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L'histoire des États-Unis est marquée par l'interaction entre les civilisations de l'Ancien Monde et les réalités du Nouveau Monde, engendrant une société unique façonnée par l'immigration, l'industrialisation et la démocratie. Les premières colonies anglaises, établies au début du XVIIe siècle, ont été influencées par des motivations variées, notamment la recherche de liberté religieuse et l'amélioration des conditions de vie. La cohabitation avec les populations autochtones a été complexe, oscillant entre échanges amicaux et conflits, entraînant une guerre larvée qui a duré deux siècles.

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L'histoire des États-Unis est marquée par l'interaction entre les civilisations de l'Ancien Monde et les réalités du Nouveau Monde, engendrant une société unique façonnée par l'immigration, l'industrialisation et la démocratie. Les premières colonies anglaises, établies au début du XVIIe siècle, ont été influencées par des motivations variées, notamment la recherche de liberté religieuse et l'amélioration des conditions de vie. La cohabitation avec les populations autochtones a été complexe, oscillant entre échanges amicaux et conflits, entraînant une guerre larvée qui a duré deux siècles.

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Introduction générale

L’histoire des Etats-Unis est intéressante à maints égards. D’abord parce que son
histoire retrace celle de l’humanité et résume le développement des institutions
sociales, économiques et politiques. Ensuite parce qu’elle a été soumise à l’influence
de la plupart de ces grandes forces et de ces grands facteurs historiques qui ont modelé
le monde notamment l’impérialisme, le nationalisme, l’immigration, l’industrialisation,
la science, la religion, la démocratie et la liberté. Enfin parce qu’en dépit de sa jeunesse,
elle est aujourd’hui la plus ancienne des républiques et la plus ancienne des
démocraties existantes et qu’elle vit sous la plus ancienne Constitution écrite du
monde. Etudier l’Histoire des Etats-Unis aujourd’hui c’est montrer cette interaction
entre la civilisation de l’Ancien Monde et le milieu naturel du Nouveau Monde. Loin
d’être des hommes primitifs, les premiers colons européens qui s’installèrent en
Amérique étaient des individus extrêmement civilisés, qui apportèrent avec eux la
culture de leur patrie, vieille de plusieurs siècles. Pourtant, le Nouveau monde n’a pas
été un simple prolongement de l’Ancien comme le désiraient les premiers colons et
comme les pères fondateurs en avaient formé le projet. Il fut quelque chose de
nouveau dans l’histoire d’abord parce que la nature vierge que dut affronter les
pionniers de l’atlantique au pacifique, transforma profondément les institutions
traditionnelles, ensuite et enfin, le brassage de différents peuples et de différentes
races bouleversa les cultures héréditaires et créa en un sens une civilisation totalement
nouvelle. Dans cette nouvelle Amérique on retrouvait un mélange délibéré des
peuples, de tolérances religieuses, d’égalité des chances et de démocratie politique.
Tout un champ qui donne à l’histoire de ce continent toute son originalité. Mais l’on
ne pourrait connaître cette histoire sans passer d‘abord par ses caractéristiques
géographiques.
En effet, les Etats-Unis d’Amérique se trouvent au nord du continent américain. Ils
ont une forme grossièrement triangulaire et se situent entre le 49ème degré de parallèle
au nord et le 30ème degré de parallèle au Sud. Ils s’étendent d’Est en Ouest de l’Océan
Atlantique à l’Océan Pacifique et couvrent une superficie totale de 7 842 000 km². Au
sud, il est limité par le Mexique et le Golfe du Mexique et au Nord par le Canada
(frontière presque rectiligne que seules les échancrures des Grands Lacs comme
Ontario, Erié, Huron, Michigan et Supérieur brisent).
Le climat y est varié et correspond, dans les Etats du nord, au climat tempéré ; dans
les Etats du sud au climat presque subtropical. Ce climat subit l’influence de divers
éléments orographiques qui lui donnent des particularités locales. Ce climat, sain dans
l’ensemble, a permis aux colons européens d’y vivre et de bâtir une nation prospère.
La formation des Etats-Unis s’insérait dans la suite logique de la découverte du
continent américain tout entier. En effet, Christophe Colomb et bien d’autres
explorateurs, à la recherche des Indes par la voie de l’Ouest, arrivèrent en Amérique.
Ils y rencontrèrent les autochtones qu’ils nommèrent indiens par méprise.
L’origine de cette population autochtone suscite des controverses. Un certain
nombre de théories semble cependant s’imposer quant à sa provenance. La plus
communément admise affirme que les ancêtres des Indiens sont venus de l’Asie
orientale en plusieurs vagues successifs, il y a quelques vingt-cinq mille ans. Ils auraient
traversé le détroit de Behring ; puis, à partir de l’Alaska, ils se seraient dispersés dans
tout le continent, notamment vers le sud.
Ils occupaient les deux parties du continent américain et dans certaines régions
(Pérou, Amérique centrale et Mexique) ils avaient créé de remarquables civilisations.
Les principales tribus indiennes établies le long du littoral oriental des Etats-Unis
actuels (Algonquins, Iroquoi, Cherokees et Creks) n’atteignaient jamais le niveau de
culture de ces peuples, mais elles édifièrent elles aussi des organisations sociales
complexes, de puissantes alliances politiques et des économies prospères. Ainsi, selon
les réalités de leur habitat et de leur environnement on y trouvait les Indiens de la zone
du maïs (entre l’Atlantique et le Missouri et entre le Mississipi et les Montagnes
rocheuses couvrant les actuels Etas du Texas, de l’Arizona, du Nouveau Mexique). Ceux
de la zone du bison habitaient une aire qui s’étendait sur le Nord et le Centre de la
région approximativement située entre le Mississipi et les Montagnes rocheuses. Ceux
de la zone du caribou se trouvaient sur une partie de l’Alaska et sur tout le Nord des
Etats-Unis, notamment dans la région des Grands Lacs. Ceux de la zone des graines se
situaient dans l’actuelle Californie, au Nevada et dans une partie de l’Utah. Enfin, ceux
de la zone du saumon se localisaient sur les côtes de la Californie du Nord, de l’Oregon
et de l’Alaska.
Tous ces Indiens étaient estimés à une population d’environ 729 000 personnes
réparties en une multitude de tribus. Ce faible niveau de population était attribué aux
guerres intertribales nombreuses et féroces, à la mortalité infantile élevé et aux
maladies contagieuses qui sévirent avec l’arrivée des Européens.

Chapitre 1 : De la période coloniale à l’indépendance (du 16ème siècle à 1776)

1.1. La période coloniale

1.1.1. Naissance et évolution des colonies américaines

La colonisation de l’Amérique du Nord est un épisode de l’expansion européenne


du XVè siècle. L’Europe avait subi des changements notables qui non seulement
faciliteront l’expansion outre-mer, mais aussi éveilleront l’esprit d’aventure des
Européens, les incitant à explorer de nouvelles terres et à y découvrir de nouvelles
possibilités. Ces changements ont fondamentalement entraîné le passage à une
société marquée par le développement économique caractéristique des débuts de
l’Europe moderne et de son esprit scientifique. Au moyen Age, l’Europe occidentale
était soumise à un système féodal où la condition sociale de chacun était déterminée
par le rapport de l’homme avec la terre. La production locale était consommée par les
habitants du domaine seigneurial. Mais la naissance d’un capitalisme moderne précoce
provoque un renouveau du commerce, le développement des villes, l’émergence d’une
classe de marchands, l’ouverture de la production sur les marchés extérieurs, enfin le
développement des activités bancaires.
C’est cet esprit d’innovation qui suscita chez les Européens l’attrait de l’inconnu et
l’impatience d’exploiter les richesses de l’Orient (épices, soie etc.).
Durant les cent ans qui ont suivi le premier voyage de Christophe Colomb, des
explorateurs espagnols, portugais, hollandais et français allaient parcourir les mers à
la recherche de nouveaux mondes, d’or, d’ »loges et de gloire. L’Espagne bâtit ainsi
progressivement un empire colonial au Mexique, aux Antilles et en Amérique du Sud.
Les Français connurent dès le milieu du 16è siècle, le Canada.
Toutefois, comme les étendues sauvages de l’Amérique du Nord rapportaient peu
de gloire et encore moins d’or, les explorateurs rentrèrent au pays. Les colons anglais
qui, les premiers, ont effectivement peuplé le nouveau monde, sont donc arrivés plus
tard que les Espagnols, Français, Portugais et ils poursuivirent des objectifs différents
des motivations classiques des explorateurs : or, gloire, épices. Deux autres motifs les
poussaient hors de leur pays, l’amélioration de leur sort et la liberté religieuse et
politique.

1.2. La formation des treize premières colonies

Le 24 mai 1607, une poignée de colons anglais débarquèrent sur un point du centre
de la côte atlantique, dans l’estuaire d’un fleuve qu’ils appelèrent « James » et
construisirent le premier village permanent, qu’ils dénommèrent « Jamestown » en
souvenir de la charte reçue des mains du roi 1er d’Angleterre. Ce fut là le point de
départ de l’établissement de la Virginie nommé d’après la compagnie à charte qui a
été à l’origine du projet.
Le second établissement permanent fut fondé sur la portion Nord-Est de la côte
atlantique plus tard dénommée Nouvelle Angleterre par les colons du « Mayflower »,
en décembre 1620. Ils étaient un peu plus de 100, dont 30 pèlerins ; ce noyau étant
composé des membres d’une secte protestante, les séparatistes, ayant d’abord émigré
en Hollande et débarquant maintenant dans le nouveau monde. Il s’agit donc ici du
premier cas d’émigration pour raisons religieuses.

L’histoire de ces séparatistes, qui prirent donc le nom de « pèlerins » fait désormais
partie de la légende américaine. Le second grand groupe à avoir émigré lui aussi pour
des raisons religieuses fut celui des Puritains, qui vinrent s’établir par vagues
successives à partir de 1630 sur la côte du Massachusetts, qui constituaient dès 1636
une communauté politique et religieuse de dix mille âmes. Il faut noter que le 16è
siècle fut en Europe, le siècle de la Réforme protestante. Ce mouvement affecta
profondément l’évolution religieuse et politique de l’Angleterre qui, à son tour,
marqua durablement de son empreinte ses colonies américaines. En 1500, l’Angleterre
(comme toute l’Europe) était dans le giron de l’Eglise catholique. En 1600, elle avait
rompu avec le catholicisme romain et institué l’Eglise nationale anglicane. Mais la
rupture avait favorisé le développement de groupes confessionnels dissidents. Un de
ces groupes était les Puritains.
Une troisième colonie va bientôt se développer à la frontière nord de la Virginie,
qui devait elle aussi, servir de terre d’asile pour des immigrants fuyant la persécution
religieuse. Ce fut le Maryland, fondée en 1632 par un groupe de propriétaires
catholiques.
A la fin du 17è siècle, une série de colonies sont installées sur la Côte Est et elles
présentent une grande variété au triple point de vue de la répartition religieuse, du
statut juridique et de l’origine des émigrants. La diversité religieuse de l’Angleterre se
retrouvait exactement dans le nouveau monde. Sur les 4 premiers établissements, la
Virginie était anglicane ; la province de Plymouth séparatiste ; la baie de Massachusetts
puritaine et le Maryland catholique.
Divers étaient aussi les statuts juridiques des colonies. La Virginie et le
Massachusetts, avaient été créés par des sociétés commerciales, des compagnies
dotées de chartes, dont les fonds, fournis par des capitalistes, servirent à l’équipement,
au transport et à l’entretien des colonies à leurs débuts. A partir de 1660, la plupart
des nouvelles colonies furent cédées à des propriétaires privés (le cas du Maryland) ;
mais progressivement, et pour des raisons diverses (notamment la faillite ou des
compagnies ou des propriétaires) les unes et les autres finiront par devenir des
colonies royales ou des colonies de la couronne, c’est-à-dire directement administrées
par des fonctionnaires de la Couronne britannique dépendant d’un organisme
dénommé à partir de 1696, le « board of Trade ». Par exemple la Virginie en 1624 fut
transférée du contrôle de la compagnie à charte à celui de la Couronne. Aussi virent le
jour progressivement et successivement les treize premières colonies de l’Amérique
du Nord :
1. La Virginie (1607) ; 2. Le Massachusetts (1630) ; 3. Le Maryland (1632) ; 4. Le
Connecticut (1633) ; 5. Le Rhode Island (1636) ; 6. Le Delaware (1664) ; 7. Le New-
Jersey (1664) ; 8. New-York (1664) ; 9. Le New-Hampshire (1679) ; 10. La Pennsylvanie
(1681) ; 11. La Caroline du Nord (1721) ; 12. La Caroline du Sud (1729) ; 13. La Géorgie
(1732).
Pour ce qui est du peuplement, il était ethniquement composite : le noyau principal
était formé d’Anglais, d’Ecossais, de Gallois, mais il en vint des Province-Unies
(Hollande), de Suède, d’Allemagne, de France même, après la révocation en 1685 de
l’Edit de Nantes qui accordait la liberté du culte aux protestants français en 1598.
Sous la diversité de ces apports successifs et la multiplicité des sectes religieuses,
existait un lien : la résistance à l’oppression sous toutes ces formes. Tous ces
immigrants avaient fui l’Europe en raison de leurs convictions religieuses ou politiques,
pour défendre leur liberté.
Assez vite, chacune des 13 colonies prit une physionomie originale favorisée par
une large autonomie. Elles eurent leur propre régime, différents de l’un de l’autre. Des
rapports existaient avec Londres, mais ils étaient lointains. Le roi restait théoriquement
la source de toute autorité. Son conseil privé envoyait des instructions au
gouvernement, examinait les lois coloniales et recevait les appels des cours américains.
Les colonies n’avaient aucun lien les unes avec les autres, mais toutes avaient des
institutions analogues : un gouverneur, choisi parmi les vieilles familles et représentant
la Couronne ; une assemblée, élue par les propriétaires et chargée de voter les impôts.
1.3. La crise politique du milieu du 18è siècle et ses conséquences

On ne peut véritablement aborder cette phase de crise sans parler des rapports
que les colons entretenaient avec les indiens

- La cohabitation avec les Indiens

Les premiers contacts avec les Indiens furent soit cordiaux, soit conflictuels selon
les lieux. Mais en général, les Indiens se montraient souvent désireux d’échanger leurs
fourrures et leur tabac contre des objets utiles et l’alcool, le rhum en particulier.
Au début, les Indiens n’avaient pas l’impression d’être dépossédés de leur terre en
raison de l’immensité de l’espace disponible et de la faiblesse de la densité de
population autochtone. Les portions occupées par les Européens n’étaient guère
signifiantes et ne pouvaient engendrer de grands conflits que de façon exceptionnelle.
Les Européens comprirent cependant peu à peu que les autochtones Indiens, en
raison de leur implantation ancienne, avaient le droit de propriété antérieur au leur.
Ils cherchèrent alors à légitimer leur prise de possession par des actes de ventes
auxquels les autochtones ne comprenaient rien. Ces derniers, coutumiers du droit de
jouissance, n’avaient aucune notion de propriété et d’aliénation immobilière.
Mais en très peu d’années, les Indiens s’aperçurent des conséquences de l’invasion
car les Européens ne cessaient de débarquer et de fonder des villages de plus en plus
loin de la côte, d’étendre leurs champs de culture et de chasse et de refouler les Indiens
de plus en plus vers l’intérieur. L’espace disponible pour ces derniers se rétrécissait,
occasionnant des incidents isolés puis généralisés un peu partout en Amérique du
Nord. Il s’installa alors de la Floride au Dakota une guerre larvée qui dura deux siècles
et se déroula en trois périodes principales.
La première débuta le 22 mars 1622 où les colons de Virginie subirent une attaque
de la fédération de tribus indiennes. Les affrontements firent 346 tués dans les rangs
anglais. Tous les villages, excepté Jamestown, furent détruits. Cette guerre dura
quatorze ans et ne s’apaisa qu’avec une paix conclue en 1636. Mais en 1641 la guerre
redémarra et prit fin en 1643. Au cours de cette période, il y est à signaler la guerre des
Péquot en Nouvelle Angleterre en 1637.
La seconde résulta de la pression que les Européens exercèrent sur les Indiens. Ces
derniers se fédérèrent et formèrent une alliance qui mena trois principales guerres : la
guerre du roi Philipe (1675-1676) en Nouvelle Angleterre ; la guerre des Tuscaroras
(1711-1712) en Caroline du Nord et la guerre des Yamasses (1714-1715).
La troisième a vu les Indiens jouer un rôle de plus en plus important et quelquefois
décisif dans les guerres qui opposaient les Anglais aux Français et aux Espagnols. Des
tribus méridionales furent encouragées et armées par ces derniers. Certaines autres
de la côte septentrionale s’allièrent aux Français. Ces alliances étaient fonction des
dissensions intertribales et des intérêts commerciaux.
Le danger français écarté, les relations entre Indiens et Américains redevinrent
conflictuelles à cause de l’opposition fondamentale d’intérêt.
Mais quelles sont les raisons de la crise politique du 18è siècle ?
1
- déroulement de la crise

Français, Espagnols, Anglo-saxons étaient engagés depuis la fin du 16è siècle dans
une lutte intense pour la domination politique dans le nouveau monde.
Vers la fin du 18è siècle, la lutte tourne à l’avantage de l’Angleterre qui élimine
progressivement son principal adversaire, la France. En conformité avec les clauses du
traité de Paris qui avait mis fin à la guerre de sept ans (1756-1763, les Français cédèrent
aux Anglais le Canada et les territoires à l’est du Mississipi.
Si les colons furent reconnaissant aux Anglais d’avoir chassé les Français, ils
supportaient de plus en plus difficilement leur tutelle et la pression fiscale : de là un
conflit qui, à travers diverses péripéties, va progressivement conduire à la rupture
d’avec la mère patrie.
Les Français éliminés, les colons estimaient que tout danger immédiat avait
disparu, et que la présence des troupes anglaises aux colonies était désormais inutile.
Le gouvernement britannique pour sa part, estimait légitime de répartir entre ses
sujets les charges nées de la guerre ; d’où une série de nouvelles taxes, instaurées au
cours des années qui suivirent, sur divers produits : le sucre, le café, le textile…En 1765,
l’Angleterre décida de lever un véritable impôt par le « stamp act » : journaux,
pamphlets, licences, documents juridiques et commerciaux, cartes à jouer, réclames
publicitaires étaient soumis au droit de timbre. En même temps les colonies devaient
accepter de continuer d’héberger et de nourrir les troupes britanniques.
Toutes ces mesures qui semblaient tout à fait équitables aux gens de Londres,
furent jugées illégales par les colons parce qu’ils n’avaient pas été consultés : tout
impôt nouveau, disaient-ils doit avoir été accepté par les intéressés : « aucune
imposition sans représentation » était leur slogan.
A quoi les Anglais répondent que le parlement de Londres représente tous les
sujets britanniques et peut donc les taxer. Les esprits s’échauffent donc de part et
d’autre de l’atlantique sans que les colons songent toutefois à la rupture. Sensible aux
arguments développés, le Parlement de Londres supprime en 1770 tous les impôts
sauf un, le droit sur le thé. Ce succès important ne produisit pas l’apaisement escompté
parce qu’il ne réglait pas le problème essentiel, celui du droit du Parlement de taxer
ses sujets britanniques outre-mer.
Des incidents continuaient donc de se produire entre colons américains et troupes
britanniques et culminèrent avec « la partie de thé de Boston », le 16 décembre 1773 ;
ce jour-là, un groupe de colons déguisés en Indiens jeta à la mer une cargaison de thé
récemment amenée par la compagnie des Indes. Le gouvernement anglais répondit
par les « lois intolérables » qui fermèrent le port de Boston et abolirent les franchises
du Massachusetts.
Toutes les colonies se rangèrent derrière le Massachusetts et décidèrent d’envoyer
des délégués au premier Congrès continental réuni à Philadelphie en septembre 1774.
Cette réunion adopta une position conciliante : le Parlement de Londres n’avait aucun
pouvoir fiscal sur les colonies, qui acceptaient de reconnaître sa compétence en
matière commerciale.
2
De part et d’autre, le mécontentement monte car à la résistance des colons, le
gouvernement anglais répond par l’envoi de nouvelles troupes, sans croire encore à
une rupture.
Du côté des colons, des milices se rassemblent et s’entraînent, des législatures
révolutionnaires s’improvisent, des armes sont rassemblées. Quand des troupes
anglaises sont chargées de récupérer celles qu’elles savent cachées à Concord, près de
Boston, elles sont accueillies à coups de fusils et obligées de se retirer précipitamment.
Cette « bataille » de Lexington (avril 1775) suivie de celle de Bunker (juin 1775) est le
signal de la rupture.

3
- Vers la déclaration d’indépendance

Le second Congrès continental à Philadelphie en mai 1775 avait choisi comme


commandant en chef George Washington, un planteur de Virginie, qui avait fait
l’apprentissage de la guerre en combattant contre les Français quinze ans plus tôt. Il
imprima du papier-monnaie et engage des relations diplomatiques avec les puissances
étrangères.
Le 2 juillet 1776, le Congrès finit par déterminer que « ces colonies unies sont et
devraient être de plein droit des Etats libres et indépendants ». Thomas Jefferson,
originaire de Virginie, fut chargé de rédiger un projet de déclaration d’indépendance
que le Congrès approuva le 4 juillet 1776.
A partir de là, le conflit changea de caractère. Depuis 1775 les colons sollicitaient
secrètement l’aide de la France. Maintenant qu’il représentait un peuple indépendant,
le Congrès continental nomma des plénipotentiaires dans toute l’Europe afin d’obtenir
la reconnaissance des droits des colons et George Washington commandait désormais
une armée combattant pour l’indépendance de l’Amérique. Les 13 colonies devinrent
donc treize Etats.
Il leur fallait penser à créer des institutions communes. Pour consolider l’union, les
Américains devaient également élaborer un cadre constitutionnel approprié au
fonctionnement d’un gouvernement national. Cependant, la première tâche qui
incombait aux Américains était d’affronter militairement l’Angleterre qui, bien
entendu leur contestait le droit de se détacher de la mère-patrie.
Pour faire de l’indépendance une réalité, il fallait gagner la guerre. Bien que, avant
1781, le Congrès continental ne disposa ni d’une délégation d’autorité précise ni d’une
base constitutionnelle fixe, c’est lui qui régla les problèmes financiers, militaires,
diplomatiques et constitutionnels qui se posèrent au cours de cette période critique.
Certes, on perdit parfois du temps à discuter sur les points de détail au lieu d’agir, mais
ce qu’il faut retenir de l’œuvre, ce sont les grandes réussites et non les petits échecs.

- La guerre d’indépendance (1776-1783)

La guerre fut un combat étrange et, par moment, désespéré pour les Américains.
Mais un chef opiniâtre et résolu était né en la personne de Washington. Peut-être
n’était-il pas brillant tacticien mais il possédait le courage, l’intégrité et la force d’âme
qui sont les qualités essentielles d’un chef militaire. Avec une armée démoralisée par
le manque de ravitaillement, les désertions et parfois, les mutineries, il tint bon jusqu’à
ce que l’Amérique, avec l’aide des Français, eut remporté la victoire.
En effet, la guerre avait mal commencé pour les Américains. Les Anglais prirent la
ville de New-York en septembre 1776 et Philadelphie un an plus tard. La chance leur
sourit enfin en octobre 1777 lorsque l’armée britannique se rendit à Saratoga dans le
Nord de l’Etat de New-York. Encouragé par cette victoire, la France saisit l’occasion
pour humilier l’Angleterre. Un traité franco-américain fut signé en 1778 et fut
déterminant dans l’issue favorable du conflit pour les nouveaux Etats indépendants.
1
La médiocrité des Britanniques joua un rôle dans l’issue de la guerre. La chance de
l’Amérique fut aussi que la Grande-Bretagne était engagée dans une guerre mondiale
et qu’une partie de ses troupes et de ses chefs d’élites se trouvait aux Indes, en Afrique,
aux Antilles ou ailleurs.
Bien que plusieurs jeunes français comme la Fayette eussent traversé l’atlantique
pour combattre aux côtés des patriotes, par idéalisme, l’alliance des Bourbons de
France et d’Espagne par contre ne fut dictée ni par l’amour de la liberté ni par les
principes républicains si noblement formulés dans la déclaration d’indépendance.
L’ironie du sort a voulu que ces mêmes principes exercent une influence considérable
en France quelques années plus tard et qu’ils fassent s’écrouler la monarchie. Mais
dans le conflit entre la Grande Bretagne et ses colonies, la France joua seulement un
jeu politique. Elle espérait prendre sa revanche sur son ennemi traditionnel et, peut-
être récupérer une partie des possessions qu’elle avait perdues en Amérique.
L’Espagne elle aussi avait des vues sur les territoires situés à l’Ouest des
établissements britanniques d’Amérique du Nord. L’affaiblissement de la Grande
Bretagne dans le nouveau monde ouvrait à la France et à la l’Espagne la perspective de
nouveaux agrandissements territoriaux. Il serait alors facile de dominer, voire de
dévorer une république faible, sans argent ni alliés.
La France avait promis à son allié espagnol de l’aider à reprendre Gibraltar aux
Britanniques, mais l’assaut contre le rocher n’avait pas abouti. Ainsi, la France se
proposait-elle d’offrir en compensation à l’Espagne les territoires qui se trouvaient à
l’Ouest des Appalaches. Le sort de ces territoires fut un élément crucial lors des
négociations de paix.
Le traité de Paris, en septembre 1783, reconnaissait l’indépendance des Etats-Unis
et accordait à la nouvelle nation le territoire au Sud par la Floride, au nord par le Canada
e à l’ouest par le Mississipi.

- La mise en place des gouvernements des Etats-Unis

Les colonies étaient désormais libres mais elles ne formaient pas encore un pays
unifié. La première constitution nationale, les Articles de la Confédération, avait été
adoptée par le Congrès en 1777 mais ne fut pas ratifiée avant 1781. Ce texte du reste
donnait peu de pouvoir au gouvernement fédéral, « chaque Etat conservant sa
souveraineté ». Le résultat ne se fit pas attendre : une série de conflits sans solution
viable.
En mai 1787, 55 des leaders américains les plus éminents, parmi lesquels George
Washington, convoquèrent une Convention constitutionnelle à Philadelphie,
spécialement chargée de réviser les Articles de la Confédérations. Mais les délégués
décidèrent sans ambages de se défaire des Articles et entreprirent de rédiger un
nouveau projet constitutionnel. La réunion se prolongea pendant quatre longs mois et
aboutit à la Constitution des Etats-Unis. Cette Constitution établit non seulement une
ligne d’Etats indépendants mais également un gouvernement central puissant qui
exerce une autorité directe sur l’ensemble des citoyens de la nation.

2
La Constitution fut ratifiée en 1788 mais non sans d’âpres débats. De nombreux
Américains craignaient qu’un gouvernement central puissant n’écrasât les libertés
individuelles, et 10 amendements garantissant ces libertés (la déclaration des droits)
furent ajoutés à la Constitution en 1791.
Les premières élections présidentielles eurent lieu en janvier 1789. George
Washington fut désignée comme le premier président des Etats-Unis et investit le 30
mars 1789.

3
Chapitre 2. Le système politique américain

Les Américains vivent sous un régime présidentiel. La constitution de 1787


organise les pouvoirs qui composent le gouvernement fédéral de façon à ce qu’ils
exercent les uns sur les autres un contrôle réciproque ; soigneusement séparés, les
pouvoirs sont indépendants les uns des autres : en cas de désaccord, aucun n’a le
moyen de mettre un terme à l’existence des deux.

2.1. Le Congrès

L’article 1 de la Constitution des Etats-Unis accorde tous les pouvoirs législatifs à


un congrès formé de deux chambres : le Sénat et la Chambre des Représentants.
N B : Le terme « Congrès » s’explique par l’histoire. Le Congrès fut d’abord la
réunion des délégués des diverses colonies délibérant sur la conduite à tenir à l’égard
de la métropole et plus tard sur les moyens d’obtenir l’indépendance. La Convention
de Philadelphie (mai-septembre 1787) conserva le nom pour désigner le nouvel organe
législative permanent.

2.2. Sénateurs et Représentants

Le Sénat est l’expression des Etats : chacun d’eux, quelle que soient sa population,
sa richesse ou sa force politique a droit à deux sénateurs. Les Etats-Unis étant une
fédération de 50 Etats, l’assemblée sénatoriale se compose de 100 membres.
La deuxième assemblée représente le peuple de la Fédération ; chaque Etat, si
petit soit-il, dispose d’au moins un représentant, d’où l’appellation Chambre des
Représentants. Le nombre total des représentants a été fixée en 1910 à 435 membres,
soit approximativement un pour 480.000 habitants et ce nombre est réparti
proportionnellement à la population des Etats. Actuellement, six Etats ont seulement
un représentant, six en ont plus de 20, la Californie en a 52, l’Etat de New York 31.
Les sénateurs sont élus pour six ans et les représentants pour deux ans. Le Sénat
est renouvelable par tiers tous les deux ans. Les uns et les autres peuvent solliciter de
leurs électeurs le renouvellement de leur mandat autant de fois qu’ils le désirent.

2.3. La procédure législative

- Le projet de loi ou « bill » est présenté à la chambre des Représentants,


enregistré, imprimé ;
- Soumis à une commission qui l’étudie et présente un rapport à la Chambre en
séance plénière ;
- Où il fait l’objet d’un débat avant que l’on vote ou non son adoption ;
- Le projet de loi portant désormais le nom de « act », est adressé au Sénat où il
est également transmis à une commission ;
- Il fait l’objet d’un débat et d’un scrutin avec la possibilité d’amendements ;

1
Comme les deux versions (celle de la Chambre et du Sénat) doivent être
identiques, le texte est communiqué à une commission paritaire composée en nombre
égal de membres des deux assemblées. Quand les différences doivent être aplanies, le
nouveau projet de loi est renvoyé à l’approbation des deux chambres puis au Président
qui peut le signer pour qu’il prenne force de loi, ou y opposer son veto ; ce dernier peut
être surmonté par le Congrès par un vote des 2/3.

2.4. Les pouvoirs du Congrès

- Les compétences des deux Assemblées

Chacune des deux Chambres du Congrès a le pouvoir de présenter des projets de


lois sur n’importe quel sujet mais les propositions en matière financière doivent
obligatoirement provenir de la Chambre, tandis que le Sénat dispose d’un pouvoir
supérieur en politique étrangère. Les deux Chambres remplissent un rôle semblable
mais non identique, chacune ayant son domaine d’intervention spécifique.
La Chambre des Représentants prend l’initiative des lois fiscales, assure la mise
en accusation des fonctionnaires civils (l’ »empeachment »), assure l’élection du
président des Etats-Unis dans le cas où aucun candidat n’aurait obtenu la majorité des
voix du collège électoral. La Chambre est présidée par un membre dénommé
« Speaker ». Le Sénat veille à l’approbation ou au rejet des lois traités à une majorité
des 2/3 des voix, assure le jugement de toute personne accusée par « empeachment »,
confirme les nominations faites par le Président, éli le Vice-président au cas où aucune
candidature n’aurait obtenu la majorité des voix à l’élection. Le Sénat est présidé par
le Vice-président.

- Le système électoral

Tous les quatre ans, un président est élu aux Etats-Unis, le mardi qui suit le
premier lundi de novembre, c’est-à-dire entre le 2 et le 8 novembre. Cette élection est
faite au suffrage universel indirect : le vote populaire de début novembre désigne en
effet les grands les grands électeurs qui, à leur tour, voterons le troisième lundi de
décembre pour élire le président.
Ce collège électoral auquel est dévolu le choix du Président compte 538
membres : chaque Etat élit autant de grands électeurs qui, en pratique, sinon en
théorie, ont reçu un mandat impératif de leurs électeurs. L’élection de novembre se
déroule dans le cadre de chaque Etat et la liste de candidat qui, dans un Etat donné,
obtient la majorité des voix populaires, remporte la totalité des voix des grands
électeurs de cet Etat.

- La durée du mandat

2
Le premier Président américain, Georges Washington, a exercé deux mandats, de
1789 à 1797. Il décline l’offre une troisième fois et prend sa retraite. Ce précédent crée
une tradition aussi forte que si elle était inscrite dans la Constitution et il faudra des
circonstances aussi exceptionnelles que la deuxième guerre mondiale, pour qu’elle soit
transgressée en 1940 et 1944. Franklin D. Roosevelt avait été élu président pour la
première fois en novembre 1932, puis a été réélu par trois fois en 1936, 1940, 1944.
Son quatrième mandat ne durera que trois mois puisqu’il meurt d’une crise cardiaque
le 12 avril 1945. Six ans après sa mort, un amendement, le 22è de la Constitution
américaine, ratifié le 26 février 1951, fait de l’exemple donné par Washington une règle
de droit. Le président américain exerce un mandat de quatre ans et n’est rééligible
qu’une fois. Elu en novembre, le Président rentre en fonction le 20 février.

- Les pouvoirs du président

Les pouvoirs de la présidence sont considérables, mais non pas illimités. Le


président américain est Chef de l’Exécutif, moteur du Congrès, organe de relation
internationale, commandant en chef des armées et souverain.
- Le Vice-président
Est élu conjointement avec le président, sur la même liste.
Constitutionnellement, son rôle est de succéder au Président en cas de destitution,
mort ou démission ou en cas d’ « impossibilité » où serait le président « d’exercer ses
fonctions ». Sa tâche permanente est celle de président du Sénat. Il exerce un rôle peu
important tant que le président remplit ses fonctions. En conséquence, les premiers
vice-présidents furent des personnalités de second plan. Mais la fonction a acquis une
autre importance durant ces dernières décennies ; le 20ème siècle, en effet, a enregistré
trois cas où le vice-président a succédé inopinément au Président.
- Théodore Roosevelt succède en septembre 1901 à William McKinley, assassiné.
- Harry Truman succède en mai 1945 à Franklin Roosevelt
- Lyndon Johnson succède en novembre 1963 à John Kennedy, assassiné

- Les ministères ou « départements »

L’exécution et l’administration courante des lois fédérales sont confiées à


différents départements ou ministères crée par le Congrès pour s’occuper de certains
domaines précis des affaires nationales et internationales. Les chefs de départements
nommés par le Président avec l’approbation du Sénat forment un comité de conseillers
généralement connu sous le nom de « Cabinet Présidentiel »

- Les Etats constituent tout d’abord des personnes morales qui, si elles n’avaient
pas renoncé aux relations internationales pourraient vivre par elles-mêmes. Chacun
des 50 Etats est régi par une Constitution et dispose des organes nécessaires à sa vie :
un législatif, un exécutif et une administration, un judiciaire. Les Etats d’autre part,
constituent une réalité fondamentale de la vie politique du citoyen américain. Celui-ci
n’est pas seulement soumis à une double citoyenneté. Il vibre d’un double ou triple
3
patriotisme : autant il se sent américain, autant il se sent du Texas ou du Maine, et du
sud ou de la Nouvelle-Angleterre ; mais souvent son patriotisme local ou régional est
plus ardent que son patriotisme national. Les Etats remplissent des fonctions
administratives très importantes. Très nombreux sont en effet les domaines qui restent
du ressort de chaque Etat : les écoles, les hôpitaux, les prisons, le droit privé, la justice,
la police, les loyers, les conditions de travail, la construction des routes et la sécurité
routière, le mariage, le divorce, la peine de mort, la santé publique etc. Dans certains
domaines, relevant de la santé, du « bien-être public » et de l’assistance publique.
L’aide de la Fédération prend essentiellement la forme de subvention.
L’Etat est aussi un cadre extrêmement important de la vie politique : désignation
des organes de l’Etat, notamment l’Assemblée législative ou législature ; élection du
premier fonctionnaire de l’ordre exécutif : le gouverneur ; élection des sénateurs et
des électeurs présidentiels. Entre les Etats et la Fédération existent des relations de
collaboration étroites et en général assez harmonieuses. Les différends exceptionnels,
sont arbitrés par la Cour Suprême.

4
Chapitre 3 : Crise politique en Amérique au 19ème siècle : la guerre de sécession

Entre 1846 et 1848, avec le règlement de la question de l’Oregon et le traité de


Gaudaloupe Hidalgo qui met fin à la guerre du Mexique, les Etats-Unis étaient devenus,
dans toute l’acceptation du terme, une république transcontinentale qui s’étendait
d’un océan à l’autre. Son essor avait été remarquable : en 45 ans, la frontière avait été
repoussée du Mississipi au Pacifique.
Un aussi vaste territoire ne pouvait évidemment évoluer sans que ne se posent
des problèmes de rivalités géographiques, liés à l’opposition des intérêts économique ;
des conflits ont ainsi surgi entre l’Est et l’Ouest. Une crise va bientôt dresser le Sud
contre le Nord avec une intensité sans précédent.

3.1. Divergences économiques entre le Nord et le Sud

C’est d’abord le développement économique qui oppose le Nord et le Sud. Le


Nord-est s’industrialise, le Sud reste exclusivement agricole, mais au lieu que cette
dissemblance les rende complémentaires, elle met leurs intérêts en contradiction.
L’industrie du Nord-est, principalement textile a pris son essor à la faveur du
nouveau conflit entre les Etats-Unis et l’Angleterre qualifiée de seconde guerre
d’indépendance (1812-1815) : la guerre éclate sur la prétention anglaise d’interdire
tout commerce entre la France et les Etats-Unis et les mesures du blocus prises par la
marine britannique. Les opérations militaires comportèrent peu d’actions éclatantes :
les Britanniques incendièrent Washington. Succès américains (1815) devant New-
Orléans. Le traité de Gand (novembre 1815) confirme l’indépendance américaine sans
modifier les dispositions territoriales de 1783 qui avait interrompu les courants
commerciaux et brusquement privé le marché américain des produits britanniques. La
paix rétablie, le congrès à la demande des manufactures incapables de lutter entre la
concurrence des industries européennes, prolonge cet isolement artificiellement par
des tarifs douaniers. A l’abri de ces barrières, périodiquement rehaussées, l’industrie
de la Nouvelle-Angleterre dispose du monopole du marché national.
L’intérêt du Sud devient exactement contraire, avec l’extension de la culture du
coton qui a peu à peu supplanté les autres cultures (tabac, riz, indigo, canne à sucre).
Depuis l’invention de la machine à égrener en 1793, le coton a envahi a dominé
l’économie. Cette monoculture l’oriente vers l’étranger dont elle le rend dépendant au
plus haut point. C’est aux manufacturiers du Lancashire que les planteurs vendent le
principal de leur récolte. Réciproquement ils se fournissent en Angleterre. Ils y sont
souvent entraînés par des clauses financières, ayant peu de liquidité, ils vendent leur
récolte par avance et vivent des acomptes consentis par les banques anglaises.
De plus, les sudistes ont des goûts raffinés et aimant le luxe auxquels ils sont
habitués héréditairement. Ils donnent la préférence aux produits européens dont la
qualité est ordinairement supérieure aux fabrications américaines. De toute façon, leur
intérêt est de mettre en concurrence les produits européens et américains. Autant de
raisons de tenir au libre-échange et d’enrager de voir le Congrès déférer aux demandes
des manufacturiers du Nord-Est.
1
3.2. Cause sociale : l’esclavage

L’antagonisme Nord-Sud qui était jusque-là de nature économique, se complique


en raison d’un nouveau motif, à présent social, l’esclavage. Les Etats-Unis n’avaient
aucune responsabilité dans l’origine de l’institution. C’était un legs de la domination
britannique, donc de la période coloniale. La question de son abolition s’était posée en
1787, mais les constituants avaient jugé plus sage de s’en remettre à l’action du temps,
escomptant que l’esclavage s’éteindrait progressivement. Mais loin de disparaître,
l’esclavage, malgré l’entrée en vigueur de l’abolition de la traite en 1807, prit un essor
imprévu.
Le responsable était le coton dont la culture sur des superficies croissantes
exigeait une main-d’œuvre servile de plus en plus nombreuse. Sur les grandes
plantations, les troupeaux d’esclaves étaient menés rudement par les contremaîtres
dont l’emploi dépendait de leur aptitude à tirer des esclaves le maximum de
rendement. En même, sa nécessité lui donnait une apparence de justification et en
faisait la clé de voûte de toute l’économie du Sud. Il était aussi le fondement de son
ordre social : la plantation ne pouvait plus s’en passer et sa suppression eût entraîné
le morcellement de la propriété, la ruine matérielle des planteurs et aussi
l’effondrement des valeurs de civilisations estimées supérieures à celles des Yankees.

3.3. La campagne abolitionniste

Dans le Nord cependant, la conscience publique commençait à s’émouvoir d’un


état de choses qui mettait une tache sur la réputation de l’Union et contredisait les
grands principes de la Constitution. Depuis longtemps déjà, quelques précurseurs,
Quakers, en particulier, faisaient campagne pour l’abolition de l’esclavage. Ce sont
d’abord des isolés, généreux et exaltés qui dénonçaient sans discernement la cruauté
de l’esclavage. C’est le cas notamment de William L. Garrison, jeune homme du
Massachusetts qui publiait le premier numéro de son journal « the liberator » en
janvier 1831.
L’une des phases du mouvement anti-esclavagiste consiste à aider les esclaves à
chercher refuge dans le Nord ou de l’autre côté de la frontière du Canada. Un réseau
compliqué de routes secrètes, le chemin de fer clandestin, « underground railway »
fonctionnait régulièrement durant les années 1830 dans tout le Nord et plus
particulièrement dans l’ancien territoire du Nord-Ouest. L’on estime à 40.000 au
moins, le nombre des esclaves qui, de 1830 à 1860, purent ainsi reprendre leur liberté.
Le débat s’enrichit en 1852 de la publication du fameux roman de Harriet
Beecher-Stowe « La case de l’Oncle Sam », qui connut un succès foudroyant tant aux
Etats-Unis qu’à l’étranger. Le passage le plus dramatique du livre est celui qui montre
Eliza, la jeune esclave évadée, poursuivie par des marchands d’esclaves traverser l’Ohio
pris par des glaces. Ce roman fit pleurer un nombre incalculable de gens que les
arguments des abolitionnistes n’avaient jusque-là jamais touché. Cependant le Sud
2
esclavagiste continuait à soutenir le droit des Etats à se prononcer librement sur un
problème qui les concerne seuls et touche à leurs intérêts supérieurs. Argument
dangereux car il porte la controverse sur le terrain constitutionnel et met en cause le
fondement même de l’Union, argument par ailleurs, à double tranchant, car il peut
aussi bien se retourner contre le Sud, s’il est prouvé qu’esclavage compromet la liberté
où les intérêts du Nord. Or, précisément l’Ouest constitue un terrain où Nord et Sud
vont s’affronter et défendre âprement leurs intérêts réciproques.

3.4. L’Ouest devient l’enjeu de la compétition

L’expansion vers l’Ouest va en effet constituer un facteur aggravant dans le débat


pour ou contre l’esclavage. Nord et Sud vont, dans les premières décennies du 19 ème
siècle, se livrer une forte compétition à propos de l’Ouest. Le Sud a besoin de ces terres
nouvelles pour étendre le royaume du coton dont la culture épuise le sol. Li colonise
l’Arkansas, remonte vers le Missouri. Mais la terre n’est rien pour le Sud sans la faculté
de le faire cultiver par les esclaves. Il va donc chercher à faire adopter par ces nouveaux
Etats des constitutions admettant l’esclavage. Le Nord y voit à terme une menace pour
les fermiers libres. Dans un premier temps, une série de compromis permet de
désamorcer les crises. En 1820, un premier compromis dit du Missouri, compense
l’admission du Missouri, Etat à esclaves, par celle du Maine. A l’avenir une limite fixée
au 36è30 de latitude séparerait les deux groupes. Mais en 1845, l’acquisition du Texas
et, peu après, les gains territoriaux réalisés dans le Sud-Ouest à la suite de la guerre du
Mexique firent rebondir le problème. Le Texas, déjà esclavagiste, fut admis comme tel
dans l’Union. Par contre, la Californie, le Nouveau-Mexique ne pratiquaient pas
l’esclavage. Aussi, quand les Etats-Unis s’apprêtèrent à les prendre en charge en 1846,
les avis furent partagés quant au statut qui leur serait accordé. Un nouveau compromis
fut finalement trouvé en 1850 à partir des propositions du sénateur Henry Clay, du
Kentucky qui s’articulaient en 4 parties :
- La Californie serait admise en tant qu’Etat libre.
- L’Etat du Nouveau-Mexique déciderait librement de l’admission ou de
l’abolition de l’esclavage.
- Suppression du commerce des esclaves dans le District de Columbia (mais
l’esclavage demeure autorisé)
- Restitution des esclaves fugitifs à leurs propriétaires.
La trêve dura 3ans et en 1854 il y eu une nouvelle trêve. La ligne du 36°30 devenait
caduque, désormais les nouveaux Etats ont la latitude d’adopter la position de leur
choix.

3
3.5. La guerre de sécession

- L’élection de Abraham Lincoln et ses conséquences

Dans le contexte de cette situation qui évoluait rapidement vers la confrontation,


l’élection en 1860 du successeur du Président James Buchanan, revêtait une
importance capitale. Les démocrates présentent deux candidats, un du Sud et un du
Nord. Le jeune parti républicain en choisit un seul, un avocat de l’Illinois, Abraham
Lincoln, bien connu pour ses convictions anti-esclavagistes. Lincoln fut élu avec 40%
des voix. Sans même attendre son entrée en fonction ni qu’il ait précisé ses intentions,
la Caroline du Sud, toujours à l’avant-garde de la dissidence, considérant que le Nord
a élu un homme hostile à l’esclavage, prend l’initiative de sortir de l’Union, le 20
décembre 1860.
Une convention en Caroline du Sud décide de dissoudre l’union subsistant entre
elle et les autres Etats. D’autres Etats du Sud s’empressent d’imiter la Caroline du Sud
et le 8 février 1861, les délégués de 7 Etats : Caroline du Sud, Mississipi, Floride,
Georgie, Louisiane, Texas réunis à Montgomery, dans l’Alabama constituent une
nouvelle entité politique, les Etats confédérés et élisent un président, Jefferson Davis,
choisissent une capital, Richmond, (celle de la virgine). Quatre autres Etats, après avoir
hésité entre le loyalisme à l’Union et la solidarité du Sud, les rejoignent : Virginie,
Caroline du Nord, Tennessee, l’Arkansas.
Elu président, mais pas encore en fonction, en 1861, Lincoln ne put que proclamer
des intentions pas très explicites « Mon but essentiel dans ce conflit est de sauvegarder
l’Union et non de sauvegarder ou détruire l’esclavage. Si je pouvais sauver l’Union sans
libérer d’esclaves, je le ferais ; si je pouvais le sauver en libérant tous les esclaves, je le
ferais ; et si je pouvais le sauver en libérant des esclaves et en ne m’occupant pas des
autres, je le ferais aussi », et laissa l’initiative au président Buchanan qui resta sans
réaction face à la situation. Quant à Lincoln, dès son investiture, le 4 mars 1861, il
conteste absolument aux Etats sécessionnistes le droit de rompre unilatéralement le
pacte fédéral.

3.6. La guerre de Sécession et son déroulement

La sécession n’est pas encore la guerre. Les garnisons fédérales dans le Sud
s’abstiennent de toute provocation. C’est encore du Sud que vient l’initiative ; à l’aube
du 12 avril 1861, l’artillerie du Sud ouvre le feu sur Fort Sumter, la forteresse fédérale
qui défend l’approche du port de Charlestone (Caroline du Sud). La guerre est
commencée. Ce fut une des plus atroces guerres civiles que l’histoire ait connues, une
des plus longues aussi : elle durera quatre pleines années, de l’assaut contre le Fort
Sumter (12 avril 1861) à la capitulation d’Appomatox (9 avril 1865).
A l’ouverture du conflit, la lutte ne semble guère égale entre les deux adversaires :
23 Etats (25 avec la création de la Virginie occidentale et l’admission du Kansas) sont
fidèles à l’Union ; 11 ont fait sécession. Le Sud opposait au Nord 9 millions d’habitants
dont 40% étaient des esclaves.
1
Le Nord représentait avec l’Ouest et les Etats esclavagistes fidèles à l’Union près
de 23 millions d’habitants. Les hostilités se déroulent sur trois fronts principaux :
- Le front maritime
- Le front des Etats riverains de l’Atlantique
- Le front du Mississipi
Sur mer, c’est le blocus des ports sudistes par la flotte nordiste qui joua le rôle
déterminant. Car bientôt la principale richesse du Sud, le coton, ne peut plus être
exportée vers l’Angleterre.
Sur le front du Mississipi, la prise de la Nouvelle Orléans (1862) puis celle de Vicksburg
(1863) par le général Grant rendirent à la Fédération la libre disposition du fleuve et
affaiblirent les forces confédérées en isolant complètement les deux Etats
sécessionnistes situés sur la rive droite : le Texas et l’Arkansas.
Sur le front des Etats côtiers, les troupes fédérales subirent d’abord un revers après
l’autre. Leur premier succès véritable fut la bataille du Gettysburg (1-3 juillet 1863)
mais il leur fallut encore presque deux ans de dures campagnes avant que le général
Grant ne put convaincre le Général Lee de déposer les armes et de se rendre dans la
cour de l’hôtel de ville d’Appomatox, (Virginie) le 9 avril 1865.
La lutte avait été très coûteuse en vies humaines. Les deux camps perdirent en
tout 600.000 hommes. Aucune guerre, même la deuxième Guerre mondiale n’a coûté
autant de vies américaines. Les 8/10 dabs des morts sont des victimes des batailles. Le
général Grant en un seul mois sacrifia plus de 50000 hommes. Les maladies aussi
comme la typhoïde, la tuberculose, la dysenterie, ravagèrent les armées. De
nombreuses régions du Sud avaient été dévastées et tout le Sud ruiné. Mais le principal
semblait acquis : « la maison cessait officiellement d’être divisée » (déclaration de
Lincoln le 17 juin 1861).
Pour les Etats fédérés, la guerre avait mis en lumière un héros en la personne
d’Abraham Lincoln qui a su réaliser une gestion habile et pragmatique de cette
situation de crise extraordinaire complexe. En novembre 1864, Lincoln fut réélu pour
un second mandat, avec, comme vice-président, un démocrate du Sud, Andrew
Johnson. Il entama sa seconde présidence au mois de mars 1865. Dans son discours
d’investiture, il invita ses compatriotes à n’avoir de rancune pour personne et à faire
preuve de charité envers tous afin de panser les blessures de la nation.
Le 9 avril 1865, le général Lee signait la capitulation des forces confédérées. Le 14
avril 1865, Lincoln assistait à une représentation dans un théâtre de Washington quand
il fut victime d’un attentat. Un jeune acteur déséquilibré tira sur lui plusieurs coups de
feu. Il mourut le lendemain sans avoir repris connaissance et Andrew Johnson devint
président des Etats-Unis.

3.7. La défaite du Sud et la reconstruction

La victoire du Nord tranche définitivement la question pendante depuis la


fondation des Etats-Unis de l’hégémonie dans l’Union. Des deux modes de vie qui y
coexistaient, lequel l’emporterait sur l’autre ? La civilisation issue de la Nouvelle-
Angleterre, puritaine, égalitaire, démocratique, à prépondérance urbaine et
2
industrielle à triomphé de la civilisation des planteurs du Sud, aristocratique et rurale.
La direction de l’Union passe irrémédiablement au Nord. Le Sud a non seulement perdu
ses chances de participer à la direction commune, il est lui-même profondément
atteint et se relèvera difficilement de son désastre. La guerre qui s’est déroulée sur son
sol y a accumulé les ruines. Les troupes fédérales vont l’occuper pendant des années.
Des gouvernements imposés par Washington se substitueront à ses élus pour prendre
en main ses affaires ; les conséquences de la guerre jointes à la suppression à la
suppression du travail servile ruinent l’économie traditionnelle du Sud et son
aristocratie de propriétaires ; les grandes plantations se morcellent, la main d’œuvre
se disperse ; tous ses cadres rompus, une société est morte.
Le progressif relèvement du Sud comportera un double aspect politique et
économique notamment, le retour des Etats dans l’Union et la Reconstruction.
La première question qui se posa fut celle de déterminer le statut des Etats qui
avaient fait sécession. Comme premier élément de réponse, Lincoln avait déjà fait une
distinction entre les Etats et les habitants des Etats. Selon lui, seuls quelques citoyens
déloyaux avaient défié l’autorité fédérale ; en décembre 1863, il avait donc proclamé
une amnistie pour les sudistes qui prêteraient un serment de loyauté à l’Union : les
Etats dans lesquels 10% des électeurs auraient prêté un serment de loyauté à l’Union et
accepteraient l’émancipation ; des esclaves seraient réintégrés mais le Congrès
s’opposa à cette politique.
Succédant à Lincoln, Andrew Johnson entreprit d’appliquer les idées de son
prédécesseur. Il reconnut l’Arkansas, la Louisiane, le Tennessee et la Virginie ; des
gouvernements provisoires furent organisés dans les autres Etats qui sont peu à peu
réadmis dans l’Union. Mais Johnson se heurta à un Congrès plus radical que lui. Pour
cette instance le Sud était une province conquise. La sécession équivalait de l’avis de
certains « congressmen », à un suicide qui annulait tous les privilèges de l’Union. Le
retour dans la fédération devait être décidé par le Congrès. En avril 1866, le Congrès
adopta des lois sur les droits civiques et pour éviter toute interprétation modérée de
la part de la Cour Suprême, il en fit le 14è amendement qui sera ratifié le 28 juillet
1868. Il y était déclaré que sont « citoyens des Etats-Unis et de l’Etat dans lequel elles
résident, toutes personnes nées ou naturalisées aux Etats-Unis ou dans les territoires
soumis à sa juridiction. La nouvelle disposition constitutionnelle interdisait en outre
aux Etats de promulguer des lois ayant pour effet de priver quiconque de sa vie, de sa
liberté ou de sa propriété sans décision judiciaire régulière.
Toutes les législatures du Sud, celles du Tennessee exceptée, refusèrent de
ratifier l’amendement. Le Congrès réagit en adoptant se mars à juillet 1867, une série
de lois sur la Reconstruction découpant les 10 Etats du Sud en 5 régions militaires,
chacune sous les ordres d’un général. Ces gouverneurs militaires devaient organiser
des élections dont émaneraient des conventions chargées d’élaborer les nouvelles
constitutions des Etats. Ces textes devaient accorder le droit de vote aux Noirs. En
février 1869, le 15è amendement qui sera ratifié le 30 mars 1870, garantissait le droit
de vote à tout citoyen quelles que soient sa race, sa couleur, qu’il ait été esclave ou
non avant 1865. Les gouvernements étaient tenus de ratifier le 14è amendement pour
être enfin réintégrés dans l’Union.
3
Le résultat fut que les Noirs constituèrent de nouveaux gouvernements en
Alabama, en Floride, en Louisiane, dans le Mississipi, en Caroline du Sud. Dans les
autres Etats, ils étaient alliés à des « radicaux blancs ». Ce fut, au Sud le temps des
« carpetbaggers ». Ce surnom fut donné par des sudistes aux politiciens accourus du
Nord, civils blancs qui disait-on, alléchés par des perspectives de gain facile,
descendaient du Nord, en pays occupé, avec pour tout bagage, une valise vide qu’il
s’agit de remplir. Le temps aussi des « scalawags » qui sont des traitres du Sud, soit des
Blancs qui acceptaient de servir le Nord. Il faut noter que le rôle néfaste des
« carpetbaggers » a été exagéré par la propagande sudiste. Il y eut indiscutablement
des pillards ; mais on comptait aussi beaucoup d’idéalistes dans les rangs des nordistes,
des femmes notamment venues avec des motifs désintéressés : créer des écoles et
aider les Noirs dans l’apprentissage de leur liberté. Selon cette nouvelle politique, en
juin 1868, 7 Etats étaient réintégrés. Quant au président Johnson, il fut soumis par le
Congrès à une procédure d’«impeachment » ; son procès se termina par un
acquittement obtenu de justesse.
Mais les Blancs du Sud qui ne se reconnaissaient pas dans ces gouvernements
étrangers nés de la conjoncture des « yankees » détestés et des « negroes »méprisés
et qui ne trouvaient aucun moyen légal d’arrêter le cours des évènements, recoururent
à l’action clandestine de la violence, naissance du Ku-klux-klan.
Cependant, le temps fit peu à peu son œuvre d’apaisement. En 1872, une loi
d’amnistie releva de leur incapacité juridique la plupart des Blancs ; les carpetbaggers
sont alors progressivement écartés, les troupes fédérées retirées. En 1874, le Sud est
redevenu maître de ses destinées, la Reconstruction est terminée.

4
Chapitre 4 : la question raciale en Amérique

Les Noirs américains forment le seul groupe racial ou ethnique à avoir été amené
contre son gré. Venu d’un continent plus vaste que l’Europe, ils parlaient à l’origine
une multitude de langues et représentent des cultures très diverses. En plus de deux
siècles de servitude, les caractéristiques linguistiques et culturelles ancestrales se sont
effacées. Les différences génétiques ont fusionné pour donner le Noir américain
d’aujourd’hui, qui est plus un produit culturel et biologique du nouveau monde que le
descendant direct de quelque nation ou de quelque culture africaine que ce soit.

4.1. De l’esclavage à l’émancipation

Les premiers captifs africains au nombre de vingt furent débarqués en 1619,


d’une frégate hollandaise à Jamestown, en Virginie. Ils devinrent domestiques
contractuels tout comme les domestiques blancs, ainsi que le voulait la coutume de
l’époque. Les uns et les autres étaient affranchis au bout d’un certain nombre
d’années. On ne saurait dire avec précision quand leur fut imposé le statut d’esclaves
à perpétuité, mais dans les années 1640, les Noirs qui débarquaient dans cette colonie
ne bénéficiaient plus de contrat de travail. La première loi américaine introduisant la
notion de servitude perpétuelle étendue à la descendance fut promulguée en 1661, en
Virginie. D’autres colonies imitèrent le précédent virginien et, dès lors, les Africains qui
y étaient expédiés furent ipso facto, condamnés à la condition d’esclaves.

4.2. L’esclavage jusqu’à la guerre de sécession

L’importation des Noirs alla de pair avec le développement des plantations dans
les colonies du sud et du centre des Etats-Unis. Pendant les XVIIIème siècles, les
négriers de Bristol (Angleterre) ou de Newsport (Rhode Island) débarquèrent par
milliers, des Noirs africains achetés à vil prix sur les côtes de Guinée et revendus dans
les villes du sud ou les ports des Antilles. Ils étaient principalement employés dans la
culture du riz, de l’indigo, de la canne à sucre et surtout du tabac.
Au moment de l’indépendance, on estime leur nombre à environ 700000, dont
plus de trois quarts dans le sud. L’invention par Whitney de la machine à égrener le
coton, en 1793, eut pour conséquence que 60% de l’ensemble de la population esclave
des Etats-Unis finit par être engagé dans la culture du coton. Les esclaves furent de
plus en plus concentrés dans les régions du sud dont les sols et le climat convenaient
le mieux à cette production. Leurs effectifs augmentèrent rapidement dans le sud
profond : Alabama, Mississipi, Texas et Louisiane.

4.3. Les mouvements de révolte

En 1860, la population noire aux Etats-Unis atteignait 4 500000 d’individus ; 91%


d’entre eux étaient esclaves, et seulement 500000 libres, par affranchissement.
L’immense majorité vivait donc sous le régime de l’esclavage : ils ne possédaient aucun
1
droit, pouvaient être vendus comme une simple marchandise, avec ou sans famille, en
suivant le sort de la plantation à laquelle ils étaient attachés. Leur maître possédait un
droit absolu sur eux puisqu’ils n’avaient aucune capacité juridique. Cet état de
dépendance totale et la détresse psychologique qui en résultaient étaient la plupart du
temps supportés avec résignation. Les Noirs trouvaient une certaine forme d’exutoire
soit dans la solidité des liens familiaux, même si ceux-ci étaient souvent rompus selon
le bon vouloir du maître par la vente du conjoint ou des enfants ; soit dans la religion,
refuge psychologique où la mort, souvent évoquée dans les cantiques, apparaît comme
un moyen de s’évader de la misère et de la fatigue de ce monde.
Cependant, des cas isolés de révolte toujours sévèrement réprimés furent
enregistrés. Deux d’entre eux méritent d’être signalés. D’abord, la révolte de Denmark
VESEY. Affranchis après 30 ans d’esclavage, il s’installe en 1800 à Charleston (caroline
du Sud) où il fit fortune et devint le leader local de l’ »African Methodist Church ». Il
mit à profit sa position de leader religieux pour organiser pendant 4 ans, de 1818 à
1822, une révolte qui devait aboutir à l’assassinat de tous les propriétaires d’esclaves
de la région de Charlestone. Mais les autorités eurent vent du complot et le
déjouèrent. VESEY, arrêté fut condamné à mort avec 35 autres personnes et pendu le
2 juillet 1822.
La deuxième révolte mémorable fut celle de Nat TURNER. Esclave et leader en
Virginie, TURNER se considéra investi par Dieu, de la mission de délivrer ses frères de
l’esclavage. En 1831, après une éclipse solaire qu’il considéra comme un « signe », il
donna le signal de la révolte en assassinat dans leur sommeil, son maître et toute sa
famille. Il groupa autour de lui 60 autres esclaves et après avoir volé les armes et des
chevaux, il se lança avec eux dans une expédition qui en deux jours les virent parcourir
les plantations des environs, semant la mort sur leur passage. Le nombre des victimes
blanches, adultes et enfant, s’éleva à près de 60. Arrêté dans un refuge après 6
semaines de recherche, il fut jugé et pendu avec 16 de ses compagnons de révolte.

4.4. Les débuts du mouvement abolitionniste

L’esclavage cependant rencontra assez tôt des adversaires et souleva de vives


controverses. Dès la fin du XVIIIè siècle apparaissent des tendances à l’émancipation
des esclaves. Mais en 1787, la Constitution se bornait à interdire la traite à partir du 1 er
janvier 1808. En 1831, William L. Garrison publiait à Boston, le premier numéro du
« Liberator », qui réclamait l’abolition immédiate de l’esclavage aux Etats-Unis.
La renaissance religieuse de cette période favorisa la propagande en faveur de la
libération des Noirs, par le moyen de sermons, de brochures, de journaux. Mais celles-
ci se heurtaient aux réalités économiques et à la puissance des planteurs du Sud
pratiquement maîtres du Congrès pendant cette période. Au milieu du 19è siècle,
malgré tous ces efforts, l’esclavage était plus solidement établi que jamais.
De plus en plus pourtant, les Etats du nord considéraient comme anachronique
l’existence de cette institution et supportaient difficilement la tutelle d’un Sud dépassé
par l’évolution économique qui faisait désormais pencher la balance en faveur des
zones industrielles de la Pennsylvanie, de l’Ohio, de New York et des Etats récents de
2
Middle West ; La fondation du parti Républicain, traduisait cette évolution en 1860,
fut la cause officielle de la guerre de sécession.

4.5. De l’émancipation à la ségrégation

La guerre de sécession met fin à l’esclavage sans pour autant apporter une
solution à la question noire. En 1865, s’ouvre pour les Noirs une période pénible et
difficile, marquée par une succession d’humiliation qui se poursuivirent jusqu’en plein
20è siècle. Libre, le Noir ne l’est qu’en théorie, car la société l’a enfermé dans un carcan
de lois, de règlements et d’habitudes plus humiliantes les uns que les autres.
L’esclavage a fait place à la ségrégation.

- L’émancipation

L’émancipation fut le résultat de la victoire de l’Union sur les Etats esclavagistes


après une lutte longue et acharnée. Avec le 13ème amendement, entré en vigueur le 18
décembre 1865, Lincoln avait donné aux Noirs la liberté. Désormais, « ni esclavage ni
servitude involontaire, si ce n’est en punition de crime dont le coupable aura été
dûment convaincu, n’existeront aux Etats-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur
juridiction ». La loi sur les « droits civiques » de 1866 donna aux Noirs le statut de
citoyen avec tous les droits qui y étaient attachés. En outre le Congrès élabora les 14ème
et 15ème amendements adoptés respectivement en 1868 et 1870. Le premier
interdisait de priver un citoyen de ses droits sans procédures régulière, le second
défendait de retenir le droit de vote sous prétexte de race, couleur ou servitude
antérieure. Enfin la loi sur les « Droits civiques » de 1875 interdit toute discrimination.
Tout cet arsenal législatif n’empêche pas les Noirs d’être frustrés des droits qui
venaient de leur être accordés. En théorie, ils étaient des citoyens à part entière. En
fait, ils demeuraient au ban de la société, car les Blancs refusaient de les considérer
comme des égaux. Dans ces conditions, les rapports Noirs-Blancs évoluèrent
progressivement vers une ségrégation complète mise en place par les Blancs. Cette
ségrégation a été rendue possible par le régime fédéral des Etats-Unis. Les Etats
conservèrent une liberté à peu près totale de régler le statut de leurs citoyens. Bien
plus, la ségrégation fut en quelque sorte légalisée par la Cour Suprême en 1896 ;
Dans l’arrêt »Plessy contre Ferguson », la Cour reconnut le principe de « séparé mais
égal » : la séparation des Blancs et des Noirs devenait légale, pourvu que chaque
communauté se vit offrir des commodités « égales ». Ce principe allait permettre
d’étendre la ségrégation jusqu’aux plus infimes détails de la vie quotidienne

3
- La ségrégation raciale

Considérant les Noirs affranchis comme une race inférieure et inassimilable, la


plupart des Etats du Sud (Caroline du Nord, Caroline du Sud, Virginie, Alabama,
Oklahoma, Texas, Louisiane, Floride) promulguèrent des lois connue sous l’expression
de « loi Jim Crow ». Ce dernier étant l’appellation populaire et péjorative pour désigner
le Noir. Peu à peu, Noirs et Blancs furent séparés dans les gares, les embarcadères, les
chemins de fer et tous les moyens de transport public. Suivi bientôt l’interdiction de
toute cohabitation dans les lieux publics, hôtels, restaurants, théâtres, salons de
coiffure, églises ou lieux de culte, cabines téléphoniques. Dans les villes, les Noirs ne
purent se faire admettre dans les quartiers déjà habités par les Blancs et furent obligés
de se loger loin de leur lieu de travail dans des conditions misérables. Le Noir était donc
condamné à vivre dans un ghetto. Cette ségrégation s’accompagna ey s’exprima dans
de multiples formes d’inégalité notamment dans le domaine politique, économique et
sociale, ainsi que scolaire.

4.6. Les réactions noires

Face à cette dramatique situation qui était la leur, les Noirs adoptèrent des
attitudes diverses et eurent des réactions variées. On eut ainsi des modérés et des
radicaux.

- Les modérés

Le premier leader noir d’envergure national fut Frederick DOUGLASS. Cet ancien
fugitif, qui avait conquis sa liberté longtemps avant la guerre de sécession, fut pendant
et après cette guerre un polémiste, un conférencier et un dirigeant politique national
infatigable. Il se battit à la fois pour des droits civiques et pour que les Noirs se
prennent en charge eux-mêmes. Mais quand il mourut en 1895, la discrimination et les
lynchages avaient ramené la condition de la population noire à son point de départ.
Un autre leader noir, Booker T. Washington, entra brusquement en scène l’année
même de la mort de Douglass. Né esclave, libéré par la proclamation d’émancipation
alors qu’il était encore un enfant, Washington avait non sans peine acquis de
l’instruction et était devenu instituteur. En septembre 1895, il prononça à l’occasion
de l’exposition de l’Atlanta un discours où il exhortait les Noirs du Sud à accomplir leur
destin dans le Sud et appelait les Blancs modérés à coopérer de façon réaliste dans
l’intérêt mutuel des deux races même si celles-ci devaient rester socialement séparées.
Pour Washington, l’égalité politique des Noirs et des Blancs n’était pas réalisable
immédiatement et mieux valait ne pas y songer. Avant tout, il fallait donner aux Noirs
un métier, une qualification professionnelle, un moyen de gagner honnêtement leur
vie. Et c'est ce à quoi il s’employa à l’institut Tuskegee (Alabama) qu’il dirigea de 1881
à 1915. Cet institut concentrait ses efforts sur ce qu’il y avait de plus élémentaire et
de plus utilitaire : habitudes de travail, hygiène, formation du caractère. La doctrine de
B.T. Washington était donc celle d’une promotion sociale à long terme.
1
- Les radicaux

Un des rares opposants à la doctrine toute passive de B.T. Washington fut un


intellectuel noir né dans le Massachusett, William E.B. Du Bois. Il étudia à l’université
de Harvard dont il fut le premier à obtenir un doctorat en philosophie en 1896. Dans
son ouvrage « Les armes du peuple noir » (1903), il critiquait les idées de
B.T.Washington, à qui il reprochait de prêcher une philosophie du travail et de l’argent,
qui ignorait le but suprême de la vie, l’esprit. Pour W.E.B. Du Bois, il fallait commencer
par l’éducation politique. Sinon, c’était de reconnaître le statut inférieur de la race
noire.
Sur son initiative, un groupe de jeunes Noirs se réunit en 1905, à Niagara Falls
(Canada). Ce fut l’origine du mouvement dit du Niagara qui adopta un programme
reposant sur l’abolition des distinctions de races, l’égalité politique. En 1909, le
mouvement du Niagara fusionna avec un groupe de Blancs libéraux pour former le
N.A.A.C.P. (National Association for the Advancement of Colored people ou association
nationale pour le progrès des gens de couleur).
L’action de la N.A.A.C.P. qui se développa surtout sur le plan juridique obtint
quelques résultats significatifs : en 1915, la cours Suprême déclara contraire au 15 ème
amendement la « clause du grand père » et demanda à l’Oklahoma et au Maryland de
la retirer de leur Constitution. En 1917, elle invalida l’ordonnance municipale de
Louisville (Tennessee) créant un quartier spécial pour Noir.
Quand à Du Bois lui-même, ses positions se radicalisèrent progressivement.
Devenu partisan du séparatisme noir, il quitta en 1948 la N.A.A.C.P., trop modéré à son
avis pour rejoindre en 1961 les rangs du parti communiste américain, quitta, en 1962,
les Etats Unis pour le Ghana, où il mourut en 1963, citoyen ghanéen, après avoir
renoncé à la nationalité américaine.
Il faut enfin signaler la solution radicale préconisée par Marcus Garvey. Originaire
de la Jamaïque, il fonda en 1914 l’U.N.I.A. (Universal Negro Improvement Association.
En 1920, il lança à New York une campagne pour le retour des Noirs en Afrique, et créa
à cet effet, une compagnie de navigation. Mais son entreprise échoua. Il fut condamné
pour avoir enfreint aux règlements financiers des postes américaines et expulsé des
Etats-Unis en 1927.
Pendant que se développent ces diverses formes de luttes, il se produisit un
phénomène aux conséquences futures importantes : celui de la « grande migration »
des Noirs. A partir de 1910-1915, ils quittèrent en masse le Sud pour les centres
industriels de Pennsylvanie, de l’Ohio, du Michigan, de l’Illinois. Avec une intensité
variable, selon la conjoncture, cette migration s’est poursuivie jusqu’à nos jours et
continue encore, portant sur des millions d’individus. Les Noirs ont quitté le Sud rural
pour chercher du travail dans les chemins de fer, les constructions navales, la
métallurgie, les usines d’armement, l’industrie automobile.

2
Chapitre 5 : Les femmes dans l’histoire américaine

Les historiens sont restés longtemps silencieux sur l’apport des femmes à
l’histoire américaine. Pareille omission peut être attribuée à cette philosophie qui
réduisait l’histoire à l’exercice et à la transmission du pouvoir politique. De ce point de
vue, incontestablement, les femmes n’ont guère de place dans l’histoire des Etats-Unis.
C’est à partir du 19ème siècle que les féministes ont fait entrer celles-ci dans l’histoire
américaine. Leur approche a transformé le passé féminin en un schéma monolithique
réduit à la lutte pour le droit de vote et à une expérience uniforme de l’oppression.
Ainsi parler des femmes dans l’histoire américaine c’est tenir compte du rôle qu’elles
ont joué dans l’évolution historique de cette partie de l’Amérique.

5.1. La frontière

Dans l’histoire américaine, la frontière a été cette ligne de rencontre entre la


civilisation et le « vide » désertique (au demeurant occupé par l’indien) qui n’a cessé
de reculer vers l’ouest alors que s’accomplissait l’américanisation. Sommairement
définie selon l’interprétation de l’historien Frédérick Jackson Turner, la frontière
concerne essentiellement deux groupes de protagonistes, les Blancs et les Indiens.
Faute de sources indigènes, nous ne savons que très fragmentairement comment les
Indiennes vécurent cette confrontation. La mémoire des hommes a opéré sa sélection
habituelle et conservé le souvenir seulement des plus célèbres, c’est-à-dire de celles
qui collaborent avec les Blancs dans leur entreprise de conquête, Pocahontas ou
Ghigan, alias Nancy Ward ; l’histoire est silencieuse sur le drame personnel des squaws
qui furent vendues aux pionniers comme « épouse » ou esclaves, notamment avant
l’arrivée des femmes blanches dans l’Ouest. Nombreux par contre sont les récits de
captivité qui racontent l’épreuve vécue par ces dernières. Si irrémédiable pour
certaines paraissait le viol indigène qu’elles refusèrent de revenir parmi les leurs ;
d’autres comme Joséphine Meeker, semblèrent surmonter le choc. Dans l’imaginaire
des Blanches qui vivaient sur la frontière ou qui s’apprêtaient à entreprendre le voyage
de l’Ouest, l’Indien en vint ainsi à représenter la violence du sexe. Jusqu’au 20 ème siècle,
la frontière a été présentée comme un lieu de libération et de promotion pour les
Américaines avec l’inévitable Calamity Jane. Le droit des femmes à la propriété s’y
inscrivit lorsqu’en 1862, la loi sur le Homestead donna aux femmes comme aux
hommes, la possibilité d’acquérir, en leur nom, un lopin de terre de 320 acres, même
si l’exiguïté du lot ne pouvait pas assurer l’indépendance économique. Au cours de ces
dernières années, toutefois, des études féminines ont souligné que, hormis les
exceptions célèbres, la frontière proposa aux femmes des occupations
traditionnellement féminines telles que l’enseignement primaire, les emplois
domestiques ou paramédicaux, la couture, le secrétariat et…La prostitution. Le
recensement de 1870 révéla, par exemple que 45% des femmes célibataires vivant à
Portland étaient employées domestiques. Quant aux droits politiques, si parmi les onze
Etats qui avaient accordé le droit de vote aux femmes avant 1914, dix se situaient dans

1
l’Ouest, le propos n’était pas, semble-t-il, de promouvoir la participation des femmes
dans les gouvernements locaux mais de servir les intérêts de groupes particuliers.

5.2. La dissidence religieuse

Dans l’immense foule des femmes qui ont participé à l’histoire religieuse
américaine, seules les rebelles sont sorties de l’anonymat collectif. Non pas des
rebelles contre Dieu mais contre cette interprétation masculine de la loi divine qui,
inscrite dans les textes par l’homme, tend à vouer les femmes à la servitude et au
silence de l’infériorité. C’est donc en relation avec la religion que dès l’époque
coloniale, s’est élevée, pour la première fois, la protestation féminine revendiquant la
liberté de conscience, le droit à l’expression et, de ce fait, l’égalité. L’initiative en revint
à Anne Hutchinson qui défia le pouvoir quelque peu théocratique établi dans la colonie
de la Baie du Massachusetts. Refusant le bâillon que lui imposait le contrat collectif de
l’orthodoxie calviniste, elle prêcha le contrat individuel de la grâce ; à ses yeux, tout
être humain pouvait communier directement avec Dieu. Triple subversion qui cumulait
l’hérésie religieuse, la trahison politique et la rébellion féminine. Aggravée par le
succès d’audience qu’elle rencontra, elle ne pouvait qu’aboutir à un retentissant
procès qui eut lieu en Amérique en 1637 et qui fut achevé par le verdict du
bannissement.
D’autres femmes, durant l’époque coloniale, furent victimes de l’intolérance
religieuse. Quatorze d’entre elles furent, ainsi, exécutées lors de la chasse aux
sorcières, à Salem, en 1692. Leurs confessions révélèrent de façon inquiétante, le
sentiment de culpabilité qu’avait réussi à développer en elles l’endoctrinement
calviniste. Seuls les Quakers, eux-mêmes victimes de persécution, permirent aux
femmes d’échapper, un tant soit peu au déterminisme pesant de la faute originelle et
leur reconnurent le droit de participer aux affaires religieuses, de prendre la parole au
cours des assemblées et d’accéder au sacerdoce.
Les sectes et les réveils religieux, qui se multipliaient au cours de la deuxième
moitié du 18ème siècle laissèrent aux femmes de plus grandes possibilités de s’affirmer.
Ainsi, c’est au sein d’une secte dissidente des Quakers, qui préconisait chasteté et
confession publique, que se révéla, dans l’Amérique révolutionnaire, celle qui, pour la
première fois devait pousser la révolte d’Anne Hutchinson jusqu’à sa conclusion
logique, en se proclamant la réincarnation du Verbe : Anne Lee, fondatrice de la secte
des Shakers aux Etats-Unis. A la même époque, près du lac Seneca, Jemima Wilkinson
créait une communauté et prêchait l’amour et la paix, en s’arrogeant le titre de
« Universal Friend », incarnation de l’esprit Saint pour le prochain millénaire. En 1979,
lors de la visite de Jean Paul II aux Etats6Unis, la sœur Thérèse Kane interpellait le pape
sur le problème de l’ordination des femmes dans l’Eglise mormone jugeait et
excommuniait Sonia Johnson pour avoir osé défendre l’Amendement des droits égaux.
L’histoire d’Anne Hutchinson se répétait.

2
5.3. La guerre

Hormis quelques fortes individualités, les Américaines ont toujours respecté les
décisions de guerre prises par des instances de pouvoir dont elles furent totalement
exclues jusqu’au premier conflit mondial. Prisonnières des liens de consanguinité, elles
se sont, aussi, déterminées selon les mêmes clivages que leurs compagnons. Certains
cas douloureux existèrent, cependant, lors de la guerre civile. Ainsi, les sœurs Grimké,
originaires de la Caroline du Sud, et Annie Carter Lee, la propre fille du commandant
en chef des troupes sudistes, se désolidarisèrent de leur famille et rallièrent le camp
nordiste. La décision de guerre étant assumée, les Américaines ont apporté leur
contribution de diverses manières. Tout d’abord, par des initiatives dans le
prolongement de leur vocation domestique, telles que les activités de tissage et de
filature destinées à la consommation courante de l’Amérique révolutionnaire dans sa
stratégie de boycott et, plus tard au cours de la guerre de Sécession, à l’équipement
de l’armée sudiste puisque l’industrie textile était concentrée dans le Nord. On estime
à vingt mille celles qui, plus audacieuses, suivirent les troupes américaines ou
britanniques, pendant la guerre d’Indépendance. Leurs tâches étaient encore
essentiellement domestiques mais certaines, comme Molly Pitcher, Deborah Sampson
Gannett ou encore Nancy Hart, participèrent au combat et, à ce titre, sont entrées dans
la légende nationale. Cependant, c’est surtout dans leur rôle de soignantes et
d’infirmières que les Américaines ont réussi, au mieux, la jonction entre la féminité
traditionnelle et la guerre, les exemples les plus remarquables étant ceux de Dorothea
Dix, Susie Kin Taylor et Clara Barton, force agissante de la Croix-Rouge internationales,
celle-ci affirma la nécessaire neutralité du corps sanitaire et prodigua ses oins à la fois
aux Yankees et aux Confédérés.
Cependant, les guerres ont donné aux femmes l’occasion de rompre avec des
rôles traditionnellement féminins. A cet égard, la guerre de Sécession fut décisive qui
fit entrer dans les fabriques de munitions celles dont le mari était au front, faute d’avoir
l’argent nécessaire pour éviter la conscription. C’est cette même industrie de
l’armement qui employa un nombre croissant d’Américaines en 1917-1918 et surtout,
durant la Seconde Guerre mondiale où Rosie la Riveuse fut promue héroïne nationale
avant d’être renvoyée dans son foyer au terme du conflit.

3
5.4. Les femmes et la question raciale

Le problème raciale a toujours été étroitement lié à la question féminine, soit


que la femme noire, esclave ou libre, l’ait vécu dans sa chair et dans son âme, soit
que l’Américaine blanche ait vu dans la condition du peuple noir le reflet de l’injustice
dont elle était, elle-même, victime. Si la dame du Sud était le témoin amer du
métissage, l’esclave noire en était l’actrice involontaire. Les noires ont donc eu à
réhabilité la mémoire de leurs mères esclaves et à prouver que celles-ci participèrent
à tous les actes de résistance de leur race. Les mères y ajoutaient l’infanticide afin de
soustraire leurs enfants à la servitude. Ainsi on peut retenir l’exemple de Margaret
Garner, fugitive de vingt-deux ans, rattrapée par une patrouille sudiste, elle tua sa
fillette de trois ans en prison et, après avoir noyé son bébé dans l’Ohio, se laissa
mourir lorsque le bateau qui la ramenait dans le Sud fit naufrage. Parmi celles qui
réussirent à s’enfuirent, Harriet Tubman et Sojourner Truth font figure d’héroïnes. De
1850 à 1860, la première libéra quelque trois cent esclaves au cours d’une vingtaine
de voyages pour le compte du chemin de fer souterrain. Toutefois, la résistance la
plus remarquable fut collective. Elle consista à assurer la survie de la race, en
sauvegardant la cohésion de la famille noire.
Les Blanches quant à elles, luttèrent très tôt pour la cause des Noires. De 1833 à
1834, Prudence Crandall se consacra à l’éducation de dix-sept élèves noires dans sa
petite école de Canterbury, dans le Connecticut et résista pendant plus d’un an, à la
violence raciste. Par ailleurs, c’est en défendant la cause de l’esclavage que certaines
Américaines prirent conscience de la discrimination sexuelle, se voyant refuser
l’admission à l’Américan Anti-Slavery Association. En 1833, elles fondèrent leur
propre association anti-esclavagiste.
Depuis l’inscription de la citoyenneté noire dans la Constitution fédérale, grâce
aux 14è et 15è Amendements, bien des femmes noires n’ont cessé de lutter contre la
discrimination et la violence raciale. L’une d’elle fut d’ailleurs connue pour son
héroisme. En 1955, le refus de Rosa Park de céder sa place à un passager blanc, dans
un autobus de Montgomery déclencha le boycott des autobus de Montgomery. Ce
fut le premier acte du mouvement pour les droits civiques, qui devait rassembler un
certain nombre d’Américaines, blanches et noires, dans un même combat.

5.5. La cause des femmes

Pendant plus de deux siècle, les Américaines ont essayé de corriger les lacunes,
les injustices ou encore les interprétations de la législation. Si au cours du 19è siècle
les féministes remportèrent d’importantes victoires en matière d’éducation et de
propriété, il n’en fut rien dans le domaine des droits politiques puisque le 14è
Amendement, en précisant les sanctions encourues par l’Etat qui refuserait le droit
de vote à tout citoyen « mâle », introduisait par ce dernier mot la discrimination
sexuelle dans la loi fondamentale. L’agitation féministe se poursuivit, donc jusqu’à la
ratification, en 1920, du 19è Amendement, qui accorda le droit de vote aux
Américaines. Un autre combat restait à livrer : celui de l’Equal Rights Amendment
1
(ERA) qui permettrait d’inscrire l’égalité des sexes dans la Constitution fédérale.
Amorcé au terme de la première vague féministe, il devait être repris, avec insuccès,
par la National Organisation for Women et la coalition de l’ERAmerica.
Le mouvement des femmes n’a jamais été monolithique. Il a eu ses querelles
internes et ses propres contradictions. L’American Woman Suffrage Association de
Lucy Stone, puis la National American Woman Suffrage Association se polarisèrent
sur le droit de vote au détriment d’une réflexion plus large et, dans les jours les moins
glorieux de leur combat, au terme du 19è siècle, les féministes flirtèrent avec le
nativisme en présentant le vote féminin comme un antidote contre le vote de
l’immigrant. Pareil écueil avait été évité par la tendance radicale telle qu’elle s’était
incarnée dans la National Woman Suffrage Association d’Elisabeth Cady Stanton et de
Susan B. Anthony. Celles-ci dépassèrent la question institutionnelle pour poser,
comme l’avait fait Margaret Fuller dès 1845, le problème des rôles sexuels et de
l’identité de genre, en rejetant la notion d’une nature féminine et en considérant la
femme comme un produit culturel. Au sein du Néo-féminisme, cette remise en cause
s’actualisa plus particulièrement dans les cellules de la prise de conscience propres au
féminisme radical et, plus particulièrement dans des groupes tels que les
Redstockings ou les Feminists.
Cependant, les choses ne sont pas tout à fait nettes dans le débat
nature /culture puisque certaines féministes revendiquent une spécificité féminine
de la créativité dont on ne sait si elle est à mettre au crédit de la nature ou de la
culture. La controverse s’est, en outre enrichie de l’apport des femmes noires, qui
posent leur problème de façon plus complexe, en terme à la fois de sexe et de race,
et qui reprochent aux féministes blanches de négliger cette dernière réalité.
Les clivages idéologiques se sont traduits dans les modalités de l’action. Tandis
que les féministes dites modérés ont privilégié le lobbying et se sont livrées à un
invisible travail de fourmi, les radicales ont fait l’événement en recourant à l’action
de choc. Ainsi, les femmes du National Woman’s Party, présidé par Alice Paul,
s’enchaînèrent aux grilles de la Maison Blanche avant d’engager une grève de la faim,
durant le deuxième mandat du président Wilson ; dans une même radicalisation, de
l’action, les militantes des groupes néo-féministes intervinrent à la Bourse de New
York, perturbèrent l’élection de Miss Amérique, et simulèrent l’enterrement des
victimes de l’avortement clandestin.
La cause des femmes, toutefois ne fait pas l’unanimité chez les Américaines.
Même si la conférence de Houston (1977) fut une grand-messe de la « sororité », il
ne faut pas oublier que, sous la houlette de la Nouvelle droite, les adeptes d’une
nouvelle mystique de la féminité comme Phyllis Schlafly ou Marabel Morgan, ont
réussi à faire carrière en combattant l’égalité des sexes.

5.6. Les femmes et les luttes ouvrières

Même si leur taux de syndicalisation a toujours été faible, les travailleuses


américaines ont une longue histoire de lutte à leur actif puisque leur première grève
éclata en 1828, lorsque quatre cents femmes du New Hampshire cessèrent le travail
2
pour protester contre les amendes arbitraires. L’année suivante fut marquée par
l’action des ouvrières de Lowell qui fondèrent la Female Labor Reform Association,
sous la direction de Sarah Bagley. Si l’Association ne parvint pas à faire aboutir sa
campagne de pétitions pour la journée de dix heures, elle réussit à éviter à ses
adhérentes le piège des grèves suicidaires ainsi que toute accélération de la cadence
de production.
La page la plus glorieuse des luttes ouvrières féminines fut écrite durant l’hiver
1909-1910, au terme d’une décennie où la proportion des femmes sur le marché du
travail passa de 20 à 25%, en raison d’un accroissement sans précédent de
l’immigration. Ayant vécu, en Russie, au contact du mouvement ouvrier socialiste, les
immigrantes juives qui avaient travaillé dans l’industrie du vêtement à Moscou ou à
Saint-Pétersbourg, apportèrent une nouvelle conscience ouvrière dans l’emploi
féminin américain. Celle-ci s’exprima dans la grève de la Triangle Waist Company
(Nex York). Le conflit qui, selon certains historiens, impliqua près de 30000
personnes, transforma l’International Ladies Garment Workers Union en une des plus
grandes forces syndicales américaines ; il fit aussi, la démonstration de la capacité de
mobilisation des femmes. Accréditant l’idée d’un mouvement de
Lawrence(Massachusetts) qui, en 1912, popularisa le slogan des ouvrières du textile :
« we want bread and roses too ».
Parmi les grandes figures féminines du syndicalisme, les plus célèbres sont :
Mary Harris Jones et Elizabeth Gurley Flynn s’allièrent à l’aile gauche du mouvement
ouvrier et, au sein des syndicats masculins, privilégièrent la lutte des classes plutôt
que la cause des femmes. D’autres comme Leonora O’Reilly ou Rose Schneiderman,
militèrent pour fonder des syndicats spécifiquement féminins ; d’où leur alliance avec
les femmes de la classe moyenne qui, en 1903, créèrent la Women’s Trade Union
League (WTUL) afin de former les ouvrières à la lutte syndicale.
La question de la nécessité d’un syndicalisme spécifiquement féminin s’est
posée régulièrement en raison du manque d’enthousiasme avec lequel l’état-major
syndical, essentiellement masculin, a réagi aux revendications féminines.
Les féministes, d’ailleurs n’ont pas mis beaucoup plus d’ardeur à soutenir les
revendications des ouvrières. Au temps fort du néo-féminisme, par exemple, ses
militantes, issues de la classe moyenne, luttaient pour la qualité de l’emploi et l’accès
aux postes de direction, alors que les ouvrières, à l’instar de Dolores Huerta, la
pasionaria des United Farm Workers, et Crystal Lee Sutton, alias Norma Rae
continuaient à se battre pour l’amélioration des salaires et des conditions de travail.
Elles reconnaissent néanmoins, les avantages apportés par les réglementations
égalitaires, gagnées de haute lutte par le mouvement des femmes.

5.7. Les femmes et le pouvoir politique

Aucun nom féminin ne figure au panthéon politique américain. En 1976, d’après


les évaluations faites par le National Women’s Education Fund et portant sur deux
siècles d’histoire, le Sénat avait accueilli seulement 11 femmes contre 1715 hommes
3
et la Chambre des représentants 87 femmes contre 9521 hommes. Auto-exclusion ou
ostracisme ? Selon les uns et conformément à leur nature, les femmes n’ont jamais
manifesté beaucoup d’intérêt pour la chose publique. Selon les autres, elles en ont
été écartées par leur éducation et par les lois.
La seule Américaine qui semble avoir effectivement tenu les rênes de l’exécutif
vécut à l’époque coloniale. Il s’agit de Margaret Brent. Désignée par Lord Calvert
comme son exécutrice testamentaire, elle reçut, à la mort de ce dernier, la
délégation de pouvoir qu’il assumait en l’absence de Lord Baltimore et elle réussit à
stabiliser la colonie du Maryland. Néanmoins, tout en lui reconnaissant ce mérite, les
membres de l’assemblée locale lui refusèrent le droit de siéger parmi eux et de voter
au nom de Leonard Calvert et de Lord Baltimore. Donc, exclusion.
Pareillement, aucune femme ne participa aux travaux de la Convention de
Philadelphie ou des assemblées qui forgèrent les institutions américaines. De 1777 à
1807, successivement, les différents Etats de l’Union privèrent les femmes du droit de
vote. Il ne leur serait reconnu qu’en 1920. Depuis cette date, les observateurs
politiques n’ont pas manqué de souligner que le vote féminin n’avait pas entraîné le
bouleversement escompté. Toutefois, au début des années 1980, il sembla bien
qu’un gender gap était né et que les suffrages des femmes se portaient plus
volontiers sur les Démocrates que sur les Républicains.
Les Américaines qui ont influencé les hommes dans l’exercice du pouvoir l’ont
fait de manière occulte, soit pour ne pas compromettre leur féminité, à l’instar de
Mercy Otis Warren dans l’Amérique révolutionnaire, soit pour ne pas heurter
l’électorat et la classe politique. A cette dernière catégorie appartiennent les épouses
de présidents que la rumeur, périodiquement, transforme en éminence grises.
Eleanor Roosevelt a, elle-même, reconnu avoir influencé son époux en faveur des
laissés-pour-compte, les Noirs et autres minorités ethniques, les femmes, et les
ouvriers non qualifiés. Politicienne accomplie, elle sut très bien manœuvrer à
l’intérieur du système bipartite.
Plus décisive encore fut l’influence d’Anna Ella Carroll, conseillère secrète du
président Lincoln, qui la chargea de constituer un dossier sur son pouvoir de guerre. A
la suite d’une mission dans l’Ouest, elle aurait proposé le Plan du Tennessee qui
donna la victoire au Nord et dont la paternité a souvent été attribuée au Général
Grant malgré les protestations de son initiatrice.
Il y a eu, enfin un certain nombre d’Américaines qui n’ont pas craint de se lancer
dans la course au pouvoir. Symboliquement et pour faire avancer une cause. Dès
1872, Victoria Woodhull briguait ainsi l’investiture suprême sur la liste du Equal
Rights Party. Alva Lockwood, l’avocate des Noirs et des Cherokees, fit de même en
1884. En 1968, et 1972, respectivement Charlene Mitchelle et Shirley Chisholm
étaient les premières Noires à s’engager dans la campagne présidentielle. C’est,
d’ailleurs, toujours comme précédent que les Américaines qui ont exercé ou exercent
le pouvoir, sont entrées dans l’histoire : Jeanette Rankin, première Américaine
chargée de fonctions ministérielles, Ella Grasso, première femme à être élue
gouverneur sans servir de prête-nom, Jane Byrne, première femme à veiller aux
destinées de la mairie de Chicago, Sandra Day O’Connor, première femme à siéger à
4
la cour suprême, enfin Géraldine Ferraro, première candidate d’un grand parti à la
vice-présidence des Etats-Unis.

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Chapitre 6 : Les Etats-Unis puissance mondiale (1898 à nos jours)

6.1. Impérialisme et réformisme (1898-1914)

En 1889, il fut organisé par les Etats-Unis, la première conférence panaméricaine,


montrant par-là les liens hégémoniques qu’ils entretenaient avec le reste du continent
américain. En 1890, fut voté le Naval Act qui permit aux USA de se doter d’une flotte
de guerre moderne.
L’ultimatum adressé le 21 avril 1898 par le gouvernement des Etats-Unis au
gouvernement espagnol et la déclaration de guerre par le Congrès cinq jours plus tard
représentent l’entrée de ce pays sur la scène mondiale et le début d’un impérialisme
agressif. Cette guerre fut facilement gagnée par les Américains à cause de leur très
grande supériorité militaire et navale. Il fallut seulement dix semaines pour briser la
résistance espagnole à Cuba, à Puerto-Rico et aux Philippines. L’armistice du 12 août
et le traité de Paris du 10 décembre 1898 scellèrent la fin de la présence coloniale
espagnole dans le Nouveau Monde. Les USA acquirent la souveraineté sur Puerto-Rico,
l’île Guam et sur les Philippines (moyennant 20 millions de dollars). Cuba obtint
l’indépendance nominale mais demeura de fait sous la dépendance américaine
jusqu’en 1934.
Cette guerre montra la nécessité pour les Etats-Unis de creuser un canal en
Amérique centrale qui permettrait à sa flotte de guerre de se déplacer rapidement du
Pacifique à l’Atlantique et vice-versa. Le Congrès opta pour un canal traversant l’isthme
de Panama, en territoire colombien. Le 22 janvier, un traité fut signé avec le
gouvernement colombien. Mais le Sénat colombien refusa de le ratifier parce le
trouvant peu avantageux. Les Etats-Unis encouragèrent alors les Panaméens à
proclamer leur indépendance. C’est ce qui fut fait le 3 novembre 1903. Ils reconnurent
alors la souveraineté du nouvel Etat et envoyèrent une flotte de guerre pour empêcher
l’intervention militaire des Colombiens. Le gouvernement panaméen ratifia alors un
nouveau traité peu différent du premier, mais accordant au gouvernement américain
le droit d’intervenir pour maintenir l’ordre dans la zone prise à bail. Les travaux de
creusement du canal furent alors entrepris et le 15 août 1914, le premier navire
franchit le canal. La puissance navale américaine se retrouva ainsi accrue.
Cet acte suscita la méfiance des autres Etats latino-américains qui redoutèrent
l’impérialisme yankee.
En 1905, les troubles révolutionnaires éclatèrent à Cuba et la flotte américaine y
débarqua des troupes qui ne furent retirées qu’en 1909. Sous la présidence de W. H.
Taft (1909-1913), il y eut une importante intervention américaine au Nicaragua. En
1911, des banquiers américains prirent en mains le contrôle financier du pays et en
1912, un contingent de fusiliers marins fut débarqué en vue de prévenir une
révolution. Cette intervention dura une vingtaine d’années. Woodrow Wilson dut
envoyer des troupes en Haïti en 1915 pour combattre des troubles révolutionnaires.
Ce pays fut occupé jusqu’en 1934.
En 1916, le République dominicaine fut aussi occupée dans des conditions
similaires pendant 8 ans. Cuba connut une autre occupation de 1917 à 1922. Cet
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interventionnisme fit parler d’impérialisme américain. La stratégie américaine fut aussi
déployée vis-à-vis de la Chine et du Japon.
Alors que les Etats-Unis étaient pris dans un impérialisme colonialiste, un
mouvement de réforme politique et social se dessina dans le pays. Il s’agissait d’un
mouvement visant à combattre les trusts qui sapaient les fondements économiques de
la démocratie individualiste aux Etats-Unis. Le mouvement qui s’engagea était de lutter
contre la concentration de la richesse nationale entre les mains d’une petite minorité.

6.2. Les Etats-Unis et la première guerre mondiale (1914-1919)

Le 28 juin 1914, l’héritier de l’empire austro-hongrois était assassiné à Sarajevo par


un nationaliste serbe. Cet acte, contrairement à ce qu’imaginaient les Américains au
début, finit par entraîner les Etats-Unis dans la guerre. En effet, le 7 mai 1915, le
paquebot Lusitania fut coulé sans avertissement, causant la mort de 1 198 personnes
dont 128 Américains. Cela suscita l’indignation aux Etats-Unis et prépara l’opinion
américaine à l’idée d’une entrée dans la guerre.
Les efforts américains pour amener les Allemands à renoncer à la guerre sous-
marine échouèrent. En mars 1917, une demi-douzaine de navires américains furent
coulés. Le 6 avril, le Congrès vota l’entrée en guerre des USA contre l’Allemagne.
L’arrivée des troupes américaines sur les fronts conduisit logiquement à la victoire des
alliés le 11 novembre 1918. La conférence de paix s’ouvrit en janvier 1919. Le 18 juin
1919 fut signé le traité de Versailles que le président ne Wilson ne réussit pas à faire
accepter par son pays qui s’emmura alors dans un isolationnisme.

6.3. L’entre-deux-guerres : de Harding à Hoover (1921-1933)

L’année 1920 fut pour les Américains, celle de désarroi, d’incertitude et de


mécontentement. Entre autres, certains des milliers de militaires démobilisés se sont
rendu compte que leur place avait été prise. Pour les soldats noirs, c’est l’interrogation
au sujet de la ségrégation qui les frappait alors qu’ils avaient lutté pour la nation. Leur
mécontentement était palpable. L’immense majorité des Américains aspiraient
cependant à retrouver une vie normale. C’est dans ce contexte le président Warren G.
Harding fut élu en 1920. Sa présidence fut marquée par trois évènements majeurs : le
régime de la prohibition des spiritueux, une réglementation restrictive à l’immigration
et des scandales à l’échelon administratif le plus élevé. En 1924, c’est Calvin Coolidge
qui lui succéda, suivi en 1928 de Herbert Hoover.
La première décennie de l’entre-deux-guerres a été caractérisée par un état
d’esprit violement isolationniste. Après la guerre, les relations des Etats-Unis avec
l’Europe furent juste dominées par la question des réparations imposées à l’Allemagne
et par celle des remboursements des dettes de guerre contractées par les Alliés. Quant
aux relations avec le Mexique, elles purent être grandement améliorées durant cette
troisième décennie du 20ème siècle.
Le président fut confronté aux problèmes de la crise qui éclata le 14 octobre 1929
à la Bourse de New York et qui s’étendit au monde entier comme une trainée de
2
poussière. Le président Franklin D. Roosevelt qui lui succéda le 4 mars 1933 appliqua
sa politique du new deal de 1933 à 1939. Vis-à-vis de l’Amérique latine, la politique de
ce dernier fut caractérisée par la non intervention qui mit fin à ses dernières
interventions dans les Antilles.
Les années du new deal coïncidèrent assez exactement avec la montée d’Hitler au
pouvoir en Allemagne et les ambitions territoriales de Mussolini en Italie.

3
6.4. Les Etats-Unis et la seconde guerre mondiale

Durant la période électorale qui précéda son second terme, l’attention de


Roosevelt fut principalement tournée vers les graves problèmes intérieurs du pays.
Mais avec sa reconduction en novembre 1936 à la tête du pays, il fut confronté à une
situation extérieure alarmante. Mais en fait, il y avait lieu de se demander si les Etats-
Unis n’étaient pas responsables de cette situation en s’étant tenus à l’écart du système
de sécurité collective qu’avait conçu Wilson.
En effet, les faits mondiaux allaient menacer les Etats-Unis qui se retrouvèrent
bientôt être pris dans l’étau. En Italie, Benito Mussolini qui y avait instauré une
dictature fasciste, déchaina ses ambitions impérialistes en envahissant l’Ethiopie où le
5 mai 1936, il nomma un roi fantoche du nom de Victoire Emmanuel III. Les faibles
sanctions économiques décidées par une Société des Nations divisée étaient loin d’être
efficaces.
En Allemagne, Adolf Hitler, accroché au pouvoir depuis 1933, encaserna la
jeunesse allemande et, le 7 mars 1936, il récupéra la Rhénanie démilitarisée en
violation du traité de Locarno. En Espagne, le général Franco, soutenu par l’Allemagne
et l’Italie, s’insurgea contre le gouvernement de gauche qui était à la tête du pays après
l’abdication d’Alphonse XIII. Quant au Japon déjà présente en Mandchourie, il signa
avec l’Allemagne un traité instituant un axe Berlin-Tokyo, préparant par-là ses futures
conquêtes.
Face à ces évènements, l’attitude de la majorité des Américains était une certaine
indifférence, teintée de désapprobation. Peu avaient cependant le sentiment d’un
danger imminent. Roosevelt ne pouvait que soutenir prudemment les démocraties
européennes menacées. Dans ce contexte, les agressions des puissances fascistes se
suivaient au point que le 1er septembre 1939, c’est la Pologne qui se retrouva être
attaquée par les troupes allemandes. La Grande Bretagne et la France honorèrent leur
engagement de défendre ce pays. La seconde guerre mondiale commença
véritablement ainsi.
Dans un premier temps, les Etats-Unis observèrent leur traditionnelle neutralité.
Mais dès le printemps 1940, ils furent stupéfaits de la série de victoires des Allemands,
y compris celle qui obligea la France à signer un armistice. Mais devant le risque de voir
les puissances fascistes devenir les maîtres du monde, les Etats-Unis assouplirent leur
isolationnisme. Le 8 septembre 1940, il proclama l’état d’urgence national. Le même
mois, une loi de conscription sélective rendit obligatoire le service militaire pour tous
les jeunes de 21 à 35 ans. Dans ce contexte, Roosevelt fut réélu en dépit de la tradition
qui excluait un troisième mandat. Il entreprit une très active politique de soutien aux
ennemis des puissances de l’axe. Mais c’est l’attaque de la flotte de guerre américaine
par l’aviation japonaise dans la rade de Pearl Harbour (Iles Hawaï) et d’autres attaques
nipponnes aux îles Guam, Midway et Wake et aux Philippines qui les poussèrent à
déclarer la guerre au Japon. Trois jours après, l’Allemagne et l’Italie leur déclarèrent la
guerre.
L’intervention américaine dans la guerre aboutit à la défaite de l’Allemagne qui
signa un armistice le 8 mai 1945, mettant fin aux combats en Europe. Dans le Pacifique,
1
il fallut attendre le largage de deux bombes atomiques, le premier le 6 août à Hiroshima
et le second le 9 août 1945 à Nagasaki pour voire le Japon capitulé le 2 septembre 1945
en signant l’acte de reddition.
La guerre était ainsi finie. Les Etats-Unis n’avaient pas été dévastés. Leurs énormes
ressources étaient restées intactes.
Mais durant la guerre avait été déjà préparée la paix, notamment des idées qui
allaient conduire à la création de l’Onu avaient été lancées. Elles aboutirent à la
conférence de San Francisco (25 avril au 26 juin 1945) à l’issue de laquelle la Charte
des Nations Unies fut signée.

6.5. De la guerre froide à une paix fragile

Avec la mort de Roosevelt débuta l’ère Truman qui s’étendit de 1945-à 1953. Son
double mandat fut marqué par la lutte contre l’extension du communisme et la guerre
froide. Il élabora la « doctrine Truman » qui consista à soutenir militairement et
économiquement les gouvernements aux abois afin d’endiguer le communisme. Le
plan Marshall fut en fait inspiré de cette doctrine.
Après lui, c’est le général Eisenhower qui fut élu par deux fois (1953 à 1961). Son
mandat fut surtout celui de la coexistence pacifique et des tentatives de réintégration
de l’Allemagne vaincue dans le concert des nations. Son mandat fut aussi marqué par
la fin de la guerre de Corée entamée sous le mandat de son prédécesseur.
Après lui, entre 1961 et 1969, il y eut les présidents John Fitzgerald Kennedy dont
l’œuvre prématurément arrêtées tourna autour de la « nouvelle frontière » et Lyndon
B. Johnson qui se consacra à la « grande société ». Le premier travailla surtout à la
réhabilitation des droits civiques des Noirs et à la croisade anti-discrimination. Son
véritable succès est lié aux affaires étrangères, notamment ses actions et sa victoire
dans l’affaire des fusées de Cuba et son effort pour améliorer l’image et la popularité
des Etats-Unis en Amérique latine.
Quant au second, sa « grande société » consistait à construire une nation libérée
de la faim, des taudis et du chômage. Mais il fut bientôt aux prises avec les réalités
internationales : le problème du coup d’Etat en République Dominicaine qui nécessita
une intervention américaine, le problème vietnamien. Au plan intérieur, la présidence
de Johnson fut marquée par la course à la lune (la conquête du cosmos), l’éternel
problème des relations entre les descendants des esclaves africains et leurs anciens
maîtres blancs, la résistance des étudiants au genre d’enseignement qui leur était
dispensé et la condamnation de la guerre du Vietnam par l’intelligentsia et l’opinion
publique.
La période s’étendant de 1969 à 1977 fut celle des président Richard Nixon et Ford.
Le premier eut le mérite de trouver le moyen de sortir le pays du Vietnam. Il eut aussi
à gérer l’intégration de la Chine continentale au sein de l’Onu simultanément à
l’expulsion de Taïwan de cette instance. Il fut le premier président américain à faire
une visite officielle en URSS avec laquelle il négocia aussi des traités de désarmement.
En Amérique latine, son attitude fut le désintérêt. Il dut y faire face au problème de la

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rétrocession du canal de Panama réclamé à cor et à cri par les Panaméens. Mais le
président Nixon, éclaboussé par l’affaire de Watergate, démissionna le 8 août 1973.
Son successeur fut le président Gerald Ford qui dut gérer les suites de l’affaire du
Watergate (en accorda le pardon à Nixon) et de la guerre du Vietnam.
Le président Jimmy Carter accéda au pouvoir en 1977 et le resta jusqu’en 1980. Il
lutta pour la réduction de la consommation de l’énergie, lutta contre l’inflation,
réaffirma la présence américaine face aux grands problèmes internationaux.
En 1981, Reagan succède à Jimmy Carter. Son plan d’action se résumait surtout à
la restauration de la puissance américaine. Elu grâce à une victoire éclatante des
Républicains, il imposa quelques idées simples dans lesquelles se résume sa
philosophie. Ainsi selon lui, pour faire redémarrer l’économie, il suffit de la libérer des
entraves du new deal et accélérer la politique de dérégulation commencée par le
président Jimmy Carter, démobiliser l’administration, supprimer les départements de
l’énergie et de l’éducation, réduire les impôts tout en rétablissant l’équilibre
budgétaire en réduisant les dépenses de même que l’inflation. Son programme n’eut
pas l’assentiment de tous au sein de son administration. Malgré tout ce pessimisme
contre sa politique, Reagan imposera sa dynamique de la relance contre vents et
marées. 1981 et 1982 seront des années difficiles avec l’augmentation du taux de
chômage etc. mais progressivement la politique monétaire rigoureuse commence à
porter ses fruits : l’inflation régresse, la mutation industrielle s’accélère, les grandes
compagnies se rationnalisent et se restructurent, tandis que naissent et prolifèrent les
petites entreprises innovatrices et créatrices d’emplois, l’informatique aussi se
développe.
Le redressement de l’économie américaine et le renforcement de sa puissance
militaire crée partout aux Etats-Unis de l’optimisme et montre combien encore cette
nation américaine a une capacité créatrice ainsi qu’une facilité à se réadapter à toute
situation.

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