, les matières
premières étant d'origine locale. » (Amblard-Pison, 2006:262).
Les villageois pratiquaient une « économie mixte de chasseurs-
cueilleurs-agriculteurs-éleveurs. La durée d'occupation particulièrement
longue de certains villages indique qu'il s'agissait de systèmes stables, tout en
restant dynamiques, en évolution continue. Le village [d’Akreijit], dont la
durée d'occupation s'avère […] couvrir la quasi-totalité de la période
d'occupation des Dhar […], l'illustre bien. En effet, les 302 modifications
architecturales (tracés de rues, extensions, concessions) indiquent que le
village a été capable de s'adapter à la croissance démographique, répondant
aux besoins accrus de ses habitants, tout en gardant son unité architecturale. »
(Amblard-Pison, 2006:302). Les échanges se faisaient préférentiellement
entre villages voisins et habitats non construits du baten proche, mais
pouvaient s’étendre vers le Tagant, loin dans les plaines sableuses du nord et
jusque dans le Mema, au nord du delta intérieur du fleuve Niger.
L’ensemble architectural unique des villages construits en pierre
confirme l’intensité de l’occupation dans les deux millénaires précédant l’ère
commune. La culture de Tichitt est le témoin d’un mode de vie sédentaire où
une occupation humaine intense forge de nouvelles relations avec
l’environnement. Comme dans les régions voisines, de l’Atlantique au lac
Tchad, les populations du Néolithique récent, entre 18 et 16° de latitude nord,
vivent confortablement dans un milieu sahélien, mais qui se dégrade
progressivement.
Il serait évidemment faux de croire, ici comme ailleurs dans le Sahara,
à une histoire linéaire des sociétés préhistoriques. L’homme s’adapte dès que
nécessaire : il peut y être contraint par la détérioration du milieu à laquelle il
a pu participer, par exemple par un prélèvement excessif sur une espèce
sauvage ou sur la végétation, signes souvent d’une surpression
démographique (Ballouche & Rasse, 2007). Il s’adapte aussi en améliorant
son mode de fonctionnement économique, apprenant par exemple à gérer
l’élevage bovin dans un contexte de forte aridité, au moins saisonnière,
comme savent le faire encore aujourd’hui certains groupes sahariens.
Cependant, le déplacement de l’occupation humaine vers le sud, lorsque les
pluies ont diminué, implique des changements dans la gestion de l’espace
comme réponse à la diversité régionale de l’environnement. Pour survivre, les
groupes humains ont adopté d’autres stratégies alimentaires, qui ont modifié
leur organisation sociale. Au Néolithique moyen et récent, la mobilité est la
clé de la survie : elle conduit les sociétés préhistoriques de la simple recherche
de nourriture à une économie diversifiée et à un pastoralisme spécialisé
(Vernet, 2017).
132
En tentant de pérenniser ses activités, l’homme a donc essayé de « faire
mentir les isohyètes en jouant de l’effet de l’impluvium », comme l’a écrit Pol
Trousset en ajoutant (à propos de la Tunisie) : « Sous l’apparente uniformité
du prédésert qui ne laisse que peu de place à une occupation rurale effective,
se cache une diversité réelle de paysages et se devine une mosaïque de formes
d’organisation de l’espace, polarisées autour de niches écologiques
bénéficiant d’une conjonction de facteurs durables. » (Trousset, 1986:95 &
105). Mais ce mécanisme est une conséquence de la désertification.
La dernière sécheresse du XXe siècle a bien montré la primauté du facteur
climatique. Même si l’homme participe à la désertification, contraint par les
conditions économiques, il ne fait qu’amplifier un phénomène naturel.
La nature, dans le Sahara comme sur ses marges, est plus puissante que
l’homme. En ce sens, c’est plus sur la continuité que sur les déséquilibres qu’il
faut insister.
Conclusion
Cette brève synthèse montre que l’ensemble des villages du Néolithique
récent et des débuts de l’Histoire dans la région des dhars orientaux de
Mauritanie est absolument unique. Son étude, qui a débuté il y a un siècle,
montre une richesse archéologique exceptionnelle (Tichitt).
Cependant, malgré une abondante bibliographie, un travail immense reste à
faire, alors que depuis plus d’une décennie le terrain a été déserté. Il est
pourtant possible de faire progresser les connaissances sur le Néolithique
régional, par une utilisation plus efficace de la littérature et de la
documentation, en particulier photographique, et d’une innovation récemment
apparue, l’imagerie satellitaire, qui permet de repérer les constructions de
pierre anciennes — villages, néolithiques et ultérieurs, concessions, éperons
barrés, barrages, monuments funéraires, réseaux hydrographiques…
L’inventaire, en cours, permet de penser que la culture néolithique de Tichitt
mériterait une place bien plus grande que celle qui est la sienne aujourd’hui
dans l’archéologie africaine — à commencer par une inscription au
patrimoine mondial de l’humanité !
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