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Cet article analyse le discours d'Éric Zemmour lors de la 'Convention de la droite', mettant en lumière les ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les femmes. À travers une étude textométrique, l'auteur démontre comment Zemmour utilise des stratégies de dénigrement à l'égard des féministes et des progressistes, tout en promouvant une vision idéologique conservatrice. L'analyse révèle une construction rhétorique qui associe la critique des idéologies progressistes à une défense des valeurs traditionnelles, renforçant ainsi des stéréotypes de genre.

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Cet article analyse le discours d'Éric Zemmour lors de la 'Convention de la droite', mettant en lumière les ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les femmes. À travers une étude textométrique, l'auteur démontre comment Zemmour utilise des stratégies de dénigrement à l'égard des féministes et des progressistes, tout en promouvant une vision idéologique conservatrice. L'analyse révèle une construction rhétorique qui associe la critique des idéologies progressistes à une défense des valeurs traditionnelles, renforçant ainsi des stéréotypes de genre.

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Corela

Cognition, représentation, langage


HS-36 | 2022
Ce que discrimer veut dire

Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la


discrimination envers les femmes par le « savoir ».
Éric Zemmour, les mots pour construire la haine
Julien Longhi

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/corela/14675
DOI : 10.4000/corela.14675
ISSN : 1638-573X

Éditeur
Université de Poitiers

Référence électronique
Julien Longhi, « Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les femmes
par le « savoir ». Éric Zemmour, les mots pour construire la haine », Corela [En ligne], HS-36 | 2022, mis
en ligne le 01 avril 2022, consulté le 15 octobre 2022. URL : http://journals.openedition.org/corela/
14675 ; DOI : https://doi.org/10.4000/corela.14675

Ce document a été généré automatiquement le 15 octobre 2022.

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4.0 International - CC BY-NC-SA 4.0
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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 1

Quelques ressorts discursifs et


argumentatifs de la discrimination
envers les femmes par le « savoir ».
Éric Zemmour, les mots pour
construire la haine
Julien Longhi

1 Après la diffusion en intégralité, le samedi 28 septembre 2019, du discours d’Éric


Zemmour à la « Convention de la droite »1, une large polémique est relayée, dans les
médias et sur les réseaux sociaux, sur l’opportunité d’une telle diffusion. Le premier
ministre Édouard Philippe a qualifié ces propos de « nauséabonds et profondément
contraires à l’idée que nous nous faisons de la France et de la République ». Entre
accusations et justifications, il est reconnu par beaucoup que ce discours a posé des
problèmes. Les thèmes habituels du polémiste y sont abordés, avec de nombreux cas de
propos pouvant relever de la discrimination, notamment envers les femmes. Pour
mener une étude rigoureuse des propos en question, notamment sur les questions de
discrimination à l’encontre des femmes, je procéderai dans cet article à une analyse
« outillée » de ce discours (retranscription intégrale), par le recours au logiciel de
textométrie Iramuteq. Les conclusions de cette analyse m’amèneront dans un second
temps à questionner plus particulièrement ses propos vis-à-vis des femmes (en
particulier vis-à-vis des féministes et des progressistes, et avec des conclusions qui
imposent une certaine généralisation), notamment en lien avec trois chapitres
spécifiques de son ouvrage, Le suicide français (2014). Pour aller plus loin dans l’analyse,
je m’interrogerai ensuite sur la question de la légitimité d’Éric Zemmour, en adoptant
une position divergente de celle de Patrick Charaudeau (2019) proposée dans son billet
« Ce n’est pas Éric Zemmour le problème mais la légitimité que lui confèrent les
médias », publié dans The Conversation. Je défendrai l’idée selon laquelle la
« signifiance » (pour reprendre le terme utilisé par Patrick Charaudeau) qu'ont ces
propos pour une part importante de citoyen-ne-s, ne vient pas seulement de sa

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 2

présence médiatique mais, sur la base de l’analyse du « corpus » d’Éric Zemmour, du


« savoir » et de l’« érudition » qu’il matérialise dans ses prises de parole. J’étofferai
cette hypothèse avec l’étude outillée (Longhi 2018) de l’ouvrage Le suicide
français (transcription informatisée intégrale), pour mettre notamment en avant le
recours à un discours polyphonique, et l'affichage d'une érudition de surface grâce à
l'éditorialisation de ses thèses. Ce cheminement permettra de mettre en avant les
stratégies argumentatives du polémiste et de prendre la mesure des phénomènes de
discrimination, à la fois d’un point de vue général, mais aussi plus précisément en lien
avec les femmes.

1 Le discours de la « convention des droites » : un


« condensé » de la pensée d’ Éric Zemmour
2 L’analyse statistique de cette retranscription permet de procéder à différents calculs
sur la matérialité du texte, que ce soit des comptages, des calculs de spécificités, des
statistiques basées sur différentes méthodes, etc. Notons déjà, d’une manière générale,
que le « peuple » et « français » sont au centre du discours, ainsi que les termes
« islam » ou « homme » :

Fréquences des formes dans le discours

3 Pour avoir une vision plus précise du contenu du discours, le recours à une étude plus
thématique est possible : la « méthode Reinert » propose une classification
hiérarchique descendante, permet de repérer 4 grandes classes lexicales :

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 3

Catégories lexicales obtenues avec Iramuteq

4 Bien sûr, ce regroupement qui se fait de manière statistique, doit être étudié de près,
afin de caractériser les « mondes lexicaux » (Ratinaud et Marchand 2017) d’Éric
Zemmour, et de définir les thèmes de son discours. Je vais donc détailler ces différentes
classes, de la plus importante quantitativement à la moins importante.

1.1 L’attaque idéologique des idéologies (classe 4, 29% des


segments de texte) : une charge contre les -ismes

5 Un point central du discours d’Éric Zemmour est l’attaque vis-à-vis des idéologies,
comme les « deux universalismes » qui « écrasent nos nations nos peuples nos
territoires nos traditions nos modes de vie nos cultures ». Ces « universalismes » sont
définis comme :
l'universalisme marchand qui au nom des droits de l'homme asservit nos cerveaux
pour les transformer en zombies déracinés de l'autre l'universalisme islamique qui
tire profit très habilement de notre religion des droits de l'homme pour protéger
son opération d'occupation et de colonisation de portions du territoire français.
6 Il est intéressant de noter qu’une nette opposition se fait entre un « nous », un
« commun » présupposé, lié à des racines (puisque les zombies sont « déracinés »), et
une idéologie des droits de l’homme (qui « asservit », qui est une « religion »).
7 Les segments caractéristiques de cette classe (ceux qui contiennent le plus de termes de
la classe) sont les suivants :

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8 On retrouve ici une très grande proximité avec le discours que tenait par exemple Jean-
Marie Le Pen (désormais JMLP) en 2002 (voir Longhi 2009), avec plus généralement une
opposition nous/les autres, intérieur/extérieur (qui induit une catégorisation de l’autre
par rapport à soi), et surtout le recours au suffixe -isme ?
9 Si JMLP usait de « mondialisme », « européisme », pour combattre la mondialisation et
l’Europe, ici Éric Zemmour s’en prend au « progressisme » :

10 Cette stratégie d’argumentation permet de laisser croire qu’il y a une idéologie à


l’œuvre dans la recherche du progrès : si classiquement2 « progrès » est crédité d’une
valeur positive, le polémiste utilise le procédé de suffixation avec -isme (et également -
iste, nous le verrons ensuite ; pour plus de précisions sur les questions de dérivation,
voir Roché 2007) pour référer à une « idéologie » du progrès (ou des idéologues du
progrès), qui comme telle serait néfaste.
11 Comme l’a montré Agabalian (2021 : en ligne), progressisme s’intègre dans la catégorie
des « ismes dont l’interprétation valorisationnelle a été opérée dans un contexte de
hiérarchie (avec ou sans combinaison avec le désaccord ou la rupture) » avec « une
grande opposition notionnelle » le passé versus l’avenir ou la conservation versus la
transformation. Plus généralement, ces processus d’idéologisation ont en commun
d’attribuer des intentionnalités, des motifs, ou des objectifs, à des notions, plutôt que
de les présenter comme des processus.
12 Ceci est habile car la vision à laquelle il s’oppose est présentée comme dogmatique, et
insérée dans un flot d’autres concepts : « millénarisme », « matérialisme »,
« messianisme », « jacobinisme », « communisme », « fascisme », « néolibéralisme »,
« droit de l’hommisme ». Toute cette conceptualisation participe aussi de la mise en
scène d’une identité qui se voudrait érudite, maniant les concepts et dégageant des
pratiques des règles et des logiques invisibles pour les observateurs habituels. Bien sûr,
ce combat des idéologies est lui-même chargé d’idéologie, notamment puisqu’il
s’articule à une dénonciation de l’immigration.

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1.2 Un discours contre l’immigration, ennemie de l’autorité (Classe


1, 27,5% des segments de textes)

13 S’il faut en effet « restaurer l’ordre républicain », Éric Zemmour propose de lutter
contre l’immigration, qui fait régner « l’ordre dans la rue » :

14 Il est notamment question dans cette classe de « colonisation » :

15 La réalité à trois entités, « invasion colonisation occupation », évoquée dans le dernier


exemple opère un renversement, en passant d’une critique de la culpabilité française
envers la colonisation de la France à une construction de la colonisation en train de
s’opérer par l’islamisation. Cette « islamisation » est aussi au cœur du discours, avec le
combat contre l’islam.

1.3 Eric Zemmour, le porte-parole du « peuple » français contre


l’islam (Classe 2, 23,2% des segments de texte)

16 Observons les segments caractéristiques de cette classe :

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17 Cette classe concerne la définition du peuple ou de la nation (« la question du peuple


français est existentielle ») en opposition à l’universalisme relatif à l’islam. Si j’indique
l’islam, et non l’islamisme, c’est qu’il utilise le terme « islamique » dans cette classe, et
non « islamiste/islamisme ». Or, « islam » + -ique signifie « relatif à l’islam » (voir la
définition du suffixe -ique dans le TLFI3), ce qui signifie que, selon l’auteur, l’islam
contiendrait intrinsèquement l’universalisme qui est critiqué. On distingue
notamment, en lien avec la conférence de la droite, une distanciation de « la droite
mondialiste qui est déjà passée chez les progressistes macronistes ». On retrouve la
stratégie d’idéologisation (« mondialiste », « progressiste », « macroniste ») qui sert de
fait à critiquer l’adversaire. Ceci crée une relation entre processus rhétoriques et
processus de discrimination, avec une critique constante en lien avec la suffixation. Le
polémiste s’oriente vers le ciblage des ennemis dont, notamment, les progressistes
(classe 3).

1.4 Contre le féminisme et les progressistes (Classe 3, 20,3% des


segments)

18 Dans cette classe, la critique des progressistes est très insistante :

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 7

19 Chaque emploi reçoit une connotation négative, et ceci est minutieusement construit :
propositions relatives (« les progressistes qui sacralisent »), possessifs (« nos
progressistes »), qualifications (« si brillants si arrogants ») etc. Cela s’inscrit plus
largement dans la construction d’un ennemi, les progressistes, qui cible les femmes 4 :

20 avec des occurrences comme « blanches bourgeoises » ou « féminicides, préjugés


genrés ». Plus largement dans le corpus, les nombreuses occurrences de « femme »
renvoient à ce que l’auteur avait déjà développé dans ses ouvrages comme Le suicide
français (association des femmes à la folie, au caprice, aux émotions, à la castration :
ceci sera détaillé ultérieurement dans cet article) :

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21 Si seulement 3 occurrences (sur 12) renvoient aux femmes en lien avec l’islam, les
exemples investis concernent majoritairement la vision « progressiste » en rapport
avec les mouvements de libération des femmes (qu’Éric Zemmour critique, car c’est
« une guerre d’extermination de l’homme blanc hétérosexuel », une « revanche
universelle contre le patriarcat » pour les femmes qui n’ont « plus besoin du contact
dégoûtant des hommes »). Ces femmes progressistes sont intégrées dans un paradigme
« les femmes les jeunes les homosexuels les basanés les juifs », qui valoriserait une
« libération » au détriment de la « vraie nature de femme ». Cette vision, cohérente
avec le reste du discours de l’auteur, est donc une attaque5 forte vis-à-vis des femmes
progressistes, et plus théoriquement au progressisme, pour pointer le regret de
l’auteur pour une période dans laquelle « l’homme blanc hétérosexuel catholique »
s’épanouissait.
22 Ce qui est certain, en observant la structuration du discours et les relations entre les
termes, c’est que le discours est travaillé pour produire les effets obtenus. Prenant
appui sur les piliers de la Révolution française, symbole d’émancipation du peuple
français, Éric Zemmour en déconstruit ensuite l’évolution, pour inscrire son propos en
opposition à l’islam, en accusant l’immigration et en prônant un retour à l’histoire
antérieure. Il s’oppose au progrès, pour restaurer des rapports homme/femme et nous/
autres plus conformes aux valeurs qu’il défend :

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 9

Analyse des similitudes6 dans le discours de la convention des droites

23 Les droits de l’homme, pourtant habituellement valorisés, deviennent négatifs car


idéologisés (« droit de l’hommisme ») : le peuple français se trouve menacé et, en
particulier, l’ « homme blanc ». Finalement, ce discours d’ Éric Zemmour à la
convention de la droite est très conforme à l’idéologie qu’il défend habituellement :
critique des idéologies qui conduisent au changement (libéralisme, progressisme) ;
opposition aux catégories supposées antagonistes au « nous » (progressistes, femmes
émancipées, tenants de l’islam) ; lecture d’une certaine histoire de la France, et mise en
scène d’un récit de dégradation des valeurs et symboles ; et, sur la forme, recours à un
style qui donnerait à voir une certaine érudition (références, citations,
conceptualisation par suffixations, procédés syntaxiques qu’il serait trop long de
détailler ici, stratégies d’emphase, etc.), mise au service d'une certaine idée de la droite
et de la France, sans que celle-ci soit synonyme de véracité ou de discernement.
24 Dans cette première partie, j’ai mis en lumière les grands thèmes du discours d’Éric
Zemmour, à travers différents « mondes lexicaux » : si la question des discriminations
envers les femmes est bien présente, elle s’intègre dans un schéma de pensée plus
général. Par des processus d’idéologisation, ou de désidéologisation (Sarfati 2011), et
par l’intégration de leur émancipation dans un contexte négatif, le polémiste crée une
représentation des femmes et de leur histoire, qui est très négative. En effet, Georges-
Elia Sarfat (2011 : 157) indique qu’il n’y a « pas de discours idéologique, mais seulement
des usages idéologiques de certains discours », et qu’un « discours ne devient
idéologique ou ne reçoit le statut d’idéologie qu’au terme d’un processus
d’idéologisation ». Ici, l’histoire des femmes, et l’Histoire, reçoivent un processus
d’idéologisation : ce processus d’historisation de l’émancipation féminine est d’autant
plus fort qu’il a fait l’objet d’une attention particulière dans l’ouvrage Le suicide français,

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 10

qui contient en particulier trois chapitres qui s’intéressent spécifiquement à la question


des femmes, et leur rôle dans la famille et la société.

2 Une certaine « historicisation » des femmes, de leur


histoire, et du féminisme
25 Dans cet ouvrage, Éric Zemmour se livre à une analyse sans tabou de ces quarante
années qui, depuis la mort du général de Gaulle, ont « défait la France », face au constat
que La France se couche, la France se meurt7. Pour mener à bien cette analyse, j’ai
choisi 3 chapitres représentatifs du point de vue de l’auteur sur les femmes :
26 - 4 juin 1970 : Mort du père de famille ;
27 - Juillet 1973 : De si gentils divorcés ;
28 - 11 mai 1992 : Hélène et les jeunes filles.
29 Je chercherai ici, plus « localement » que dans la précédente partie, à mettre en valeur
les moyens mis en œuvre concernent la structuration du texte (les enchaînements, les
séquences, l’organisation matérielle du propos), l’analyse du lexique employé et les
doxas spécifiques à ce discours. Pour Sarfati (2011 : 154), « la formation d’une doxa
consiste [...] dans un processus d’entropie spontanée, indissociable de l’activité verbale
des sujets-acteurs en rapport avec l’institution de sens dont elle est issue ». Cependant,
dans certains cas, la dimension idéologique des discours influe sur la constitution de
ces doxas : « la formation d’une doxa peut aussi résulter d’une intention ou d’un projet
socio-discursif précis [...] qui ne relève pas d’un phénomène d’entropie, mais à l’inverse
d’une détermination ainsi que d’une définition délibérée, autrement dit de l’édiction
d’une dogmatique ». L’enjeu théorique est alors de saisir la manière dont les processus
d’idéologisation/désidéologisation évoqués au point précédent contribuent au figement
de normes socio-discursives établis selon certains calculs.
30 Les trois chapitres ciblés ont été choisis du fait qu’ils thématisent la question des
rapports entre les hommes et les femmes. Cependant, ils témoignent statistiquement
d’une abondance d’occurrences de femme(s) comparativement à homme(s) :

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Fréquences de certaines formes dans les trois chapitres étudiés

31 Mais à y regarder de plus près, on se rend compte que femme est en concurrence à la
fois avec homme et mari. Mari possède 7 occurrences, ce qui relativise l’écart important
entre 57 et 37 occurrences. On observe que époux et épouse sont presque absents des
deux chapitres. Quantitativement, il faut donc se garder d’interpréter uniquement les
deux premières lignes du tableau. On note aussi, en parcourant les fréquences, l’écart
important entre le nombre d’occurrences pour père (26) et mère (8). Ceci peut en partie
s’expliquer par le fait que le titre du premier chapitre analysé est « Mort du père de
famille ». Une première intuition liée à ces fréquences serait donc que la femme est
beaucoup mentionnée en tant qu’objet du discours, et beaucoup moins en tant qu’agent
(puisque père agit sur l’enfant ou la famille, et est très représenté, alors que mère l’est
beaucoup moins).
32 Pour procéder à l’analyse thématique de ces textes, je me suis fondé sur le repérage des
cooccurrences, ainsi que sur les catégories lexicales (méthode Reinert) :

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Analyse des similitudes dans les trois chapitres étudiés

33 Cette représentation permet de voir les éléments qui ont une proximité dans les textes.
Cette classification permet ensuite de visualiser des regroupements des lexiques en
fonction de leur affinité :

Catégories lexicales obtenues avec Iramuteq

34 En observant ces catégories et leurs lexiques, quatre grandes thématiques se dégagent


selon moi : Féminisme et sociologie ; Maternité /paternité ; Travail et argent ;
Sensibilité. Des analyses plus énonciatives et linguistiques (stratégies d’euphémisation,
idéologisation du discours par l’usage de –ismes, extension des substantifs, introduction
de voix et de points de vue représentant les femmes mais avec des stratégies d’ironie et
un lexique décrédibilisant, etc.) peuvent être menées à leur sujet.

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2.1 Le féminisme comme idéologie bourgeoise, incohérente et


venimeuse

35 L’analyse des occurrences du mot femme en lien avec le féminisme montre que l’auteur
met en évidence la dimension idéologique du féminisme, pour en pointer les
incohérences et dangers supposés. Tout d’abord, les féministes de « nouvelle
génération » sont présentées avec une certaine raillerie, à travers leurs attitudes
supposées incohérentes :
Les plus intelligentes de la nouvelle génération de féministes s’efforcèrent de
concilier l’inconciliable, de dénouer le nœud gordien de l’héritage beauvoirien sans
le trancher, et revendiquèrent à la fois la maternité et l’indépendance. Exigence de
grande bourgeoise qui n’a pas besoin de la protection financière du père de leur
enfant pour élever sa progéniture (11 mai 1992 Hélène et les jeunes filles).
36 On voit en effet que la progression textuelle construit un référent « génération de
féministes » d’abord comme « plus intelligentes d’entre elles », qui oriente la lecture
vers une vision positive, pour donner immédiatement des traits péjoratifs à ce
référent :
37 - « concilier l’inconciliable » : cette expression, qui pourrait avoir un sens positif
(capacité des femmes à concilier vie professionnelle et personnelle, à vivre avec
différentes contraintes) est ici utilisée de manière péjorative avec l’usage de «
s’efforcer » au passé simple, qui suggère un certain échec de cette conciliation. Le
polémiste effectue ainsi une réponse négative à un discours implicite des femmes qui
penseraient avoir réussi ;
38 - « dénouer le nœud gordien sans le trancher » (un nœud gordien étant un problème
inextricable, résolu par une action brutale) : l’auteur crée une seconde fois une
situation de paradoxe avec la volonté féminine de réussir l’impossible.
39 Tout ceci pour amener l’évolution du référent ainsi construit de l’image des meilleures
féministes à celle de « grande bourgeoise ». On lit ici en filigrane le point de vue
« intersectionnel », avec le mépris de classe qui s’ajoute à la critique des femmes : la
référence à la classe sociale s’inscrit dans une forme de démagogie populiste, et
« l’analyse intersectionnelle et de l’intégration du dépassement de la dichotomie
privée-public » (Giraud 2014).
40 La mise en doute filée entre le début et la fin du paragraphe assure la cohésion textuelle
qui permet de « faire passer » ce changement de perspective sur le référent. Un autre
exemple illustre le point de vue de l’auteur sur le féminisme, qu’il réduit à une vision
du monde du dedans contre le dehors :
Alors, la bataille se déplaça. Les « luttes » gagnèrent la sphère privée. Puisque les
femmes avaient réussi leur entrée dans le monde du dehors, les hommes devaient à
leur tour ne plus retarder leur débarquement dans le monde du dedans.
L’égalitarisme du quotidien (la vaisselle, le ménage, la cuisine, le soin des enfants)
devint la condition sine qua non de l’épanouissement professionnel mais aussi
personnel des femmes (11 mai 1992 Hélène et les jeunes filles).
41 L’auteur déploie une vision des rapports hommes/femmes basée sur le rapport dehors/
dedans. Cette dualité est thématisée dans les études féministes, comme le souligne
Françoise Armengaud (2002) dans sa note de lecture de « Penser le genre » : pour elle,
Christine Delphy « tente de démontrer que les contraintes auxquelles la société prétend
obéir sont ses contraintes, que les règles qu’elle prétend transcendantes ou

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 14

immanentes sont ses règles, c’est-à-dire finalement les nôtres » : « l’analyse de la


construction tant des catégories de sexe, d’âge, de race, de classe, que des « domaines
du réel » tels le privé, le public, l’économie, démontre à la fois que la société est le seul
auteur de ces hiérarchies entre les personnes et entre les « choses », et qu’elle
dissimule son rôle d’auteur ». Giraud (2014) prolonge cela, en posant que la question de
l’exercice de la citoyenneté des femmes « renvoie à un paradoxe » :
les femmes étant des « femmes privé:publiques » (public:private women), concept
forgé par Melissa Wrights (2010), les auteures de Contesting Publics rappellent, en
adoptant ce concept critique, que la présence des femmes dans les espaces publics
est vécue et interprétée à travers le prisme de l’association (et de l’assignation) des
femmes à la sphère privé et au foyer d’une part et des hommes à la sphère publique
et à l’espace politique d’autre part.
42 Éric Zemmour tourne donc à la fois les « jeunes filles » en dérision, mais aussi, de
manière plus implicite, les études féministes. Ainsi, si on pourrait lire, dans l’extrait
précédent de Hélène et les jeunes filles, que la conquête du « dehors » par les femmes est
quelque chose de positif, quelques indices prouvent la prise de distance de l’auteur :
43 - la présence des guillemets dans « luttes », qui modalisent le propos en le teintant
d’ironie pour servir la disqualification ;
44 - la structure « puisque (…) leur débarquement » : en effet, si le début de l’énoncé
pourrait s’interpréter comme une réussite féministe avec le « puisque », le terme
« débarquement » à propos des hommes, dans une structure qui le met en symétrie
avec l’arrivée des femmes dans le « dehors », décrédibilise la conquête des femmes et la
tourne en dérision.
45 Ceci est très nettement confirmé avec la suite, « L’égalitarisme du quotidien (la
vaisselle, le ménage, la cuisine, le soin des enfants) » : un sujet de l’ordre des tâches
ménagères (pour les premiers termes au moins) est tourné au rang d’idéologie
(« égalitarisme ») et témoigne du mépris de l’auteur à l’encontre de cette idéologie
féministe qui s’incarne dans l’égalitarisme du quotidien. Le repérage du mépris
n’épuise pas l’analyse, comme le révèlent Bernard Barbeau et Moise (2020 : en ligne) :
« cerner le mépris en regard de différents actes de langage — directs et indirects —
s’inscrivant dans le large spectre des discours « contre » et de faire émerger ce qui
en fait sa spécificité, son articulation en discours et ses effets sur autrui »
46 Ce mépris conduit à la décrédibilisation des féministes. Une fois décrédibilisée, cette
idéologie féministe est également décrite comme venimeuse, comme cela est profilé
dans l’extrait suivant :
La théorie du genre donna un substrat intellectuel et totalitaire à ces
revendications éparses : la distinction entre les êtres ne reposait plus sur la dualité
sexuelle homme-femme, mais sur la libre détermination de chacun à choisir son
genre, selon ses envies, ses désirs, ses besoins, ses caprices. Les travailleurs étaient
sommés de devenir des ménagères ; les pères étaient sommés de devenir des mères
; les hommes étaient sommés d’aimer comme des femmes. L’égalitarisme avait
répandu son venin. Le culturalisme absolu avait fait son œuvre. Puisque les femmes
n’avaient pas réussi à devenir des hommes comme les autres, il fallait que les
hommes devinssent des femmes comme les autres. La libido virile, reposant sur la
brutale pulsion et la mise à distance, goguenarde ou farouche, par le caractère ou
par l’argent, du monde des sentiments, fut criminalisée. On déclara la guerre à une
sexualité masculine faite de violence et de domination. On confondit les violences
faites aux femmes - qui relèvent du Code pénal - et les complexités de la vie intime
(11 mai 1992 Hélène et les jeunes filles).

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47 L’auteur va en effet plus loin dans sa prise de distance : de l’ironie qui conduit à l’acte
de moquerie, il passe à l’acte de critique de fond (opérée par une progression
rhétorique, grâce à un maniement de l’axiologie du lexique ou de la présentation des
termes) :
48 - « substrat intellectuel et totalitaire » : le terme substrat n’est guère valorisant pour
une idéologie mais, surtout, la juxtaposition par le et entre intellectuel et totalitaire
condamne d’avance (car on ne sait pas la raison du 2 nd adjectif) la base théorique
convoquée ;
49 - la progression/énumération entre ses envies, ses désirs, ses besoins, ses caprices, montre
que les motivations des femmes reposent sur des caprices (terme qui « contamine »
sémantiquement les termes précédents, puisqu’il est employé en fin d’énumération) :
les féministes seraient donc des personnes capricieuses ;
50 - enfin, et ceci mériterait un traitement spécifique, le sort accordé à la sexualité
masculine laisse entrevoir une relative tolérance de certains comportements masculins,
considérés comme des complexités de la vie intime.
51 On voit ainsi un lien fort entre le style de l’auteur et les actes de langage qui peuvent
être réalisés : le féminisme, en tant qu’idéologie, est moqué et critiqué, et la moquerie
comme la critique sont pris en charge par des procédés stylistiques bien choisis (ironie,
énumération).
52 Cette question rejoint également celle de la paternité/maternité, qui est également une
thématique importante.

2.2 La thématique paternité/maternité : nostalgie de la « puissance


paternelle »

53 Dans le chapitre « Mort du père de famille », l’auteur renvoie à l’événement qui a


conduit au changement législatif : la « puissance paternelle » est devenue l’« autorité
parentale » :
Ce « gouvernement collégial » de la famille leur rappelait les délices et poisons de la
IVe République. Ils […] dénonçaient d'avance un « ménage à trois, le mari, la femme
et le juge », moins drôle que dans Feydeau. Cette majorité conservatrice, issue de la
« grande peur » de Mai 68, ne comprenait pas que les meilleurs d'entre eux, à
l'Elysée et à Matignon, satisfassent leurs ennemis enragés, gauchistes et féministes.
Ils regrettaient déjà la grande ombre boudeuse de Colombey (4 juin 1970 Mort du
père de famille)8.
54 Dans cet extrait, on peut déceler une mise en doute de l’instance (avec les guillemets
qui entourent « gouvernement collégial), la dérision9 introduite par la référence
littéraire et, finalement, l’incompréhension : le changement est donc critiqué et mis à
distance. Par ailleurs, l’autorité politique, apparemment préservée (avec « les meilleurs
d’entre eux »), est en fait mise en doute, comme peut le suggérer la suite du texte :
Les plus lettrés - ils étaient alors légion dans les travées de l'hémicycle - se
souvenaient des homélies fatalistes de Joseph de Maistre et des corrosives
fulminations d'Honoré de Balzac : la décapitation de Louis XVI avait annoncé la
mort de tous les pères (4 juin 1970 Mort du père de famille).
55 On comprend ainsi que « les meilleurs » n’est pas, sous la plume d’Éric Zemmour, une
qualification positive, en tout cas vis-à-vis de « les plus lettrés ». Ceci contribue à
asseoir l’ethos d’érudition (littéraire notamment) que l’auteur essaye de se donner dans

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 16

son ouvrage, qui appuie l’image d’un auteur cultivé afin de soutenir le propos. Celui-ci
s’inscrit dans une tradition qui regrette Louis XVI et le Général De Gaulle. A cette
thématique de la paternité s’ajoute celle de l’accès à l’argent, qui est finalement
relativement liée : là aussi, l’auteur la traite de manière ironique, en mettant en cause
l’accès au travail et à l’argent par les femmes.

2.3 Travail et argent : une mise en mots ironique pour une mise en
cause

56 Pour cela, l’auteur emploie « discrètement » des termes qui décrédibilisent le point de
vue féminin, comme cela est perceptible dans cet extrait :
aujourd’hui encore lors du moindre débat sur les acquis du féminisme on exhume
ce fameux carnet de chèques auquel les femmes françaises n’avaient pas accès sans
l’autorisation de leur mari avant 1965. Et personne pour rappeler que, jusqu'à la
mensualisation (décidée en France en 1969), l'affreux tyran sanguinaire qu'était
l'ouvrier touchait sa paye hebdomadaire en billets de banque et la remettait au
franc près à sa « bourgeoise » (4 juin 1970 Mort du père de famille).
57 Ce paragraphe combine deux dimensions linguistiques : l’ironie qui provient de
l’introduction de voix féministes qui sont tournées en dérision (avec « tyran » et « sa
bourgeoise », qui sont une mise en scène d’une attitude supposée féministe) et le
lexique décrédibilisant : exhume, fameux, pris en charge de manière impersonnelle
(« on ») qui s’ajoute au jeu sur les rapports de classe.
58 A cette mise à distance du point de vue féministe s’ajoutent également les aspects
sociologiques du divorce, puisque les femmes sont dépeintes comme des victimes du
divorce :
on évalue à 30% la perte de pouvoir d’achat à l’issue d’un divorce. Les femmes en
sont les premières victimes. Les familles monoparentales - essentiellement dirigées
par les mères - constituent le gros des troupes atteintes par la nouvelle pauvreté
qui émerge à partir des années 1980 (Juillet 1973 De si gentils divorcés).
59 L’argument chiffré permet de justifier le point de vue de l’auteur sur le divorce, mais
surtout, la suite contribue à asseoir une forme de doxa sur les femmes dirigeantes (quel
que soit ce qui est dirigé, ici, la famille) dans le registre de militaires-guerrières, avec
« victime » et « gros des troupes » qui les positionne comme une armée en débâcle.
Tout cela parce qu’elles sortent de leur rôle traditionnel soumis ou inférieur à l’homme,
que l’on peut percevoir dans cette citation :
L'institutrice rêve d'épouser le prof agrégé, l'infirmière le médecin, la secrétaire le
patron. La réciproque est rare, sans doute parce que l'homme est atteint de
l'angoisse de la castration face à une femme d'un statut social supérieur (Juillet
1973 De si gentils divorcés).
60 Cette série de symétries montre bien comment la répartition sociale des professions est
enracinée dans certaines mentalités mais, surtout et plus révélateur, l’« angoisse de la
castration face » constitue la femme comme une castratrice (par le simple fait de sa
réussite sociale). Le linguiste ne peut pas ne pas voir dans cette mise en forme plutôt
passive (ce n’est pas la femme qui castre, mais l’homme qui est atteint de « l’angoisse de
la castration face ») une transposition de la vision générale de la femme. D’ailleurs,
cette vision est perceptible également dans le traitement qui est fait de la sensibilité.

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 17

2.4 La sensibilité et l’homosexualité

61 En effet, l’association, sans aucune transition ni explicitation, entre sensibilité et


homosexualité, a de quoi surprendre, comme dans cette citation du chapitre « Hélène
et les jeunes filles » :
On négligea, contesta, méprisa l’avertissement pourtant si pertinent de Stendhal :
« Au premier grain de passion, il y a le premier grain de fiasco. » L’homosexualité
féminine devint à la mode ; Mylène Farmer chanta la gloire des amours saphiques ;
les journaux féminins déculpabilisèrent leurs lectrices rétives. C’était une revanche
historique inouïe contre le sexe fort, mais aussi contre les premières féministes qui
auraient détesté cet univers mièvre, sentimental, féminin qu’elles abhorraient,
auquel elles s’étaient arrachées, et qu’elles croyaient avoir éradiqué. Les précieuses
ridicules avaient vaincu les femmes savantes (11 mai 1992 Hélène et les jeunes
filles).
62 On passe en effet de la passion (à travers la citation de Stendhal) à l’homosexualité, ce
qui indique que l’auteur établit une association naturelle entre les deux : avec
« déculpabilisèrent » et « revanche historique inouïe contre le sexe fort, mais aussi
contre les premières féministes » en parlant de l’« univers mièvre, sentimental,
féminin », on retrouve en filigrane la thèse défendue par l’auteur que l’homosexualité
est un choix, et que, dans ce contexte, l’absence de passion à l’égard des hommes, et le
sentimentalisme des femmes, fait qu’elles se sont orientées vers l’homosexualité.
L’homosexualité est cependant présentée comme une mode, ramenée à des aspects
triviaux (chansons, journaux féminins) et on notera le trait d’humour de la dernière
phrase, dans laquelle l’auteur joue encore de cette forme d’érudition en reprenant des
titres de pièces de Molière pour tourner en dérision ce changement sociologique
présumé (mais caricaturé) du féminisme. Cette dernière référence est néanmoins
symptomatique selon moi d’une culture de surface et d’une connaissance incomplète
des références citées. En effet, tel que cela est tourné, l’auteur reconnaîtrait presque
des qualités aux « femmes savantes », alors même que cette pièce tourne en dérision
l’instruction des femmes (notamment, et surtout lorsqu’elles veulent s’instruire avec
des pédants et des imposteurs). La préciosité convoquée par Éric Zemmour fait l’objet
chez Molière d’une complexité d’analyse bien plus importante que ne le laisse entrevoir
son simple jeu de mots.
63 Comme permet de le voir cette rapide étude, Éric Zemmour donne une image très
négative des femmes et de la féminité. Cela apparaît dans toutes ces thématiques, que
ce soit dans le « fond », mais aussi beaucoup dans la « forme » : l’écriture de l’auteur
diffuse de nombreuses associations, des stéréotypes, etc. négatifs et péjoratifs, propres
à s’insinuer dans l’esprit du lecteur pour influencer sa pensée en ce sens. Derrière une
écriture qui convoque nombre de références et survalorise la démonstration de
l’érudition, se joue l’imprégnation d’une certaine vision des femmes et de la féminité,
que l’analyse du discours peut contribuer à déconstruire. On rejoint d’ailleurs les
conclusions de Fabienne Baider (2021 : en ligne) :
Nous avons identifié deux stratégies au moyen desquelles se construisent les propos
méprisants : la stratégie de discrédit, qui commence par l’affirmation d’un manque
intellectuel tel qu’identifié précédemment, et la stratégie de culpabilisation, qui
affirme un manque moral. Le sarcasme est le plus souvent associé à ces deux
stratégies puisqu’il permet d’intensifier le jugement de valeur négatif, traduit ici en
mots par l’irrespect et l’hostilité.

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 18

64 C’est plus largement la question du discrédit que j’aborderai dans le dernier point, en
contrant l’analyse sur la légitimation du discours d’Éric Zemmour, qui confère du poids,
voire de l’efficacité, à la discrimination.

3 Légitimation du discours d’Éric Zemmour : de


l’efficacité de la discrimination
65 Dans un billet intitulé « Ce n’est pas Éric Zemmour le problème mais la légitimité que
lui confèrent les médias »10, Patrick Charaudeau s’interroge sur la légitimité d’Éric
Zemmour : évoquant ce qu’il n’est pas (pas un homme politique, pas un homme de
lettres, pas un « simple citoyen qui pourrait témoigner de sa propre opinion en
fonction de sa propre expérience », pas un humoriste engagé, pas un journaliste-
chroniqueur), il conclut que sa légitimité, par sa présence à la télévision, à la radio et
dans les tribunes presse écrite, n’est que médiatique. Il termine son article ainsi :
Éric Zemmour n’a aucune de ces légitimités. Il faudrait réduire ses propos à leur
insignifiance, et c’est le contraire qui se produit. Ceux-ci ont cependant un
avantage, celui de nous rappeler que la force de frappe du populisme est d’extrême
droite.
66 La seconde partie de la conclusion mériterait une discussion (« la force de frappe du
populisme est d’extrême droite »), mais je m’attacherai ici à la recommandation de
« réduire ses propos à leur insignifiance ». Cela me semble ignorer à la fois la
« signifiance » qu'ont ces propos pour une part importante de citoyens et citoyennes, et
surtout la réalité du « corpus » d’Éric Zemmour, tel qu’il s’analyse concrètement quand
on se penche sur la matérialité des textes publiés ou des discours prononcés. Depuis les
polémiques de la rentrée 2019, « non seulement il n'a pas perdu ses tribunes, mais sa
nouvelle émission sur CNews gagne sans cesse en audience » et il serait « désormais
l'une des voix les plus écoutées de France » selon Paul-Marie Coûteaux dans une
tribune de Valeurs Actuelles11. Il s'agit donc ici de voir comment le corpus d' Éric
Zemmour permet d'expliquer la légitimité dont il jouit, dans les médias, mais aussi
auprès d'une part non négligeable de citoyens. J'ai notamment identifié deux stratégies
de légitimation : le recours à un discours polyphonique et l'affichage d'une érudition de
surface grâce à l'éditorialisation de ses thèses.

3.1 Un discours polyphonique : le recours à des


références et à des comparaisons
67 Un premier élément qui me semble être un facteur de légitimité pour Eric Zemmour est
la polyphonie (Ducrot 1984), c'est-à-dire le recours à des voix qui traversent son
discours, en particulier par le biais de l’utilisation de structures du type : « X disait
que ». Ainsi dans le discours de la convention des droites, on peut relever 12 :
1) je sais que joseph de maistre disait que le peuple français été le plus facile à
tromper le plus difficile à détromper le plus puissant à tromper les autres mais
enfin quand même c'est réglé c'est plié vous êtes venus pour rien circulez y a rien à
voir
2) ces soi-disant libéraux ont oublié la leçon d'un de leurs maîtres les plus réputés
benjamin constant qui disait tout et morale chez les individus tout est physique
dans les masses un individu est libre parce qu'il n'a en face de lui que d'autres

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 19

individus de même force dès qu'il entre dans une masse il n'est plus libre ces deux
universalismes sont à la fois à rivaux et complices
3) quelques années plus tard après guerre un autre totalitarisme le communisme
menaçait et la même comparaison revint au goût du jour maxime rodinson un des
plus grands spécialistes de l'islam disait c'est un communisme avec dieu toujours
cette même comparaison cette même obsession diront certains alors je sais on va
m'accuser d'islamophobie j'ai l'habitude on sait tous que ce concept fumeux
d'islamophobie a été inventé pour rendre impossible la critique de l'islam
4) l'islam qui avait déjà été le drapeau de l'orient contre la grèce de l'antiquité et le
christianisme reprend du service oh il n'a pas changé depuis le moyen-âge il est
prêt à l'emploi pour nous vaincre avec nos droits de l'homme et nous dominer avec
sa charia comme disait le prédicateur al qaradawi nous sommes arrivés
aujourd'hui au temps des conséquences et de l'irréparable disait drieu la rochelle
dans les années 30 en france comme dans toute l'europe tous nos problèmes sont
aggravés je ne dis pas créés mais aggravés par l'immigration
5) ne croyez pas les démographes et leurs porteurs médiatiques de bonnes
nouvelles souvenez-vous de la phrase de churchill qui disait je ne crois qu'aux
statistiques que j'ai trafiquées moi-même
68 Qu’il donne la parole à un opposant à la révolution, à un libéral ou à un communiste
controversé, il y a derrière cet usage la recherche d’une caution, d’une autorité,
positive ou négative, qui viendrait en appui de ses thèses (ou les contredire). Cette
stratégie correspond à une pratique que l’on observe en ligne notamment : « Face aux
risques d’une censure, les internautes dissimulent la plupart du temps le caractère
violent de leur propos, qui relèveraient « d’une incitation à la haine », pour qu’ils
puissent paraître acceptables » (Guellouz, Hugonnier, Lorenzi Bailly et Moïse, sous-
évaluation). Il s’agit d’un « ethos préservé », pour lequel il est « indispensable pour les
locuteurs et locutrices de protéger leur ethos pour justifier et/ou légitimer leur prise
de parole et leur propre face » (ibid.). Ce procédé a pour effet de cliver les opinions, en
mettant en scène des énonciateurs qui prennent un charge un point de vue opposé à
celui contesté. On se trouve dans un cas de ce que Ruth Amossy (2014 : 59) appelle la
dichotomisation, qui « exacerbe les oppositions jusqu’à les rendre inconciliables ; elle
relève d’une opération abstraite », et la polarisation « effectue des regroupements en
camps adverses entre les participants, elle n’est pas d’ordre purement conceptuel, mais
social ». A la suite de ces distinctions, la polémique est considérée comme la
manifestation verbale d’une situation conflictuelle qui se révèle par une « rhétorique
du dissensus ». Les différents protagonistes essayent donc de disqualifier la thèse de
leurs adversaires, et le passage du domaine scientifique au domaine médiatique et à
l’espace public nécessiterait d’être minutieusement pris en compte : le désaccord, la
discussion, l’argumentation, sont des principes centraux et fondateurs de la démarche
scientifique ; transposés dans le domaine public, via les dispositifs médiatiques et
numériques, ils deviennent polémiques, conflictuels, et se traduisent par des postures
qui transposent les thèses en opinions et en avis. En effet, les citations peuvent être
orientées, captées voire subverties : l'auditoire n'a pas forcément en tête la teneur
réelle de ce qui est rapporté ; mais il n’en reste pas moins qu’elles représentent un
« pouvoir symbolique » (au sens de Bourdieu) qui auto-légitime le propos (elles
fonctionnent d'une certaine manière comme des arguments d'autorité). On joue alors
sur la mémoire discursive13 qui s’active (pour ceeux qui en partagent le contenu) pour
alimenter la polémique, la disqualification, et la discrimination.
69 Une autre stratégie est le recours aux comparaisons avec des personnalités
emblématiques de ce qu’il évoque dans un contexte donné :

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 20

1) les vieux socialistes comme jaurès ou blum n'appellent plus république ce que
nous appelons aujourd'hui république tous ceux qui s'accrochent encore à ce vieux
langage républicain sont aussi désuets que le fut charles x lorsqu'il voulut à l'aube
de son règne rétablir le sacre d'antan à la manière de ses ancêtres rois absolus il fut
ridicule car entre temps la révolution et l'empire avaient tout balayé
2) ces débats sont dépassés désuets obsolètes des questions mortes qui errent
encore comme les âmes mortes de gogol l'immigration c'était naguère venir d'un
pays étranger pour donner à ses enfants un destin français aujourd'hui les
immigrés viennent en france pour continuer à vivre comme au pays
3) ils sont comme aristide briand ce grand pacifiste d'après la première guerre
mondiale qui criait guerre à la guerre et écrivait au chancelier allemand
stresemann je jette au panier tous les jours des rapports de mon état major qui me
montrent des preuves du réarmement de l'allemagne de même nos brillants
d'aujourd'hui mettent au panier toutes les collections de coran qu'on leur apporte
remplies de sourates qui donnent l'ordre d'égorger tous les mécréants les infidèles
les juifs et les chrétiens
70 Aussi, lorsque Patrick Charaudeau indique dans son article critique envers la légitimité
d’Éric Zemmour que « ce n’est donc pas ses propos que l’on examine ici, mais leur
légitimité comme parole publique », je pense qu’il néglige la construction même de la
légitimité du polémiste par son discours lui-même. On n’est pas dans ce qu’il nomme le
« régime de l’avis » mais dans un discours qui s’efforce de véhiculer des marques
d’érudition, des cautions intellectuelles, positives ou négatives, et de convoquer des
références, même mal exploitées, qui ont toutes pour caractéristiques de s’affirmer
comme auto-suffisantes à la légitimité du dire. Cette superficialité s'incarne aussi dans
le traitement « historique » qui est fait de certains événements, notamment dans
l'ouvrage Le suicide français.

3.2 La récurrence de certains thèmes pour catégoriser l'histoire, et


une érudition de surface

71 Dans cet ouvrage, 40 ans d'histoire sont donc « analysés » en 455 pages, et le
vocabulaire du livre peut se représenter de cette manière, si on cherche à déterminer
les grands thèmes ou « mondes lexicaux »:

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 21

Catégories lexicales obtenues avec Iramuteq

72 Si on s'arrête au « score » les plus élevé, on constate ainsi que le thème le plus mobilisé
est celui qui contient les termes « femme, mère, mariage, homosexuel, famille, divorce
etc. » (classe 1, 12,6% des segments de texte). Aussi, si un effort important est fait par
l'auteur pour réaliser un découpage chronologique, s'appuyer sur des événements
précis, une analyse générale du propos indique ici la saillance de l’un de ses thèmes de
prédilection, tel que cela avait été visible aussi lors de la convention des droites :

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 22

73 Ce thème est celui de la « menace » de l'homme blanc hétérosexuel, face aux féministes,
aux divorces et à la mise en cause de l'autorité paternelle, par exemple. Sous couvert de
récit historique, Le suicide français mobilise donc les sujets habituels du polémiste.
Pourtant, ces propos ne sont pas présentés comme des opinions ou des thèses, mais
comme des analyses historiques en lien avec des chapitres-événements. Il tire donc un
bénéfice de l'éditorialisation de son propos, qui se pare des attributs de l'analyse et du
recul de l'historien. Même sans être dupe de cette stratégie, il en ressort malgré tout
pour le lecteur, comme avec la stratégie polyphonique, une forme d'auto-légitimation
du discours, ici grâce aux caractéristiques éditoriales et génériques.

Conclusion
74 La matérialité des discours d’Éric Zemmour et le recours à certaines stratégies
(polyphonie, éditorialisation), montre qu’il parvient à auto-légitimer ses propos, pour
qui ne se méfie pas de l'usage des citations, des comparaisons, des références et de
l'intégration des constructions de sens dans des processus éditoriaux particuliers. Il se
légitime ainsi lui-même, et parvient à porter une parole qui bénéficie d'une audience et
d'un certain crédit. Le pouvoir du discours émane ainsi du discours lui-même, et
importe avec lui une légitimité qui confère à son orateur une certaine autorité dans les
médias. Les sujets qu’il discrimine sont donc confrontés à des arguments qu’il faut
combattre, par l’analyse minutieuse de l’argumentation, l’historicisation des propos et
la prise en compte des processus d’idéologisation ou de désidéologisation.
75 La critique envers les femmes va en effet de pair avec une critique des droits de
l’homme et du progrès, attaqués en tant que « progressisme » et « doit de
l’hommisme ». Le linguiste peut donc mettre en exergue ces stratégies, montrer leur
portée discursive, et situer le débat sur un plan différent de celui introduit par le
polémiste. Sur le plan pragmatique, nous avons de fait relevé plusieurs procédures de
mise en œuvre d’actes de langage, qui contribuent à la discrimination générale : ironie,
accumulation, mise à distance, etc., qui conduisent à la moquerie, au mépris, à la
critique, qui se combinent pour appuyer une discrimination généralisée envers
l’histoire des femmes et les féministes. Plus spécifiquement notamment, le recours très
fréquent aux formes en -isme pour discriminer certaines idées, permettent à Éric
Zemmour de s’en distinguer : en utilisant la distinction et le rejet, il se construit
discursivement sa place en discriminant les autres.

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Quelques ressorts discursifs et argumentatifs de la discrimination envers les... 24

NOTES
1. Événement organisé des proches de Marion Maréchal, dans le 15e arrondissement de Paris, le
samedi 28 septembre, qui donnait la parole à un certain nombre d’orateurs venus proposer des
« alternatives au progressisme ».
2. Sur le plan politique, l’évocation du progressisme est complexe : selon le CNRLT, sur le plan
politique, il se définit comme « Mouvement politique et religieux (des années 1945) se recrutant
parmi les catholiques et cherchant à intégrer au christianisme certaines conceptions du
marxisme communiste ». Selon la page wikipédia consacrée à cette notion, on lit également :
« L'idée de progrès est liée, sur le plan philosophique, à une tendance profonde des Lumières qui
pensaient pouvoir transformer le monde à partir de la diffusion de connaissance dotant les êtres
humains des moyens intellectuels nécessaires à la mise en cause et à la transformation de la
société d'Ancien Régime. À la perfectibilité de l'humanité s'ajoute vers 1800 l'idée de
l'accélération du progrès scientifique et technique au début de la première révolution
industrielle. […] Le progrès du socialisme dans les pays industrialisés entraîne une évolution de la
notion vers une prise en compte de la nécessité de surmonter la misère et d'offrir à toutes les
couches de la société des conditions de vie dignes de la richesse produite par les nouveaux
moyens techniques. […] À l'ère de la division entre deux blocs, à l'époque de la guerre froide, le
camp communiste se définit par « progressiste » par opposition au camp américain
« réactionnaire », « colonialiste » ou « néocolonialiste », soumis à des « forces obscures ». […] La
conception politique commune contemporaine du progressisme dans la culture du monde
occidental est issue des vastes mutations sociales induites par l'industrialisation du monde
occidental à la fin du xixe siècle. Les progressistes du début du xx e siècle ont estimé que le
progrès était étouffé par la vaste inégalité économique entre les riches et les pauvres ;
capitalisme de laissez-faire minimalement réglementé avec des sociétés monopolistiques ; et un
conflit intense et souvent violent entre travailleurs et capitalistes, affirmant ainsi que des
mesures étaient nécessaires pour résoudre ces problèmes ».
3. Suff. issu du lat. -icus « relatif à, qui est propre à »
4. 83% des occurrences de « progressiste » appartiennent aux segments de texte de cette classe,
ainsi que 80% des occurrences de femme : ces deux termes sont donc fortement rattachés à cette
classe (chi2 de 16,15 et 11,88), ce qui témoigne d’un lien fort entre la critique des progressistes et
la représentation des femmes dans la thématique.
5. Les propos sont ici de l’ordre de l’attaque (proche de l’agression verbale si le contexte était
celui d’une interaction) plus que de la critique, car il n’y a pas d’arguments à l’endroit de cette
énumération et en lien avec les associations proposées.
6. L’analyse des similitudes représente à la fois la fréquence des formes (lemmes) dans le corpus
(taille des lemmes) et leurs associations (cooccurrences) en fonction de leur fréquence (épaisseur
des traits proportionnelle à la fréquence des cooccurrences).
7. Selon le descriptif de l’éditeur.
8. « La grande ombre boudeuse de Colombey » fait référence à Charles de Gaulle, et témoigne de
la dimension générationnelle du texte.
9. Feydau apporte une association au vaudeville, une comédie légère et divertissante, ce qui
rabaisse le combat des femmes.
10. https://theconversation.com/ce-nest-pas-eric-zemmour-le-probleme-mais-la-legitimite-que-
lui-conferent-les-medias-125271
11. https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/politique/audiences-la-hausse-tribunes-
conservees-le-triomphe-deric-zemmour-sur-cnews-112943
12. Notons que le formatage effectué par le logiciel supprime les marques de ponctuation et les
majuscules.

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13. Pour Moirand (2007 : en ligne), « les catégorisations opérées par les locuteurs lorsqu’ils
prennent la parole inscrivent en elles-mêmes une fois formulées une histoire et donc des
domaines de mémoire qui relèvent de l’interdiscursif, tout en contribuant d’autre part à la
construction des mémoires collectives ».

RÉSUMÉS
Après la diffusion en intégralité, le samedi 28 septembre 2019, du discours d’Eric Zemmour à la
« Convention de la droite », une large polémique est relayée, dans les médias et sur les réseaux
sociaux, sur l’opportunité d’une telle diffusion. Le premier ministre Edouard Philippe a qualifié
ces propos de « nauséabonds et profondément contraires à l’idée que nous nous faisons de la
France et de la République ». Entre accusations et justifications, beaucoup reconnaissent que ce
discours a posé des problèmes. Les thèmes habituels du polémiste y sont abordés, avec de
nombreux cas de propos pouvant relever de la discrimination, notamment envers les femmes.
Pour mener cette étude, cet article présente une analyse textométrique de ce discours, dont les
conclusions questionnent plus particulièrement les propos tenus vis-à-vis des femmes,
notamment dans trois chapitres spécifiques de son ouvrage, Le suicide français (2014). Au-delà,
l’article interroge la légitimité d’Eric Zemmour, en mettant en valeur le « savoir » et
l’« érudition » qu’il matérialise dans ses prises de parole, et la manière dont il parvient à auto-
légitimer ses propos – ce qui lui confère une certaine "autorité" dans les médias.

After the broadcast, on Saturday September 28, 2019, of Eric Zemmour's speech at the “Right
Convention”, a large controversy is relayed, in the media and on social networks, on the
advisability of such diffusion. Prime Minister Edouard Philippe described these remarks as
"nauseating and deeply contrary to our idea of France and the Republic". Between accusations
and justifications, many admit that this speech was problematic. The usual themes of the
polemicist are discussed there, with many cases of remarks that may relate to discrimination,
especially against women. To conduct this study, this article presents a textometric analysis of
this discourse, the conclusions of which question more particularly the remarks made about
women, in particular in three specific chapters of his book, Le suicide français (2014). Beyond that,
the article questions the legitimacy of Eric Zemmour, by highlighting the “knowledge” and the
“erudition” that he materializes in his speeches, and the way in which he manages to self-
legitimize himself – in a way that gives him a certain "authority" in the media.

INDEX
Mots-clés : analyse de discours – discours extrême – analyse outillée – discrimination de genre –
médias et discours
Keywords : discourse analysis – textometric analysis – extreme discourses – gender
discrimination – medias and discourse

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AUTEUR
JULIEN LONGHI
CY Cergy Paris universitéAGORA, IDHN, IUF

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